Bienvenue à la 115e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tous les députés et aux autres participants dans la salle les importantes mesures préventives suivantes.
Afin de prévenir les retours de son dérangeants et potentiellement dangereux qui peuvent causer des blessures, on rappelle à tous les participants en personne de tenir leurs écouteurs loin du microphone en tout temps.
Comme il est indiqué dans le communiqué que le Président a adressé à tous les députés le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour aider à prévenir les retours de son. Tous les écouteurs ont été remplacés par un modèle qui réduit considérablement la possibilité de rétroaction acoustique. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez utiliser l'écouteur noir ayant obtenu l'approbation. Par défaut, toutes les oreillettes qui ne servent pas seront débranchées au début d'une réunion.
Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer vers le bas au milieu de l'autocollant à cette fin, que vous trouverez sur la table, comme il est indiqué. Veuillez consulter les cartes sur la table pour obtenir des lignes directrices visant à prévenir les retours de son.
L'aménagement de la salle a été ajusté pour accroître la distance entre les microphones et réduire le risque de rétroaction acoustique provenant d'une oreillette ambiante.
Ces mesures sont en place pour que nous puissions mener nos activités sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
Je vous remercie tous de votre collaboration.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité poursuit son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre groupe de témoins.
À titre d'information, cette partie de la réunion se déroulera de 11 heures à 13 heures. Entre 13 heures et 13 h 30, nous discuterons des travaux du Comité à huis clos.
À ce sujet, nous accueillons par vidéoconférence Sarah Lovegrove, infirmière autorisée, et Eugenia Oviedo-Joekes, professeure à l'École de santé des populations et de santé publique, à l'Université de la Colombie-Britannique, qui témoignent à titre personnel. Nous recevons Martin Pagé, directeur général de Dopamine, qui nous joint par vidéoconférence, et Elenore Sturko, députée de Surrey South à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Elle est ici en personne.
Je vous remercie tous d'être ici.
Sur ce, nous allons commencer nos déclarations. Vous disposerez chacun de cinq minutes. Je suis un peu à cheval sur le temps. Nous allons garder le cap et avoir une belle réunion. Nous avons hâte de vous entendre tous.
Sur ce, madame Lovegrove, vous avez la parole cinq minutes.
:
Bonjour. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
Je m'appelle Sarah Lovegrove. Je suis infirmière autorisée et professeure au programme de baccalauréat en sciences infirmières de l'Université Vancouver Island. Je suis heureuse de me joindre à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel non cédé de la Première Nation Sununeymuxw, connue sous le nom colonial de Nanaimo.
Je suis également une militante et membre de l'Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits, et je suis absolument indignée de la décision du ministère fédéral de la Santé d'appuyer la décision politique de la Colombie-Britannique en lui permettant de faire marche arrière sur la décriminalisation.
Je puise dans la force des braves étudiants universitaires qui utilisent leur voix pour défendre la justice, y compris les étudiants influents de l'Université Vancouver Island, ainsi que ceux de mon alma mater, l'Université d'Ottawa. Je profiterai de l'occasion aujourd'hui pour dire ce qui doit être dit.
Tout comme le génocide des Palestiniens à Gaza, cette crise des drogues toxiques qui se détériore tue 22 Canadiens chaque jour. Elle est le résultat du colonialisme et de la suprématie blanche qui forment le tissu de nos gouvernements, de nos politiques, de nos collectivités et de notre système de soins de santé, qui perpétuent le problème.
Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnée par cette crise. Ils perdent la vue et subissent des blessures en raison d'un approvisionnement en drogues non réglementé auquel ils sont beaucoup plus exposés que le reste de la population. Des substances comme l'alcool ont été introduites chez les peuples autochtones de l'île de la Tortue au moment de la colonisation, et elles ont depuis été utilisées comme une arme de coercition et de contrôle pour maintenir l'État colonisateur.
[Traduction]
Un instant, madame Lovegrove. Nous verrons si nous pouvons améliorer votre son.
Je m'excuse, chers collègues. Nous avons eu des problèmes avec le son de Mme Lovegrove au départ. Nous pensions qu'il était de qualité suffisante, mais il n'est pas tout à fait assez bon. Nous proposons d'interrompre sa déclaration maintenant. Nous y reviendrons et lui permettrons de terminer.
Nous devons passer à Mme Eugenia Oviedo-Joekes, professeure à l'Université de la Colombie-Britannique.
Madame Joekes, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Merci beaucoup. Je vais essayer de parler lentement, car mon accent n'est pas toujours idéal pour les interprètes, et je m'en excuse.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée. Je m'appelle Eugenia Oviedo-Joekes. Je suis une femme d'origine latine. Je m'adresse à vous aujourd'hui depuis le magnifique territoire non cédé du peuple Squamish, les gens de l'eau. Je suis professeure à l'École de santé des populations et de santé publique. Je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada sur les soins centrés sur la personne en toxicomanie.
Pour faire suite à la déclaration de Sarah Lovegrove et aux points qu'elle a soulevés, l'un des éléments clés est que la crise de surdoses révèle que nous avons besoin de diverses stratégies, et que l'action et la coopération sont essentielles. Les problèmes continuent de s'aggraver, et nous avons besoin de mesures réfléchies et intentionnelles, car il ne s'agit pas d'un problème à visage unique. Il est temps de tenir bon et de continuer à avancer, et non de reculer.
Il y a quelques médicaments au Canada que nous pouvons utiliser pour traiter les troubles liés à la consommation d'opioïdes qui se sont révélés efficaces, mais ils sont très peu nombreux. Il y a deux ou trois autres médicaments injectables qui ont fait leurs preuves, mais ils ne semblent pas être distribués comme nous nous y attendions.
Par conséquent, la façon dont nous fournissons ces quelques médicaments ne semble pas suffire à attirer tout le monde, surtout si nous quittons les épicentres non ruraux. Nous avons besoin d'autres stratégies. Nous devons coopérer avec d'autres régions géographiques. Nous devons faire preuve de souplesse. Nous devons désigner des installations et augmenter le nombre de doses à emporter à domicile. Nous avons besoin de modèles mobiles d'intervention directe à domicile. D'autres méthodes sont efficaces pour rejoindre les personnes handicapées, celles qui doivent s'occuper de leur famille, et celles qui sont loin des installations.
