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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 095 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 décembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 95e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément au Règlement.
    Monsieur Humphreys, j'ai quelques observations à faire au sujet de votre participation à distance. Sur votre écran, vous avez la possibilité d'utiliser l'interprétation. Vous verrez au bas de votre écran un choix entre le parquet, l'anglais ou le français. S'il vous plaît, éteignez votre micro lorsque vous ne parlez pas. La plupart du temps, cela se fera automatiquement, mais si ce n'est pas le cas, veuillez vous y conformer et vous abstenir de prendre des photos de votre écran ou des saisies d'écran.
    Conformément à la motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. M. Keith Humphreys, professeur de psychiatrie, se joint à nous par vidéoconférence. Nous accueillons également M. Dan Werb, qui représente l'Hôpital St. Michael's à Unity Health Toronto et qui est directeur du Centre on Drug Policy Evaluation.
    Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
    Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de cinq minutes, en commençant par vous, monsieur Humphreys.
    Bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à votre distingué comité aujourd'hui.
    Je m'appelle Keith Humphreys et je suis le professeur émérite de psychiatrie Esther Ting à la Faculté de médecine de l'Université Stanford. Je suis également un ancien conseiller de la Maison‑Blanche en matière de politique antidrogue auprès des présidents Bush et Obama.
    Aujourd'hui, je vais résumer brièvement certaines des principales conclusions de la Commission Stanford‑Lancet sur la crise des opioïdes en Amérique du Nord, que j'ai présidée et dont les principales conclusions ont été publiées dans la revue médicale The Lancet l'an dernier.
    La commission était composée de cliniciens, de chercheurs et de décideurs nord-américains qui ont étudié attentivement la crise des opioïdes aux États‑Unis et au Canada et ont formulé des recommandations sur la façon de la résoudre.
    Dans nos deux pays, la crise des opioïdes a pris naissance dans le système de soins de santé lorsque des sociétés pharmaceutiques et des fournisseurs de soins de santé insuffisamment réglementés ont augmenté la prescription d'opioïdes par habitant de plus de 400 % en un peu plus d'une décennie. Le fait que ces drogues étaient fabriquées légalement et d'une qualité connue et constante ne les a pas empêchées de créer une dépendance chez des millions de personnes et de tuer des centaines de milliers de personnes en Amérique du Nord.
    Certains de ceux qui ont souffert étaient des patients. D'autres étaient des personnes qui avaient obtenu l'accès à des médicaments prescrits pour d'autres qui leur avaient été donnés ou vendus par le biais d'un détournement. Lorsque les opioïdes d'ordonnance sont distribués dans la collectivité sans la surveillance qui s'impose, il est facile pour chaque personne qui les reçoit non seulement de devenir dépendante, mais aussi de faire en sorte que d'autres personnes deviennent à leur tour dépendantes.
    Il faut reconnaître que les États‑Unis et le Canada ont par la suite pris des mesures importantes pour rendre la prescription d'opioïdes plus judicieuse et sécuritaire. Toutefois, comme vous le savez tous, l'expansion des marchés de drogues illicites, d'abord l'héroïne, puis le fentanyl, a continué de causer de grandes souffrances.
    La commission a recommandé l'élargissement de solides programmes de prévention fondés sur des données probantes, ciblant les personnes qui ne consomment pas encore d'opioïdes, ainsi que des stratégies de traitement et de réduction des préjudices pour les personnes qui sont déjà dépendantes. Bon nombre de ces stratégies sont en place à de multiples endroits au Canada, y compris dans des cliniques de traitement à la méthadone, des services d'échange de seringues, des tribunaux de traitement de la toxicomanie, des programmes de réadaptation en établissement et des initiatives de distribution de naloxone, un médicament de secours en cas de surdose. La commission n'a vu aucune raison pour laquelle les programmes de réduction des préjudices et de traitement ne pouvaient pas être offerts en parallèle. La promotion de la santé publique devrait être un parcours commun, et non un concours.
    La commission a également appuyé l'objectif de désintoxication pour tous les services, c'est‑à‑dire que, bien qu'il soit clairement précieux et moral de sauver la vie d'une personne aujourd'hui — par exemple, à la suite d'une surdose d'opioïdes — il est important de ne pas céder à la tartufferie complaisante des aspirations modestes en supposant que d'aider une personne dépendante à survivre au jour le jour est le mieux qu'on puisse faire.
    Des dizaines de millions de personnes en Amérique du Nord se sont remises de leur dépendance, ont recouvré la santé et ont retrouvé leur humanité au grand bonheur de leur famille et de leur collectivité. L'augmentation du nombre de personnes qui abandonnent une dépendance active et s'en remettent est un objectif louable auquel tous les fournisseurs de services et les décideurs devraient aspirer. C'est l'esprit qui anime le système de soins axé sur le rétablissement qui est en train d'être mis sur pied en Alberta, une vision déstigmatisante et optimiste qui, à mon avis, devrait être reproduite à l'échelle nationale.
    La commission a reconnu que les programmes d'approvisionnement sûr qui permettent de distribuer des opioïdes pharmaceutiques et d'autres drogues dans la collectivité font l'objet de discussions importantes au Canada. Je termine en mentionnant que les commissaires étaient sceptiques face à de tels programmes, pour la simple raison que nous avons l'impression de revivre toujours le même scénario.
    Si la distribution d'opioïdes d'ordonnance avec une supervision minimale était bonne pour la santé communautaire, ni les États‑Unis ni le Canada n'auraient connu d'épidémie d'opioïdes. La première décennie de la crise aurait dû nous apprendre que le fait qu'une drogue soit produite légalement et de qualité connue ne l'empêche pas de semer la dépendance et la mort.
    De plus, comme l'ont montré les premières années de la crise des opioïdes, il suffit de quelques cas de détournement vers de nouveaux utilisateurs pour qu'un programme de distribution d'opioïdes augmente la prévalence de la dépendance. Même si nous partons de l'hypothèse optimiste selon laquelle 90 % des gens qui participent au programme d'approvisionnement sûr prennent tous les médicaments qui leur ont été prescrits exactement et que les 10 % restants ne détournent que suffisamment de médicaments pour générer un ou deux nouveaux cas de toxicomanie par année, le nombre de toxicomanes double tous les cinq ans.
    Par conséquent, la commission a recommandé de garder foi dans les stratégies de prévention, de traitement et de réduction des préjudices que je viens de décrire, qui ont prouvé que la lutte contre notre crise commune de toxicomanie s'améliore au lieu d'empirer.
    Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup, monsieur Humphreys.
    Nous allons maintenant entendre M. Dan Werb, de St. Michael's Unity Health Toronto.
    Bienvenue au Comité, monsieur Werb. Vous avez la parole.
     Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
    Je suis épidémiologiste social et directeur du Centre on Drug Policy Evaluation à l'hôpital St. Michael's de Toronto.
    L'épidémie de surdoses au Canada s'aggrave. Cette situation a, à juste titre, mené à une remise en question de l'intervention actuelle et à une réflexion sur ce qui doit changer pour que le Canada puisse surmonter cette crise qui frappe l'ensemble de la société.
    Dans ce contexte, il est important de reconnaître où il y a consensus scientifique et où des questions subsistent. J'aimerais concentrer mes observations sur deux domaines contestés: le traitement par agonistes opioïdes et les services de consommation supervisée.
    Les scientifiques s'entendent pour dire que les traitements par agonistes opioïdes comme la méthadone, la buprénorphine et d'autres constituent l'approche la plus efficace que nous ayons pour gérer les troubles liés à l'utilisation des opioïdes et aider à stabiliser les personnes à risque de surdose.
    Au cours des trois dernières décennies, il y a eu de multiples méta-analyses et revues systématiques de Cochrane, qui constituent la norme par excellence de la médecine factuelle. Elles ont démontré que cette catégorie de traitements, qui comprend la fourniture d'opioïdes comme la méthadone, la buprénorphine et la diacétylmorphine, entre autres, est efficace pour garder les gens en traitement, réduire leur consommation d'opioïdes non médicaux et réduire leur risque de surdose.
    Les travaux que j'ai dirigés dans le cadre d'une étude financée par le National Institute on Drug Abuse des États‑Unis et les Instituts de recherche en santé du Canada dans quatre pays ont également révélé que l'inscription au traitement par agonistes opioïdes était associée à une probabilité réduite que les personnes qui s'injectent des drogues aident d'autres personnes à commencer la consommation de drogues injectables, ce qui pourrait empêcher d'autres personnes de devenir à risque de surdose.
    Toutefois, des questions demeurent concernant le traitement par agonistes opioïdes. Par exemple, comment pouvons-nous le mieux réduire les obstacles auxquels font face les personnes à risque de surdose qui pourraient bénéficier d'un traitement? Comment pouvons-nous étendre le traitement à ceux qui en ont besoin? Quels types de médicaments sont les plus efficaces, compte tenu de la puissance extrêmement élevée des opioïdes synthétiques comme le fentanyl, le carfentanil et les opioïdes de la classe du nitazène? Quel genre de surveillance est nécessaire pour s'assurer que les besoins des patients sont satisfaits et que les médicaments ne sont pas détournés? Enfin, comment pouvons-nous nous assurer que les personnes qui perdent l'accès au traitement ne finissent pas par dépendre de l'approvisionnement en drogues toxiques et, par conséquent, par courir un plus grand risque de surdose?
    Il est important d'examiner ces questions, mais elles ne changent rien au fait que le traitement par agonistes opioïdes est notre meilleur outil clinique pour gérer la dépendance aux opioïdes et que les approches axées sur le rétablissement n'ont pas démontré une aussi grande efficacité. Nous devrions continuer de concentrer nos efforts sur l'élargissement de la couverture afin de répondre aux besoins de ceux qui pourraient bénéficier de ce traitement, tout en veillant à faire évoluer la conception des programmes pour répondre à ces questions importantes.
    De même, les scientifiques s'entendent pour dire que les services de consommation supervisée sont efficaces pour empêcher les gens de mourir d'une surdose. Il s'agit en fait de l'intervention structurelle la plus efficace que nous connaissions. Ces services ont généré des preuves au cours des quatre dernières décennies et sont maintenant présents dans plus du tiers des pays du monde. Il a été démontré qu'ils offrent non seulement des interventions vitales immédiates aux clients sur place, mais qu'ils peuvent également servir de voies d'accès au continuum de soins plus vaste pour les personnes à risque de surdose. Cela comprend l'aiguillage des clients vers des traitements, des services sociaux et des soins cliniques.
    Cependant, des questions ont été soulevées quant aux limites de leur impact. Par exemple, certains observateurs ont remis en question leur rentabilité, en supposant que leur impact se limite aux clients situés à l'intérieur des quatre murs des sites comme tels.
    À ce sujet, j'aimerais signaler une étude de mon centre, dirigée par Indhu Rammohan et actuellement sous presse à The Lancet Public Health, la plus importante revue de santé publique à comité de lecture au monde. L'étude a récemment révélé que la mise en place de neuf centres de consommation supervisée à Toronto, à compter de 2017, a entraîné une réduction de 67 % du taux de mortalité par surdose dans les régions avoisinantes — jusqu'à cinq kilomètres plus loin —, et que les taux positifs ont considérablement diminué d'année en année.
    Cette étude s'ajoute aux données de Vancouver, ainsi que de Sydney, en Australie, qui démontrent collectivement les effets d'entraînement positifs de ces sites dans l'ensemble des quartiers.
    Si nous voulons vraiment mettre fin à l'épidémie de surdoses, la principale question que nous devons nous poser est de savoir comment mieux affecter les ressources à ces services pour les intégrer pleinement au continuum de soins plus vaste, comme les services sociaux, y compris l'aide au logement, les soins cliniques et le traitement de la toxicomanie, afin qu'elles soient aussi efficaces que possible pour prévenir les surdoses et pour aider à mettre les personnes en contact avec les services dont elles ont besoin.
(1110)
     De plus, quelle est la meilleure façon de concevoir et de gérer ces sites afin de réduire au minimum les préoccupations potentielles en matière de sécurité publique pour les collectivités environnantes? Plutôt que de chercher à réduire le nombre ou le financement de ces sites, nous devons leur affecter des ressources et les concevoir de manière à répondre aux besoins des personnes les plus à risque de décès ainsi qu'à ceux des collectivités où ils sont situés.
    C'est pourquoi je suis si troublé par le fait que des centres de consommation supervisée doivent fermer à Sudbury et à Timmins, en Ontario, et qu'ils sont menacés de fermer ailleurs. Étant donné que le taux de mortalité par surdose par habitant dans le Nord de l'Ontario est environ trois fois plus élevé que la moyenne provinciale, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de reculer, sinon plus de gens mourront.
    L'épidémie de surdoses tuera bientôt plus de Canadiens que la COVID‑19, et surtout des jeunes. Reconnaissons notre deuil collectif à l'échelle nationale et transformons‑le en une feuille de route exhaustive fondée sur des données probantes pour mettre fin aux surdoses, en fonction de ces données sur ce qui fonctionne et ce qui doit être adapté. La seule autre option est la mort.
    Merci.
(1115)
    Merci, monsieur Werb.
    Nous allons maintenant passer aux séries de questions. Nous allons commencer par les conservateurs et Mme Goodridge.
    Madame Goodridge, nous sommes heureux de vous revoir. Je suis heureux de vous voir. Vous avez la parole pour les six prochaines minutes.
    Merci. C'est merveilleux. Je vous remercie.
