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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 121 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 juin 2024

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la 121e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    D'abord et avant tout, je demanderais à tous les députés et aux autres participants ici présents de bien vouloir consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents sonores. Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes afin de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, et notamment de nos interprètes. Utilisez seulement l'oreillette noire approuvée. Il ne faut plus utiliser les anciens écouteurs gris. Gardez votre oreillette loin des microphones en tout temps. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez‑la face cachée sur l'étiquette placée sur la table à cette fin. Je vous remercie de votre collaboration.
    Conformément à la motion de régie interne que nous avons adoptée, j'informe le Comité que les tests de connexion requis ont été effectués avec tous les participants à distance avant la réunion.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
    Je souhaite la bienvenue à notre groupe de témoins. Nous accueillons M. Guy Felicella, expert en réduction des méfaits et en rétablissement, qui témoigne à titre personnel par vidéoconférence; le Dr David Tu, médecin, Coopérative de santé et de mieux-être Kílala Lelum, également par vidéoconférence; M. Dan Williams, ministre de la Santé mentale et des Dépendances, gouvernement de l'Alberta; et le Dr João Goulão, de l'Institute for Addictive Behaviours and Dependencies, par vidéoconférence.
    Merci à tous de votre participation.
    Nous allons commencer par les déclarations préliminaires. Vous disposez de cinq minutes chacun. Si vous voulez bien jeter un coup d'œil de temps à autre, je vous présenterai un carton pour vous indiquer qu'il vous reste une minute. Compte tenu de mes antécédents militaires, j'aime bien me montrer assez strict de telle sorte que les travaux du Comité n'accusent pas de retard.
    Sur ce, monsieur Felicella, vous avez la parole pour une période de cinq minutes.
    Bonjour, mesdames et messieurs les députés.
    Je m'appelle Guy Felicella. Vous avez devant vous aujourd'hui une personne qui lutte contre la consommation de drogues depuis plus de deux décennies. J'ai vécu dans la rue. J'ai été revendeur. J'ai fait de la prison. J'ai survécu à six surdoses et à des infections graves avant de me rétablir. J'ai maintenant un emploi qui me permet d'aider les autres, une famille et une vie que j'aime.
    Avant d'aller plus, je dois dire que j'ai hésité à comparaître devant le Comité. J'ai regardé plusieurs de vos réunions depuis février et j'ai été déçu de constater que certains témoignages sont cités hors contexte sur les médias sociaux. C'est une cause qui me tient à cœur, et je suis donc ici pour vous faire part de mon histoire et de ce que je sais, et pour vous demander de traiter cette crise avec toute l'intégrité que la situation exige.
    Voici mon message principal: la crise actuelle est attribuable aux drogues de rue contaminées fournies aux Canadiens par le crime organisé, point final.
    Heureusement pour moi, lorsque j'ai commencé à consommer des substances à l'âge de 12 ans en 1981 pour lutter contre la dépression et les pensées suicidaires, les drogues de rue n'étaient pas encore contaminées par des quantités inconnues de fentanyl, de benzodiazépine et de xylazine.
    Arrivé à la vingtaine, j'étais dépendant de l'héroïne. J'essayais de faire mon chemin dans les dédales hiérarchiques de la prison et des gangs. J'étais témoin de la mort et de la violence. J'étais confronté à des menaces pour ma sécurité et pour ma vie, et je devais composer avec les difficultés extrêmes associées à l'itinérance. J'ai pu survivre à tout cela, en partie parce que je connaissais les drogues que je consommais, et ce, même si elles étaient illicites.
    Lorsque le premier centre de consommation supervisée en Amérique du Nord a ouvert ses portes en 2003, ma vie a immédiatement changé en mieux. Au centre Insite, j'ai reçu des seringues propres, ce qui a réduit mon risque de surdose et d'infections dangereuses. On m'a offert des soins de santé et des services de soutien. Chaque fois que j'en ai fait la demande, on m'a aidé à accéder à des programmes de désintoxication et de traitement.
    Les dossiers d'Insite montrent que j'ai utilisé ce centre de réduction des méfaits plus de 4 000 fois en 10 ans.
    Je sais que certains d'entre vous pensent que je ne méritais pas un tel soutien et que l'on aurait dû me laisser mourir des suites de mon traumatisme, de ma dépendance et de mes choix. Cependant, ma femme, mes trois enfants, les personnes que j'ai aidées à se rétablir et bon nombre des jeunes que j'ai contribué à remettre sur la bonne voie ne seraient pas d'accord avec vous. Peut-être même que le maire et le conseil municipal de Vancouver ne seraient pas non plus de cet avis, puisque le mois dernier, ils ont proclamé une journée en mon honneur pour tout le travail que je fais pour aider les gens.
    J'ai fait de nombreuses surdoses au centre Insite, y compris mes deux dernières le même jour, en 2013. Les effets de toutes ces surdoses ont été inversés au moyen de la naloxone. Les employés de ce centre m'ont sauvé la vie.
    Ce n'est probablement pas une coïncidence si le fentanyl est apparu pour la première fois en Colombie-Britannique en 2013, mais je ne sais pas s'il y en avait dans les drogues qui ont failli me tuer. C'est également l'année où, après de nombreuses tentatives, j'ai réussi à reprendre ma vie en main, et je continue à tenir le coup. Si je ne l'avais pas fait, je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous parler.
    L'héroïne que je consommais, et qui a tué 334 personnes en 2013, a désormais été complètement remplacée dans l'approvisionnement en drogues par un mélange toxique en constante évolution de fentanyl et d'autres adultérants. La rupture des chaînes d'approvisionnement pendant la pandémie a ouvert la voie à une augmentation massive de la puissance de ces drogues.
    L'an dernier, en 2023, les drogues toxiques ont malheureusement tué plus de 2 500 Britanno-Colombiens. C'est plus de sept fois le nombre de décès enregistrés 10 ans auparavant. En outre, cela s'accompagne d'une hausse équivalente des traumatismes physiques et cérébraux connexes, de la pression s'exerçant sur les premiers intervenants, les soins de santé et les programmes de rétablissement, et des répercussions sur la sécurité publique et sur nos collectivités. C'est donc plus de sept fois l'impact en 10 ans. Une augmentation de plus de 600 %. Nous n'avons ni les ressources ni le personnel nécessaires pour faire face à une hausse aussi marquée en si peu de temps.
    On peut observer la même tendance mortelle dans toutes les provinces du Canada et dans toutes les collectivités de l'Amérique du Nord, quelles que soient les politiques en place en matière de drogues, ce qui me ramène à mon message clé. C'est une crise attribuable aux drogues toxiques. Il ne s'agit pas d'une crise politique. Ce n'est pas une crise causée par la toxicomanie. Ce ne sont ni des individus ni des idées loufoques qui l'ont provoquée. Elle n'est pas non plus causée par la réduction des méfaits, les mesures visant un approvisionnement plus sécuritaire ou la décriminalisation, et chacun d'entre vous le sait.
    Vous avez entendu plus de 50 témoins et reçu 20 mémoires. Vous devriez pouvoir reconnaître sans difficulté que les drogues toxiques et illicites sont la cause de cette urgence de santé publique, et la population doit être informée et avertie des risques réels. Vous causez du tort aux gens en essayant d'affirmer le contraire.
    Différents experts peuvent avoir des idées et des solutions différentes, mais si l'on n'arrive pas à s'entendre sur la cause de la crise, alors votre travail ici, au Comité, est absolument inutile. Ce n'est qu'à la faveur d'une compréhension commune que de vraies solutions, plutôt que des slogans de campagne, pourront être élaborées, étudiées et retenues.
    Je vous remercie de votre temps et de votre écoute.

  (1115)  

    Merci beaucoup, monsieur Felicella.
    Nous passons maintenant au Dr Tu.
    Vous avez la parole pour une période de cinq minutes.
    Je vous parle depuis les territoires non cédés des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
    Je vous remercie, honorables députés, de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
    Permettez-moi de commencer par me situer dans le travail que je fais. Je m'appelle David Tu. Je suis un médecin de famille non autochtone. Depuis 24 ans, je travaille comme médecin de famille dans le Downtown Eastside de Vancouver, au sein d'une clinique majoritairement autochtone. Je suis reconnaissant d'avoir reçu, au cours des quatre dernières années, une subvention du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances de Santé Canada, le PUDS, qui m'a permis d'explorer les effets d'un partenariat entre des aînés autochtones et des fournisseurs de soins primaires pour offrir des services utiles aux Autochtones qui vivent avec un trouble lié à l'utilisation d'opioïdes en milieu urbain. Je travaille actuellement au centre de santé Kílala Lelum, dans le Downtown Eastside.
    Comme M. Felicella vient de le dire, cela fait huit ans que nous vivons une urgence de santé publique en Colombie‑Britannique, qui entraîne la mort de sept personnes par jour en raison d'un approvisionnement non réglementé en drogues de plus en plus toxiques. Les Autochtones qui vivent dans le Downtown Eastside sont au cœur de cette crise. Pour illustrer la situation, j'aimerais vous raconter une histoire qui met en lumière la complexité de la situation.
    Mme M est une femme autochtone de 38 ans d'origine métisse et des Premières Nations. Je la connais et elle fait partie de ma clientèle familiale depuis 14 ans. Elle est mère d'un fils de trois ans. C'est une personne incroyablement allumée et extrêmement loyale. Elle a également subi des traumatismes extrêmes dans sa vie, et elle vit depuis longtemps avec un trouble de toxicomanie grave et la consommation d'opioïdes et de stimulants.
    Pendant les deux années qui ont suivi le retrait de son bébé et son placement en famille d'accueil, Mme M n'a manifesté aucun intérêt à maîtriser sa consommation de substances. Malgré le soutien de sa famille et d'une équipe de soins dévouée, elle affichait une volonté minimale de suivre des traitements par agonistes opioïdes et prenait sporadiquement un traitement de substitution sur ordonnance.
    Au cours de cette période de deux ans, elle a été victime de multiples surdoses. Elle aurait facilement pu mourir et n'être qu'une statistique dans le grand nombre d'Autochtones qui meurent chaque jour en Colombie‑Britannique, mais je suis heureux de dire que grâce à l'espoir retrouvé de se réapproprier le rôle de mère de son fils, Mme M participe maintenant à un programme de traitement par agonistes opioïdes au fentanyl qui lui a permis de réduire considérablement sa consommation illicite d'opiacés et de stimulants.
    Elle est actuellement motivée à suivre un traitement en établissement autochtone axé sur la famille avec ses deux parents, sa sœur, son conjoint et leur fils. Malheureusement, les deux seuls centres de traitement autochtones en Colombie‑Britannique qui acceptent les familles rejetteront probablement cette famille, premièrement, parce qu'ils excluent les personnes qui reçoivent le traitement par agonistes opioïdes et, deuxièmement, parce qu'ils n'autorisent pas les enfants de moins de huit ans.
    Nous espérons que l'un d'eux fera une exception, mais les deux centres ont une liste d'attente de 6 à 12 mois, une dure réalité pour cette famille. Il y a huit jours, Mme M a été découverte inconsciente dans une salle de bain de l'immeuble d'appartements de sa mère. Heureusement, elle a été ressuscitée et elle s'est rétablie à l'urgence.
    Permettez-moi d'énoncer un fait. L'approvisionnement non réglementé en drogues tue des gens, et les membres des Premières Nations sont six fois plus à risque de décès que les non-Autochtones en Colombie‑Britannique. Pour paraphraser Bruce Robinson, un aîné du peuple Nisga'a, on ne peut pas aider les gens s'ils sont morts.
    De nombreuses personnes ayant un trouble lié à la consommation de substances ne sont pas prêtes à se sevrer de leur dépendance pour diverses raisons. Cela signifie que, souvent, les services de traitement sont peu susceptibles de les aider à se rétablir, comme ce fut le cas pour Mme M au cours des deux années qui ont suivi le retrait de son enfant.
    Parallèlement à d'autres initiatives de réduction des méfaits, les traitements de substitution sur ordonnance et les traitements par agonistes opioïdes peuvent aider à réduire le risque de surdose; cependant, il est largement admis parmi les professionnels de la santé comme moi que nous ne pourrons pas nous sortir de cette urgence de santé publique à coup de prescriptions. Il y a plusieurs choses que nous devons faire collectivement pour changer de cap.
    Premièrement, il nous faut un éventail complet de soins pleinement fonctionnels allant de la réduction des méfaits aux traitements axés sur le rétablissement.
    Deuxièmement, il nous faut une voie commune vers un approvisionnement en drogues réglementé. Il faut aussi reconnaître que la culture sauve des vies. Pour les Autochtones en particulier, dont le chemin vers la toxicomanie est souvent pavé de traumatismes découlant du colonialisme, les remèdes traditionnels et les pratiques culturelles offrent à beaucoup des moyens concrets pour maîtriser leur consommation de substances et s'attaquer aux causes sous-jacentes de leur dépendance.
    Troisièmement, il faut investir davantage dans les programmes favorisant la culture, les remèdes traditionnels et la guérison axée sur la terre. En fait, nous avons besoin d'investissements dans des programmes de traitement. Pour les Autochtones comme Mme M, qui sont prêts à s'attaquer à leur toxicomanie, il faut un accès accru à des traitements en établissements communautaires culturellement adaptés.

  (1120)  

    Enfin et surtout, il faut mettre fin aux fausses dichotomies et à la politique de division. Je ne saurais mieux dire que M. Felicella à ce sujet. Nous sommes un pays de ressources abondantes, et la pandémie de COVID‑19 a révélé notre capacité de mobiliser des ressources pour répondre aux besoins en matière de santé publique. Nous avons besoin de services de réduction des méfaits, notamment de traitements de substitution sur ordonnance pour garder les gens en vie lorsqu'ils ne sont pas prêts à...
    Docteur Tu, je dois vous interrompre. Vous aurez beaucoup de temps pour élaborer votre pensée lorsque les gens vous poseront des questions, mais vos cinq minutes sont écoulées. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Williams.
    Vous avez la parole, monsieur, pour cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup de votre accueil chaleureux ici, à Ottawa.