Les gens que nous voyons ont beaucoup d'autres problèmes qui n'ont rien à voir avec les médicaments. Cependant, la première étape consiste à maintenir le traitement et à faire en sorte que ces personnes se sentent en sécurité. Pour ce faire, nous avons besoin de plus que deux ou trois médicaments avec lesquels le système est à l'aise.
Consommer des substances ne peut pas être un acte criminel. Boire de l'alcool en public n'est pas un crime. Personne ne va en prison, même si ce n'est pas permis. Tous les problèmes que nous rencontrons depuis des décennies et des générations ne peuvent pas être réglés en quelques années. Nous devons faire preuve de patience et de compassion, et examiner les données probantes pour prendre des décisions. Nous devons continuer à nous améliorer et ne pas abandonner.
Je vous remercie de votre écoute.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité dans le cadre de vos travaux. Vous avez entendu le témoignage de plusieurs experts qui interviennent à différents niveaux pour tenter d'endiguer la crise que nous vivons. Je suis content de pouvoir y participer en direct du terrain, dans un contexte très particulier de crise sociale et sanitaire sans précédent.
Je suis le papa de deux jeunes enfants. Je suis également une personne qui dispose de savoirs sur les plans expérientiel et théorique et qui œuvre depuis bientôt 30 ans dans le milieu de la réduction des méfaits. J'ai été travailleur de rue dans les villes de Toronto et de Montréal, et j'ai été appelé à travailler au cœur de nombreuses crises, comme celle du VIH, celle de l'hépatite C, celle du logement, celle de la COVID‑19, ainsi que celle des substances contaminées, que nous vivons depuis une dizaine d'années.
J'interviens aujourd'hui auprès de vous à titre de directeur général de Dopamine, un organisme communautaire solidement implanté dans le quartier Hochelaga‑Maisonneuve, à Montréal, qui œuvre depuis 30 ans auprès de personnes qui consomment des drogues. L'organisme travaille à partir d'une approche de réduction des méfaits qui s'appuie sur les meilleures données probantes. En effet, les données de plusieurs études ont largement démontré les nombreux effets positifs de cette approche sur la santé des personnes qui reçoivent ces services et de la communauté en général qui les entoure.
J'aimerais aujourd'hui vous raconter une histoire méconnue: celle des personnes qui ont fondé l'organisme que j'ai le privilège de diriger et de représenter devant vous aujourd'hui.
Nous sommes en 1991. L'épidémie du VIH-sida frappe Montréal de plein fouet. Dans Hochelaga‑Maisonneuve, les institutions de santé peinent à rejoindre les personnes qui consomment des drogues par injection. La direction de la santé publique met sur pied un projet pilote de prévention de l'infection chez les utilisateurs de drogues injectables. Le projet vise à outiller les acteurs de la communauté, directement dans les milieux de consommation, pour faire la distribution gratuite de seringues et de condoms, mais surtout pour changer les attitudes fatalistes et les perceptions empreintes de stigmatisation à l'égard du VIH-sida.
Il n'est pas nécessaire de vous mentionner que l'initiative s'est heurtée à une forte résistance, au départ. Or, appuyés par les instances de santé et les instances politiques, ce sont les intervenants, les pairs et les personnes concernées qui ont contribué à endiguer la crise du VIH-sida. Le nombre de vies qu'ils ont sauvées est incalculable. Ils ont contribué à rendre le quartier plus sécuritaire pour tous. Par leur courage, ils ont changé le cours de l'histoire.
Depuis ce temps, tous les membres de l'équipe de Dopamine continuent à élaborer des solutions adaptées, efficaces et centrées sur les besoins réels des personnes qui consomment des drogues. Ils continuent à se battre pour défendre et améliorer la qualité de vie, le droit à la santé, mais surtout le droit à la dignité.
Devant cette nouvelle crise, je m'exprime donc devant vous en faveur de la reconnaissance des données probantes et de la science et, surtout, aux côtés des nombreux experts qui œuvrent aux quatre coins du pays afin de contribuer positivement à des solutions certes courageuses, mais nécessaires. Il est plus que temps de revenir à une approche pragmatique et humaniste, plutôt que d'alimenter un débat polarisant sur la situation canadienne au moyen d'approches moralistes, anecdotiques, parfois même mensongères, qui ne font qu'entretenir le statu quo. Il est grand temps d'avoir des conversations courageuses et de se mettre au travail sur le terrain, où des vies humaines sont perdues tous les jours.
Nous vous demandons donc d'entreprendre un certain nombre de mesures en ce sens.
Tout d'abord, nous vous demandons de déclarer l'épidémie de surdoses comme une urgence de santé publique partout au pays.
Ensuite, il faudrait poursuivre et garantir un approvisionnement plus sécuritaire, de qualité pharmaceutique, basé sur la substance choisie par chaque personne.
Il serait également important de fournir un soutien accru aux organisations pour faciliter la mise en place de services de consommation supervisée partout au pays.
De plus, nous vous demandons de veiller à ce que la naloxone soit largement disponible et facile d'accès pour toutes les communautés.
Par ailleurs, il faudrait que le leadership des personnes qui utilisent des drogues soit inclus de manière considérable dans tous les travaux qui les concernent.
Enfin, il faudrait plaider en faveur de la décriminalisation, voire d'une légalisation totale des drogues.
J'ajouterais qu'il faudrait examiner, voire rectifier la façon dont la guerre contre la drogue a été utilisée pour criminaliser de manière disproportionnée des groupes tels que les personnes racisées, les communautés autochtones, les personnes en situation de grande pauvreté, ainsi que les personnes queer et trans, qui subissent largement les conséquences de cette guerre présentement.
