FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 2 décembre 2024
[Enregistrement électronique]
[Français]
J'ouvre maintenant la séance.
[Traduction]
Bienvenue à la réunion no 135 du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Je vais commencer par quelques rappels à l'intention des députés. Attendez que je vous nomme avant de prendre la parole. N'oubliez pas que vos commentaires doivent être adressés à la présidence. Merci à l'avance de votre collaboration.
Conformément à l'article 108(2) et à la motion adoptée par le Comité le mardi 4 juin 2024 et le mercredi 25 septembre 2024, le Comité reprend son étude sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 40 ans.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins, qui assistent toutes à la réunion par vidéoconférence.
Nous recevons Mme Angeline Letendre, vice-présidente de la Canadian Indigenous Nurses Association. De Santé Ontario, nous avons Mme Alethea Kewayosh, directrice, Unité de cancérologie autochtone et équité et coordination en santé autochtone, et Mme Amanda Sheppard, scientifique principale. Nous accueillons aussi Mme Juliet Daniel, professeure, The Olive Branch of Hope Cancer Support Services. Enfin, nous recevons Mme Nadine Caron, présidente de recherche sur le cancer et le mieux-être de la régie de la santé des Premières Nations à l'Université de la Colombie-Britannique.
Je tiens à vous remercier d'être revenues pour poursuivre la discussion et nous permettre de recueillir vos observations.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires.
Madame Letendre, la parole est à vous pour cinq minutes.
Je suis très heureuse de vous parler aujourd'hui de ce sujet très important pour les femmes et les hommes autochtones partout au Canada.
Je me souviens d'un colloque national sur le cancer auquel j'ai assisté il y a environ 10 ans, où les chercheurs avaient fait état de corrélations entre le diabète de type 2 et le cancer du sein. La compréhension de ces corrrélations ainsi que la recherche ont certainement progressé depuis.
La question du cancer du sein dans les populations autochtones devient encore plus critique lorsque nous tenons compte des corrélations possibles avec diverses autres comorbidités. Les taux de cancer chez les femmes des Premières Nations ne cessent d'augmenter. Des difficultés notables conditionnent le sort des patientes, notamment les diagnostics tardifs, qui réduisent les options et les choix de traitement et qui font augmenter les décès causés par cette maladie.
En Alberta, énormément de recherche est menée qui s'appuie sur les données portant sur différents cancers, dont le cancer du sein. Ces travaux démontrent qu'en Alberta, les risques que courent les femmes des Premières Nations de recevoir un diagnostic de cancer du sein sont 24 % plus élevés que les risques courus par les autres femmes. Les risques de recevoir un diagnostic de cancer invasif allant du stade 2 au stade 4 sont accrus. Nous avons découvert également que ces femmes doivent attendre de deux à quatre semaines de plus que les autres pour recevoir un premier diagnostic et un diagnostic définitif. Ces constatations nous amènent à conclure que l'accès aux services de dépistage et la prestation de ces services aux femmes des Premières Nations ne sont peut-être pas équitables comparativement à ce que reçoivent les autres femmes.
Nous avons également travaillé sur les femmes métisses en Alberta, dont la première cause de décès est toujours le cancer. Certains programmes peuvent détecter de façon précoce le cancer, au stade où il est le plus facile à traiter ou lorsque des lésions précancéreuses sont décelées. Cette détection peut entraîner un dénouement favorable pour les patientes atteintes de cancer de même qu'une diminution des taux de mortalité, d'incidence et de morbidité dues au cancer.
En Alberta, des programmes provinciaux de dépistage du cancer du sein sont financés dans le cadre du système de santé universel du Canada. Pourtant, il existe encore des disparités concernant le dépistage du cancer du sein, colorectal et du col de l'utérus. Nos travaux nous amènent à déduire qu'une partie de ces disparités pourraient s'amenuiser au moyen de mesures plus efficaces qui seraient fondées sur ce que vivent les femmes et les peuples autochtones. Comme le cancer du sein se manifeste à des taux plus élevés chez les femmes des Premières Nations et les femmes métisses, nous devons étudier la possibilité de mettre en place des services distincts qui répondent aux besoins de ces deux populations.
Selon une étude publiée en 2024 à laquelle j'ai pris part, les femmes métisses sont moins nombreuses que les femmes non métisses à subir des dépistages du cancer du col de l'utérus et du cancer du sein. Nous en déduisons que davantage d'études devraient être menées au Canada, et certainement en Alberta, sur les taux de cancer du sein dans les populations autochtones pour en arriver à une meilleure compréhension de ce qui se passe avec les femmes autochtones et le cancer du sein.
De toute évidence, il faut travailler davantage sur les résultats et les besoins. Il faut sensibiliser à la prévention et au dépistage. Mes travaux qui portent pour la plupart sur la prévention et le dépistage me portent à croire qu'il faut changer la perception des femmes et approfondir leur compréhension des mammographies. Il faut les amener à voir cette pratique comme un choix de vie sain et comme quelque chose auquel il faut se prêter régulièrement, et non pas seulement après avoir constaté une anomalie ou un problème.
Il y a de nombreux autres problèmes sous-jacents, dont le manque d'accès régulier, dans le cas de certaines femmes autochtones, à un fournisseur de soins primaires. Les situations varient parfois selon les régions. Évidemment, la confiance, le racisme et d'autres facteurs de ce type entrent en jeu.
Merci.
Nous accueillons Mme Alethea Kewayosh, directrice de l'unité de cancérologie autochtone et équité et coordination en santé autochtone à Santé Ontario.
La parole est à vous.
Merci de m'avoir réinvitée à témoigner devant le Comité aujourd'hui.
Je suis accompagnée d'Amanda Sheppard, scientifique principale à l'unité de cancérologie autochtone.
Selon des données récentes, les membres des Premières Nations en Ontario enregistrent un taux de participation plus faible au dépistage du cancer du sein. Certaines communautés des Premières Nations en Ontario se disent préoccupées par la difficulté d'accès au dépistage et par les diagnostics de cancer que reçoivent des patientes trop jeunes pour être admissibles au dépistage. Le comité conjoint Action Cancer Ontario et peuples autochtones ont fait part de ces préoccupations à notre équipe. Le comité recommande de faire une demande de financement de la recherche qui permettrait de creuser la question. Nous sommes en train d'examiner cette recommandation.
Nous avons découvert que les statistiques sur le développement du cancer du sein et sur les décès des suites de cette maladie se sont améliorées au fil du temps chez les femmes des Premières Nations en Ontario. Toutefois, les femmes des Premières Nations atteintes du cancer du sein ont moins de chances de survie que les autres Ontariennes. En effet, les femmes des Premières Nations courent 41 % plus de risques de mourir 10 ans après avoir reçu leur diagnostic de cancer. Des données descriptives révèlent également que ces femmes reçoivent un diagnostic de cancer du sein 4 ans plus tôt que les autres femmes en Ontario et que l'écart interquartile commence à 48 ans.