[Traduction]

    Je m'appelle Dan Williams. Je suis ministre de la Santé mentale et des Dépendances de l'Alberta. Je suis un décideur politique. Je n'ai pas d'expérience vécue de la situation. Je n'ai pas travaillé en première ligne. Je suis celui qui décide, avec mon cabinet et mes collègues de l'Alberta, comment répondre à cette crise de toxicomanie qui ravage l'Alberta, nos familles et nos collectivités — et partout au pays, nous voyons la même tendance se dessiner.
    Pour vous qui siégez au comité chargé d'étudier l'épidémie d'opioïdes et la crise de consommation de drogues, je pense qu'il est important de bien cadrer la question. S'il y a tant de surdoses et que nous voyons cette tragédie frapper nos familles et se dérouler dans nos rues, c'est qu'il y a une maladie. Cette maladie mortelle est la dépendance. Elle ne fait pas de discrimination selon qui on est, elle peut toucher n'importe qui.
    La réalité, c'est que la dépendance mène à deux voies, qu'il n'y a que deux fins possibles à la dépendance, et quiconque vous dit le contraire vous ment et se ment peut-être à lui-même. Il n'y a qu'une issue parmi deux à la dépendance. En tant que décideurs, en tant que province et en tant que pays, nous devons accepter cette réalité. Soit elle mène à la douleur, à la misère et, si elle dure assez longtemps, à la mort, tragiquement, soit elle mène à un traitement, à un rétablissement et à une seconde chance dans la vie.
    C'est pourquoi l'Alberta se soucie si profondément des personnes vulnérables et nous croyons que nous avons l'obligation de prendre soin de ceux et celles qui souffrent de cette maladie qu'est la toxicomanie, qui peut mener à une fin tragique, mortelle, ou susciter l'espoir d'un renouveau, afin que ces personnes puissent redevenir des membres à part entière de leur famille (des frères, des sœurs, des pères et des mères) et participer à une collectivité dynamique où les personnes rétablies contribuent pleinement aux merveilleux secteurs de la société que nous aimons tant.
    L'Alberta a donc investi énormément de ressources à cette fin. Nous comprenons qu'en tant que province, comme en tant que pays, nous avons le choix entre continuer sur la voie que nous suivons depuis disons 25 ans au Canada, avec l'adoption de politiques qui ne donnent pas les résultats dont nous avons besoin... Nos collectivités sont de moins en moins sécuritaires. Les personnes qui souffrent de toxicomanie n'ont pas droit à la dignité et aux soins que chacun mérite pour avoir la possibilité de se rétablir.
    Je pense que vous tous ici — et surtout vous, qui siégez à ce comité et qui êtes chargés d'élaborer la politique fédérale — avez et partagez la même obligation morale que moi, en ma qualité de ministre de la province de l'Alberta, et que chaque citoyen de notre pays, à savoir que nous voulons que nos collectivités s'améliorent et que tout le monde soit respecté et traité avec dignité.
    Pour vous donner une idée du travail que nous faisons, nous aurons probablement investi, au final, près d'un milliard de dollars en capital. Nous travaillons en ce sens par la construction d'infrastructure. Pendant de nombreuses années, l'Alberta, comme le reste du pays, a tardé à se doter de la capacité de traitement nécessaire. Nous avons besoin d'une porte de sortie de la toxicomanie. Si nous constatons une augmentation de la dépendance, qu'on parle de la crise de l'oxycodone — qui a en grande partie aggravé la pandémie d'opioïdes que nous connaissions déjà et qui se poursuit — ou de celles de la méthamphétamine, de la cocaïne ou de toute autre substance, même de l'alcool, nous avons besoin d'outils pour que les gens puissent se sortir de la dépendance, plutôt que de mourir, et qu'ils se rétablissent.
    C'est pourquoi nous avons investi dans 11 centres de rétablissement de la province, dont cinq sont gérés en partenariat avec des communautés autochtones. Quatre d'entre eux se trouvent dans la réserve de la communauté autochtone concernée, parce que nous savons que les Autochtones sont touchés de façon disproportionnée par cette crise mortelle de la toxicomanie. Nous devons intervenir là sans tarder, et nous dépêcher de les aider de la façon dont ils voient... Comme nous l'avons déjà entendu, la culture est un élément important de la guérison axée sur la terre, c'est donc une guérison adaptée à la culture bien adaptée aux communautés autochtones de l'Alberta.
    Nous avons évidemment investi non seulement dans ces 11 centres de rétablissement pour y offrir un éventail complet de soins, mais nous allons à la rencontre des gens là où ils se trouvent. Notre système finance à coup de millions de dollars les sites de consommation de drogues et les trousses de naloxone. Nous avons des unités de vie thérapeutiques dans nos établissements correctionnels. Nous avons accès à des traitements, et je sais que bon nombre d'entre vous en ont été témoins lorsque vous êtes venus généreusement en Alberta pour découvrir notre programme.
    En ce qui concerne la voie à suivre pour l'Alberta et le Canada, je demande à chacun d'entre vous de prendre cette crise très au sérieux, comme l'ont recommandé les témoins précédents. Nous ne pouvons pas poursuivre nos expérimentations comme celle de la décriminalisation, qui, heureusement, a été abandonnée en Alberta. En Alberta, nous sommes fondamentalement opposés à toute politique comme l'approvisionnement sécuritaire, qui vise à distribuer des drogues à des toxicomanes pour tenter de régler une crise de toxicomanie.
    Nous croyons en l'espoir et aux possibilités. Nous valorisons la compassion nécessaire pour prendre soin des personnes en difficulté. Nous vous demandons également, puisque vous faites partie d'un organe fédéral responsable des Premières Nations, de venir à la table, de ne pas vous dérober à vos obligations auprès des Premières Nations et de travailler en partenariat avec nous et les Premières Nations pour offrir des solutions porteuses.

  (1125)  

    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous allons maintenant entendre le Dr Goulão.
    Docteur Goulão, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. C'est un honneur de me joindre à vous et au Comité.
    Je vais utiliser mes cinq minutes, tout d'abord, pour essayer de déconstruire quelques mythes entourant ce qu'on appelle le modèle portugais. Je sais que la façon dont le Portugal s'est attaqué à l'épidémie d'héroïne dans les années 1980 et 1990 est souvent décrite comme une simple décriminalisation ou même, comme la libéralisation de la consommation de drogues. Cependant, c'est beaucoup plus que cela.
    D'une part, nous n'avons pas libéralisé la consommation de substances au Portugal. La consommation de drogues y est toujours interdite. Ce n'est pas un crime. Les gens ne sont pas passibles de peines d'emprisonnement pour cela, mais il existe toute une gamme de sanctions administratives pour dissuader les gens de consommer de la drogue.
    D'autre part, la décriminalisation n'est qu'un aspect du système, qui prévoit tout un train de mesures allant de la prévention au traitement et qui comprend des politiques de réduction des méfaits et de réinsertion sociale. Même si je considère que la décriminalisation est un élément très important dans tout cela, c'est surtout un moyen de rejoindre des gens qui, autrement, ne se tourneraient pas vers le système de santé ou ne chercheraient aucune forme de soutien pour changer leur mode de vie.
    Grâce à l'ensemble des politiques que nous avons mises en place — et j'étais ravi d'avoir l'occasion de parler de ce que nous faisons ici avec le ministre Dan Williams et son personnel il y a quelques semaines —, nous avons réussi à endiguer une épidémie de fentanyl que je comparerais à celle que vous vivez en Amérique du Nord. Le phénomène touche toutes les couches de la société et toutes les familles. Je crois qu'il est presque impossible de trouver une famille canadienne ou américaine qui n'est pas touchée par cette épidémie.
    Je pense que pour transformer la façon dont on gère ces problèmes, il faut considérer les maladies ou les troubles liés à la consommation de substances avec la même dignité qu'on aborde les autres maladies et comprendre que les personnes qui en souffrent ont droit à la même dignité que les patients qui souffrent d'autres types de maladies. Je pense qu'il est essentiel de voir et d'aborder ces problèmes du point de vue de la santé et de la société, plutôt que d'intenter des poursuites ou d'exercer une quelconque forme de coercition contre les personnes qui ont ce genre de problèmes.
    Je suis très heureux d'aborder cette question avec vous, et je suis à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir au sujet de la façon dont les Portugais gèrent ces problèmes. Je vous remercie de m'avoir invité.

  (1130)  

    Merci beaucoup, docteur Goulão.
    Nous allons maintenant passer aux séries de questions. Nous allons commencer par les conservateurs.
    Madame Goodridge, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour commencer, je tiens à vous remercier, monsieur Felicella, d'être ici et de nous avoir raconté votre histoire avec tant de courage. Je suis heureuse que vous soyez ici pour raconter votre histoire, et je suis heureuse que vous soyez en vie. Cela prouve que le rétablissement est bel et bien possible.
    Je vais adresser mes premières questions au Dr Goulão. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit qu'au Portugal, selon le modèle portugais, vous n'avez pas libéralisé la consommation de drogues et que la décriminalisation n'était qu'un aspect de l'équation. Au Portugal, si quelqu'un fumait du crack sur la plage, qu'arriverait‑il si un policier se trouvait à passer par là?
    Je vous remercie de cette question. Je ne sais pas si je dois y répondre immédiatement, monsieur le président?
    Oui.
    Oui, s'il vous plaît, monsieur. Ce sont des échanges, et le temps total accordé à chaque parti en ce moment est de six minutes.
    D'accord.
    Si quelqu'un consomme une substance illicite dans un lieu public, les autorités policières peuvent intervenir, amener cette personne au poste de police, saisir la substance ou les substances qu'elle possède puis évaluer la situation. Si la quantité de drogue illicite que la personne a avec elle est supérieure à ce qui est considéré comme de l'ordre de la consommation personnelle pour 10 jours, il y a présomption que la personne fait du trafic de drogue, et elle sera dirigée vers le système pénal comme avant.
    Si la personne a une quantité inférieure à cela, suffisante pour sa consommation personnelle pendant 10 jours, on lui demandera simplement de se présenter devant un organisme administratif appelé Commission de dissuasion en matière de toxicomanie, qui relève du ministère de la Santé et qui a le pouvoir d'appliquer des sanctions administratives, semblables à celles qui sont utilisées pour des problèmes de circulation comme pour le fait de ne pas porter sa ceinture de sécurité ou ce genre de chose.
    La principale tâche de cette commission, qui est composée de professionnels de la santé, est d'évaluer les besoins de cette personne en matière de consommation de drogues. S'il s'agit d'une personne toxicomane, elle est invitée à aller vers un centre de traitement, et la commission a la possibilité de faciliter l'affaire et de lui simplifier les choses.

  (1135)  

    En Colombie-Britannique, les autorités se sont lancées dans un projet de légalisation des drogues très radical dans le cadre duquel elles ont dans les faits retiré à la police tous les outils dont elle avait besoin pour faire quoi que ce soit pour lutter contre la consommation de drogues en public. Elles ont récemment fait marche arrière en partie, parce que c'était un échec lamentable, qui a mené à une augmentation fulgurante des cas de dépendance.
    J'ai remarqué, dans un article du Vancouver Sun de 2018, que vous aviez dit que « la décriminalisation n'est pas une solution miracle » et que « si l'on décriminalise tout cela sans rien faire d'autre, le problème s'aggravera ». C'est exactement ce que nous avons vu se produire en Colombie-Britannique.
    Vous avez parlé du comité de dissuasion. Comment fonctionne‑t‑il exactement?
    Lorsque la personne se présente devant la commission, elle est accueillie par du personnel technique, dont des psychologues et des travailleurs sociaux, qui recueillent l'information sur ses antécédents, puis essaient de cerner ses besoins et de comprendre s'il s'agit bel et bien d'une personne toxicomane ou d'un simple consommateur occasionnel à des fins récréatives. Quoi qu'il en soit, si la personne souffre d'un trouble de dépendance, elle est invitée à se rendre dans un centre de traitement, mais ce n'est pas obligatoire. Il y a un certain travail de motivation qui se fait pour inviter les gens à suivre un traitement.
    En fait, la plupart des personnes qui se retrouvent devant cette commission ne sont pas toxicomanes. La plupart d'entre elles sont des utilisateurs qui ne sont pas vraiment problématiques, mais le but est d'intervenir avant que leur consommation ne devienne problématique, donc d'agir sur tout facteur de leur vie qui pourrait mener à une consommation plus problématique plus tard.
    Au Canada, il y a ce qu'on appelle un programme d'approvisionnement sûr, dans le cadre duquel on distribue parfois plus de 30 pilules d'hydromorphone par jour à des personnes aux prises avec une dépendance. Est‑ce quelque chose qu'on fait dans le modèle portugais?
    Non, madame.
    Pensez-vous que c'est une bonne idée?
    Je n'ose pas... Nos réalités sont très différentes, mais quoi qu'il en soit, nous utilisons beaucoup de traitements de substitution aux opioïdes à base de méthadone et de buprénorphine. Cependant, nous n'avons pas le genre de politique d'approvisionnement sûr qu'il y a là‑bas.
    Quelle est la répartition...
    Merci, madame Goodridge. C'est la fin de votre tour.
    Merci, docteur Goulão.
    Nous passons maintenant à M. Powlowski.
    Monsieur Powlowski, vous avez la parole pour six minutes.
    Docteur Tu, vous avez parlé d'un traitement axé sur la terre dans votre témoignage. Un objectif de notre travail, c'est d'en venir tôt ou tard à produire un rapport et des recommandations à l'intention du gouvernement, donc je veux en entendre plus sur ce traitement axé sur la terre. Vous en servez‑vous? À quel point connaît‑il du succès? Quelles preuves avez‑vous de son succès, et pensez‑vous qu'il faut y consacrer plus de ressources?
    J'ai certainement l'impression que, pour les Autochtones, ce traitement est bien plus prometteur que nombre d'autres formes de traitement.
    Merci beaucoup de cette question.
    Je reconnais avoir pour partenaires bien des experts de la médecine autochtone, des pratiques culturelles autochtones et des thérapies axées sur la terre, mais je ne suis pas personnellement un expert de ces modalités et de ces thérapies. Toutefois, j'ai été témoin de leurs résultats...