Je vous invite dès maintenant à venir vous asseoir avec nous. Je vous invite à venir parler avec les personnes endeuillées. Je vous invite à venir constater tous les efforts pour réduire les décès et sauver des vies dans nos communautés. Nous avons besoin de politiques pragmatiques et humanistes afin que nos communautés vivent.
Je vous remercie de tout cœur de m'avoir écouté.
En tant que ministre du cabinet fantôme de l'opposition officielle de la Colombie-Britannique pour la santé mentale, les dépendances et le rétablissement, je suis ici aujourd'hui pour parler de l'échec lamentable du projet pilote de décriminalisation des drogues illicites en Colombie-Britannique et de son programme d'accès à des drogues dangereusement qualifiées de sûres. Ces initiatives, qui reposent vraisemblablement sur de bonnes intentions, ont malheureusement eu des conséquences alarmantes en raison du manque de préparation et de surveillance rigoureuse, que de nombreuses personnes avaient prédites.
En février 2023, au début de la mise en œuvre de ce projet pilote, j'ai émis des réserves quant au manque de préparation du gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique et de son non-respect de plusieurs conditions préalables qui étaient énumérées dans la lettre d'exigences du gouvernement fédéral. Il fallait notamment accroître la capacité de traitement, mobiliser les principaux intervenants et élaborer des cadres de surveillance et d'évaluation. Nous voici, 15 mois plus tard, témoins des conséquences d'un manquement à satisfaire ces exigences. Mes pires craintes se sont concrétisées, à savoir que la Colombie-Britannique s'engageait dans un banc d'essai sans les dispositifs de protection nécessaires du côté des infrastructures. Les résultats ont été tout simplement désastreux.
L'ancienne ministre fédérale Carolyn Bennett a promis aux Britanno-Colombiens « un ensemble solide d'indicateurs en matière de santé publique et de sécurité publique que nous surveillerons ensuite en temps réel ». Cependant, ces engagements en matière de transparence des données en temps réel n'ont pas été respectés. L'absence de collecte de données exhaustives a directement compromis la sécurité publique, rendant nos collectivités vulnérables, et ce sont les Britanno-Colombiens qui en subissent les conséquences. Les usagers sont exposés à la fumée de drogues toxiques dans les transports en commun; les enfants trouvent des accessoires relatifs aux drogues jetés dans les terrains de jeu; et les infirmières, qui devraient être en sécurité dans leur milieu de travail, subissent des agressions et sont exposées à la fumée de drogues toxiques dans les hôpitaux. Tout cela se produit alors que le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique ne fournit pas aux toxicomanes un accès équitable et rapide aux services de santé et aux services sociaux.
Malgré les avertissements précoces des organismes d'application de la loi, des enjeux cruciaux de sécurité et d'application de la loi ont été négligés, et le programme pilote a été autorisé sans qu'il y ait de mécanismes en place pour réagir à la consommation problématique de drogues et sans la capacité de dissuader les comportements qui mettent d'autres personnes en danger. De plus, le détournement de l'hydromorphone du soi-disant programme d'approvisionnement plus sûr se poursuit sans relâche depuis 2020. Il a fallu trois ans et une pression importante de la communauté médicale avant qu'un examen soit effectué en 2023. Cet examen a confirmé ce contre quoi de nombreuses personnes avaient fait des mises en garde: un détournement généralisé et des preuves limitées appuyant l'efficacité du programme. Malgré ces conclusions, le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique continue de promouvoir à tort cette mesure comme étant un « approvisionnement plus sûr ».
L'annonce faite mardi par le gouvernement fédéral, qui modifie l'exemption en vertu de l'article 56 dans la province de la Colombie-Britannique pour interdire la consommation de drogues en public, est un aveu flagrant de l'échec des deux ordres de gouvernement. Ils n'ont pas tenu compte adéquatement de la sécurité publique et confirment le danger et le désordre qui découlent de cette expérience. Les modifications ramènent cette crise sur les épaules de la police, à qui on demande de déplacer les gens, mais sans services à cette fin. Ce n'est qu'un pansement sur une plaie béante, qui s'attaque à la consommation de drogues en public sans rien faire pour lutter contre la toxicomanie elle-même. Ce revirement de politique ne règle pas les problèmes fondamentaux, mais sert plutôt à limiter les dégâts politiques, une tentative du gouvernement de masquer les résultats catastrophiques et de détourner l'attention des préjudices causés par ses politiques.
L'expérience était vouée à l'échec dès le départ sans accès à des services sociaux, des traitements vitaux, des logements et des soins de santé. Au cours des 15 derniers mois, il est devenu terriblement évident que la politique de décriminalisation n'a pas sauvé des vies ni réduit le nombre de surdoses, et qu'elle a plutôt alimenté les préjudices et le désordre dans nos collectivités. Alors que nous discutons de ces développements, nous devons reconnaître qu'il ne s'agit pas seulement d'un échec de la politique: c'est une crise humanitaire qui continue de faire six victimes par jour en Colombie-Britannique, et nous ne pouvons pas continuer dans cette voie. Les expériences de décriminalisation et d'approvisionnement plus sécuritaire se sont révélées inefficaces et dangereuses, et il est temps de rejeter ces politiques. Il est inacceptable de se lancer dans des expériences à l'échelle de la population, de faire fi des préjudices évidents et d'être sélectif dans la collecte de données probantes.
Nous avons besoin de stratégies axées sur des options de traitement complètes, de soutiens sociaux et de solides mesures de sécurité publique qui protègent réellement nos collectivités. Nous devons élaborer des politiques fondées sur des données probantes, accorder la priorité à la santé publique et fournir des solutions concrètes à la crise des drogues qui touche notre province et notre pays. Nous devons accorder la priorité au rétablissement, maintenir la sécurité et assurer un avenir plus sûr et plus sain pour tous.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, monsieur Julian.
Je pense que nous avons essayé beaucoup de ces choses, mais nous allons continuer à le faire. Si nous sommes en mesure de résoudre le problème, nous le ferons. Nous avons vérifié la connexion Internet. Nous avons vérifié sa vitesse. Nous avons vérifié les casques d'écoute, et ainsi de suite. Pour des raisons inconnues, cela ne semble pas fonctionner.
