Bienvenue à la 95e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément au Règlement.
Monsieur Humphreys, j'ai quelques observations à faire au sujet de votre participation à distance. Sur votre écran, vous avez la possibilité d'utiliser l'interprétation. Vous verrez au bas de votre écran un choix entre le parquet, l'anglais ou le français. S'il vous plaît, éteignez votre micro lorsque vous ne parlez pas. La plupart du temps, cela se fera automatiquement, mais si ce n'est pas le cas, veuillez vous y conformer et vous abstenir de prendre des photos de votre écran ou des saisies d'écran.
Conformément à la motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. M. Keith Humphreys, professeur de psychiatrie, se joint à nous par vidéoconférence. Nous accueillons également M. Dan Werb, qui représente l'Hôpital St. Michael's à Unity Health Toronto et qui est directeur du Centre on Drug Policy Evaluation.
Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de cinq minutes, en commençant par vous, monsieur Humphreys.
Bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à votre distingué comité aujourd'hui.
Je m'appelle Keith Humphreys et je suis le professeur émérite de psychiatrie Esther Ting à la Faculté de médecine de l'Université Stanford. Je suis également un ancien conseiller de la Maison‑Blanche en matière de politique antidrogue auprès des présidents Bush et Obama.
Aujourd'hui, je vais résumer brièvement certaines des principales conclusions de la Commission Stanford‑Lancet sur la crise des opioïdes en Amérique du Nord, que j'ai présidée et dont les principales conclusions ont été publiées dans la revue médicale The Lancet l'an dernier.
La commission était composée de cliniciens, de chercheurs et de décideurs nord-américains qui ont étudié attentivement la crise des opioïdes aux États‑Unis et au Canada et ont formulé des recommandations sur la façon de la résoudre.
Dans nos deux pays, la crise des opioïdes a pris naissance dans le système de soins de santé lorsque des sociétés pharmaceutiques et des fournisseurs de soins de santé insuffisamment réglementés ont augmenté la prescription d'opioïdes par habitant de plus de 400 % en un peu plus d'une décennie. Le fait que ces drogues étaient fabriquées légalement et d'une qualité connue et constante ne les a pas empêchées de créer une dépendance chez des millions de personnes et de tuer des centaines de milliers de personnes en Amérique du Nord.
Certains de ceux qui ont souffert étaient des patients. D'autres étaient des personnes qui avaient obtenu l'accès à des médicaments prescrits pour d'autres qui leur avaient été donnés ou vendus par le biais d'un détournement. Lorsque les opioïdes d'ordonnance sont distribués dans la collectivité sans la surveillance qui s'impose, il est facile pour chaque personne qui les reçoit non seulement de devenir dépendante, mais aussi de faire en sorte que d'autres personnes deviennent à leur tour dépendantes.
Il faut reconnaître que les États‑Unis et le Canada ont par la suite pris des mesures importantes pour rendre la prescription d'opioïdes plus judicieuse et sécuritaire. Toutefois, comme vous le savez tous, l'expansion des marchés de drogues illicites, d'abord l'héroïne, puis le fentanyl, a continué de causer de grandes souffrances.
La commission a recommandé l'élargissement de solides programmes de prévention fondés sur des données probantes, ciblant les personnes qui ne consomment pas encore d'opioïdes, ainsi que des stratégies de traitement et de réduction des préjudices pour les personnes qui sont déjà dépendantes. Bon nombre de ces stratégies sont en place à de multiples endroits au Canada, y compris dans des cliniques de traitement à la méthadone, des services d'échange de seringues, des tribunaux de traitement de la toxicomanie, des programmes de réadaptation en établissement et des initiatives de distribution de naloxone, un médicament de secours en cas de surdose. La commission n'a vu aucune raison pour laquelle les programmes de réduction des préjudices et de traitement ne pouvaient pas être offerts en parallèle. La promotion de la santé publique devrait être un parcours commun, et non un concours.
La commission a également appuyé l'objectif de désintoxication pour tous les services, c'est‑à‑dire que, bien qu'il soit clairement précieux et moral de sauver la vie d'une personne aujourd'hui — par exemple, à la suite d'une surdose d'opioïdes — il est important de ne pas céder à la tartufferie complaisante des aspirations modestes en supposant que d'aider une personne dépendante à survivre au jour le jour est le mieux qu'on puisse faire.
Des dizaines de millions de personnes en Amérique du Nord se sont remises de leur dépendance, ont recouvré la santé et ont retrouvé leur humanité au grand bonheur de leur famille et de leur collectivité. L'augmentation du nombre de personnes qui abandonnent une dépendance active et s'en remettent est un objectif louable auquel tous les fournisseurs de services et les décideurs devraient aspirer. C'est l'esprit qui anime le système de soins axé sur le rétablissement qui est en train d'être mis sur pied en Alberta, une vision déstigmatisante et optimiste qui, à mon avis, devrait être reproduite à l'échelle nationale.
La commission a reconnu que les programmes d'approvisionnement sûr qui permettent de distribuer des opioïdes pharmaceutiques et d'autres drogues dans la collectivité font l'objet de discussions importantes au Canada. Je termine en mentionnant que les commissaires étaient sceptiques face à de tels programmes, pour la simple raison que nous avons l'impression de revivre toujours le même scénario.
Si la distribution d'opioïdes d'ordonnance avec une supervision minimale était bonne pour la santé communautaire, ni les États‑Unis ni le Canada n'auraient connu d'épidémie d'opioïdes. La première décennie de la crise aurait dû nous apprendre que le fait qu'une drogue soit produite légalement et de qualité connue ne l'empêche pas de semer la dépendance et la mort.
