[Français]
Bienvenue à la 130e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
[Traduction]
Je voudrais rappeler à tous les membres du Comité les points suivants.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
[Français]
Je vous remercie tous de votre coopération à cet égard.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 25 septembre 2024, le Comité poursuit son étude sur la violence fondée sur le sexe et les féminicides contre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre.
Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais faire une mise en garde. Nous allons discuter d'expériences liées à la violence et aux féminicides. Cela peut être un sujet sensible pour les personnes qui ont vécu des expériences similaires. Si, à un moment donné, vous ressentez de la détresse ou avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
Pour tous les témoins et tous les députés, il est très important de reconnaître qu'il s'agit de discussions très difficiles et que nous devons faire preuve de compassion dans nos échanges.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Sunder Singh, du Elspeth Heyworth Centre for Women. Elle est directrice exécutive et se joint à nous par vidéoconférence.
De la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, nous accueillons Julie St‑Pierre Gaudreault, conseillère en matière de politiques, qui se joint à nous par vidéoconférence. Nous accueillons également, par vidéoconférence, Mme Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.
Nous accueillons aussi Mme Amanda Buffalo, conseillère, Liard Aboriginal Women's Society.
Il y a eu un peu de mouvement avec certains de nos témoins qui ont eu des problèmes de technologie, alors j'essaie de m'assurer que nous avons les bonnes personnes ici.
Enfin, bien sûr, nous avons Jill Young dans la salle. Elle est présidente-directrice générale de l'Alberta Council of Women's Shelters.
Bienvenue à tous les témoins et, bien sûr, à tous les membres du Comité.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de cinq minutes de chaque organisation.
Pour commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Singh. Vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Sunder Singh. Je suis la directrice exécutive du Elspeth Heyworth Centre for Women, aussi connu sous le nom d'EHCW, situé à Toronto et dans la ville de Vaughan.
Des victimes de violence familiale visitent ces centres, et de 100 à 300 cas y sont signalés chaque année. Nous sommes témoins de l'impuissance des victimes lorsqu'elles se battent contre le système judiciaire et les forces de l'ordre, y compris les organismes de protection de l'enfance qui, comme nous l'avons vu dans de nombreux cas, ne comprennent pas la terreur des victimes maltraitées qui sont menacées de se faire enlever leurs enfants en raison de leurs crises émotionnelles. Les crises émotionnelles sont considérées comme de l'instabilité mentale.
Nous avons vu des cas où des mères ont été accusées d'avoir eu des troubles mentaux alors que la perte de leurs enfants avait provoqué un tollé émotionnel. Elles crient à l'aide, mais les enfants leur sont retirés parce que l'agresseur est perçu comme étant poli, calme et convaincant, mais c'est un manipulateur chronique.
Au centre, nous avons assisté à l'histoire classique d'une femme arrivant d'un autre pays en tant que nouvelle mariée. Elle s'est mariée par amour à un homme qui avait déjà été marié. Sa première femme s'était enfuie. Il cherchait une nouvelle épouse pour pouvoir continuer sa violence. Lorsque la nouvelle mariée, que j'appellerai Cindy, est arrivée au Canada, pleine d'amour pour son mari, elle a dû faire face à des violences domestiques de la part de ce dernier et de sa belle-mère.
Lorsque Cindy était enceinte, il lui a cassé le bras, affectant son coude. Elle a subi une intervention chirurgicale pour sauver son coude. Il lui a cassé le bras à nouveau, affectant gravement le mouvement de son coude. Elle a donné naissance à un enfant, qu'elle transportait précairement d'un bras. L'autre bras a été endommagé. Son mari a continué à la battre.
Elle est venue au centre pour demander de l'aide. Elle a été placée dans un logement et a obtenu un bon emploi dans son domaine. Elle était comptable. Elle était en route vers l'autosuffisance, loin de son mari, mais le leurre et les excuses ont commencé, et son mari lui a fait de fausses promesses. Elle a accepté de revenir à lui. L'homme a commencé à enregistrer chacun de ses mouvements. Elle n'était pas au courant.
Sa belle-mère a répandu de l'huile partout dans la cuisine pour la faire glisser et tomber le soir lorsqu'elle venait chercher du lait pour son enfant. Elle est tombée et a endommagé son coude de façon permanente.
Le mari a enregistré une vidéo dans laquelle elle changeait de façon précaire la couche de l'enfant avec une main et l'autre bras endommagé. L'enfant donnait des coups de pied et elle l'empêchait de donner des coups de pied. Il a pris une partie de cette vidéo et l'a remise à la police. La police a remis la vidéo à l'agence de protection de l'enfance, qui a menacé Cindy de lui retirer son enfant. Cela a déclenché une panique. Elle a parlé sans arrêt avec le cri d'une mère déchirée et a essayé à maintes reprises de faire comprendre à tous ceux qui pouvaient l'entendre qu'elle était seule dans ce pays et qu'elle était victime de violence, et maintenant, les forces de l'ordre et l'agence de protection de l'enfance lui retiraient son enfant.
Lorsque l'EHCW a posé la question, il a été révélé que l'agence de protection de l'enfance ne savait pas du tout que le mari abusait violemment de Cindy.
L'agence de protection de l'enfance a fourni des preuves au tribunal selon lesquelles Cindy était une mère instable mentalement. L'enfant a été confié au père.
Le médecin de Cindy, son professeur et la police avaient signalé les mauvais traitements et écrit des lettres indiquant clairement que l'enfant devait rester avec la mère. Comme elle était incapable de contrôler ses émotions, cela lui a nui auprès de certaines des organisations auxquelles elle était censée faire confiance.
Dégoûtée du système judiciaire, elle a quitté le pays pour aller vivre avec sa famille aux États-Unis. Elle utilise maintenant un faux compte pour rester secrètement liée à son fils. La mère et le fils attendent patiemment qu'il atteigne l'âge adulte pour qu'il puisse retrouver sa mère.
Les organismes qui assurent la protection protègent-ils efficacement les mères et les enfants? Les forces de l'ordre font du bon travail. Cependant, il faut être conscient de la façon dont les mères sont traumatisées lorsqu'elles sont menacées d'être séparées de leurs enfants.
Les refuges fonctionnent à plein régime, et les logements pour les femmes victimes de violence ne sont pas facilement accessibles non plus. Pourquoi cette question ne constitue‑t‑elle pas un grave problème de société pour le gouvernement?
Pourquoi les agresseurs sont-ils emprisonnés pendant deux jours, deux semaines ou deux ans alors que la vie d'une femme est complètement détruite émotionnellement? Elle est quasiment morte. Les enfants sont affectés de façon permanente. Pourquoi les agresseurs ne sont-ils pas emprisonnés à vie? Si c'était le cas, la violence diminuerait instantanément.
S'il vous plaît, faites de la formation sur la violence familiale une exigence obligatoire pour tous les juges du système judiciaire. Cela permettrait de protéger les femmes.
Merci.
:
Bonjour. Je m'appelle Manon Monastesse et je suis la directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Je suis accompagnée de notre conseillère en enjeux politiques, Mme Julie St‑Pierre Gaudreault.
La Fédération des maisons d'hébergement pour femmes représente 60 maisons d'hébergement au Québec. Il s'agit autant de maisons de première ligne, ou maisons d'urgence, que de maisons de seconde étape. Nous sommes la seule association, au Québec, qui accueille n'importe quelle femme victime de violence faite aux femmes, et non pas uniquement les femmes victimes de violence conjugale. Nous recevons donc des femmes victimes de violence qui se présente sous de multiples formes, qu'il s'agisse d'agressions sexuelles, de violences familiales, d'exploitation sexuelle ou de violence basée sur l'honneur, par exemple.