Compte tenu de la situation, nous allons en rester là. Encore une fois, je présente mes excuses au témoin et au Comité en notre nom à tous.
Cela dit, chers collègues, nous continuerons à plancher sur le problème en coulisse, et nous espérons le résoudre en cours de route.
Si le Comité est d'accord et que nous résorbons la situation, je pense qu'il serait juste de permettre à Mme Lovegrove de terminer sa déclaration, avec votre accord. Ce sera un peu inhabituel, peut-être un peu compliqué, mais nous le ferons quand même.
Nous allons maintenant commencer une série de questions.
Madame Goodridge, vous avez la parole pour six minutes.
:
D'accord. Je vous remercie.
[Français]
Ma prochaine question s'adresse à M. Pagé.
Parmi les 49 postes de quartier de Montréal qui ont été évalués par le Service de police de la Ville de Montréal en 2021, le quartier Hochelaga‑Maisonneuve, où se trouve l'organisme Dopamine, se classe au quatrième rang pour ce qui est du taux de criminalité. On parle ici de 57,8 crimes par 1 000 résidants.
Compte tenu de la présence importante des parcs, des terrains de jeux pour enfants, des écoles et du parc Edmond‑Hamelin, qui est situé de l'autre côté de la rue où se trouve l'organisme, j'aimerais savoir quelles mesures vous avez prises pour vous assurer que les centres d'injection supervisée de drogues dures comme le fentanyl, le crack et l'héroïne n'aggraveront pas la situation en matière de criminalité, qui est déjà désastreuse dans ce secteur.
:
Merci beaucoup. Je suis vraiment désolée de la situation qui frappe votre région.
La première chose, comme je le disais, c'est que la collaboration est essentielle. Aucune décision venant du haut ne pourra fonctionner si nous ne travaillons pas avec la communauté et ne comprenons pas ses valeurs. Il ne faut pas se contenter de dire qu'il faut prendre telle substance et faire telle autre chose sans savoir si la communauté est prête et va l'accepter. Nous devons partir de là et essayer d'offrir toutes les options possibles.
Comme je l'ai dit, chaque groupe a des priorités particulières et des enjeux précis avec lesquels nous devons composer. Dans certains cas, si les médicaments ne sont pas disponibles, les gens ne peuvent pas se déplacer. C'est un problème très important qu'il faudra résoudre.
Les restrictions dans les politiques seront un obstacle que nous espérons pouvoir surmonter avec le gouvernement provincial ou fédéral afin de pouvoir rejoindre toutes les personnes de la collectivité et les personnes handicapées qui ne peuvent pas venir chaque jour. Il y a tous ces autres recoupements.
Parfois, les femmes ne veulent pas se trouver au même endroit que des gens qui ont été violents à leur endroit.
C'est en quelque sorte ce qu'il faut faire. Il faut commencer à travailler ensemble et à comprendre les problèmes de la collectivité et voir comment nous pouvons collaborer de ce côté.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
:
Lorsque nous travaillons avec les médecins prescripteurs et qu'ils veulent offrir des soins centrés sur la personne, ils savent que certains clients ont besoin d'un médicament à base d'opiacés qu'ils ne peuvent pas prescrire parce qu'il n'est pas indiqué pour la consommation d'opioïdes. Au centre-ville de Vancouver, la personne est considérée comme un groupe de pression et peut prescrire des médicaments pour un usage non conforme, mais à d'autres endroits, ce soutien n'est pas possible. Puisque le médecin est seul, il ne peut prescrire que quelques substances. Il n'y a pas de prescripteurs.
L'idée, c'est d'avoir la souplesse nécessaire pour offrir tous les médicaments disponibles qui, nous le savons, sont fondés sur des données probantes. Ensuite, lorsqu'un client s'adresse à vous, vous pouvez avoir une conversation avec lui et lui dire: ne partez pas, j'ai quelque chose pour vous. C'est le médicament qui vous convient le mieux.
Cette personne n'est peut-être pas prête à prendre des médicaments à emporter, mais il faut travailler avec elle. Peut-être que cette personne est prête à ce que quelqu'un l'accompagne ou qu'un membre de sa famille l'aide. Il y a tellement de façons de travailler avec des gens qui ne sont pas supervisés ou qui sont laissés à eux-mêmes.
Est‑ce que cela répond à votre question?
:
La première chose, c'est qu'il y a des preuves que cette supposée « expérience » a sauvé des vies. Le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique a révélé dans le
British Medical Journal que l'initiative avait sauvé des vies. Si nous sommes en désaccord, opposons-nous en connaissant la vérité. Il est tout à fait juste d'être en désaccord, mais il faut connaître la vérité afin que nous puissions construire plutôt que de revenir en arrière. Il faut bâtir parce que nous manquons toujours de services.
La décriminalisation fonctionne dans tous les pays. Il n'est pas utile d'envoyer des personnes en prison parce qu'elles consomment des substances, peut-être en Chine... Il faut bâtir et faire mieux, pas empirer les choses.
Il y a de petites choses que nous accomplissons; nous devons faire mieux. Que pouvons-nous améliorer? Que pouvons-nous y ajouter? C'est un peu l'idée. Si vous n'êtes pas d'accord avec cette mesure, ajoutez‑y quelque chose. Ne détruisons pas les petites choses que nous construisons ensemble.
Au bout du compte, nous sommes tous dans le même bateau. Lorsque des gens meurent, ils n'ont pas de timbre pour faire la fête. Ils meurent tout simplement. La plupart des gens qui succombent vivent dans la pauvreté.
J'ai quitté ma profession avec un grave trouble de stress post-traumatique en 2018, après le premier pic de décès par intoxication au fentanyl et à l'époque du plus grand campement de sans-abri de Nanaimo, le Discontent City.