Les données de recherche décrivent l'expérience des femmes des Premières Nations âgées de 50 à 74 ans dans le contexte du dépistage du cancer du sein. Nous n'avons pas de données sur les avantages du dépistage à partir de 40 ans. Par conséquent, il faudra mener des recherches pour connaître les pronostics de cancer du sein chez les femmes autochtones âgées de 40 à 49 ans afin de comprendre comment mettre sur pied des programmes qui fourniraient aux femmes de ce groupe d'âge un accès plus équitable au dépistage.
Comme je l'ai souligné dans ma présentation du 18 novembre au Comité, le programme de mammographie de l'Ontario est un programme de dépistage régulier offert dans l'ensemble de la province pour réduire le nombre de décès causés par le cancer du sein. Le programme offre du dépistage à deux groupes différents admissibles au dépistage. Le premier groupe se compose des personnes âgées de 50 à 74 ans qui présentent un risque moyen de développer un cancer du sein. Ce groupe englobe depuis le 8 octobre 2024 la tranche de 40 à 49 ans. Le deuxième groupe se compose des personnes âgées de 30 à 69 ans qui présentent un risque élevé de développer un cancer du sein.
Le dépistage du cancer chez les adultes autochtones est souvent insuffisant ou inexistant en raison de plusieurs facteurs, notamment les traumatismes intergénérationnels et les déterminants sociaux de la santé. Les facteurs rattachés à la santé et au traitement du cancer sont entre autres les stéréotypes et les préjudices, les obstacles à la communication, la nécessité de recourir à des services de traduction, le manque de confiance envers le système médical, l'absence de fournisseurs de soins primaires, la mauvaise coordination des soins, les champs de compétence provinciaux et fédéraux, le racisme dans le système de soins de santé, le transport ainsi que le fait de ne pas détenir de carte d'assurance-maladie de l'Ontario valide. Il faut tout faire pour que les femmes autochtones présentent les mêmes résultats en santé que les autres femmes au Canada.
Récemment, les membres de mon équipe ont été invités à se rendre dans deux communautés éloignées des Premières Nations dans le Nord de l'Ontario pour discuter du dépistage du cancer et des soins de santé préventifs. Pratiquement toutes les personnes rencontrées par mon équipe avaient été atteintes du cancer ou avaient une parente au premier degré atteinte du cancer. Le principal problème signalé par la communauté était le manque d'accès aux soins de santé dans des délais raisonnables.
Le Programme national des services de santé non assurés fournit le transport médical aux clients des Premières Nations et inuits admissibles qui doivent recevoir des services à l'extérieur de leur communauté tels que le dépistage du cancer du sein et les suivis qui y sont rattachés. Des membres de la communauté nous ont dit que les difficultés de transport médical dans le cadre de ce programme faisaient partie des principaux obstacles à l'accès aux soins de santé en temps voulu.
Récemment, à cause de retards importants dans les réservations de transport, des patientes ont raté des rendez-vous liés entre autres à des mammographies et à des suivis. Ces difficultés sont particulièrement préoccupantes dans le cas des mammographies en raison des cancers qui ne seront peut-être pas détectés. Elles le sont aussi dans le cas des rendez-vous avec un spécialiste, qui ne peuvent être repris que 6 à 12 mois plus tard. Des membres de la communauté nous ont dit que lorsqu'ils doivent attendre aussi longtemps pour reporter un rendez-vous, ils décident souvent de ne pas y aller. Dans une communauté en particulier, certains nous ont dit que des connaissances ayant reçu un diagnostic de cancer à un stade avancé avaient décidé de ne pas recevoir de traitement.
Au Nunavut, qui compte aussi une grande population inuite, il n'y a pas de dépistage de cancer du sein. Les femmes inuites doivent prendre un vol jusqu'à Ottawa pour passer une mammographie. Par conséquent, elles attendent en règle générale de déceler une bosse pour avoir une mammographie. Elles en sont donc à un stade où elles doivent avoir une biopsie, et non pas une mammographie. La détection précoce devrait être plus facile d'accès pour que les femmes autochtones passent une mammographie à un plus jeune âge et que les cancers soient détectés plus tôt.
Pour réduire les obstacles et aider les adultes autochtones des Premières Nations, inuits et métis vivant en milieu urbain à accéder au dépistage du cancer en Ontario, nous avons mis sur pied un programme d'intervention pivot à l'intention des patients autochtones atteints d'un cancer, des « coachs » mobiles de dépistage du cancer et un programme de distribution de trousses de test immunochimique fécal aux résidants de la région de Sioux Lookout qui permettent le dépistage à domicile du cancer du côlon. Ces stratégies de lutte contre le cancer destinées aux Autochtones des Premières Nations, inuits et métis en milieu urbain sont mises au point en collaboration avec des partenaires faisant partie de ces mêmes groupes.
Merci.
Merci beaucoup de votre témoignage.
À titre de rappel, j'encouragerais les témoins à parler un peu plus lentement pour faciliter le travail des interprètes.
Je souhaite la bienvenue à Mme Daniel.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
J'aimerais tout d'abord remercier le Comité permanent de la condition féminine de m'avoir invitée à témoigner de nouveau dans le cadre de l'étude sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 40 à 49 ans.
Je rappelle que je suis professeure et biologiste cancérologue à l'Université McMaster. Je suis également survivante depuis 15 ans du cancer du sein et membre du sous-comité de la recherche aux services de soutien de l'organisme The Olive Branch of Hope, ou TOBOH.
Je travaille depuis 10 ans à TOBOH, où je suis chargée de l'organisation du symposium et des ateliers de sensibilisation et d'information sur le cancer du sein « Think Beyond "Love Pink" » — au‑delà du ruban rose — destinés aux femmes noires et aux autres femmes racisées qui perçoivent le diagnostic du cancer du sein comme une malédiction ou comme un stigmate. La mission de TOBOH est de s'attaquer de front à ce stigmate, puisque l'information est le nerf de la guerre et que le diagnostic précoce du cancer du sein est lié à des taux de survie favorables.
Grâce aux avancées réalisées dans la détection précoce, aux programmes de dépistage et aux options de traitement, les taux de mortalité du cancer du sein ont diminué de presque 50 % au cours des 40 dernières années. Ils sont passés de 41 décès par 100 000 femmes à 21 décès par 100 000 femmes. Toutefois, les données épidémiologiques actuelles révèlent encore des disparités chez les femmes racisées, ce qui contribue aux inégalités flagrantes dans le continuum de soins contre le cancer de même que dans les taux de survie.