  (1140)  

    Docteur Tu, pouvez‑vous nous dire en quoi consiste cette thérapie exactement? Si quelqu'un reçoit un traitement axé sur la terre — et je pense connaître la réponse —, vous rendez‑vous sur une terre pendant quelques jours ou quelques semaines? Comment cela fonctionne‑t‑il?
    Honnêtement, c'est bien plus complexe, et je ne peux pas donner une réponse simple. Cette thérapie ne se résume pas à une chose, mais au fond, c'est une question de connexion et de relations, notamment celle avec la terre. Selon le concept que des enseignants, des aînés et des soignants autochtones m'ont expliqué, la solution aux dépendances met plus l'accent sur les relations que les autres thérapies et modalités de substitution, et la relation à la terre est très importante pour bien des peuples et des cultures autochtones.
    Grâce à l'établissement de nouveaux liens et à la reconnexion avec qui l'on est comme Autochtone, sa famille et ses ancêtres... Ce sont ces liens qui mettent la personne dans un état identitaire positif comme humain. Les gens qui atteignent cet état — qui consiste en une bonne relation avec soi‑même et une attitude positive — ont tendance à faire des choix affirmés et positifs pour eux‑mêmes. Ce sont ces relations qui les soutiennent dans leurs choix, comme celui de diminuer la consommation de substances délétères pour leur corps.
    J'ai vu cette thérapie prendre la forme d'un séjour en canot, pour certaines personnes, ou en fait, de simples marches quotidiennes à la plage dans notre quartier pour connecter avec l'océan. Il y a bien des façons de rétablir ces relations, et il y a bien des modalités autochtones très complexes qu'appliquent les soignants autochtones pour que les patients se reconnectent à la terre et à ce que cela signifie. Je ne veux pas déprécier la complexité de la médecine autochtone, parce qu'elle est complexe, et bien des preuves montrent que cette stratégie mène à des changements dans la consommation de substances pour bien des gens.
    Pour répondre à votre question, oui, j'endosse de tout cœur un investissement plus important dans l'élaboration de protocoles et l'exploitation des ressources.
    Monsieur Williams, vous voudriez peut‑être faire un commentaire vous aussi. Recommanderiez‑vous de consacrer plus de ressources au traitement axé sur la terre?
    Merci de votre question.
    Je pense que le traitement axé sur la terre, surtout du point de vue autochtone, est un pilier central du regard que nous portons sur les occasions à saisir pour favoriser le rétablissement. Nous croyons que tous les Albertains qui souffrent de dépendance méritent de pouvoir se rétablir. Nous constatons d'excellents résultats. Si l'on regarde les communautés de vie thérapeutiques et les centres de rétablissement où l'on offre le traitement axé sur la terre de pair avec une thérapie par agonistes opioïdes, les données de recherche sont claires. Nos résultats signalent la même chose, d'ailleurs. Je crois que vous avez aussi entendu le Dr Day, notre directeur médical de lutte contre la dépendance.
    Nous avons des partenariats avec cinq communautés autochtones, dont quatre se situent dans une réserve. Nous sommes loin de leur imposer ce qu'elles devraient faire. Nous leur proposons plutôt d'être partenaires pour discuter de nation à nation... Tous les chefs de Première Nation à qui je parle, chaque fois que je vais dans une réserve, me demandent des ressources en matière de traitement et de rétablissement. C'est ce qu'ils demandent, et ils nous en implorent. Ils savent qu'il y a tout un marketing autour du concept de l'approvisionnement sûr, mais il voient au‑dela de cela, parce qu'ils voient le carnage dans leurs communautés. Ils nous demandent de l'aide pour ceci ou cela. La province de l'Alberta a donc répondu que même s'il s'agit d'une compétence fédérale, elle allait travailler avec les communautés qui vivent ces problèmes.
    Nous avons investi environ 35 millions de dollars dans chaque centre de rétablissement, en plus des coûts de fonctionnement. Les Premières Nations posséderont et exploiteront ces centres, qui seront intégrés sur le plan culturel. Nous pensons qu'il s'agit là d'un élément central de notre façon de résoudre la crise.
    Merci.
    Docteur Goulão, vous avez parlé de la commission devant laquelle les gens doivent comparaître si on les prend avec de la drogue. Qu'en est‑il des consommateurs problématiques qui n'acceptent aucun traitement et qui refusent le traitement par agonistes opioïdes et tout type de thérapie? Y a‑t‑il d'autres recours?
    Nous cherchons à motiver les gens qui ont une consommation problématique à participer à un programme de traitement, mais ils sont libres de refuser. Nous leur demandons simplement lors du premier contact de ne pas revenir dans les — disons — six prochains mois, parce que sinon, ils subiront un genre de pénalité.

  (1145)  

    D'accord, donc il y a des pénalités. Quelles sont‑elles?
    Monsieur Powlowski, vous pourriez peut‑être poser cette question plus tard.
    Je suis désolé, docteur Goulão. Le temps est écoulé pour cette série de questions, mais il reste encore beaucoup de temps. Merci de vos réponses.
    Chers témoins, avant de continuer, si vous avez du mal avec l'autre langue officielle du Canada, le français, il y a un bouton sur votre écran d'ordinateur. Si l'on ne vous l'a pas dit, il ressemble à un globe, et vous pouvez choisir la langue dans laquelle vous souhaitez entendre nos délibérations.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Docteur Goulão, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Plusieurs se revendiquent de votre modèle ou le citent. Tous s'en inspirent, qu'ils soient de droite ou de gauche, et j'aimerais en faire ressortir les éléments clés.
    Certains prétendent qu'il faut qu'il y ait un incitatif pénal à suivre des traitements et que la décriminalisation des drogues déresponsabilise les individus et conduit directement au chaos. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Merci de la question. En fait, je suis en désaccord. Nous sommes bien plus efficaces qu'auparavant pour tendre la main aux gens et les aider grâce à la décriminalisation.
    Je dois vous dire que nous avons longtemps vécu sous une dictature ici, au Portugal, durant laquelle les gens n'approchaient même pas des centres de traitement, parce qu'ils craignaient d'y être renvoyés à la police. En fait, la décriminalisation a facilité les choses. Tout se passe plus rondement, plus dignement. Les gens ont moins de préjugés envers les consommateurs de drogues, donc j'estime que c'est un grand progrès.

[Français]

     Avant de décriminaliser les drogues, ne faut-il pas s'assurer d'avoir des services intégrés et bien coordonnés? Vous parliez tout à l'heure d'un continuum de soins, et j'aimerais que vous m'en parliez davantage.
    Par ailleurs, le ministre de la Santé nous dit qu'il faut choisir entre la misère ou le traitement. On construit des centres de traitement et on met les gens dedans. Cependant, y a-t-il une autre voie que cette vision binaire? Y a-t-il des gens qui vont vivre 20 ans une consommation qui ne les met pas en danger et qui leur permet de fonctionner?

[Traduction]

    Je crois que la première chose à faire, c'est d'évaluer et de comprendre les besoins de la personne que nous avons devant nous, de même que ses motivations en ce qui a trait à ses problèmes de drogue. Je crois aussi que nous devons donner un minimum de dignité aux consommateurs de drogues avant de pouvoir exiger qu'ils changent leur mode de vie, parce que ce n'est pas facile.
    Cette personne a‑t‑elle un logis? A‑t‑elle accès à des soins de santé? En général, ses besoins fondamentaux sont-ils comblés? C'est seulement à partir de là que nous pouvons espérer motiver la personne à changer. C'est pourquoi je parle d'un ensemble de soins s'inscrivant dans la lignée des politiques sur la réduction des méfaits qui incitent non pas à continuer de consommer des substances, mais à améliorer et à prolonger la vie, quelles que soient les circonstances.

[Français]

     Certains pensent que la réduction des méfaits met en place des moyens pouvant conduire à des problèmes chaotiques, à des comportements de complaisance de la part des autorités policières et des intervenants, et donc à faire en sorte de se complaire dans la misère. Quelle est l'importance pour vous de la réduction des méfaits dans votre continuum de soins pour atteindre un mieux-être?

  (1150)  

[Traduction]

    C'est la première étape pour approcher les gens qui sont les plus désorganisés et leur donner confiance dans le personnel soignant, afin d'établir une relation. C'est le fondement du travail thérapeutique. Je pense que la réduction des méfaits est essentielle lorsque nous approchons les gens que nous ne serions pas capables d'aider autrement.

[Français]

     Avez-vous eu des problèmes de cohabitation à gérer chez vous, et comment les avez-vous gérés, le cas échéant?

[Traduction]

    Je ne comprends pas la signification du mot « cohabitation ».

[Français]

    Au Canada, en réduction des méfaits, il y a par exemple des centres d'injection supervisée, et il y a aussi des centres de logement supervisé, ce qui peut provoquer des problèmes de cohabitation.
     Est-ce que vous avez vécu ces problèmes chez vous et, le cas échéant, comment les avez-vous réglés?

[Traduction]

    Au contraire, je pense que c'est le propre de l'ensemble de soins dont je parlais. Nous cherchons à établir une continuité dans les soins que nous pouvons donner en toutes circonstances, et nous ne laissons jamais tomber les gens, peu importe ce qui arrive.
    En tant que médecin, je ne suis pas en mesure de motiver quelqu'un à se faire soigner dans un centre de traitement. Toutefois, dans une communauté thérapeutique, je peux au moins contribuer à ce que la personne consomme dans des conditions qui présentent un risque plus faible et à ce qu'elle travaille à améliorer d'autres aspects de sa vie.
    Merci, monsieur Thériault.
    Docteur Goulão, merci.
    Docteur Johns, vous... Je viens de vous promouvoir au titre de docteur, monsieur Johns. J'espère que vous l'accueillez favorablement.
    Cela dit, monsieur Johns, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les importants témoins de leur témoignage fascinant et de tout leur travail.
    Monsieur le ministre Williams, votre gouvernement connaît une forte croissance du nombre de décès causés par des drogues toxiques par habitant. On est passé de 800 décès en 2019 à plus de 2 000 décès l'an passé, la pire année de l'histoire. Le taux de décès par habitant y est désormais presque le même qu'en Colombie‑Britannique.
    Paul Wells a écrit dans Substack il y a peu que l'ampleur de la crise à Edmonton et en Alberta est telle qu'il est difficile d'être certain que nos efforts portent fruit. Il a cité le chef adjoint Driechel, qui fait partie du Service de police d'Edmonton depuis 27 ans et qui a dit: « La crise est pire que jamais ».
    Nous avons aussi vu votre gouvernement fermer des centres de consommation supervisée. Vous en avez ouvert un nouveau depuis que vous formez le gouvernement, mais vous avez annulé cinq projets. Vous avez fermé deux centres, et vous prévoyez en fermer trois autres. Le gouvernement précédent en avait ouvert huit et prévoyait en ouvrir deux autres.
    Appuyez‑vous les centres de consommation supervisée et reconnaissez‑vous leur importance pour sauver des vies?
    Merci beaucoup de votre question.
    Le gouvernement de l'Alberta continue de financer les centres de consommation supervisée, mais notre position fondamentale, c'est qu'on ne peut pas s'attendre à ce que quelqu'un recouvre la santé sans une voie de sortie de la dépendance et le renforcement des capacités, un aspect qui est gravement et chroniquement sous‑financé et qui manque de ressources partout au pays.
    Le système de santé doit viser à donner des soins et un traitement pour que la personne se rétablisse et recouvre la santé, donc nous le finançons. Cependant, je ne pense pas que nous pourrons régler le problème en installant un centre de consommation de drogues à tous les coins de rue. Nous devons discuter sérieusement au pays de ce à quoi ressemblerait cette voie de sortie. L'Alberta propose une option stratégique dont le reste du pays fait fi en grande partie depuis 25 ans.
    Personne ne dit que nous n'avons pas besoin de plus de traitements et de rétablissement, monsieur le ministre. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que nous devons rehausser le niveau. C'est un objectif qui nous unit tous.
    Concernant l'importance des centres de consommation supervisée, je demanderais peut‑être à Guy Felicella de faire un commentaire.
    Monsieur Felicella, vous prônez la réduction des méfaits et le rétablissement. Pourriez‑vous nous dire pourquoi c'est si important?
    Oui, très certainement.
    Évidemment, les morts ne se rétablissent pas. Il y a aussi bien des gens qui consomment des substances mais qui n'ont pas de problème de dépendance. Compte tenu du risque que présentent les drogues contaminées qu'on trouve dans les rues de nos jours, ceux qui consomment pour la première fois, les consommateurs intermittents, les consommateurs occasionnels et les gens qui luttent contre la dépendance — qui viennent de tous les milieux — s'exposent à un risque grave de décès.
    Malheureusement, il semble que nous attendions que les gens deviennent dépendants avant de les aider. Les traitements et le rétablissement n'aideront pas ceux qui consomment simplement ces substances. Les services de réduction des méfaits vont les aider, et bon nombre de ces personnes tisseront des liens qui permettront de mettre sur pied d'autres services de santé.
    Pensez à Insite dans le Dowtown Eastside de Vancouver, qui depuis 20 ans, a redirigé 71 000 personnes vers des services externes. On parle ici de services de désintoxication, de traitements, de rétablissement, de soins de santé et d'hospitalisation. La réduction des méfaits représente un point commun très important, comme le disait le Dr Goulão, pour renforcer le soutien, la confiance et la relation sans jugement et compatissante nécessaire quand un consommateur décide de faire le saut. Le deuxième étage d'Insite, par exemple, sert à la désintoxication, alors que le troisième étage sert à la transition.
    Permettez‑moi de dire ce qui suit. Ce ne sont pas les services de rétablissement qui m'ont aidé à sortir du Downtown Eastside. Ce sont les services de réduction des méfaits qui me donnaient des billets d'autobus et qui me payaient le taxi pour que je me rende au centre de traitement. Chaque fois que je quittais le centre de traitement — parce que c'est une condition chronique qui amène des rechutes —, les services de réduction des méfaits m'accueillaient de nouveau. Je ne serais pas en vie ici aujourd'hui sans eux, donc je suis un fervent défenseur d'un ensemble de soins vaste et complet dans ce pays pour appuyer la réduction des méfaits et le rétablissement. C'est fini le temps où l'on choisissait l'un ou l'autre. Il faut agir sur les deux fronts. L'approvisionnement en drogues tue les gens.
    Je répète que tout le monde qui consomme des substances ne lutte pas contre la dépendance.