Le fait d'avoir participé à d'innombrables tentatives ratées de ranimation, d'avoir été témoin du traitement discriminatoire et stigmatisant des personnes qui consomment des drogues, d'avoir vu des patients malades partir avant d'avoir reçu un traitement par crainte de criminalisation, et de ne pas avoir les ressources nécessaires pour prendre soin des gens comme j'ai été formée pour le faire a eu des effets dévastateurs sur ma santé mentale qui m'ont presque tuée. J'étais désespérée et me disais que je n'aurais jamais la capacité de reprendre cette profession que j'aime tant.
En raison de la nature de plus en plus toxique et imprévisible de l'approvisionnement non réglementé des drogues, les personnes qui en consomment subissent des blessures et meurent à des taux croissants comme jamais auparavant et, franchement, les travailleurs de la santé canadiens ne sont pas préparés pour s'en occuper. Cette situation est attribuable à des décennies de mauvaises politiques en matière de drogues qui réduisent ceux qui en consomment à un état inférieur à celui d'être humain.
Aujourd'hui, en tant qu'enseignante, je suis obligée de blinder mes jeunes et bienveillants étudiants en soins infirmiers pour les préparer à une carrière qui les blessera probablement aussi. Je répète qu'il s'agit d'une crise de santé publique et non d'une occasion de recueillir des votes pendant un cycle électoral. La politisation de cette crise tue des gens, et la mise en œuvre réactionnaire de la politique ne fait qu'alimenter la stigmatisation et que contribuer à la propagation alarmiste de fausses informations dangereuses.
Au cours des derniers mois, la Colombie-Britannique a connu une diminution marquée des décès liés aux drogues toxiques, mais après la décision de cette semaine de recriminaliser la consommation de drogues, j'ai le cœur brisé à l'idée de penser qu'encore plus de gens vont mourir.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie l'ensemble des témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. Ils nous aident à réaliser l'ampleur de cette crise et l'importance d'y travailler sérieusement en adoptant une approche basée sur les faits et la science, sans politiser ce dossier.
J'aimerais commencer par un petit témoignage personnel. Adolescente, j'ai eu l'occasion d'aller rencontrer les gens de l'organisme CACTUS Montréal. Je peux dire que leurs témoignages ont probablement contribué à faire naître chez moi un intérêt pour le milieu communautaire, dans lequel j'ai travaillé par la suite.
Monsieur Pagé, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus de votre organisme. En réponse à une question de ma collègue, vous avez précisé qu'il n'y avait pas d'école près de votre organisme. Elle vous a également posé une question au sujet des services policiers. On sait très bien que l'approche que vous adoptez doit vraiment être considérée dans une perspective de continuum de services.
Dans quel genre d'environnement physique votre organisme est-il situé? Que retrouve-t-on aux alentours?
Par ailleurs, quels liens entretenez-vous avec la police?
:
C'est une question complexe et je n'aurai probablement pas assez de temps pour y répondre.
Dopamine a deux installations dans le quartier. Tout à l'heure, on a fait allusion à un parc en face de notre organisme. Il s'agit de notre première installation dans le quartier Hochelaga‑Maisonneuve, qui est notre centre de jour. Dopamine se trouve dans cette maison depuis 2013. En face de cette installation se trouvent un parc et des logements à prix modique. Il y a donc une cohabitation avec l'entourage de façon continue. Nous voulons nous assurer qu'il n'y a pas de seringues laissées à la traîne et qu'il y a une cohabitation harmonieuse.
Le service d'injection supervisée de Dopamine se trouve sur une autre artère, soit la rue Ontario. Au Québec, nous avons les CLSC qui offrent des services de santé. Notre organisme a un local dans un CLSC qui est ouvert le soir. Il y a bien une école secondaire à proximité. Cependant, comme les activités de Dopamine à cet endroit se déroulent le soir, il n'y a pas de cohabitation ou de frictions. Il y a toujours une communication franche entre nous, les acteurs scolaires, les gens de l'entourage ainsi que les citoyens et les citoyennes de la communauté, qu'il s'agisse de l'installation de Dopamine de la rue Ontario ou de celle de la rue Sainte‑Catherine.
Je vais essayer de répondre rapidement à l'autre volet de la question.
En ce qui a trait à la relation avec les postes de quartier, Dopamine a toujours eu une relation de communication à tout le moins administrative avec son poste de quartier. L'objectif est de s'assurer que les patrouilleurs comprennent bien notre mission et ce que nous tentons de faire dans la communauté, et aussi de prévenir les incidents.
La communication est un élément clé à plusieurs égards. Comme je l'ai dit dans ma présentation, l'organisme Dopamine est implanté dans la communauté depuis plus de 30 ans maintenant. Sa présence est souhaitée dans la communauté. L'organisme Dopamine existait et était déjà engagé envers la communauté bien avant qu'il commence à offrir des services de consommation supervisée. Nous avons toujours maintenu une communication autant avec les citoyens et les citoyennes qu'avec les autorités plus officielles, que ce soit en matière de santé, de services policiers ou de sécurité.
Dans l'état actuel des choses, nous avons besoin de services et d'espaces pour accueillir les gens de la communauté autant de jour que de soir. Nos deux installations ont des heures d'ouverture complémentaires. Pour l'instant, nous n'offrons pas de services d'injection et d'inhalation le jour, chose que nous tentons de faire. Nous avons le feu vert des autorités de santé publique, mais nous sommes encore au début de cette démarche. Nous devons d'abord évaluer la faisabilité du projet dans notre immeuble, sur le plan technique.
C'est pourquoi je demandais qu'on facilite la réalisation de projets comme celui-là, qui ne font qu'améliorer la qualité de vie des communautés, puisque les personnes viennent consommer à l'intérieur, sous supervision.
Finalement, c'est pour élargir nos heures d'ouverture et offrir des services de jour et de soir que nous tentons de réaliser ce projet. Toutefois, nous n'en sommes qu'au début.
Cela dit, merci de m'avoir posé cette question.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à chacun de nos témoins.
Votre témoignage montre à quel point il est important pour nous de veiller à réduire les taux de mortalité partout au pays. Chaque décès est important.
