Bienvenue à la 52e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Les deux heures qui suivent seront consacrées à l'audition de témoins dans le cadre de notre étude sur la santé des enfants.
La réunion se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022.
J'ai quelques consignes à l'intention des témoins. Si vous nous joignez par Zoom, vous pouvez accéder aux services d'interprétation en sélectionnant le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran.
Il est interdit de faire des captures d'écran ou des photos de vos écrans. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Conformément à notre motion de régie interne, j'avise le Comité que les témoins ont effectué les essais de connexion requis avant la réunion.
Avant de présenter nos témoins… Chers collègues, on vous a distribué, aujourd'hui je crois, un résumé provisoire très complet des témoignages entendus depuis le début de notre étude sur la santé des enfants. Ce résumé avait été demandé lors d'une réunion précédente et les analystes ont fait un travail remarquable pour préparer rapidement ce document qui nous sera certainement très utile.
Sur ce, je vous présente les témoins qui comparaîtront devant nous aujourd'hui.
[Français]
Nous accueillons Mme Catherine Haeck, professeure titulaire du Département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal, qui est présente par vidéoconférence.
[Traduction]
Nous recevons également Mme Bukola Salami, qui est professeure à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de l'Alberta; Mme Leila Sarangi, la directrice nationale de Campagne 2000, qui se joint à nous par vidéoconférence, ainsi que Mme Susan Bisaillon, la directrice générale de Safehaven Project for Community Living.
Merci de prendre le temps de vous joindre à nous. Chaque témoin disposera de cinq minutes pour nous présenter une déclaration liminaire.
[Français]
Nous allons commencer par vous, madame Haeck.
Vous avez la parole.
Je suis professeure titulaire au Département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal. Je suis spécialisée en économie de l'éducation et du travail.
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui.
Ma recherche, au cours des 15 dernières années, s'est concentrée exclusivement sur les enfants et les familles, ainsi que sur les inégalités et leur transmission d'une génération à l'autre. Dans tous mes travaux de recherche, je porte une attention spéciale aux programmes et aux interventions de grande envergure qui ont une influence sur le développement des enfants et des familles. Pour ce faire, j'utilise des microdonnées de haute qualité et des techniques d'inférence causale pour essayer d'établir une relation de causalité entre ces interventions et le développement des enfants ou le bien-être des familles.
J'ai fait plusieurs études sur de nombreux sujets, dont le programme québécois de nutrition prénatale et les programmes de service de garde à contribution réduite du Québec. J'ai regardé aussi la réforme fédérale des congés parentaux, la taille des classes, ainsi que l'effet du redoublement scolaire sur le développement des enfants et la réussite éducative. Beaucoup de sujets ont donc été étudiés et, quand est arrivée la pandémie, j'ai été contactée pour faire des études qui portaient plus sur le développement des enfants dans le contexte de la pandémie.
Dès le début de la pandémie, je me suis mise à lire tout ce qui s'était écrit sur les répercussions qu'avaient les fermetures d'écoles sur les enfants et les jeunes. Dans ce contexte, j'ai remarqué qu'on avait énormément d'information sur ce qui allait se produire. On n'était pas complètement dans le néant. Il y avait eu des événements dans le passé dont on pouvait tirer des leçons. On avait constaté que, lorsqu'on fermait les écoles, les écarts d'apprentissage s'agrandissaient. En général, ceux qui ont de la facilité vont continuer à en avoir et à obtenir de bons résultats, et ceux qui ont plus de difficulté vont prendre du retard; plus les fermetures d'écoles sont longues, plus les retards sont importants.
Nous avions estimé qu'il y aurait un accroissement de 30 % des écarts entre les plus forts et les plus faibles à la suite des fermetures qui avaient eu lieu au printemps 2020, au début de la pandémie. Cet article a été publié à l'été 2020, durant la pandémie, dans Canadian Public Policy/Analyse de politiques, qui est quand même un journal sérieux au Canada. Ensuite, les recherches se sont multipliées un peu partout et ont confirmé un accroissement des écarts de performance.
Au milieu de tout cela, je suis devenue codirectrice de l'Observatoire pour l'éducation et la santé des enfants, qui est basé à l'Hôpital Sainte‑Justine, ici, à Montréal. Cet observatoire a été créé pour suivre le développement des enfants durant la pandémie et pour évaluer diverses stratégies ou interventions qu'on pourrait mettre en place pour pallier les effets de la pandémie et, surtout, des mesures de confinement sur les enfants. Nous sommes donc plusieurs chercheurs, à l'Observatoire, qui menons divers travaux sur les répercussions de la pandémie sur les enfants.
Une des études que nous avons menées a été faite en collaboration avec le ministère de l'Éducation du Québec. Nous avons fait passer un test standardisé à 10 000 enfants québécois pour connaître l'état de leurs connaissances en français, plus précisément en lecture. Le test que nous avons utilisé en juin 2021 était exactement le même que celui qui avait été utilisé par le gouvernement du Québec en juin 2019. Nous pouvions donc vraiment comparer des pommes avec des pommes. Environ 10 000 enfants ont passé le test en juin 2021, et nous avons remarqué que les 20 % les plus forts, ceux qui avaient beaucoup de facilité, réussissaient toujours aussi bien au test, tandis que les enfants les plus faibles avaient pris beaucoup de retard. Ces résultats ont été confirmés par les récents résultats qu'on a vus au Québec, dans le cadre des examens du ministère, qui ont eu lieu en juin 2022. Ce n'est donc pas une surprise. Nous nous y attendions. J'ai fait plusieurs sorties médiatiques, en avril 2020, pour essayer d'alerter les gens quant à l'importance de considérer avec prudence la fermeture d'écoles et de s'assurer que c'était une bonne pratique.
D'autres études portant davantage sur la santé mentale ont été faites par des gens de l'Observatoire, mais, partout au monde, on a vraiment pu observer des répercussions sur la santé mentale. Les données hospitalières que nous avons ici, à Sainte‑Justine et ailleurs au Québec, indiquent un accroissement des visites liées à des tentatives de suicide ou à des idées suicidaires. Justement, hier, on a mis à jour ces données au Québec, et on voit que cette tendance continue. Il y a plus de visites hospitalières pour ces raisons. On constate donc une détérioration de la santé mentale de nos jeunes. On remarque aussi une baisse de l'activité physique, ainsi qu'une hausse du temps passé devant les écrans et de la consommation de malbouffe.
Je crois que mes cinq minutes de temps de parole sont écoulées, mais je pourrais continuer à parler très longtemps de ce sujet. En gros, les effets de la pandémie et des mesures qu'on a choisi de mettre en place au Canada sont non négligeables sur les enfants.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de l'occasion que vous m'offrez de parler de la santé des enfants et des efforts de redressement dans le sillage de la pandémie.
Je rappelle que nous nous réunissons sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinaabe. Je présente mes hommages aux peuples des Premières Nations, aux Inuits et aux Métis du Canada qui par leur présence continuent de contribuer au dynamisme de notre communauté.
J'enseigne à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de l'Alberta. Je dirige le secteur de la recherche spécialisée sur l'intersectionnalité et le genre, l'un des cinq champs de recherche d'excellence au sein du service de recherche du vice-président de l'Université de l'Alberta.
Mes recherches portent sur la santé des personnes noires et des immigrants racisés au Canada. J'ai participé à près de 8 500 recherches sur ce sujet.
Selon un rapport de l'UNICEF sur la santé des enfants dans le monde, dont il a été question lors de séances précédentes, le Canada fait piètre figure par rapport à d'autres pays à revenu élevé pour ce qui est des résultats en matière de santé infantile, avec un 30e rang sur 38 en 2021.
Nous avons un des taux de suicide les plus élevés chez les adolescents en raison des inégalités en matière de santé. Je sais que M. Don Davies et d'autres ont posé des questions sur les raisons de cette mauvaise posture.
Si nous voulons améliorer cette situation, nous n'aurons pas le choix de tenir compte des inégalités dont sont victimes les enfants autochtones au Canada. Par exemple, le taux de suicide est 6,5 % plus élevé chez les Inuits que parmi la population non autochtone. Si nous parvenons à réduire ce taux de moitié, nous ferons des gains concrets et durables. La réduction des disparités auxquelles font face les populations autochtones en matière de santé sera bénéfique à bien des égards pour la santé des enfants canadiens.
La pandémie de COVID‑19 a mis en lumière les conséquences de ces inégalités. Avant la pandémie, les auteurs considéraient généralement le revenu comme étant le principal déterminant social de la santé, mais nous savons maintenant que ce n'est pas forcément le plus précis.