Au cours des 20 dernières années, à l'Université McMaster, mon équipe de recherche s'est concentrée sur une nouvelle protéine que j'ai découverte et que j'ai nommée Kaiso. Kaiso est impliquée dans bon nombre de cancers agressifs, notamment le cancer du sein, de la prostate, des poumons et du pancréas. Ce qui est encore plus important et vraiment intéressant, c'est la corrélation entre l'expression de Kaiso et les disparités dans les taux de survie des femmes et des hommes noirs atteints respectivement du cancer du sein et du cancer de la prostate, ce qui laisse entendre que Kaiso pourrait être un biomarqueur des cancers du sein agressifs qui frappent les femmes d'origine africaine.
Les travaux de mon équipe de recherche visent à déterminer s'il existe une sensibilité ou une prédisposition génétique au développement du cancer du sein triple négatif, qui est un sous-type de cancer du sein agressif. La prévalence du cancer du sein triple négatif en Afrique de l'Ouest se chiffre entre 40 % et 70 % au Ghana et au Nigéria, et à environ 20 % dans les Caraïbes et aux États‑Unis comparativement à 10 % chez les femmes blanches aux États‑Unis.
Le plus préoccupant, c'est que malgré le taux d'incidence du cancer du sein plus faible chez les femmes noires que chez les femmes blanches, les premières enregistrent un taux de mortalité plus élevé des suites de ce même cancer. Les femmes noires âgées de moins de 50 ans ont un taux de mortalité deux fois plus élevé que les femmes blanches en partie en raison de l'absence de traitements ciblés pour le cancer triple négatif, dont la prévalence est plus élevée chez les femmes noires. En revanche, les femmes blanches ont tendance à recevoir des diagnostics de cancer du sein à récepteurs d'œstrogène positifs, qui sont traités efficacement avec du tamoxifène.
Comme il n'existe pas de thérapies ou de médicaments conçus expressément pour traiter le cancer du sein triple négatif, le pronostic des femmes ayant reçu un diagnostic de ce type de cancer — les femmes autochtones, noires, hispaniques, blanches, asiatiques ou d'une autre ethnie — est assez sombre parce que les seuls traitements qu'elles peuvent recevoir sont la radiothérapie, qui cible le sein en tant que tel, et la chimiothérapie standard, qui s'attaque à toutes les cellules proliférantes telles que les cellules ciliées et les cellules intestinales.
Les données épidémiologiques canadiennes combinées aux données des États‑Unis et du Royaume‑Uni révèlent la présence de différences raciales et ethniques dans les taux de morbidité et de mortalité liés au cancer chez les populations noires, autochtones, asiatiques et hispaniques. Comme je l'ai dit tout à l'heure, même si l'incidence du cancer est plus élevée chez les femmes blanches, les femmes racisées ont tendance à recevoir à un plus jeune âge des diagnostics présentant des sous-types de cancers plus agressifs à des stades plus avancés. Par conséquent, elles meurent plus jeunes que les femmes blanches. Malgré ces constatations, les lignes directrices canadiennes sur le dépistage du cancer du sein pour les femmes qui présentent un risque moyen de cancer recommandent une mammographie tous les 2 ans entre 50 ans et 75 ans. Elles ne recommandent pas de dépistage pour les femmes âgées de 40 à 49 ans.
Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a publié récemment une version provisoire de la mise à jour de ses lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein au Canada. Malheureusement, le groupe maintient que le dépistage doit débuter à l'âge de 50 ans. Les lignes directrices actuelles et provisoires ne tiennent pas compte des effets particuliers du cancer sur les populations canadiennes autochtones et racisées. Elles risquent par conséquent de perpétuer les disparités raciales et ethniques actuelles qui se manifestent par le sous-dépistage des patientes et des femmes racisées.
Ces recommandations ne reflètent pas les pratiques actuelles à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique et au Yukon, où la mammographie est offerte à l'âge de 40 ans. En Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest, le dépistage du cancer du sein est recommandé pour les personnes âgées de 45 à 74 ans. Cet automne, le gouvernement de l'Ontario a approuvé l'accès direct des personnes âgées de 40 à 49 ans à une mammographie dans le cadre du Programme de dépistage du cancer du sein de l'Ontario.
Selon les directives provisoires mises à jour, les données canadiennes montrent que l'incidence, la mortalité, le sous-type et le stade du cancer au moment du diagnostic chez les cohortes plus jeunes varient en fonction de la race et de l'ethnie, mais aussi qu'il existe un manque de données sur les avantages et les préjudices, ainsi que sur les préférences et les valeurs des communautés racisées. Le groupe d'étude ne semble donc pas tenir compte de la façon dont les recommandations sur le dépistage du cancer du sein peuvent être interprétées par les groupes racisés, qui ne font généralement pas confiance au système de soins de santé, comme l'ont mentionné mes collègues et d'autres témoins. Cette méfiance est attribuable au racisme systémique historique et continu à l'égard des communautés noires et autochtones.
Il n'existe pas de solution universelle, et au nom de The Olive Branch of Hope, des Canadiennes noires et d'autres femmes racisées, j'exhorte le groupe d'étude canadien sur le dépistage du cancer du sein à réviser ses recommandations pour tenir compte des populations à risque d'apparition précoce et de sous-types agressifs du cancer du sein.
Je vous remercie.
Merci, madame Daniel.
Nous passons maintenant à Mme Caron.
Vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.
Aaniin. Meegwetch. Je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel et non cédé des peuples Lheidli T'enneh, qui se trouve à Prince George, dans le Nord de la Colombie-Britannique. Je suis chirurgienne et professeure à l'Université de la Colombie-Britannique, et je me joins à vous aujourd'hui en tant que femme, fille, mère, sœur, tante, cousine et membre de la Première Nation de Sagamok Anishnawbek. Je recommande fortement que dans les lignes directrices, le dépistage du cancer du sein commence à 40 ans, et non pas à 50 ans, comme le recommande actuellement le groupe d'étude.
Je suis vraiment heureuse d'être ici une fois de plus avec mes collègues qui ont témoigné le 18 novembre dernier, afin que nous puissions vous faire part encore de nos idées et, idéalement, répondre à toutes vos questions qui pourraient vous amener à suspendre ou à ne pas appuyer cette recommandation.
Pour vous rappeler ce qui a été dit précédemment en novembre, il y a une différence entre la recommandation de participer à un programme de mammographie de dépistage à l'âge de 50 ans, et l'option de pouvoir passer une mammographie dans la quarantaine après avoir eu une discussion avec un fournisseur de soins primaires, comme en Colombie-Britannique. Il existe peu de données et de recherches dans ce domaine, mais il en existe, et mes collègues vous ont déjà parlé de certaines d'entre elles. Nous avons des données qui montrent qu'il est nécessaire de procéder plus tôt à des mammographies de dépistage et d'accroître les taux de participation.