     Je tiens à remercier les deux témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous, M. Humphreys. Je vous suis vraiment reconnaissante de votre rapport à la commission Stanford‑Lancet.
     Je vais vous lire une citation:
Parallèlement, les données indiquent clairement qu'il est absurde de supposer que la santé de la population s'améliore fondamentalement lorsque les systèmes de santé fournissent la plus grande quantité possible d'opioïdes avec le moins de contraintes réglementaires possible. Les politiques qui devraient être mises en question comprennent la vente d'hydromorphone dans des distributeurs automatiques et la prescription d'une gamme d'opioïdes puissants et d'autres drogues (p. ex. benzodiazépines, stimulants) aux personnes qui ont un trouble lié à l'usage d'opioïdes, dans l'espoir de créer un approvisionnement sûr en drogues créant une dépendance et d'éliminer la supervision des patients sous méthadone, c'est‑à‑dire de mettre en place un système de prescriptions à long terme non supervisé.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, parce que je pense que c'est vraiment le nœud du problème?
    La commission est très positive à l'égard des traitements axés sur les médicaments dans le cadre desquels les gens sont surveillés et appuyés. J'ai parlé des cliniques de traitement à la méthadone et d'autres traitements aux agonistes opioïdes.
    En même temps, la commission s'est penchée sur ce qui s'est passé dans nos deux pays relativement à la prescription généralisée d'opioïdes administrés avec très peu de supervision dans la collectivité. Les compagnies et les médecins nous ont assurés qu'il n'y aurait pas de préjudice. Les ordonnances ont augmenté de façon spectaculaire, et c'est ainsi que toute cette crise a commencé, alors dire que maintenant, pour une raison ou une autre, si nous distribuons des opioïdes sans supervision, la même chose ne se reproduira plus, défie la raison. Cela contredit notre expérience historique très récente, tant au Canada qu'aux États‑Unis. Nous n'avons pas recommandé de faire la même chose qu'auparavant et de nous attendre à un résultat différent.
    Je pense qu'il est important de le dire. Toute l'idée... Le point de départ de cette épidémie d'opioïdes est en fait l'OxyContin dans les années 1990 et 2000, et tout ce qui concerne le détournement et l'augmentation de 400 % des ordonnances d'opioïdes.
    Selon vous, que pourrions-nous faire mieux ou différemment? Vous avez parlé du modèle albertain. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que l'Alberta fait bien les choses? Je suis d'accord avec vous; je pense que l'Alberta est un excellent modèle à suivre. Je suis très fière du leadership de ma province. Pourriez-vous nous expliquer, d'un point de vue médical, pourquoi l'Alberta est un chef de file dans ce domaine?
    L'Alberta a pris un engagement financier important à l'égard de toutes sortes de traitements. Ils ont un traitement coûteux par agonistes opioïdes. Il y a la remise en état des logements. Soit dit en passant, ils ont aussi investi beaucoup dans la réduction des préjudices. Ce qu'ils font de différent de beaucoup d'autres endroits au pays — de mon pays aussi —, c'est que, tout d'abord, ils ont un système. Toutes les pièces sont intégrées. Il y a un plan à l'échelle de la province. Il y a des étapes de soins que les gens doivent suivre pour pouvoir ressortir du traitement beaucoup mieux qu'à leur arrivée.
    La deuxième chose, comme je l'ai dit, c'est cette vision optimiste du rétablissement. Vous savez, parce que la toxicomanie est une maladie stigmatisée, il y a un certain nombre de personnes qui croient et qui affirment froidement qu'une personne toxicomane ne change jamais, et qu'elle ne peut pas s'améliorer. Or, selon le modèle albertain, on estime que ce n'est pas vrai, et que les gens peuvent se rétablir. Des millions de personnes se sont rétablies, et sont des citoyens productifs, qui ont des liens avec leur famille et qui sont des gens que nous chérissons dans la collectivité.
     Il est extrêmement important d'établir cela comme objectif, comme aspiration, plutôt que de dire que nous allons simplement gérer cette population, que nous n'attendons pas grand-chose d'elle et que nous pourrions au plus l'aider à survivre jusqu'au lendemain, et que c'est tout ce qu'elle peut faire. Nous contribuons ainsi à la réalisation de notre propre prophétie.
     J'ai admiré cet état d'esprit lorsque je suis allé en Alberta et que j'ai vu ce qu'ils font, quand j'ai constaté sur place la concrétisation de cette vision selon laquelle chaque personne est capable d'avoir une bien meilleure vie après le rétablissement.
     Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé très brièvement du fait que vous étiez l'un des conseillers en matière de politique antidrogue des présidents Bush et Obama. Vous avez donc transcendé les lignes de parti en ce qui concerne la politique.
    Quels enseignements avez-vous retenus de cette expérience que le Canada pourrait et devrait adopter selon vous?
(1120)
    Oui, j'ai effectivement eu cette expérience. Je ne suis pas un politicien. Je suis conseiller en politiques. Puisque la science reste la science, quiconque veut l'adapter à... Il est possible de travailler avec un large éventail de personnes, et c'est ce que j'ai essayé de faire.
    Ce que j'ai vu dans ces deux administrations, c'est que l'engagement à traiter la toxicomanie comme un problème de santé était profond et important pour ces deux présidents. Même s'ils différaient de bien des façons, ils croyaient tous deux que nous pouvions gérer la toxicomanie dans le système de soins de santé. Oui, nous avons besoin des forces de l'ordre lorsque quelqu'un devient violent en raison de sa toxicomanie, mais dans la plupart des cas, nous voulons que les gens puissent parler à leur médecin de leur dépendance tout comme ils leur parleraient du cancer ou d'un problème cardiaque. Les deux présidents ont fait évoluer notre système de cette façon.
    Soit dit en passant, le Canada fait mieux que les États‑Unis. L'assurance-maladie y est universelle, et je pense que c'est très bien. Nous avons fait des progrès à cet égard. Nous aimons copier ce que vous faites.
    Je pense que l'idée d'essayer de gérer la toxicomanie le plus possible dans le domaine des soins de santé... Vous n'avez pas besoin de sécurité publique, à moins qu'une personne ne menace un autre être humain.
    Eh bien, merci. Nous sommes parfaitement d'accord. Selon nous, du moins du point de vue des conservateurs, la toxicomanie est un problème de santé. Il faut la traiter comme tel pour pouvoir déstigmatiser les personnes toxicomanes et leur permettre d'en discuter avec leur médecin et d'obtenir les traitements dont elles ont besoin. C'est absolument nécessaire.
    Je tiens à vous remercier de votre leadership dans ce dossier et de votre participation aux travaux du Comité.
    Si vous avez quelque chose à ajouter...
    J'ai beaucoup lu au sujet de votre modèle de reprise en main jour et nuit, sept jours sur sept. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de vous poser des questions à ce sujet. Si vous pouviez envoyer un mémoire au Comité à ce sujet, nous vous en serions très reconnaissants. Tous les autres membres du Comité pourraient également en apprendre un peu sur ce modèle.
    Merci. Je serai heureux de vous faire parvenir un mémoire.
    Merci, madame Goodridge. Merci, monsieur Humphreys.
    Monsieur Hanley, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie tous les deux de vos exposés mûrement réfléchis.
    Monsieur Humphreys, j'aimerais revenir brièvement à vous.
    Vous avez beaucoup écrit sur la prévention. Vous n'avez pas mis l'accent là‑dessus dans votre exposé, mais je pense que vous parlez de prévention avec un certain sentiment d'urgence, y compris du fait que vous ne pouvez pas résoudre les épidémies en vous concentrant sur les gens qui vivent des situations extrêmes.
    Sachant qu'il existe un lien étroit entre les expériences négatives ou les traumatismes subis pendant l'enfance et la toxicomanie plus tard dans la vie, pouvez-vous nous parler très brièvement de l'importance des investissements en amont avec le même sentiment d'urgence auquel nous pensons à l'autre extrême?
    Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question.
    Vous avez entièrement raison. Voyez comment le VIH/sida et la COVID ont été maîtrisés, en réduisant le nombre de nouveaux cas. Nous n'en faisons pas assez dans le domaine de la toxicomanie.
    La commission a recommandé de mettre l'accent en particulier sur les enfants de familles à faible revenu et sur les investissements génériques dans leur bien-être. Il pourrait s'agir de programmes d'éducation de la petite enfance, de partenariats entre le personnel infirmier et la famille qui aident les parents à faible revenu à vivre leur première expérience de naissance et d'éducation de la petite enfance, et de Communities That Care, un programme très bien conçu pour les enfants un peu plus vieux, soit habituellement de 11, 12 ou 13 ans. On leur enseigne des choses comme la façon de reconnaître et de gérer leurs propres émotions, d'établir des liens positifs avec d'autres enfants et avec des organismes communautaires, quels qu'ils soient — culturels, religieux, artistiques ou sportifs —, qui leur offrent des solutions de rechange à la toxicomanie.
    Les données probantes de ces études, qui sont très solides, montrent que les enfants qui profitent de ces investissements ont non seulement des taux plus faibles de consommation de drogues, d'alcool et de tabac, mais qu'ils sont aussi plus susceptibles de rester à l'école. Ils sont plus susceptibles d'aller à l'université un jour. Ils sont moins susceptibles de commettre des crimes. Ils sont moins susceptibles d'être déprimés. Ces investissements — encore une fois, surtout pour les enfants qui grandissent dans des environnements difficiles — sont très importants, à moins que nous voulions tous être encore au même point dans 10 ans, ce qui n'est pas le cas, j'en suis sûr.
    Nous pouvons nous en sortir grâce à ces investissements en amont.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Werb au sujet de la prévention.
     Vous avez écrit sur le traitement comme moyen de prévention. Vous avez rédigé un document à ce sujet, et probablement plusieurs. J'aimerais que vous nous disiez brièvement ce que vous entendez par « traitement comme moyen de prévention ».
     Il s'agit de l'adaptation d'une approche qui a été utilisée avec beaucoup de succès dans le domaine du VIH. Essentiellement, il s'agit de répondre aux besoins en matière de traitement afin d'éviter la propagation. Dans le cas du VIH, on réduit en fait la transmission du VIH dans la population si on lui fournit des médicaments comme des thérapies antirétrovirales très actives.
    Ma solution représente une légère adaptation de cette approche, mais bien sûr, la consommation de drogues est un phénomène très, très différent. Essentiellement, nous avons constaté dans les travaux dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire, financés par le NIDA aux États‑Unis et par les Instituts de recherche en santé du Canada, que les personnes qui recevaient des traitements par agonistes opioïdes et qui s'injectaient des drogues étaient moins susceptibles de déclarer avoir aidé d'autres personnes à commencer à s'injecter des drogues. Nous savons que la consommation de drogues injectables mène souvent à des problèmes de plus en plus graves de consommation d'opioïdes ou d'autres drogues. Nous avons également constaté, par exemple, que l'augmentation de l'intensité des services de police avait l'effet inverse. Les personnes qui rencontraient plus souvent la police étaient plus susceptibles d'aider les gens à commencer à s'injecter des drogues.
    Permettez-moi simplement de dire qu'il ne s'agit pas de présenter les gens qui se livrent à ce genre de comportement comme des prédateurs ou quoi que ce soit du genre. Il y a de nombreuses justifications rationnelles pour lesquelles les gens adoptent ce genre de comportement, mais si nous cherchons à empêcher la propagation des comportements liés à la consommation de drogues qui, selon nous, pourraient accroître le risque de surdose et si nous nous fions aux données probantes sur les interventions qui peuvent aider à répondre aux besoins, nous constatons qu'il pourrait y avoir un effet multiplicateur sur les risques pour d'autres personnes.
    À ce sujet, je dirai que nous n'avons pas vu les mêmes preuves de l'efficacité du traitement axé sur la reprise en main par opposition au traitement par agonistes opioïdes et au traitement pharmacothérapeutique. J'aimerais parler d'une étude récente — qui paraîtra dans Drug and Alcohol Dependence en janvier, mais qui est maintenant disponible en ligne — qui comparait la mortalité par surdose chez les personnes inscrites à des traitements à la méthadone et à la buprénorphine non pharmacothérapeutiques et fondés sur le rétablissement. L'étude a révélé que le risque de mortalité par surdose était réduit chez les personnes inscrites à un traitement à la buprénorphine. Cependant, lorsque les auteurs ont examiné le traitement non pharmacothérapeutique fondé sur le rétablissement, il y avait un risque accru, comparativement au placebo, de mortalité par surdose.
    À ce sujet, je dirais que l'adoption du modèle de l'Alberta, bien qu'il s'agisse bien sûr d'un idéal... Je pense que tous ceux qui travaillent dans ce domaine et qui y consacrent leur temps sont enthousiastes et optimistes à l'égard des possibilités qu'ont les gens de se sentir bien, de se reprendre en main, d'être en santé et de bien socialiser. Après l'adoption du modèle albertain au milieu de 2019, le taux de mortalité par surdose a plus que doublé dans cette province. Il y a eu une augmentation de la mortalité par surdose pratiquement partout au Canada, mais l'augmentation en Alberta a en fait dépassé celle de beaucoup d'autres endroits au Canada, alors je ferais simplement une petite mise en garde à ce sujet.
(1125)
    Merci, monsieur Werb.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
    Comme le sujet m'intéresse particulièrement, j'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées.
    Monsieur Werb, les gens assis à ma droite considèrent que l'application du programme mis en place pour réduire les méfaits et pour assurer un approvisionnement plus sécuritaire a un effet pervers. Ce matin, vous nous dites que, quand il faut agir de façon urgente pour prévenir des décès par surdose, cette approche est la meilleure qu'on puisse mettre en place. Cependant, vous critiquez le modèle préconisé par le professeur Humphreys.
    Outre les données dont vous parlez, en quoi ce modèle est-il problématique?
(1130)