  (1155)  

    Je vais juste ajouter quelque chose. Vous dites que ce n'est pas tout le monde qui est dépendant. Pourriez‑vous en dire plus là‑dessus?
    Le ministre Williams a parlé d'une crise de dépendance. Voudriez‑vous émettre un commentaire sur ce que vous avez entendu?
    Oui, s'il y avait une crise de dépendance, on pourrait revisiter les décennies passées où la consommation d'alcool présentait le taux de dépendance le plus élevé de l'histoire du pays. C'était la drogue par excellence, donc s'il s'agissait d'une crise de dépendance, pourquoi ne parlions‑nous pas d'une crise de dépendance il y a 20 ans?
    C'est vraiment une crise des drogues toxiques, parce que l'approvisionnement en drogues a changé. Oui, bien sûr, il y a des consommateurs qui luttent contre la dépendance. Je ne le nie pas, mais soyons francs. Ce qui tue les gens, c'est l'approvisionnement en drogues toxiques contaminées. Oui, certaines personnes luttent contre la dépendance, mais encore là, c'est à cause de cette condition chronique où les personnes rechutent... Je suis allé suivre des traitements plus d'une douzaine de fois, et la majorité des gens qui suivent des traitements ne vont pas sortir du centre complètement changés. C'est un processus. Le rétablissement demande beaucoup de temps pour la majorité d'entre nous.
    Je pense que nous devons être francs concernant le regard que nous portons sur les décès, la prévention des décès, et la façon dont nous soutenons les gens et traitons leur dépendance. On ne peut pas traiter la dépendance une fois que la personne est morte.
    Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Il vous reste 10 secondes.
    Pourriez‑vous parler de l'importance des centres de consommation supervisée?
    Quand on fait une surdose, bien souvent... On ne peut pas avoir une belle famille et mener une vie remplie avec trois enfants et une carrière. Vous savez, cela montre l'importance de ces centres. Les services de réduction des méfaits m'ont gardé en vie jusqu'à ce que je sois capable de me rétablir, donc je suis très reconnaissant.
    Merci beaucoup, monsieur Johns.
    Je signale aux témoins que la durée des questions va changer, donc je vous demande d'en tenir compte selon mes indications.
    Nous passons maintenant aux conservateurs.
    Monsieur Doherty, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Goulão, c'est bon de vous revoir.
    Monsieur Felicella, en tant que résident de la Colombie‑Britannique, j'ai suivi votre vie et votre histoire dans les médias et dans le cadre de conférences que j'ai données dans des écoles et des lieux publics. J'ai beaucoup de respect pour vous et je comprends votre point de vue. Je vous suis reconnaissant de témoigner dans ce groupe de témoins aujourd'hui.
    Monsieur le ministre Williams, vous avez rédigé une lettre ouverte au gouvernement fédéral pour qu'il adopte une solution axée sur le gros bon sens en matière de mesures de traçabilité pour le prétendu approvisionnement sûr. Vous avez dit que votre recommandation était pour l'essentiel restée lettre morte. Elle n'a donné lieu à aucune mesure concrète. Il semble que ce gouvernement fait délibérément fi du fait que le détournement constitue un problème et qu'il peut même favoriser l'approvisionnement.
    Est‑ce exact?

  (1200)  

    Oui, c'est exact.
    Vous avez dit que le détournement de l'approvisionnement prétendument sûr était une catastrophe humaine se déroulant devant nos yeux. Pourriez‑vous en dire plus à ce propos?
    Oui.
    Fondamentalement, la crise de dépendance que nous connaissons... et c'est bien une crise de dépendance. Je dois le souligner. Personne qui marche dans le Downtown Eastside à Vancouver, sur l'avenue Whyte à Edmonton ou qui parcoure les rues de notre belle capitale, comme moi, ne pense que ces gens qui tirent le diable par la queue et qui sont itinérants de manière intermittente ne sont pas aux prises avec une dépendance ici et maintenant.
    Si l'on mélange la méthamphétamine et le fentanyl dans cette crise, c'est que l'on a une dépendance. Nous devons régler ce problème avec sérieux, et si nous ne sommes pas assez matures pour tenir ces discussions, nous ne pourrons pas trouver les bonnes politiques et les bonnes solutions.
    Au fond, l'approvisionnement sûr augmente l'approvisionnement d'opioïdes accessibles au public. Selon la règle axiomatique qui ressort du rapport de la commission Stanford‑Lancet, qui tire son nom de la revue scientifique de premier plan que publie l'Université Stanford, qui fait autorité dans la crise de surdose d'opioïdes en Amérique du Nord, si l'on augmente l'approvisionnement, on augmente les méfaits. Cela ne change rien que le responsable de l'approvisionnement soit un revendeur de drogues qui fait le trafic de fentanyl venant de Chine ou le premier ministre Justin Trudeau dans le cadre des subventions accordées au Programme sur l'usage et les dépendances aux substances. Biologiquement, le fait de consommer des opioïdes va causer une nouvelle dépendance. L'approvisionnement sera accru, les coûts vont diminuer, et des obstacles vont tomber. En agissant de la sorte, on accroît l'accès et, par le fait même, on accroît les méfaits.
    Nous l'avons vu, parce que la crise fondamentale à laquelle nous sommes confrontés découle de la crise des opioïdes qui a proliféré dans les années 1990 à cause de Purdue Pharmaceuticals et de l'industrie qui lui a emboîté le pas, qui ont cyniquement propagé l'oxycodone.
    Nous voyons maintenant le gouvernement du Canada répéter ces erreurs. S'il nie ce qu'affirment le gouvernement de l'Alberta, la GRC, la Ville de Prince George et d'autres en matière de détournement et de saisies massives de plus de 10 000 comprimés, il peut utiliser les données du système de repérage chimique approuvé selon les directives de la FDA aux États‑Unis pour protéger la propriété intellectuelle des sociétés pharmaceutiques à but lucratif.
    Nous pouvons sûrement en faire autant au Canada. Si nous avons la capacité de protéger les profits des sociétés pharmaceutiques aux États‑Unis, pourquoi ne protégeons‑nous pas la vie des consommateurs et n'employons‑nous pas les données qui montrent que l'approvisionnement est détourné? Sinon, je ne comprends pas ce que craint le gouvernement fédéral, au‑delà de sa responsabilité morale et juridique pour la propagation de la crise.
    Merci, monsieur Williams.
    Docteur Goulão, le Portugal est toujours cité comme une référence pour ce qui est de faire face à une crise nationale de toxicomanie. Le Portugal faisait‑il face à une épidémie de fentanyl lorsqu'il a mis en œuvre la décriminalisation?
    Non, monsieur...
    Quelles ressources...?
    Je suis désolé. Allez‑y.
    Lorsque nous avons élaboré nos politiques, nous nous attaquions à une épidémie d'héroïne. C'était le plus gros problème auquel nous faisions face à l'époque.
    Docteur Goulão, quelles ressources et quelles infrastructures ont été mises en place avant le projet portugais?
    Elles étaient plutôt modestes, monsieur. Nous sommes un pays dont les ressources sont limitées, mais nous avons constamment augmenté les investissements dans les services de santé afin de nous attaquer aux problèmes de toxicomanie. Aujourd'hui, nous avons un mandat qui englobe non seulement les problèmes liés aux substances illicites, mais aussi à l'alcool, par exemple.
    J'ai une dernière question. Vous avez mentionné le grave manque de mesures de soutien globales et leur importance.
    Pouvez-vous décrire en détail les mesures de soutien globales que le Portugal a mises en œuvre?
    Docteur Goulão, je vais devoir vous interrompre. Je suis désolé. Le temps de parole de M. Doherty est écoulé, mais nous aurons peut-être le temps de revenir à cette question.
    Madame Sidhu, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, je tiens à remercier tous les témoins d'être avec nous et à remercier tout particulièrement M. Felicella.
    Monsieur Felicella, je vous remercie de redonner à la collectivité. Je vous pose mes premières questions.
    Très bientôt, vous célébrerez la fête des Pères. Vous avez une belle famille. Quel message avez-vous pour les gens qui prétendent que la réduction des méfaits a échoué?

  (1205)  

    Eh bien, madame, c'est assez simple: mes enfants ne seraient pas sur la planète. Ils sont venus au monde après 2013.
    En gros, c'est vraiment une leçon d'humilité. Ce qui m'a donné du fil à retordre, ce sont les traumatismes que j'ai subis pendant mon enfance et l'idée que je me faisais de moi comme personne au sein de la société. Le fait de rencontrer les gens dans les centres de consommation supervisée... c'était extraordinaire. C'était toujours eux qui me proposaient des options, qui me parlaient de désintoxication et de rétablissement. J'ai vraiment tissé des liens avec les infirmières qui y travaillaient. Elles se souciaient de mon bien-être. Elles s'en souciaient plus que moi. C'est pourquoi j'y retournais constamment.
    Je n'avais pas de problème à être sobre, mais j'en avais à le rester. Il m'a fallu beaucoup de temps, et sans le soutien de ce centre de consommation supervisée, je ne célébrerais pas la fête des Pères. Je ne célébrerais rien de tout ce que je fais. Les discussions que j'ai avec les jeunes dans les écoles produisent aussi leurs effets. Je peux leur donner des conseils pour qu'ils ne tombent pas dans le même piège que moi et qu'ils sachent vers qui se tourner en cas de besoin.
    Cela a été une grande leçon d'humilité, mais j'accepte mon passé pour ce qu'il était. J'essaie vraiment de trouver un équilibre. Vous savez, il y a beaucoup de gens qui consomment des drogues sans développer de dépendance, et je ne veux pas qu'ils meurent. Il est essentiel d'avoir des centres qui soutiennent tous les parcours et toutes les personnes individuellement.
    Merci.
    Que peuvent faire les gouvernements provinciaux et fédéral pour stopper l'approvisionnement en drogues toxiques? Lorsque vous allez dans les écoles et que vous parlez aux jeunes, de quelles ressources ont-ils besoin?
    Je dirais tout d'abord qu'il faut miser essentiellement sur les quatre piliers — la réduction des méfaits, la prévention, l'application de la loi et le traitement — et qu'il faut une mise en œuvre partout au pays. De toute évidence, l'approvisionnement en drogues toxiques a vraiment changé la dynamique des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises.
    La sensibilisation est tout simplement essentielle pour que les jeunes comprennent à quel point il est dangereux de consommer des substances de nos jours. Ce n'est pas une question de... Si je dis à quelqu'un de ne pas faire quelque chose, cela ne l'empêchera pas de le faire. Quand on sensibilise les gens, il faut aussi leur dire que s'ils consomment ces substances, de ne pas le faire seul, de s'informer pour savoir comment utiliser la naloxone, et de ne pas hésiter à demander de l'aide en cas de besoin.
    Il faut un ensemble complet de soins ou de services. On ne peut pas continuer ces allers-retours. Tout comme on ne s'en sortira pas en donnant des ordonnances, on ne s'en sortira pas non plus en envoyant les gens suivre un traitement, car il faut prévoir la suite. Les gens ont besoin d'un emploi. Ils ont besoin d'un but. Je n'avais pas besoin qu'on me dise comment vivre. J'avais besoin qu'on me montre comment le faire. Il faut miser sur réduction des méfaits et le rétablissement, mais aussi offrir un ensemble complet de soins ou de services.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Goulão, rapidement.
    Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui, docteur Goulão.
    Je suis membre du groupe interparlementaire UNITE, fondé au Portugal par votre ancien collègue, le député Ricardo Baptista Leite.
    Pourriez-vous nous parler du débat que vous avez eu au Portugal, au Parlement et dans la société?
    Le débat sur la décriminalisation, est‑ce bien ce que vous voulez dire?
    Oui.
    Il a eu lieu vers l'an 2000. C'était une proposition du comité qui a élaboré la première stratégie nationale, dont la décriminalisation faisait partie. En fait, il a été assez facile de rallier la population autour de cette idée. À l'époque, il était presque impossible de trouver une famille portugaise qui n'était pas aux prises avec un problème de drogue. Il touchait tous les groupes de la société. Bien sûr, cela touchait surtout les groupes marginalisés, mais aussi la classe moyenne, les classes supérieures, la classe politique, tout le monde. C'était...
    Je suis désolé, docteur Goulão. Je dois vous interrompre, monsieur. Je vous remercie.

[Français]

     Maintenant, c'est au tour de M. Thériault de prendre la parole pour deux minutes et demie.
    Docteur Goulão, je vous invite à poursuivre votre réponse.

  (1210)  

[Traduction]

    Merci.
    J'essayais d'expliquer que tout le monde avait quelqu'un à la maison qui était aux prises avec un problème de drogue. Les gens avaient tendance à dire que « ma fille » ou « mon garçon » n'est pas un criminel, mais quelqu'un qui a besoin d'aide, de traitement et de soutien. La population appuyait donc fortement l'idée de la décriminalisation.
    Au Parlement, c'était un peu plus compliqué en raison de la polarisation entre les partis de gauche et les partis plus conservateurs, qui eux s'y opposaient. Quoi qu'il en soit, la décriminalisation a été adoptée assez facilement en 2000.

[Français]

     Pouvez-vous nous en dire plus sur la stigmatisation et à quel point elle entrave la possibilité de s'en sortir?

[Traduction]

    En fait, lorsqu'il s'agit d'un criminel, la société ne le voit pas de la même façon qu'elle voit la personne qui souffre d'une maladie. La façon de traiter une personne, dans un cadre de criminalisation, est donc différente quand on sait qu'elle est aux prises avec un problème de rechute chronique, comme M. Felicella nous l'a déjà dit.
    Je crois que cela fait une grande différence. Même au sein du personnel de la santé, l'attitude est devenue très différente.