En Colombie-Britannique, la Régie de la santé des Premières Nations procède à la révision finale d'un article copréparé par B.C. Cancer et la présidente de recherche sur le cancer et le mieux-être de la Régie de la santé des Premières Nations. Comme je l'ai dit en novembre, lorsqu'on compare les données sur les cancers du sein chez les femmes des Premières Nations à celles des autres femmes de la Colombie-Britannique, on constate que, chez les premières, les diagnostics arrivent à un stade plus avancé du cancer, comme Mme Letendre nous l'a dit, et que les taux de survie sont plus faibles. On pourrait remédier à ces problèmes en s'appuyant sur ces données connues et en procédant à des mammographies de dépistage à partir de 40 ans.
Le manque de recherches sur les peuples autochtones et le cancer est en soi un problème auquel il faut remédier, mais j'imagine que l'inégalité persistante dans l'accès à la recherche en santé dépasse le cadre de la réunion d'aujourd'hui. Si nous n'avons pas de données pour appuyer le recours aux mammographies de dépistage à l'âge de 50 ans, pourquoi ne pas commencer à pécher par excès de prudence si l'on ne dispose pas de preuves fermes qu'on ne nuirait pas aux femmes autochtones en conservant la recommandation actuelle que nous vous demandons de ne pas conserver? Il existe des données pour appuyer l'accès à des mammographies de dépistage pour les femmes autochtones à l'âge de 40 ans, étant donné que leurs diagnostics arrivent à un stade plus avancé du cancer et que leur taux de survie est plus faible, mais en tant que chercheuse dans ce domaine, je n'ai vu aucune donnée qui appuie l'idée des mammographies de dépistage pour les femmes autochtones à l'âge de 50 ans.
À l'heure actuelle, il est recommandé que les mammographies de dépistage commencent à 50 ans, à moins que la personne ait des facteurs de risque connus qui augmentent son risque de cancer du sein. Mes estimées collègues y ont également fait allusion. Les mammographies devraient commencer à l'âge de 40 ans si la personne a ces facteurs de risque, qui peuvent être liés à des antécédents familiaux ou à des résultats de tests génétiques qui augmentent le risque, comme la présence des gènes BRCA1 et BRCA2. Mme Daniel a parlé des recherches extraordinaires qu'elle mène pour accroître nos connaissances sur les facteurs de risque.
Ces facteurs de risque deviennent un obstacle pour les femmes des Premières Nations, car elles doivent savoir qu'ils existent afin que leurs fournisseurs de soins de santé puissent recommander une mammographie de dépistage à l'âge de 40 ans. Il existe toutefois une iniquité dans l'accès à cette information, car les politiques et les programmes hérités du passé — qu'il s'agisse des pensionnats, de la rafle des années 1960, de la réinstallation forcée ou de l'accès inéquitable à la génétique médicale ou aux programmes de dépistage des cancers héréditaires — peuvent avoir réduit grandement l'accès des femmes autochtones à leurs antécédents familiaux ou aux résultats de tests génétiques, afin qu'elles puissent connaître ces facteurs génétiques. Je pense que d'autres inégalités en amont nous empêchent aussi d'avoir accès à un médecin de famille qui recommande un dépistage à 40 ans.
En Colombie-Britannique, on recommande de commencer à passer des mammographies à l'âge de 50 ans, mais il est possible de commencer dans la quarantaine en consultant un fournisseur de soins primaires. Cependant, nous savons que l'accès aux soins primaires est en crise dans les réseaux de la santé au Canada, et c'est encore pire pour les communautés autochtones. Mme Letendre vous a parlé des autres obstacles qui se présentent également.
Enfin, en tant que chirurgienne autochtone, je vois des femmes qui ont un cancer du sein sous forme de masse palpable. Je vois des femmes qui me sont référées à la suite d'une mammographie de dépistage anormale, et je vois des femmes qui ont déjà reçu un diagnostic de cancer du sein. J'ai vu des femmes être dévastées lorsque le diagnostic arrive tard et que les perspectives sont sombres, et j'ai vu des femmes être soulagées à la suite de résultats rassurants, précoces ou négatifs.
Les mammographies de dépistage sauvent des vies. Personne ne le nie. On dit que les mammographies anormales qui se révèlent être normales par la suite sont des expériences stressantes pour les femmes. Cependant, je pense que nous devons croire en leur résilience et leur rendre leur voix. Nous pouvons supporter l'expérience stressante d'un ou de plusieurs tests qui nous donnent du pouvoir sur nos vies beaucoup plus facilement qu'un diagnostic tardif de cancer du sein qui aurait pu être complètement évité.
Chi-meegwetch. Merci.
Merci, madame Caron.
Je vous remercie toutes de vos déclarations préliminaires.
Sur ce, j'aimerais passer à notre première série de questions.
Les six premières minutes vont à Mme Ferreri.
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup à nos témoins d'être ici aujourd'hui alors que nous poursuivons notre étude sur le dépistage du cancer du sein dans tout le pays.
Tout au long de cette étude, le thème récurrent, sauf dans le cas de la présidente du groupe d'étude, a été de réduire l'âge de dépistage recommandé à 40 ans. Par un signe de tête, est‑ce que tout le monde ici est d'accord pour que ce soit le cas? Oui, il y a de grands hochements de tête.
Cela n'arrive pas souvent à la Chambre des communes, mais je pense que nous sommes tous d'accord, même dans cette salle, sur ce point. C'est choquant, et bon nombre des femmes qui siègent à ce comité ont été touchées personnellement. Je sais que même mon collègue, l'honorable Ed Fast, qui remplace une collègue aujourd'hui, a été touché personnellement, car sa mère a reçu un diagnostic de cancer du sein.
Je vais commencer par Mme Daniel. Je suppose que la question qui se pose est la suivante: « Pourquoi? » Pourquoi pensez-vous que la présidente du groupe d'étude n'a pas écouté tous les experts que nous avons invités, qui se sont exprimés publiquement à ce sujet? Les provinces ont dit que l'âge devrait être fixé à 40 ans. Pourquoi pensez-vous qu'elle n'écoute pas cela? Quelle en est la raison?
Je ne peux pas savoir ce qui se passe dans sa tête; je ne fais pas de télépathie, mais je suppose que sa décision, la décision du groupe d'étude, était fondée sur l'absence de données. Je pense que beaucoup d'entre nous auraient aimé que la recommandation soit d'investir dans la collecte de données, de preuves, de plus de données empiriques pour reconnaître que des différences existent. Il se peut que le groupe d'étude ait dû procéder à la hâte et ait eu un échéancier serré. Comme je l'ai dit, je ne sais pas pourquoi le groupe d'étude et sa présidente sont de cet avis.
