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Bonjour, tout le monde. La séance est ouverte. Bienvenue à la réunion numéro huit du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Nous avons deux heures, aujourd'hui. Puisque nous avons commencé en retard, nous aurons jusqu'à 18 h 14, heure de l'Est, pour entendre nos témoins pour notre étude sur les effectifs du secteur de la santé au Canada.
Avant de présenter les témoins d'aujourd'hui, je dois faire les rappels habituels concernant les réunions hybrides. La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les membres peuvent participer en personne dans la salle ou à distance avec l'application Zoom.
Je tiens à rappeler à ceux et à celles qui participent virtuellement de ne pas prendre de captures d'écran. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Toutes les recommandations des autorités sanitaires ainsi que la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021 sont en vigueur et seront appliquées.
Pour commencer, chaque organisation aura cinq minutes pour présenter sa déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions pour ce qu'il restera des deux heures.
Nous sommes très heureux d'accueillir cet après-midi les témoins suivants: M. Bacchus Barua, directeur, Études sur les politiques de santé de l'Institut Fraser, à titre personnel; le Dr Gilles Soulez, président de l'Association canadienne des radiologistes; Mme Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et infirmiers; la Dre Katharine Smart, présidente de l'Association médicale canadienne; et les représentants de SoinsSantéCAN, M. Paul‑Émile Cloutier, président et chef de la direction, et Mme Elaine Watson, directrice des ressources humaines, Covenant Health.
Merci à tous et à toutes de prendre le temps d'être avec nous et de témoigner aujourd'hui.
Nous allons suivre l'ordre de l'avis de convocation.
Monsieur Barua, vous avez la parole pour cinq minutes. Bienvenue au Comité.
Bonjour et merci de m'avoir invité à contribuer à l'étude du Comité sur les effectifs du secteur de la santé au Canada. Je suis honoré d'être ici, et j'espère que mes commentaires seront utiles aux honorables députés.
Avant toute chose, je devrais souligner que, même si je suis directeur des Études sur les politiques de santé de l'Institut Fraser, centre d'études et de recherches non partisan, l'organisation elle-même ne prend pas position. Cela veut dire que mon témoignage reflète mes propres opinions et des études qui ont été publiées.
Je crois comprendre que ma tâche aujourd'hui consiste à vous aider à situer le contexte en fournissant de l'information qui pourrait s'avérer pertinente dans le cadre des discussions futures du Comité sur le sujet. Dans cette optique, il y a trois volets que j'aimerais mettre en relief: premièrement, je veux souligner la pénurie relative de ressources médicales clés au Canada; deuxièmement, je veux distinguer les répercussions liées à la COVID des problèmes structurels; et, troisièmement, je vais examiner le problème sous l'angle de l'offre et de la demande pour cerner des solutions potentielles.
Premièrement, faisons le point. Le Canada est aux prises avec une pénurie relative de ressources médicales clés, des ressources en effectif et en capital. Selon notre plus récent rapport sur le rendement du système de santé, en 2019, sur 28 pays à revenu élevé qui offrent une assurance-maladie universelle, le Canada se classe 26e pour les médecins et 18e pour le personnel infirmier, et il se classe 25e sur 26 pour les lits d'hôpitaux ou les places en soins intensifs. Le Canada se classe également 22e sur 24 pour les unités d'imagerie par résonance magnétique et 24e sur 26 pour le nombre de tomodensitomètres par tranche d'un million d'habitants.
Il y a donc une pénurie relative. Pourtant, au cours de la même année, le Canada se classe sixième pour les dépenses en santé sur le pourcentage du PIB, et au dixième rang pour les dépenses en santé par habitant.
Deuxièmement, même s'il est important de reconnaître qu'il y a actuellement des pressions dues à la COVID, il ne faut pas les mélanger avec les problèmes structurels plus importants. Rapidement, je vais vous donner trois exemples.
Les données que j'ai mentionnées datent de 2019, donc d'un an avant la pandémie. Cela fait des dizaines d'années qu'il y a une pénurie relative de médecins au Canada. Le rapport du nombre de médecins sur la population a commencé à diminuer vers le milieu des années 1970, et a chuté davantage après le rapport Barer‑Stoddart en 1991. Il y a tout de même une légère augmentation depuis le début du millénaire. Cependant, en 2018, j'ai été le coauteur d'un rapport annonçant que, d'ici 2030, il y aura toujours au Canada moins de médecins pour 1 000 habitants que dans la moyenne des pays de l'OCDE en 2018. Il convient aussi de souligner que la pénurie relative de médecins au Canada est plus prononcée pour les spécialistes que pour les médecins de famille.
Les temps d'attente ont clairement augmenté durant la pandémie de COVID, mais cela fait des décennies qu'ils augmentent. Selon une enquête de l'Institut Fraser, le temps d'attente en 2021 est estimé à 25,6 semaines entre le moment où vous êtes aiguillé par votre médecin de famille et le moment où vous recevez le traitement médical non urgent dont vous aviez besoin. En 2019, donc un an avant la pandémie, le temps d'attente était tout de même de 20,9 semaines. Le même genre d'observations sont faites dans d'autres enquêtes internationales, par exemple celles que le Fonds du Commonwealth a entreprises en 2020 et en 2016.
Ce qu'il faut retenir, c'est que le contexte a de l'importance. La COVID a aggravé les problèmes que nous avons actuellement par rapport aux effectifs du secteur de la santé, mais elle n'en est pas la cause. De plus, l'effet cumulatif des retards dus au délestage des opérations chirurgicales, des conséquences potentiellement à long terme de la COVID et du vieillissement de la population fera inévitablement en sorte que ces problèmes vont persister longtemps après la fin de la pandémie. La question qui se pose est donc: que pouvons-nous faire?
Pour commencer, nous devons comprendre que le déséquilibre entre la demande et l'offre de services médicaux se manifeste de nombreuses façons: je parle des hôpitaux débordés, ce qui était déjà un problème avant la pandémie; du personnel surchargé, comme c'est le cas actuellement; et du rationnement des soins offerts aux patients, un problème avec lequel le Canada est aux prises depuis des décennies. Toute solution que nous retiendrons devra donc rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande en augmentant l'offre, en réduisant la demande et en harmonisant mieux les mesures incitatives.
De nombreux pays, comme la Suisse, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Australie, qui ont mis sur pied un système de santé universel et efficace s'y prennent de trois façons. Ils traitent le secteur privé en tant que partenaire ou soupape de sûreté pour composer avec la demande. Ils ont un régime de contributions financières des patients afin de réduire la demande, mais proposent également des mesures de soutien pour les populations vulnérables ainsi que des exemptions. Ils encouragent la concurrence et encouragent les traitements en finançant les hôpitaux en fonction de leurs activités, à l'inverse de l'approche canadienne du budget global.
Sans ces trois types de réformes [difficultés techniques] amélioration de la marge d'efficience. Cependant, cela coûterait de l'argent au gouvernement et n'aurait qu'une portée limitée.
Il y a un certain nombre de moyens d'élargir l'offre, par exemple: augmenter le nombre d'inscriptions et de programmes de résidence au Canada, puisque cela est aussi très important pour les médecins, par exemple. On pourrait aussi favoriser l'immigration de médecins formés à l'étranger ou d'autres travailleurs de la santé importants, comme les infirmiers et infirmières; et accroître l'adoption de nouvelles technologies, comme la télémédecine, qu'on appelle aussi les soins virtuels.
Chacune de ces mesures pose des défis uniques, sans pour autant être insurmontable. Par exemple, il faut du temps pour former des médecins au Canada, et les soins virtuels vont peut-être finir par donner lieu à des contestations en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Ce serait inutile d'avoir plus de médecins si on ne peut pas les payer ou s'ils sont incapables de se trouver du travail, deux problèmes documentés de l'approche canadienne de budget global des hôpitaux.
En résumé, il y a une pénurie relative et documentée de ressources médicales clés. Il s'agit d'une pénurie structurelle, qui persistera même quand le monde sera sorti de la pandémie. Nous pouvons effectivement trouver des solutions, dans le cadre actuel, mais, sans une réforme possiblement très importante, ces solutions seront probablement coûteuses, n'auront qu'une faible portée limitée et n'entraîneront que des réussites temporaires.
J'espère que mes commentaires seront d'une certaine utilité pour les membres du Comité.
[Français]
Monsieur le président, membres du Comité, collègues témoins, bonjour.
Je m'appelle Gilles Soulez et je suis le président de L'Association canadienne des radiologistes, professeur titulaire au département de radiologie de l'Université de Montréal et radiologiste d'intervention au Centre hospitalier de l'Université de Montréal, ou CHUM, à Montréal. C'est un honneur d'être ici avec vous aujourd'hui, malheureusement dans des circonstances difficiles pour les Canadiens qui ont besoin de soins.
Notre main-d'œuvre est épuisée et en nombre insuffisant. Nous avons besoin d'investissements à court, moyen et long termes dès aujourd'hui pour redresser la situation.
Comme vous le savez, l'imagerie médicale est la porte d'entrée dans notre réseau de santé pour diagnostiquer les maladies, mais elle est aussi nécessaire pour évaluer l'efficacité des traitements et orienter les traitements minimalement invasifs en radiologie interventionnelle. Que vous ayez un accident cérébrovasculaire, ou ACV, un cancer, un traumatisme ou des douleurs lombaires, l'imagerie médicale sera souvent nécessaire à plusieurs reprises dans votre parcours de soins.