Nous avons compris durant la pandémie que le racisme contribue à perpétuer et à renforcer les incidences du revenu sur les résultats en matière de santé des populations pauvres. Des données recueillies à Montréal, à Toronto, à Ottawa et dans d'autres villes indiquent que les taux de cas de COVID‑19 ont été plus élevés dans les quartiers où la population noire est proportionnellement plus nombreuse. En 2020, être Noir était synonyme de risque accru de décès des suites de la COVID‑19.
La concentration de personnes noires dans un quartier a eu une incidence beaucoup plus déterminante que de l'inégalité des revenus. Les causes principales de ces disparités ne sont pas biologiques ou génétiques. Ces disparités sont plutôt le fruit du racisme systémique et structurel, ainsi que des inégalités qu'il perpétue, y compris l'inégalité des revenus et l'inégalité géographique.
Au cours de la dernière année, nous avons interrogé des jeunes Noirs vivant au Canada. Nous avons aussi mené… Je devrais plutôt dire que nous sommes en train de mener une enquête auprès de 2 000 jeunes Noirs au Canada pour mieux comprendre les effets qu'a eus la pandémie de COVID‑19 sur leur santé mentale.
Ces entrevues nous ont permis de comprendre qu'entre 2020 et maintenant, les jeunes Noirs ont dû faire face à deux pandémies: la pandémie de COVID‑19 et la pandémie liée au mouvement Black Lives Matter. Ces jeunes ont fait l'objet d'une surveillance disproportionnée et la couverture médiatique intense autour de ce mouvement leur a fait subir des traumatismes à répétition.
Pour de nombreux jeunes Noirs, le sport est un moyen d'évacuer leur stress et de surmonter beaucoup d'inégalités sociales. La fermeture des installations de loisirs et l'incapacité de pratiquer des activités sportives ont eu des répercussions sur la santé mentale des jeunes Noirs.
L'insécurité financière et alimentaire a été difficile à vivre pour ces jeunes. Certains, et notamment des jeunes qui sont handicapés, nous ont raconté qu'ils ont dû mendier de la nourriture et aller à l'église pour la simple raison qu'ils pouvaient y trouver à manger.
Des jeunes ont été séparés de leurs familles et ont eu de la difficulté à les retrouver à cause de la fermeture des frontières et des restrictions en matière d'immigration.
Les jeunes ont aussi eu à composer avec des difficultés d'accès aux services de santé mentale. Les services virtuels ont réglé une partie du problème, mais ils en ont créé d'autres. Selon les jeunes, la prestation de services virtuels a entraîné un manque d'empathie et des problèmes fréquents de confidentialité. Par exemple, si un jeune recevait l'appel d'un fournisseur de services quand il était avec ses parents, il devenait difficile de s'exprimer librement.
La faible représentation des personnes noires parmi les effectifs en santé nuit à l'accessibilité des services en santé mentale. Les enfants noirs ont quand même fait preuve de résilience. Les jeunes ont réussi à prendre appui sur leurs forces intérieures, leur communauté et leur spiritualité pour améliorer leur santé mentale.
Les résultats de nos recherches nous ont inspiré certaines recommandations.
Il faut réinvestir dans l'offre d'activités sportives pour les jeunes.
Il faut investir dans des interventions ciblant les populations racisées à haut risque, et particulièrement les jeunes Autochtones et Noirs au Canada.
Il faut investir dans des programmes ayant pour objectifs de renforcer le sentiment d'appartenance communautaire et d'aider à développer une image de soi positive, et notamment des programmes d'éducation des enfants et de mentorat.
Il faut combattre le racisme à l'intérieur du système scolaire.
Il faut diversifier les effectifs en santé, améliorer l'accès à une carrière dans ce domaine pour les professionnels formés à l'étranger, adopter des mesures pour favoriser la mobilité ascendante des professionnels autochtones, noirs et racisés, et offrir du mentorat aux jeunes Noirs, racisés et Autochtones.
Il faut intégrer des mécanismes de reddition de comptes aux initiatives de lutte contre le racisme, y compris une composante antiraciste dans les critères d'évaluation et les normes d'exercice pour l'ensemble des professionnels de la santé.
Il faut favoriser et valoriser la résilience des jeunes Autochtones, Noirs et racisés, et faire davantage de sensibilisation du public relativement à la contribution des Noirs et des Autochtones au Canada.
Il faut renforcer la capacité des réseaux de soutien informels offerts par exemple par les églises ou les leaders communautaires, et le rôle de premier point de contact pour les problèmes de santé mentale.
Je suis convaincue que ces stratégies aideront à améliorer les résultats en matière de santé des populations noires, racisées et autochtones au Canada.
Merci.
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Bonjour. Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de la santé de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
Campagne 2000 est une coalition non partisane qui regroupe plus de 120 organismes qui œuvrent à enrayer la pauvreté des enfants et des familles à l'échelle du pays.
Nous vous avons remis un mémoire que nous avons corédigé avec nos collègues du programme PROOF, de l'Université de Toronto, qui mène des recherches sur les interventions stratégiques de lutte à l'insécurité alimentaire. Nous recommandons une série de réformes du régime de l'Allocation canadienne pour enfants, l'ACE, qui selon nous fait partie des outils clés dont dispose le gouvernement fédéral pour améliorer la santé des enfants. Ces recommandations visent à renforcer et à élargir le rôle de l'ACE dans la lutte contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire au Canada.
Voici nos recommandations.
Premièrement, il faut augmenter les montants que les ménages à faible revenu reçoivent au titre de l'ACE, et cibler plus particulièrement les familles vivant dans une grande pauvreté en créant un supplément pour mettre fin à la pauvreté infantile. Ce supplément sera destiné aux familles ayant un revenu inférieur à la mesure de faible revenu, suivant le modèle proposé dans le budget fédéral alternatif de 2023.
Deuxièmement, il faut créer un supplément complémentaire pour les familles à faible revenu des collectivités éloignées et nordiques.
Troisièmement, il faut assurer l'accès à l'ACE pour les familles immigrantes au statut précaire. Dans beaucoup de cas, leurs membres sont considérés comme des résidents aux yeux de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais l'admissibilité à l'ACE est arbitrairement déterminée par le statut au regard de l'immigration. Par conséquent, même s'ils travaillent, produisent une déclaration d'impôt et, dans certains cas, ont des enfants nés au Canada, on leur refuse l'ACE.
Quatrièmement, il faut lever les mesures actuelles de récupération de l'ACE pour les familles à revenu modeste qui ont touché des prestations d'urgence liées à la pandémie.
Pauvreté et problèmes de santé sont intimement liés. Les recherches montrent l'existence d'un lien de causalité entre la pauvreté et le développement des enfants. La pauvreté compte parmi les facteurs prédictifs les plus importants et les mieux établis des problèmes de santé et de développement chez les enfants.
En 2019, plus de 1,3 million d'enfants, soit près de 1 sur 5, vivaient au sein d'une famille à faible revenu au Canada. Le revenu moyen de ces familles était inférieur de 37 % à la mesure de faible revenu. L'équité en santé est en jeu ici puisque, comme nous venons de l'entendre, les taux de pauvreté infantile sont considérablement plus élevés au sein des groupes visés par la colonisation, le racisme systémique et la marginalisation.
En 2020, en pleine pandémie mondiale, nous avons assisté à une diminution importante des taux de pauvreté infantile par suite des investissements massifs dans l'aide financière aux familles. Cette aide est aujourd'hui terminée, et Statistique Canada prévoit un retour aux taux de pauvreté prépandémiques.
L'insécurité alimentaire des ménages est la conséquence de difficultés financières qui se traduisent par un accès inadéquat ou aléatoire à de la nourriture. Cette insécurité est un déterminant social très important de la santé qui a des effets nuisibles semblables à ceux d'un faible revenu. Le fait de vivre dans une famille qui peine à se nourrir a des effets délétères sur la santé et le bien-être des enfants qui vont au‑delà de la malnutrition. Ces enfants présentent un risque plus élevé de souffrir de troubles de santé mentale comme l'anxiété, la dépression et l'idéation suicidaire.
L'insécurité alimentaire ne touche pas seulement l'alimentation, mais tout le bien-être financier du ménage. Elle est un marqueur de dénuement matériel permanent, attribuable principalement à un revenu inadéquat.