De plus, comme l'ont montré les premières années de la crise des opioïdes, il suffit de quelques cas de détournement vers de nouveaux utilisateurs pour qu'un programme de distribution d'opioïdes augmente la prévalence de la dépendance. Même si nous partons de l'hypothèse optimiste selon laquelle 90 % des gens qui participent au programme d'approvisionnement sûr prennent tous les médicaments qui leur ont été prescrits exactement et que les 10 % restants ne détournent que suffisamment de médicaments pour générer un ou deux nouveaux cas de toxicomanie par année, le nombre de toxicomanes double tous les cinq ans.
Par conséquent, la commission a recommandé de garder foi dans les stratégies de prévention, de traitement et de réduction des préjudices que je viens de décrire, qui ont prouvé que la lutte contre notre crise commune de toxicomanie s'améliore au lieu d'empirer.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Je suis épidémiologiste social et directeur du Centre on Drug Policy Evaluation à l'hôpital St. Michael's de Toronto.
L'épidémie de surdoses au Canada s'aggrave. Cette situation a, à juste titre, mené à une remise en question de l'intervention actuelle et à une réflexion sur ce qui doit changer pour que le Canada puisse surmonter cette crise qui frappe l'ensemble de la société.
Dans ce contexte, il est important de reconnaître où il y a consensus scientifique et où des questions subsistent. J'aimerais concentrer mes observations sur deux domaines contestés: le traitement par agonistes opioïdes et les services de consommation supervisée.
Les scientifiques s'entendent pour dire que les traitements par agonistes opioïdes comme la méthadone, la buprénorphine et d'autres constituent l'approche la plus efficace que nous ayons pour gérer les troubles liés à l'utilisation des opioïdes et aider à stabiliser les personnes à risque de surdose.
Au cours des trois dernières décennies, il y a eu de multiples méta-analyses et revues systématiques de Cochrane, qui constituent la norme par excellence de la médecine factuelle. Elles ont démontré que cette catégorie de traitements, qui comprend la fourniture d'opioïdes comme la méthadone, la buprénorphine et la diacétylmorphine, entre autres, est efficace pour garder les gens en traitement, réduire leur consommation d'opioïdes non médicaux et réduire leur risque de surdose.
Les travaux que j'ai dirigés dans le cadre d'une étude financée par le National Institute on Drug Abuse des États‑Unis et les Instituts de recherche en santé du Canada dans quatre pays ont également révélé que l'inscription au traitement par agonistes opioïdes était associée à une probabilité réduite que les personnes qui s'injectent des drogues aident d'autres personnes à commencer la consommation de drogues injectables, ce qui pourrait empêcher d'autres personnes de devenir à risque de surdose.
Toutefois, des questions demeurent concernant le traitement par agonistes opioïdes. Par exemple, comment pouvons-nous le mieux réduire les obstacles auxquels font face les personnes à risque de surdose qui pourraient bénéficier d'un traitement? Comment pouvons-nous étendre le traitement à ceux qui en ont besoin? Quels types de médicaments sont les plus efficaces, compte tenu de la puissance extrêmement élevée des opioïdes synthétiques comme le fentanyl, le carfentanil et les opioïdes de la classe du nitazène? Quel genre de surveillance est nécessaire pour s'assurer que les besoins des patients sont satisfaits et que les médicaments ne sont pas détournés? Enfin, comment pouvons-nous nous assurer que les personnes qui perdent l'accès au traitement ne finissent pas par dépendre de l'approvisionnement en drogues toxiques et, par conséquent, par courir un plus grand risque de surdose?
Il est important d'examiner ces questions, mais elles ne changent rien au fait que le traitement par agonistes opioïdes est notre meilleur outil clinique pour gérer la dépendance aux opioïdes et que les approches axées sur le rétablissement n'ont pas démontré une aussi grande efficacité. Nous devrions continuer de concentrer nos efforts sur l'élargissement de la couverture afin de répondre aux besoins de ceux qui pourraient bénéficier de ce traitement, tout en veillant à faire évoluer la conception des programmes pour répondre à ces questions importantes.
De même, les scientifiques s'entendent pour dire que les services de consommation supervisée sont efficaces pour empêcher les gens de mourir d'une surdose. Il s'agit en fait de l'intervention structurelle la plus efficace que nous connaissions. Ces services ont généré des preuves au cours des quatre dernières décennies et sont maintenant présents dans plus du tiers des pays du monde. Il a été démontré qu'ils offrent non seulement des interventions vitales immédiates aux clients sur place, mais qu'ils peuvent également servir de voies d'accès au continuum de soins plus vaste pour les personnes à risque de surdose. Cela comprend l'aiguillage des clients vers des traitements, des services sociaux et des soins cliniques.
Cependant, des questions ont été soulevées quant aux limites de leur impact. Par exemple, certains observateurs ont remis en question leur rentabilité, en supposant que leur impact se limite aux clients situés à l'intérieur des quatre murs des sites comme tels.
À ce sujet, j'aimerais signaler une étude de mon centre, dirigée par Indhu Rammohan et actuellement sous presse à The Lancet Public Health, la plus importante revue de santé publique à comité de lecture au monde. L'étude a récemment révélé que la mise en place de neuf centres de consommation supervisée à Toronto, à compter de 2017, a entraîné une réduction de 67 % du taux de mortalité par surdose dans les régions avoisinantes — jusqu'à cinq kilomètres plus loin —, et que les taux positifs ont considérablement diminué d'année en année.
Cette étude s'ajoute aux données de Vancouver, ainsi que de Sydney, en Australie, qui démontrent collectivement les effets d'entraînement positifs de ces sites dans l'ensemble des quartiers.
Si nous voulons vraiment mettre fin à l'épidémie de surdoses, la principale question que nous devons nous poser est de savoir comment mieux affecter les ressources à ces services pour les intégrer pleinement au continuum de soins plus vaste, comme les services sociaux, y compris l'aide au logement, les soins cliniques et le traitement de la toxicomanie, afin qu'elles soient aussi efficaces que possible pour prévenir les surdoses et pour aider à mettre les personnes en contact avec les services dont elles ont besoin.