[Traduction]

     Je pense que c'est simplement une question de données probantes. Les données probantes sur les traitements non pharmacothérapeutiques fondés sur le rétablissement ne sont tout simplement pas aussi solides que celles sur les traitements fondés sur la pharmacothérapie. Il y a une raison pour laquelle la méthadone et la buprénorphine figurent sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS. C'est parce que ce sont les approches les plus efficaces que nous connaissions pour gérer les troubles liés à la consommation d'opioïdes.
     Je partage l'aspiration et l'optimisme de M. Humphreys à l'égard de la capacité des gens et de l'aide à leur rétablissement après avoir souffert de troubles liés à la consommation d'opioïdes. Le fait est que ces programmes de traitement à la méthadone et à la buprénorphine semblent désordonnés parce qu'il arrive souvent que des gens s'inscrivent à un programme de traitement à la méthadone et à la buprénorphine ou à un autre médicament pour le trouble de consommation d'opioïdes, commencent le programme et cessent ensuite d'y participer. Ils y reviennent parfois. Cependant, au fil du temps, nous n'avons pas vu de preuves scientifiques indiquant que le rétablissement est une approche efficace. Je pense que cette méthode peut certainement faire partie d'une approche globale, mais pas au détriment d'une pharmacothérapie clinique fondée sur des données probantes.
    Je dirais que l'un des problèmes en Alberta, c'est que la proportion de la population qui bénéficie d'une couverture pour ces types de médicaments — les traitements par agonistes opioïdes ou les médicaments pour les troubles de consommation d'opioïdes, ou peu importe le terme que vous voulez utiliser — est en fait beaucoup moins élevée que dans des endroits comme la Colombie-Britannique et l'Ontario. Lorsque nous réfléchissons à des façons de prévenir l'épidémie de surdoses, je pense que nous devons commencer par déterminer où se trouvent les preuves et le consensus scientifiques. Cela ne veut pas dire que le rétablissement n'est pas approprié pour certaines personnes, mais simplement que les preuves scientifiques — et c'est ce que j'observe — sont beaucoup plus solides en ce qui concerne ces types de traitements, par rapport aux traitements fondés sur le rétablissement.

[Français]

     La Dre Marie‑Ève Goyer est cheffe médicale adjointe des services spécifiques en itinérance, dépendance et santé mentale au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux, ou CIUSS, du Centre‑Sud‑de‑l’Île‑de‑Montréal, au Québec. Elle a dit, au sujet de la question du détournement de drogues dans sa pratique, que ceux qui vendent leurs doses disent souvent le faire pour s'acheter de la nourriture et des vêtements. Elle a affirmé ceci: « C’est quand même troublant pour moi, comme médecin, de me rendre compte qu'avec mes prescriptions, je suis en train de faire de la lutte contre la pauvreté. Il faut quand même nommer ça. »
    Que pensez-vous de cette affirmation?

[Traduction]