Dans le temps qui m'est imparti, j'aborderai trois sujets: les temps d'attente excessifs et croissants; la nécessité d'investir dans les ressources humaines en santé; et les besoins en équipement de dernière génération et en technologies de l'information pour optimiser l'utilisation de nos ressources humaines.
Parlons d'abord des temps d'attente. Les Canadiens attendent trop longtemps pour les procédures d'imagerie diagnostique interventionnelles, et la pandémie n'a fait qu'aggraver la situation. Originaire de la France, je suis arrivé au Canada en 1991. À l'époque, le Canada comptait parmi les pays les plus performants pour les temps d'attente en imagerie médicale. Après 20 ans de sous-investissement dans l'infrastructure des soins de santé, les temps d'attente dépassent à nouveau le délai de priorité 3, ou délai P3, de 30 jours dans tout le pays.
Avant la pandémie, les patients attendaient en moyenne 50 jours pour un diagnostic par scanneur, ou tomodensitométrie, et de 69 à 89 jours pour un diagnostic par imagerie par résonance magnétique, ou IRM, ce qui est déjà beaucoup trop long. Ces chiffres n'ont pas cessé d'augmenter en raison de la diminution de la productivité de nos tests pendant la pandémie. Au pire de la crise, une diminution de 50 à 70 % des services de radiologie a été observée au pays.
En ce moment, les activités ne sont malheureusement pas revenues à la normale. Notre réseau de santé n'est actuellement pas équipé pour gérer de tels volumes. Si la situation persiste, nous risquons de laisser de nombreux patients non diagnostiqués et non traités.
En 2019, le Conference Board du Canada a estimé que les coûts de ces temps d'attente excessifs ont entraîné une baisse de 3,7 milliards de dollars du produit intérieur brut, ou PIB, et une perte de 400 millions de dollars de recettes fiscales en 2017. Il est clair que ces coûts seront bien pires en 2022.
Le deuxième sujet concerne les ressources humaines en santé. Les temps d'attente excessifs ont conduit à une situation où les technologues en radiation médicale et en écographie font des heures supplémentaires pour tenter de répondre à la demande. Beaucoup de ces travailleurs de première ligne sont épuisés, ils tombent malades, y compris à cause de la COVID‑19, ce qui exacerbe une situation déjà désastreuse pour les patients. Par ailleurs, le coût humain de près de 24 mois d'heures supplémentaires a eu une incidence généralisée sur ces travailleurs de la santé de première ligne. Il est de notre responsabilité de proposer un plan pour améliorer leur vie et prendre mieux soin des Canadiens.
Enfin, il faut investir dès maintenant dans les ressources humaines de la santé. Nous devons mettre en œuvre une stratégie pour accroître les ressources humaines en santé dans le domaine de l'imagerie médicale en embauchant plus de personnel, en mettant en œuvre de nouveaux programmes de formation et en élargissant les programmes existants.
Une enquête menée auprès de nos membres indique que 70 % des radiologistes considèrent le manque de personnel comme l'obstacle le plus important à la réduction des temps d'attente. À titre d'exemple, dans la région de Gatineau, près de chez vous, au Parlement, 25 % des postes de technologues ne sont pas pourvus. Les ressources humaines de la santé sont également entravées par un équipement vieillissant et souvent insuffisant ainsi que par un retard flagrant dans l'intégration des technologies de l'information. Ces technologies permettent d'optimiser le processus organisationnel et le débit de travail avec moins d'interventions humaines répétitives. Elles permettent aussi de s'assurer de la pertinence des examens dans une prescription et de diminuer les examens inutiles.
Nous devons travailler plus intelligemment pour améliorer notre performance tout en protégeant notre personnel.
Un investissement dans l'équipement d'imagerie médicale est nécessaire. En 2019, le Conference Board du Canada a estimé qu'environ 30 % de notre équipement d'imagerie médicale diagnostique avait 10 ans ou plus. L'investissement dans l'équipement d'imagerie diagnostique partout au pays est au plus bas depuis 20 ans. L'équipement d'imagerie plus récent, notamment l'IRM, mais aussi le scanneur, permet de diminuer le temps d'examen en offrant une meilleure performance diagnostique et moins de radiation pour les patients.
Par exemple, l'utilisation de l'intelligence artificielle dans des unités récentes et les nouvelles fréquences rapides permettent de diminuer de 30 % le temps d'examen en IRM.
Notre équipement vieillissant nous expose aussi à des pannes plus fréquentes qu'auparavant, ce qui aggrave malheureusement le problème.
En 2003, le gouvernement fédéral, sous la direction de M. Paul Martin, a injecté 1,5 milliard de dollars dans l'équipement d'imagerie médicale. Cela a réellement aidé le Canada à assurer un accès équitable à l'imagerie médicale pour tous les Canadiens.
Le moment est venu d'investir dans une stratégie au chapitre des ressources humaines en santé pour la radiologie et dans l'acquisition d'équipement d'imagerie médicale performant afin d'éviter de paralyser notre système de soins de santé et de garantir que les patients reçoivent le bon test au bon moment, ce qui permet de sauver des vies.
Pour résumer, les temps d'attente excessifs et croissants en imagerie médicale bloquent l'efficience dans l'ensemble de notre système de santé, car notre action est déterminante dans le processus de soins au patient. Il faut rapidement investir pour favoriser le recrutement et la rétention des ressources humaines en imagerie médicale. Nous avons besoin d'équipement d'imagerie plus performant et de technologies d'information pour optimiser à nouveau le processus opérationnel tout en préservant nos ressources humaines.
Un investissement de 6 milliards de dollars a été inclus dans la plateforme électorale libérale de 2021 pour réduire les temps d'attente, et l'IRM a été précisément mentionnée, car c'est vraiment le domaine où il y a le plus de retards.
L'investissement de 1,5 milliard de dollars dans les ressources humaines et l'équipement profitera non seulement à nos intervenants de première et deuxième ligne, mais surtout...
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Bonjour, tout le monde.
Je m'adresse à vous depuis Ottawa, depuis le magnifique territoire des peuples algonquins et Anishinabe.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité au nom de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et infirmiers. Comme vous le savez, je m'appelle Linda Silas, et je suis la présidente nationale.
Je tiens à féliciter le comité de la santé d'avoir entrepris cette importante étude. Dans mon milieu, on aurait appelé cela une étude sur le maintien en poste et le recrutement, parce que, si vous n'arrivez pas à maintenir vos infirmières et infirmiers en poste, vous n'arriverez jamais à en recruter d'autres.
Même avant la pandémie, le personnel infirmier était au bout du rouleau. Selon un rapport publié par l'Université de Regina sur la santé mentale des infirmières, pour lequel plus de 7 000 infirmières ont été questionnées, les membres du personnel infirmier présentent des symptômes de troubles de stress post-traumatique, d'anxiété et de dépression majeure à des taux similaires ou supérieurs à ceux des agents de la sécurité publique. En 2019, 29 % des infirmiers et infirmières présentaient des symptômes d'épuisement professionnel graves. Aujourd'hui, c'est 45 %.
Les effectifs du secteur de la santé représentent plus de 10 % de la main-d'œuvre canadienne, plus des deux tiers des dépenses dans le domaine de la santé et près de 8 % du PIB total du Canada. Le personnel infirmier constitue le plus important groupe de professionnels réglementés au Canada. Nous comptons plus de 450 000 infirmières et infirmiers, qui sont responsables de la plus grande partie des soins directs et en personne fournis dans le système de santé canadien. La FCSII est fière de représenter la plupart de ces travailleurs et travailleuses, qui prennent soin de leurs patients 24 heures sur 24, sept jours sur sept, que ce soit dans les unités de soins intensifs ou dans les unités de soins de longue durée.
Le Conference Board du Canada a récemment annoncé que, d'ici 2026, le Canada risque de perdre 20 % de ses effectifs dans le secteur de la santé à cause des retraites. Je rappelle que plus de 50 % des effectifs de la santé sont des infirmières ou des infirmiers. D'ailleurs, Statistique Canada a signalé que, sur une période de deux ans, le nombre de postes d'infirmières à combler avait plus que doublé. La FCSII a mené une enquête auprès des infirmiers et infirmières à l'échelle du Canada, juste avant la vague du variant Omicron, et 80 % d'entre eux ont déclaré qu'il n'y avait pas assez de personnel pendant les quarts de travail pour répondre aux demandes des patients ou des résidents des unités de soins de longue durée.
Les infirmières et infirmiers doivent aussi couramment faire des quarts de travail de 16 à 24 heures, dans certaines provinces ou certains territoires. Cela n'est pas sécuritaire. Qu'arrive‑t‑il quand vous commencez votre quart à 7 heures du matin, que vous pensez avoir fini à 15 heures ou à 19 heures, mais qu'on vous dit que vous devez rester obligatoirement parce qu'il manque de personnel? C'est le genre de choses qui arrivent à des infirmières comme Pauline, une mère célibataire avec deux enfants. Qui peut-elle appeler à 19 heures pour aller s'occuper de ses enfants? Il y a aussi Yvette, qui doit porter un EPI complet qui ressemble à une combinaison d'astronaute durant tout son quart de travail. Elle ne peut même pas aller boire un verre d'eau, parce que les salles de repos sont toutes soit trop petites, soit carrément fermées. Et là, on lui demande de rester un peu plus longtemps.