[Français]

    Ça a aussi un impact sur la volonté ou la capacité de la personne à demander de l'aide ou à révéler qu'elle a un problème, parce que ça peut avoir un effet sur son emploi ou son logement. À partir de ce moment-là, c'est la descente vers la rue.
    Je suis désolé, monsieur Thériault, mais la réponse attendra au prochain tour de questions. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Johns, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.
    Je vous remercie, docteur Goulão, d'être avec nous. J'ai été ravi de vous rencontrer au Portugal. Nous ne vous remercierons jamais assez de prendre le temps de toujours nous aider et de nous parler des politiques qui ont fonctionné pour vous au Portugal.
    Lorsque j'étais au Portugal, j'ai appris comment vous avez réagi quand les décès liés à la drogue ont atteint un sommet. Le nombre de personnes qui prenaient de la méthadone est passé de 250 à 35 000 au pays. Vous avez fait appel à l'armée pour construire des laboratoires rapidement et à faible coût. Vous avez augmenté le nombre de centres offrant des traitements toute l'année partout au pays. Vous avez adopté une approche multidimensionnelle à l'égard de cette question complexe, et le nombre de toxicomanes chroniques est passé de 100 000 à 23 000 aujourd'hui.
    Le Canada pourrait‑il emprunter la même voie que le Portugal face à cette urgence sanitaire? Quelles recommandations feriez-vous au Canada?
    Merci, monsieur.
    Pour être honnête, je ne connais pas en profondeur la réalité au Canada, mais je pense que les investissements et la possibilité d'accéder facilement aux centres de traitement sont très importants. Il faut investir, à mon avis, dans le traitement et la réduction des méfaits, comme on l'a déjà dit, pour gagner la confiance des gens. C'est la clé pour faire face à ce genre de problème.
    Encore une fois, nous entendons constamment des politiciens dire que le Portugal force les gens à se faire traiter et que c'est l'objectif du comité de dissuasion. Vous avez dit clairement que le modèle portugais n'a rien à voir avec le fait de forcer les gens à se faire traiter.
    Pouvez-vous expliquer pourquoi les Portugais ne croient pas que forcer les gens à se faire traiter est la solution?
    En fait, nous trouvons que le fait de motiver les gens et, encore une fois, de leur offrir un minimum de dignité et de leur permettre de faire leurs choix est beaucoup plus efficace que de forcer quelqu'un à faire ce qu'il ne veut pas faire. Je crois que nous réussissons beaucoup mieux quand nous... Si quelqu'un est sans abri, vit dans la rue, n'a plus aucune dignité, n'a pas accès à des services d'hygiène ou à des soins de santé, et que nous répondons à ces besoins, nous pouvons ensuite le motiver à changer son mode de vie.

  (1215)  

    Merci.
    Merci, monsieur.
    Merci, monsieur Johns.
    Nous passons maintenant à Mme Goodridge.
    Madame Goodridge, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, la sensibilisation et la prévention sont des piliers clés de toute bonne stratégie de lutte contre la toxicomanie. J'ai rencontré dernièrement la Dre Victoria Burns. Elle travaille à l'Université de Calgary dans le cadre d'un programme appelé Recovery on Campus. J'étais vraiment ravie d'entendre parler de certains des travaux vraiment novateurs et fantastiques qu'on y mène pour favoriser le rétablissement sur les campus postsecondaires de l'Alberta.
    Je me demande si vous pourriez nous en dire plus et nous expliquer pourquoi le gouvernement de l'Alberta a décidé de créer un tel programme.
    Je vous remercie de la question.
     Recovery on Campus est un programme formidable. Bien sûr, la Dre Burns a joué un rôle important dans son lancement. Le programme a vu le jour à l'Université de Calgary et est maintenant offert dans 26 établissements postsecondaires. Les gens se concentrent sur leur rétablissement tout en ayant la possibilité de poursuivre leurs études sur le campus. Nous finançons le programme à hauteur d'environ un million de dollars par année, et nous voulons qu'il continue d'étendre ses tentacules.
    Fait intéressant, j'ai été assermenté comme ministre le 9 juin l'an dernier et le premier événement auquel j'ai participé le soir même se déroulait dans un établissement postsecondaire, l'école polytechnique de Red Deer, avec la Dre Burns. Lorsque je suis allé m'inscrire, une personne est venue me voir et m'a donné cette pièce. C'est une pièce de 24 heures. Je la garde avec moi depuis ce jour. Cette personne était sobre depuis 24 heures.
    C'est important. Il est important pour nous de pouvoir comprendre ces lueurs d'espoir personnelles. Si on a un système qui n'offre pas d'espoir, qui ne finance pas le rétablissement, qui ne crée pas de lits, qui transforme la réduction des méfaits en une sorte d'outil marketing, plutôt que d'essayer véritablement d'aider les gens, quand on leur dit qu'au lieu de leur offrir des traitements, les ressources et les fonds seront consacrés à leur fournir un approvisionnement sûr en opioïdes de qualité pharmaceutique ultra puissants, ou toute autre substance, pour continuer à soulager leur dépendance, je pense que cela tue l'espoir d'une autre vie possible pour eux.
     Tout mon bureau est en rétablissement. Notre chef de cabinet en Alberta est en rétablissement. Ce sont des gens qui ont d'immenses capacités. Je crois sincèrement que cette pièce est une source d'espoir chaque jour pour la personne qui la touche.
    En tant que province et en tant que pays, nous devons cultiver cet espoir. Sinon, on envoie un message de désespoir à ceux qui souffrent de cette maladie.
    Merci, monsieur le ministre.
    Je sais que le gouvernement de l'Alberta a également pris de nombreuses autres mesures novatrices, notamment en investissant dans les services de soutien au rétablissement et les centres de rétablissement. Il y en a 11, comme vous l'avez dit dans votre déclaration préliminaire, et 4 d'entre eux se trouvent dans des réserves fédérales des Premières Nations.
    Pourquoi le gouvernement de l'Alberta a‑t‑il choisi d'aller de l'avant et de construire des centres de rétablissement dans les réserves, alors que la prestation des soins de santé aux Premières Nations relève du gouvernement fédéral?
    C'est parce que le gouvernement de l'Alberta considère ces gens comme des êtres humains et considère que c'est une question de dignité. Ce sont des Albertains comme tous les autres. Nous voulons travailler en partenariat avec nos communautés autochtones, et nous n'attendons pas que le gouvernement fédéral comble le vide qu'il a laissé. Les chefs des Premières Nations — je reviens tout juste d'une réunion avec un chef du Traité n o 6 — sont tous en faveur du rétablissement.
    Les seuls soins de santé dont le gouvernement fédéral est vraiment responsable sont ceux offerts dans les réserves. Il semble que les seuls qu'il n'est pas disposé à leur offrir sont ceux pour lutter contre la toxicomanie. Le gouvernement de l'Alberta dépense des dizaines de millions de dollars non seulement pour l'infrastructure, mais aussi pour les programmes.
    Ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c'est d'empêcher cet approvisionnement sûr d'arriver dans la province depuis la Colombie-Britannique ou d'ailleurs. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux en même temps.
    À ce sujet, je sais que vous avez écrit une lettre à la ministre de la Santé mentale et des Dépendances pour lui demander l'ajout d'un traceur chimique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a maintenant décidé de nous emboîter le pas, car il a admis que le détournement de ces soi-disant programmes d'approvisionnement sûr est devenu un problème très grave.
    Je me demande si vous pourriez nous dire pourquoi le gouvernement de l'Alberta a fait cette demande. Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par le détournement de ces soi-disant programmes d'approvisionnement sûrs?
    Le gouvernement de l'Alberta a rendu l'approvisionnement sûr illégal dans la province. C'est notre droit. C'est notre responsabilité en vertu de la Constitution et du partage des pouvoirs. Nous maintiendrons cela tant que nous serons au pouvoir.
    Que pourrait faire d'autre l'Alberta, à part venir plaider sa cause devant le Comité et envoyer des lettres à la ministre qui restent essentiellement sans réponse, quand elle constate que 65 millions de pilules par année vont se retrouver dans l'approvisionnement sûr? Chacune de ces pilules de huit milligrammes est plus puissante que l'héroïne vendue dans la rue. Il s'agit d'opioïdes de qualité pharmaceutique qui sont distribués à grande échelle à l'insu de tous. Que pourrait faire d'autre l'Alberta, à part s'opposer à cette mesure et la rendre illégale?
    Il faut que le gouvernement fédéral prenne des mesures à l'égard de cette politique, la plus radicale au monde. Personne ne fait cela ailleurs. C'est une politique qui a échoué. C'est dévastateur.
    J'appuie sans réserve ce que les gens appellent la « réduction des méfaits », le fait d'avoir des trousses de naloxone, des centres de traitement de la toxicomanie, un programme virtuel de lutte contre la dépendance aux opioïdes ou un programme d'échange de seringues, mais cela se transforme en « production des méfaits » quand on se fait le pourvoyeur de drogues dures et puissantes. Nous sommes contre cette idée.

  (1220)  

    Merci beaucoup, madame Goodridge.

[Français]

     Madame Brière, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous revoir.
    Je sais que la ministre Saks a répondu à votre lettre et vous a offert que des fonctionnaires de Santé Canada discutent avec les vôtres de la question pratique des marqueurs chimiques. Pouvez-vous confirmer si cette rencontre a eu lieu?
    Je serais heureux de rencontrer la ministre Saks n'importe quand à ce sujet.
    Il ne s'agit pas d'une rencontre avec la ministre Saks, mais avec ses fonctionnaires. Dans sa lettre, elle a proposé une rencontre avec ses fonctionnaires.
    Je serais certainement heureux que ses fonctionnaires communiquent avec moi. Je pense que...
    Pouvez-vous confirmer si cette rencontre a eu lieu?
    Je vais demander à mes fonctionnaires s'ils ont eu ces discussions. Je pense qu'il y aurait un sentiment d'urgence chez la ministre si elle comprenait les conséquences qu'ont le détournement de l'approvisionnement sûr et la distribution à grande échelle d'opioïdes très puissants dans nos collectivités.
    Nous reconnaissons maintenant qu'il y a détournement depuis la Colombie-Britannique. Les conséquences de cela... Nous avons parlé à un chercheur aux États-Unis de la crise de la toxicomanie, et selon lui, il y a autant d'opioïdes dans les rues maintenant qu'au moment où la crise de l'oxycodone a atteint son paroxysme au Canada, en raison de l'approvisionnement sûr distribué par l'actuel gouvernement.
    Merci.
    Docteur Goulão, je suis heureuse de vous rencontrer. Merci de vous joindre à nous.
    Plus tôt au cours de la réunion, une députée conservatrice a dit à tort que le Canada légalisait les drogues. Que répondriez-vous à quelqu'un qui affirme que la décriminalisation et la légalisation sont la même chose ou un jeu de mots?
    Merci, madame.
    En fait, j'ai essayé à maintes reprises d'expliquer que ces termes ne veulent pas dire la même chose. La légalisation est le terme réglementaire qui signifie qu'une substance est légale, comme l'alcool ou le tabac. C'est différent de ce que nous avons fait. La consommation de drogues n'est plus un crime, mais en vertu de la loi, elle est toujours interdite et punie dans le droit administratif. La société continue de désapprouver clairement la consommation de drogues, et je pense que cela fait la différence.

[Français]

    Docteur Goulão, que pensez-vous de l'approche de l'Alberta d'investir massivement dans le traitement plutôt que dans un continuum de soins? Pour reprendre les mots du ministre, c'est une approche qui exige de choisir entre une vie de misère et un traitement obligatoire.

[Traduction]

    Idéalement, je pense qu'il faut offrir un ensemble complet de soins ou de services pour pouvoir répondre aux besoins de la personne qui se trouve devant nous. À mon avis, les politiques qui visent à répondre à tous les besoins de la même façon ne sont pas vraiment efficaces. Il faut avoir un plan pour chaque personne.
    C'est pour toutes ces raisons que nous avons mis en place un ensemble complet de soins ou de services. Nous avons un nouveau plan stratégique ici, au Portugal, et il repose sur trois piliers: autonomiser, prendre soin et protéger. Nous avons élaboré nos politiques en fonction de ces trois piliers, selon le cycle de vie et selon la situation de la personne et son évolution. Je pense qu'il faut que le plan soit adapté à chaque personne pour obtenir des résultats.

  (1225)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Felicella, j'ai été très touchée par votre témoignage et je vous en remercie. J'ai aussi beaucoup aimé vous entendre dire que vous ne voulez pas que quelqu'un vous dise comment vivre, mais plutôt qu'il vous montre comment vivre.
    Selon vous, est-ce que toutes les personnes qui consomment des drogues peuvent suivre un traitement avec succès?

[Traduction]

    Il faut tenir compte de la personne, de ce qu'elle apprend en traitement et de sa capacité d'envisager des avenues qui changeront sa vie. Il est facile de dire aux gens de suivre un traitement, mais rester sobre est très difficile. De plus, le traitement ou la fin du traitement ne garantit pas non plus que vous resterez sobre.
    Les gens ont très souvent besoin de soutien après le traitement. Il faut leur montrer comment se procurer de nouvelles pièces d'identité. Dans mon cas, je devais savoir comment rembourser mes dettes, et je devais obtenir mon permis de conduire. J'avais besoin de savoir comment rédiger un curriculum vitae.
    Il faut réapprendre tout cela. Cesser de consommer n'est que le premier pas. Il faut vraiment se créer une nouvelle vie où il sera plus simple de ne pas recommencer à consommer, mais c'est plus facile à dire qu'à faire.
    Je vais vous interrompre ici, monsieur Felicella.
    Madame Brière, votre temps est écoulé. Merci.
    Chers collègues, nous allons maintenant passer à Mme Goodridge.
    Vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci encore.
    Monsieur le ministre, comme on le voit, les gens aiment accuser l'Alberta de ne pas appuyer la réduction des méfaits, et je sais que c'est loin d'être vrai.
    Pouvez-vous nous parler de certains des plans et programmes novateurs que vous avez mis en place, en particulier les services de transition en matière de stupéfiants? Les gens semblent penser que la seule façon possible de régler ce problème est de fournir un approvisionnement soi-disant sûr et d'inonder les rues de stupéfiants, plutôt que d'utiliser un modèle médical.
    Pourriez-vous nous expliquer un peu ce que vous faites à cet égard?
    Merci de la question.
     En toute franchise, je suis déçu que la conversation nationale s'attarde aux termes « réduction des méfaits » et « approvisionnement sécuritaire ». Malheureusement, ce vocabulaire s'inscrit dans une campagne de marketing visant à convaincre la population de l'efficacité de solutions telles que l'approvisionnement sécuritaire, dont les Canadiens savent intuitivement qu'elles sont bancales.
     À mes yeux, les étiquettes n'ont pas d'importance. Je suis prêt à adopter une politique — issue du Canada ou de n'importe où à l'étranger — pourvu qu'elle vise à assurer la santé des gens. La province offre les services de transition à base de stupéfiants, que Mme Goodridge a mentionnés. Nous avons des sites de consommation supervisée de même qu'une application comprenant des services d'intervention numérique en cas de surdose.
    Notre programme virtuel de lutte contre la dépendance aux opioïdes, le premier du genre et le plus novateur au monde, fournit un accès le jour même à un traitement aux opioïdes fondé sur des données probantes à base de produits contenant de la buprénorphine tels que le Suboxone et le Sublocade et de produits comme la méthadone. Chaque jour, 8 000 Albertains ont recours au programme. Nous faisons la distribution massive de trousses de naloxone. Certains considèrent tout cela comme des mesures de réduction des méfaits, mais d'autres pas. C'est parfait.
    Toutefois, je n'associerais pas la réduction des méfaits à la distribution de masse, sans témoins, dans les communautés, d'opioïdes très puissants de qualité pharmaceutique, lesquels sont par la suite détournés vers les écoles secondaires et les campus de collèges, où ils aggravent ou provoquent des dépendances et font basculer massivement des milliers de personnes dans la toxicomanie. Ce serait malhonnête de prétendre auprès des Canadiens que ces mesures se rattachent à la réduction des méfaits. Force est de constater qu'elles occasionnent plutôt la production de méfaits. Si vous donnez accès aux drogues et que vous êtes le fournisseur qui les distribue massivement dans la communauté, vous causerez encore plus de ravages. Voilà ce que je trouve problématique avec cette idée.
     Je ne suis pas un doctrinaire. Ce que je veux par-dessus tout, c'est aider les personnes à guérir et à se rétablir. Ma grande préoccupation est de voir que ce concept est déformé et pris hors contexte pour en tirer des avantages politiques. Je ne vais pas laisser des termes de marketing et des simulacres entraver l'aide qui pourrait être apportée à des milliers d'Albertains en difficulté.
    L'Alberta s'oppose farouchement à l'approvisionnement sécuritaire et continuera à considérer cette mesure comme illégale pour des raisons évidentes. Nous ne résoudrons pas la crise en distribuant des drogues qui causent la dépendance dans les communautés aux prises avec la toxicomanie. Il faut plutôt venir en aide à ces personnes en allant à leur rencontre pour les diriger vers des ressources qui leur offriront des possibilités de rétablissement.
    Monsieur Williams, je reçois souvent des appels de concitoyens de partout au pays dont certains me disent qu'ils songent sérieusement à hypothéquer leur maison pour envoyer leur enfant à un programme de traitement des dépendances. D'autres me disent que leur enfant doit attendre deux ans ou que leur frère ou leur sœur doit attendre six mois pour avoir accès à des services de traitement.
     Le gouvernement de l'Alberta a levé tous les frais d'utilisateur pour les traitements. Pourquoi?