J'ai trouvé intéressant, comme d'autres témoins, que l'une des raisons qu'elle a donnée pour expliquer cette décision était que de nombreuses femmes n'aiment pas passer une mammographie, que c'est douloureux et qu'elles préfèrent ne pas savoir. Pour moi, ce sont des raisons troublantes de maintenir l'âge recommandé à 50 ans plutôt que de le fixer à 40 ans, parce que, comme je l'ai dit, savoir, c'est pouvoir. Oui, beaucoup d'entre nous ont peur. J'avais peur quand j'ai découvert ma bosse moi aussi, mais en tant que scientifique, je savais qu'il était dans mon intérêt de le savoir, parce que plus tôt c'est diagnostiqué, mieux c'est.
Comme je l'ai dit, je ne peux pas savoir ce qui se passait dans sa tête. Je ne sais pas de quoi le groupe a discuté et de combien de preuves il disposait, mais je pense qu'il a reconnu avoir très peu de preuves.
Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il existe beaucoup de données probantes provenant des États-Unis, et c'était surprenant que les membres ne soient pas disposés à utiliser ces données pour guider la décision ou la recommandation dans le contexte canadien. Je sais que nous aimons nous différencier et dire que nous devons faire ce qu'il y a de mieux pour les Canadiennes, mais nous devons aussi reconnaître qu'en l'absence de données, nous devrions sans doute utiliser les données d'un pays qui fait ce genre de recherche depuis au moins trois décennies, contrairement au Canada, où nous ne recueillons pas de données démographiques sur les patients, peu importe la maladie, et pas seulement sur le cancer du sein. C'est une énorme lacune au Canada, et bon nombre d'entre nous réclament ces données depuis au moins une décennie.
Je vous remercie de votre réponse. Je vous en suis très reconnaissante. Je pense que vous avez touché un point très intéressant.
La présidente a publié une lettre, un éditorial, au cours de cette étude, pour insister sur les recommandations du groupe d'étude. Où est la responsabilité à cet égard? Cela semble plus malveillant que ce que vous dites, parce que personne ne le nie. Je pense que c'est ce qui frustre les gens. C'est vraiment le sentiment qu'éprouvent les survivantes et elles se demandent: « Pourquoi avoir cette présidente? Quels sont les moyens de la démettre de ses fonctions? Pourquoi n'y avait‑il pas d'experts ou de survivantes dans ce groupe d'étude? » Je vois beaucoup de gens secouer la tête parce que rien ne tient debout. Je suis assise ici et je regarde les députés libéraux d'en face, et comme je l'ai dit, nous ne sommes pas toujours d'accord — pour le dire poliment —, mais cela n'a aucun sens.
Je pense que vous venez de frapper en plein dans le mille. C'est la réponse en soi, parce que c'est de cela qu'il s'agit. Qui nomme ces personnes, et n'y a‑t‑il pas d'opposition et de reddition de comptes? Compte tenu de tous les témoignages, pourquoi cela n'a‑t‑il pas été renversé?
Je vous remercie beaucoup.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins des renseignements très précieux qu'elles nous ont fournis aujourd'hui.
Je tiens à remercier Mme Ferreri de ce qu'elle vient de mentionner. Nous sommes d'accord. Les recommandations seront claires au sujet de l'âge de 40 ans. Nous devrons examiner comment l'Agence de la santé publique du Canada procède pour nommer les personnes qui siègent à ce groupe de travail. De toute évidence, nous sommes tous d'accord là‑dessus. Tous les témoins, sauf une, abondaient dans le même sens.
J'aimerais maintenant parler des prochaines étapes. Mme Kewayosh, de Santé Ontario, a parlé de visites dans le Nord de l'Ontario. Je veux parler de la façon dont le système peut être amélioré et formuler des recommandations en ce sens.
Je veux parler des visites, mais comme certains d'entre vous le savent sans doute, en Ontario, il y a 116 Premières Nations. De ce nombre, 110 sont situées dans le Nord de l'Ontario, et 9 sont accessibles uniquement par avion. Le Nord de l'Ontario a la première nouvelle école de médecine depuis 30 ans, l'EMNO, à Sudbury et à Thunder Bay. Elle se concentre sur les régions rurales et les Autochtones. Beaucoup de médecins, qui sont formés depuis environ six ans, se rendent également dans les communautés.
Madame Kewayosh, avez-vous des recommandations à formuler au sujet de la formation en soins primaires? Qu'avez-vous vu sur le terrain lors de vos deux visites dans le Nord de l'Ontario?
Je vais poser la même question aux deux autres témoins.
Pour ce qui est de la formation, nous offrons une formation en sécurisation culturelle à tous les médecins suppléants. Ils y ont accès. Nous travaillons en étroite collaboration avec la Sioux Lookout First Nations Health Authority, l'autorité sanitaire des Premières Nations de Sioux Lookout, qui détient les contrats pour les suppléants et travaille avec les infirmières dans les communautés. Ce sont des infirmières fédérales, soit dit en passant. Il s'agit de travailler directement avec la communauté pour améliorer les communications et l'éducation pour que la communauté comprenne en quoi consiste le dépistage, entre autres.
Il y a 29 communautés éloignées dans le Nord-Ouest de l'Ontario. Nous avons été en mesure de rapprocher le dépistage des communautés en fournissant des trousses FIT, qui sont destinées au dépistage colorectal, aux habitants pour qu'ils y aient accès, et en dépêchant des formateurs en dépistage mobile à Sioux Lookout. Les gens peuvent donc se rendre à Sioux Lookout au lieu d'aller à Thunder Bay.
Il y a certainement beaucoup plus de travail à faire auprès des fournisseurs de soins primaires. Ils se rendent dans les communautés. Ils sont affectés à différentes communautés, si bien que les habitants ne rencontrent pas toujours le même médecin. Il n'est donc pas possible de créer un lien de confiance ou d'établir une relation avec les médecins. Il arrive encore que des membres de la communauté aient l'impression que les fournisseurs de soins de santé ne les écoutent pas ou qu'ils soient simplement renvoyés chez eux avec une aspirine, alors qu'en fait, ils ont un cancer de stade 3 ou 4.
Nous essayons de réunir tout le monde pour que ces discussions aient lieu. Cependant, nous avons besoin de plus de soutien, comme mes éminentes collègues l'ont mentionné, pour mener des recherches afin de comprendre pourquoi le cancer semble se manifester à un âge plus précoce chez les Autochtones que chez les autres personnes en Ontario. Nous avons des études qui le confirment.
Nous avons procédé à une évaluation des répercussions pour savoir ce que les gens pensent du cancer aujourd'hui, et ce, à partir d'une évaluation des besoins que nous avions faite il y a 20 ans. Les choses n'ont pas vraiment beaucoup progressé en 20 ans en ce qui concerne le cancer, sauf que les gens peuvent maintenant en parler, alors qu'auparavant, ils ne voulaient même pas mentionner ce mot parce qu'il y avait une telle stigmatisation associée à cela.
Merci, madame Kewayosh. Le temps file.