Une infirmière sur deux dit songer à quitter son poste actuel d'ici un an, et j'imagine que vous comprenez pourquoi. La vérité, c'est que nous pouvons nous attendre à ce qu'encore plus d'infirmières et d'infirmiers quittent la profession si nous ne prenons pas immédiatement des mesures.
Avant de conclure, je veux vous faire part de deux commentaires d'infirmières qui travaillent, aujourd'hui, pendant que je suis sur Zoom pour vous parler en leur nom. L'une a dit: « Être infirmière, c'est ma vie, et j'ai adoré l'être pendant plus de 20 ans. Je déteste avoir l'impression que c'est le pire emploi du monde, maintenant, et que personne ne se soucie de ce que nous devons endurer. » Une autre m'a dit: « Je prépare mon départ. »
Je vous implore de les écouter et de vous engager à financer immédiatement des projets novateurs pour maintenir en poste les infirmières chevronnées, mais aussi les nouvelles infirmières qui viennent de recevoir leur diplôme et qui ne survivront pas à ce travail à moins que les choses ne changent radicalement. Je vous en supplie, ne jouez pas à jeter le blâme sur l'autre parti. Vous représentez les Canadiens et les Canadiennes de tout le pays, y compris les infirmières et les infirmiers, les patients et les patientes du Canada.
L'heure est venue de discuter de solutions comme du financement pour les étudiants et étudiantes, les programmes de préparation à l'emploi, les initiatives de maintien en poste du personnel infirmier chevronné et les initiatives visant les nouveaux diplômés, un ratio infirmière-patients sécuritaire, des conditions de travail sécuritaires sans violence ni temps supplémentaire obligatoire, des emplois permanents à temps plein avec des salaires et des avantages respectables et un organisme national ayant pour mandat de fournir les meilleures données et les meilleures stratégies aux provinces et territoires.
Le moment est critique pour les infirmières et infirmiers ainsi que pour les gens dont nous prenons soin. Cela fait des années que nous voyons venir la crise qui nous frappe. Si nous n'agissons pas maintenant, nous risquons une défaillance complète de notre précieux système universel de soins de santé publique.
Je remercie encore une fois les membres du Comité.
Je répondrai à vos questions plus tard.
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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis la Dre Katharine Smart. Je m'adresse à vous depuis le territoire traditionnel de la Première Nation de Kwanlin Dün et du Conseil des Ta'an Kwäch'än. Je suis pédiatre au Yukon.
À titre de présidente de l'Association médicale canadienne, c'est un honneur pour moi de représenter les médecins et les étudiants en médecine de l'ensemble des provinces et des territoires. Le système de santé a été poussé au‑delà de ses capacités, et nous en avons tous subi les contrecoups.
Pour les travailleurs de la santé, la pandémie est un défi incessant. Nous sommes exténués, épuisés et démoralisés. En prenant soin des patients dans un système déjà défaillant, nous avons été poussés à bout. À chaque vague, nous sommes encore plus débordés, et ce n'est pas sans conséquence pour les effectifs et le système. Il s'agit de la plus grande crise que nous ayons jamais connue dans le secteur de la santé.
L'automne dernier, l'AMC a coanimé, avec l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, un sommet d'urgence qui réunissait près de 40 organisations de santé représentant notamment du personnel infirmier, des médecins, des inhalothérapeutes, du personnel préposé aux services de soutien à la personne, des psychologues ainsi que des établissements d'enseignement. Tous étaient d'accord pour dire que nous traversons une crise sans précédent.
L'AMC salue évidemment l'engagement du gouvernement fédéral jusqu'ici en réponse à la pandémie, mais cette dernière n'est toujours pas terminée, et lorsqu'elle le sera, les répercussions se feront sentir dans les soins de santé pendant encore de nombreuses années. Les travailleurs de la santé comptent sur le leadership du gouvernement fédéral pour trouver une solution. En les aidant, vous aidez les Canadiens et Canadiennes, aujourd'hui et demain.
Monsieur le président, la présente étude sur les effectifs du secteur de la santé au Canada est la bienvenue. Il y a d'autres leçons à tirer de cette crise. Permettez-moi de vous dire ce qui se passe en ce moment. Les médecins sont plus épuisés que jamais. Plus de la moitié d'entre eux signalent un niveau élevé d'épuisement professionnel, soit presque deux fois plus qu'avant la pandémie, et presque 50 % ont dit qu'ils allaient probablement ou très probablement réduire leurs heures de travail cliniques au cours des 24 prochains mois.
Les répercussions de cette situation pourraient être catastrophiques. Plus de cinq millions de Canadiens et de Canadiennes n'ont pas de fournisseur de soins de santé attitré, et parmi ceux et celles qui en ont un, seulement 48 % ont pu obtenir un rendez-vous dans les 48 heures. Pour les collectivités rurales et éloignées ainsi que les populations vulnérables et à risque, la situation est encore pire.
Par ailleurs, les médecins et le personnel infirmier qui pratiquent dans une nouvelle province ou un nouveau territoire sont confrontés à des obstacles. Il faut revoir les cadres réglementaires actuels de délivrance de permis et passer à un modèle pancanadien. Cela permettrait aux professionnels de la santé de travailler là où ils le souhaitent et où les besoins sont les plus criants. Il est temps d'éliminer ces obstacles réglementaires inutiles.
Avant la pandémie, notre système de soins de santé battait déjà de l'aile. Aujourd'hui, il est plus fragile que jamais. Pire encore, les personnes qui prennent soin des patients finissent par quitter la profession tant elles sont épuisées. Cela ne manquera pas de toucher tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, de mettre leur santé et leur accès aux soins en péril. Cette crise a pris des proportions qui dépassent les capacités de gestion des provinces et des territoires.
Nous savons que les premiers ministres provinciaux et territoriaux comptent sur une augmentation du financement fédéral, sans condition. Nous croyons qu'il faut plus d'investissements stratégiques fédéraux dès maintenant pour soutenir la reconstruction du système de santé canadien.
D'abord, il faut un leadership fédéral pour créer un cadre pancanadien de planification intégrée des ressources humaines de la santé. Nous avons besoin d'une approche intergouvernementale, dirigée par le gouvernement fédéral.
Ensuite, il est temps pour le gouvernement fédéral d'honorer son engagement à verser 3,2 milliards de dollars pour élargir l'accès des patients aux médecins de famille et aux équipes de soins primaires. De cette somme, l'AMC recommande que 1,2 milliard de dollars sur quatre ans aille directement au fonds d'accès aux soins primaires et que 2 millions de dollars soient alloués à l'évaluation de la capacité de formation interprofessionnelle des médecins de famille et des autres professionnels du secteur des soins primaires. Le développement des soins primaires collaboratifs interprofessionnels est essentiel si nous voulons augmenter l'accès aux soins.
Enfin, nous devons abolir les obstacles auxquels sont confrontés les professionnels de la santé en permettant l'adoption d'un permis d'exercice pancanadien. Les professionnels de la santé doivent pouvoir se déplacer entre les provinces pour fournir des soins là où ils sont requis.
Ces dernières décennies ont été marquées par des avancées remarquables en médecine, mais les travailleurs de la santé demeurent essentiels, car ce sont eux qui assurent les services de première ligne. Il est donc crucial que le gouvernement prenne des décisions pour assurer leur protection. Nous avons besoin du soutien du fédéral pour la suite des choses.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et chers collègues. Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis accompagné de ma collègue, Mme Elaine Watson, qui est la directrice des ressources humaines à Covenant Health, en Alberta, l'un des plus grands établissements catholiques de soins de santé au pays. Mme Watson est également coprésidente du Comité consultatif des ressources humaines en santé de SoinsSantéCAN. Elle sera disponible pour répondre à bon nombre de vos questions.
[Français]
En tant qu'organisation nationale représentant les hôpitaux, les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé, les leaders de la santé ne cessent de nous répéter que les ressources humaines sont le premier défi auquel nous devons faire face et que nous devons le régler le plus vite possible.
[Traduction]
C'est un problème sérieux, parce que la prestation des soins de santé est assurée par des personnes, et les travailleurs de soins de santé sont le fondement de notre système de santé. Je félicite le Comité d'avoir entrepris cette étude importante et opportune sur une question qui a été négligée pendant trop longtemps.
Les travailleurs de la santé ne sont pas seulement les infirmières, les médecins et les travailleurs auxiliaires. Ce sont aussi les employés de soutien, de garde et d'administration, les chercheurs, les techniciens de laboratoire et les équipes de direction qui travaillent dans le système de santé. Toutes ces personnes sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du système et la prestation de soins de qualité à la population canadienne.