    Elle a parfaitement raison. C'est ce que nous avons vu à maintes reprises. J'ai mené une étude de cohorte sur les personnes qui consomment des drogues à Toronto. Nous les avons suivies pendant environ cinq ans. Des données probantes tirées d'études de cohortes de gens qui consomment des drogues à Vancouver et à Montréal ont montré que la précarité du logement est l'un des principaux facteurs qui exposent les gens au risque de surdose.
    C'est intéressant, parce que nous lisons et entendons tous les jours des nouvelles sur le logement, mais il est rare que les gens établissent des liens entre la crise du logement qui touche l'ensemble du Canada et le fait que cette crise contribue vraiment à l'épidémie de surdoses que nous vivons également. Il est très difficile pour les gens de suivre un traitement s'ils n'ont pas de logement.
    On exige souvent que les gens — souvent de façon informelle ou implicite — aient un logement avant de pouvoir suivre un traitement standard parce que leurs cliniciens croient que leur situation est peut-être trop chaotique pour qu'ils soient en mesure d'entreprendre ou de poursuivre un programme de traitement. Je pense que vous avez mis le doigt sur le fait que le logement va de pair avec ce problème, et malheureusement, lorsque des ressources sont allouées pour mettre fin à l'épidémie de surdoses, la question du logement n'est pas prise en compte.
    Nous avons un réseau de refuges au Canada qui est en général fondé sur l'abstinence. Cela signifie que si une personne gère sa consommation de drogues au moyen d'un programme de traitement à la méthadone ou à la buprénorphine ou d'un autre programme, mais qu'elle consomme toujours un peu d'opioïdes non réglementés, elle ne peut pas rester dans ce refuge. Il y a certaines restrictions concernant même l'accès à des options d'hébergement peu restrictives qui obligent les gens à choisir entre poursuivre leur traitement ou être logés.
(1135)
     Merci, monsieur Werb.
    La parole est maintenant à M. Johns. Allez‑y, s'il vous plaît, pour six minutes.
    Merci à vous deux d'être ici. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
    Je vais commencer par vous, monsieur Humphreys.
    Vous avez dit que la prescription de médicaments antidouleur pose de nombreux problèmes d'éthique. Je pense que ce n'est pas vraiment ce qui se passe avec l'approvisionnement sûr. L'approvisionnement sûr est prescrit aux personnes qui consomment déjà de grandes quantités de fentanyl. Il est surveillé de très près.
    Monsieur Humphreys, vous pourriez peut-être nous expliquer votre expérience des programmes d'approvisionnement sûr. Avez-vous parlé à des cliniciens de l'approvisionnement sûr pour comprendre leurs protocoles, ou vous fondez-vous sur ce que d'autres ont dit?
    C'est une bonne question.
    J'ai parlé à des spécialistes du domaine. On ne fait pas cela dans mon pays. Vous avez raison de dire que j'observe cela de loin.
    Nous avons toutefois, bien sûr, l'expérience de la prescription d'opioïdes. À l'époque de l'OxyContin, bon nombre de ceux qui en prenaient étaient dépendants et entraînaient d'autres personnes à devenir elles aussi dépendantes. Si nous voulions savoir si, pour une raison ou pour une autre, ce phénomène avait été stoppé grâce à un approvisionnement sûr — je ne sais pas pourquoi nous le présumerions, mais si nous le faisions —, nous nous baserions sur quelque chose qui n'a pas été fait. Il n'y a rien qui permette de présumer de cette réussite dans la littérature scientifique. Tous les jours, il aurait fallu soumettre chaque personne profitant d'un approvisionnement sûr à un test d'urine, et chaque fois qu'il n'y avait pas de drogue dans son urine, il aurait fallu lui demander à qui était allée cette drogue. On aurait ensuite dû trouver cette personne qui avait obtenu la drogue et voir si elle avait fait une surdose, mortelle ou non, ou si elle avait développé une dépendance à ce médicament.
    Cela n'a pas été fait. C'est ce que je ferais si je suivais la situation de près et que je m'inquiétais des préjudices causés à la collectivité. Nous avons été très négligents au sujet de cette possibilité pendant très longtemps dans le cas de l'OxyContin, et nous l'avons regretté. Parce que cela n'a pas été fait, je crains franchement que nous ne répétions la même erreur.
    Monsieur Humphreys, plus de 20 études ont été publiées. Quelles publications évaluées par les pairs avez-vous lues pour comprendre l'approvisionnement sûr?
    Ce que je viens de dire est basé sur ces études. Il y a des études sur les personnes inscrites aux programmes. Il n'y a pas d'études qui suivent les effets du détournement des drogues sur la collectivité, mais il devrait y en avoir. Dans le cas de ceux qui n'ont pas pris leur drogue, on devait découvrir qui l'avait pris, ce qui leur était arrivé, s'ils avaient fait une surdose mortelle ou non, et s'ils avaient développé une dépendance.
    On ne trouve pas cela dans la littérature scientifique. J'ai lu toutes les études. Il n'y a pas d'étude de ce genre.
    Je vais revenir à vous dans une minute.
    Monsieur Werb, je vais m'adresser à vous.
    Qu'avez-vous observé en ce qui concerne l'approvisionnement sûr et la façon dont il a été décrit dans les médias ou par des critiques, par rapport à la façon dont l'approvisionnement sûr fonctionne réellement? Pouvez-vous nous décrire comment les médias et les critiques déforment les données probantes sur l'approvisionnement sûr?
    Bien sûr.
    Je ne sais pas si quelqu'un essaie délibérément de mal interpréter ou de déformer quoi que ce soit. Je signale que je suis le chercheur principal d'une évaluation nationale des programmes pilotes d'approvisionnement plus sûr au Canada, qui est financée par Santé Canada et dirigée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Je peux vous en parler un peu.
    L'un des problèmes que je trouve troublants, c'est que l'on confond un certain nombre d'approches différentes avec l'idée ou l'expression « approvisionnement plus sûr ». Parfois, lorsque les gens parlent d'un approvisionnement plus sûr, ils parlent de réglementer le marché illicite de la drogue, ce dont je serais heureux de parler. Parfois, on parle de lignes directrices cliniques prescrites, comme celles qui sont en place en Colombie-Britannique. Parfois, on parle de programmes pilotes, comme ceux que notre évaluation nationale étudie, qui sont intégrés aux programmes existants de réduction des préjudices et de soins sociaux. Tous ces programmes sont très différents.
    Dans ces programmes, l'approvisionnement plus sûr est généralement une composante d'une approche plus globale visant à répondre aux besoins des clients, des membres ou des patients. Tous ces programmes désignent ces personnes différemment. Je suis d'accord avec M. Humphreys pour dire que les données probantes sont encore en train d'émerger. Ce sont des programmes qui ne sont en place que depuis deux ou trois ans.
    Je tiens à souligner que les lignes directrices sur l'approvisionnement sûr en Colombie-Britannique sont très différentes. Il s'agit simplement d'une occasion pour les cliniciens de fournir un type particulier de médicaments pour un problème particulier chez leurs patients, ce qui est différent de ces programmes pilotes intégrés.
(1140)
     Nous savons que l'OxyContin ne constitue pas un approvisionnement sûr. L'OxyContin a causé une fraction des décès par surdose comparativement au fentanyl. Aux États-Unis, le nombre de décès par surdose a augmenté de 275 % entre 2016 et 2021, soit plus qu'au Canada, où il a doublé.
    Nous pouvons examiner le bilan de l'Alberta. En avril, il y a eu un nombre record de surdoses. Lethbridge l'a déjà dépassé en août de cette année, et l'année dernière a été une année record. Lethbridge a fermé ses centres de consommation supervisée.
    Pouvez-vous nous parler de l'efficacité des interventions de réduction des préjudices comme le contrôle des drogues et les centres de consommation supervisée, et nous dire combien de vies sont ainsi sauvées?
    Bien sûr. Dans le cas de l'Alberta, seulement environ 5 % des surdoses mortelles sont attribuables à la prescription d'opioïdes.
    Je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt au sujet des centres de consommation supervisée. Nous avons collaboré avec le Bureau du coroner en chef de l'Ontario pour cartographier la mortalité par surdose à Toronto d'une année à l'autre. Ce que nous avons trouvé était assez remarquable. À cinq kilomètres de distance, nous avons constaté une réduction d'environ deux tiers du taux de mortalité par surdose dans certains quartiers. Nous essayons de comprendre pourquoi, parce que c'est un résultat vraiment spectaculaire.
    Nous pensons qu'au‑delà de l'accès des gens à ces programmes sur place, ils sont aussi des centres de services de réduction des préjudices. Ce sont des endroits où les gens se sentent en sécurité, où ils peuvent obtenir de la naloxone et où ils reçoivent de l'information plus sûre au sujet de la façon d'éviter les surdoses. C'est vraiment un service essentiel.
    Merci, monsieur Werb.
    Cette série de questions est terminée, mais je suis certain qu'il y aura d'autres occasions de revenir sur ce point.
    C'est maintenant au tour de M. Majumdar, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, et merci aux deux témoins de comparaître devant le Comité.
    Je vais adresser mes premières questions à M. Humphreys, si cela vous convient.
    Au sein de notre comité, on a beaucoup parlé du modèle du Portugal, souvent présenté comme un symbole d'espoir pour le Canada et pour d'autres pays. D'après l'étude de la littérature scientifique dont vous avez pu tenir compte, le modèle portugais est‑il comparable à celui du Canada? Est‑ce que les deux peuvent se comparer?
    J'ai lu ces documents et j'ai aussi passé beaucoup de temps au Portugal. En fait, je discutais justement avec le directeur de ce programme il y a une semaine.
    Le Portugal traverse actuellement une période difficile. Les surdoses atteignent un sommet en 12 ans. Au début du moins, le programme semblait avoir profité de la grande expansion des services de lutte contre la toxicomanie. Le taux de VIH chez les personnes qui consommaient des drogues a diminué, et c'était assurément un signe très positif.
    Le Portugal a également des comités de dissuasion qui sont en mesure d'exercer des pressions sur les gens qui ont des problèmes de consommation de drogue pour qu'ils modifient leur comportement. C'est un élément qu'on a souvent oublié quand on parlait du modèle portugais. On pense que c'est un modèle libertaire, et que tout le monde fait ce qu'il veut. Ce n'est vraiment pas le cas.
    Une grande différence qui va au‑delà des politiques, c'est que les cultures sont très différentes. Le Portugal est différent des États-Unis et du Canada en ce sens que c'est un pays qui a un très fort historique catholique, une société très communautaire et où il existe un bon contrôle social sur les comportements. Lorsque le pays s'est éloigné du contrôle juridique, les familles et les collectivités exerçaient encore un contrôle social énorme. On y désapprouvait fortement la consommation de drogues, ce qui est particulièrement moins fréquent dans l'Ouest des États-Unis et dans l'Ouest du Canada.
    Les villes qui ont essayé de reproduire cette approche — par exemple, dans la ville près de laquelle j'habite, c'est‑à‑dire San Francisco — ainsi que les villes de Portland, Seattle et Vancouver n'ont pas obtenu les mêmes résultats que le Portugal. Avec les mêmes politiques, mais des cultures différentes, on obtient des résultats différents.
(1145)
    Merci.
    J'aimerais revenir sur l'un des points dont vous avez parlé, soit l'augmentation des surdoses au Portugal. Pourriez-vous nous décrire l'origine de cette situation?
    Il y a quelques théories à ce sujet. Il y a d'abord la crise financière qui touche les services. Le Portugal a considérablement réduit ses services. Cela n'aide sûrement pas.
    Il est également vrai que l'Union européenne est un espace ouvert, de sorte que les gens peuvent maintenant passer d'un peu partout dans l'Union européenne à différents endroits. Au fil du temps, les pays qui ont des régimes de drogue libéraux peuvent attirer des gens qui aiment consommer des drogues ou qui aiment pouvoir le faire sans entrave. C'est certainement le cas à San Francisco. Je peux l'affirmer avec certitude. Cela a peut-être aussi compliqué le problème de la drogue à mesure que les gens ont commencé à en consommer.
     J'ai une brève question. Ils ne font pas face à une crise du fentanyl comme ici au Canada, n'est‑ce pas?
    Pas encore, mais les fentanyls et les nitazènes arrivent en Europe. Il y a eu une vaste saisie l'autre jour en Grande-Bretagne. Il y a eu quelques cas en Europe. Tous mes collègues européens ont très peur de l'arrivée d'opioïdes synthétiques sous une forme ou une autre au cours des 18 prochains mois, parce que les talibans limitent actuellement l'approvisionnement en héroïne afghane.
    Si vous me permettez de ramener notre discussion sur la situation au Canada, croyez-vous que l'approche actuelle du gouvernement en matière de politique d'approvisionnement sûr fonctionne?
    Non. Je ne m'attendrais pas à ce que cela fonctionne, parce qu'il s'agit essentiellement d'une reproduction des politiques que nous avions dans les années 2000 concernant la distribution d'opioïdes dans la collectivité et de la confiance que, parce qu'ils sont légaux et qu'ils sont en quantité connue, il ne se passera rien de mal. Cela ne risque pas d'arriver de sitôt.
     Je sais que la discussion porte sur les surdoses, mais il faut aussi penser à la toxicomanie. Si vous générez de nouveaux cas de toxicomanie, cela ne se manifestera pas en cas de surdose avant 5 ou 10 ans, mais cela pourrait certainement se produire. C'est exactement ce qui s'est produit à l'époque de l'OxyContin.
     Je signale en passant que le principal médicament utilisé, l'hydromorphone, est un opioïde très puissant. Ce n'est pas un médicament de faible concentration, loin de là. Il peut certainement créer une dépendance, surtout chez les nouveaux utilisateurs. C'est pourquoi il serait très important d'évaluer si ces médicaments sont détournés vers, par exemple, des gens qui en sont à leur première expérience de consommation de drogue et qui y ont accès pour une première fois. Je pense qu'il faudrait étudier la question de savoir si cela se produit ou non.
    Dans ce contexte, y a‑t‑il des données probantes provenant des administrations qui appuient l'affirmation selon laquelle l'approvisionnement sûr contribue à un résultat positif; moins de criminalité et de désordre, plus de personnes en transition vers le marché du travail, moins de drogues inondant les marchés illicites? Avez-vous vu des données probantes à ce sujet?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît, monsieur Humphreys.
    Dans la littérature scientifique, il y a certainement des gens qui parlent d'approvisionnement sûr et qui disent apprécier le programme et l'évaluer. On consomme effectivement encore beaucoup de drogues illicites. Je ne crois pas qu'il y ait de lien avec les effets plus généraux sur la collectivité, comme l'emploi, l'approvisionnement en drogues, la toxicomanie et les surdoses chez les personnes qui ne sont pas inscrites à un programme d'approvisionnement sûr.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Powlowski, pour cinq minutes.
    Ma première question s'adresse à M. Humphreys.
    Je partage un peu mon scepticisme au sujet de l'approvisionnement sûr pour les mêmes raisons dont vous avez déjà parlé. Cependant, ne croyez-vous pas qu'il est possible qu'un certain sous-ensemble de la population puisse bénéficier d'un approvisionnement sûr? Certaines personnes sont dépendantes des stupéfiants et peut-être d'une quantité fixe de stupéfiants. Il y a aussi le fait qu'ils ne peuvent pas se procurer les stupéfiants, alors ils les achètent dans la rue, où ils sont souvent contaminés par le fentanyl ou le carfentanil.
    Croyez-vous qu'il soit possible — même si, en général, l'approvisionnement sûr n'est pas une bonne idée pour tout le monde — qu'il y ait un sous-ensemble de la population pour lequel, en fait, c'est une bonne idée?
    Merci de cette question. Cela me donne l'occasion de clarifier une chose qui, à mon avis, a peut-être été mal comprise.
    La commission est très positive au sujet du traitement par agonistes opioïdes, comme la méthadone et la buprénorphine. Au Canada, il y a aussi la morphine orale à libération lente et l'hydromorphone, que nous n'avons pas chez nous. Il y a aussi la diacétylmorphine. Nous voyons d'un œil très positif les effets de toutes ces mesures, et ce, pour de multiples raisons.
     Oui, cela permet aux gens d'éviter l'approvisionnement illicite, mais c'est aussi en raison de la stabilité qu'ils offrent et des liens qu'ils permettent d'assurer avec d'autres services de santé. Tout cela est vrai.
     Cependant, quand on commence à distribuer, sans surveillance réelle dans une collectivité, il faut penser non seulement à cette personne, même si elle en profite un peu, mais aussi à toutes les autres. Si ces médicaments causent du tort à d'autres personnes, l'effet net pourrait être négatif, même si une personne en particulier en profite.
     C'est pourquoi il est très important d'effectuer des vérifications très minutieuses pour savoir où vont ces médicaments — autrement dit, de surveiller les gens qui entourent les bénéficiaires de ces programmes —, avant de porter un jugement, ce qu'on ne peut faire en se fiant uniquement à ce que la personne dit et à ses antécédents.
(1150)
    J'aimerais aborder un deuxième sujet, à savoir celui des centres d'injection supervisée. J'aimerais vous poser la question à tous les deux. Je pense que vous êtes tous les deux d'accord pour dire qu'ils réduisent la mortalité.
    Monsieur Werb, vous avez parlé de la fermeture possible de deux centres d'injection supervisée dans le Nord de l'Ontario. Je suis le député de Thunder Bay—Rainy River. Je dirais — et j'aimerais que vous abordiez cette question — qu'il y a une très lourde tendance de « pas dans ma cour » en ce qui concerne les centres d'injection supervisée, et je dois dire que je comprends pourquoi. Serais‑je heureux si un centre d'injection supervisée ouvrait tout près de chez moi? Probablement pas, surtout si vous combinez cela à la décriminalisation. Ce qu'on a tendance à voir autour de ces sites, c'est la multiplication des vendeurs de drogue. Très rapidement, le secteur devient très peu fréquentable.
    Bien qu'en général, il semble y avoir de bonnes preuves que c'est une bonne idée, comment pouvons-nous régler le problème de la criminalité et les problèmes sociaux qui ont tendance à s'accumuler autour de ces centres?
    Je vais peut-être commencer par M. Werb.
     Merci. C'est une excellente question.
    J'aimerais simplement souligner que ces sites sont mis en place dans des endroits où il y a déjà des activités liées à la drogue, n'est‑ce pas? C'est généralement là qu'ils sont établis, afin qu'ils puissent profiter au plus grand nombre de personnes possible. Je pense qu'il est important de s'en souvenir.
    Nous avons examiné cette question. À Toronto, il y a eu de la violence — malheureusement, une fusillade mortelle — à moins de 100 mètres d'un certain centre de consommation supervisée. Nous avons travaillé avec le bureau du coroner pour analyser les données spatiales sur les homicides, les fusillades mortelles, qui pourraient être liés à l'activité du marché de la drogue pendant 10 ans à Toronto. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il n'y a pas de lien entre le lieu des homicides et l'emplacement de ces sites.
    À ce sujet, du moins, je pense que des données recueillies à Toronto laissent entendre que ces sites n'attirent pas nécessairement une augmentation de la violence mortelle. Nous allons tout de même examiner d'autres mesures de la violence pour voir si elles correspondent à notre analyse initiale.
     Je comprends aussi le désir des gens de s'assurer que les programmes dans leurs communautés sont gérés le mieux possible. Je comprends très bien que les gens se préoccupent de leur sécurité publique.
    Ce que j'ai trouvé inspirant, c'est que dans la discussion qui a eu lieu, du moins à Toronto à ce sujet, on ne va pas jusqu'à dire qu'il faut fermer ces sites. La discussion porte en grande partie sur la façon dont nous concevons ces sites et sur la manière de mieux les gérer.
     Malheureusement, ce qui se passe, c'est que ces sites sont conçus pour le nombre estimatif de clients qui les fréquenteront, que les budgets sont souvent réduits et que les ressources ne sont pas suffisantes pour le nombre réel de clients, alors ils commencent avec un déficit. Il y a des listes d'attente. Les gens se présentent et repartent sans avoir accès aux services.
     Je pense qu'un élément clé ici doit être de doter ces services de ressources suffisantes pour qu'ils puissent répondre aux besoins de leur clientèle.
    Merci, monsieur Werb.

[Français]

    M. Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Toujours dans le même article du 9 décembre dernier, ce qui est assez récent, publié dans Le Devoir sous la plume de Jessica Nadeau, la docteure Goyer s'est confiée à la journaliste concernant ce qui se trouve sur le marché illicite des drogues. Elle a parlé d'« éléphant dans la pièce », et elle a notamment affirmé que le marché illicite créait des substances de plus en plus complexes et dangereuses, et cela, à une vitesse phénoménale.
    Je cite ici textuellement une partie des propos de la docteure Goyer:
Je n'avais jamais vu ça de ma carrière: le marché illicite est en train de produire des substances qui n'existent pas en médecine. Avant, on était dans le mode: moi je fais du fentanyl en patch, toi tu fais du fentanyl en poudre. Moi je fais de l'Ativan, toi tu fais de l'Ativan et tu rajoutes un peu de sucre et de caféine pour que ça coûte moins cher. Mais là, ce n'est plus ça. Le marché illicite s'est mis à produire lui-même des choses et à mélanger les substances. On est rendus dans une roulette russe vraiment très intense qu'on n'a jamais vue avant, avec une complexité de gérer les surdoses, les sevrages et les traitements parce qu'on ne sait plus trop ce qu'on traite finalement.
    Que pensez-vous de cet énoncé? Avez-vous observé cela?
(1155)

[Traduction]