En ce qui concerne notre capacité d'accueil, notre taux d'occupation est actuellement de 106 %. Quand les femmes nous appellent, c'est par manque de place que nous devons malheureusement les refuser. Cela représente quand même 11 000 refus.
Comme vous le savez, le Québec a connu une vingtaine de féminicides. Parmi les femmes que nous recevons, 26 % nous disent avoir été victimes de menaces de mort ou de tentatives de meurtre. Par ailleurs, 25 % veulent porter plainte, par opposition à 38 % qui ne veulent pas le faire. Au Québec, nous avons maintenant des tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, mais ils n'ont pas encore été implantés dans tous les districts judiciaires. Nous verrons quelle sera leur incidence sur la confiance que les femmes victimes de violence ont envers notre système de justice.
Rappelons-nous qu'au Québec, on a publié un rapport phare qui s'intitule « Rebâtir la confiance », en l'occurrence la confiance des femmes victimes, et qui comporte 190 recommandations. Certaines recommandations ont été mises en œuvre, mais cela reste assez récent. C'est donc au cours des prochaines années que nous pourrons mieux observer les répercussions de ce rapport et des différentes mesures qui auront été mises en œuvre.
De notre côté, nous avons des préoccupations au sujet du plan d'action du fédéral, soit le Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, plus précisément en ce qui concerne l'atteinte des objectifs et la mise en application des fondements de ce plan d'action. Nous faisons aussi partie du réseau Hébergement femmes Canada et nous pouvons constater que, malheureusement, les femmes n'ont toujours pas accès aux mêmes services ni à la même qualité de service partout au pays.
La mise en œuvre du Plan d'action national repose sur des fondements solides qui se déclinent en trois volets.
Comme on le sait, le premier volet est celui du leadership, de la coordination et de la mobilisation.
Le deuxième volet est celui des données statistiques. À ce sujet, il faut dire que les rapports de Statistique Canada nous posent un problème majeur, car ceux-ci ne tiennent pas compte des rapports de pouvoir, des rapports de domination et, entre autres, du contrôle coercitif. On se retrouve devant des données qui sont souvent symétriques d'un genre à l'autre, ce qui ne concorde pas du tout avec les données provenant de nos rapports provinciaux. Je pense que c'est la même chose partout au Canada. Cela fait des années que nous dénonçons la méthodologie employée par Statistique Canada. Il faudrait donc avoir, à l'échelle du Canada, des données qui reflètent véritablement l'état de la situation quant aux violences faites aux femmes.
Il y a aussi le troisième volet, qui traite de production de rapports et de surveillance.
Selon nous, il y a actuellement un problème dans l'évaluation de l'état de la situation relativement à la mise en œuvre de ces trois volets. Sur le plan de la reddition de comptes, il faut faire une évaluation complète de ce qui est mis en œuvre par le plan d'action fédéral, en plus d'harmoniser les mesures provinciales avec celui-ci.
Dans cette perspective, nous sommes particulièrement d'accord sur les conclusions du rapport du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, ou FAEJ. Ce dernier demande la création d'un poste de commissaire indépendant en matière de violence fondée sur le genre, voire une commission indépendante sur le sujet, dont le mandat sera d'assurer une reddition de comptes, d'évaluer l'état de la situation à l'échelle du Canada et de voir comment les nombreux plans d'action provinciaux s'arriment à celui du gouvernement fédéral pour mieux définir les pratiques exemplaires, dans un premier temps, et pour voir comment le leadership du gouvernement fédéral peut...
:
Bonjour. Je suis la fondatrice de La Maison des Guerrières, mais je suis aussi une victime qu'on a retrouvée laissée pour morte.
Notre système comporte énormément de failles, et nous essayons encore de comprendre pourquoi il en est ainsi. Dans mon cas, on m'a retrouvée laissée pour morte il y a 30 ans, et rien n'a changé depuis. Je dirais même que les choses ont empiré.
Les délais de cour sont terriblement longs. On place des femmes dans des refuges pour femmes victimes de violence, mais, au bout de deux ou trois mois, ces femmes doivent en sortir. Où se trouve alors le conjoint violent? Il est encore là, à la sortie du refuge. Il ne devrait pas y avoir de délais de cour; il faut que la cour agisse immédiatement.
On demande à des femmes de quitter leur maison, leurs meubles, leurs biens, leur travail, tout ce qu'elles ont, alors que ce sont elles les victimes et que ce sont les conjoints qui sont violents. Au Québec, il n'y a aucune thérapie, aucun endroit pour aider ces hommes violents. Je crois qu'on doit bâtir des maisons pour hommes violents et y placer ces hommes. Ils devraient y suivre non pas des petites thérapies une fois par semaine, mais des thérapies à temps plein avec des experts qui pourront, lorsqu'on se présentera devant la cour, expliquer la dangerosité de ces hommes. Devant la cour, c'est la version de l'un contre la version de l'autre, comme l'ont dit d'autres témoins. Souvent, les femmes sont très émotives. Je l'étais lorsque je me suis présentée en cour. Bien sûr, comme j'étais une victime qui avait été laissée pour morte, je pleurais, j'étais très émotive, j'étais apeurée.
Nous avons aussi beaucoup de problèmes du côté de la Direction de la protection de la jeunesse, soit la DPJ. Dans mon travail, je m'occupe de dossiers de la DPJ. Toutes les femmes victimes de violence conjugale se font retirer leurs enfants, soit parce qu'elles sont soi-disant aliénantes, soit parce que l'on considère leurs dossiers comme étant des conflits de séparation. Or, la violence conjugale n'est pas un conflit de séparation; la femme la subit et les enfants en sont témoins. Les enfants en sont aussi victimes que les mères.
Les intervenantes et les intervenants en matière de protection de l'enfance, avec lesquels nous devons traiter, ne sont pas bien formés. Ils ne comprennent pas la situation. L'homme leur semble charmant et bon, mais c'est un manipulateur et il manipule la société au complet. Quand on regarde les nouvelles, on entend toujours les gens dire qu'ils n'auraient jamais pensé que tel homme aurait fait une telle chose, parce qu'il était gentil et poli. Dans le système de protection de l'enfance, les mêmes choses se produisent: les intervenantes et les intervenants en place ne sont pas capables du tout de bien évaluer la situation. Quand j'interviens dans des dossiers, je constate qu'ils sont parfaitement incapables de reconnaître la violence conjugale. Ils considèrent qu'il s'agit d'un conflit de séparation. La mère a tout quitté, elle a tout perdu, et en plus on lui enlève ses enfants et on les remet au père violent; c'est grave.
Comme je vous le dis, dans le système de justice, c'est la même chose. Je vais témoigner à la cour dans tous les dossiers dont je m'occupe, et les juges ne comprennent pas du tout la violence conjugale. C'est la version de la mère contre celle du père. Cependant, la mère n'a pas toujours pu garder des enregistrements ou des preuves des bleus, des coups ou de tout ce qui s'est produit dans la maison.
La chose la plus importante dont je veux vous parler aujourd'hui, ce sont les délais de cour. J'ai des clientes qui attendent deux ans ou même trois ans avant de témoigner en cour criminelle contre l'homme qui les a agressées. Pendant ce temps, ces femmes vivent dans une peur constante. Elles ne peuvent pas rester indéfiniment dans des refuges pour femmes violentées. Les hommes violents ont accès à elles en tout temps. C'est facile, par Facebook ou d'autres moyens, de retrouver ces femmes. Par exemple, ils vont se rendre à leur lieu de travail, suivre les enfants à la sortie de l'école ou suivre des membres de la famille.