De plus, quelle est la meilleure façon de concevoir et de gérer ces sites afin de réduire au minimum les préoccupations potentielles en matière de sécurité publique pour les collectivités environnantes? Plutôt que de chercher à réduire le nombre ou le financement de ces sites, nous devons leur affecter des ressources et les concevoir de manière à répondre aux besoins des personnes les plus à risque de décès ainsi qu'à ceux des collectivités où ils sont situés.
C'est pourquoi je suis si troublé par le fait que des centres de consommation supervisée doivent fermer à Sudbury et à Timmins, en Ontario, et qu'ils sont menacés de fermer ailleurs. Étant donné que le taux de mortalité par surdose par habitant dans le Nord de l'Ontario est environ trois fois plus élevé que la moyenne provinciale, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de reculer, sinon plus de gens mourront.
L'épidémie de surdoses tuera bientôt plus de Canadiens que la COVID‑19, et surtout des jeunes. Reconnaissons notre deuil collectif à l'échelle nationale et transformons‑le en une feuille de route exhaustive fondée sur des données probantes pour mettre fin aux surdoses, en fonction de ces données sur ce qui fonctionne et ce qui doit être adapté. La seule autre option est la mort.
Merci.
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L'Alberta a pris un engagement financier important à l'égard de toutes sortes de traitements. Ils ont un traitement coûteux par agonistes opioïdes. Il y a la remise en état des logements. Soit dit en passant, ils ont aussi investi beaucoup dans la réduction des préjudices. Ce qu'ils font de différent de beaucoup d'autres endroits au pays — de mon pays aussi —, c'est que, tout d'abord, ils ont un système. Toutes les pièces sont intégrées. Il y a un plan à l'échelle de la province. Il y a des étapes de soins que les gens doivent suivre pour pouvoir ressortir du traitement beaucoup mieux qu'à leur arrivée.
La deuxième chose, comme je l'ai dit, c'est cette vision optimiste du rétablissement. Vous savez, parce que la toxicomanie est une maladie stigmatisée, il y a un certain nombre de personnes qui croient et qui affirment froidement qu'une personne toxicomane ne change jamais, et qu'elle ne peut pas s'améliorer. Or, selon le modèle albertain, on estime que ce n'est pas vrai, et que les gens peuvent se rétablir. Des millions de personnes se sont rétablies, et sont des citoyens productifs, qui ont des liens avec leur famille et qui sont des gens que nous chérissons dans la collectivité.
Il est extrêmement important d'établir cela comme objectif, comme aspiration, plutôt que de dire que nous allons simplement gérer cette population, que nous n'attendons pas grand-chose d'elle et que nous pourrions au plus l'aider à survivre jusqu'au lendemain, et que c'est tout ce qu'elle peut faire. Nous contribuons ainsi à la réalisation de notre propre prophétie.
J'ai admiré cet état d'esprit lorsque je suis allé en Alberta et que j'ai vu ce qu'ils font, quand j'ai constaté sur place la concrétisation de cette vision selon laquelle chaque personne est capable d'avoir une bien meilleure vie après le rétablissement.
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Oui, j'ai effectivement eu cette expérience. Je ne suis pas un politicien. Je suis conseiller en politiques. Puisque la science reste la science, quiconque veut l'adapter à... Il est possible de travailler avec un large éventail de personnes, et c'est ce que j'ai essayé de faire.
Ce que j'ai vu dans ces deux administrations, c'est que l'engagement à traiter la toxicomanie comme un problème de santé était profond et important pour ces deux présidents. Même s'ils différaient de bien des façons, ils croyaient tous deux que nous pouvions gérer la toxicomanie dans le système de soins de santé. Oui, nous avons besoin des forces de l'ordre lorsque quelqu'un devient violent en raison de sa toxicomanie, mais dans la plupart des cas, nous voulons que les gens puissent parler à leur médecin de leur dépendance tout comme ils leur parleraient du cancer ou d'un problème cardiaque. Les deux présidents ont fait évoluer notre système de cette façon.
Soit dit en passant, le Canada fait mieux que les États‑Unis. L'assurance-maladie y est universelle, et je pense que c'est très bien. Nous avons fait des progrès à cet égard. Nous aimons copier ce que vous faites.
Je pense que l'idée d'essayer de gérer la toxicomanie le plus possible dans le domaine des soins de santé... Vous n'avez pas besoin de sécurité publique, à moins qu'une personne ne menace un autre être humain.
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Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question.
Vous avez entièrement raison. Voyez comment le VIH/sida et la COVID ont été maîtrisés, en réduisant le nombre de nouveaux cas. Nous n'en faisons pas assez dans le domaine de la toxicomanie.
La commission a recommandé de mettre l'accent en particulier sur les enfants de familles à faible revenu et sur les investissements génériques dans leur bien-être. Il pourrait s'agir de programmes d'éducation de la petite enfance, de partenariats entre le personnel infirmier et la famille qui aident les parents à faible revenu à vivre leur première expérience de naissance et d'éducation de la petite enfance, et de Communities That Care, un programme très bien conçu pour les enfants un peu plus vieux, soit habituellement de 11, 12 ou 13 ans. On leur enseigne des choses comme la façon de reconnaître et de gérer leurs propres émotions, d'établir des liens positifs avec d'autres enfants et avec des organismes communautaires, quels qu'ils soient — culturels, religieux, artistiques ou sportifs —, qui leur offrent des solutions de rechange à la toxicomanie.
Les données probantes de ces études, qui sont très solides, montrent que les enfants qui profitent de ces investissements ont non seulement des taux plus faibles de consommation de drogues, d'alcool et de tabac, mais qu'ils sont aussi plus susceptibles de rester à l'école. Ils sont plus susceptibles d'aller à l'université un jour. Ils sont moins susceptibles de commettre des crimes. Ils sont moins susceptibles d'être déprimés. Ces investissements — encore une fois, surtout pour les enfants qui grandissent dans des environnements difficiles — sont très importants, à moins que nous voulions tous être encore au même point dans 10 ans, ce qui n'est pas le cas, j'en suis sûr.