La persistance des taux élevés d'enfants vivant dans la pauvreté et au sein de foyers aux prises avec l'insécurité alimentaire est la preuve que l'ACE n'est pas suffisante pour assurer la sécurité des familles. En 2021, sur l'ensemble du territoire canadien, 1,4 million d'enfants vivaient dans un foyer touché par l'insécurité alimentaire. Au Canada, la seule présence d'enfants dans un foyer accroît le risque d'insécurité alimentaire. La situation est particulièrement difficile au Nunavut, où 80 % des enfants vivent dans un foyer touché par l'insécurité alimentaire.
L'ACE est la principale mesure fédérale de soutien pour les familles à faible revenu avec enfants et il est possible d'accroître ce soutien. Actuellement, cette mesure n'est pas utilisée à son plein potentiel si on considère qu'elle échoue à sortir les familles de la pauvreté et qu'il existe des obstacles à l'accès pour les communautés victimes de marginalisation systémique. De plus, compte tenu de la proportion démesurée d'enfants touchés au Nunavut, il faut une intervention ciblée sous la forme d'un supplément complémentaire qui compensera le coût de la vie très élevé pour les familles des régions nordiques.
La preuve n'est plus à faire que les politiques d'augmentation des ressources financières des familles à faible revenu sont efficaces pour atténuer l'insécurité alimentaire. Étant donné le lien très étroit entre l'insécurité alimentaire, la pauvreté et la santé, l'Allocation canadienne pour enfants est indéniablement une politique en matière de santé. Il faut améliorer et réformer le régime de l'ACE si nous voulons empêcher que des enfants et des familles se retrouvent dans des conditions qui sont nuisibles à leur santé.
Merci de m'avoir accordé votre temps. Je suis impatiente de répondre à vos questions.
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Merci de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité.
L'organisme communautaire Safehaven Project for Community Living offre des services de répit et de soins à domicile aux enfants, aux jeunes et aux adultes ayant un handicap et des besoins médicaux complexes. Nous offrons ces services depuis 35 ans. Nous avons six centres de services dans la région du Grand Toronto.
Il est essentiel à nos yeux de reconnaître le droit de nos clients de faire partie prenante de toutes les sphères de la société. Nous œuvrons sans relâche pour accroître l'inclusivité dans le cadre de notre mouvement #WeBelong.
J'aimerais aujourd'hui expliquer comment les investissements dans les modèles de soins de santé communautaires destinés aux enfants handicapés peuvent désengorger nos hôpitaux bondés, élargir leurs options et améliorer le système de santé. Je voudrais de plus mettre en lumière la nécessité d'accroître le financement pour le soutien direct aux personnes et d'offrir des solutions de logement aux personnes handicapées afin de leur assurer un passage à la vie adulte dans la dignité et le respect quand elles atteignent 18 ans.
Même si notre organisme offre des services en Ontario, je sais que je parle au nom de mes collègues de partout au pays quand j'affirme que le financement et les systèmes de soutien ne sont pas suffisants pour aider les personnes vulnérables.
Safehaven offre des services uniques dans la province et à l'échelle du Canada. Nous procurons des soins à des enfants qui présentent des besoins extrêmement complexes et des maladies rares. Nous jouons un rôle clé dans le continuum de soins des hôpitaux pour enfants constamment submergés en raison des pénuries de capacité et de ressources humaines en santé. Beaucoup de nos clients viennent chez nous après un séjour prolongé au SickKids, l'Hôpital pour enfants de Toronto, ou à l'hôpital Holland Bloorview.
Le système actuel ne répond pas aux besoins des enfants, mais il existe des solutions. Safehaven offre des soins à des enfants parmi les plus vulnérables, ceux dont la longévité défie tous les pronostics. Grâce aux avancées médicales, aux innovations en matière de soins et au travail d'hôpitaux pédiatriques parmi les meilleurs au monde, la vie de ces enfants est sauvée et beaucoup sont maintenant des adultes.
La charge physique, émotionnelle et financière est très lourde pour les familles qui s'occupent d'un enfant présentant des besoins spéciaux complexes. Dans la grande majorité des cas, lorsque les soins sont prodigués à domicile, un des parents doit quitter son emploi pour devenir aidant à temps plein. Certaines familles n'y arrivent pas et doivent se résoudre à confier leur enfant aux services de santé publics. C'est un geste de désespoir, mais la longueur des listes d'attente ne laisse pas le choix à ces familles si elles veulent obtenir de l'aide, du soutien et des services. Je suis certaine que vous êtes plusieurs ici à être des parents et à trouver que c'est inadmissible, mais c'est une réalité dans notre pays.
Selon les chiffres publiés par le Bureau de la responsabilité financière de l'Ontario, le nombre d'enfants en attente de services est passé de 1 600 en 2012 à 27 600 en 2020.
Safehaven reçoit régulièrement des témoignages de première main de familles qui ont besoin de services pour un enfant qui présente une déficience développementale. Toutes les semaines, des familles de partout dans la province nous demandent des services de répit. Nos capacités limitées et certaines restrictions en matière d'admissibilité nous ont permis de répondre à la moitié seulement de ces demandes.
Une des grandes difficultés a trait à la transition entre les services pédiatriques et les services pour adultes. Comme il n'avait pas été prévu que ces enfants atteignent 18 ans, aucun système de soins intégré n'a été mis en place pour la durée de leur vie. Selon les parents, le passage entre l'enfance et l'âge adulte ressemble à une chute du haut d'une falaise. Le 18e anniversaire de ces enfants n'est pas vu comme un passage à célébrer, mais plutôt comme un jalon redouté. Et comme ils reçoivent très peu d'aide individuelle quand ils deviennent de jeunes adultes, ils sont condamnés à vivre sous le seuil de la pauvreté.
Le projet de loi , la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, est actuellement examiné par le Sénat. J'en profite pour insister sur l'importance de soutenir les programmes comme Safehaven, qui vise à favoriser la prestation de soins inclusifs pour les plus vulnérables. Plus particulièrement, les enfants et les personnes qui arrivent à l'âge adulte doivent avoir accès à un revenu stable et à un logement abordable.
Ces personnes ont le même droit de vivre que tous les autres. Ils ont les mêmes droits que les enfants en santé. Un jeune adulte ne devrait pas se retrouver dans un établissement de soins de longue durée. Ce ne devrait même pas être envisageable.
À notre avis, il faut privilégier dès maintenant les investissements dans l'offre de lieux et de programmes destinés aux enfants, aux jeunes et aux adultes, ainsi que dans des mesures pour remédier aux lacunes du système, améliorer le soutien pour les familles qui souhaitent garder leur enfant à la maison et offrir des programmes adéquats de répit et de soins à domicile pour aider les parents vieillissants qui ne peuvent plus s'occuper de leurs enfants.
Par ailleurs, les personnes qui présentent des besoins médicaux complexes doivent recevoir une aide financière suffisante pour échapper à la pauvreté. Je parle aujourd'hui d'enfants qui ont des besoins de santé très complexes et qui nécessiteront des soins pendant toute leur vie, durant l'enfance et à l'âge adulte.
Ces personnes sont vues comme des miracles de la médecine. Nous devons faire en sorte qu'elles vivent plus longtemps et qu'elles puissent compter sur un système qui prendra soin d'elles.
Leur état est permanent. Elles ne guériront jamais et il n'y aura pas d'amélioration. Elles ont le droit de vivre dans un endroit sûr et sain, et d'avoir accès à des soins pendant toute leur vie. Si nous ne comblons pas leurs besoins maintenant, le fossé va continuer de se creuser. Ces enfants vulnérables et leurs familles méritent mieux.
Les principes qui animent Safehaven et le mouvement #WeBelong correspondent aux quatre piliers du projet de loi qui est à l'examen actuellement, soit la sécurité financière, l'emploi, l'accessibilité et l'inclusivité des communautés, et une approche moderne à l'égard des personnes handicapées.
Nous devrions tous aspirer à construire un monde dans lequel les enfants ont un sentiment d'appartenance et sentent qu'ils ont leur place dans un environnement et des communautés inclusives. Merci.
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C'est plus vaste que la pandémie. Bien des choses auraient pu être faites avant. Par exemple, nous n'avons pas fait grand-chose contre le racisme systémique, qui est une des causes des inégalités dont les enfants sont victimes.
La collecte de données liées à la race a été une autre de nos grandes lacunes avant la pandémie. À ce moment, nous n'avions pas vraiment compris les disparités au chapitre des résultats en matière de santé infantile. À la suite d'une recension documentaire, j'ai constaté que beaucoup d'études ont été faites sur la santé des enfants immigrants, mais que les données sont très peu souvent ventilées selon la race. Tout le monde est mis dans le même paquet et on espère trouver des solutions. Nous savons maintenant que si les données avaient été ventilées et que si les personnes noires avaient fait l'objet d'une analyse distincte, la réponse aurait pu être beaucoup mieux ciblée.