Lorsqu'il s'agit d'un dossier de violence conjugale, le dossier devrait être traité immédiatement par un juge, en urgence, comme on le fait dans des dossiers de la DPJ. La DPJ peut intervenir en urgence. Je crois que, dans les cas de violence conjugale, on devrait avoir les mêmes droits. Il faut que la femme puisse avoir sa liberté et qu'on enferme l'homme, car c'est lui, le coupable. C'est l'homme qu'on doit mettre dans un centre ou dans un endroit pour qu'il soit suivi.
C'est ce que je voulais vous dire aujourd'hui.
La Liard Aboriginal Women's Society a envoyé un mémoire au Comité, ainsi que plusieurs documents de référence.
Ce que je tiens à communiquer au Comité, c'est que les femmes et les filles autochtones sont réticentes à déclarer les situations de violence à la police, en particulier dans notre territoire. Au Yukon, l'industrie extractive est source d'une violence importante. L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et le rapport publié en mai 2022 par l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale présentent des preuves de la misogynie, du racisme et de la violence sexuelle que la GRC exerce à l'encontre des femmes autochtones, et nous en ressentons certainement les effets dans tout le territoire.
Depuis aussi longtemps que l'industrie de l'extraction des ressources revendique les territoires non cédés de nos peuples, les nations autochtones résistent aux pratiques non durables de l'État colonial et de l'industrie de l'extraction, appliquées par la GRC, que sont le vol et la dépossession de leurs territoires et la violence faite aux femmes.
Nous remercions le Comité d'avoir entrepris une étude sur la crise nationale de la violence fondée sur le sexe et les féminicides et nous présentons des recommandations à des fins d'examen et de mise en œuvre.
Les Dénés Kaska, notre société matriarcale composée des Dénés Tsíyōnéʼ et des Dénés Mésgâ, qui viennent respectivement du clan du loup et du clan du corbeau, et LAWS, comme on nous appelle, défendent la loi traditionnelle des Dénés Kaska, la Dene Ā’Nezen, qui consiste à prendre soin de nos terres et de nos eaux comme nos relations.
Nous rejetons le régime injuste de libre accès à l'exploitation minière, qui permet à quiconque d'installer des piquets pour mener des activités sur des terres autochtones sans obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des titulaires de droits des Dénés Kaska. Ce régime a causé d'importants préjudices aux femmes et des conséquences environnementales, sociales, culturelles, économiques et spirituelles sur Dene Kēyeh, c'est‑à‑dire les territoires traditionnels non cédés des Dénés Kaska. La mine de plomb et de zinc abandonnée de Faro, d'une superficie de 25 kilomètres carrés, est l'un des exemples de cette destruction. La contamination s'étend bien au‑delà du site minier.
La LAWS est contre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones et les dommages environnementaux résultant des pratiques coloniales d'exploitation des ressources. Nous voulons guérir les cicatrices de nos femmes et de nos terres.
Nous avons déposé plusieurs rapports, et vous les trouverez dans le document. Je tiens à préciser que nous avons mené des études, que nous sommes allés sur le terrain et que nous connaissons les dommages causés par ces industries. Pour vous donner une idée du contexte, les chiffres révèlent que de 2014 à 2021, il y a eu sept féminicides au Yukon, dont six contre des femmes autochtones.
Les femmes autochtones représentent 86 % des victimes de féminicide au Yukon au cours de cette période. Il s'agit également du taux le plus élevé de féminicide contre des femmes autochtones au Canada. Dans le territoire Kaska, c'est particulièrement important, car les femmes des Dénés Kaska représentent plus de 50 % de toutes les femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Yukon.
Nos travaux visent à démontrer les effets négatifs de l'éthique coloniale en matière d'exploitation de l'industrie minière sur le traitement des femmes autochtones et racisées qui travaillent dans les mines — des lieux de travail dominés par les hommes —, dans les conditions de vie des camps et dans nos collectivités. Dans le cadre des études que nous vous avons présentées, nous parlons beaucoup de la santé au travail et des règles de sécurité en cas d'agression sexuelle dans les camps, mais aussi au sein de nos collectivités. Le signalement représente un défi particulier, car nos femmes craignent de s'adresser à la GRC ou aux autorités, et nous voulons faire davantage pour assurer la sécurité de nos femmes dans nos collectivités.
Je vous demanderais de vous référer aux documents fournis pour examiner les propositions, mais je vais également formuler quelques recommandations de mesures d'intervention.
Nous demandons au Comité de reconnaître que l'utilisation d'euphémismes comme « développement » et « mise en valeur des ressources », des expressions qui évoquent la croissance, le progrès et le changement positif, ne tient pas compte de la réalité des projets coloniaux au Canada. Les peuples autochtones sont déplacés afin de voler des terres et des ressources pour l'avantage économique, politique et social des entreprises privées, des colonisateurs et de l'État, c'est‑à‑dire les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral. Les pratiques coloniales historiques d'extraction des fourrures, des forêts, des poissons, des minéraux et d'autres ressources ont imposé la violence aux peuples autochtones, dévalorisé nos rôles sociaux, culturels et politiques, surtout celui des femmes autochtones dans nos communautés, et porté atteinte à l'environnement physique, à l'habitat des plantes et des animaux et à l'existence humaine. Pourtant, ces pratiques se poursuivent. Il est temps de mettre fin à cette violence.
LAWS demande donc respectueusement au Comité permanent de la condition féminine de prendre les mesures recommandées qui suivent.
Tout d'abord, en ce qui concerne les ressources financières, il faut demander le soutien de tous les partis en vue de fournir un financement gouvernemental adéquat qui fait partie d'un financement de base durable et à long terme pour les organismes de femmes autochtones; un financement pour la création de politiques applicables à l'ensemble de l'industrie et informées par les femmes qui ont une expérience vécue, en particulier dans l'industrie de l'extraction des ressources; un financement qui permet aux organisations non gouvernementales de défense des femmes de respecter la souveraineté autochtone et la sécurité des femmes et des filles autochtones; et enfin, un financement qui permettra de mener davantage d'études et de recherches, conformément au rapport intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place.
En ce qui concerne le deuxième volet, soit la responsabilité, il faut s'assurer que le Canada remplisse ses obligations de respecter, de protéger et de mettre en œuvre les droits à l'égalité des femmes et les droits de la personne des peuples autochtones en vertu du droit national et international par l'entremise de son examen périodique universel des Nations unies et de ses rapports sur les objectifs de développement durable, ainsi que la réforme des lois et des politiques, et qu'il utilise l'analyse comparative entre les sexes plus pour financer la participation des femmes autochtones et l'inclusion de femmes autochtones dans des rôles décisionnels dans le cadre des évaluations environnementales et socioéconomiques des propositions de l'industrie extractive.
Le troisième volet est celui de la mise en œuvre. Le gouvernement doit veiller à ce que la Commission de vérité et réconciliation, le rapport intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place, les appels à la justice et l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones soient financés de manière adéquate, afin que la communauté puisse travailler à la mise en œuvre des recommandations, des appels à la justice et des appels à l'action.
Enfin, en ce qui concerne le volet de la réconciliation et de la restauration, les coûts liés à la mise en œuvre des recommandations en matière de justice et de réconciliation et à la restauration des terres aliénées des peuples autochtones devraient être couverts par le gouvernement et l'industrie, qui ont profité et qui continuent de profiter des avantages découlant des projets de l'industrie de l'extraction des ressources.
La Liard Aboriginal Women’s Society est une organisation non gouvernementale qui existe depuis 25 ans. Nous connaissons donc bien ces enjeux, et nous sommes ici aujourd'hui pour vous encourager à prendre des mesures qui nous aideront à mettre fin à la violence dans nos collectivités et à éviter aux générations futures de devoir mener le même combat dans 25 ans.
Sógá sénlá'
:
Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Jill Young et je suis présidente-directrice générale du YWCA de Lethbridge et District. Je représente seulement quelques-unes des voix de ma communauté de Lethbridge, en Alberta.