Madame Lovegrove, comme vous y avez fait allusion dans votre exposé, chaque victime est un cœur qui a cessé de battre et une famille et une communauté qui sont en deuil. Nous devons agir.
J'aimerais commencer par poser les questions suivantes à Mme Oviedo-Joekes et à Mme Lovegrove: qu'est‑ce que le gouvernement fédéral devrait faire de plus? Devrait‑il déclarer une urgence sanitaire nationale en voyant le nombre de cas augmenter en Alberta et en Saskatchewan? Devrait‑il financer des centres de consommation supervisée afin que nous puissions réduire le nombre de décès, en particulier dans les Prairies, où il est incroyablement élevé et augmente chaque jour?
Madame Oviedo-Joekes, vous avez parlé des opinions divergentes et de la vérité. Quels sont les torts créés par les gens et les politiciens qui font de fausses affirmations pour ce qui est de faire face à cette urgence de santé publique?
:
Pour faire suite à ce que vous dites, nous devons offrir toutes les options aux gens. Si j'étais aux prises avec un problème de consommation, nous ne saurions pas où j'en serais aujourd'hui ou dans 10 ans. Ce n'est pas une condamnation à mort, mais il a été prouvé que les traitements fondés sur la non-consommation de toute substance — les traitements dits « fondés sur l'abstinence » — ont un taux de réussite de seulement 5 %.
Le simple fait de tenir la bandera — désolée pour ce terme en spanglais — et de dire « c'est ce qu'il faut faire » ne fonctionne pas, parce qu'on ne peut pas offrir un seul traitement. On doit les offrir tous parce que les gens se trouvent à différents moments à différentes étapes.
Une personne peut vouloir emprunter une voie, et une autre être prête pour autre chose. Une autre encore pourrait ne vouloir que des produits injectables, et une autre vouloir que ce soit fondé sur des données probantes.
Si vous mentez et dites qu'il est prouvé que cela n'a pas fonctionné, que vous avez l'autorité et prenez la parole, et que vous dites cela simplement parce que vous l'avez entendu aux nouvelles, vous créez de la panique et de la peur chez les gens qui ont des enfants, chez les gens qui ne lisent pas. Il y a ensuite tout un groupe de gens qui disent que cela ne fonctionne pas. L'abus de pouvoir est malsain.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je vais commencer par M. Pagé.
Je suis désolé.
[Français]
Je parle un petit peu français, mais je parle plus lentement en français.
[Traduction]
C'est ainsi.
J'ai trouvé très intéressant que votre organisme s'appelle Dopamine. Je trouve cela intéressant, car la dopamine représente 80 % de la teneur en catécholamine du cerveau. Elle joue un rôle dans le plaisir, la satisfaction et la motivation, ainsi que dans la concentration et le mouvement. J'ai trouvé intéressant que vous utilisiez ce nom pour désigner votre organisme.
Vous avez aussi parlé de la naloxone. L'impression que j'ai eue à ce sujet, c'est que ce n'est pas un produit facilement accessible dans votre région. Au fil des ans, et dans mes discussions avec des ambulanciers paramédicaux, etc., le fait de pouvoir utiliser la naloxone est une question qui les inquiète beaucoup.
Ce qui les inquiète dans certains cas, c'est que, lorsqu'ils administrent de la naloxone, ils doivent se reculer, parce qu'ils craignent que, dès qu'ils l'administrent au patient... Lorsque la personne sort de l'état dans lequel elle se trouve, elle est souvent violente. Je me demande si vous pourriez nous parler de cet aspect de la naloxone.
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J'espère avoir bien compris la question.
Si je disais qu'il était important que la naloxone soit accessible et distribuée facilement dans les communautés, c'est parce qu'il y a encore des endroits où elle est plus difficile d'accès, malheureusement. Or, elle demeure un antidote efficace aux surdoses d'opioïdes.
Quant à la crainte de premiers répondants, je dirais que ce n'est pas tant une réaction violente. C'est la réaction qui peut être perçue, mais c'est plutôt que la naloxone remet souvent la personne dans un état de sevrage. J'ajouterais que, malgré leur réaction parfois un peu sèche après avoir reçu une dose de naloxone, les personnes sont plutôt contentes de se savoir en vie.
Il faut quand même équilibrer ce genre de discours. La naloxone sauve des vies. La réduction des méfaits sauve des vies.
C'est un effet de l'antidote: les gens retournent parfois en état de sevrage. Je n'ai jamais entendu d'histoires ou d'anecdotes où une personne avait eu un éveil violent ou quelque chose de cet ordre. Ce sont plutôt des éveils agités ou surpris, par exemple. Il s'agit d'avoir les bonnes techniques d'intervention. Il faut savoir non seulement comment administrer la naloxone, mais aussi comment travailler avec les personnes qui consomment des drogues. C'est aussi un savoir nécessaire pour travailler dans notre domaine.
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Je parle de ce qui a été promis par la ministre et de ce qui a été fait. Je peux vous parler un peu de ce qui a été promis par la ministre à l'époque. Nous devions obtenir des indicateurs de référence et avoir un ensemble solide d'indicateurs en matière de santé et de sécurité publique. La ministre, à l'époque, en mai 2022, a dit que nous serions en mesure de déterminer non seulement combien de vies ont été sauvées, mais aussi combien de visites à l'urgence et d'hospitalisations il y a eu, et ce que nous entendions à l'époque de la part des maires des villes au sujet des délits mineurs. Elle a dit que tous ces indicateurs nous diraient si nous endiguons vraiment cette crise.
Ensuite, huit mois plus tard, il y a eu une autre conférence de presse en Colombie-Britannique, et c'était au début du projet pilote. À ce moment‑là, la a dit qu'ils allaient avoir besoin d'au moins trois mois pour organiser cela... et pour informer les gens des indicateurs qui ont été choisis. Il semble donc que, huis mois plus tard, les indicateurs n'étaient pas encore choisis. Elle poursuivait en disant que si les gens avaient des idées ou préféraient d'autres indicateurs, qu'il s'agisse d'une petite entreprise ou si les gens disaient... et elle se demandait s'il y aurait d'autres éléments à mesurer pour évaluer l'efficacité du programme. Un élément qui figurait dans la lettre d'exigences était qu'il y aurait plus de traitements, plus de soins.