  (1230)  

    Auparavant, les personnes aux prises avec la toxicomanie qui voulaient avoir accès à des ressources gouvernementales de traitement des dépendances devaient payer des frais de 1 240 $ par mois. Où les personnes dépendantes du fentanyl allaient-elles trouver 1 200 $ par mois? Cette politique gouvernementale ne comportait pas, de toute évidence, de mesures sérieuses pour traiter la toxicomanie.
    Nous avons augmenté la capacité de plus de 10 000 lits depuis 2019. Nous sommes en train de construire 11 centres de traitement de la toxicomanie et de rétablissement — dont 4 dans des réserves autochtones — qui offrent des traitements très efficaces dont la durée peut aller jusqu'à un an. Nous prenons ces mesures pour éliminer toutes les barrières qui bloquent l'accès aux traitements. Il y a seulement deux dénouements aux histoires de dépendance: une mort tragique et prématurée précédée de souffrance et de misère ou une deuxième vie grâce à un programme de traitement et de rétablissement. Ce sont les deux seules options.
     Pour quelle raison la société refuserait-elle d'investir dans les traitements? Je ne dis pas qu'il faut rejeter toutes les autres mesures. Il faut bien entendu offrir un continuum de soins complet, et je suis d'accord avec les commentaires des témoins à ce sujet. C'est contraire aux valeurs canadiennes de compassion de laisser les toxicomanes aboutir aux soins palliatifs sans leur offrir de possibilité sérieuse de rétablissement. Il faut élargir la capacité de traitement. Il faut réduire les barrières, éliminer les coûts et ouvrir toutes grandes les portes.
    Mes opposants disent que c'est très bien, tout cela, mais qu'il faut aussi mettre sur pied des programmes de traitement et de rétablissement. Eh bien, l'Alberta est la seule à le faire. Nous joignons le geste à la parole.
     Merci de votre réponse.
    Docteur Goulão, en Colombie-Britannique, des protocoles ont été établis pour permettre la vente de fentanyl récréatif sur ordonnance aux jeunes de moins de 18 ans aux prises avec la toxicomanie.
     Le Portugal soutiendrait‑il ou adopterait‑il une mesure comme celle‑là?
     Non. Je ne pense pas. Heureusement, nous ne sommes pas aux prises avec la même réalité que la vôtre, mais je ne pense pas que le Portugal prendrait ce type de mesure.
     Merci beaucoup, madame Goodridge. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Hanley, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Je veux remercier tous les témoins de leur témoignage exceptionnel.
    Monsieur Williams, merci d'être venu en personne. Merci encore de nous avoir reçus lors de notre tournée dans les communautés. Je vais essayer d'être bref parce que je veux discuter avec les autres témoins, mais mes collègues ont soulevé la hausse alarmante des taux de décès par surdose en Alberta, et je ne pense pas que vous avez eu l'occasion de parler de cette question en particulier.
    Pourriez-vous expliquer brièvement les mesures que vous prenez pour lutter contre cette hausse?
     Oui. Merci. Je vais essayer d'être bref. Je comprends que vous vouliez vous adresser à d'autres témoins.
    Le marché des drogues illicites de l'Alberta est intégré avec celui de la Colombie-Britannique. Les deux provinces souffrent de toute évidence de la distribution de masse de toutes sortes de drogues, notamment le fentanyl et l'hydromorphone détourné illégalement. Nous partons du même point. Heureusement, les taux de surdose totaux et par habitant en Alberta — un important indicateur pour nous — sont encore inférieurs à ceux de la Colombie-Britannique.
    L'an dernier, notre taux de surdose par habitant était de 14 % inférieur à celui de la Colombie-Britannique. Ce taux était en fait de 25 % inférieur dans les deux premiers mois. Selon les données de février d'une année à l'autre, le nombre de surdoses en Alberta est de 33 % inférieur au nombre de surdoses en Colombie-Britannique.
    Nous faisons preuve d'un optimisme prudent concernant les retombées favorables du modèle de rétablissement et de la culture qui y est rattachée. Nous observons depuis avril de l'an dernier un déclin constant des taux de surdose. La pandémie a eu des conséquences brutales sur les taux de toxicomanie dans toutes les provinces. Nous estimons que l'Alberta commence à récolter les fruits des mesures prises dans la province même si seulement 2 communautés de rétablissement sur 11 offrent des services en ligne.
    Merci.
     J'ai été vraiment impressionné par le centre de rétablissement de Red Deer, et par la façon dont vous nous avez accueillis. Par contre, lorsque nous avons visité par la suite un site de réduction des méfaits et de promotion de la santé dans la même ville, nous avons constaté une situation complètement aux antipodes. L'organisme semblait manquer cruellement de ressources. Les employés en contact avec les personnes de la rue et les toxicomanes avaient l'impression que leur travail était en péril. Ils n'osaient pas parler de réduction des méfaits. Je dois dire que le contraste était plutôt frappant.
    Mis à part l'approvisionnement sécuritaire et le détournement des substances, pourriez-vous expliciter votre point de vue? Je pense que vous venez de le faire, mais j'aimerais que vous indiquiez, pour le compte rendu, si à votre avis la réduction des méfaits constitue une des politiques phares du continuum de soins. Comment soutenez-vous cette approche en Alberta?
     Bien sûr. Il y a toutes sortes de programmes. Il faut mentionner la distribution de naloxone, dont une bonne partie est assurée par le programme à Red Deer. Pour l'instant, nous avons un site de consommation supervisée, à Red Deer. La municipalité nous a récemment demandé d'en examiner le fonctionnement. Nous allons donc considérer sérieusement la possibilité de travailler en partenariat avec eux. La province offre aussi, je le rappelle, des services de transition à base de stupéfiants.
    N'importe lequel de ces programmes pourrait très facilement passer pour un programme de réduction des méfaits. Je n'ai aucun problème avec cela. Il faut rencontrer les gens là où ils sont, mais il faut aussi les sortir de la toxicomanie — pas seulement pour la société, mais aussi pour les individus concernés. Où vont ces individus? Nous ne voulons pas qu'ils se retrouvent dans les salles d'attente des urgences et dans le cycle tragique des portes tournantes où ils entrent du système et en sortent sans obtenir de soins.
    Je veux mettre sur pied un modèle de rétablissement. Je veux que le modèle albertain soit un exemple qui démontre à tous d'espoir qu'il y a de l'espoir et que la mort n'est pas inéluctable.

  (1235)  

    Monsieur le ministre, je vous demanderais d'arrêter ici si vous le permettez. Merci beaucoup.
    Docteur Goulão, je vais reprendre ce que M. Johns a dit sur la grande importance de notre visite au Portugal lorsque vous nous avez accueillis l'an dernier. J'ai de nombreuses questions pour vous.
    Je voudrais surtout savoir comment, selon vous, le système que vous avez établi au Portugal au cours des 20 dernières années pourrait résorber la crise des drogues toxiques — pas seulement le fentanyl, mais aussi la vente de drogues contaminées — qui sévit au Canada. Je suppose que vous nous regardez et que vous êtes à l'affût concernant la possible entrée du fentanyl au Portugal.
    Avez-vous un système en place advenant des changements dans la circulation des drogues au Portugal?
    Merci de la question.
    Nous essayons de surveiller les drogues qui arrivent dans le marché au pays. Une des principales ressources est l'analyse des comprimés, soit les tests effectués sur les substances qui circulent et qui sont consommées. Je pense que c'est très important de mettre en place des mesures pour déterminer rapidement la nature des drogues qui circulent.
     Ensuite, nous travaillons à la sensibilisation du public, à la distribution de la naloxone et à la préparation de la population à l'arrivée de substances dont on s'attend qu'elles feront leur entrée dans le marché européen et circuleront comme elles le font au Canada.

[Français]

     Merci beaucoup, docteur Hanley.
    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Monsieur le ministre, quels sont vos chiffres concernant les décès par surdose en 2022 et en 2023?

[Traduction]

     Nous avons en place un mécanisme de surveillance de la consommation de substances, appelé ASUS, qui permet de publier les données dans la province. C'est le mécanisme intégré le plus transparent que je connais au pays. J'ai les chiffres de 2023...

[Français]

    Je n'ai que de deux minutes et demie. Quels sont les chiffres?
    Je comprends. Merci de votre question.

[Traduction]

    J'ai les chiffres de 2023 et de 2024 devant moi. Je ne veux pas faire d'erreur. Je vous fournirai avec plaisir les ressources sur les chiffres de 2022.

[Français]

    Quel est le chiffre pour 2022?

[Traduction]

    Comme je viens de le dire, je ne veux pas déformer les données. À titre de comparaison, les chiffres de 2023, comme je l'ai dit, sont de 14 % inférieurs aux chiffres enregistrés en Colombie-Britannique. Les premiers mois de 2024...

[Français]

    Non, ce n'est pas ce que je veux.
    Ici, je vois qu'en 2022, il y a eu 2 531 cas en Ontario, 2 410 en Colombie‑Britannique, et 540 au Québec. Je veux avoir un chiffre, je ne veux pas avoir un pourcentage. Quels sont vos chiffres?

[Traduction]

    Je vais vous transmettre avec grand plaisir les chiffres. Je n'ai pas toutes ces données devant moi en ce moment.

[Français]

    J'aimerais que vous les fournissiez.

[Traduction]

     Je vais volontiers vous fournir ce que vous demandez.

[Français]

    D'autre part, vous parlez souvent d'une approche idéologique. Qu'entendez-vous par là? Je pourrais dire que vous en avez une.

[Traduction]

     Il va sans dire que toutes les personnes qui offrent leurs services au public sont influencées par leurs croyances, mais fondamentalement, je me garde bien de rejeter les données scientifiques et les politiques fondées sur les données probantes en raison d'une conviction personnelle.
     Je vois les croyances intervenir dans d'autres politiques telles que l'approvisionnement sécuritaire. Les données démontrent que cette méthode est dévastatrice et qu'elle défie toute logique. Elle est pourtant toujours en place en dépit... Certains sont allergiques aux données probantes qui démontrent l'échec de ce modèle. Je soutiens tous les programmes qui ont pour objet la santé...

[Français]

    Ce n'est pas de ça que je vous parle. Vous dites que la réduction des méfaits amène une vie de misère et que le seul espoir, c'est le traitement.
    Si je vous dis que la réduction des méfaits, c'est le début du traitement, me répondrez-vous que j'ai une approche idéologique?

  (1240)  

[Traduction]

     Je suis d'accord pour dire que c'est le début du traitement, mais après un certain temps, les mesures qui entretiennent la dépendance...

[Français]

    Est-ce que vous fournissez aux gens qui travaillent en première ligne, sur le terrain, chez vous, les outils nécessaires pour être efficaces dans le début de ce traitement, ou allez-vous plutôt dire aux gens dans la rue qu'ils doivent choisir entre rester dans leur misère et mourir et suivre un traitement dans votre centre supervisé?
    Excusez-moi, monsieur Thériault, mais votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

    Monsieur le ministre, veuillez répondre très brièvement.
    Je veux fournir aux Albertains, peu importe leur situation, les soins dont ils ont besoin, mais je m'oppose aux programmes tels que l'approvisionnement sécuritaire. Je suis en faveur par contre d'une grande variété de programmes, comme je l'ai mentionné, tels que les services de transition à base de stupéfiants ou les sites de consommation supervisée. Il y a aussi l'application qui offre des services numériques de prévention des surdoses. Je pourrais poursuivre cette énumération longtemps en mentionnant par exemple le programme numérique de lutte contre la dépendance aux opioïdes, que bon nombre classent dans la réduction des méfaits. Je ne suis pas un doctrinaire en la matière.

[Français]

    Parlez-vous de logements supervisés, par exemple?
    Merci beaucoup, monsieur Thériault.