L'ampleur internationale de la crise actuelle est stupéfiante. En effet, au moins une femme ou une fille est tuée tous les deux jours et demi au Canada, le plus souvent par un homme. Les femmes et les filles autochtones sont 12 fois plus susceptibles d'être assassinées ou portées disparues que les autres femmes au Canada. En 2022, 868 enfants ont été privés de leur mère à la suite d'un féminicide.
Plus de quatre femmes sur dix ont subi une forme ou une autre de violence de la part d'un partenaire intime au cours de leur vie, et près d'un tiers des femmes de plus de 15 ans déclarent avoir été victimes d'une agression sexuelle. Cela signifie que lorsque je regarde les participantes à la réunion d'aujourd'hui, au moins quatre d'entre vous ont subi une forme ou une autre de violence de la part d'un partenaire intime.
Ces chiffres sont accablants, et nous sommes témoins de leurs effets sur le terrain tous les jours à Lethbridge.
Lethbridge a l'un des taux les plus élevés de violence entre partenaires intimes — qui est une forme de violence fondée sur le sexe — en Alberta, car les données de 2022 de Statistique Canada révèlent un taux bien supérieur à la moyenne nationale. Harbour House, un refuge d'urgence pour les femmes et les enfants qui fuient la violence et le seul refuge de ce type à Lethbridge, a connu une augmentation de 15 % des appels de crise au cours de la seule année dernière. Nous avons pu héberger 400 personnes au cours de l'année, mais en raison de contraintes relatives à la capacité, 827 personnes n'ont pas pu être hébergées. Si la tendance se maintient, nous prévoyons que ce chiffre pourrait avoisiner les 1 000 personnes cette année.
Dans notre centre d'hébergement, nous avons également observé une augmentation de 31 % du nombre d'enfants qui ont besoin d'un refuge. Ces enfants échappent à des situations traumatisantes, mais ils ne trouvent que des ressources limitées pour leur rétablissement et leur stabilité.
Lethbridge fait face à une combinaison unique de défis qui contribuent à ces taux élevés de violence entre partenaires intimes. En effet, à titre de centre régional pour le Sud de l'Alberta, Lethbridge dessert une population importante, diversifiée et souvent mal desservie, y compris de nombreuses collectivités rurales et autochtones qui ont un accès limité aux ressources. Cet afflux accroît la demande de services locaux, ce qui a souvent pour effet d'étirer nos ressources jusqu'au point de rupture. En outre, des problèmes socioéconomiques comme les taux de pauvreté et de toxicomanie plus élevés que la moyenne à Lethbridge ajoutent à la complexité de la situation.
L'instabilité financière et la toxicomanie sont des facteurs de risque bien documentés dans les cas de violence entre partenaires intimes, et il devient encore plus difficile de briser le cycle de la violence dans notre collectivité. Les pressions économiques exacerbées par l'inflation, le manque de logements abordables et les services de santé mentale insuffisants mettent encore plus à l'épreuve la capacité d'organismes comme le nôtre à combattre et à prévenir efficacement la violence entre partenaires intimes.
Les facteurs locaux se font l'écho de ce que nous savons déjà au niveau national, c'est‑à‑dire que la violence fondée sur le sexe est un problème complexe et systémique profondément enraciné dans une inégalité entre les sexes qui perdure. Pourtant, les féminicides et la violence fondée sur le sexe ne sont pas inévitables et il est possible de les prévenir. Notre société a le pouvoir de prévenir ces tragédies si nous nous engageons à nous attaquer à leurs causes profondes à l'aide d'une approche multidimensionnelle et coordonnée.
Le Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe peut être un guide précieux, mais pour une mise en œuvre réussie, les dirigeants de tous les ordres de gouvernement doivent prendre les mesures nécessaires, collaborer entre eux et prendre leurs responsabilités. Le Plan d'action nationale a été lancé en 2022, mais nous observons toujours une augmentation des formes de violence fondée sur le sexe, et plus particulièrement des agressions sexuelles.
Il est donc nécessaire que tous les intervenants du système travaillent ensemble, c'est‑à‑dire que les différents ordres de gouvernement — fédéral, provincial et municipal — doivent collaborer avec des organismes comme le nôtre pour assurer une gamme complète de services accessibles. Nous avons besoin d'investissements soutenus dans la capacité des refuges d'urgence, les soutiens à la santé mentale, les services tenant compte des traumatismes, les logements abordables et les programmes qui tiennent compte des réalités culturelles. Nous ne pouvons pas nous attaquer à la violence fondée sur le sexe sans nous pencher d'abord sur les vulnérabilités économiques et sociales qui mettent les femmes et les enfants en danger.
Nous connaissons les statistiques et les causes profondes. Nous disposons de milliers d'heures de recherches et de centaines de rapports sur le sujet. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'une démarche décisive et multidimensionnelle qui rassemble tous les intervenants pour mettre en œuvre une solution de toute urgence, dans un esprit d'engagement et de responsabilité.
Nous devons savoir que le plan que nous suivons permettra de créer une réalité dans laquelle la sécurité, l'équité et la dignité seront la norme pour toutes les femmes au Canada.
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leurs excellents témoignages.
Je ne suis pas une membre permanente du Comité, et lorsque j'assiste aux réunions, je constate que l'on discute de questions très préoccupantes. Les membres du Comité et les témoins qui comparaissent devant le Comité méritent des félicitations pour le courage dont ils font preuve en soulevant ces questions qui, à mon avis, devraient se trouver davantage au premier plan de nos discussions politiques qu'elles ne le sont actuellement.
J'aimerais poser quelques questions à certaines d'entre vous.
Madame Singh, je vous remercie de votre témoignage. À la fin de votre déclaration, vous avez demandé pourquoi les agresseurs ne sont emprisonnés que pendant deux jours, deux semaines ou deux ans. Je crois que vous avez dit qu'ils devraient être emprisonnés à vie, et que si c'était le cas, toute cette violence cesserait définitivement. Vous avez également souligné — à juste titre, selon moi — que la violence est présente pendant le reste de la vie de la femme qui a été maltraitée et de ses enfants. C'est le type d'arguments que vous avez présentés.
Si vous pouviez rebâtir le système judiciaire en tenant compte des femmes, des victimes et des enfants, quels changements précis apporteriez-vous? Vous avez déjà dit que les agresseurs seraient emprisonnés à vie. Ce n'est pas nécessairement une option — ou peut-être que oui —, mais avez-vous pensé à d'autres mesures? Avez-vous d'autres idées pour améliorer le système judiciaire?
J'ai une question semblable pour Mme Martine Jeanson.
Madame Jeanson, vous étiez ici, si je ne m'abuse, en novembre 2023. Je vais vous lire une citation tirée de votre témoignage. Mes excuses; vous aviez probablement dit ce qui suit en français, mais je vais vous lire la traduction anglaise, si cela vous convient.
Vous avez dit:
Tout le monde sait que les agresseurs sont arrêtés, puis relâchés: on le voit partout à la télévision, on l'entend partout à la radio. Alors, les femmes ont peur de dénoncer leur agresseur et ne veulent pas le faire parce qu'une fois relâché, il va automatiquement revenir à la maison.
Je trouve ce passage très percutant, car ce sont les femmes qui doivent trouver le courage, effectuer toutes les démarches et se plier à toutes sortes de formalités pour dénoncer leur agresseur. Or, cet agresseur finira peut-être par ne passer que quelques jours en prison, comme l'a dit la témoin juste avant vous. Les femmes traversent toutes ces épreuves, puis l'agresseur finit par revenir à la maison. Je ne peux qu'imaginer à quel point elles sont bouleversées lorsqu'une telle situation se produit. Cela doit être une préoccupation pour bon nombre de femmes et d'autres personnes.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Comment concevriez-vous le système de justice pour régler ce problème?