Un autre domaine où nous étions loin du compte et qui s'est beaucoup amélioré durant la pandémie est celui de la valorisation et de la mobilisation des professionnels du secteur de la santé et des fournisseurs de services de santé. Bien entendu, je parle des populations noires et racisées. Les choses ont changé durant la pandémie.
Beaucoup d'organismes ont été créés par des personnes noires. Il est fort possible que le mouvement La vie des Noirs compte ait aussi contribué à ce foisonnement. Par exemple, il existe maintenant des organismes qui regroupent du personnel infirmier et des médecins noirs, dont Black Physicians of Canada et la Black Physicians' Association of Alberta.
Il faut continuer de tirer parti des forces de ces organismes pour faire avancer les approches et les interventions que nous préconisons et faire en sorte que les besoins des communautés soient pris en compte.
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Merci beaucoup de me le demander.
Vous avez tout à fait raison de dire que nous n'avons pas de stratégie liée aux maladies rares. Beaucoup des enfants que nous recevons ont reçu un diagnostic. Je parle de personnes qui présentent des besoins médicaux complexes et des maladies rares.
Beaucoup de ces enfants ont défié les pronostics et ont atteint l'âge adulte. C'est la réalité que je rencontre tous les jours. Comme je l'ai dit, depuis le début il y a 35 ans, Safehaven a donné un foyer à vie à ces enfants.
Nous avons de la technologie médicale… Des enfants sont reliés à un respirateur, d'autres ont une sonde gastrique. La technologie médicale nous permet de préserver la vie de bien des façons. Ces enfants peuvent rester en vie et devenir des adultes.
Le problème est qu'ils auront besoin de soins durant toute leur vie. Le passage de l'enfance à l'âge adulte est extrêmement pénible. Il n'existe pas vraiment de système. Vous avez parlé de maladies rares et de besoins médicaux complexes. Ce qu'il faut, c'est un programme de transition et un filet de sécurité qui seront très bien conçus.
C'est une des choses dont je suis fière. Nous venons de lancer un programme qui a permis à 14 personnes de faire un passage heureux de l'enfance à l'âge adulte. Cette initiative a été rendue possible grâce au soutien du gouvernement ontarien. J'oserais dire que c'est quelque chose d'assez unique à l'échelle du pays.
À mon avis, il faut envisager dès la naissance qu'un enfant peut vivre jusqu'à l'âge adulte. À quoi faut‑il s'attendre? Quelle aide pouvons-nous lui apporter? Nous devons aussi nous assurer qu'ils aient un logement. Pour ces enfants, une bonne santé va forcément de pair avec l'accès à un logement.
J'espère que j'ai répondu à votre question. Chose certaine, nous avons besoin d'une stratégie très complète et bien conçue, qui va de l'enfance à l'âge adulte, pour soutenir les enfants qui ont des besoins de santé complexes ou une maladie rare. Je serais ravie de participer à ce chantier et de voir les résultats.
Pour vous donner une idée, j'ai joint l'équipe de Safehaven il y a un peu plus de cinq ans. J'ai travaillé dans un important centre universitaire de sciences de la santé pendant une bonne partie de ma carrière. Je peux donc vous affirmer que je comprends très bien la notion de besoins médicaux complexes.
Nous avons mis sur pied un programme que nous voulions le plus intégré possible. Quand j'ai commencé à parler de la création d'un programme intégré de l'enfance à l'âge adulte, on me disait que c'était très ambitieux, mais nous avons réussi. Le premier du mois, nous avons permis à 14 personnes de faire ce passage. Nous avons créé des espaces. Nous avons travaillé en partenariat avec un organisme pour être en mesure de leur offrir un logement. Ces personnes vivent dans un logement sûr où elles ont accès à des soins en tout temps. Elles vivent dorénavant dans un milieu pour adultes. Elles ont un foyer. C'est très emballant. Je crois que nous avons réussi quelque chose que personne n'imaginait possible.
Il serait certainement possible d'en tirer un modèle qui pourrait être reproduit à la grandeur du pays. Je suis en lien avec des collègues de la Colombie-Britannique et de la côte Est. Je sais que c'est possible. Il faut un engagement et l'établissement de partenariats de la part des gouvernements de tous les échelons… La question du logement doit être étudiée, de même que la transition des modèles de financement associés. Il faut du financement pour les logements et pour la prestation des soins. En fait, nous aurons besoin d'une approche globale pour mettre en place un système de logements et de soins.
Comme je l'ai déjà dit, nous venons de le faire pour un premier groupe de 14 personnes. Ces enfants ont des problèmes médicaux complexes et ont vécu en milieu hospitalier pendant une dizaine d'années…
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Cela me fait plaisir de vous répondre.
Au bout du compte, il faut tenir compte de toutes les dimensions de la vie des enfants. Le plus grand écosystème dans lequel la plupart des enfants évoluent est le service de garde quand ils sont tout petits — dans certaines provinces, ils sont toujours à la maison —, ou l'école quand ils sont plus vieux. De toute évidence, il est extrêmement important de maintenir les systèmes dans lesquels ils se développent pour faciliter leur réussite et réduire leur vulnérabilité.
On a constaté, dans nos données, un phénomène frappant. En effet, quand on ferme une école, ce sont les enfants les plus vulnérables qui sont les plus touchés, parce que tout un écosystème se greffe autour de l'école pour les aider. On remarque donc que dans le cadre scolaire, entre autres, on pourrait aider davantage ces enfants. Ce serait souhaitable de le faire.
Il devient donc très important de maintenir ces systèmes et de faire en sorte qu'ils restent ouverts. Il faut aussi garder les services. Quand il y a des chocs, tout cela devient très important pour ces familles pour toutes sortes de raisons. Je pourrais en parler longtemps, car le fait de fermer une école a aussi des répercussions sur les parents et, par ricochet, sur les enfants. Il faut donc vraiment faire très attention quand on parle des enfants. Quand on développe des programmes et des politiques, il faut s'assurer de protéger les plus vulnérables.
Ça va toujours bien pour les enfants moins vulnérables. Ils s'en sortent. Ils ont toutes sortes de mécanismes autour d'eux qui font en sorte que ça va continuer et qu'ils vont s'en sortir.
Par contre, dès qu'on fait des changements, la situation peut devenir assez grave pour les enfants vulnérables. La fermeture des écoles, qui a duré très longtemps, a été assez catastrophique.
Pour être honnête avec vous, j'ajouterai qu'il n'était pas vraiment possible de pallier cela. Il n'y a pas de façon de remplacer un contact humain quotidien par Zoom, par exemple, surtout quand on parle de jeunes enfants. Cela ne fonctionne pas du tout. C'est complètement utopique d'avoir pensé qu'on pourrait remplacer l'école.
On parle de la santé des enfants, mais il est important de parler du financement de la santé. Il y a d'ailleurs une rencontre importante aujourd'hui entre les premiers ministres des provinces et le gouvernement fédéral.
J'ai l'impression que nos systèmes de santé sont sous-financés depuis longtemps, que les provinces étaient en manque de transferts fédéraux depuis longtemps, et que, dans une certaine mesure, les enfants ont payé pour les adultes pendant la pandémie. En effet, pour protéger les adultes, qui avaient des symptômes plus graves de la COVID‑19, on a fermé les écoles parce que les hôpitaux manquaient de capacité.
Je me demande si le sous-financement chronique de notre système de santé a finalement nui indirectement à la santé des enfants. C'est important parce que, cela, cela relève du fédéral. La santé des enfants elle-même ne l'est pas, mais le financement de la santé l'est.
Êtes-vous d'accord avec mon interprétation?
Ici, à Ottawa, des gens veulent que les transferts en santé soient soumis à des conditions, mais ce qui est drôle, c'est qu'il y a tellement de besoins partout que tous les groupes viennent les uns après les autres pour demander des transferts en santé particuliers à leur propre domaine. J'en déduis qu'on manque de financement, en général.
Comme il faudrait des particularités partout, il n'en faudrait nulle part, en fait. C'est particulièrement vrai en santé mentale, qui n'est évidemment pas une compétence fédérale, mais il y a tout de même une , à Ottawa.
S'il y avait eu un meilleur financement de la santé, à savoir stable, prévisible, inconditionnel, aurait-on été en mesure de faire davantage de prévention en santé mentale chez les enfants au cours des dernières années? Quel effet cette prévention aurait-elle aujourd'hui, ou quel effet aurait-elle eu pendant la pandémie?