    Oui. Écoutez, l'évolution du marché des drogues illicites est imprévisible. Je pense qu'il faut remonter à la fin du XIXe siècle. Il y a eu l'opium, puis le laudanum, puis l'héroïne, puis le fentanyl, puis le carfentanil et enfin les opioïdes de la classe des nitazènes. À chaque étape, à mesure que les pressions sur les marchés de la drogue se sont intensifiées, les marchés des drogues illicites se sont adaptés et ont évolué.
     C'est comme pour n'importe quel autre marché. Je pense au marché des téléphones intelligents. Il y a des pressions pour que les marchés évoluent. C'est pourquoi nous avons commencé avec des téléphones géants avec lesquels on ne pouvait rien faire, et maintenant nous avons des téléphones de plus en plus petits dotés d'une incroyable puissance informatique.
    Malheureusement, les forces de l'ordre et les saisies exercent actuellement des pressions qui encouragent les organisations de trafic de drogue à innover. Si nous voulons nous attaquer aux surdoses d'une manière significative, structurelle, durable et à long terme, je pense que nous devons examiner la source de l'innovation qui se produit sur le marché des drogues illicites et réfléchir à des façons structurelles d'entraîner un certain ralentissement du marché.
    Je vais m'arrêter ici.
     Merci, monsieur Werb.
    La dernière série de questions pour ce groupe sera posée par M. Johns. Monsieur Johns, vous avez les deux prochaines minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Humphreys, êtes-vous au courant des données qui montrent que les surdoses et les infections ont augmenté de façon exponentielle en 2013 environ avec l'introduction du fentanyl, et saviez-vous que les surdoses et les infections qui se sont produites avec l'OxyContin se sont produites à une fraction du rythme observé avec le fentanyl?
    Le fentanyl est certainement plus susceptible de causer une surdose que l'OxyContin.
    Comme nous sommes également préoccupés par la toxicomanie, beaucoup plus de gens ont développé une dépendance à l'OxyContin qu'au fentanyl. Il est souhaitable d'éviter les deux.
    Les protocoles et les structures sont très différents. Pour ce qui est de l'approvisionnement sûr, dans le cas de l'OxyContin, il est distribué quotidiennement et surveillé chaque semaine. Je me demande comment vous pouvez comparer les deux en ce qui concerne les protocoles et la structure d'approvisionnement sûr.
    Je dirai simplement que les taux de rétention pour le traitement à la méthadone sont de 50 % à six mois et qu'ils sont de 40 % pour le traitement à la buprénorphine. Les taux de rétention des programmes d'approvisionnement sûr sont supérieurs à 90 %. Êtes-vous au courant de ces résultats? Vous avez dit plus tôt qu'il n'y a pas de protocole pour surveiller le détournement, que vous n'en avez pas vu, et je sais que les cliniques d'approvisionnement sûr surveillent beaucoup le détournement, alors je m'inquiète simplement de ce que vous savez sur l'approvisionnement sûr, à savoir si vos connaissances sont complètes ou non.
    Ce que j'ai dit — et il n'y a pas de preuve permettant d'affirmer le contraire —, c'est que lorsque les gens obtiennent un résultat négatif au test de dépistage des drogues qui leur sont fournies, personne n'a cherché à trouver la personne à qui ces médicaments ont été destinés et à évaluer leur bien-être. C'est le genre de surveillance qu'il faudrait faire pour déterminer si ces drogues causent ou non un préjudice à la collectivité. Cela n'a pas été fait. Il n'y a pas d'étude de ce genre dans la littérature scientifique. C'est la raison pour laquelle j'ai signalé ce point.
    Pouvez-vous nous dire combien de fois il faut suivre un traitement de rétablissement avant de rester sobre à long terme? Quel est le taux de réussite des gens qui restent sobres après un an et cinq ans? Après le traitement, que se passe‑t‑il? Que doivent faire les gens s'ils n'ont pas de logement?
    Ma question s'adresse à M. Werb.
    Je peux dire qu'il existe de bonnes données selon lesquelles les gens, en moyenne, suivent un programme de méthadone cinq à sept fois avant de pouvoir gérer leur consommation de drogue à long terme.
    Il y a des données probantes du côté du rétablissement. Par exemple, il y a eu un essai clinique randomisé sur un traitement à la buprénorphine jumelé à un peu de counseling, par opposition au simple counseling sans pharmacothérapie. Cet essai a révélé que le taux moyen d'abstinence pour le groupe du counseling seulement était de 5 %, comparativement à 43 % dans le groupe de la buprénorphine. Encore une fois, il existe de très bonnes données probantes qui portent à croire que les pharmacothérapies peuvent offrir une abstinence plus efficace que les traitements non pharmacothérapeutiques axés sur le rétablissement.
    Encore une fois, je répète que le cercle vicieux dans lequel les gens ne peuvent pas trouver de logement parce qu'ils consomment des drogues, quand ils n'ont pas accès à un traitement parce qu'ils n'ont pas de logement, est un problème majeur qui va prolonger le cycle de vie de cette épidémie de surdoses.
(1200)
    Merci, monsieur Werb.
    M. Werb a parlé tout à l'heure d'une étude du Bureau du coroner en chef de l'Ontario visant à cartographier la mortalité par surdose dans le rayon des centres de consommation supervisée. Plaît‑il au Comité de lui demander de nous adresser ce rapport d'ici deux semaines? Est‑ce que ce serait possible?
    Des députés: D'accord.
    Merci, monsieur Johns. Vous m'avez enlevé les mots de la bouche.
    Allez‑y, monsieur Powlowski.
    Puis‑je demander aux deux témoins de bien vouloir nous soumettre les études dont ils jugent qu'elles seraient particulièrement utiles à la nôtre?
    Je me répète, mais permettez-moi de vous remercier.
    Cette discussion a été fascinante. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir partagé votre expertise avec nous. Vous avez suscité suffisamment d'intérêt et de questions pour rester plus longtemps parmi nous, et c'est probablement la raison pour laquelle nous aimerions avoir un suivi par écrit.
    Merci encore, en vous souhaitant très joyeuses Fêtes.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pour permettre au prochain groupe de témoins de s'installer. La séance est suspendue pour cinq minutes.
(1200)

(1205)
     Nous reprenons nos travaux.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'accord d'achat anticipé de vaccins conclu par le gouvernement avec Medicago.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Pour le compte de Medicago Inc., nous accueillons Toshifumi Tada, président et chef de la direction, et Sarah Marquis, vice-présidente aux Affaires juridiques et secrétaire générale.
    Je vous remercie tous les deux d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Vous avez cinq minutes pour faire un exposé préliminaire. Vous avez la parole.
    Tout d'abord, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Je m'appelle Toshifumi Tada. Je suis président et chef de la direction de Medicago. Je suis accompagné aujourd'hui de Sarah Marquis, vice-présidente aux affaires juridiques et secrétaire générale de Medicago.
    Medicago était une entreprise canadienne de biotechnologie et de biopharmaceutique spécialisée dans la découverte, la mise au point et la commercialisation de particules de pseudoparticules virales ou PPV, produites à partir de plantes utilisées comme bioréacteurs pour fabriquer des vaccins expérimentaux à base de protéines. La technologie PPV de Medicago est née d'un partenariat de recherche entre l'Université Laval et Agriculture Canada en 1997.
    Cette technologie est passée du stade de la recherche-développement à celui de l'approbation par Santé Canada du premier vaccin à PPV en février 2022. C'était le premier vaccin à usage humain à base de plantes approuvé dans le monde.
     Au cours des essais cliniques, notre vaccin s'est révélé efficace à 71 % contre les infections symptomatiques et à 100 % contre les maladies graves causées par le coronavirus. Ces essais ont été menés au moment où de multiples variants étaient en circulation. Je tiens à dire clairement que ces recherches n'auraient pas abouti sans le dévouement inlassable de nos employés et les réalisations et l'expertise scientifiques obtenues au Canada. Medicago était très fier de cette réalisation scientifique.
    Cela a été un succès sur le plan scientifique, mais il a été difficile de transformer ces résultats en production commerciale à grande échelle. Nos experts étaient convaincus que nous pourrions surmonter ces difficultés, mais que cela prendrait du temps. Parallèlement, le paysage vaccinal évoluait très rapidement, avec l'émergence de plus en plus de variants. Nous nous sommes rendu compte qu'il faudrait investir davantage dans la recherche-développement.
    C'est pour cette raison que notre actionnaire Mitsubishi Chemical Group a décidé de mettre fin aux activités de Medicago. Cela a été une décision très difficile à prendre, sur le plan commercial comme sur le plan humain.
    Medicago était au Québec depuis plus de 20 ans, et, quand Mitsubishi Chemical a fait cette annonce, nous avions près de 600 employés au Canada et aux États-Unis, dont 378 à Québec. L'entreprise entretenait des liens étroits avec la collectivité locale, et nos employés croyaient en la technologie de Medicago et en sa mission pour la santé publique.
    Dans le cadre des activités de liquidation de Medicago, nous avons veillé à ce que tous les employés reçoivent la pleine rémunération à laquelle ils avaient droit. Nous avons également fourni des services complets de soutien et de placement, par exemple sous la forme de salons de l'emploi pour nos employés, en collaboration avec le gouvernement du Québec, pour les aider à trouver leur prochain employeur.
    Nous avons également collaboré avec des conseillers financiers et juridiques pour mettre fin à nos ententes avec nos fournisseurs de services, régler nos dettes et vendre nos activités et nos actifs. Cela a donné lieu à plusieurs transactions, dont deux avec le gouvernement du Canada.
    La première a été l'accord d'achat anticipé entre Medicago et SPAC, signée en novembre 2020. Selon cette entente, Medicago avait reçu un paiement anticipé non remboursable de 150 millions de dollars pour lancer la fabrication de son vaccin contre la COVID‑19. L'entente a été résiliée par consentement mutuel en juin 2023. Medicago a été libérée de ses obligations, puisqu'elle respectait toutes les modalités de l'accord.
    La deuxième transaction a été l'entente sur le Fonds stratégique pour l'innovation — ou FSI — conclue avec ISDE. Celle‑ci a pris fin récemment. Dans le cadre de cette entente, Medicago a reçu des offres de contribution pour le développement de son vaccin contre la COVID‑19 et l'établissement d'une usine de fabrication à grande échelle au Québec.
(1210)
     Dans le cadre de l'entente de résiliation, nous avons remboursé les sommes dues au gouvernement canadien, dont 40 millions de dollars en espèces, et nous avons transféré nos principaux actifs de recherche-développement, comme notre usine pilote, les actifs de propriété intellectuelle, et du matériel, à Aramis Biotechnologies, nouvelle entreprise locale établie par d'anciens employés de Medicago.
    Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité. Il est possible que je demande à ma collègue Sarah Marquis de répondre aux questions qui relèveraient de son domaine d'expertise.
    Monsieur le président, voilà qui conclut mon exposé introductif. Merci.
    Merci, monsieur Tada.
    Nous allons commencer notre série de questions avec les conservateurs. Monsieur Perkins, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Monsieur Tada, combien de contrats ont-ils été signés avec le gouvernement? Il y a d'abord eu celui de 200 millions de dollars pour la mise au point du vaccin et pour l'amélioration de certaines plantes. Quels autres contrats ont-ils été signés?
    Il y a eu deux contrats. Il y a eu l'accord d'achat anticipé avec SPAC. Et il y a eu l'entente sur le FSI avec ISDE. Ce sont les deux contrats que nous avions avec le gouvernement fédéral du Canada.
    Les 200 millions étaient destinés au projet de FSI d'ISDE. D'après les rapports que j'ai lus, je crois qu'on a finalement utilisé seulement 173 millions de dollars. Est‑ce exact ou est‑ce qu'on a utilisé la totalité des 200 millions de dollars?
    Ce contrat a permis de verser des fonds jusqu'à concurrence de 200 millions de dollars à Medicago pour financer la mise au point du vaccin contre la COVID‑19 et l'établissement d'une usine de fabrication.
    Je comprends bien. Dans quelle mesure a‑t‑on utilisé tout l'argent? Avez-vous reçu la totalité des 200 millions de dollars?
    Je ne peux pas commenter les détails, mais l'entente portait sur un financement jusqu'à concurrence de 200 millions de dollars.
(1215)
    Vous n'allez pas dire au comité parlementaire combien d'argent le gouvernement du Canada vous a finalement transféré?
    Je suis tenu à un devoir de confidentialité, monsieur.
    Eh bien, on a dit que c'était 173 millions de dollars, mais puisque vous ne voulez pas répondre, je vais m'en tenir au chiffre de 200 millions de dollars.
    Vous avez également conclu un accord d'achat pour, je crois, 76 millions de doses du vaccin, soit environ 1,5 million de dollars si le vaccin avait été livré.
     C'est en vertu de l'accord d'achat anticipé avec SPAC, selon lequel 20 millions de doses ont été commandées avec la possibilité pour le gouvernement de commander 56 millions de doses supplémentaires.
    On parle donc de 76 millions de doses. Vous allez probablement encore dire que c'est confidentiel, mais le prix courant est de 20 $ la dose, ce qui donne 1,5 million de dollars.
    La récente annonce du gouvernement au sujet du versement de 150 millions de dollars à Medicago contre aucune livraison, je crois, ne fait partie de ce contrat, n'est‑ce pas? Le gouvernement est tenu à cette obligation en vertu de ce contrat, n'est‑ce pas?
    Pour nous, les 150 millions de dollars étaient un paiement anticipé non remboursable, que nous avons utilisé pour fabriquer des vaccins à risque. C'était l'idée première.
    Mais vous n'avez pas livré une seule fiole de vaccin au gouvernement du Canada. N'est‑ce pas?
    Effectivement. Nous...
    D'accord. Merci.
    Nous n'avons rien livré.
    Le premier contrat a été signé — je parle du premier, pour le FSI — en octobre 2020. Cinq jours plus tard, l'accord d'achat anticipé a été conclu pour 76 millions de doses d'un vaccin que vous n'aviez pas encore inventé.
    Le gouvernement, et je sais que ce n'est pas de votre ressort, avait déjà signé, dans l'espace d'environ trois mois, d'autres contrats pour 190 millions de doses d'autres vaccins, dont il n'a utilisé que la moitié. Quand vous avez obtenu — en passant, je vous félicite de cette grande découverte scientifique d'un vaccin non-ARN aussi efficace — l'approbation de Santé Canada en février 2022, je crois, le gouvernement n'était‑il pas tenu de commencer à acheter cette production?
    Il est exact que nous avons obtenu l'approbation du vaccin contre la COVID‑19 en février 2022. L'accord d'achat anticipé conclu avec SPAC prévoyait d'abord la livraison de 20 millions de doses jusqu'à la fin de 2021. Comme l'approbation a tardé à être accordée, nous avons négocié de bonne foi avec SPAC. L'accord a été modifié pour que la livraison des 20 premiers millions de doses puisse se faire avant la fin de 2022, soit 10 mois après l'obtention de l'approbation.
    Je vois. Dans ce cas, pourquoi n'a‑t‑on rien livré au gouvernement du Canada après l'obtention de l'approbation?
     Après l'obtention de l'approbation, nous avons eu de la difficulté à passer à une production commerciale à grande échelle. Nous nous sommes attelés à la tâche, et nos experts étaient convaincus que nous pourrions surmonter ces difficultés, mais nous savions que cela prendrait du temps.
    Le ministre de la Santé a déclaré au Comité la semaine dernière que c'était surtout parce qu'on avait suffisamment de doses d'autres vaccins...
     Oui, parce que je n'ai pas terminé...
     Laissez-moi finir.
    Il a déclaré qu'on avait suffisamment de doses d'autres vaccins d'autres fabricants et qu'on n'avait donc plus besoin de ce vaccin, d'autant qu'on avait déjà acheté et obtenu un autre vaccin non-ARN. Est‑ce vrai?
    Oui. Je vais répondre à cette question.
     Pendant que nous étions occupés à surmonter nos difficultés internes, nous nous sommes rendu compte que le marché évoluait rapidement. Beaucoup des nouveaux variants ont rendu notre vaccin inutile. On voulait désormais des vaccins bivalents incluant Omicron, ce que n'était pas notre vaccin.
    À l'époque...
    Le retard de Santé Canada a rendu votre vaccin caduc pour les souches suivantes de la COVID‑19.
    Nous avons donc compris que le gouvernement canadien devait...
    Attendez un instant. Je n'ai pas fini.
    Le résultat, c'est que 150 millions de dollars de l'argent des contribuables ont dû être versés à vous et à Medicago pour un vaccin qui était désormais désuet, et c'est pourquoi aucun produit n'a été livré.
    À ce moment‑là, le gouvernement canadien a dû corriger sa perspective sur ses réserves de vaccins compte tenu précisément de l'évolution de la situation. Il a donc décidé de ne pas prendre notre vaccin en raison de la situation du marché à l'époque.
    Le paiement anticipé de 150 millions de dollars n'était pas remboursable puisqu'il devait servir à la fabrication d'un vaccin à risque, monsieur. Nous avons acheté des matières premières. Nous avons produit beaucoup de lots. Nous avons embauché des employés supplémentaires pour augmenter notre capacité avant d'obtenir l'approbation...
    M. Rick Perkins: Je comprends. Vous n'avez pas livré une seule fiole...
(1220)
    C'est tout le temps que nous avions pour cette série de questions.
    Je tiens à rappeler que le paiement anticipé de 150 millions de dollars devait servir à financer une fabrication à risque avant l'obtention de l'approbation.
    Merci, monsieur Tada.
    Madame Sidhu, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être parmi nous, monsieur Tada et madame Marquis.
    Monsieur Tada, les détracteurs de l'entente s'inquiètent peut-être du fait que cet accord nous aurait fait perdre de l'argent, mais il n'y a pas lieu. Nous avons été témoins de l'élaboration d'un vaccin à partir de rien. Nous avons été témoins de la croissance d'un secteur et du développement d'un réservoir de talents.
    Pourriez-vous nous parler un peu de la valeur de l'investissement dans Medicago et de l'importance pour le gouvernement de participer à l'atténuation des risques associés à ce genre d'investissement?
    Merci beaucoup de la question.
    Grâce à l'appui et à la contribution du gouvernement, nous avons beaucoup fait progresser la technologie et la science nées au Canada. C'est ce qui a abouti à l'approbation du vaccin contre la COVID‑19. C'est le tout premier vaccin à PPV à usage humain à base de plantes au monde.
    Outre les investissements de nos actionnaires, la contribution du gouvernement a également permis de produire et de faire progresser ces réalisations technologiques et scientifiques. Ce n'est pas ce qu'on appellerait du gaspillage. Nous avons fait des progrès scientifiques importants pour le Canada.
    Compte tenu de la situation, nous avons discuté avec ISDE et nous avons de concert mis fin à l'entente. Cela a été réglé par un remboursement de 14 millions de dollars en espèces et par le transfert de nos principaux actifs de R‑D, notamment une usine pilote, de la PI, des actifs et du matériel à une entreprise canadienne, pour que notre PI reste ainsi au Canada.
    Merci.
    Medicago a récemment conclu un accord avec Aramis Biotechnologies, entreprise canadienne établie à Québec, pour lui transférer des actifs essentiels en recherche-développement médicale, des actifs de propriété intellectuelle et du matériel.
    Pourriez-vous nous dire exactement quelle recherche médicale a été transférée à cette entreprise canadienne? Vous nous avez déjà dit que les employés de Medicago travaillent avec Aramis, n'est‑ce pas?
    Je suis lié par l'obligation de ne pas divulguer les détails de la transaction avec Aramis, mais je peux confirmer que, à la demande d'ISDE, nous avons transféré notre usine pilote de R‑D à Québec, notre matériel et notre PI.
     Merci.
    Nous savons tous que Medicago a fait des études très prometteuses sur des vaccins uniques contre la COVID‑19. Il s'agissait de vaccins à base de plantes ne contenant pas d'œuf. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la technologie des vaccins à base de plantes est importante et comment ce type de technologie pourrait servir à fabriquer de futurs vaccins?
    Merci beaucoup.
    Nous n'avons pas réussi à lancer de vaccin contre la COVID‑19 dans le contexte d'une pandémie sans précédent, mais nous croyons toujours au potentiel scientifique des vaccins à base de plantes. Les principaux vaccins contre la COVID‑19 sont des vaccins à ARN messager, mais l'accès à des solutions de rechange, comme les vaccins à base de protéines, dont notre vaccin à PPV à base de plantes, serait bénéfique pour la santé des gens.
    Nous croyons toujours en nos technologies. Malheureusement, nous sommes en train de mettre fin à nos activités à cause de décisions commerciales. Cela dit, compte tenu de nos réalisations scientifiques et de la présence de nos employés, qui les ont rendues possibles, nous espérons que ces technologies pourront rester au Canada et permettre une expansion scientifique ultérieure.
    Monsieur Tada, je reviens à l'accord. Il permet au Canada de conserver un atout national important dans le secteur canadien des sciences de la vie, d'élargir et de diversifier le réservoir national des technologies de vaccination et de fournir aux Canadiens une plateforme sûre et efficace susceptible de compléter les vaccins et les capacités en cours et à venir. C'est pourquoi nous avons travaillé en étroite collaboration avec MCG pour veiller à ce que les réalisations scientifiques, la propriété intellectuelle et les actifs de base de Medicago restent au Canada et que ses compétences et ses capacités y soient également conservées.
    Pourriez-vous nous dire en quoi il est important de conserver des actifs incorporels comme la PI au Canada?
(1225)
    Oui, merci beaucoup.
    Notre actionnaire Mitsubishi Chemical a dû prendre une décision commerciale difficile. Et cette décision a été prise. Cela dit, l'entreprise voulait collaborer le plus possible avec le gouvernement canadien pour trouver une solution gagnante pour tous. Nous avons donc décidé, de concert avec ISDE, de résilier l'entente, mais nous avons réglé la question en transférant nos principaux actifs, à savoir l'usine pilote de R‑D, le matériel et la PI, à une entreprise canadienne.
    Je crois que cela répondait aux exigences du gouvernement canadien, mais nous voulions aussi prendre cette décision commerciale et l'exécuter le plus tôt possible.
    J'ai deux autres questions sur la technologie de production à base de plantes. Existe‑t‑il d'autres moyens d'utiliser cette technologie pour combattre d'autres maladies? Votre équipe travaillait-elle sur d'autres médicaments ou vaccins?
    Medicago est en train de mettre fin à ses activités, et ce n'est donc pas dans ses plans pour l'instant. Cependant, si Aramis continue de faire progresser les technologies en tirant parti de nos réalisations médicales, nous espérons qu'elle pourra trouver de nouvelles solutions, de nouvelles possibilités et de nouvelles applications aux technologies à PPV à base de plantes.
    Merci, monsieur Tada et madame Sidhu.