Le Journal of Community Safety and Well-Being a publié une étude selon laquelle, juste avant l'entrée en vigueur de la décriminalisation, 64 % des collectivités desservies par la GRC en Colombie-Britannique n'avaient accès à aucun traitement ou programme de désintoxication. Cela veut dire que la majorité des villes de la Colombie-Britannique n'avaient pas accès à ces services. Ce n'est pas le seul service qui devrait être offert, mais c'était l'une des exigences pour les augmenter afin de nous assurer d'être prêts. Quand la stigmatisation diminuerait et que les gens pourraient être aiguillés vers des services, ces services seraient là. Malheureusement, ils n'existent toujours pas.
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Il est important d'avoir plus de services de réduction des méfaits, pour la simple et bonne raison que ces projets fonctionnent depuis de nombreuses années. On parle dans ce cas-ci de sites d'injection sécuritaire, mais on pourrait aussi parler de prévention de maladies infectieuses comme l'hépatite C.
Quand les personnes qui consomment des drogues dans une communauté sont en contact avec des travailleurs et des travailleuses du secteur communautaire ou du secteur de la santé, on peut faire un travail de prévention qui aura des effets positifs à long terme. De plus, ça améliore la cohabitation, puisque les personnes ne se cachent plus dans une ruelle, un corridor ou un parc pour consommer leurs substances. Elles vont plutôt le faire dans des espaces sécuritaires, propres et exempts de stigmatisation, autant de jour que de soir. C'est pour ça que nous voulons augmenter ces services.
Par ailleurs, il faut aussi avoir une bonne communication. J'en ai parlé tantôt. Il faut que les organisations communautaires soient suffisamment financées non seulement pour maintenir les services en place, mais aussi pour avoir des travailleurs et des travailleuses qui sont en communication avec les personnes de la communauté. Je pense ici aux travailleurs et aux travailleuses de rue, aux travailleurs de milieu, ou encore aux travailleurs de corridor en milieu scolaire. Il faut d'autres acteurs pour s'assurer d'une bonne cohabitation dans une communauté.
Il ne faut pas créer de tension au sein de la communauté à l'égard de projets fondés sur la réduction des méfaits, dont l'objectif est, je le répète, de sauver des vies et de maintenir une qualité de vie pendant les périodes de consommation.
On ne doit pas mélanger ces deux concepts, bien qu'ils doivent s'embrasser, littéralement. On doit établir une bonne communication avec la communauté, mais surtout fournir des services qui sauvent des vies. Alors...
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Ma préoccupation au sujet du détournement de l'approvisionnement sûr est double.
La première préoccupation, et probablement celle qui m'a le plus touché, en fait, c'est l'impact que cela a eu sur les jeunes. J'ai rencontré des médecins, mais j'ai aussi rencontré les parents de jeunes qui ont succombé à une surdose.
L'un des premiers pères que j'ai rencontrés s'appelait Dave. Sa fille est morte d'une surdose de fentanyl. Au moment de son décès, elle avait dans sa chambre plusieurs bouteilles d'hydromorphone provenant d'un approvisionnement sûr qui ne lui avaient pas été prescrites. Je lui ai parlé et il m'a dit que sa fille avait commencé à consommer du cannabis, puis qu'elle avait commencé à expérimenter d'autres drogues.
Je trouve cela alarmant. Je pense que, étant donné qu'il n'y a pas vraiment eu d'étude en Colombie-Britannique sur les répercussions du détournement de l'hydromorphone sur la crise des surdoses, il faut y accorder plus d'attention.
Ma deuxième préoccupation, c'est que nous constatons maintenant, en Colombie-Britannique, que l'hydromorphone détournée est trouvée par la police dans le cadre de ses enquêtes sur les drogues. Des policiers ont même témoigné, je crois, devant ce comité, qu'il y a un lien entre certaines de ces enquêtes et le crime organisé.
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L'une des histoires les plus marquantes et les plus terribles que j'ai entendues est celle d'un père qui s'appelle Greg. Sa fille a commencé à consommer de la drogue à l'âge de 14 ans. Elle est morte à 15 ans. La répercussion généralisée est qu'elle et ses amis consommaient de la drogue ensemble. Parmi ces jeunes, une fille est toujours en vie. Elle a déclaré qu'elle et ses amis avaient commencé par se procurer des doses de dillies; c'est ainsi que l'on appelle les comprimés d'hydromorphone Dilaudid dans la rue. Ils pensaient que c'était sans risque.
Ils ont commencé à être malades. Au début, ils en prenaient une fois de temps en temps, puis ils ont ressenti le besoin d'en prendre plus souvent. Ils en sont ensuite arrivés au point où, s'ils arrêtaient d'en prendre, ils se sentaient malades. Lorsqu'elle n'a plus été en mesure de gérer ses symptômes de sevrage, ne serait‑ce qu'en prenant des doses de dillies, la seule fille du groupe qui a survécu a commencé à prendre du fentanyl. Bien qu'elle ait eu accès à un traitement par agonistes opioïdes à l'époque, elle consomme toujours de la drogue aujourd'hui. Je connais très bien sa mère. Elles vivent quelque chose d'épouvantable.
Il n'y a pas assez de mesures de soutien ni de services, et ce problème est très répandu. Lorsqu'il touche des enfants ou même de jeunes adultes ou des adultes, il a une incidence sur leurs groupes d'amis.
L'une des choses les plus importantes qui me préoccupent vraiment... Si vous me le permettez, j'aimerais lire ce qui suit aux fins du compte rendu. Il s'agit des renseignements sur les médicaments que Purdue Pharma fournit aux patients. On peut y lire:
Vous ne devez jamais donner DILAUDID à quelqu'un d'autre, car cela pourrait causer sa mort. Même une dose unique de DILAUDID, prise par une personne à qui il n'a pas été prescrit, peut entraîner une surdose mortelle. Ceci est encore plus susceptible de se produire chez les enfants.