Lorsque nous cherchons à élaborer des solutions aux problèmes d'effectifs du secteur de la santé, nous devons tenir compte de toutes ces personnes, plutôt que d'adopter une approche cloisonnée, par profession. Le surmenage et l'épuisement professionnel d'un trop grand nombre d'employés du secteur de la santé en raison de la pandémie ont rendu critique une situation déjà précaire. Il y a actuellement de nombreux postes vacants dans le pays et dans tout le système, et on peut s'attendre à ce qu'il y en ait encore plus lorsque la pandémie sera terminée, car bien des travailleurs de la santé décideront de prendre une retraite hâtive, d'occuper des postes moins exigeants dans le système de santé ou de quitter complètement le système.
Alors que les vagues successives de la pandémie ont augmenté la demande sur le système, les besoins en soins de santé demeurent, même si le pire de la COVID‑19 semble derrière nous. Le système de santé est toujours aux prises avec une demande accrue, car les travailleurs de la santé s'efforcent de rattraper les retards dans les interventions médicales, de soigner les gens dont les traitements ont été retardés et qui sont donc plus malades, et de traiter une population qui vit plus longtemps, mais avec des troubles plus complexes et plus chroniques.
Nous devons repenser tout notre système de santé, et la résolution des problèmes d'effectifs doit être au cœur de cette démarche pour renforcer la résilience du système et nous assurer qu'il puisse répondre aux besoins de la population en matière de soins.
[Français]
Nous avons besoin de solutions innovantes à court et à long terme pour répondre aux préoccupations des professionnels de la santé. Une main-d'œuvre de la santé adaptée et en nombre suffisant, au bon endroit et au bon moment pour répondre aux besoins des populations partout au Canada, est tout à fait primordiale.
SoinsSantéCAN souhaite faire certaines recommandations au gouvernement fédéral par l'entremise de votre comité.
[Traduction]
La première recommandation est d'améliorer le processus d'immigration pour mieux tirer parti des compétences des nouveaux arrivants et pour aider à répondre aux besoins actuels du système de santé à court et à moyen terme.
La deuxième est de collaborer avec les autres ordres du gouvernement, les organismes de réglementation des professions et les établissements d'enseignement pour accroître le nombre de professionnels de la santé formés au Canada qui occupent les bons postes pour répondre aux besoins à long terme.
La troisième est de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organisations de soins de santé de tout le pays pour soutenir la santé, le bien-être, la sécurité et la résilience des effectifs du secteur de la santé. Cette mesure pourrait inclure une hausse des investissements fédéraux dans la recherche en santé mentale et en bien-être mental, ainsi que dans des programmes et des ressources s'adressant spécifiquement aux travailleurs de la santé.
La dernière recommandation est de mettre en place un organisme pancanadien sur les effectifs du secteur de la santé et le charger de la collecte de données stratégiques et normalisées et de la recherche et de la planification en cette matière, pour nous aider à mieux comprendre les effectifs actuels et les besoins futurs. Cet organisme pourrait travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les organismes de réglementation et les intervenants de soins de santé et utiliser les renseignements recueillis pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies visant à régler les problèmes systémiques relatifs aux effectifs du secteur de la santé.
[Français]
Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et qu'il s'attaque à ces problèmes en collaboration avec les provinces, les territoires et toutes les parties prenantes du secteur de la santé.
[Traduction]
Le statu quo n'est clairement plus viable. Le défaut d'agir dès maintenant entraînera une diminution de la qualité des soins, une augmentation des temps d'attente et une aggravation des résultats en matière de santé.
Merci.
:
Merci, monsieur Cloutier.
Avant de commencer la période de questions, je veux m'assurer que je n'ai pas dit quelque chose de faux au Comité. J'ai dit au début que nous allions siéger jusqu'à 19 h 14. Ce que j'aurais dû dire est que nous avons le soutien des braves gens de la Chambre des communes pendant deux heures complètes, si le Comité désire siéger pendant deux heures complètes.
Regardez ça, je suis encore à l'heure de l'Atlantique, même si je suis à Ottawa.
Le Comité veut‑il siéger jusqu'à 18 h 15?
J'ai le consentement des membres dans la salle et à l'écran. Excellent.
Nous allons passer à la période de questions, en commençant par le Parti conservateur.
La parole va à M. Ellis pour six minutes
:
Je vais seulement répondre en ce qui concerne les médecins, parce que c'est vraiment sur cette question que nous nous sommes penchés.
Ce que je peux dire, c'est que, en 2019, comme je l'ai mentionné, le Canada s'est classé 26e sur 28 pays pour le nombre de médecins par tranche de 1 000 habitants. Je n'ai pas les données sous les yeux présentement, mais je crois que cela voulait dire environ 2,8 médecins par 1 000 habitants, en comparaison de la moyenne des pays de l'OCDE qui est d'environ 3,8. C'est possible que mes décimales ne soient pas exactes. Les calculs seraient donc fondés là‑dessus.
Bien sûr, il est très, très important de formuler les questions avec précision. Par exemple, comme je l'ai dit, le Canada fait aussi bien, ou même un peu mieux que les autres, en ce qui concerne les médecins de famille par tranche de 1 000 habitants, mais fait nettement pire du côté des spécialistes. Malgré cela, la demande pour un médecin de famille continue d'être un grave problème présentement. À mon avis, cela montre vraiment qu'il y a un effet d'étranglement, parce que les gens essaient d'aller à l'hôpital, essaient de recevoir un traitement, mais ils doivent entretemps être traités par un médecin de famille.
Avec ces ratios, comme je l'ai dit, même si je ne connais pas les chiffres absolus, cela vous donne une idée générale de l'écart qui nous sépare de la moyenne des pays de l'OCDE. C'est sans compter [difficultés techniques].
Je tiens moi aussi à remercier tous les témoins. Il est clair que cela n'a été facile pour aucun d'entre vous de décrire en cinq minutes l'état des ressources humaines du secteur des soins de santé, mais je vous suis très reconnaissant de nous avoir présenté différents points de vue.
Je veux souligner qu'il arrive à peu près une fois tous les 100 ans seulement qu'un médecin devient député du Yukon, et seulement à peu près tous les 23 ans qu'une Yukonnaise est présidente de l'AMC. Pour souligner cette occasion, je vais adresser ma première question à ma collègue et amie, la Dre Smart.
J'aimerais en savoir un peu plus sur la façon dont, selon vous, l'épuisement professionnel a une incidence non seulement sur les chiffres, mais aussi sur la productivité des médecins en général.
Je vous prie de répondre rapidement et avec concision, dans la mesure du raisonnable, afin que je puisse poser toutes mes autres questions.
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C'est une très bonne question.
Si on prend l'imagerie, il ne fait aucun doute qu'il faut un investissement en capital assez important, mais les retards de diagnostic entraînent aussi des coûts très élevés. Il faut donc prendre en considération cet équilibre entre l'argent que nous versons, l'investissement, et le rapport coût-efficacité des avantages que cela apportera pour le flux de travail et la prise en charge des patients. De ce point de vue‑là, c'est clair qu'il y a de plus en plus d'investissements actuellement dans les technologies de l'information, les nouvelles technologies qui faciliteront le flux de travail et qui nous permettront de traiter plus de patients, avec plus d'efficience et en moins de temps. Si nous ciblons nos investissements, nous pouvons aller chercher un bon rendement du capital investi.
Un autre exemple est le système d'aide à la décision clinique. Ce type de système d'information permet à un médecin de première ligne de faire une demande d'imagerie; lorsqu'il fait sa demande, il reçoit des conseils et peut s'assurer que sa demande est appropriée et pertinente pour son patient. Si ce genre de système était utilisé dans tout le Canada, nous pourrions éliminer 10 ou 15 % d'examens inutiles, ce qui offrirait un excellent rendement sur le capital investi.
Nous devons vraiment chercher à trouver cet équilibre.
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Je ne crois pas que nous avons la bonne combinaison, mais je ne suis pas certain de savoir quelle serait la bonne combinaison. Je crois que le message que nous voulons transmettre au Comité aujourd'hui est que nous devons examiner le problème très attentivement et tenir compte de tous les professionnels qui font partie du système de santé.
Vous avez dit, il y a à peine quelques secondes, combien de personnes étaient parties à cause de l'épuisement professionnel, et c'est beaucoup de personnes. Nous avons fait un sondage en Ontario avec l'Association des hôpitaux de l'Ontario. Sur l'ensemble du personnel hospitalier, entre 2020 et 2021, 45 % ont démissionné. Pour ce qui est du personnel infirmier et du personnel infirmier autorisé spécifiquement, 71 % des infirmières et infirmiers ont démissionné entre 2020 et 2021. Pour ce qui est des services fournis aux médecins et au personnel infirmier, environ 40 % du personnel a démissionné entre 2020 et 2021.
Clairement, le message du système est qu'il ne fonctionne pas. Beaucoup de gens partent à cause de l'épuisement professionnel. Ils voient que le système ne change pas et qu'il ne s'améliore pas.
Ce que je redoute, par rapport à votre étude, c'est que si nous n'examinons pas le système dans son ensemble, avant de commencer à dire faisons ceci pour les infirmières, faisons cela pour les radiologistes, faisons... Je sais qu'il y a des besoins dans l'ensemble du système. Je ne veux pas vous critiquer, mais, si vous cherchez seulement à régler le problème pour les médecins et le personnel infirmier, sans réparer le système dans son intégralité, vous n'allez pas rendre service aux Canadiens et aux patients qui ont besoin de soins. C'est ce que je pense.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier l'ensemble des témoins d'avoir contribué à faciliter notre compréhension du problème ainsi qu'à la recherche de solutions.