:
Les femmes ont peur parce qu'elles savent précisément que, quand un homme est arrêté après avoir été dénoncé et qu'on lui demande de signer un engagement au titre de l'article 810 du Code criminel, il est relâché immédiatement. Il n'est pas mis en prison. Les femmes le savent. On voit partout à la télévision ce qui se passe: des féminicides, la DPJ qui intervient pour retirer les enfants de leur famille, et ainsi de suite.
Pour ma part, je reviens encore à la base du système. L'homme violent fait plus d'une victime. Même si on le met en prison, il va en ressortir et faire d'autres victimes. Je continue de croire que les hommes violents doivent suivre une thérapie spécialisée pour les hommes violents. C'est la seule chance qu'on a de pouvoir changer les choses.
Il faut travailler sur les comportements des hommes violents et essayer de comprendre la source de leurs agissements. Je ne parle pas des pervers narcissiques, car, comme je vous l'ai toujours dit, on ne pourra jamais changer un pervers narcissique. Cependant, certains hommes sont impulsifs parce qu'ils ont grandi dans l'impulsivité. La plupart des enfants qui grandissent dans des familles où se vit de la violence conjugale deviennent des gens violents. Il faut arrêter cette roue qui tourne. Ces gens ont besoin de soins. Les femmes ont besoin de se reconstruire. Les hommes ont besoin qu'on les aide à travailler sur leur violence. Il faut aussi aider les enfants.
Aussitôt que la police est appelée, ce sont eux, les hommes violents, qui devraient être placés dans des centres.
D'ailleurs, je remercie les centres pour femmes. Je le dis toujours, c'est une chance qu'ils existent. Toutefois, que fait-on des hommes? Si on les laisse seuls et que personne ne travaille avec eux, ils ne vont jamais changer. Toute leur vie, ils vont faire de nouvelles victimes et devenir de plus en plus violents.
En effet, quand on examine les antécédents de chacun des hommes qui se sont rendus jusqu'à assassiner une femme, on se rend compte qu'ils ont fait beaucoup plus qu'une victime avant d'en arriver là.
Dans mon cas, après que j'ai été laissée pour morte, mon agresseur a fait sept autres victimes.
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Madame Sidhu, la violence psychologique qu'exercera un agresseur sera parfois si intense que les femmes en auront des blessures psychologiques.
Toutes les formes de violence à l'égard des femmes constituent des activités criminelles. Il n'y a pas une activité criminelle qui est plus grave que les autres. Lorsqu'un agresseur maltraite sa partenaire, il a recours à de nombreuses formes de violence: la violence psychologique, la violence financière et la violence physique.
Nous avons remarqué que la plupart des femmes qui viennent au centre disent que les agresseurs sont très charismatiques et très polis. Ils sont très sociables et jouissent d'une bonne réputation dans la collectivité. Or, à la maison, ils sont violents avec leur partenaire. Les femmes se retrouvent dans une situation très vulnérable dans leur collectivité. Elles ne savent pas comment expliquer ce qu'elles vivent aux gens qui les entourent; ils ne les croiront pas si elles leur disent qu'elles sont victimes de violence. La violence psychologique peut être très dangereuse et peut avoir de graves répercussions sur une femme.
Il n'y a donc pas que la violence physique; il y a aussi la violence psychologique et la violence financière. La maltraitance financière est un énorme problème, car une femme sans stabilité financière ne pourra pas quitter son foyer, si elle a de jeunes enfants. La majorité des femmes qui ont une stabilité financière grâce à un bon emploi peuvent partir immédiatement, mais celles qui ne sont pas dans cette situation se voient obligées de rester à la maison, à cause de la maltraitance financière, du contrôle financier qu'exerce l'agresseur, et la violence se poursuit.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour réfléchir à la façon de diminuer, voire d'éliminer les féminicides. Bref, nous sommes à la recherche de solutions.
Mes premières questions vont s'adresser aux représentantes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. J'invite donc Mme St‑Pierre Gaudreault ou Mme Monastesse à y répondre.
Dans les remarques préliminaires de Mme Monastesse, il a été question de compétences transversales, selon ce que je comprends. Autrement dit, plusieurs secteurs peuvent être touchés lorsqu'il s'agit de féminicides. Il faut donc trouver des façons de travailler ensemble, que ce soit en matière de santé ou de justice, mais aussi en ce qui concerne les mesures sociales et les filets de sécurité sociale, en tenant compte des conséquences du manque de logement, par exemple. En effet, la question des féminicides doit être examinée de façon globale. C'est pourquoi nous avons besoin d'avoir une réflexion qui touche plusieurs secteurs.
C'est d'ailleurs ce qui a été fait par le comité d'experts qui a publié le rapport « Rebâtir la confiance »: plusieurs secteurs ont été abordés.
Avez-vous des commentaires à ajouter sur la nécessité d'aborder la question des féminicides de façon globale?
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Effectivement, il faut une approche globale, qui tient compte de tous les aspects de la vie des femmes et de leurs conditions de vie, et qui aborde des questions liées autant à la santé qu'au volet social et à la justice, par exemple. Il faut avoir une réponse intégrée de la part de tous les secteurs pour assurer la sécurité des femmes.
On a beaucoup parlé de la question des tribunaux. Actuellement, la réponse des tribunaux n'est pas adéquate, parce qu'elle ne met pas les victimes au centre du processus judiciaire. On constate une mauvaise compréhension de ce qu'est la violence faite aux femmes et de ses répercussions sur les femmes et sur les enfants, en raison d'un manque de formation des acteurs du système judiciaire.
C'est la même chose dans le secteur de la santé, où on détecte mal les répercussions de la violence faite aux femmes. Des femmes se rendent à l'hôpital et disent qu'elles ont des blessures, mais on arrive très peu à détecter la violence qui en est la cause. Encore une fois, c'est par manque de formation des intervenants du milieu.
On observe aussi des lacunes en ce qui concerne le filet social. Les maisons d'hébergement ne doivent pas être les seules organisations à assumer tous les volets du soutien à accorder aux victimes. Il nous faut une réponse concertée et intégrée. Plusieurs des femmes qui utilisent nos services y ont pensé à deux fois. Lorsqu'elles envisagent de quitter un conjoint violent, elles se demandent ce qui va leur arriver après leur sortie de la maison d'hébergement. Il ne faut pas oublier non plus les maisons de seconde étape, où les femmes peuvent rester de trois à cinq ans pour rebâtir leur vie. Quoi qu'il en soit, les femmes se demandent ce qu'elles feront après leur séjour en maison d'hébergement. Vont-elles trouver un logement abordable, une bonne école pour leurs enfants, un nouvel emploi? Comme on le sait, lorsqu'elles quittent un milieu violent, quel qu'il soit — ce n'est pas seulement en contexte de violence conjugale —, les femmes doivent se rebâtir complètement sur tous les plans. Malheureusement, certaines femmes décident de rester avec leur conjoint, parce que la réponse sociale n'est pas adéquate sur tous les plans.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier l'aspect suivant: que fait-on des hommes qui ont des comportements violents? Encore une fois, je ne parle pas uniquement de violence conjugale. Je pense aux réseaux d'exploitation des femmes, aux agressions sexuelles, à la violence familiale, à la violence des enfants envers leurs parents. Je pense à toutes les formes de violence qui ont été soulevées, dont l'exploitation financière, la violence verbale et la violence sexuelle.
Il est donc important de criminaliser le contrôle coercitif. Comme on le sait, les infractions de violence reconnues dans le Code criminel reposent strictement sur la violence physique. Certaines femmes peuvent donc subir un contrôle coercitif complet, qui va les affecter notamment sur les plans psychologique et physique, sans qu'il y ait d'infraction criminelle. C'est un enjeu majeur.