[Traduction]

    Monsieur Johns, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Monsieur Williams, les chiffres sont clairs. En Alberta, 1 732 personnes sont mortes d'une surdose de drogues toxiques et empoisonnées en 2022, et 2 050 en 2023. Le sous-commissaire de la GRC a affirmé sans équivoque au Comité que la police n'avait pas décelé de détournement de drogues issues de l'approvisionnement sécuritaire traverser les frontières de la Colombie-Britannique. La police refuse de parler d'une généralisation du détournement des drogues, exception faite de quelques cas notoires. De fait, les coroners en Colombie-Britannique et en Alberta ont mentionné que seulement 3 % des personnes décédées dans la province avaient des traces d'hydromorphone et sont mortes d'une surdose de fentanyl. Les chiffres sont de 2 % en Alberta.
    Vous avez affirmé qu'il n'y avait pas suffisamment de données ou d'études sur l'approvisionnement sécuritaire. Pourtant, la recherche évaluée par les pairs démontre que ce modèle fonctionne. Vous n'avez pas fourni de preuves pour étayer vos affirmations. Ce sont des énormités à mon sens. Pourriez-vous me montrer ou soumettre au Comité des données prouvant que les drogues issues des programmes d'approvisionnement sécuritaire de la Colombie-Britannique déferlent en Alberta?
    Oui. Je serais heureux de fournir les informations que vous venez de demander et de répondre à vos autres questions.
     Premièrement, la GRC...
    Je vous demanderais de soumettre les réponses au Comité. Pourriez-vous produire...
    Je vais soumettre la déclaration que la GRC a prononcée à Prince George qui indiquait que selon le corps policier, des drogues issues de l'approvisionnement sécuritaire étaient détournées à l'extérieur de la province.
    Ce n'est pas suffisant. Je veux des données...
     Je suis désolé. Vous avez demandé...
     Pardonnez-moi, messieurs.
    M. Gord Johns: Je demande...
    Le vice-président (M. Stephen Ellis): Monsieur Johns, vous connaissez le principe que nous observons au Comité. Lorsque nous posons une question au témoin, il faut permettre à ce dernier de répondre. Dans ce cas‑ci, le témoin disposerait d'environ 45 secondes pour répondre à votre question initiale.
    Monsieur le ministre, vous avez la parole.
    M. Gord Johns: Monsieur le président...
    Le vice-président (M. Stephen Ellis): Merci, monsieur Johns.
     Vous avez demandé des preuves. Je vais en soumettre au Comité avec plaisir.
    J'ai demandé au gouvernement fédéral l'ajout d'un traceur chimique à la composition des substances produites dans le cadre des programmes d'approvisionnement sécuritaire, mais le gouvernement refuse pour des raisons techniques — il s'enlise dans les tergiversations. Cet outil fournirait à tout le monde la preuve recherchée. J'ignore pourquoi c'est si compliqué. Le gouvernement est‑il allergique aux politiques fondées sur des données probantes? Je trouve ce refus profondément préoccupant.
    Lorsque vient le temps de démontrer qu'une chose est de l'approvisionnement sécuritaire ou non, le gouvernement nous renvoie à une étude évaluée par les pairs — celle que vous avez mentionnée —, que les universitaires canadiens qualifient de pseudoscience en raison de la méthodologie employée.
    Vous trouvez que le British Medical Journal publie de la pseudoscience?
    Les résultats sur lesquels ils se fondent dataient de deux semaines. Ils n'ont pas produit de données agrégées sur le traitement par agonistes opioïdes. C'est très clair. Nul besoin d'un doctorat pour comprendre que de donner des drogues à des toxicomanes pour endiguer une crise de la toxicomanie va aggraver la dépendance.
    Comment la situation évolue‑t‑elle en Alberta, monsieur le ministre?
    Merci beaucoup, monsieur Johns.
    Nous voyons des améliorations.
    Merci, monsieur Williams.
    Monsieur Doherty, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais m'écarter du sujet de l'approvisionnement sécuritaire.
    Voici ma question aux témoins. Le Canada donne l'image d'un pays faible vu son incapacité à empêcher les drogues dangereuses d'entrer au pays, que ce soit le fentanyl, le carfentanyl ou les précurseurs de ces substances. Je me demandais si les témoins auraient des idées ou des suggestions.
    Monsieur Felicella, vous avez vécu dans la rue. Vous avez consommé des drogues. Selon ce que vous savez de cette réalité, comment le Canada pourrait‑il empêcher les drogues toxiques de traverser les frontières et de circuler au pays?

  (1245)  

    C'est la question à un million de dollars.
    Pour être franc, je dirais que c'est la débâcle absolue parce que c'est tout simplement impossible, malheureusement, d'empêcher les drogues d'entrer au pays. Une chose que vous pouvez faire constamment par contre est d'essayer de réduire cette affluence.
    J'ai vu dans certaines circonstances davantage de drogues en prison que dans la rue. Malheureusement, il est impossible d'arrêter la circulation des drogues ou des précurseurs au pays. Vous pourrez toujours attraper les petits revendeurs dans la rue, mais pas les têtes dirigeantes. Ces individus sont inatteignables. Ils ne sont même pas en Colombie-Britannique. Ils mènent des opérations internationales à partir de pays comme les Fidji et le Vietnam. La guerre qu'ont déclarée les pays contre les drogues a permis la propagation de ces substances sous toutes les latitudes. Les caïds de la drogue sont efficaces et efficients, et ils comprennent ce qu'ils doivent faire. Ils savent que la pénurie de personnes dépendantes de ces substances ne risque pas d'arriver dans le monde.
    Malheureusement...
    Je suis désolé de vous interrompre.
    À votre avis, le Canada devrait‑il bannir les précurseurs?
    Je ne connais pas ces drogues. Elles sont probablement déjà bannies, mais elles continuent à entrer au pays. Les drogues sont bannies au Canada. Il est interdit de posséder du fentanyl, d'en produire et d'en vendre, mais cette drogue continue d'entrer au pays.
    Merci.
    Docteur Goulão, le médecin hygiéniste en chef de la province, la Dre Bonnie Henry, a dit pendant son témoignage devant le Comité la semaine dernière qu'elle était en faveur de la légalisation des drogues mortelles comme la cocaïne, l'héroïne, la méthamphétamine et le fentanyl.
    Soutenez-vous cette idée?
    Pour paraphraser M. Felicella, c'est une question à un million de dollars.
    Je ne sais pas. Je pense que tout le monde veut réduire les conséquences de la consommation de substances dans la société. Je ne sais pas quel est le meilleur moyen de le faire ou quelles seraient les meilleures politiques sur les drogues. Dans les marchés réglementés, c'est probablement plus facile de suivre les drogues et de faire en sorte que les produits qui circulent soient de bonne qualité.
    La consommation de ces drogues augmenterait-elle? Les taux de décès connaîtraient-ils une hausse si cette mesure était adoptée? Je ne pourrais pas dire quelles seront les conséquences de ces types de substances. Nous ne connaissons même pas toutes les répercussions de la légalisation ou de la réglementation du cannabis sur le marché. Bref, je ne peux pas me prononcer.
     En 2023, les taux de surdose au Portugal ont connu leur plus haut sommet en 12 ans. Quelle est la nature de ces surdoses? Pourquoi ce sommet a‑t‑il été enregistré?
     En 2023, le Portugal a enregistré 74 décès par surdose. La plupart étaient liés aux opiacés, principalement à l'héroïne, mais aussi au crack. Ces deux drogues étaient les principaux facteurs.
    Merci beaucoup, monsieur Doherty.
    Monsieur Powlowski, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Docteur Goulão, je voudrais en savoir plus sur le fonctionnement du système au Portugal. Malheureusement, nous n'avons pas pu aller voir par nous-mêmes. Je pense que vous avez indiqué ou laissé entendre que le système portugais était non coercitif. Je dirais qu'il l'est tout de même un peu parce que même si la consommation de drogues n'est pas un crime, elle est tout de même interdite.
     Chez vous, les infractions pour possession de drogue sont équivalentes aux infractions du Code de la route telles que l'omission de porter la ceinture de sécurité. Est‑ce exact? Ces deux infractions sont-elles équivalentes? J'ai appris également que les individus appréhendés doivent se présenter devant une commission de la dépendance aux drogues. À quel moment s'acquittent-ils de cette obligation? Doivent-ils se présenter tout de suite après avoir été appréhendés?

  (1250)  

    Les gens qui sont interceptés par les autorités policières pour consommation de drogues ou possession de petites quantités de drogues sont dirigés vers ces commissions. Je ne dirais pas que toutes les personnes qui consomment de la drogue doivent se présenter à un moment ou un autre de leur vie à ces commissions, mais en moyenne, 10 000 personnes par an le font.
    Combien de temps après avoir été arrêté par la police faut‑il avant de passer devant la commission?
    Dans un délai de trois jours, les gens doivent se présenter devant la commission. Le délai maximal est de trois jours.
    Mme Goodridge vous a demandé très tôt ce qui se passerait si une personne consommait du crack sur la plage. Vous avez dit que la police viendrait la chercher et la renverrait à la commission. Qu'advient‑il si elle retourne sur la plage?
    La police retourne chercher la personne et l'oblige d'une manière quelconque à se présenter devant la commission.
    Vous avez également dit...
    Si vous désobéissez et que vous ne vous présentez pas, vous commettez un délit de désobéissance, ce qui est un crime. Nous ne l'accusons pas d'avoir consommé une substance, mais d'avoir désobéi à une intervention policière.
    J'ai commencé à vous poser cette question tout à l'heure, mais vous n'avez pas pu y répondre. S'il n'y a pas de sanction et que vous comparaissez devant la commission, on ne vous obligera pas à suivre un traitement si vous ne le voulez pas. Toutefois, s'il y a récidive, on peut imposer une amende.
    À combien s'élève cette amende? Si vous suivez un traitement, cela signifie‑t‑il que vous n'avez pas à payer d'amende? Comment cela fonctionne‑t‑il?
    Je dois dire que pour les personnes toxicomanes, qui sont des consommateurs très problématiques et qui ont un trouble associé à la consommation de drogue, les amendes ne sont jamais appliquées. Il y a une longue liste de sanctions qui peuvent être appliquées, notamment l'interdiction de fréquenter certains lieux ou de se joindre à certaines personnes, ou l'obligation de se rendre, par exemple, au centre de santé.
    Par exemple, dans le cas d'une personne séropositive qui ne se présente pas aux consultations, la commission peut lui imposer d'y assister et d'apporter un document attestant qu'elle s'y est rendue et qu'elle suit son traitement contre le VIH.
    La commission peut exiger que les gens suivent un traitement, s'ils sont des consommateurs chroniques.
    Oui... respecter les obligations.
    Voici ma dernière question. Dans de nombreuses villes au Canada, comme le Downtown Eastside à Vancouver, on voit beaucoup de gens qui sont dans un état de somnolence. Ils sont essentiellement défoncés dans un lieu public. Voyez-vous de telles situations au Portugal?
    Oui, nous en voyons. Nous avons tendance à en avoir moins, mais il y en a.
    Je vous remercie, monsieur Powlowski.
    Chers collègues, il reste deux séries de questions de cinq minutes.
    Madame Goodridge, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Merci encore une fois.
    Je suis reconnaissante à tous les témoins de leur présence. Chaque fois que nous tenons une de ces réunions, je pense que nous avançons dans cette étude, ce qui nécessite un espace où nous devrions continuer à étudier, à poser plus de questions et à faire venir plus de témoins, parce qu'il s'agit clairement d'un sujet beaucoup plus vaste que ce que nous avions compris au départ lorsque nous l'avons examiné.
    Ma question s'adresse au ministre Williams. Connaissez-vous des pays dans le monde qui ont réussi à mettre l'accent sur le rétablissement? Le cas échéant, pouvez-vous nous donner des détails à leur sujet?

  (1255)  

    De toute évidence, le Canada est un pays unique, avec sa propre compétence et son contexte culturel, et donc, quoi que nous fassions, cela devra être unique pour nous. Même la province de l'Alberta a un principe de subsidiarité dans la Constitution, les provinces étant responsables des soins de santé pour une raison. La solution de l'Alberta pourrait être différente des autres, et nous voyons deux politiques différentes en Colombie-Britannique et en Alberta qui s'opposent. Nous sommes heureux de voir que nous aurons un résultat politique pour les deux, que nous pourrons utiliser à des fins d'analyse.
    Nous avons étudié l'Australie. Nous avons étudié le Massachusetts. Nous avons étudié le Portugal. Heureusement, comme le Dr Goulão l'a mentionné, nous nous y sommes rendus récemment et nous avons passé du temps à comprendre leur système en profondeur. Le rétablissement est une occasion formidable. La plupart des mesures de rétablissement, lorsqu'il s'agit de communautés de vie thérapeutiques, par exemple, ne sont pas mises en place uniquement par les gouvernements.
    Regardez la plus grande communauté de vie thérapeutique du monde. La communauté de San Patrignano en Italie a vu le jour en 1978. Je crois que c'est une communauté de 1 200 personnes. Elle donne d'excellents résultats. Je crois que la dernière étude de l'Université de Bologne avait un taux de réussite de 72 %, et le taux de récidivisme était relativement bas; l'étude a été menée sur de nombreuses années.
    Il y a beaucoup de bons renseignements sur les communautés de vie thérapeutiques et sur le rétablissement en tant que modèle. Le capital de rétablissement du Dr Best, en Écosse, est incroyablement instructif, de même qu'un certain nombre de chercheurs comme le Dr Humphreys, dont je sais que vous avez entendu parler au Comité. Il y a beaucoup de bonnes preuves au niveau international, au niveau local et, de plus en plus, au niveau des gouvernements des États.
    Qu'est‑ce que le gouvernement fédéral pourrait faire différemment pour aider l'Alberta, et les Canadiens de façon plus générale, à lutter contre les dépendances?
    Je parlerai pour le contexte de l'Alberta, pas pour celui des autres provinces. Comme vous le savez, et comme je l'ai dit très clairement, l'approvisionnement sûr est illégal en Alberta. Malheureusement, nous subissons encore les conséquences politiques d'un approvisionnement sûr dans notre province en raison de programmes d'approvisionnement sûr imprudents et sans témoins en Colombie-Britannique, par exemple. Il s'agit de la politique la plus radicale au monde en matière de drogues. Aucune autre instance ne l'applique, et elle est profondément dévastatrice pour la prochaine génération de toxicomanes.
    Toutefois, au‑delà de l'arrêt de cette pratique, ou à tout le moins, si vous refusez d'y mettre un terme au niveau fédéral, l'utilisation d'un traceur chimique nous permettra de connaître le détournement...
    Je dirais que le gouvernement de l'Alberta a fait un grand pas en avant en établissant un partenariat avec les communautés autochtones. D'un point de vue important et constitutionnel, cette responsabilité relève de la Couronne fédérale. Je crois que nous sommes entrés dans un espace qui a été laissé ouvert et abandonné par le gouvernement fédéral. J'aimerais qu'il nous aide à répondre aux demandes des Premières Nations, à savoir une capacité de traitement dans un continuum de soins intégré, axé sur la terre et adapté à la culture, depuis les systèmes de refuge jusqu'au logement après la guérison et tout ce qui se trouve entre les deux, avec l'investissement corollaire qui s'ensuivra. C'est parce que, pour l'instant, c'est sur nous que cela retombe.
    Heureusement, nous travaillons en partenariat, parce que nous pensons que c'est nécessaire. Nous aimerions que les autorités fédérales assument également leurs responsabilités.
    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Goulão. Quelles recommandations donneriez-vous au gouvernement du Canada pour améliorer sa politique en matière de toxicomanie afin que davantage de personnes se rétablissent de leur dépendance?
    Je crois que vous avez beaucoup à offrir aux personnes qui veulent changer leur mode de vie. Je pense également qu'il est probablement possible d'améliorer la coordination entre plusieurs interventions et ce que l'on appelle le continuum des soins, de la réduction des risques aux centres de traitement à la manière dont nous pouvons inciter les gens à intervenir.
    Au Canada, nous avons trois territoires nordiques. Il n'y a pas un seul centre de traitement dans ces territoires. Nous avons tellement de communautés des Premières Nations aux quatre coins du pays qui n'ont pas accès à des traitements.
    Soyez très brève, madame Goodridge, je vous prie.
    Ma question au Dr Goulão est la suivante: Pensez-vous que le Canada devrait investir dans la création d'un plus grand espace de traitement?
    Tout d'abord, il faut faire un diagnostic des besoins dans chaque région. Il faut calculer un ratio pour les réponses — le nombre de lits disponibles dans les communautés thérapeutiques — et les construire en conséquence. Le diagnostic est nécessaire.