Je vais m'adresser principalement à MM. Soulez et Cloutier.
Docteur Soulez, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous subissions la troisième vague de la pandémie, et nous parlions alors de problèmes structurels. Aujourd'hui, quand on me parle de problèmes liés à la rétention de la main-d'œuvre en fonction de conditions de travail, je me rends compte que nous n'éprouvons pas des problèmes conjoncturels, mais des problèmes antérieurs à la pandémie, que celle-ci a exacerbés. Il s'agit donc de problèmes structurels.
En ce sens, cela n'exige-t-il pas d'avoir des solutions structurelles?
Ajoutons à cela la question du sous-financement chronique. Lors de la première vague, on a dit qu'un sous-financement chronique nous avait fragilisés. Nous vivons présentement une situation apocalyptique. Il y a une bombe à retardement dans les réseaux de la santé, qui aura peut-être un effet pendant les 10 prochaines années.
Ne faudrait-il pas alors parler de financement structurel?
Docteur Soulez, je vous laisse répondre à cette première question. Je me tournerai ensuite vers M. Cloutier.
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Votre remarque est très pertinente.
Ce qui se produit, c'est que les budgets de fonctionnement des provinces leur permettent seulement de régler les problèmes immédiats et d'offrir des services, mais c'est très difficile à l'heure actuelle pour les provinces. On a l'impression d'avoir une stratégie d'infrastructures et de réorganisation du système de santé.
Il est indéniable qu'il faut du financement additionnel pour mettre en œuvre ces réformes à long terme. Nous parlons d'investissements structurels. À mon avis, il faut avoir une excellente collaboration avec les provinces pour réussir à définir les besoins, parce qu'ils ne sont pas les mêmes partout. Les besoins peuvent assurément être différents d'une province à l'autre. Il faut donc avoir une stratégie souple, favorisant l'intégration, et qui permettrait aux différentes provinces d'investir dans les secteurs prioritaires, mais toujours avec l'aide du gouvernement fédéral pour ce qui est des investissements structurels. Cela signifie qu'il faut des investissements à long terme.
Comme je l'ai dit plus tôt, il faut s'assurer d'obtenir un rendement des investissements, mais sans avoir à payer la facture d'épicerie, si je peux m'exprimer ainsi.
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C'est une très bonne question.
Je rejoins un peu les propos tenus par le Dr Soulez il y a quelques minutes. Il y a un manque de financement évident au Canada pour aider le système de santé de façon adéquate. Je ne le cache pas, les besoins sont énormes.
Ma plus grosse crainte, monsieur Thériault, c'est que si nous accordons un financement sans savoir pourquoi, sans savoir le but que nous voulons atteindre ni les changements que nous voulons apporter dans le système, il se peut que nous nous retrouvions dans la même situation que dans le passé, c'est-à-dire que des fonds seront alloués à des secteurs où il n'y aura presque pas de résultats.
Je pense que les Canadiens et même les premiers ministres des provinces ont un rôle à jouer. J'ai écrit à tous les premiers ministres dans le cadre de la conférence du Conseil de la fédération pour leur faire savoir que nous étions d'avis que le gouvernement fédéral devait jouer un rôle primordial dans le financement du système de santé, voire un rôle plus important que celui joué aujourd'hui. Il doit jouer ce rôle de façon stratégique afin de répondre aux priorités de chacune des provinces.
Par exemple, nous avons un budget de 4,5 milliards de dollars pour la santé mentale, mais la santé mentale englobe un vaste champ de domaines. Certaines provinces auront peut-être une priorité dans certains secteurs de la santé mentale, tandis que d'autres n'auront pas la même priorité. C'est là que nous demanderons aux politiciens d'être un peu plus flexibles, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral est prêt à accorder des fonds aux secteurs prioritaires, tout en assurant une certaine reddition de compte pour ce qui est des résultats. Je pense que c'est ce que les Canadiens veulent vraiment voir aujourd'hui.
Pour répondre à votre question, il y a un manque considérable de fonds fédéraux destinés aux provinces. Selon l'étude de Deloitte parrainée par l'Association médicale canadienne, ou AMC, juste pour s'occuper des soins qui n'ont pas eu lieu, il peut en coûter jusqu'à 1,3 milliard de dollars. C'est une somme dont les provinces ne disposent pas en ce moment, et je ne pense pas qu'elles pourront fournir ces sommes aux hôpitaux.
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Oui, c'est vrai, depuis aussi longtemps que moi.
Docteure Smart, peut-être pourrais‑je m'adresser à vous, maintenant. Je me souviens, il y a longtemps, en 2007, que Jack Layton, l'ancien chef de notre parti, était parti en croisade pour qu'il y ait plus de médecins de famille. Je crois que, à cette époque, cinq millions de Canadiens et de Canadiennes n'avaient pas accès à un médecin de famille.
Je vais vous poser rapidement trois questions, et vous pouvez répondre à chacune d'entre elles.
Premièrement, vous avez parlé de l'épuisement professionnel. Je me demandais si vos membres avaient montré un quelconque intérêt pour passer de la rémunération de type paiement à l'acte, à une structure davantage salariale; ce serait une solution qui pourrait peut-être aider les médecins qui ont l'impression d'être forcés à voir beaucoup de patients. Est‑ce que c'est une idée qui mérite qu'on s'y attarde?
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Certainement. C'est une excellente question.
Croyez-moi, les données ne sont pas du tout uniformes dans tout le pays. Il n'y a pas de plan normalisé quant à ce que vous obtenez et pourquoi vous l'obtenez. Je pense que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de rassembleur, de facilitateur, pour obtenir ce type de données, et travailler en collaboration avec les provinces, les organismes de réglementation et les grandes associations nationales de la santé pour recueillir certaines données. Au bout du compte, ce que l'on veut, c'est un système uniforme dans tout le pays, afin de savoir exactement où il y a une pénurie de personnel infirmier, de médecins ou de techniciens.
Quand on parle d'épuisement professionnel — et je dois le dire, et je sais que cela n'a rien à voir avec votre question, monsieur Davies —, je parlais avec quelques-uns de nos PDG membres. En ce moment, on a très peur que, après la COVID, un grand nombre de nos gestionnaires, qui sont responsables dans des hôpitaux, les hôpitaux de recherche, disent tous « Hasta la vista, je veux partir. J'en ai assez. »
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Je suis Shelby Kramp-Neuman, députée de Hastings—Lennox et Addington.
J'aimerais commencer par remercier chacun de vous de votre présence. Je ne suis aucunement médecin, donc je suis heureuse d'être entourée de personnes possédant votre niveau d'expertise. C'est mon premier mandat et ma première fois devant le comité de la santé. Je suis ravie d'être ici.
Je vais commencer par intervenir sur quelque chose dont on a déjà discuté, soit la question de l'épuisement professionnel, de la charge de travail, des facteurs de stress et de l'anxiété.
Il y a quelques années, la profession d'infirmière était une profession très recherchée. Cela devrait toujours être le cas, mais quand vous faites partie du personnel infirmier pendant une pandémie, c'est le dernier endroit où vous voulez être. Nous devons nous efforcer de réparer l'image de la profession et d'encourager les gens à intégrer le marché du travail. Je vais en parler un peu plus précisément.
La charge de travail excessive en raison de l'insuffisance des ressources humaines dans le personnel de santé existait avant la COVID, et en fait, elle a été accentuée par la COVID. Les facteurs de stress supplémentaires et l'anxiété causés par la pandémie ont conduit à un épuisement professionnel supplémentaire. La santé mentale est un enjeu majeur, et les conséquences que nous constatons tous chez nos collègues, nos voisins et nos amis, surtout dans le domaine de la santé, sont l'anxiété et la dépression.
Vous avez déjà parlé de certains taux. Cinquante pour cent des personnes sont épuisées et 45 % veulent démissionner. On en a déjà parlé, mais estimez-vous que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle pour fournir des soutiens particuliers aux professionnels de la santé et aux fournisseurs de soins de santé dans leurs organisations respectives? Quel est, d'après vous, le rôle que nous pouvons jouer pour offrir une solution en ce qui concerne la maladie mentale, les facteurs de stress et l'anxiété? C'est une grande question.
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Je peux répondre. Merci de poser la question.
Nous savons qu'il y a actuellement d'énormes obstacles qui empêchent les diplômés en médecine à l'étranger de pratiquer au Canada. De nombreux médecins vivent ici et ont été formés dans d'autres pays, mais ne travaillent pas dans le réseau de soins de santé. Nous pouvons éliminer de nombreux obstacles à l'aide d'initiatives du gouvernement fédéral.
La question est de savoir si l'on peut former et évaluer des gens dans notre réseau, et quels en sont les coûts et les obstacles. Le gouvernement fédéral peut soutenir ce domaine.
L'autre question, c'est le processus d'évaluation et d'agrément. Je fais allusion à la nécessité de mettre en place un permis d'expérience pancanadien pour les médecins. Nous avons ce même processus, où chaque province et chaque territoire a sa propre façon d'évaluer les titres de compétence, de former et d'agréer les diplômés en médecine de l'étranger. Cela crée un énorme obstacle administratif.