Que fait-on des hommes qui présentent des comportements violents?
Un des problèmes observés actuellement au Canada, du moins au Québec, c'est que les programmes destinés à ces hommes ne sont pas adéquats. Souvent, ils ne mettent pas l'accent sur le besoin de responsabiliser ces hommes quant à leurs comportements violents.
C'est ce qui explique qu'on entende des gens dire que, bien que monsieur ait été violent envers madame, il est quand même un bon père. Pourtant, toutes les études démontrent que c'est absolument faux et que la violence faite aux femmes va de pair avec la violence faite aux enfants. Malgré tout, selon les mentalités actuelles et selon le droit civil, monsieur peut obtenir la garde des enfants.
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Merci. Je remercie tous les témoins. Nous avons entendu d'excellents témoignages aujourd'hui. J'aurais aimé avoir plus de temps pour poser des questions.
Ma première question s'adresse à Mme Amanda Buffalo.
Vous avez parlé des interventions policières et des problèmes liés à l'exploitation des ressources. Notre comité a réalisé une étude sur le lien entre l'exploitation des ressources et l'augmentation de la violence à l'encontre des femmes et des filles autochtones. J'aimerais toutefois parler des interventions policières. Vous avez dit que de nombreux rapports de « misogynie, de racisme et de violence sexuelle » visent la GRC.
Je pose cette question parce qu'il existe une sorte d'approche axée sur la répression de la criminalité face à la violence fondée sur le sexe. Or, lorsqu'il s'agit des femmes autochtones, plus particulièrement, les systèmes mêmes qui sont censés nous protéger perpétuent la violence contre nous.
Quelle solution de rechange pourrait‑on adopter, au lieu de cette approche répressive, de ces formes traditionnelles d'interventions policières, afin d'assurer la sécurité?
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Je vous dirai d'abord que si je suis en vie, et que si ma sœur et mes mères sont en vie, c'est grâce à d'autres femmes de notre collectivité qui sont véritablement déterminées à aider des femmes à échapper à des situations de violence. C'est si important dans toutes les collectivités.
Les systèmes n'ont pas été conçus pour assurer la sécurité des femmes. Dans le système judiciaire, le procureur veille à la sécurité générale de la population. Il déterminera donc les affaires qui feront ou non l'objet de poursuites en fonction de cela. N'oubliez pas qu'avant 1929, les femmes ne faisaient pas partie de l'espace public. Le Code criminel remonte à bien plus loin encore. La loi n'a jamais vraiment été modifiée pour inclure les femmes dans le cadre des poursuites ou dans la manière dont on les dirige.
Dans le Nord, nous avons beaucoup parlé du fait d'offrir les services d'un avocat aux victimes, de la même manière qu'ils sont offerts gratuitement — aux frais de l'État — à l'auteur d'un crime. L'auteur d'un crime bénéficie des services de deux avocats: de ceux d'un avocat spécialiste des questions d'intérêt public, puis de ceux d'un avocat de la défense. Ce processus laisse entendre — sans le dire explicitement — que les femmes sont coupables jusqu'à preuve du contraire. Le fardeau de la preuve repose sur elles.
Pensez à tous ces petits gestes qui excluent les femmes des systèmes et les empêchent de s'exprimer. On leur dit de se prévaloir d'un service dont l'objectif est de ne pas leur permettre de s'exprimer ou de leur imposer des limites — cela est surtout vrai pour les femmes autochtones, en voulant les retirer de leurs terres —, alors que ce service est censé être celui vers lequel elles se tournent pour être en sécurité. Cela n'a aucune logique dans mon esprit, dans mon cœur ou dans mon être tout entier. Le premier endroit où je vais aller, et le premier endroit où ma mère m'a toujours emmenée, c'est chez ma tante.
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Je crois sincèrement que des centres pour hommes devraient être ouverts. Je ne parle pas de centres de thérapie pour les problèmes de consommation, mais de vrais centres de thérapie. À La Maison des Guerrières, nous travaillons auprès d'hommes violents et impulsifs. Comme Mme Monastesse le disait, les ateliers ou les programmes comme ceux offerts par l'organisme Paix, par exemple, ne sont pas de vraies thérapies. C'est un groupe de gars qui rient ensemble, et c'est une affaire d'une heure. Pour ma part, quand je travaille avec eux, je les amène à faire face à leurs problèmes. Ce sont des ateliers intensifs.
Je crois que ces hommes ont besoin d'être entourés de spécialistes. De la même façon qu'il existe des thérapies dans le cadre desquelles des spécialistes donnent des outils aux hommes pour les aider à traiter des problèmes de consommation, on a besoin de maisons pour hommes violents. Aussitôt que la police est appelée à intervenir dans le cas d'un homme violent, il faudrait l'envoyer dans un tel centre, où des spécialistes pourraient évaluer son niveau de dangerosité. S'il était jugé très dangereux, par exemple, ils pourraient décider que le cas doit retourner devant la cour et qu'il faut garder l'homme sous surveillance.
Il faut pouvoir faire un travail intensif. Ces hommes n'ont pas d'outils. Le seul outil qu'ils ont, c'est la colère. On doit leur donner d'autres outils pour qu'ils sachent comment gérer leurs émotions, dont la jalousie, et pour qu'ils comprennent pourquoi ils ont ces réactions. Je peux témoigner des résultats que nous avons obtenus avec les hommes que nous avons aidés. Cependant, je le répète, il ne faut pas que ce soit des pervers narcissiques. Je parle des hommes impulsifs. Il y a aussi des hommes qui ont été victimes d'agressions sexuelles. Certains ont vécu dans la violence, ont été frappés par des parents violents et ont vu leur mère se faire battre. Ce sont les seuls comportements qu'ils connaissent, alors ils les reproduisent dans leurs propres relations intimes. C'est à nous, en tant que société, de les éduquer.
À l'école aussi, on devrait faire de la prévention en matière de violence. Il n'y en a pas...
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Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir raconté leur histoire. Vous êtes courageuses d'être venues ici pour nous parler. Je vous félicite.
J'aimerais également saluer Mme Sunder Singh. Je connais le travail extraordinaire que vous accomplissez auprès des femmes. Je sais également que vous avez remporté le Prix de la sécurité communautaire du maire ainsi que le Prix d'excellence en services offerts aux victimes d'actes criminels du ministère de la Justice. C'est un grand honneur; mais c'est pour moi un honneur de savoir que vous vous battez pour les femmes.
Vous avez vraiment touché une corde sensible lorsque vous avez parlé des peines qui sont imposées aux hommes. À Vaughan — et je sais que vous êtes au fait de cette affaire —, un chirurgien cardiaque a tué sa femme, qui était également médecin, qui lui avait transmis une demande de divorce. Elle avait parlé à ses amis de la violence dont elle avait été victime avec cet homme.
Au bout du compte, nous pouvons prendre cet individu, espérons... J'aime bien l'idée de retirer l'homme du foyer et de le placer dans un centre pour qu'il obtienne de l'aide, et de ne pas toujours culpabiliser la femme.
Madame Singh, diriez-vous que, parfois, les hommes ne peuvent pas être réadaptés?
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Je ne recommande pas le recours à cette politique. Ce n'est pas ma recommandation. Une personne qui est violente avec sa conjointe devrait être emprisonnée pendant une très longue période afin que cela ait une conséquence dans sa vie et qu'elle se rende compte de ce qu'elle a fait de mal.
Madame Roberts, en Inde, le système appelé vipassana a porté ses fruits dans les prisons. Il s'agit d'une thérapie très rigoureuse que des criminels endurcis doivent suivre. Elle est excellente et entraîne des changements étonnants. Un partenariat, le programme d'intervention auprès des partenaires violents, est également excellent.