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En fait, ce qui aurait le plus de succès et qui serait le mieux pour nous, ce serait que le gouvernement fédéral mette en place des systèmes pour collecter des données sur les enfants, et que ces données, qui seraient protégées et de haute qualité, soient hébergées dans des centres de données disséminés dans tout le Canada et soient mises à la disposition de tous les chercheurs.
Historiquement, nous avions accès à de très bonnes données sur les enfants. Elles n'étaient pas parfaites, mais elles étaient de très bonne qualité. Elles provenaient de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, qui a été abandonnée en 2008, au moment de la dernière édition.
Ce type de données est extrêmement important pour comprendre le développement des enfants. On ne peut pas uniquement se fier aux données administratives, parce que, comme le soulevaient les autres témoins, dans les données administratives, on ne connaît pas la communauté culturelle ou l'appartenance religieuse de l'enfant, par exemple. Toutes sortes de dimensions sont absentes des données administratives, or elles sont très importantes pour comprendre le développement et le bien-être des enfants.
Nous avons besoin d'une initiative centrale qui collecte des données partout au Canada pour pouvoir comparer les résultats d'une province à l'autre; ces données doivent être assez nombreuses pour pouvoir étudier les petits groupes. J'entendais les autres témoins parler du fait qu'on ne peut pas étudier les petits groupes, mais ce n'est pas parce que les chercheurs ne le veulent pas. Je vous assure que nous le voulons. Toutefois, quand on travaille avec des petits échantillons, les données ne sont pas valides. Quand il n'y a pas assez de personnes dans l'échantillon, nous ne pouvons rien en dire et Statistique Canada ne nous laisse même pas sortir les données.
J'ai été directrice de laboratoire au sein de Statistique Canada pendant plusieurs années et je connais bien la machine. Nous avons besoin d'un financement important de la part de Statistique Canada dans le domaine de la santé des enfants. Les enfants représentent près de 20 % de notre population, mais je vous assure que Statistique Canada ne consacre pas 20 % de son budget à la collecte de données sur les enfants. Chaque mois, l'agence est capable de produire l'Enquête sur la population active; elle est capable...
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Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins d'être des nôtres.
La grande variété des sujets dont nous avons discuté jusqu'ici est très révélatrice de l'ampleur et sans doute aussi de la complexité de notre étude. Dans le cadre des travaux de notre comité, nous avons eu maintes et maintes fois l'occasion de nous rappeler que les enfants ne sont pas seulement de petits adultes. Ils sont des personnes à part entière, avec différents défis. En tant que mère d'un petit bonhomme, c'est quelque chose que j'observe très régulièrement.
Ma première question s'adresse à Mme Sarangi.
Vous avez soulevé une question qui me tient énormément à cœur, soit les communautés nordiques et éloignées. Après huit années de règne du gouvernement, nous assistons à une inflation record du prix des aliments. Dans ma propre communauté de Fort McMurray et Wood Buffalo, nous constatons que le tiers des clients de la banque alimentaire de Wood Buffalo sont des enfants, et que la demande augmente de mois en mois. De plus en plus d'enfants ont faim, et il est bien connu qu'il est difficile d'apprendre le ventre vide.
Ma question porte précisément sur les communautés nordiques, éloignées et isolées. Avez-vous des solutions à proposer pour régler le problème, au moins en partie?
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Merci beaucoup pour tous les témoignages de tous les témoins. C'était extraordinaire. Cette étude m'a beaucoup enthousiasmé. Je suis heureux que nous nous concentrions exclusivement sur les enfants pendant quelques semaines.
D'après ce que tous les témoins nous ont dit aujourd'hui, il est très évident que le lien inextricable entre le revenu et les résultats en matière de santé est crucial et que nous devons nous y intéresser de plus près.
Lorsque je regarde les chiffres de l'UNICEF, je suis également troublé de voir que le Canada se classe si bas. Il y a quelques semaines, j'ai fait une brève recherche sur les taux de pauvreté des enfants au Canada. En 1989, la Chambre des communes a voté à l'unanimité pour mettre fin à la pauvreté des enfants avant l'an 2000. Malgré cela, en 2013, les taux de pauvreté étaient plus élevés que jamais. En 2013, ils étaient pires que dans les années 1970. Depuis, heureusement, ils ont chuté de 71 %, mais ils sont encore d'environ 4,5 ou 4,6 %, ce qui est trop élevé pour le Canada.
Je reconnais que la réduction de la pauvreté infantile ne résout pas instantanément le problème et que les résultats en matière de santé ne vont pas changer immédiatement ni même après deux ou trois ans. De nombreuses études montrent que si vous êtes pauvre dans votre enfance et que vous ne l'êtes pas à l'âge adulte, les disparités en matière de santé perdurent tout au long de votre vie. C'est un problème auquel nous devons également nous attaquer, mais en prenant des mesures comme l'élimination de l'universalité de l'Allocation canadienne pour enfants. Au lieu d'envoyer des chèques de 300 $ à toutes les familles du Canada, il est plus efficace d'en faire un programme assujetti à des critères de revenu pour réduire les taux de pauvreté chez les enfants au Canada, mais ces chiffres ne sont toujours pas satisfaisants, surtout lorsque nous les comparons à ceux de nos homologues de l'OCDE.
Madame Salami, mes questions s'adressent à vous. J'ai apprécié votre témoignage. Je vous remercie beaucoup.
Je m'intéresse particulièrement aux subventions pour l'activité physique chez les jeunes. Je pense que le savoir-faire physique est l'un des meilleurs prédicteurs de la santé ultérieure. Comment pouvons-nous mieux combler l'écart dans les chiffres de l'OCDE, en rapprochant notre classement en matière de santé infantile de celui que nous aimerions avoir — idéalement parmi les 10 premiers, ou peut-être viser encore plus haut?
Vous avez déjà répondu à la question, mais du point de vue de la reconnaissance du fait que le Canada a un faible taux de pauvreté infantile, mais que les résultats en matière de santé sont tout de même disproportionnés, quelle est la cause, selon vous, et comment pouvons-nous faire mieux?
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Je dois dire que la pauvreté et l'inégalité des revenus n'existent pas en vase clos. Par exemple, nous voyons aussi des inégalités fondées sur la race et leur contribution à l'inégalité des revenus.
Statistique Canada vient de publier un rapport qui révèle que, contrairement à l'opinion reçue, les immigrants africains ont l'un des taux de scolarité les plus élevés au Canada. De même, conformément à la croyance populaire, les immigrants africains ont l'un des pires taux de revenu au Canada. L'accès aux professions et l'élimination de ces inégalités sous-jacentes contribueront à résoudre les problèmes liés à la pauvreté et ses conséquences, en l'occurrence les problèmes de santé.
L'accès aux professions pour les professionnels de la santé formés à l'étranger est un sujet que ceux‑ci ont aussi évoqué dans certaines entrevues qu'ils ont données. Par exemple, nous savons, et des gens nous ont dit que la main-d'oeuvre des soins de santé ou la main-d'oeuvre générale au Canada est comme un cappuccino. C'est blanc sur le dessus et noir en dessous.
Nous devons remuer le tout, et cela a des conséquences. Dans le cas de la pandémie de COVID‑19, cela a eu des conséquences. Nous avons constaté qu'un plus grand nombre de personnes noires ont été touchées par la COVID‑19 parce que nous avions plus de personnes noires en première ligne pour fournir des soins personnels. Nous avions plus de Noirs qui prenaient l'autobus. Nous avions plus de personnes noires avec les espaces limités, et cela a augmenté leur exposition à la COVID‑19, donc les inégalités de longue date que nous avons vécues avant la COVID‑19 ont eu un effet considérable sur ce que ces personnes ont vécu pendant la COVID‑19. C'est en s'attaquant à ces inégalités liées à la race en matière de santé que nous pourrons régler certaines inégalités en matière de santé que nous observons.
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Merci, monsieur le président.
Je vais continuer avec Mme Haeck.
Les provinces font face à des contraintes financières beaucoup plus importantes que celles du gouvernement fédéral. Cela a été documenté par le directeur parlementaire du budget.
À long terme, nous nous retrouvons dans une situation où la santé prend de plus en plus d'espace dans les finances publiques des provinces. Par conséquent, les autres missions de l'État finissent par écoper.
La deuxième mission la plus importante en matière de budget pour les provinces est évidemment l'éducation. Comme vous avez travaillé dans les deux domaines, j'aimerais que vous me disiez, selon votre expérience, s'il est facile pour le Québec d'obtenir de nouveaux budgets pour travailler à la fois en prévention et en éducation chez les jeunes enfants.