Nous estimons que le gouvernement fédéral a assurément la possibilité de soutenir les diplômés en médecine étrangers pour qu'ils aient un meilleur accès au réseau, à la formation, à la supervision et à l'évaluation dont ils ont besoin pour intégrer notre réseau. Il faut aussi s'assurer que le processus d'agrément est plus transparent et clair et qu'il ne comporte pas d'obstacles.
Il y a, bien sûr, des préoccupations d'ordre éthique liées au fait que, au Canada, nous ne créons pas suffisamment de ressources humaines en matière de santé dans notre propre pays et que nous prenons ces ressources dans d'autres pays. Nous pensons que, à long terme, nous devons être autonomes pour former assez de ressources ici. Cependant, de nombreux médecins, membres du personnel infirmier et d'autres professionnels de la santé sont déjà ici, au Canada, et ne peuvent pas actuellement pratiquer.
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Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins.
Avant de poser ma question, en mon nom, au nom de mes collègues du Comité ainsi qu'au nom des 338 députés et de tous les Canadiens, veuillez faire part de notre gratitude à tous vos membres. Nous vous remercions et remercions vos membres de ce que vous avez fait au cours des deux dernières années et de ce que vous continuez de faire, malgré toutes les incertitudes et les inconnus. Merci d'assurer notre protection.
Des députés: Bravo!
M. Majid Mowhari: Encore une fois, merci de vos témoignages.
J'écoutais le témoignage. Il semble que les soins virtuels s'imposent comme l'un des moyens par lesquels nous pourrions peut-être combler l'écart. J'ai parlé de l'écart.
Pour ma première question, j'aimerais commencer par M. Barua.
Vous avez parlé de l'OCDE. Vous avez parlé de ce que j'ai considéré comme étant l'écart entre le financement et la prestation. Il semblait que nous étions au sixième ou septième rang pour ce qui est du montant de nos investissements en matière de soins de santé. Cela nous classe dans les 20 % supérieurs, mais nous nous classons au 25e ou 26e rang sur 38 pour ce qui est de la prestation ou de la capacité.
Comment expliquez-vous cet écart? Si nous voulons combler cet écart au moyen du financement actuel, où en serions-nous? Comment pouvons-nous nous mesurer à ceux qui sont classés sixième et septième et dont la prestation se situe dans les 20 % supérieurs?
Je ne sais pas lequel d'entre vous, madame Silas, docteure Smart ou monsieur Cloutier, peut y répondre, mais j'ai deux questions.
Premièrement, quelles mesures le gouvernement fédéral peut‑il ou devrait‑il prendre en vue d'améliorer la reconnaissance des titres de compétence des travailleurs de la santé formés à l'étranger? Cette question est récurrente dans notre pays.
Deuxièmement, je suppose que notre système d'immigration constitue, à tout le moins, une partie de la solution à la pénurie de personnel médical que nous constatons. Comment pouvons-nous utiliser plus efficacement notre système d'immigration pour combler certaines de ces pénuries?
Cette question s'adresse à n'importe lequel de vous trois qui a une opinion sur le sujet.
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Je suis d'accord avec Mme Watson. Nous avons au Canada un réseau qui est surréglementé par les provinces et les territoires. La Dre Smart en a parlé. Il est très difficile pour toutes les provinces et tous les territoires de recruter à l'extérieur de notre pays, car il n'y a littéralement aucun soutien.
Je vais faire valoir, comme l'a mentionné la Dre Smart, la nécessité de former notre propre personnel. Notre pays est vaste. Les soins infirmiers, la médecine, la radiologie, etc. sont tous de belles professions. Nous devons en faire de grandes professions.
La clé, comme l'a dit Mme Watson, consiste à aider les professionnels de la santé formés à l'étranger qui viennent dans notre pays et à faire en sorte qu'ils se sentent les bienvenus lorsqu'ils s'établissent dans notre pays, en particulier dans les régions rurales et éloignées. Il est très difficile d'aller vivre dans des régions rurales et éloignées quand on n'a jamais vécu au Canada. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à cet égard pour aider l'ensemble des provinces et des territoires.
Cela nous ramène à notre principale recommandation. Nous devons réunir tous les experts pour savoir quelles sont les meilleures stratégies et les meilleures pratiques dans le monde, afin que nous puissions nous en inspirer. Nous pouvons les adopter et les mettre en œuvre dans notre pays.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins. Je reprends à mon compte les remerciements de mes collègues.
Monsieur Barua, je vais revenir à vous. Je vais faire un aveu. Lorsque j'ai voté pour la première fois en 1988, j'ai voté pour le NPD. Il s'agit d'une divulgation complète.
Des députés: Ha, ha!
L'hon. Mike Lake: La raison pour laquelle j'ai changé de parti politique au fil des ans — je parle souvent à mes étudiants d'université, qui me posent cette question — ce n'est pas parce que les choses qui me tiennent à cœur ont changé, mais plutôt parce que la façon d'y parvenir a changé.
Pour moi, l'élément déclencheur a été les réductions des paiements de transfert dans les années 1990, en particulier le transfert relatif à la santé. Je crois que 25 milliards de dollars ont été coupés sur plusieurs années. J'ai sorti un tableau ici, et il est encore plus choquant de voir ces réductions dévastatrices que dans mon souvenir. À l'époque, le gouvernement était libéral, et cette décision tenait en grande partie à la dette accumulée dans les années 1970 et aux frais d'intérêts sur cette dette dans les années 1980.
Monsieur Barua, quel a été l'impact de ces réductions budgétaires dans les années 1990, et sommes-nous jamais parvenus à nous en remettre complètement?
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Je ne suis pas tout à fait sûr de pouvoir répondre directement à la question. Je dirais deux choses qui peuvent être pertinentes.
Tout d'abord, la situation des médecins est directement liée au rapport Barer-Stoddart de 1991, qui recommandait une réduction de 10 % des inscriptions dans les écoles de médecine, une réduction de 10 % des résidences et aussi une réduction du recours aux médecins étrangers.
Cette situation a été quelque peu renversée à la fin des années 1990, comme l'a mentionné Mme Silas, avec le groupe de travail sur le secteur médical canadien, et les inscriptions ont repris. Cependant, il faut faire une mise en garde importante: les inscriptions et les résidences ne changent pas grand chose s'il n'y a pas d'emplois. Les emplois offerts au Canada sont fortement limités par les budgets globaux.
À cet égard, en 2013, une enquête du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a montré que 16 % des médecins nouvellement diplômés ne pouvaient pas trouver d'emploi au Canada. Ces situations sont liées les unes aux autres. Si j'en parle, c'est pour faire une mise en garde: on ne peut pas se contenter d'envisager une augmentation des effectifs médicaux sans se demander comment ces emplois et ces services vont être financés.
La deuxième chose que je souhaite souligner, en ce qui concerne des choses comme le transfert canadien relatif à la santé et le rôle du gouvernement fédéral, c'est qu'il est important de commencer par comprendre que les soins de santé sont techniquement une responsabilité provinciale. Le gouvernement fédéral emploie essentiellement son pouvoir de dépenser pour dicter les caractéristiques de réseaux de soins de santé provinciaux au moyen de la Loi canadienne sur la santé.
Ce point est important, puisque ce qui fonctionne en Colombie-Britannique pourrait ne pas être aussi efficace à l'Île-du-Prince-Édouard. L'une des choses qui se produisent lorsque vous augmentez le transfert canadien relatif à la santé au‑dessus du taux de croissance du PIB, ce qui a été fait par les gouvernements du et de l'ancien premier ministre Harper, c'est que les provinces dépendent davantage du gouvernement fédéral, ce qui implique qu'elles sont moins en mesure d'adapter leurs propres programmes.
Je sais que je n'ai pas répondu directement à votre question, mais il s'agit de deux choses importantes [difficultés techniques].
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C'est là toute la question concernant les dépenses en soins de santé.
Je ne peux pas répondre directement à cette question. Je peux cependant dire que les politiques qui différencient le réseau du Canada des réseaux de soins de santé universels plus efficaces sont claires et nettes. Il s'agit de l'attitude à l'égard du secteur privé, par rapport au fait de considérer les soins de santé universels comme une approche réservée au seul gouvernement. Il faut penser à l'importance des copaiements pour tempérer la demande, une pratique qui est utilisée dans presque tous les autres pays de soins de santé universels, même si elle ne concerne que le secteur public. C'est ainsi que ces hôpitaux sont financés. Ces facteurs dictent ce que nous voyons dans les pays dont les soins de santé universels sont les plus performants.
Par exemple, selon le Fonds du Commonwealth, 62 % des Canadiens ont déclaré avoir besoin de moins de quatre mois pour se faire soigner. Ce chiffre était de 99 % en Allemagne, et 72 % en Australie. Aux Pays-Bas, il était de 87 % et en Suisse, il était de 94 %. Quel est le point commun entre ces pays? Ils ont tous une approche différente des soins de santé universels.
J'apprécie les discussions que nous avons en ce moment. Elles auront un impact au bout du compte, mais il n'y aura pas de changement important tant que l'on n'envisagera pas une réforme importante à un moment donné.