Madame Caron, votre témoignage était tout à fait pertinent sur les obstacles, la détection précoce, le dépistage et le fait de sauver des vies. En ce qui concerne les fournisseurs de soins primaires dans les communautés des Premières Nations, avez-vous des recommandations précises à nous faire pour remédier au manque, manifestement épouvantable, de service auquel font face les femmes autochtones?
Je vous remercie de cette excellente question.
J'habite à Prince George, où se trouve le programme de médecine du Nord. Ce programme ressemble beaucoup à celui qui est offert à l'École de médecine du Nord de l'Ontario, qui a vu le jour à peu près en même temps. L'objectif est de développer une ressource en santé. Le programme est conçu pour mieux former les médecins qui veulent travailler dans le Nord et dans les collectivités rurales. À l'Université de la Colombie-Britannique, nous offrons une formation obligatoire sur la sécurité culturelle à tous les étudiants dans le domaine de la santé, qu'ils étudient en médecine, en pharmacie, en médecine dentaire, en travail social, en sciences infirmières, en diététique, en orthophonie, en audiologie, ou pour devenir sage-femme. Cela aide, mais je pense que nous devons continuer à mettre l'accent sur la mammographie de dépistage.
Je tiens à souligner que je n'ai jamais rencontré un médecin qui n'avait pas commencé à faire subir des mammographies de dépistage aux patientes qui sont dans la quarantaine, même après que l'on ait martelé qu'il fallait commencer à le faire dans la cinquantaine. Je ne connais personne qui, après avoir vu les conséquences d'une tumeur maligne qui n'avait pu être détectée, faute d'une mammographie de dépistage, n'ait pas choisi de le faire.
Selon les données que nous avons vues, plus de 30 % des femmes en Colombie-Britannique choisissent de parler à leur médecin de famille et de subir une mammographie de dépistage à 40 ans. Moins de 20 % des femmes des Premières Nations le font. Je pense que cela s'explique en partie par les obstacles que Mme Letendre et d'autres ont bien décrits. Cela commence quand même à se faire, mais il s'agit vraiment d'une disparité entre les femmes, même sans la directive ferme selon laquelle les femmes qui ne sont pas des Premières Nations — parce que dans l'étude que j'ai réalisée, les données concernent plus particulièrement les Premières Nations — devraient subir une mammographie de dépistage dans la quarantaine.
Je pense qu'il y a un message contradictoire et que c'est injuste pour les fournisseurs de soins de santé. Lorsque les recommandations et les lignes directrices indiquent qu'il faut commencer le dépistage à 50 ans, mais qu'il faut l'envisager à 40 ans — certaines provinces disent qu'il faut le faire à 45 ans —, c'est stressant. C'est difficile à expliquer. À 40 ans, on se demande ce qu'est le dépistage et pour quelle raison il faut subir ce test. Il est difficile d'y avoir accès, et on est confronté à d'autres problèmes liés au racisme. Les messages sont contradictoires. En Ontario, on fait ceci, en Colombie-Britannique, on fait cela. Il nous faut un message clair.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous offrir leur expertise, aujourd'hui, dans le cadre de cette étude extrêmement importante sur la norme de dépistage du cancer du sein à 40 ans.
On a amplement parlé de cette question. Le Comité permanent de la santé en a également parlé. On a eu l'occasion d'aborder cette question lorsqu'on a parlé de la santé des femmes. Or il semble y avoir un consensus à ce sujet. Cependant, pour ma part, j'essaie d'aller plus loin et de trouver d'autres pistes de réflexion et d'autres solutions.
Madame Letendre, vous avez parlé de la question de la comorbidité et du lien entre le diabète et le cancer du sein chez les Autochtones. Vous avez parlé de l'importance de développer les connaissances et de faire le choix d'un mode de vie sain. Vous avez abordé toutes ces questions. Cela m'amène à autre chose. En effet, au-delà de la question du dépistage à 40 ans, qui semble faire consensus, il faut avoir d'autres pistes de solution, étudier d'autres recommandations et aller plus loin.
De mon côté, j'essaie de comprendre pourquoi il y a encore autant de cancers dans les communautés autochtones. On a parlé de l'importance, en matière de prévention du cancer, de faire des choix de vie sains. On en parle de plus en plus. On parle aussi des conséquences de ne pas agir plus tôt et de laisser des gens vivre dans des conditions qui ne sont pas respectables en 2024.
Par exemple, on parle de plus en plus des contaminants présents dans l'environnement et de ce qu'on y rejette. On parle aussi du fait que certaines communautés autochtones n'ont toujours pas d'accès à de l'eau potable. J'essaie donc de voir comment ces facteurs peuvent s'additionner et avoir des conséquences sur le nombre de cancers dans les communautés autochtones.
[Traduction]
Ce sont des questions très importantes. Je vous remercie de réfléchir dans un contexte plus large aux nombreux problèmes qui ont une incidence sur cette situation.
Tout d'abord, la reddition de comptes à laquelle on s'attend de nos systèmes de santé doit être mieux comprise et expliquée. Souvent, comme on l'a dit, les décisions dépendent des données et des données disponibles. Cependant, il faut aussi reconnaître — et je sais que Mme Daniel a parlé de données empiriques... Du point de vue des Autochtones, lorsque ces histoires sont répétées à maintes reprises, elles ne sont plus anecdotiques; elles constituent des preuves. Il faut conjuguer les données et les points de vue sur les expériences des femmes autochtones.
Les femmes autochtones qui ont 40 ans sont confrontées à des défis et à des problèmes liés à leur mode de vie qui sont souvent beaucoup plus graves que ce que vivent d'autres groupes au Canada. Nombre d'entre elles doivent notamment élever leurs petits-enfants en raison de surdoses et de ce qui se passe dans la vie des parents de leurs petits-enfants.
La mise en place de ressources, dont la Dre Caron a parlé, est un autre élément très important. Dans différentes provinces, de nombreuses mammographies sont très... Les autobus sont très vieux. Il est donc important de disposer d'un équipement moderne et de très bonne qualité pour être en mesure de se rendre dans les régions éloignées et isolées où se trouvent bon nombre de nos populations autochtones.
Nous devons également envisager de consacrer davantage d'énergie, de fonds et de recherches au renforcement des capacités des communautés. Pour ce faire, il faut mobiliser les services de dépistage provinciaux de façon plus importante. Nous avons tous parlé de l'amélioration des connaissances et de l'information, entre autres choses. Il faut tenir compte du fait que lorsque bon nombre de ces ressources sont envoyées dans les communautés, on s'attend à ce que ces communautés se mobilisent pleinement et utilisent les ressources de leurs propres centres et leurs fournisseurs de soins de santé primaires pour tout mettre sur pied.
Le niveau d'évaluation et de partage des données n'est tout simplement pas suffisant pour les communautés. Elles seraient en mesure de renforcer leurs capacités si les systèmes de santé étaient plus disposés à partager les données, à mettre en commun les ressources et à leur donner accès à ces services.