Que pourrait faire le gouvernement fédéral pour faciliter le financement des provinces dans ces domaines?
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Je vous remercie de votre question.
Dans mon premier cours d'économie de l'éducation, je montre à quel point le domaine de la santé accapare le budget. Le fait qu'on investit de plus en plus dans ce domaine occasionne une baisse du financement un peu partout, notamment en éducation, mais aussi dans tous les services communautaires qui soutiennent les personnes les plus vulnérables. Ce sous-financement a pour conséquence qu'il se fait très peu de travail de prévention.
Je siège au Comité scientifique sur la prévention de l'obésité de l'Institut national de santé publique du Québec, le Centre d'expertise et de référence en santé publique au Québec. Ce comité a toutes sortes de belles idées en matière de prévention pour les enfants et les adultes, mais, quand vient le temps de les financer, il ne reste plus d'argent pour le faire.
Tout l'argent est donc souvent consacré à soigner les personnes plus âgées, et c'est normal. Cependant, le sous-financement chronique de la santé entraîne une absence de mesures de prévention. Conséquemment, l'obésité chez les jeunes au Québec et partout au Canada a énormément augmenté au cours des 30 dernières années. Ce problème serait assez facile à régler avec des mesures de prévention bien ciblées, car les médecins et tous les intervenants du milieu ont beaucoup de bonnes idées. Cependant, ils n'ont pas d'argent pour les concrétiser. Voilà pour la santé.
Le secteur de l'éducation est, lui aussi, sous-financé. Ainsi, nous nous retrouvons avec beaucoup d'enfants qui ont toutes sortes de problèmes et nous n'avons pas les ressources pour leur venir en aide, parce que l'argent est redirigé vers d'autres besoins qui semblent plus urgents.
Or, il faut se le dire, les enfants sont notre avenir. Si on ne leur consacre pas d'argent, on fonce vers un mur. Il va falloir finir par se réveiller. On ne peut pas toujours investir l'argent ailleurs que chez les enfants, parce que cela va nous rattraper plus tard et nous allons nous retrouver avec une population très amochée à l'âge adulte.
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Je suis heureux de vous voir, monsieur Casey. Je suis content d'être ici.
Merci beaucoup aux témoins pour leur important travail. J'étais à l'écoute en venant remplacer M. Davies, et je vous en suis très reconnaissant.
Je veux surtout parler du fait qu'en Ontario, il y a 28 000 enfants sur des listes d'attente pour des services de santé mentale locaux. Ces attentes peuvent aller de 67 jours à plus de deux ans et demi, selon le service. Cela dépasse les délais acceptables d'un point de vue clinique.
Pour les enfants et les adolescents, les délais d'accès aux soins — et je suis sûr que vous pouvez nous en parler — peuvent avoir des répercussions à vie pour eux, leur famille et la société. Tragiquement, cela peut être une question de vie ou de mort. Vous avez parlé un peu de l'UNICEF. Selon Statistique Canada, le suicide est la principale cause de décès chez les adolescents et les jeunes adultes de 15 à 34 ans. Selon l'UNICEF, le Canada a l'un des taux de suicide les plus élevés chez les jeunes dans le monde.
Nous attendons depuis deux ans le transfert de 4,5 milliards de dollars promis par le gouvernement en matière de santé mentale, une somme clairement insuffisante.
Pouvez-vous nous parler des répercussions du retard du transfert en santé mentale pour les jeunes?
Je vais peut-être commencer par vous, madame Bisaillon, si vous voulez nous en parler un peu.
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Je suis tout à fait d'accord avec la nécessité de fournir des services de santé mentale dans la communauté. Juste avant la pandémie, nous avons mené une étude en Alberta pour examiner la santé mentale des jeunes Noirs. Nous en avons mené une avant la pandémie et une autre après la pandémie.
Nous nous sommes entretenus avec 129 jeunes Noirs lors de cafés-causeries et d'entrevues sur la santé mentale. Le dernier jour des cafés-causeries, des jeunes Noirs nous ont décrit à quoi ressemblerait une prestation idéale de services de santé mentale: des services adaptés à la culture, offerts dans des espaces accessibles aux jeunes Noirs et fournis par des professionnels de la santé noirs.
Pendant la pandémie, des jeunes se sont inspirés de ces données pour créer la clinique de santé mentale, la première pour la population noire de l'Ouest canadien.
Bien sûr, l'un des défis est qu'une grande partie du financement de la santé mentale est consacrée aux soins de courte durée, ce qui constitue également une approche en aval de la prestation des services de santé mentale. Si nous sommes en mesure de mettre en oeuvre certaines approches en amont... J'ai déjà parlé de la nécessité, par exemple, de nous pencher sur la prestation de services de santé mentale communautaire, de nous fonder sur les forces des dirigeants locaux, des chefs religieux et d'en tirer parti, tout en comprenant que ce n'est pas tout le monde qui va consulter un chef religieux. Nous avons besoin de soutien communautaire et de la communauté pour être en mesure de nous attaquer à certains problèmes de santé mentale, ainsi que de la prestation de services communautaires.
J'ai déjà interviewé des fournisseurs de services aux immigrants. Ils ont parlé de l'arriéré, de la longue liste d'attente pour que les gens puissent consulter des psychologues, des conseillers et des praticiens en santé mentale. Nous avons simplement besoin de beaucoup plus d'investissements dans ce domaine au sein de la communauté.
Mon projet ne concernait que l'Alberta, tandis que l'enquête que nous menons auprès de 2 000 jeunes Noirs avec 50 entrevues, porte sur l'ensemble du Canada. Dans le cadre de ce projet, nous avons interrogé 129 jeunes Noirs qui ont participé à ce groupe de discussion. Le racisme a été le facteur de leur santé mentale le plus souvent évoqué.
Par exemple, prenons le cas des garçons noirs. Beaucoup d'entre eux ont parlé de la perception selon laquelle la masculinité toxique était propre aux hommes noirs, ce qui n'est pas le cas, bien évidemment. Ils ont aussi évoqué l'obligation de devoir toujours prouver leur innocence, car la première impression est que vous êtes coupable. Pour n'importe qui d'autre, vous êtes innocent jusqu'à preuve du contraire. Pour les Noirs, surtout les hommes noirs, vous êtes coupables tant que vous n'avez pas prouvé votre innocence.
En ce qui concerne le racisme, je me souviens d'une adolescente qui a dit: « Mon Dieu, j'ai grandi avec un si grand sentiment anti-Noir intériorisé. Je me détestais. Je voulais tellement être blanche. Je voulais avoir des lèvres moins foncées. » Elle a ensuite décrit une situation où, alors qu'elle traversait la rue, quelqu'un lui a lancé un Slurpee et l'a traitée d'un vilain mot raciste. Cela forge encore sa perception d'elle-même. Elle a intériorisé ce racisme, et sa santé mentale en dépend encore.
Ce sont là certaines des choses avec lesquelles les jeunes Noirs doivent composer en Alberta, comme nous l'avons constaté dans les entrevues que nous avons menées à la grandeur du Canada, partout au Canada aussi.
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Merci. J'ai une question pour Leila Sarangi de Campagne 2000.
Dans votre témoignage, vous avez mentionné que des immigrants avec des enfants payaient des impôts, mais ne touchaient pas l'Allocation canadienne pour enfants. Pouvez-vous essayer d'approfondir ce point? De quel groupe de personnes parlez-vous, qui fait partie de cette catégorie?
J'ai demandé à mon assistant surpayé, Tyler, de faire des recherches pour moi. Il m'a sorti cette liste. Il a dit que les personnes qui ont droit à l'Allocation canadienne pour enfants sont les époux ou les conjoints de fait qui sont soit des citoyens, des résidents permanents, des personnes protégées, c'est-à-dire des réfugiés, ou des résidents temporaires qui ont vécu au Canada au cours des 18 derniers mois et qui ont le droit de séjourner dans le pays.
Pouvez-vous préciser la catégorie de personnes dont vous parlez qui sont des immigrants et qui paient des impôts, mais qui ne touchent pas l'ACE?
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Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de votre présence . C'est très apprécié.
Madame Haeck et madame Salami, j'apprécie particulièrement vos commentaires sur la santé mentale, notamment la prise en compte de son impact sur le sport et l'éducation, et son importance. C'est très important pour moi, car je sais que cela m'a été très bénéfique, il y a de nombreuses années, lorsque j'étais aux prises avec des problèmes de cette nature. Cela dit, j'espère que je pourrai poser des questions à ce sujet.