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En ce qui concerne la question des professionnels de la santé formés à l'étranger, oui, c'est une question qui concerne les collèges et les provinces et territoires.
Vous vous souvenez peut-être qu'il y a sept ou huit ans, le Canada a adopté un examen NCLEX américain pour les infirmières et infirmiers autorisés. Nous avons communiqué avec les premiers ministres de chaque province et territoire pour leur dire qu'ils avaient fait une erreur. D'abord, il sera beaucoup plus facile d'attirer des infirmières aux États‑Unis, et ensuite, trop d'entre elles échouent, surtout en français. Tous les ministres de la Santé ont dit que ce n'est pas de leur ressort, car ils leur ont donné une responsabilité totale à cet égard. Nous devons retourner auprès des ministres de la Santé et de l'ordre de réglementation pour qu'ils corrigent la façon dont ils saisissent et évaluent la demande des infirmières étrangères ou autres personnes formées à l'étranger. Ce que le gouvernement fédéral peut faire, encore une fois, c'est de fournir des pratiques exemplaires aux provinces et aux territoires. Il est crucial de le faire.
Nous vous enverrons un mémoire. Nous allons également faire savoir au Comité permanent des finances que nous avons besoin de programmes de transition. Nous avons travaillé sur les programmes de transition au début des années 2000. Beaucoup d'entre vous étiez là dans les années 1990. Je l'ai lancé. Mais en 2004, nous avons conclu un accord sur la santé sur lequel tous les premiers ministres provinciaux et le premier ministre fédéral se sont entendus. M. Cloutier se souviendra qu'il a été signé à 1 h 30 du matin, en septembre 2004; nous avons examiné où l'argent allait aller et comment il allait augmenter de 6 % par année.
Nous pouvons le faire. Nous avons besoin de programmes de transition pour les préposés aux bénéficiaires qui veulent devenir des infirmières auxiliaires autorisées et pour les infirmières auxiliaires autorisées qui veulent devenir des infirmières autorisées, et ainsi de suite. C'est ainsi que nous renforçons les compétences de notre main-d'œuvre actuelle et de notre main-d'œuvre future.
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Merci de poser la question.
Je pense que votre question comporte deux aspects.
Le premier concerne les possibilités de formation pour les étudiants en médecine formés au Canada afin qu'ils puissent entreprendre le processus de résidence nécessaire pour devenir un médecin pratiquant au Canada. Encore une fois, cela fait partie du problème lié à l'absence d'un plan national intégré des effectifs. Il n'y a pas nécessairement de coordination du nombre de places offertes dans les facultés de médecine par rapport au nombre de possibilités de formation médicale postuniversitaire. Ce décalage crée... certaines personnes qui ont suivi une formation en médecine, mais qui ne sont pas en mesure d'accéder à l'étape suivante de la formation qui leur permettrait de pratiquer. Encore une fois, cela doit faire partie d'un plan, et nous croyons qu'une perspective nationale à cet égard serait utile.
L'autre élément dont vous parlez, je pense, ce sont les obstacles structurels réglementaires pour les stagiaires internationaux en médecine qui sont des médecins d'autres pays, qui entrent au Canada et qui ne peuvent pas travailler. Là encore, il y a vraiment deux problèmes. Le premier, c'est le coût de l'accès à un permis d'exercice canadien, le processus de formation et d'apprentissage auquel les médecins formés à l'étranger doivent souvent accéder pour être qualifiés ici. C'est très difficile. Le deuxième, c'est que le coût est très prohibitif et qu'il y a beaucoup d'obstacles qui empêchent les gens d'accéder à ce système. Il y a, encore une fois, le fait que, comme cela est réglementé par les provinces et les territoires, l'approche de l'évaluation des titres de compétence et ce qui est requis pour obtenir le permis d'exercice diffèrent dans chaque province et territoire. Encore une fois, il n'y a pas de structure unique, et cela crée beaucoup de défis et d'obstacles inutiles au chapitre de la réglementation.
Je pense que le gouvernement fédéral aurait l'occasion de fournir ce soutien, que ce soit par l'intermédiaire de bourses ou d'autres soutiens monétaires, afin de permettre aux médecins formés à l'étranger de recevoir cette formation et le soutien financier nécessaire pour pouvoir y accéder. Il s'agit d'accroître la disponibilité de ces possibilités et de créer une approche pancanadienne concernant la reconnaissance des titres et les exigences relatives à l'obtention d'un permis d'exercice au Canada, de sorte que les provinces et les territoires ne créent pas d'obstacles réglementaires pour les fournisseurs formés à l'étranger.
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Je commencerais par mentionner que M. Lake a dit qu'il a commencé à voter pour le NPD, et qu'en vieillissant et en devenant probablement un peu plus sage, il a rejoint les rangs du PC. Peut-être qu'avec quelques années de plus et un peu plus de sagesse, il finira par devenir un libéral.
Dans la foulée, monsieur Barua, vous avez parlé du sous-financement du réseau. Il semble assez clair que vous pensez que c'est une grande partie du problème. Qu'allons-nous faire à ce sujet? Voilà la question. Dans quelle mesure les Canadiens accepteront-ils de payer plus d'impôts pour financer de meilleurs soins de santé?
M. Thériault ne cesse de répéter que le Québec doit recevoir plus d'argent afin de pouvoir offrir des soins de santé adéquats au Québec. Je pense que les autres provinces sont du même avis. Cependant, combien les Canadiens sont-ils prêts à payer?
Vous avez parlé de frais d'utilisation et de l'option des soins de santé privés, qui semblent tous deux interdits par la Loi canadienne sur la santé. Devrions-nous autoriser ces choses?
Dans un certain nombre de sondages, on a demandé aux Canadiens quelle était pour eux la chose la plus importante qui définit ce qu'est un Canadien, ou quelle était la valeur la plus importante en tant que Canadien. La plupart des Canadiens répètent deux choses: le hockey et les soins de santé universels. De toute évidence, le hockey est le plus important, mais les soins de santé ne sont pas loin derrière.
Les Canadiens seraient-ils prêts à accepter des frais d'utilisation et la privatisation des soins de santé? Nous sommes tous des politiciens ici. En gros, est‑ce que l'idée serait acceptable au Canada?
Pensez-vous que les Canadiens seraient prêts à l'accepter? Est‑ce qu'un parti quelconque aura l'audace de le faire, et est‑ce que c'est quelque chose qui pourrait exiger un référendum national?
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Merci beaucoup pour cette question. C'est une question assez importante.
Pour commencer, je veux juste clarifier les choses. Je ne pense pas avoir dit explicitement que le sous-financement était un problème. Nous sommes l'un des pays qui dépensent le plus. Je pense qu'il y a un déséquilibre entre ce que nous dépensons et ce que nous obtenons en retour.
En ce qui concerne les politiques qui nous séparent, je tiens à répéter qu'il y en a en fait trois. Il s'agit non seulement des soins de santé privés et du ticket modérateur, mais aussi du financement des hôpitaux fondé sur l'activité.
Par rapport à ce que vous avez dit au sujet de la désignation des soins de santé universels comme valeur canadienne fondamentale, il est important de souligner que les soins de santé universels ne supposent en aucun cas un réseau de soins de santé imposé par le gouvernement comme les Canadiens ont été amenés à le croire. La plupart des autres pays dotés de soins de santé universels ont en fait un système hybride qui contient la plupart de ces politiques.
La Suisse et les Pays-Bas, par exemple, se situent à un extrême des soins de santé universels. Ils obligent simplement tous leurs résidents à acheter des soins de santé privés sur un marché qui comprend des prestataires publics et privés. La plupart des autres pays, y compris l'Australie et l'Allemagne, ont des hôpitaux publics et privés qui fournissent des services publics. Tous ces pays appliquent un certain niveau de frais d'utilisation. Certains sont déductibles, d'autres représentent un petit copaiement, par exemple 10 % du coût des soins. Tous ces pays prévoient des exemptions. Tous ont des plafonds pour le niveau total des frais à la charge de l'usager. Ce sont tous des pays offrant des soins de santé universels, et ils financent tous leurs hôpitaux d'une manière différente.
Pour répondre à votre dernière question concernant l'appétit politique et l'appétit canadien, je ne peux rien répondre en matière de politique. Je ne suis pas politicien ni expert en politique. Ce que je peux dire, c'est qu'un grand nombre de nouveaux sondages révèlent que les Canadiens sont en train de changer d'avis sur la façon dont ils perçoivent la réforme et sur leur volonté d'expérimenter et d'essayer des choses différentes qui se sont révélées efficaces dans d'autres pays. C'est évidemment le résultat, en partie, de nos réseaux de soins de santé publics surchargés, mais aussi d'une meilleure compréhension de la façon dont les autres pays dotés d'un réseau de soins de santé universels font tout simplement les choses différemment.
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Votre question est très vaste. Je vais donc mettre quand même l'accent sur l'imagerie médicale, le domaine sur lequel nous nous exprimons.
Globalement, il y a deux besoins urgents dont il faut s'occuper rapidement. D'abord, il faut améliorer les conditions de travail de nos technologues en radiologie et assurer leur rétention. Il s'agit d'un point vraiment important, parce que nous manquons de ces technologues. Il faudrait donc une stratégie de rétention immédiate. La profession est un peu dévalorisée.