[Français]
Mesdames Kewayosh et Sheppard, avez-vous quelque chose à ajouter en lien avec d'autres aspects touchant la communauté?
Je pense par exemple aux communautés qui craignent que le dépotoir nucléaire de Chalk River ait des répercussions sur l'eau, notamment à cause des contaminants, et sur l'augmentation du risque de cancer.
[Traduction]
Nous savons que de nombreux contaminants environnementaux présents dans les communautés risquent d'entraîner certains cancers. Nous travaillons avec l'unité de recherche sur le cancer professionnel de Santé Ontario, et de nombreuses études le confirment.
Il va sans dire que le nombre élevé de cancers que nous observons dans les communautés est probablement dû à certains contaminants. La pauvreté, l'insécurité alimentaire, le fait d'être privé d'aliments sains, d'être privé d'activités récréatives et de ne pas pouvoir sortir, car l'essence coûte trop cher, sont d'autres facteurs. Les gens n'ont pas les moyens de garder leur motoneige ou même de sortir en bateau pour chasser le gibier et pêcher. Nous savons que la nourriture qu'ils chassent et pêchent est beaucoup plus saine que celle qu'ils achètent à l'épicerie, mais personne ne pêche ou ne chasse.
Ces activités sont inaccessibles pour la plupart des membres de la communauté. Ainsi, si nous investissions plus de ressources et comprenions mieux comment nous pouvons les aider à exercer ce genre d'activités, nous leur permettrions d'adopter des habitudes beaucoup plus saines en matière de nutrition, d'activité physique et de bien-être émotionnel.
Meegwetch.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Mme Idlout.
Vous avez la parole pour six minutes.
Qujannamiik, Iksivautaq. Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de comparaître une deuxième fois dans le cadre de cette étude très importante.
Ma première question s'adresse à Mme Alethea Kewayosh.
Lors de la dernière réunion, il a été question de racisme dans le système de santé et du fait que le manque d'accès aux soins de santé expose davantage les femmes autochtones au risque de ne pas recevoir un diagnostic à un stade plus précoce du cancer.
Je me demande si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet.
Il suffit de lire le journal pour constater que différents incidents se produisent dans les hôpitaux au Canada. Récemment, il y a eu des incidents de racisme dans des hôpitaux de l'Ontario. Certains d'entre eux ont entraîné des décès.
Nous sommes d'avis que si une sanction plus lourde était appliquée en cas d'incident raciste, ces incidents cesseraient probablement. Or, les gens se font simplement taper sur les doigts ou on leur dit de ne pas se présenter au travail pendant quelques jours. Rien ne change. La communauté le sait. Elle sait que si un incident se produit, ces gens ne risquent rien.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'Ombudsman des patients pour créer un poste de spécialiste en règlement rapide des différends ayant trait à des expériences autochtones, et cela est utile. Nous collaborons également plus étroitement avec la Commission ontarienne des droits de la personne. Il importe aussi de sensibiliser les hôpitaux à la sécurité culturelle et de favoriser leur compréhension à cet égard. Nous travaillons de concert avec des partenaires comme le Indigenous Primary Health Care Council, qui donne une formation en matière de sécurité culturelle qui permet aux gens d'apprendre ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas.
Bon nombre de ces problèmes sont dus à l'ignorance et au fait que les gens ne comprennent pas à quel point ce qu'ils disent peut être offensant pour les peuples autochtones. Je ne pense pas qu'ils veulent nécessairement être méchants. Ces commentaires sont le fait de l'ignorance. Nous devons en faire plus pour sensibiliser les fournisseurs de soins de santé et le système de santé à la culture autochtone et à la sécurité culturelle. Nous nous y employons, mais il leur incombe aussi de faire un pas en avant.
Ensuite, on a besoin de ressources pour que les travailleurs de notre système de santé puissent s'absenter, malgré leur horaire extrêmement chargé, pour suivre ces formations. Il est très important que les gens connaissent la véritable histoire de ce pays et le rôle que les Premières Nations — et les autres nations — ont joué. La plupart des gens ne connaissent pas cette histoire. Le système de santé est composé de nombreux nouveaux arrivants qui ignorent tout de cette histoire.
Il faut en faire davantage pour que les gens connaissent mieux l'histoire du Canada, le rôle que les peuples autochtones ont joué et les traumatismes historiques qu'ils ont subis et qui ont mené à ce que nous observons dans les communautés aujourd'hui. Les gens peinent à s'en débarrasser et à se libérer des chaînes des pensionnats et des politiques discriminatoires de la Loi sur les Indiens. Tant de choses sont encore en place aujourd'hui. C'est pourquoi il est difficile de s'en sortir.
Les peuples autochtones sont extrêmement résilients. Il y a 20 ou 30 ans, ils auraient accepté ce qu'on leur aurait dit, mais, aujourd'hui, ils se tiennent debout et n'acceptent plus ces commentaires. Nous faisons notre part pour repousser ce type de comportement, et je constate que les communautés se mobilisent de plus en plus pour contribuer à ces efforts.
Merci beaucoup. Vous avez tout naturellement répondu aux autres questions que j'allais poser. Nous devons veiller à ce que le système de santé tienne davantage compte des traumatismes provoqués par le traitement que le Canada a infligé aux peuples autochtones.
Vous avez mentionné les pensionnats. Dans l'Extrême-Arctique, il y a eu l'abattage des chiens et la tuberculose. Je me demande si vous pouvez nous parler des conséquences négatives du système actuel sur la santé des femmes autochtones; il n'y a pas d'investissements dans le logement ni dans les infrastructures. Quelle est son incidence sur la capacité des femmes autochtones à se prévaloir du dépistage du cancer du sein?
L'une de mes collègues a dit que la plupart des femmes admissibles au dépistage — celles de 50 ans et plus et de 40 ans et plus en Ontario, si elles s'adressent à un fournisseur de soins primaires — ne peuvent pas subir un examen. Il y a des femmes qui s'occupent non seulement de leurs petits-enfants, mais aussi de leurs arrière-petits-enfants. Elles essaient de les nourrir. Elles essaient de garder un toit au‑dessus de leur tête. Voilà les problèmes auxquels elles sont confrontées au quotidien. Le dépistage est donc la dernière chose à laquelle elles pensent.
Des communautés ont du mal à joindre les deux bouts. Quand a‑t‑on l'occasion de penser au dépistage ou de prendre soin de soi? Les taux de diabète sont élevés, comme l'a mentionné l'une de mes collègues. Les gens souffrent de maladies cardiaques. Nous avons tous les problèmes de santé. Il serait probablement plus facile de recenser ceux que nous n'avons pas que ceux que nous avons.