Cependant, ma première question principale est... Grâce à nos analystes, nous avons reçu des renseignements intéressants de l'ICIS, l'Institut canadien d'information sur la santé. Ils soulignent que les enfants ayant des complications médicales représentent environ 1 % de la population pédiatrique, et que ces enfants sont de gros utilisateurs du système de soins de santé, puisqu'ils engendrent environ 50 % de nos coûts hospitaliers, soit des sommes assez considérables.
Avec la COVID, il semble malheureusement que nous constatons un manque d'éducation dans la gestion des situations d'urgence chez le grand public, à savoir quand amener un enfant à l'hôpital, ce qui mobilise beaucoup de secteurs hospitaliers comme les salles d'urgence avec des situations qui pourraient être traitées à la maison avec de meilleurs systèmes d'éducation et une meilleure compréhension du réseau de la santé. Ce sont des éléments importants, alors je suppose que ma question est la suivante: comment pouvons-nous transmettre cette éducation aux Canadiens pour qu'ils la comprennent?
Ce que nous avons vu avec la COVID et au cours des deux dernières années, c'est essentiellement l'incertitude et la mésinformation que le public croit émaner du gouvernement. En tant que gouvernement fédéral, nous essayons de nous occuper d'un enjeu qui est de nature provinciale, mais comment pouvons-nous, comme gouvernement fédéral, faire progresser cette éducation afin de permettre aux parents de comprendre comment gérer les problèmes de santé de leurs enfants?
Madame Bisaillon?
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Vous avez tout à fait raison. L'étude de l'ICIS était vraiment importante. Elle a été réalisée au cours des dernières années, je dirais. Nous espérons que l'information sera mise à jour.
En ce qui concerne les complications, les premiers 1 %, vous avez tout à fait raison, elles absorbent une part énorme du budget. En ce qui concerne notre façon de travailler avec les familles, il n'y a pas de programmes bien établis. Il n'y a pas beaucoup de données. En écoutant mes collègues, je constate qu'il y a un énorme manque de données à propos de notre population.
Bien sûr, ces familles peuvent obtenir de l'aide dans le secteur des soins actifs. C'est pourquoi elles retournent souvent dans les hôpitaux: nous n'offrons pas beaucoup de services bien établis dans le continuum de soins. Les familles ont besoin d'un soutien plus solide dans la communauté. Elles ont besoin d'aide pour comprendre comment s'en sortir dans la communauté, de sorte que nous utilisions notre réseau de la santé — des soins de courte durée pour des besoins de courte durée — que nous ayons des soins à domicile et dans la communauté bien établis, qui permettent aux familles de trouver réponse à leurs besoins.
À l'heure actuelle, compte tenu de l'état actuel du système, nous ne disposons pas de ce soutien dans l'ensemble du continuum. C'est ce que je préconise pour que nous ayons un système de soins établi à l'intérieur et à l'extérieur des hôpitaux, pour que les familles n'aient pas à se rendre à l'hôpital, et comme vous l'avez dit, pour que les parents puissent avoir accès à des services dans la communauté au lieu de se rendre à l'urgence.
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Merci beaucoup. Je comprends.
Si l'un ou l'autre des témoins a quelque chose à ajouter, il est possible de le communiquer au président ou au greffier et aux analystes, et nous pourrons le distribuer. Je vous en serais reconnaissant.
En ce qui concerne les sports, une question que nous examinons, madame Salami, vous en avez parlé et vous avez expliqué que l'une des recommandations est un réinvestissement possible dans les sports destinés aux jeunes, en particulier aux populations autochtones et noires. Je suis tout à fait d'accord avec vous. La pratique d'un sport produit un tel bénéfice, selon moi. Malheureusement, à cause de la COVID, nous avons perdu cette capacité de faire bouger les gens.
Je me demande si vous avez d'autres commentaires à ce sujet, parce qu'en grande partie, nous commençons à entrevoir un problème... Vous avez un peu traité des idées suicidaires et de cet aspect. La participation à des groupes et le fait d'être ensemble nous aident en quelque sorte à communiquer les uns avec les autres.
Madame Salami, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
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Quelqu'un a posé une question sur l'amélioration de l'accès aux services d'urgence. Je pense que l'une des solutions consiste à s'attaquer aux problèmes liés aux obstacles linguistiques et à ceux liés à la culture en tant que déterminants sociaux de la santé.
Il y a des années, l'Agence de la santé publique du Canada avait l'habitude de classer le racisme sous la rubrique « culture », en tant que déterminant de la santé. Nous savons maintenant que le racisme et la culture sont très différents en tant que déterminants de la santé, donc oui, c'est très important de pouvoir se pencher sur la culture. Il est également important de se pencher sur les problèmes de racisme, et pour beaucoup d'immigrants, de traiter de la navigation dans le système, c'est-à-dire simplement savoir où aller et comment s'y retrouver dans le système.
Souvent, nous pensons régler les obstacles linguistiques en disant: « Toi, tu parles arabe, et toi, tu parles arabe; il suffit de venir ensemble et vous pourrez servir d'interprète l'un pour l'autre, et voilà, le tour est joué. » Certaines de mes recherches nous montrent que les services d'interprétation comportent certaines complexités. Vous savez, l'un des participants que j'ai interviewés, un fournisseur de services aux immigrants, en a parlé. Par exemple, si vous avez deux interprètes, l'un originaire de la tribu talibane et l'autre de la tribu pachtou, et que vous les réunissez et leur demandez d'interpréter l'un pour l'autre, cela peut causer des conflits, car vous réunissez l'oppresseur et l'opprimé.
Il y a aussi des aspects délicats liés à la violence sexiste. Vous pourriez souhaiter faire un jumelage en fonction du sexe.
Il y a tellement de complexités liées à la culture et aux services d'interprétation, mais sans interprétation, il est beaucoup plus difficile de répondre aux besoins des populations immigrantes au Canada.
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Je pense que nous devons subjuguer nos données. L'un des défis, et l'un de mes collègues l'a dit... Par exemple, j'ai fait une étude dans laquelle j'ai examiné la santé mentale d'enfants immigrés et non immigrés au Canada. Lorsque vous prenez l'ensemble des données, tout s'embrouille, mais lorsque vous commencez à les ventiler... Le problème, c'est que lorsqu'on se fie, par exemple, à l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, que j'essaie d'utiliser, il est impossible de ventiler les données. L'analyse est tout simplement impossible.
Lorsque vous prenez l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, qui est dotée de l'échantillon le plus volumineux et qui permet de ventiler les données, l'Enquête ne recueille pas de données sur les enfants de moins de 12 ans. C'est peut-être l'un des éléments sur lesquels nous devons commencer à recueillir des données.
Ma collègue a parlé de l'Enquête longitudinale sur les enfants et les jeunes immigrants, qui fournissait aussi des données ventilées sur les immigrants au Canada, et il y avait une autre étude nationale. Toutefois, bon nombre de ces études longitudinales ont été abandonnées.
Par exemple, lorsque vous prenez la plupart des données longitudinales à petite échelle au Canada, certains défis tiennent au fait que la taille de l'échantillon pour la population racisée est si petite.
Je mène actuellement une étude pour l'Agence de la santé publique du Canada qui porte sur la façon dont les données fondées sur la race sont recueillies pour les populations noires au Canada. Il existe des moyens culturellement appropriés que nous devons intégrer dans notre collecte de données fondées sur la race afin de nous assurer que la taille des échantillons est suffisante. À l'heure actuelle, du moins en ce qui concerne l'Enquête canadienne sur les mesures de santé et l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, le pourcentage de la population noire, racisée et immigrée sondée dans ces enquêtes est inférieur au pourcentage qu'elle représente dans la population canadienne. Cela doit changer et nous devons être en mesure de ventiler ces données.
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Merci, monsieur le président.
Je trouve vraiment intéressant que nous parlions de données, notamment de données qui nous permettent de mettre sur pied de bonnes politiques sociales et de nous comparer aux autres, par exemple. C'est la saveur du jour.
Je vais encore m'adresser à vous, madame Haeck.
J'ai l'impression que chaque groupe de chercheurs veut ses propres données et qu'il y a beaucoup de petites initiatives de collectes de données très particulières.
Quel serait le modèle idéal, au Québec et au Canada, qui permettrait aux chercheurs d'avoir des données accessibles à tous et comparables, et qui mettrait le Canada sur la scène mondiale? On sait que nous utilisons encore beaucoup de données américaines pour plusieurs questions.
Avons-nous ce modèle aujourd'hui?
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Je n’en ai aucune idée.