Ce que j'essaie de dire, c'est que ces criminels ne devraient pas être libérés sous caution. Une fois rendus en prison, il faut qu'ils suivent une thérapie en santé mentale à vie ou à temps plein; ils doivent suivre des thérapies rigoureuses pour améliorer leur état mental.
Il existe une foule de criminels qui ont commis des gestes horribles. Ils sont en prison. On ne peut pas les changer. La majorité d'entre eux ne peuvent pas changer, mais nous devons utiliser des thérapies adéquates. Ces criminels doivent rester en prison pour changer. Il ne faut pas les libérer, car si la loi est laxiste, ils ne cesseront d'être violents. Cependant, si l'on modifie la loi pour la rendre plus stricte, on constatera une diminution des cas de violence conjugale. Il y aura moins d'agressions.
Les agressions sexuelles sont tellement courantes au pays; nous ne pouvons même pas l'imaginer. Si l'on gratte la surface de l'histoire d'une personne, on découvrira certainement qu'elle a été victime d'une agression sexuelle. Pourquoi cela se passe‑t‑il au Canada? Pourquoi les femmes ne sont-elles pas en sécurité ici?
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Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à remercier toutes nos témoins de leur présence aujourd'hui. Ce n'est pas facile, et nous vous sommes réellement reconnaissants de votre participation à cette étude. Encore une fois, merci beaucoup.
[Français]
J'aimerais pousser plus loin la question des thérapies ou des programmes présentement offerts aux hommes violents et savoir comment ces programmes pourraient être modifiés. Plusieurs témoins, dont les représentantes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, ont déjà abordé la question.
Vous avez dit que les programmes actuellement offerts ne mettaient pas l'accent sur la responsabilisation de l'homme quant à ses comportements violents. Dans ce cas, sur quoi mettent-ils l'accent présentement? Comment peut-on changer les programmes pour les rendre adéquats?
Une fois que les représentantes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes auront répondu à la question, j'aimerais entendre la réponse de Mme Jeanson également.
Il faut avoir un cadre de référence qui établit des objectifs pour les hommes aux comportements violents qui doivent suivre des thérapies. C'est actuellement le cas en Ontario, où il y a un cadre législatif et normatif. Si les services qui interviennent auprès des hommes aux comportements violents ne suivent pas ce cadre, on retire leur financement.
Au Québec ou ailleurs au Canada, les programmes vont dans tous les sens. Il peut s'agir de thérapies comportementales, ou encore de thérapies comprenant un aspect psychologisant, par exemple. Or, ce n'est pas cela, le cœur du problème. Le cœur du problème, c'est que les hommes ayant des comportements violents doivent se responsabiliser. Ils doivent comprendre que la violence qu'ils utilisent est un choix; ce n'est pas de l'impulsivité, ce n'est pas en lien avec leur passé. Il faut dire qu'un très grand nombre d'hommes, bien qu'ils aient vécu dans des environnements où il y avait énormément de violence, ont fait le choix de ne pas être violents à leur tour. De nombreuses études le prouvent: la violence ne fait pas nécessairement l'objet d'une transmission intergénérationnelle.
Le seul programme qui est efficace, c'est celui axé sur la responsabilisation des comportements, où l'on amène les gens à comprendre que les comportements violents sont basés sur...
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Merci, madame la présidente.
Je vais profiter de mon deuxième tour pour poursuivre la discussion avec Mme St‑Pierre Gaudreault et Mme Monastesse.
Comme vous l'avez mentionné dans vos remarques préliminaires et ensuite expliqué en répondant aux questions, on doit examiner les féminicides non seulement dans un contexte de violence conjugale, mais aussi dans d'autres contextes. Je vous remercie de nous avoir ouvert les yeux sur cet aspect. En fin de compte, on en revient à la question des rapports de pouvoir entre hommes et femmes. Vous pouvez ajouter des commentaires à ce sujet, si vous le souhaitez.
Sinon, vous pouvez nous parler plus en détail d'un élément auquel vous avez ouvert la porte dans une de vos réponses, soit la question des violences en ligne. Cette question relève du fédéral, car c'est par l'entremise du Code criminel qu'on peut agir. Il faut avoir une réflexion pour savoir jusqu'où on doit permettre des commentaires haineux qui alimentent la misogynie. À un moment donné, on devra se poser la question et déterminer à quel moment on doit intervenir légalement, en vertu du Code criminel, au sujet de ce qui se dit en ligne et s'en servir comme éléments de preuve. Des documentaires comme Je vous salue salope le démontent bien: les policiers n'ont pas les mêmes outils pour agir lorsqu'il s'agit de violence en ligne.
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Je suis d'accord avec vous: dans le cas des pervers narcissiques, c'est un peu plus compliqué.
Madame Monastesse, vous connaissez sûrement le réseau Hommes Québec, un organisme québécois auquel différentes organisations se sont greffées. Dans mon coin, en Beauce, il y a l'organisme Partage au masculin. Quand j'animais une émission radiophonique d'affaires publiques, il y a 30 ou 40 ans, j'invitais les hommes à s'exprimer sur les ondes. Déjà à cette époque, on commençait à parler des hommes et on leur demandait de s'exprimer. On en a appris un peu plus sur leur réalité.
Je suis peut-être une éternelle optimiste, mais j'ose croire qu'il est possible de faire quelque chose.
À votre connaissance, que se passe-t-il dans nos écoles? Je pose la question parce que le Comité a mené une étude sur la violence entre partenaires intimes, et il semble que le fait d'agir très tôt, en s'adressant non seulement aux hommes, mais aussi aux jeunes garçons, est une condition de réussite.
Fait-on assez d'interventions dans les écoles?
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Merci, madame la présidente.
À mon tour, je remercie grandement les témoins. Elles nous ont fait part de leurs observations sur un sujet extrêmement difficile. Leur expertise et leurs recommandations vont grandement nous aider. J'espère que beaucoup de juges, de procureurs de la Couronne et de juges de paix ont écouté les témoignages que nous avons entendus au cours des dernières semaines. Des changements urgents sont nécessaires, car la situation est affreuse.
J'aimerais m'adresser à Mmes Monastesse, St‑Pierre Gaudreault et Jeanson. Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées que ma collègue Dominique Vien, qui parlait de soutien. À vrai dire, la situation est affreuse en ce qui concerne les services en matière de prévention et les mesures qu'il faut mettre en place pour aider les hommes.
Je ne veux absolument pas diminuer l'importance des services d'hébergement pour femmes et du soutien qu'on doit offrir aux femmes. C'est effectivement très important. Cela dit, il semble n'y avoir qu'une seule solution pour les hommes présentement: les envoyer en prison. Or, nous savons que cela ne fonctionne pas. Bien souvent, ils ne vont même pas en prison.
Madame Monastesse, vous avez dit que l'Ontario avait mis en place un certain cadre. Pourriez-vous soumettre au Comité les documents relatifs à ce cadre? Devrait-on envisager d'appliquer un tel cadre dans tout le pays?
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Moi, je dis oui complètement. On leur enseigne la responsabilisation, comme l'a dit Mme Monastesse, mais on est aussi à l'écoute de ce qu'ils ont vécu, afin de comprendre le pourquoi et le comment.
De plus, la prévention dans les écoles est importante. Les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas éduqués et ils voient beaucoup de violence autour d'eux. Il y a des membres de gangs de rue, par exemple. Souvent, c'est par peur que les gens sont violents; c'est un système d'autodéfense. Souvent, en grandissant, les jeunes adoptent des comportements violents pour avoir l'air cool, mais ce ne sont pas les bons outils à utiliser. Je crois qu'en bâtissant l'estime personnelle de quelqu'un, on enlève en lui le racisme, l'agressivité et beaucoup d'autres choses. Lorsqu'on bâtit un être humain solide, il n'a pas besoin de détruire autrui.