Nous pouvons nous en sortir grâce à ces investissements en amont.
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Il s'agit de l'adaptation d'une approche qui a été utilisée avec beaucoup de succès dans le domaine du VIH. Essentiellement, il s'agit de répondre aux besoins en matière de traitement afin d'éviter la propagation. Dans le cas du VIH, on réduit en fait la transmission du VIH dans la population si on lui fournit des médicaments comme des thérapies antirétrovirales très actives.
Ma solution représente une légère adaptation de cette approche, mais bien sûr, la consommation de drogues est un phénomène très, très différent. Essentiellement, nous avons constaté dans les travaux dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire, financés par le NIDA aux États‑Unis et par les Instituts de recherche en santé du Canada, que les personnes qui recevaient des traitements par agonistes opioïdes et qui s'injectaient des drogues étaient moins susceptibles de déclarer avoir aidé d'autres personnes à commencer à s'injecter des drogues. Nous savons que la consommation de drogues injectables mène souvent à des problèmes de plus en plus graves de consommation d'opioïdes ou d'autres drogues. Nous avons également constaté, par exemple, que l'augmentation de l'intensité des services de police avait l'effet inverse. Les personnes qui rencontraient plus souvent la police étaient plus susceptibles d'aider les gens à commencer à s'injecter des drogues.
Permettez-moi simplement de dire qu'il ne s'agit pas de présenter les gens qui se livrent à ce genre de comportement comme des prédateurs ou quoi que ce soit du genre. Il y a de nombreuses justifications rationnelles pour lesquelles les gens adoptent ce genre de comportement, mais si nous cherchons à empêcher la propagation des comportements liés à la consommation de drogues qui, selon nous, pourraient accroître le risque de surdose et si nous nous fions aux données probantes sur les interventions qui peuvent aider à répondre aux besoins, nous constatons qu'il pourrait y avoir un effet multiplicateur sur les risques pour d'autres personnes.
À ce sujet, je dirai que nous n'avons pas vu les mêmes preuves de l'efficacité du traitement axé sur la reprise en main par opposition au traitement par agonistes opioïdes et au traitement pharmacothérapeutique. J'aimerais parler d'une étude récente — qui paraîtra dans Drug and Alcohol Dependence en janvier, mais qui est maintenant disponible en ligne — qui comparait la mortalité par surdose chez les personnes inscrites à des traitements à la méthadone et à la buprénorphine non pharmacothérapeutiques et fondés sur le rétablissement. L'étude a révélé que le risque de mortalité par surdose était réduit chez les personnes inscrites à un traitement à la buprénorphine. Cependant, lorsque les auteurs ont examiné le traitement non pharmacothérapeutique fondé sur le rétablissement, il y avait un risque accru, comparativement au placebo, de mortalité par surdose.
À ce sujet, je dirais que l'adoption du modèle de l'Alberta, bien qu'il s'agisse bien sûr d'un idéal... Je pense que tous ceux qui travaillent dans ce domaine et qui y consacrent leur temps sont enthousiastes et optimistes à l'égard des possibilités qu'ont les gens de se sentir bien, de se reprendre en main, d'être en santé et de bien socialiser. Après l'adoption du modèle albertain au milieu de 2019, le taux de mortalité par surdose a plus que doublé dans cette province. Il y a eu une augmentation de la mortalité par surdose pratiquement partout au Canada, mais l'augmentation en Alberta a en fait dépassé celle de beaucoup d'autres endroits au Canada, alors je ferais simplement une petite mise en garde à ce sujet.
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Je pense que c'est simplement une question de données probantes. Les données probantes sur les traitements non pharmacothérapeutiques fondés sur le rétablissement ne sont tout simplement pas aussi solides que celles sur les traitements fondés sur la pharmacothérapie. Il y a une raison pour laquelle la méthadone et la buprénorphine figurent sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS. C'est parce que ce sont les approches les plus efficaces que nous connaissions pour gérer les troubles liés à la consommation d'opioïdes.
Je partage l'aspiration et l'optimisme de M. Humphreys à l'égard de la capacité des gens et de l'aide à leur rétablissement après avoir souffert de troubles liés à la consommation d'opioïdes. Le fait est que ces programmes de traitement à la méthadone et à la buprénorphine semblent désordonnés parce qu'il arrive souvent que des gens s'inscrivent à un programme de traitement à la méthadone et à la buprénorphine ou à un autre médicament pour le trouble de consommation d'opioïdes, commencent le programme et cessent ensuite d'y participer. Ils y reviennent parfois. Cependant, au fil du temps, nous n'avons pas vu de preuves scientifiques indiquant que le rétablissement est une approche efficace. Je pense que cette méthode peut certainement faire partie d'une approche globale, mais pas au détriment d'une pharmacothérapie clinique fondée sur des données probantes.
Je dirais que l'un des problèmes en Alberta, c'est que la proportion de la population qui bénéficie d'une couverture pour ces types de médicaments — les traitements par agonistes opioïdes ou les médicaments pour les troubles de consommation d'opioïdes, ou peu importe le terme que vous voulez utiliser — est en fait beaucoup moins élevée que dans des endroits comme la Colombie-Britannique et l'Ontario. Lorsque nous réfléchissons à des façons de prévenir l'épidémie de surdoses, je pense que nous devons commencer par déterminer où se trouvent les preuves et le consensus scientifiques. Cela ne veut pas dire que le rétablissement n'est pas approprié pour certaines personnes, mais simplement que les preuves scientifiques — et c'est ce que j'observe — sont beaucoup plus solides en ce qui concerne ces types de traitements, par rapport aux traitements fondés sur le rétablissement.
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Elle a parfaitement raison. C'est ce que nous avons vu à maintes reprises. J'ai mené une étude de cohorte sur les personnes qui consomment des drogues à Toronto. Nous les avons suivies pendant environ cinq ans. Des données probantes tirées d'études de cohortes de gens qui consomment des drogues à Vancouver et à Montréal ont montré que la précarité du logement est l'un des principaux facteurs qui exposent les gens au risque de surdose.