Par exemple, les données utilisées pour faire le rapport de l'UNICEF, dont plusieurs personnes ont parlé, ce sont les données HBSC, financées par Santé Canada, mais elles inaccessibles aux chercheurs. J'ai essayé de les obtenir, je vous le garantis. C'est impossible d'accéder à ces données, qui sont pourtant collectées par des fonds publics et qui servent à placer le Canada sur la scène mondiale.
Ce ne sont pas des données qui proviennent de Statistique Canada. On ne peut valider ni vérifier les données. La méthodologie utilisée n'est pas évidente à comprendre pour s'assurer que la recherche est bien faite, et on ne peut pas être certain que les échantillons utilisés sont représentatifs du Canada.
À mon avis, confier la collecte des données à un organisme de chercheurs plutôt qu'à Statistique Canada pour classer le Canada dans le monde, cela n'a aucun sens. Je ne sais pas quelle logique motive cet état de fait, mais ce genre de financement, qui est attribué un peu partout au pays, est très fréquent.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme je l'ai dit au début, il a été très intéressant d'entendre ce groupe de témoins pour nous aider à comprendre la situation critique des enfants au Canada et, peut-être, la voie à suivre.
J'ai une question pour Mme Salami, si vous le permettez, et j'aimerais ensuite me tourner vers les autres témoins dans un autre ordre d'idées.
Madame Salami, vous avez explicitement fait référence à l'accréditation des travailleurs de la santé formés à l'étranger. Je peux m'imaginer que c'est un bel exemple pour les enfants et les familles. Bien sûr, en général, les emplois dans le secteur des soins de santé sont mieux rémunérés que les autres, ce qui aide les enfants par la bande.
Pouvez-vous nous faire part de vos idées sur la reconnaissance des titres de compétences des fournisseurs de soins de santé formés à l'étranger?
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Tout d'abord, je dois dire que ma thèse de doctorat portait en fait sur la migration vers le Canada d'infirmières formées aux Philippines pour y devenir des travailleuses domestiques. C'était il y a environ neuf ans, mais certains enjeux sont toujours d'actualité.
Je fais également partie de certains groupes WhatsApp pour des professionnels formés à l'étranger. Dans le passé, j'ai aidé à organiser des séances d'information pour réunir le Service national d'évaluation infirmière et des professionnels formés à l'étranger. Nous pouvons prendre des mesures, petites et grandes. Au cours de certaines séances, des infirmières formées à l'étranger ont même parlé du temps que prend l'évaluation des titres de compétences, ou de la possibilité d'avoir une liste à cocher sur leur site Web, de sorte que lorsqu'elles envoient leurs documents à leur pays d'origine, ces derniers savent que ce sont les éléments qu'elles doivent fournir pour que leur formation à l'étranger soit reconnue.
En ce qui concerne les provinces, il y a tellement de différences dans les exigences, tant au niveau de l'anglais que des autres exigences. Ensuite, il y a l'exigence des trois années d'expérience. Pour être reconnue comme infirmière formée à l'étranger, il faut avoir exercé en Ontario au cours des trois dernières années. En Alberta, c'est cinq ans. Pourquoi y a‑t‑il tant de différences à travers le Canada à cet égard?
Les possibilités qui permettent aux professionnels d'exercer dans différentes provinces peuvent aussi être bénéfiques aux professionnels formés à l'étranger. Par exemple, à l'échelle fédérale... De nombreuses politiques relatives aux professionnels formés à l'étranger relèvent de la compétence des provinces. À l'échelle fédérale, nous pouvons faire davantage en soutenant le Service national d'évaluation infirmière afin de faciliter les choses.
Par exemple, à l'heure actuelle, une grande partie des processus liés à l'évaluation des titres de compétences du personnel infirmier formé à l'étranger sont effectués aux États-Unis, ce qui ralentit le processus. Si nous voulons vraiment l'accélérer, prenons des mesures pour que l'évaluation se fasse au Canada. Cela ne nous coûtera pas plus cher, mais combien de gains aurons-nous en fait de résultats pour les patients et de disponibilité de ressources humaines? Je pense que nous devons envisager cette solution au Canada. Est‑il possible de faire en sorte que les choses se fassent au Canada pour que nous puissions faire entrer plus rapidement dans le réseau le personnel infirmier formé à l'étranger?
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins. Nous avons entendu de très bons témoignages sur de nombreux sujets, qu'il s'agisse des déterminants sociaux de la santé, des répercussions de la COVID pour les plus vulnérables, ou des données et de certaines recherches effectuées sur l'interface entre le genre, la race, la classe sociale et la nationalité.
Beaucoup de mes questions ont reçu une réponse, mais j'aimerais prendre un peu de temps pour me tourner vers l'avenir. Plus précisément, j'aimerais examiner les politiques et les pratiques en vigueur, les possibilités qui s'offrent à nous et ce sur quoi nous devrions vraiment nous concentrer pour relever certains de ces défis.
Comme il reste quatre minutes, je vais demander à chaque témoin de faire une intervention d'une minute. Je tiens à reconnaître que la santé est une compétence partagée entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral, mais s'il y avait un domaine de politique sur lequel nous pourrions nous concentrer pour aider à améliorer la situation ou éliminer certains défis que vous avez soulevés, de quel domaine s'agirait‑il? Ce serait vraiment utile pour notre étude.
Je vais commencer par Mme Haeck et poursuivre dans l'ordre de vos interventions. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous proposer une politique que nous devrions promouvoir, selon vous?
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C'est une excellente question.
Nous savons que lorsque des enfants naissent avec des complications et des besoins vitaux, les grands centres universitaires de sciences de la santé sont les meilleurs endroits pour eux. Nous trouvons ces centres dans tout le pays. Nous avons parlé de Calgary et d'Edmonton, en Alberta. Nous en avons aussi à Toronto.
Le fait est qu'une fois que l'état de ces enfants est stabilisé, il faut créer des programmes vraiment solides dans ces collectivités éloignées. Vous pouvez avoir de bons programmes de répit. Ils peuvent être de taille réduite. Il peut s'agir d'un petit établissement. Mettre en place ces plaques tournantes et avoir cette interconnexion entre... S'il y avait un programme ou une organisation provinciale ou nationale, vous pourriez avoir des mesures de soutien pour ces collectivités éloignées. Le seul moment où ces personnes auraient besoin de se rendre dans un grand centre universitaire d'une grande ville, c'est lors d'un épisode aigu. Elles devraient alors s'y rendre.
Des mécanismes permettent de mettre ces modèles en place et les familles ne devraient pas avoir à déménager. Il est possible de le faire à petite échelle. Je pense que ce que la COVID nous a obligés à faire — et que nous avons très bien fait — c'est de nous tourner vers les soins virtuels. Il existe des possibilités d'utiliser la technologie des soins virtuels. Nous avons dû passer du jour au lendemain des consultations en interne dans les centres universitaires à la prestation de soins virtuels.
La technologie existe. Il est possible de suivre des enfants dans ces collectivités éloignées. La technologie permet aussi de détecter les signes précurseurs d'une détérioration et de savoir à quel moment une consultation sur place s'impose.
Je ne pense pas que nous devrions craindre cette notion de soutien à distance en utilisant la technologie, les soins virtuels et les modèles de plaque tournante pour soutenir les familles près de chez elles.
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Je suis très bien branchée à l'échelle nationale. Je préside une communauté de pratique pour les professionnels de la santé à travers le pays, alors j'en ai une bonne idée.
J'essayais de souligner aujourd'hui que nous en sommes encore aux balbutiements de ces programmes. Il y a des poches qui le font extrêmement bien. Quand je regarde la côte Est, à Terre-Neuve, je vois d'excellentes options de soins à domicile.
J'ai travaillé avec mes collègues de la Colombie-Britannique, qui font un travail très intéressant et qui élargissent la notion de « complications médicales » pour la transformer en « problèmes de santé complexes ». Au lieu de penser uniquement à la santé physique et à la santé mentale, nous essayons d'élargir notre réflexion. L'Alberta fait également un excellent travail.
Tout le monde essaie de travailler ensemble pour s'inspirer de ce qui se fait dans chaque province, mais nous n'avons pas de modèle intégré et durable. Je pense qu'il est très important d'offrir ces formes de soutien.
Pour en revenir à votre point, les familles ne devraient pas avoir à déménager dans ces grandes villes. Elles peuvent être prises en charge avec succès. La technologie et l'innovation médicale sont vraiment exceptionnelles. Nous devons être beaucoup plus stratégiques et innovants. Ce comité a la capacité de nous aider à commencer à mettre en place certains de ces modèles.