L'autre besoin vraiment urgent qui peut rapidement être réglé, c'est l'intégration d'un système d'information. Actuellement, cela n'a aucun sens qu'un patient envoie encore une télécopie pour avoir un rendez-vous en imagerie médicale. Quand on regarde le processus de traitement du patient, à partir du moment où le médecin fait part de sa prescription, le moment où le patient obtient le rendez-vous et celui où l'on fait l'examen, plusieurs des systèmes d'information utilisés ne sont pas intégrés. Il faut accorder une priorité énorme à l'intégration de ces systèmes. Cela permettrait à mon avis de faire d'énormes économies en personnel et d'enlever de la pression sur celui-ci.
Par la suite, l'élément dans lequel il faut investir, mais davantage à long terme, c'est l'équipement. Cela nous aiderait certainement d'avoir de l'équipement plus moderne que celui dont nous disposons actuellement. En ce qui concerne le personnel, il faut miser sur sa formation. Par exemple, en Saskatchewan, il n'y a pas de formation pour les technologues. Au Québec, nous pourrions en former davantage. Nous avons aussi beaucoup de technologues qui partent. Il faut donc améliorer la formation et la valorisation des technologues, et les garder.
Je pense que si nous misons sur ces éléments, nous pourrons améliorer la performance, mais, encore une fois, je crois beaucoup à l'intégration des technologies de l'information. Cela peut nous aider beaucoup.
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Je me suis donné comme mission dans la vie que chaque fois que quelqu'un dit que les soins de santé sont de compétence provinciale, je dois intervenir. La Constitution ne mentionne même pas les mots « soins de santé » et ne les confie ni aux provinces ni au gouvernement fédéral. En fait, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit:
Somme toute, la « santé » n'est pas l'objet d'une attribution constitutionnelle spécifique, mais constitue plutôt un sujet indéterminé que les lois fédérales ou provinciales valides peuvent aborder selon la nature ou la portée du problème de santé en cause dans chaque cas.
La seule chose attribuée aux provinces est l'établissement et l'entretien des hôpitaux. Bien sûr, en 1967, nous n'avions même pas de soins de santé universels.
Si je souligne ce point, c'est que je veux approfondir quelque chose. Il me semble que, comme l'a dit Mme Silas, nous devons former nos talents locaux. Cela signifie plus de places. Plus de places dans les écoles de soins infirmiers, les écoles de médecine, pour les techniciens, tout.
Les témoins appuieraient-ils un fonds fédéral qui serait destiné aux provinces dans le but précis d'augmenter le nombre de places dans les professions? La province pourrait déterminer où se trouve la pénurie, mais je fais référence à un financement conditionnel à cet égard. Je sais que certaines personnes refusent toute forme d'aide conditionnelle de la part du gouvernement fédéral; ce n'est pas mon cas.
Est‑ce une façon d'obtenir plus de places dans ces écoles pour créer les entités dont nous avons besoin?
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J'approuve entièrement la position que Mme Silas vous a signalée. Je pense que ce serait une façon de s'attaquer à un élément du problème.
Ma plus grande crainte, c'est que vous avez ici un certain nombre de parties prenantes qui ont toutes à cœur les intérêts de leurs intervenants. Je pense qu'il serait totalement erroné, surtout à ce stade, de faire quelque chose qui ne porterait que sur certains éléments du réseau de soins de santé alors que, en fait, je pense que ce que nous devons faire en tant que citoyens et en tant que gouvernements, c'est commencer à repenser le type de réseau de soins de santé que nous voulons et dont nous avons besoin pour les Canadiens après la COVID.
La COVID nous a donné un certain nombre de leçons. Nous n'étions pas préparés, et nous devons nous préparer au prochain virus qui pourrait arriver chez nous. Je pense que cette réflexion doit être globale. Elle ne peut pas concerner que les infirmières. Elle ne peut pas concerner que les écoles. Il ne s'agit pas seulement de financement. Il faut examiner le réseau dans son ensemble, et c'est pourquoi j'en reviens au commentaire de M. Thériault.
Oui, je pense qu'il doit y avoir un dialogue aux échelons fédéral et provincial, y compris avec certains des intervenants autour de la table, pour essayer d'expliquer ce qui se passe et trouver une solution qui sera acceptable pour tous les Canadiens.
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Je pense qu'il y a plusieurs aspects qui posent un défi. Nous parlons d'augmenter la productivité dans un contexte où les gens sont incroyablement épuisés et travaillent déjà de longues heures dans des conditions très difficiles à maintenir.
Mme Silas vous a parlé des heures supplémentaires imposées aux infirmières. Il est très courant en médecine de travailler sans pause pendant 24 à 36 heures dans les établissements de soins actifs, ce qui est vraiment choquant à notre époque. Nous avons des médecins de famille qui fournissent des soins tout au long de la journée et qui passent ensuite des heures et des heures à la maison en raison de la charge administrative que représente la prestation des soins de santé, après les heures et sans rémunération.
Lorsque nous parlons des gains d'efficience, nous devons reconnaître que, à l'heure actuelle, notre réseau fait peser un lourd fardeau sur les praticiens individuels qui doivent surmonter de nombreux problèmes liés au réseau qui rendent la prestation de soins difficile, et ces problèmes doivent être résolus.
Encore une fois, on en revient à ce que disait M. Cloutier au sujet de la planification intégrée. Nous ne pouvons résoudre aucun de ces problèmes en tant que praticiens individuels ou à des paliers de gouvernement individuels. Nous avons vraiment besoin de plans de soins intégrés pour examiner quelles sont nos ressources humaines en santé et comment nous les déployons de manière à répondre aux besoins des Canadiens. Comment permettre à chacun d'exercer pleinement toutes les activités de son champ de pratique afin d'obtenir ces gains d'efficience dans le réseau.
Je ne pense pas que ce soit une question à laquelle nous puissions répondre en vase clos. Nous devons vraiment nous réunir, examiner les obstacles et les défis, puis trouver des solutions concrètes.
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J'ai parlé plus tôt de l'accord de 2004 sur la santé. Tous les premiers ministres provinciaux, le premier ministre et les ministres de la Santé se sont réunis et ont signé une entente de 10 ans. J'ai travaillé avec de nombreux premiers ministres provinciaux au fil des ans — presque tous — et si vous leur montrez l'argent, ils apporteront des changements. C'est ce que nous constatons pour les services de garde d'enfants. Il s'agit de savoir quel type d'argent est disponible, puis il y a des normes.
C'est ce que je pense que nous verrons avec les soins de longue durée. On dira: « Montrez-moi l'argent », puis nous aurons des normes. Nous devons le faire avec la santé mentale. Nous devons le faire avec notre secteur des soins actifs. Dans notre secteur des soins actifs, la crise actuelle est celle des ressources humaines en santé. Si nous ne réglons pas ce problème, nous n'aurons pas à nous inquiéter, car nous n'aurons pas de réseau.
Vous avez entendu tous les intervenants ici. Nous demandons la création d'une agence d'experts disposant des données appropriées et du financement adéquat pour concevoir des stratégies qui nous aideront à faire notre travail.
La pire chose que j'entends dire de la part des infirmières, presque tous les jours, c'est: « Je vais au travail tous les jours et je sais que je ne suis pas en mesure de fournir les soins que je devrais fournir. Ce qui est triste, c'est que je sais que je vais y retourner demain pour faire exactement la même chose. » Nous devons mettre fin à cela. Nous devons leur donner de l'espoir. J'ai confiance en vous tous pour que ce soit le cas. Vous leur donnerez de l'espoir avec un rapport étonnant du Comité, tout comme vous l'avez fait en 2019 pour la violence dans les soins de santé. C'était le meilleur rapport.
Maintenant, nous devons travailler ensemble et régler le problème.
Merci, monsieur van Koeverden.
Chers collègues, nous avons atteint l'heure prévue, alors, je remercie d'abord beaucoup nos témoins d'avoir été avec nous. Merci d'avoir tenu le coup pendant que nous exercions notre devoir démocratique et que nous retardions le début de la réunion.
Merci beaucoup pour les deux dernières années, pour ce que vous et vos membres avez fait et pour les recherches qui ont été présentées aujourd'hui. La séance a été excellente et instructive. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants de votre leadership dans vos professions respectives et de la patience et la perspicacité dont vous avez fait preuve dans les questions abordées aujourd'hui. Cela nous sera d'une grande utilité dans notre travail et dans les recommandations que nous ferons au gouvernement, alors merci beaucoup.
Chers collègues, avant de conclure, j'aimerais régler quelques questions administratives. Nous nous reverrons le lundi 28 février pour entendre l'Agence de la santé publique du Canada et la vérificatrice générale dans le cadre de notre étude sur la COVID avant d'entendre d'autres témoins sur cette étude particulière le 2 mars.
Je rappelle à tous que toute liste supplémentaire de témoins pour cette étude doit être soumise au greffier d'ici demain en fin de journée.
Les listes supplémentaires concernant l'étude sur la COVID doivent être remises avant 17 heures le 3 mars.
Le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: Nous avons un consensus.
Merci encore à tous et bonne soirée.