[Français]

    Madame Vignola, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Medicago avait une usine en Caroline du Nord. La plateforme technologique utilisée dans cette usine a-t-elle été transférée à Aramis Biotechnologies, à Québec?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Notre usine en Caroline du Nord est un actif en location et elle ne fait donc pas partie d'une transaction avec Aramis.

[Français]

    D'accord, je vous remercie.
    Au départ, Medicago se spécialisait dans la conception de vaccins contre le virus H1N1, l'influenza et le terrible virus Ebola.
    Si Medicago s'était concentré sur ces virus pendant la pandémie, en serions-nous là où nous en sommes maintenant, avec une usine vide dans le secteur D'Estimauville, usine qui vaut quelques millions de dollars, et une compagnie démantelée?

[Traduction]

    Oui. Nous travaillions sur les deux virus auparavant. Aujourd'hui, compte tenu de la décision commerciale de nos actionnaires, nous sommes en cours de liquidation et nous avons transféré des actifs essentiels à Aramis. Nous espérons donc... Je ne peux pas formuler d'avis sur les plans d'affaires et les stratégies d'Aramis, mais il se peut que ces produits fassent partie de ses stratégies.

[Français]

    Ma question était hypothétique. Je vais la reformuler.
    Si Medicago ne s'était pas proposée pour aider le gouvernement du Canada, malgré tous les risques que cela comportait, et qu'elle s'était concentrée sur les vaccins déjà en développement, serions-nous dans la même situation maintenant?

[Traduction]

     Il est très difficile de répondre à une question hypothétique, et je vais donc m'abstenir de formuler un avis à ce sujet. Je suis désolé.

[Français]

    D'accord.
    Pourquoi le groupe Mitsubishi Chemical s'est-il d'abord intéressé à Medicago?

[Traduction]

    Mitsubishi Tanabe Pharma Corporation a acquis 60 % de Medicago en 2013, il y a 10 ans. Le secteur des vaccins est l'un de ses principaux domaines d'intérêt, et c'est pourquoi l'entreprise voulait renforcer ses capacités commerciales en intégrant la technologie de Medicago, à savoir les PPV à base de plantes.

[Français]

    Le groupe Mitsubishi Chemical avait-il des préoccupations quant à la participation de Philip Morris International à titre d'actionnaire?

[Traduction]

    Philip Morris était actionnaire de Medicago avant même que Mitsubishi Tanabe Pharma n'en acquière 60 %. Après discussion, Philip Morris et Mitsubishi Tanabe Pharma ont décidé de créer une coentreprise à raison d'un ratio d'actionnariat de 60‑40.
(1230)

[Français]

    Autrement dit, le groupe Mitsubishi Chemical n'avait aucune préoccupation à cet égard.
    Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Je ne sais pas si elle avait une quelconque préoccupation il y a 10 ans.

[Français]

     Medicago a tenté de prendre ses distances par rapport à Philip Morris International en 2020. Comment s'y est-elle prise?
    Pourquoi Medicago a-t-elle attendu jusqu'en 2022 pour le faire?

[Traduction]

    Premièrement, la structure d'actionnariat a fait l'objet d'une discussion entre les deux actionnaires. Medicago n'y a pas participé, et je ne peux donc pas formuler d'avis à ce sujet.

[Français]

    Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit que le taux d'efficacité du vaccin s'élevait à 75 %, je crois, contre la COVID‑19 symptomatique et à 100 % contre la COVID‑19 de longue durée, qui comporte des effets indésirables majeurs.
    Si je comprends bien, l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, a rejeté le vaccin uniquement en raison de son actionnaire et non en raison de sa qualité.
    Est-ce exact?

[Traduction]

    C'est ce que nous croyons. Cela n'a rien à voir avec l'efficacité ou la qualité du vaccin.

[Français]

    En ce qui a trait à la technologie à base de plantes, certains journaux ont écrit que Medicago utilisait une plante s'apparentant au tabac pour fabriquer les vaccins.
    Je sais que je ne parle pas à des scientifiques, mais j'imagine que vous avez quelques notions de base à ce sujet.
    Quelle est la différence entre la plante que Medicago utilise, soit Nicotiana benthamiana, et celle que les fabricants de cigarettes utilisent, soit Nicotiana tabacum?