On y lit également:
Même si vous prenez DILAUDID comme il vous a été prescrit, il existe un risque de toxicomanie, d'abus et de mésusage lié à l'utilisation des opioïdes qui peut entraîner une surdose et la mort. Pour savoir si vous présentez un risque de dépendance, d'abus et de mésusage des opioïdes, il est conseillé de communiquer avec votre prescripteur.
Ce qui me préoccupe, c'est le manque de recherche à ce sujet...
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Nous avons entendu les deux camps sur la question de l'approvisionnement sûr. Certains ont dit qu'il y a suffisamment de données probantes sur les effets bénéfiques de l'approvisionnement sûr — la version canadienne de l'approvisionnement sûr —, qui consiste à obtenir de nombreuses doses de Dilaudid pour ensuite les emporter à la maison.
Nous avons également entendu le contraire de la part de représentants de Santé Canada, qui semblent généralement soutenir l'idée. Cependant, ils ont admis qu'il n'existait pas beaucoup de données probantes pour justifier l'approvisionnement sûr au Canada.
La commission Stanford-Lancet, qui était très opposée à un approvisionnement sûr, a abondé dans le même sens. J'aimerais souligner que dans son examen de l'approvisionnement sûr, la directrice de la santé publique de la Colombie-Britannique a également dit qu'il n'y avait pas beaucoup de bonnes données probantes sur l'approvisionnement sûr.
Il existe cependant de nombreuses données probantes de qualité au sujet du traitement par agonistes opioïdes injectables. L'étude Initiative nord-américaine sur les médicaments opiacés, ou NAOMI, et l'étude sur l'évaluation de l'efficacité à long terme des opioïdes, ou SALOME, comme l'a souligné Mme Goodridge, proposaient le recours à un traitement sous supervision directe. Une grande partie des données probantes provenant de la Suisse et des études qui sont à nouveau citées pour justifier l'approvisionnement sûr proposaient aussi le recours à un traitement où l'injection des drogues se ferait sous supervision. À l'époque, cela concernait l'héroïne.
Les inquiétudes relatives au détournement sont, à mon avis, tout à fait légitimes. Les Suisses ont adopté cette approche en raison des préoccupations au sujet du détournement. Bon nombre de gens en Colombie-Britannique meurent encore à cause du fentanyl. C'est ce qui les tue. Même s'ils reçoivent du Dilaudid, ce n'est pas suffisant pour eux. Ils consomment du fentanyl.
Que pensez-vous du traitement par voie intraveineuse sous supervision — comme le modèle suisse —, où les gens peuvent se rendre dans un centre de traitement et s'injecter des doses de fentanyl devant témoins?
Seriez-vous en faveur de cela, ou au moins prêts à l'envisager?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, chers témoins, de vos témoignages.
Monsieur le président, avant de poser ma question aux témoins, j'aimerais aborder un autre sujet. J'espère que cela ne prendra pas beaucoup de temps.
Compte tenu des commentaires formulés par la semaine dernière, selon lesquels il pourrait utiliser la disposition de dérogation s'il en avait l'occasion, la pétition déposée par M. Arnold Viersen mardi pour restreindre l'accès à l'avortement au Canada, et la Marche pour la vie anti-choix devant la Colline du Parlement aujourd'hui, j'estime qu'il convient de présenter la motion suivante, que j'ai lue le 15 février.
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Merci, monsieur le président.
Ce qui se passe est extrêmement troublant. Nous accueillons des témoins extraordinaires aujourd'hui, qui ont présenté des témoignages très percutants. J'espérais pouvoir leur poser d'autres questions. Malheureusement, le gouvernement profite de l'occasion pour faire de la politique partisane au sujet de la santé des femmes. Franchement, je trouve cela déplorable.
Je comprends que les députés d'en face souhaitent étudier la santé des femmes, et c'est précisément pour cette raison que j'ai présenté ma motion sur le dépistage du cancer du sein.
Chose intéressante, ce matin, la Société canadienne du cancer a modifié ses lignes directrices. Elle s'est éloignée de ce que le gouvernement fédéral et le groupe de travail sur la santé ont proposé au sujet de la santé des femmes. Sa recommandation officielle est d'amorcer le dépistage du cancer du sein à 40 ans plutôt qu'à 50 ans. Cela montre à quel point ce gouvernement est à la traîne dans le domaine de la santé des femmes et à quel point le groupe de travail n'a pas été à la hauteur en matière de dépistage au Canada. Le fait que la Société canadienne du cancer ait dû modifier ses recommandations avant que le gouvernement ne le fasse, parce qu'il est resté les bras croisés, faisant en sorte que davantage de femmes souffrent d'un cancer du sein qui aurait pu être évité...
Je dis cela, car, comme les membres de ce comité le savent, c'est un sujet qui me préoccupe profondément. J'ai perdu ma mère des suites d'un cancer du sein. J'avais 21 ans; elle en avait 49. En vieillissant, et en voyant mes enfants grandir, j'y pense tous les jours. Qu'arriverait‑il s'ils devaient grandir sans leur mère, comme j'ai dû le faire? Mes frères ont dû grandir sans leur mère.
Chaque jour, je parle à des gens de partout au pays qui me racontent leur histoire et l'incidence que le cancer du sein a eue sur leur vie.
Il est très troublant que ce gouvernement n'ait rien fait dans ce domaine. J'ai proposé une motion en avril, à l'occasion du Mois de la sensibilisation au cancer. Le comité de la santé devrait en faire une priorité.
Nous avons maintenant l'habitude, au sein de ce comité, d'effectuer des études très générales sans pour autant aller au cœur d'un problème précis. Lorsque nous menons des études très vastes, l'un des plus grands défis est que nous ne parvenons pas à trouver des solutions.
Je n'essayais pas de faire de la politique lorsque j'ai proposé...