  (1300)  

    Je vous remercie.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Étant donné que nous avons commencé avec 10 minutes de retard et que cette série de questions se terminera après cinq minutes, puis‑je demander si le comité souhaite accorder au NPD et au Bloc deux minutes et demie de plus chacun, afin de terminer les deux heures?
    Si c'est la volonté du Comité, je suis à votre service. Je fais le tour de la salle. Il faudrait le consentement unanime, je crois.
    Y a‑t‑il des objections?
    Très bien. C'est un peu inhabituel. Généralement, nous terminons les séries de questions avec les conservateurs, puis les libéraux. Encore une fois, si c'est la volonté des gens dans la salle, je serai heureux de le faire.
    Je n'ai pas d'objection, alors c'est ce que nous ferons.
    Monsieur Hanley, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Monsieur Felicella, je sais que vous travaillez beaucoup avec les jeunes. Nous n'aurons peut-être pas le temps d'approfondir ce sujet, mais je sais que vous vous intéressez à la réorientation des jeunes à risque.
    Je me demande si vous pourriez décrire brièvement ce travail, et peut-être fournir au Comité plus de détails sur votre travail avec les jeunes.
    Oui, certainement.
    J'ai pris la parole dans plus d'une centaine d'écoles. Je raconte aux jeunes comment j'ai surmonté d'immenses défis tout au long de ma vie, et je leur parle des différents services qui m'ont aidé à arriver là où je suis aujourd'hui. Vous savez, en tant que personne qui parle des difficultés qu'elle a eues dans sa jeunesse, ainsi que... Les jeunes se sentent interpellés. J'ai reçu de nombreux témoignages de maires, d'employés municipaux, de directeurs d'école, d'agents de liaison, de conseillers et de policiers. C'est très impressionnant.
    J'ai fait récemment une conférence à l'école secondaire Hugh Boyd. Les jeunes viennent me voir après chaque conférence. Ils sont généralement en larmes. Certains d'entre eux ont vraiment de graves difficultés. Ils se sentent tellement stigmatisés et honteux parce qu'ils ne sont pas capables de demander de l'aide. Ils ont l'impression qu'on les juge pour la façon dont ils vivent leur vie. Le lendemain, le directeur d'école m'a envoyé un courriel pour me dire que le bureau du conseiller était bondé d'élèves qui demandaient de l'aide et que Guy Felicella avait le don de banaliser la démarche de demander de l'aide. Toutefois, s'ils le font, je veux qu'ils sachent qu'il y a des gens comme moi et d'autres dans la communauté. Il y a des services. Nous nous soucions d'eux et nous voulons les soutenir.
    Je pense qu'il est très important que nous continuions à donner aux jeunes les réalités de la crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui, afin qu'ils puissent aller de l'avant dans leur vie.
    Merci, monsieur Felicella.
    Je vais vous donner une perspective très rapide.
    À ce comité, nous avons beaucoup étudié l'Alberta. Nous avons beaucoup regardé la Colombie-Britannique. Nous avons beaucoup comparé et parfois pointé du doigt. J'aimerais voir le meilleur de l'Alberta et le meilleur de la Colombie-Britannique réunis.
    Avez-vous un bref point de vue à ce sujet?
    Je suis préoccupé par la façon dont l'Alberta a diminué la réduction des méfaits, mais j'aime son approche au rétablissement, qui consiste à stabiliser les gens grâce à un traitement par agonistes opioïdes, ou TAO. Malheureusement, nous voyons les résultats du modèle par l'entremise de leurs données. L'année dernière, l'augmentation du nombre de décès par surdose en Colombie-Britannique par rapport à 2022 était de 6,9 %. L'Alberta a connu une hausse de 16,6 % et la Saskatchewan, de 23 %. La leçon à tirer de tout cela au pays est que nous devons faire les deux: la réduction des méfaits et le rétablissement.
    C'est une course à relais, comme un bâton que l'on passe autant de fois que possible pour répondre aux besoins des gens en difficulté. Si vous voulez rencontrer une personne là où elle se trouve, alors faites‑le. C'est une chose de le dire, mais les gens ne meurent pas d'un approvisionnement plus sûr. Ils meurent de drogues toxiques. Si c'est un moyen d'amener les gens à adopter le TAO, à suivre des traitements et à se rétablir, je ne vois pas pourquoi quelqu'un s'y opposerait parce que, malheureusement, les gens meurent de drogues toxiques.
    Merci, monsieur Felicella. Merci beaucoup. C'est très utile.
    Docteur Gouläo, je me demande si vous pouvez nous parler brièvement de la façon dont vous avez renforcé la capacité de traitement en prévision de la décriminalisation de la consommation de drogues et de la mise en place de groupes de dissuasion — il y a environ 25 ans maintenant — et de l'importance que cela a eue. Cependant, je veux aussi que vous nous parliez de l'éventail des traitements, de l'hospitalisation à la psychothérapie, en passant par la consultation externe. Si vous pouviez nous en donner un bref résumé en une minute environ…
    Merci.

  (1305)  

    D'accord.
    Il y a complémentarité entre les interventions qui sont assurées et soutenues par l'État, et les interventions privées qui sont également soutenues financièrement par l'État. Par exemple, nous avons une clinique externe dans chaque capitale de district. Il y a 18 districts. Chacun a au moins un centre, responsable d'assurer la prévention, le traitement, la réduction des méfaits et la réinsertion sur son territoire. S'ils n'ont pas la capacité d'offrir les réponses nécessaires sur leur territoire, ils peuvent établir un contrat avec des ONG.
    Nous avons mis en place assez rapidement un réseau d'interventions. Je dois dire que les communautés thérapeutiques sont principalement privées et dirigées par des ONG. L'État ne compte que trois communautés thérapeutiques, mais nous en avons 68 dirigées par des ONG, selon des modèles différents. La responsabilité de l'État est de certifier et de soutenir le développement de ces communautés, puis nous payons pour les services qu'elles fournissent aux patients.
    Merci beaucoup, monsieur Hanley.
    Nous passons maintenant aux deux dernières séries de questions.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Monsieur le président, ne devrais-je pas avoir la parole pour cinq minutes?
    Vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    D'accord.
     Monsieur Felicella, vous avez un parcours du combattant. Selon Mme Goodridge, vous êtes la preuve qu'on peut s'en sortir.
    Tous les gens qui sont venus témoigner devant le Comité, peu importe s'ils sont d'accord ou non sur tel ou tel aspect, acceptent l'énoncé suivant: la rechute fait partie du parcours de la guérison. Ce qui guette cette rechute, c'est la stigmatisation. Chaque fois qu'on rechute, il y a une autostigmatisation. Pouvez-vous nous parler de ça et de l'importance de la réduction des méfaits à cet égard?

[Traduction]

    Oui, monsieur. Merci.
    Dans notre société, la stigmatisation est tout aussi mortelle que les drogues elles-mêmes. C'est la principale raison pour laquelle les gens consomment seuls et ne demandent pas d'aide et de soutien. C'est la principale raison pour laquelle des gens meurent aussi. Il n'y a pas que les drogues, il y a aussi la honte et le fait de se sentir comme un raté. On essaie de participer à un programme et on fait de son mieux. Je ne crois pas que notre société se réjouisse qu'il y ait des gens qui essaient, même si souvent ils n'arrivent pas à obtenir les résultats dont ils ont besoin.
    La réalité, c'est que l'approvisionnement en drogues toxiques ne change pas pendant le traitement. Les choses ne cessent d'empirer. Ensuite, lorsqu'on fait une rechute, les drogues sont là pour vous piéger et vous tuer. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un système de portes tournantes qui consiste à envoyer les gens en traitement sans avoir de filet de sécurité pour la réduction des méfaits à leur sortie. Des gens vont mourir. Les gens ne guériront pas.
    Comme je l'ai dit, même si les slogans de campagne comme « Ramenez vos proches à la maison sans drogue » semblent attrayants, la réalité est autre. C'est pourquoi nous devons avoir tous les systèmes de soins qui répondent aux besoins des gens et qui les soutiennent. Si nous y arrivons et que nous le faisons vraiment de manière à autant réduire les méfaits qu'à favoriser le rétablissement, je vous promets que nous réduirons le nombre de décès au pays.

[Français]

     On parle souvent de prévention, mais ne croyez-vous pas qu'il faudrait en faire beaucoup plus en prévention de la rechute et en parler davantage?

[Traduction]

    Tout à fait. Je pense qu'il faut aussi tenir compte des raisons pour lesquelles les gens consomment de la drogue dans notre société. Il faut aller bien en amont de la rivière pour aider les gens avant qu'ils ne tombent dedans, et leur donner vraiment accès aux outils en place. Le Canada traverse une crise sanitaire depuis de nombreuses décennies, et nous n'y avons pas consacré suffisamment d'efforts. Nous voyons les résultats catastrophiques parce que l'approvisionnement en drogues a changé de façon spectaculaire.
    Je pense que vous avez raison. Il faut faire plus de prévention. Nous devons faire plus de tout. C'est la clé. Nous devons vraiment informer tout le monde au Canada. Comme tous les témoins ici l'ont dit, nous ne sommes jamais allés dans une collectivité où, malheureusement, les drogues toxiques n'avaient fait aucune victime.

  (1310)  

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Thériault.

[Traduction]

    Monsieur Johns, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Tout d'abord, monsieur le président et membres du Comité, je tiens à vous remercier de nous avoir accordé ce tour supplémentaire.
    Docteur Gouläo, le programme de traitement que votre pays administre est‑il à but lucratif ou sans but lucratif?
    La plupart des traitements sont offerts par des organismes sans but lucratif. Les services officiels des unités gérées par l'État sont gratuits. C'est presque gratuit du côté privé, comme les communautés thérapeutiques. L'État assume 80 % des coûts et le patient ou sa famille doit en assumer 20 %. Si ce n'est pas possible, si le patient n'a pas de capacité financière, la sécurité sociale peut couvrir les 20 % restants. Personne ne se voit refuser des soins en raison d'un manque de ressources financières.
    Monsieur Felicella, il nous reste environ une minute et demie.
    Y a‑t‑il quelque chose que vous avez entendu aujourd'hui et sur lequel vous aimeriez commenter ou quelque chose que vous avez l'impression qui n'a pas été dit? Je suis sûr que vous avez beaucoup de choses à dire.
    Oui, tout à fait.
    Je pense simplement que les gens pensent que la Colombie-Britannique est une province qui réduit les méfaits. C'est inexact. C'est une province qui s'occupe de tout. Nous avons intensifié les traitements. Nous avons actuellement plus de 3 600 lits de traitement auxquels les gens peuvent avoir accès. Nous avons aussi des services de réduction des méfaits. Je pense que la province a ajouté, depuis 2017, 607 lits et qu'il y en aura d'autres. Nous avons aussi les centres communautaires de rétablissement, qui sont des endroits où les gens qui ont le désir de changer leur vie bénéficient d'une thérapie de groupe. Nous avons aussi le programme Road to Recovery à la clinique St Paul.
    Il est malheureux que certains membres du Comité de la santé n'étaient pas présents pour le visiter, car la clinique démontre l'importance du rétablissement dans un hôpital où les gens peuvent aller et avoir accès à des services de désintoxication et de traitement par l'entremise de ces services de rétablissement. Nous bénéficions de lits réservés à contrat par l'entremise des services de santé.
    La Colombie-Britannique se concentre vraiment sur l'intégration de tous les aspects et comprend qu'il faut un continuum complet de soins. C'est ce sur quoi nous continuerons de travailler. C'est pour cela que je vais continuer à me battre. C'est ce que je continuerai de défendre, non seulement en Colombie-Britannique, mais partout dans le monde, parce que c'est très important. Je ne veux plus voir personne mourir. C'est tout simplement trop tragique.
    Merci beaucoup, monsieur Johns.
    Je remercie les témoins.
    Bien que ce soit inhabituel, je tiens à préciser que les députés du Parti conservateur n'ont pas pu participer à la visite en raison des feux de forêt. Soyons clairs.
    Il y a aussi eu le décès d'un proche.
    Oui, il y a aussi eu le décès d'un proche.
    Cela dit, chers collègues, nous sommes arrivés à la fin des questions. Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps de comparaître et d'avoir partagé avec nous des renseignements aussi précieux aujourd'hui.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant cinq à sept minutes et la reprendre à huis clos pour les instructions de rédaction. Pour ceux qui sont en ligne, veuillez utiliser le lien pour la réunion à huis clos afin de vous y joindre. La séance est suspendue.
    [ La séance se poursuit à huis clos. ]
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