[Traduction]

    Je tiens d'abord à préciser que nous avons utilisé une plante du nom de Nicotiana benthamiana. C'est apparenté à la feuille de tabac, mais c'est très différent du tabac que l'on fume. Notre vaccin ne contient ni tabac ni nicotine.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Tada et madame Marquis.
    Je crois que mon temps de parole est écoulé.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Johns, vous avez six minutes.
    J'aimerais obtenir des réponses à cet égard également.
    Dans la même veine, le 29 décembre 2022, CBC News a annoncé que le géant du tabac Philip Morris International s'était départi de toutes ses actions de Medicago. David Fraser, le porte-parole de Philip Morris, a déclaré à cette occasion que l'entreprise avait décidé que c'était « la meilleure solution ».
    Avant cela, Philip Morris détenait 21 % des actions de votre entreprise. Pourriez-vous nous confirmer comment Philip Morris International a été indemnisée?
     Je vous remercie de la question.
    Je crois que le transfert d'actions de Philip Morris Investments à Mitsubishi Tanabe Pharma a été le résultat de discussions intenses entre les deux actionnaires. Medicago n'a pas participé à ces discussions, et nous ne savons rien qui permette de répondre à votre question.
    Vous n'avez aucune idée de la façon dont Philip Morris International a été indemnisée?
    Non, je ne sais pas. Cela s'est réglé entre actionnaires.
    D'accord.
    Les résultats financiers consolidés de Mitsubishi Chemical Group pour l'exercice se terminant le 31 mars 2022 indiquent ce qui suit:
[...] MCG a décidé de ne pas poursuivre la commercialisation du vaccin à PPV. De plus, MCG a jugé qu'il n'était pas viable de continuer à investir davantage dans la commercialisation des produits expérimentaux de Medicago et a décidé de cesser toutes ses activités à Medicago et de procéder à une liquidation ordonnée desdites activités. Par conséquent, comme l'investissement [est devenu] irrécouvrable, la valeur comptable des immobilisations corporelles et incorporelles liées à la fabrication des vaccins de Medicago a été réduite au montant recouvrable...
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi MCG en est venue à la conclusion qu'il n'était pas viable de continuer à investir davantage dans la commercialisation des produits expérimentaux de Medicago?
    Je vous remercie de la question.
    Il y a deux réponses. Tout d'abord, après avoir obtenu l'approbation, nous avons dû surmonter des difficultés internes pour élargir la commercialisation et nous savions qu'il faudrait du temps pour régler le problème. Première réponse, donc.
    Deuxièmement, pendant que nous étions en train de régler le problème, nous nous sommes rendu compte que le marché des vaccins contre la COVID‑19 évoluait rapidement et que la demande visait désormais un vaccin bivalent incluant la souche Omicron. Notre vaccin n'incluait pas cette souche, et nous nous sommes dit qu'il faudrait investir davantage dans la R‑D pour rattraper le retard. Parallèlement, nous avons négocié avec SPAC puisque, compte tenu de l'évolution du marché, le ministère allait annuler sa commande en raison de ses réserves de vaccins et de la variété des souches en circulation.
    Cela étant, nous pensons que Mitsubishi Chemical a procédé à un examen exhaustif de la situation et décidé qu'un investissement supplémentaire ne serait pas rentable pour elle.
(1235)
    Pourriez-vous confirmer le montant recouvrable des immobilisations corporelles et incorporelles de Medicago?
    Je ne peux pas me prononcer sur le montant recouvrable, mais on peut dire que nos actionnaires ont investi près de 2 millions de dollars dans Medicago jusqu'à maintenant.
    D'accord.
    Dans son rapport annuel de 2022, Philip Morris International a souligné ce qui suit:
En 2021, Medicago Inc., la société émettrice dans laquelle nous avions une participation comptabilisée, a lancé d'autres appels de participation par actions, auxquels nous n'avons pas répondu. Notre part de placements dans Medicago Inc. est donc passée d'environ 32 % au 31 décembre 2020 à environ 23 % au 31 décembre 2021. La dilution de la propriété s'est traduite par un effet favorable de 0,04 $ par action sur le résultat dilué par action et par des recettes de 55 millions de dollars sur les placements en actions et sur les titres, en valeur nette dans les états consolidés des résultats pour l'exercice se terminant le 31 décembre 2022.
    À la réunion du Comité de mercredi dernier, le ministre de la Santé Mark Holland a estimé que la position minoritaire de PMI dans Medicago ne faisait rien pour favoriser les intérêts de la nicotine ou du tabac. Étant donné que cette dilution de propriété a eu un impact financier positif pour Philip Morris International, qui a enregistré des recettes nettes de 55 millions de dollars pour l'année 2021, peut‑on prétendre que la position minoritaire de Philip Morris International dans Medicago n'a rien fait pour favoriser les intérêts de la compagnie de tabac?
    Tout d'abord, je ne peux pas vous dire si Medicago présente un intérêt sur le plan des investissements pour Philip Morris, mais je peux confirmer qu'il s'agit d'un investisseur minoritaire et que nous n'avons pas fait de recherches sur le tabac ou quoi que ce soit de ce genre avec l'investissement de Philip Morris. Nous utilisons la plante Nicotiana benthamiana. Elle est apparentée à la feuille de tabac, mais ce n'est pas du tabac. PMI n'est pour nous rien d'autre qu'un actionnaire minoritaire.
    D'accord. L'entreprise peut bien en tirer des bénéfices et les mettre au service de ses intérêts.
    En 2020, le gouvernement a investi 173 millions de dollars dans Medicago pour l'aider à mettre au point et à produire son vaccin à base de plantes contre la COVID‑19, le Covifenz. Pourriez-vous nous dire si le gouvernement du Canada a reçu des parts en échange de son investissement dans Medicago?
     Ces 173 millions de dollars sont une contribution en vertu d'une entente sur le FSI, et on ne peut donc pas...
    Vous ne pouvez pas nous dire s'il y a un [inaudible].
    Nous ne discutons pas des détails du contrat. Mais je crois que le contrat de 173 millions de dollars conclu en 2020 était une contribution d'ISDE pour aider Medicago à mettre au point le vaccin contre la COVID‑19 et à établir une usine de fabrication à grande échelle.
    Il me semble très difficile pour le Comité de se faire une idée sans cette réponse.
    Merci, monsieur Johns.
     Merci, monsieur Tada.

[Français]

    Monsieur Deltell, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Marquis, monsieur Tada, soyez les bienvenus à la Chambre des communes.
    À titre de député de la région de Québec, j'ai toujours été très fier de Medicago. Je trouve que ce qui est arrivé au cours des derniers mois et des dernières années est très malheureux, d'autant plus que l'OMS n'a pas reconnu le vaccin sur lequel vous avez travaillé. Ce qui est encore plus décevant, pour ne pas dire choquant, c'est que ce n'était pas écrit dans le ciel. C'était écrit noir sur blanc dans les traités internationaux que l'OMS n'allait jamais reconnaître les travaux faits par Medicago.
    Souvenons-nous de l'article 5.3 de la Convention-cadre de l'OMS, adoptée le 27 février 2005, dans lequel il était précisé que « les Parties veillent à ce que les politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac ». Le Canada a été l'un des 181 signataires de la Convention.
    Or, en 2008, Philip Morris International est devenu actionnaire minoritaire de Medicago.
    Y a-t-il quelqu'un au gouvernement ou dans l'entreprise, en 2008, qui a sonné l'alarme pour dire que l'OMS ne reconnaîtrait plus jamais les travaux de Medicago? Veuillez répondre par oui ou par non.
(1240)

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Non.
    Nous avions discuté avec l'OMS parce que nous voulions nous préparer à faire une demande en situation de pandémie. Après que nous avons présenté une demande, on nous a imposé des restrictions à cause du lien avec le tabac. La situation était la suivante: quand l'OMS a examiné la demande, il y avait déjà d'autres vaccins expérimentaux. À notre connaissance, elle a donc pris sa propre décision en fonction de la situation à laquelle elle était confrontée à ce moment‑là.

[Français]

    Monsieur Tada, c'était écrit noir sur blanc que l'OMS ne reconnaîtrait pas les travaux faits par une compagnie spécialisée dans les produits du tabac parmi ses actionnaires. C'était le cas pour Medicago depuis 2008. Quand, le 12 mars 2020, vous avez annoncé vos travaux sur le vaccin et quand, en octobre 2020, le gouvernement du Canada vous a accordé 173 millions de dollars tirés à même les taxes des contribuables, y a-t-il quelqu'un chez vous qui a signalé au gouvernement que, en raison d'un actionnaire minoritaire issu de l'industrie du tabac, l'OMS n'allait jamais reconnaître vos travaux? Oui ou non?

[Traduction]

    Nous n'avons pas fait savoir précisément au gouvernement canadien pourquoi l'OMS pourrait approuver ou non notre vaccin.
    Premièrement, le fait que PMI était un actionnaire minoritaire était déjà du domaine public. Deuxièmement, l'OMS a employé une sorte de traitement exceptionnel en temps de pandémie. Nous avons discuté avec l'OMS pour préparer notre demande, mais lorsqu'elle l'a examinée, la situation a changé.
    Que vous a‑t‑on dit quand vous avez eu cette discussion avec le gouvernement?
    Vous voulez dire le gouvernement canadien?
    Non, je parle de l'OMS. Excusez-moi.
    Nous nous sommes contentés de décrire nos données cliniques sur le vaccin et nous avons pris note de ses suggestions pour pouvoir préparer les demandes.

[Français]

    À ce moment, y a-t-il des gens du gouvernement du Canada qui vous ont signalé le fait qu'il y avait un fabricant de produits du tabac dans l'entreprise et que l'OMS ne reconnaîtrait jamais les travaux?
    Est-ce que, oui ou non, le gouvernement vous a alerté quant à cette situation?

[Traduction]

    Je ne connais pas la réponse à cette question.

[Français]

    Excusez-moi, est-ce que vous dites que vous ne voulez pas répondre ou que vous ne le pouvez pas?

[Traduction]

    Je ne connais pas la réponse à la question de savoir s'il y avait quelqu'un du gouvernement canadien ou si nous en avons été informés.

[Français]

    Madame Marquis, avez-vous des précisions à ajouter sur cette question?
    Y a-t-il des gens chez vous qui ont alerté le gouvernement fédéral quant à cette situation?
    Il n'y a pas eu de discussions à cet égard. Je veux apporter une clarification. L'Organisation mondiale de la santé n'a pas le contrôle sur l'exportation des produits du Canada. L'OMS faisait l'approbation du vaccin dans le cadre de dons de vaccins qui étaient en surplus dans certains pays.
    Pourtant, l'OMS ne reconnaissait pas l'entreprise. Quand l'OMS a dit, en mars 2022, qu'elle ne reconnaissait pas ce vaccin, avez-vous été surprise ou, au contraire, avez-vous constaté que vous aviez négligé de signaler le problème qui était écrit noir sur blanc dès 2005?
    L'OMS aurait pu prendre une décision différente. Elle a pris cette décision en fonction des autres options disponibles à ce moment.
    Vous avez donc fait le pari que l'OMS allait accepter cela.
    Est-ce exact?
    Lors des discussions avec l'OMS, à l'époque, celle-ci n'a pas soulevé cette situation.
    Le gouvernement a investi 173 millions de dollars de fonds publics dans votre compagnie. Pouvez-vous rendre publics les contrats qui ont été signés?
    Comprenez-nous bien, monsieur Tada.

[Traduction]

     Nous ne voulons pas connaître la formule du vaccin. Ce n'est pas ce que nous voulons savoir, mais, quand on parle de l'argent des contribuables, il faut plus de clarté et de transparence.

[Français]

    Êtes-vous prêt à déposer les contrats qui vous lient au gouvernement du Canada, sans entrer dans les secrets scientifiques, afin que nous sachions comment l'argent des contribuables a été dépensé à ce moment?

[Traduction]

    Je tiens d'abord à préciser que nous avons agi de bonne foi pour satisfaire à toutes les modalités des contrats conclus avec le gouvernement.
    Ensuite, pour ce qui est de l'accord d'achat anticipé avec SPAC, il est déjà entendu que l'accès à l'exemplaire non caviardé de l'accord peut être accordé au Comité des comptes publics pour qu'il puisse en examiner le contenu au nom du pays.
(1245)
    Merci, monsieur Tada.

[Français]

    Merci, monsieur Deltell.
    Madame Vignola, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je pense que c'est au tour des libéraux de prendre la parole.