C'est intéressant, parce que nous lisons et entendons tous les jours des nouvelles sur le logement, mais il est rare que les gens établissent des liens entre la crise du logement qui touche l'ensemble du Canada et le fait que cette crise contribue vraiment à l'épidémie de surdoses que nous vivons également. Il est très difficile pour les gens de suivre un traitement s'ils n'ont pas de logement.
On exige souvent que les gens — souvent de façon informelle ou implicite — aient un logement avant de pouvoir suivre un traitement standard parce que leurs cliniciens croient que leur situation est peut-être trop chaotique pour qu'ils soient en mesure d'entreprendre ou de poursuivre un programme de traitement. Je pense que vous avez mis le doigt sur le fait que le logement va de pair avec ce problème, et malheureusement, lorsque des ressources sont allouées pour mettre fin à l'épidémie de surdoses, la question du logement n'est pas prise en compte.
Nous avons un réseau de refuges au Canada qui est en général fondé sur l'abstinence. Cela signifie que si une personne gère sa consommation de drogues au moyen d'un programme de traitement à la méthadone ou à la buprénorphine ou d'un autre programme, mais qu'elle consomme toujours un peu d'opioïdes non réglementés, elle ne peut pas rester dans ce refuge. Il y a certaines restrictions concernant même l'accès à des options d'hébergement peu restrictives qui obligent les gens à choisir entre poursuivre leur traitement ou être logés.
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C'est une bonne question.
J'ai parlé à des spécialistes du domaine. On ne fait pas cela dans mon pays. Vous avez raison de dire que j'observe cela de loin.
Nous avons toutefois, bien sûr, l'expérience de la prescription d'opioïdes. À l'époque de l'OxyContin, bon nombre de ceux qui en prenaient étaient dépendants et entraînaient d'autres personnes à devenir elles aussi dépendantes. Si nous voulions savoir si, pour une raison ou pour une autre, ce phénomène avait été stoppé grâce à un approvisionnement sûr — je ne sais pas pourquoi nous le présumerions, mais si nous le faisions —, nous nous baserions sur quelque chose qui n'a pas été fait. Il n'y a rien qui permette de présumer de cette réussite dans la littérature scientifique. Tous les jours, il aurait fallu soumettre chaque personne profitant d'un approvisionnement sûr à un test d'urine, et chaque fois qu'il n'y avait pas de drogue dans son urine, il aurait fallu lui demander à qui était allée cette drogue. On aurait ensuite dû trouver cette personne qui avait obtenu la drogue et voir si elle avait fait une surdose, mortelle ou non, ou si elle avait développé une dépendance à ce médicament.
Cela n'a pas été fait. C'est ce que je ferais si je suivais la situation de près et que je m'inquiétais des préjudices causés à la collectivité. Nous avons été très négligents au sujet de cette possibilité pendant très longtemps dans le cas de l'OxyContin, et nous l'avons regretté. Parce que cela n'a pas été fait, je crains franchement que nous ne répétions la même erreur.
Je ne sais pas si quelqu'un essaie délibérément de mal interpréter ou de déformer quoi que ce soit. Je signale que je suis le chercheur principal d'une évaluation nationale des programmes pilotes d'approvisionnement plus sûr au Canada, qui est financée par Santé Canada et dirigée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Je peux vous en parler un peu.
L'un des problèmes que je trouve troublants, c'est que l'on confond un certain nombre d'approches différentes avec l'idée ou l'expression « approvisionnement plus sûr ». Parfois, lorsque les gens parlent d'un approvisionnement plus sûr, ils parlent de réglementer le marché illicite de la drogue, ce dont je serais heureux de parler. Parfois, on parle de lignes directrices cliniques prescrites, comme celles qui sont en place en Colombie-Britannique. Parfois, on parle de programmes pilotes, comme ceux que notre évaluation nationale étudie, qui sont intégrés aux programmes existants de réduction des préjudices et de soins sociaux. Tous ces programmes sont très différents.
Dans ces programmes, l'approvisionnement plus sûr est généralement une composante d'une approche plus globale visant à répondre aux besoins des clients, des membres ou des patients. Tous ces programmes désignent ces personnes différemment. Je suis d'accord avec M. Humphreys pour dire que les données probantes sont encore en train d'émerger. Ce sont des programmes qui ne sont en place que depuis deux ou trois ans.
Je tiens à souligner que les lignes directrices sur l'approvisionnement sûr en Colombie-Britannique sont très différentes. Il s'agit simplement d'une occasion pour les cliniciens de fournir un type particulier de médicaments pour un problème particulier chez leurs patients, ce qui est différent de ces programmes pilotes intégrés.
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J'ai lu ces documents et j'ai aussi passé beaucoup de temps au Portugal. En fait, je discutais justement avec le directeur de ce programme il y a une semaine.
Le Portugal traverse actuellement une période difficile. Les surdoses atteignent un sommet en 12 ans. Au début du moins, le programme semblait avoir profité de la grande expansion des services de lutte contre la toxicomanie. Le taux de VIH chez les personnes qui consommaient des drogues a diminué, et c'était assurément un signe très positif.
Le Portugal a également des comités de dissuasion qui sont en mesure d'exercer des pressions sur les gens qui ont des problèmes de consommation de drogue pour qu'ils modifient leur comportement. C'est un élément qu'on a souvent oublié quand on parlait du modèle portugais. On pense que c'est un modèle libertaire, et que tout le monde fait ce qu'il veut. Ce n'est vraiment pas le cas.