Il faut donc travailler sur les deux plans.
En ce qui concerne les thérapies, toutefois, selon les recherches que j'ai faites partout, il n'existe présentement aucune thérapie offerte aux hommes. Je ne parle pas de petits ateliers une fois par semaine. Je parle d'une thérapie que les hommes doivent suivre en milieu fermé. Croyez-moi, si on met ensemble un paquet d'hommes violents, leurs comportements vont ressortir. Il y aura des manifestations d'ego et de contrôle, par exemple, et les gens sur place seront capables de travailler sur ces comportements. Je continue de croire que c'est la meilleure solution.
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Merci, madame la présidente.
Merci encore aux témoins de leurs observations.
Je trouve intéressants les commentaires des députés aujourd'hui, de même que les réponses fournies par les témoins.
Je suis d'accord — certains témoins qui participent à notre étude et à d'autres études l'ont dit — sur la nécessité de consentir des efforts dans la réhabilitation et la thérapie. Je suis tout à fait d'accord pour dire que ces formes de soutien qui permettraient de briser le cycle de la violence manquent cruellement.
Sauf erreur, Mme Gazan a dit que les pénitenciers étaient essentiellement... Vous allez peut-être penser que c'est une hyperbole, mais « enfer sur Terre » est le terme qui décrit le mieux ce que j'ai vu. La vie est très dure dans les pénitenciers. Les images nous restent en tête toute la journée après avoir visité ces endroits.
J'ai du mal avec la notion de récidiviste. C'était, je crois, Mme Jeanson qui a mentionné que son agresseur s'en est pris par la suite à 10 autres femmes. Nous savons qu'il y a des pédophiles récidivistes. Je suis très loin d'être convaincue qu'il faille envoyer directement ces individus en thérapie. Laissons-les passer quelques années en enfer. C'est le sort à réserver aux pires des pires des délinquants.
Les divers projets de loi qui ont été déposés pour modifier le Code criminel portent à croire que cette idée perd du terrain au pays. La justice pour les victimes ne semble pas être une priorité. Parfois, les monstres qui commettent des crimes abjects à l'endroit de femmes et d'enfants doivent aller en prison. Cette sentence ne semble plus aller de soi dans certains cas. C'est profondément troublant de lire dans les journaux que des hommes qui ont agressé sexuellement plusieurs enfants sortent de prison après cinq ans. À mon avis, c'est une grave injustice faite aux victimes, qui vivent pendant plusieurs années avec les séquelles de l'agression.
Je voulais mentionner cela et connaître le point de vue de Mme Singh.
Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Singh?
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Mon cerveau est en ébullition. J'ai tellement de choses à dire sur cette question.
Hier, nous avons vu une enfant qui a été agressée sexuellement par son père. La fillette a aujourd'hui six ans. La mère a été agressée par son mari. Elle a vu sa fille nue dans son lit avec le père en sous-vêtements. Le père a battu la mère lorsque celle‑ci a vu la scène.
En ce moment, la mère est séparée et elle a la garde de son enfant de six ans. Elle se bat férocement pour ne pas perdre sa fille. Le père a engagé un avocat de pratique privée. Il peut se le payer, contrairement à la mère, qui a souffert également d'exploitation financière. L'avocat se bat pour que la fillette de six ans aille vivre chez son père. La mère panique. Elle parle sans arrêt. Elle est complètement bouleversée à l'idée de perdre la garde de sa fille. Que faire dans un cas comme celui‑là?
Nous avons discuté des mesures préventives et des choses à mettre en place. La sensibilisation dans les écoles est très importante, mais les immigrants et les nouveaux arrivants au Canada apportent leur culture, qui a une incidence sur les femmes et les enfants.
Il existe plusieurs cas comme celui que nous avons vu hier. Dans certains cas que nous avons traités dans le passé, les enfants qui avaient été agressés sexuellement décrivaient dans une vidéo ce que leur père leur a fait. Nous signalons ces situations, mais les policiers ferment le dossier parce que selon eux, il n'y a pas de preuve. Bon sang! Cette femme est...
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Je suis désolée de vous interrompre, mais je voudrais seulement relater quelque chose qui se rapporte à ce que vous disiez.
Récemment, je suis allée au centre Toba, qui se spécialise exactement dans la prise en charge des cas dont vous parlez. Situé au Manitoba, le centre offre des services complets aux enfants victimes d'agression, particulièrement les enfants victimes d'agression sexuelle. Il réunit... Nous avons discuté aujourd'hui des problèmes découlant de la compartimentation de la police, des services sociaux et des refuges. Quant à lui, le centre offre un espace adéquat aux policiers, qui n'ont pas toujours la formation nécessaire pour intervenir auprès de jeunes enfants à peine en mesure de parler ou de comprendre ce qui leur est arrivé. Le centre est un lieu sécuritaire phénoménal pour les enfants qui ont vu des choses que trouveraient insoutenables la plupart des gens.
Concernant le point que vous souleviez, les ressources pour les familles sont tout simplement insuffisantes. Le centre Toba, par exemple, accompagne les enfants pendant tout le processus pour leur éviter de répéter la même histoire à des intervenants qui n'ont pas nécessairement la formation pour traiter des cas comme ceux‑là.
Je voulais seulement mentionner cela pour démontrer que je suis d'accord à propos du manque de ressources.
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Je veux en parler parce que cela se produit tout le temps, particulièrement dans les petites communautés autochtones rurales, isolées et éloignées dans le Nord.
Nous manquons de ressources parce que les communautés ne comptent pas assez d'effectifs. Nous obtenons des fonds de programme, mais une fois que les fonds sont épuisés et que le nombre d'employés est passé de huit à un seul, il ne reste pas assez de personnes sur place en mesure de donner ce type de soutien. Il est capital d'assurer une continuité pour résoudre les problèmes dans les petites communautés.
Vous avez parlé de l'emprisonnement et des interventions policières auprès des femmes autochtones. Je voudrais moi aussi aborder le sujet. Nous savons que les femmes autochtones sont proportionnellement plus nombreuses à être visées par les opérations policières par rapport à l'ensemble de la population autochtone au Canada. Une des observations dont j'aimerais faire part avant de partir porte sur les commentaires formulés aujourd'hui sur les mesures punitives et les peines d'emprisonnement.
La punition et la responsabilisation sont deux concepts différents. Le second donne aux individus une vraie chance de répondre de leurs actes et de se réadapter, tandis que le premier leur dit qu'ils sont des monstres qui méritent d'être enfermés. Cette culture du « jetable » ne fonctionne pour aucun groupe dans la société, que ce soit les hommes, les femmes, les enfants et les générations futures.
Au lieu de punir, il faut réinventer les discussions sur la responsabilisation pour permettre aux individus d'entreprendre un processus de réhabilitation et d'apporter des changements dans leur vie et dans leur manière de traiter les autres.
Au Québec, il y a un guide sur les pratiques policières et la façon d'intervenir dans les cas de violence conjugale ou familiale ou d'agression sexuelle. Malgré l'existence de ce guide, un arrimage doit se faire, parce que ce ne sont malheureusement pas tous les policiers qui tiennent compte du guide. C'est déjà un problème, à la base.
Cela dit, il y a l'Association des directeurs de police du Québec ainsi que l'Association canadienne des chefs de police. Il faut harmoniser les différentes pratiques policières, et ce, à tous les niveaux d'intervention. Comme vous le dites, cela inclut aussi le niveau municipal, en plus du provincial et du fédéral. Il est important d'avoir un arrimage des pratiques policières, d'autant plus que l'Association canadienne des chefs de police a déjà créé un guide sur l'intervention policière en la matière.
Voilà en quoi consiste toute la question de l'arrimage. Il faut harmoniser les pratiques policières, entre autres choses.