[Traduction]

    Excusez-moi. Monsieur Powlowski, vous avez cinq minutes.
    On a beaucoup parlé du fait que l'OMS n'a pas approuvé le vaccin. C'est en partie attribuable à la Convention-cadre de lutte contre le tabagisme. Je connais un peu cette convention. En fait, j'ai fait partie du groupe intergouvernemental de négociation qui s'est réuni au moment où le traité a été élaboré.
    Madame Marquis, je suis à peu près certain de la réponse à cette question, mais y a‑t‑il quelque chose, dans le traité, qui empêcherait précisément l'OMS d'approuver un vaccin fabriqué par une entreprise liée au secteur du tabac?
    Le traité dit bien que l'OMS pourrait considérer des investissements qui peuvent servir les intérêts de l'industrie du tabac.
    Le mot clé ici est que l'OMS « pourrait ».
    Effectivement.
    Elle n'y est certainement pas tenue.
    Je ne dirais pas qu'elle y est tenue, mais c'est quelque chose dont elle peut tenir compte dans son analyse. Le traité prévoit des exceptions dans le contexte de la pandémie. Il laisse une marge d'interprétation à l'OMS.
    Il laisse une marge d'interprétation.
    À votre avis, s'il n'y avait pas eu d'autres vaccins disponibles contre la COVID‑19, l'OMS n'aurait-elle quand même pas approuvé son utilisation?
    Oui, je pense que oui, parce que les avantages l'auraient emporté sur les considérations touchant l'industrie du tabac.
    À l'époque où on l'a soumis à l'OMS, il y avait beaucoup d'autres vaccins. Dans ce contexte, le fait qu'il était produit par une compagnie de tabac devenait beaucoup plus pertinent que s'il n'y avait pas d'autres vaccins, mais la question ne se posait pas à ce moment‑là.
    Exact.
    Je ne savais pas qu'on se servait d'une proche parente du tabac pour produire le vaccin, ce que je trouve très intéressant. Si Philip Morris International a investi dans cette entreprise, c'est peut-être parce qu'il y a beaucoup de producteurs de tabac dans le monde — par exemple, au Zimbabwe — et de gens qui ont des revenus assez limités. Évidemment, nous aimerions que plus personne ne fume de cigarettes, et je regarde autour de moi... Je ne sais pas si quelqu'un ici fume des cigarettes. J'en connais quelques-uns.
    Cependant, l'idée de trouver des applications plus utiles aux plants de tabac pourrait être vue comme socialement souhaitable dans de nombreux pays pauvres où les producteurs de tabac ont un revenu très limité. Est‑ce que j'ai raison de penser ainsi? Ce n'est peut-être pas une idée qui vous vient à l'esprit, vous qui êtes PDG de l'entreprise, mais je dis qu'il pourrait y avoir une certaine utilité sociale, en fait, à utiliser des plants de tabac à d'autres fins que la fabrication de cigarettes.
     Vous posez une question intéressante.
    Les compagnies pharmaceutiques utilisent des plantes, mais nous ne vendons pas la plante elle-même. Nous n'avons pas le savoir-faire ou les connaissances nécessaires pour exploiter votre idée à première vue très intéressante. Je vais laisser à d'autres experts le soin de se prononcer là‑dessus.
    La nouvelle entreprise qu'on est en train de créer à partir des restes de Medicago, Aramis, est composée d'anciens employés.
    De votre usine et de votre équipement, qu'est‑ce qui a été transféré à Aramis, le cas échéant? Est‑ce que vous leur avez vendu? Quelle est la relation entre Medicago et la nouvelle entreprise?
    Comme vous le dites avec justesse, Aramis est dirigée par de nos anciens employés. Elle a son siège à Québec.
    Nous avons travaillé avec Aramis pour transférer l'actif et mettre fin à notre entente avec ISDE et son Fonds stratégique pour l'innovation. À la demande d'ISDE, nous avons transféré à Aramis notre usine pilote de R‑D au Québec, notre équipement et notre propriété intellectuelle. Cela faisait partie du règlement visant à mettre fin à cette entente.
(1250)
    Il s'agissait en quelque sorte d'une entente tripartite entre le gouvernement du Canada, Aramis et Medicago pour fermer Medicago.
    Nous avons effectué le transfert à Aramis à la demande d'ISDE.
    Merci, monsieur Powlowski.

[Français]

     Madame Vignola, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Tada, vous avez dit que la technologie utilisée dans l'usine de Caroline du Nord n'était pas incluse dans les ententes.
    Qu'arrive-t-il quant à cette technologie? À qui appartient-elle maintenant? Qui a mis la main sur cette technologie?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Nos usines en Caroline du Nord sont des établissements commerciaux relativement plus grands. Ce n'est pas là que résident la recherche-développement et la propriété intellectuelle, qui est entièrement contrôlée par notre exploitation au Québec. Nous avons transféré nos principaux actifs de R‑D de l'usine pilote du Québec, notre propriété intellectuelle et notre équipement à Aramis, mais les usines de Caroline du Nord, que nous utilisons pour la production commerciale, ne font pas partie de la transaction.

[Français]

    D'accord.
    Qu'advient-il de ces usines?

[Traduction]

    Ce sont des usines louées, alors nous négocions avec les propriétaires pour mettre fin au bail.

[Français]

    Ces usines utilisent-elles la même technologie que celle utilisée à Québec?

[Traduction]

    C'est un établissement qui fabrique des vaccins sur plantes, avec les mêmes produits et la même technologie.

[Français]

     Si je comprends bien, quelqu'un d'autre pourrait utiliser cette technologie à la place d'Aramis Biotechnologies.
    Est-ce exact?

[Traduction]

    Pas vraiment, parce qu'il s'agit d'un vaccin à particules pseudo-virales. Même en possession de l'actif intellectuel, ce n'est pas facile. Il faut un savoir-faire éprouvé pour le produire. Même si on lui donne l'équipement ou le bâtiment industriel, personne n'arrive à produire ce que nous produisons, à partir de la propriété intellectuelle et de la technologie.
    La propriété intellectuelle, que nous avons protégée jusqu'à maintenant, a été transférée à Aramis. Elle lui appartient.

[Français]

    Je vous remercie.
    Merci, madame Vignola.

[Traduction]

    Monsieur Johns, vous avez deux minutes et demie.
    Qui finance Aramis?
    Nous n'en avons aucune idée.
    Vous avez dit que vous n'aviez pas parlé au gouvernement de votre association avec Philip Morris parce qu'elle rendrait votre produit inadmissible à l'Organisation mondiale de la santé. Est‑ce que c'est vrai?
    Non. Je ne sais pas. Je ne sais pas si nous avons ou non informé le gouvernement canadien de la présence de Philip Morris, mais nous savons qu'il était de notoriété publique que Philip Morris avait une participation minoritaire dans Medicago.
    Cela aurait pu mettre fin à l'accord. C'est un problème.
    Avez-vous sciemment omis d'avertir le gouvernement des effets probables des liens de votre entreprise avec Philip Morris? Pensez-vous qu'une telle omission est acceptable, ou des divulgations de ce genre ne devraient-elles pas être obligatoires?
     Je n'en sais rien. Je ne sais pas si nous avons communiqué ou non.
    Pensez-vous qu'il aurait fallu?
    Je ne sais pas. Je n'ai rien à dire.
    Je pense que oui.
    Le 24 octobre dernier, le gouvernement a déposé les Comptes publics du Canada 2023, qui révélaient une perte de 150 millions de dollars pour l'Agence de la santé publique du Canada en raison d'un contrat non exécuté par un fournisseur. Selon le document, on ne devait pas s'attendre à en récupérer la moindre miette, malgré les demandes des parlementaires et des médias. Le gouvernement a d'abord refusé de fournir des détails sur cette perte, affirmant que l'information ne pouvait pas être divulguée en raison d'ententes de confidentialité conclues avec le fournisseur.
    Pouvez-vous confirmer si Medicago a demandé au gouvernement du Canada de cacher au Parlement de l'information concernant cette perte de 150 millions de dollars?
(1255)
    Non.
    Nous comprenons que le gouvernement et Medicago avaient des obligations confidentielles, mais nous avons discuté... Nous ne pouvons pas divulguer les détails sans le consentement préalable de l'autre partie. Nous avons discuté avec SPAC pour savoir dans quelle mesure nous pouvions divulguer, tant eux que nous. Nous n'avons jamais demandé de retenir cette information.
    Il y a une autre chose. Le paiement anticipé de 150 millions de dollars a été versé. Nous l'avons utilisé pour la fabrication à risque et nous n'avons pas pu fournir les doses, mais le refus de l'OMS en raison des liens avec Philip Morris n'a rien à voir avec ces situations.
    Merci, monsieur Tada.
    Nous passons maintenant à M. Ellis, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Tada, je suis heureux de vous revoir. Nous nous sommes rencontrés au comité des comptes publics.
    Monsieur, à ce moment‑là, lorsque je vous ai interrogé le 23 mars 2023, vous avez reconnu que Medicago avait reçu 773 millions de dollars du gouvernement du Canada et que vous déteniez la propriété intellectuelle et les actifs de l'entreprise au Canada.
    Est‑ce que c'est vrai, monsieur?
    Oui, monsieur. En 2020, nous avons conclu avec ISDE une entente de financement à même le Fonds stratégique pour l'innovation.
    Il s'agissait de 773 millions de dollars, monsieur.
    Non, le montant du contrat était de 173 millions de dollars.
    Je m'excuse, monsieur, mais à l'époque devant ce comité‑là, vous avez dit « 773 millions de dollars ». Ce chiffre, bien sûr, correspondait au nombre de doses que le gouvernement du Canada acceptait d'acheter. N'est‑ce pas exact, monsieur?
    Non, ce n'est pas exact. Je ne sais pas de quoi vous parlez.
    D'accord. Je vous invite à relire les transcriptions. Cela figure certainement dans celle de la réunion du 23 mars 2023.
    Curieusement, monsieur, devons-nous croire que Mitsubishi — qui est bien sûr la société mère et une multinationale immensément prospère...
    Par simple bonté d'âme, avez-vous renoncé à 40 millions de dollars de propriété intellectuelle et d'actifs commerciaux au Canada?
    Nous en avons discuté longuement avec nos actionnaires et avec ISDE. Nous avons convenu, après des négociations de bonne foi, de rembourser le montant dû au gouvernement canadien, qui comprenait 40 millions de dollars en espèces et la cession de nos actifs essentiels en R‑D, dont la propriété intellectuelle.
    Si j'étais propriétaire de Mitsubishi, je dirais: « Mais pourquoi avons-nous fait cela? » On vous avait déjà donné 150 millions de dollars. Pourquoi renonceriez-vous à des actifs intellectuels et à 40 millions de dollars? Est‑ce qu'il y avait quelque chose qui pendait au‑dessus de votre tête?
    La contribution d'ISDE était destinée à la mise au point d'un vaccin contre la COVID‑19 et à l'établissement de l'usine de fabrication. Nous avons mis au point un vaccin contre la COVID‑19 et l'avons fait approuver par Santé Canada. Nous avons consacré les fonds obtenus du gouvernement à ce travail de développement.
    Pour régler l'entente, là où nous en étions, nous avons accepté le règlement, qui comprenait le remboursement de 40 millions de dollars et le transfert des actifs.
    Je suis désolé, monsieur — par votre entremise, monsieur le président —, pourriez-vous être un peu plus clair au sujet du règlement du contrat? Cela n'a aucun sens pour moi.
    Je ne suis pas en mesure de divulguer d'autres détails du règlement.
    Si le gouvernement du Canada acceptait, dans un accord d'achat anticipé, de vous donner 150 millions de dollars... Monsieur, vous avez dit clairement, je pense, que vous avez respecté votre part du marché, alors pourquoi rembourser 40 millions de dollars et céder la propriété intellectuelle? Cela n'a aucun sens.
    Il faut bien comprendre que vous parlez d'un paiement de 150 millions de dollars dans le cadre de l'accord d'achat anticipé conclu avec SPAC. L'autre contrat est un accord avec ISDE et son fonds stratégique pour l'innovation.
    Ce sont deux accords différents, monsieur.
     Les contribuables canadiens ne sauront toujours pas ce qui s'est passé.
    Monsieur, y a‑t‑il d'autres témoins qui pourraient nous éclairer davantage à ce sujet?
    Je veux qu'il soit bien clair que nous avions deux accords avec le gouvernement canadien. Nous avons agi de bonne foi pour remplir notre part des deux accords, dans la mesure du possible. Dans le cas contraire, soit nous appliquions la clause de résiliation de l'accord, soit nous discutions de la situation de bonne foi. Dans ce cas‑ci, nous avons convenu, comme je disais, de résilier ou de régler l'accord en remboursant l'argent et en transférant les actifs.
(1300)
    Je suppose, monsieur — par votre entremise, monsieur le président —, que les contribuables canadiens n'auront toujours pas le fin mot de l'affaire.
    Je suis assis ici, à suivre cette réunion et cette histoire pendant tout le temps, et je suis perplexe. Je pense que notre travail à tous, nous qui sommes assis autour de cette table, consiste à mieux comprendre ce qui est arrivé à l'argent des contribuables canadiens. Je n'ai pas l'impression que nous le saurons, et c'est une honte.
    Cela dit, monsieur, je déteste faire cela au Comité, mais j'ai une motion à déposer, monsieur le président. Elle se lit comme suit:
Étant donné que la taxe sur le carbone imposée par le gouvernement libéral a eu des répercussions néfastes sur la santé et le gagne-pain des Canadiens, forçant deux millions d'entre eux à recourir aux banques alimentaires rien qu'en mars 2023, le président fasse savoir à la Chambre que le Comité demande au gouvernement d'abolir immédiatement la taxe sur le carbone.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Tada.
    Nous allons considérer la motion comme un avis de motion, parce qu'elle ne porte pas sur la question que nous étudions maintenant. Merci.
    Nous arrivons maintenant à la fin de l'heure, alors une motion d'ajournement serait recevable. Est‑ce la volonté du Comité?
    Madame Sidhu, voulez-vous soulever un point? Ai‑je raison de penser que vous voulez parler de la motion au cas où elle serait recevable?
    Oui, monsieur le président.
    Je suis en virtuel aujourd'hui. Serait‑il possible de suspendre brièvement la séance pour obtenir la motion par écrit?
    Je ne pense pas qu'une suspension soit nécessaire. La motion a été dûment notée dans un avis de motion. Il ne convient pas d'en débattre aujourd'hui.
    Monsieur Tada et madame Marquis, je vous remercie beaucoup de votre présence. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté notre invitation et d'être venus répondre à nos questions. Merci. Nous vous souhaitons de très joyeuses Fêtes.
    Il n'y aura pas de réunion mercredi. C'est ainsi jusqu'à Noël. Je sais que vous trouvez cela difficile.
    La date limite pour soumettre une liste complète de témoins en vue de l'étude sur les opioïdes est ce vendredi à 16 heures. Des listes partielles ont été soumises, alors veuillez les compléter d'ici vendredi.
    Est‑ce la volonté du Comité de lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
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