Une grande différence qui va au‑delà des politiques, c'est que les cultures sont très différentes. Le Portugal est différent des États-Unis et du Canada en ce sens que c'est un pays qui a un très fort historique catholique, une société très communautaire et où il existe un bon contrôle social sur les comportements. Lorsque le pays s'est éloigné du contrôle juridique, les familles et les collectivités exerçaient encore un contrôle social énorme. On y désapprouvait fortement la consommation de drogues, ce qui est particulièrement moins fréquent dans l'Ouest des États-Unis et dans l'Ouest du Canada.
Les villes qui ont essayé de reproduire cette approche — par exemple, dans la ville près de laquelle j'habite, c'est‑à‑dire San Francisco — ainsi que les villes de Portland, Seattle et Vancouver n'ont pas obtenu les mêmes résultats que le Portugal. Avec les mêmes politiques, mais des cultures différentes, on obtient des résultats différents.
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Non. Je ne m'attendrais pas à ce que cela fonctionne, parce qu'il s'agit essentiellement d'une reproduction des politiques que nous avions dans les années 2000 concernant la distribution d'opioïdes dans la collectivité et de la confiance que, parce qu'ils sont légaux et qu'ils sont en quantité connue, il ne se passera rien de mal. Cela ne risque pas d'arriver de sitôt.
Je sais que la discussion porte sur les surdoses, mais il faut aussi penser à la toxicomanie. Si vous générez de nouveaux cas de toxicomanie, cela ne se manifestera pas en cas de surdose avant 5 ou 10 ans, mais cela pourrait certainement se produire. C'est exactement ce qui s'est produit à l'époque de l'OxyContin.
Je signale en passant que le principal médicament utilisé, l'hydromorphone, est un opioïde très puissant. Ce n'est pas un médicament de faible concentration, loin de là. Il peut certainement créer une dépendance, surtout chez les nouveaux utilisateurs. C'est pourquoi il serait très important d'évaluer si ces médicaments sont détournés vers, par exemple, des gens qui en sont à leur première expérience de consommation de drogue et qui y ont accès pour une première fois. Je pense qu'il faudrait étudier la question de savoir si cela se produit ou non.
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Merci de cette question. Cela me donne l'occasion de clarifier une chose qui, à mon avis, a peut-être été mal comprise.
La commission est très positive au sujet du traitement par agonistes opioïdes, comme la méthadone et la buprénorphine. Au Canada, il y a aussi la morphine orale à libération lente et l'hydromorphone, que nous n'avons pas chez nous. Il y a aussi la diacétylmorphine. Nous voyons d'un œil très positif les effets de toutes ces mesures, et ce, pour de multiples raisons.
Oui, cela permet aux gens d'éviter l'approvisionnement illicite, mais c'est aussi en raison de la stabilité qu'ils offrent et des liens qu'ils permettent d'assurer avec d'autres services de santé. Tout cela est vrai.
Cependant, quand on commence à distribuer, sans surveillance réelle dans une collectivité, il faut penser non seulement à cette personne, même si elle en profite un peu, mais aussi à toutes les autres. Si ces médicaments causent du tort à d'autres personnes, l'effet net pourrait être négatif, même si une personne en particulier en profite.
C'est pourquoi il est très important d'effectuer des vérifications très minutieuses pour savoir où vont ces médicaments — autrement dit, de surveiller les gens qui entourent les bénéficiaires de ces programmes —, avant de porter un jugement, ce qu'on ne peut faire en se fiant uniquement à ce que la personne dit et à ses antécédents.
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J'aimerais aborder un deuxième sujet, à savoir celui des centres d'injection supervisée. J'aimerais vous poser la question à tous les deux. Je pense que vous êtes tous les deux d'accord pour dire qu'ils réduisent la mortalité.
Monsieur Werb, vous avez parlé de la fermeture possible de deux centres d'injection supervisée dans le Nord de l'Ontario. Je suis le député de Thunder Bay—Rainy River. Je dirais — et j'aimerais que vous abordiez cette question — qu'il y a une très lourde tendance de « pas dans ma cour » en ce qui concerne les centres d'injection supervisée, et je dois dire que je comprends pourquoi. Serais‑je heureux si un centre d'injection supervisée ouvrait tout près de chez moi? Probablement pas, surtout si vous combinez cela à la décriminalisation. Ce qu'on a tendance à voir autour de ces sites, c'est la multiplication des vendeurs de drogue. Très rapidement, le secteur devient très peu fréquentable.
Bien qu'en général, il semble y avoir de bonnes preuves que c'est une bonne idée, comment pouvons-nous régler le problème de la criminalité et les problèmes sociaux qui ont tendance à s'accumuler autour de ces centres?
Je vais peut-être commencer par M. Werb.
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Merci. C'est une excellente question.
J'aimerais simplement souligner que ces sites sont mis en place dans des endroits où il y a déjà des activités liées à la drogue, n'est‑ce pas? C'est généralement là qu'ils sont établis, afin qu'ils puissent profiter au plus grand nombre de personnes possible. Je pense qu'il est important de s'en souvenir.
Nous avons examiné cette question. À Toronto, il y a eu de la violence — malheureusement, une fusillade mortelle — à moins de 100 mètres d'un certain centre de consommation supervisée. Nous avons travaillé avec le bureau du coroner pour analyser les données spatiales sur les homicides, les fusillades mortelles, qui pourraient être liés à l'activité du marché de la drogue pendant 10 ans à Toronto. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il n'y a pas de lien entre le lieu des homicides et l'emplacement de ces sites.
À ce sujet, du moins, je pense que des données recueillies à Toronto laissent entendre que ces sites n'attirent pas nécessairement une augmentation de la violence mortelle. Nous allons tout de même examiner d'autres mesures de la violence pour voir si elles correspondent à notre analyse initiale.
Je comprends aussi le désir des gens de s'assurer que les programmes dans leurs communautés sont gérés le mieux possible. Je comprends très bien que les gens se préoccupent de leur sécurité publique.
Ce que j'ai trouvé inspirant, c'est que dans la discussion qui a eu lieu, du moins à Toronto à ce sujet, on ne va pas jusqu'à dire qu'il faut fermer ces sites. La discussion porte en grande partie sur la façon dont nous concevons ces sites et sur la manière de mieux les gérer.
Malheureusement, ce qui se passe, c'est que ces sites sont conçus pour le nombre estimatif de clients qui les fréquenteront, que les budgets sont souvent réduits et que les ressources ne sont pas suffisantes pour le nombre réel de clients, alors ils commencent avec un déficit. Il y a des listes d'attente. Les gens se présentent et repartent sans avoir accès aux services.
Je pense qu'un élément clé ici doit être de doter ces services de ressources suffisantes pour qu'ils puissent répondre aux besoins de leur clientèle.
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Je peux dire qu'il existe de bonnes données selon lesquelles les gens, en moyenne, suivent un programme de méthadone cinq à sept fois avant de pouvoir gérer leur consommation de drogue à long terme.
Il y a des données probantes du côté du rétablissement. Par exemple, il y a eu un essai clinique randomisé sur un traitement à la buprénorphine jumelé à un peu de counseling, par opposition au simple counseling sans pharmacothérapie. Cet essai a révélé que le taux moyen d'abstinence pour le groupe du counseling seulement était de 5 %, comparativement à 43 % dans le groupe de la buprénorphine. Encore une fois, il existe de très bonnes données probantes qui portent à croire que les pharmacothérapies peuvent offrir une abstinence plus efficace que les traitements non pharmacothérapeutiques axés sur le rétablissement.
Encore une fois, je répète que le cercle vicieux dans lequel les gens ne peuvent pas trouver de logement parce qu'ils consomment des drogues, quand ils n'ont pas accès à un traitement parce qu'ils n'ont pas de logement, est un problème majeur qui va prolonger le cycle de vie de cette épidémie de surdoses.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Je m'appelle Toshifumi Tada. Je suis président et chef de la direction de Medicago. Je suis accompagné aujourd'hui de Sarah Marquis, vice-présidente aux affaires juridiques et secrétaire générale de Medicago.
Medicago était une entreprise canadienne de biotechnologie et de biopharmaceutique spécialisée dans la découverte, la mise au point et la commercialisation de particules de pseudoparticules virales ou PPV, produites à partir de plantes utilisées comme bioréacteurs pour fabriquer des vaccins expérimentaux à base de protéines. La technologie PPV de Medicago est née d'un partenariat de recherche entre l'Université Laval et Agriculture Canada en 1997.
Cette technologie est passée du stade de la recherche-développement à celui de l'approbation par Santé Canada du premier vaccin à PPV en février 2022. C'était le premier vaccin à usage humain à base de plantes approuvé dans le monde.
Au cours des essais cliniques, notre vaccin s'est révélé efficace à 71 % contre les infections symptomatiques et à 100 % contre les maladies graves causées par le coronavirus. Ces essais ont été menés au moment où de multiples variants étaient en circulation. Je tiens à dire clairement que ces recherches n'auraient pas abouti sans le dévouement inlassable de nos employés et les réalisations et l'expertise scientifiques obtenues au Canada. Medicago était très fier de cette réalisation scientifique.
Cela a été un succès sur le plan scientifique, mais il a été difficile de transformer ces résultats en production commerciale à grande échelle. Nos experts étaient convaincus que nous pourrions surmonter ces difficultés, mais que cela prendrait du temps. Parallèlement, le paysage vaccinal évoluait très rapidement, avec l'émergence de plus en plus de variants. Nous nous sommes rendu compte qu'il faudrait investir davantage dans la recherche-développement.
C'est pour cette raison que notre actionnaire Mitsubishi Chemical Group a décidé de mettre fin aux activités de Medicago. Cela a été une décision très difficile à prendre, sur le plan commercial comme sur le plan humain.
Medicago était au Québec depuis plus de 20 ans, et, quand Mitsubishi Chemical a fait cette annonce, nous avions près de 600 employés au Canada et aux États-Unis, dont 378 à Québec. L'entreprise entretenait des liens étroits avec la collectivité locale, et nos employés croyaient en la technologie de Medicago et en sa mission pour la santé publique.
Dans le cadre des activités de liquidation de Medicago, nous avons veillé à ce que tous les employés reçoivent la pleine rémunération à laquelle ils avaient droit. Nous avons également fourni des services complets de soutien et de placement, par exemple sous la forme de salons de l'emploi pour nos employés, en collaboration avec le gouvernement du Québec, pour les aider à trouver leur prochain employeur.
Nous avons également collaboré avec des conseillers financiers et juridiques pour mettre fin à nos ententes avec nos fournisseurs de services, régler nos dettes et vendre nos activités et nos actifs. Cela a donné lieu à plusieurs transactions, dont deux avec le gouvernement du Canada.
La première a été l'accord d'achat anticipé entre Medicago et SPAC, signée en novembre 2020. Selon cette entente, Medicago avait reçu un paiement anticipé non remboursable de 150 millions de dollars pour lancer la fabrication de son vaccin contre la COVID‑19. L'entente a été résiliée par consentement mutuel en juin 2023. Medicago a été libérée de ses obligations, puisqu'elle respectait toutes les modalités de l'accord.
La deuxième transaction a été l'entente sur le Fonds stratégique pour l'innovation — ou FSI — conclue avec ISDE. Celle‑ci a pris fin récemment. Dans le cadre de cette entente, Medicago a reçu des offres de contribution pour le développement de son vaccin contre la COVID‑19 et l'établissement d'une usine de fabrication à grande échelle au Québec.
Dans le cadre de l'entente de résiliation, nous avons remboursé les sommes dues au gouvernement canadien, dont 40 millions de dollars en espèces, et nous avons transféré nos principaux actifs de recherche-développement, comme notre usine pilote, les actifs de propriété intellectuelle, et du matériel, à Aramis Biotechnologies, nouvelle entreprise locale établie par d'anciens employés de Medicago.
Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité. Il est possible que je demande à ma collègue Sarah Marquis de répondre aux questions qui relèveraient de son domaine d'expertise.
Monsieur le président, voilà qui conclut mon exposé introductif. Merci.
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Merci beaucoup de la question.
Grâce à l'appui et à la contribution du gouvernement, nous avons beaucoup fait progresser la technologie et la science nées au Canada. C'est ce qui a abouti à l'approbation du vaccin contre la COVID‑19. C'est le tout premier vaccin à PPV à usage humain à base de plantes au monde.
Outre les investissements de nos actionnaires, la contribution du gouvernement a également permis de produire et de faire progresser ces réalisations technologiques et scientifiques. Ce n'est pas ce qu'on appellerait du gaspillage. Nous avons fait des progrès scientifiques importants pour le Canada.
Compte tenu de la situation, nous avons discuté avec ISDE et nous avons de concert mis fin à l'entente. Cela a été réglé par un remboursement de 14 millions de dollars en espèces et par le transfert de nos principaux actifs de R‑D, notamment une usine pilote, de la PI, des actifs et du matériel à une entreprise canadienne, pour que notre PI reste ainsi au Canada.
Nous n'avons pas réussi à lancer de vaccin contre la COVID‑19 dans le contexte d'une pandémie sans précédent, mais nous croyons toujours au potentiel scientifique des vaccins à base de plantes. Les principaux vaccins contre la COVID‑19 sont des vaccins à ARN messager, mais l'accès à des solutions de rechange, comme les vaccins à base de protéines, dont notre vaccin à PPV à base de plantes, serait bénéfique pour la santé des gens.
Nous croyons toujours en nos technologies. Malheureusement, nous sommes en train de mettre fin à nos activités à cause de décisions commerciales. Cela dit, compte tenu de nos réalisations scientifiques et de la présence de nos employés, qui les ont rendues possibles, nous espérons que ces technologies pourront rester au Canada et permettre une expansion scientifique ultérieure.
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Je vous remercie de la question.
Il y a deux réponses. Tout d'abord, après avoir obtenu l'approbation, nous avons dû surmonter des difficultés internes pour élargir la commercialisation et nous savions qu'il faudrait du temps pour régler le problème. Première réponse, donc.
Deuxièmement, pendant que nous étions en train de régler le problème, nous nous sommes rendu compte que le marché des vaccins contre la COVID‑19 évoluait rapidement et que la demande visait désormais un vaccin bivalent incluant la souche Omicron. Notre vaccin n'incluait pas cette souche, et nous nous sommes dit qu'il faudrait investir davantage dans la R‑D pour rattraper le retard. Parallèlement, nous avons négocié avec SPAC puisque, compte tenu de l'évolution du marché, le ministère allait annuler sa commande en raison de ses réserves de vaccins et de la variété des souches en circulation.
Cela étant, nous pensons que Mitsubishi Chemical a procédé à un examen exhaustif de la situation et décidé qu'un investissement supplémentaire ne serait pas rentable pour elle.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Marquis, monsieur Tada, soyez les bienvenus à la Chambre des communes.
À titre de député de la région de Québec, j'ai toujours été très fier de Medicago. Je trouve que ce qui est arrivé au cours des derniers mois et des dernières années est très malheureux, d'autant plus que l'OMS n'a pas reconnu le vaccin sur lequel vous avez travaillé. Ce qui est encore plus décevant, pour ne pas dire choquant, c'est que ce n'était pas écrit dans le ciel. C'était écrit noir sur blanc dans les traités internationaux que l'OMS n'allait jamais reconnaître les travaux faits par Medicago.
Souvenons-nous de l'article 5.3 de la Convention-cadre de l'OMS, adoptée le 27 février 2005, dans lequel il était précisé que « les Parties veillent à ce que les politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac ». Le Canada a été l'un des 181 signataires de la Convention.
Or, en 2008, Philip Morris International est devenu actionnaire minoritaire de Medicago.
Y a-t-il quelqu'un au gouvernement ou dans l'entreprise, en 2008, qui a sonné l'alarme pour dire que l'OMS ne reconnaîtrait plus jamais les travaux de Medicago? Veuillez répondre par oui ou par non.
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Je suppose, monsieur — par votre entremise, monsieur le président —, que les contribuables canadiens n'auront toujours pas le fin mot de l'affaire.
Je suis assis ici, à suivre cette réunion et cette histoire pendant tout le temps, et je suis perplexe. Je pense que notre travail à tous, nous qui sommes assis autour de cette table, consiste à mieux comprendre ce qui est arrivé à l'argent des contribuables canadiens. Je n'ai pas l'impression que nous le saurons, et c'est une honte.
Cela dit, monsieur, je déteste faire cela au Comité, mais j'ai une motion à déposer, monsieur le président. Elle se lit comme suit:
Étant donné que la taxe sur le carbone imposée par le gouvernement libéral a eu des répercussions néfastes sur la santé et le gagne-pain des Canadiens, forçant deux millions d'entre eux à recourir aux banques alimentaires rien qu'en mars 2023, le président fasse savoir à la Chambre que le Comité demande au gouvernement d'abolir immédiatement la taxe sur le carbone.
Merci, monsieur le président.
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Je ne pense pas qu'une suspension soit nécessaire. La motion a été dûment notée dans un avis de motion. Il ne convient pas d'en débattre aujourd'hui.
Monsieur Tada et madame Marquis, je vous remercie beaucoup de votre présence. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté notre invitation et d'être venus répondre à nos questions. Merci. Nous vous souhaitons de très joyeuses Fêtes.
Il n'y aura pas de réunion mercredi. C'est ainsi jusqu'à Noël. Je sais que vous trouvez cela difficile.
La date limite pour soumettre une liste complète de témoins en vue de l'étude sur les opioïdes est ce vendredi à 16 heures. Des listes partielles ont été soumises, alors veuillez les compléter d'ici vendredi.
Est‑ce la volonté du Comité de lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: La séance est levée.