Comment donner la priorité aux soins de santé et aux soins personnels lorsque l'on s'efforce tous les jours de nourrir sa famille, de s'occuper de ses petits-enfants, de ses arrière-petits-enfants ou d'un membre de la famille qui consomme des drogues ou de l'alcool de façon excessive pour composer avec une situation? Voilà les réalités dans ces communautés.
Merci beaucoup, madame la présidente.
On apprend aujourd'hui — en fait, on ne nous l'apprend pas — que la lourdeur de la charge mentale des femmes n'a pas de frontière. Elle s'étend partout, jusque dans le Grand Nord.
Madame Kewayosh, vous nous parliez de la charge mentale énorme de nos grands-mères et de nos arrière-grands-mères et de celle que peuvent avoir les femmes aujourd'hui.
Je remercie ce merveilleux groupe de témoins d'être avec nous aujourd'hui. Vous êtes des femmes très occupées. Vous sauvez des vies tous les jours, ce que nous ne faisons pas. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Je suis un peu en colère au sujet des directives que le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs veut maintenir. En tout cas, ce sont les signaux que nous avons reçus. De toute évidence, ce groupe d'étude fait l'unanimité contre lui en ce qui concerne la recommandation de permettre le dépistage systématique, si les femmes le veulent, à partir de 40 ans. Ce que j'ai envie de lui dire, aujourd'hui, et je suis certaine que mes collègues sont tous d'accord, c'est qu'il faudrait plutôt mettre le service à la disposition des femmes et les laisser prendre leurs décisions. Arrêtons d'infantiliser les femmes. Quand les femmes vont voir leur médecin et qu'elles ont une infection urinaire ou des symptômes terribles de la ménopause, tout le monde les contredit. Elles connaissent leur corps et, la plupart du temps, elles savent ce qui leur arrive. Il me semble qu'on devrait mettre ce service en place et dire aux femmes que, puisque c'est leur corps, c'est à elles de décider si elles veulent ou non subir une mammographie ou un examen de dépistage.
Je n'en reviens pas qu'aujourd'hui, on dise encore que si les femmes ne se font pas diagnostiquer et si elles n'entrent pas dans le système pour un dépistage précoce, c'est parce qu'elles auraient peur de ce qu'elles pourraient voir et entendre, ou parce qu'elles pourraient vivre du stress ou de l'anxiété.
Je ne crois pas à cela. C'est impossible. Certaines femmes de mon entourage, des plus jeunes et des moins jeunes, sont passées par là, et pas une seule ne remercie pas le ciel d'avoir pu bénéficier d'un dépistage et recevoir un diagnostic beaucoup plus tôt. D'ailleurs, on sait que, lorsque le cancer du sein est dépisté très tôt, il se traite bien.
Madame Daniel, vous nous dites, aujourd'hui, que vous pensez que la présidente du groupe d'étude croit que les femmes ne veulent pas savoir, je suis désolée, mais je ne suis pas d'accord. Tout au long de cette étude, personne ne nous a dit cela, et aucun membre du Comité ne l'a dit non plus. Je suis certaine que c'est faux.
Mesdames Kewayosh et Daniel, si j'ai bien compris ce que vous nous dites aujourd'hui, le cancer du sein est un sujet tabou chez les Autochtones, et certaines femmes pourraient, pour ces raisons, ne pas vouloir obtenir un diagnostic. Vous l'avez d'ailleurs dit lors de notre première rencontre.
De votre côté, madame Daniel, vous nous avez dit qu'il y avait une espèce de malédiction liée à cette connaissance, ainsi qu'une stigmatisation. C'est une barrière qui pourrait très certainement être enlevée, notamment en faisant des campagnes de sensibilisation et de communication. N'êtes-vous pas du même avis?
Par ailleurs, avez-vous fait des démarches auprès du gouvernement ou d'autres autorités pour qu'on puisse régler cette problématique?
Madame Kewayosh, je vous invite à répondre la première.
[Traduction]
Oui, je crois que nous pouvons aider les gens à mieux comprendre ce qu'est le cancer aujourd'hui. En Ontario, nous avons accompli des efforts en ce sens au cours des 15 dernières années. Nous avons lancé une vaste campagne de communication et de sensibilisation pour aider les communautés à mieux comprendre ce qu'est le cancer et ce qu'elles peuvent faire pour le combattre. Il y a 15 ans, les gens ne parlaient même pas du cancer, et s'ils en parlaient, tout ce qu'ils en savaient, c'était qu'on ne pouvait pas s'en sortir. Aujourd'hui, des communautés nous demandent de mettre en place des programmes pour les survivants parce qu'elles comptent désormais des personnes qui survivent au cancer. Cela me réconforte, car nous travaillons fort pour qu'elles en arrivent là.
Est‑ce que c'est le cas partout? Non. Nous avons encore beaucoup de travail à faire. Cependant, le fait que des communautés constatent que l'on survit au cancer est un événement important. Il est le fruit de beaucoup d'efforts accomplis pour les aider à mieux comprendre le cancer et à faire disparaître la peur que suscite ce mot. Nous avançons dans cette direction, alors oui, je crois que nous pouvons éliminer la stigmatisation.
Je vous remercie.
[Français]
Merci, madame Vien.
[Traduction]
Madame Sidhu, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins.
Notre comité a entendu parler de données fiables et de sensibilisation en matière de sécurité culturelle.
Madame Caron, la semaine passée, le ministre de la Santé a annoncé un financement pour la recherche relative au dépistage du cancer du sein, y compris les traitements et les résultats selon la race et les origines ethniques. Vous avez parlé du manque de données, plus particulièrement au sujet du cancer du sein triple négatif chez les femmes autochtones. Comment pouvons-nous combler cet écart en matière de données et veiller à ce que les femmes aient accès aux soins et aux services de dépistage du cancer du sein dont elles ont besoin?
C'est une excellente question, et c'est bon à entendre.
Une réponse à cette question, c'est qu'on ne peut pas faire quelque chose pour les femmes autochtones et les Autochtones en général sans leur participation. C'est impossible. C'est quelque chose qui n'a jamais fonctionné. C'est dépassé. C'est une approche du passé. C'est la première chose à retenir.
Deuxièmement, il faut mettre à profit les universitaires, les médecins, les fournisseurs de soins de santé et les chercheurs autochtones. Compte tenu de ce qui s'est fait dans le passé relativement à l'éducation et à la marginalisation des Autochtones au pays, c'est un bassin de personnes relativement petit. Nous devons le reconnaître et appuyer ceux qui sont disposés à joindre ce groupe.
Troisièmement, nous devons reconnaître et garder à l'esprit le fait qu'il n'y a pas de données — nous en avons un peu — et faire preuve de patience à cet égard. À propos de faire preuve de patience, je ne dirai jamais assez que nous ne devrions pas avoir à prouver que nous avons besoin de ces données. Les gouvernements et les bailleurs de fonds des systèmes de santé qui paieraient et financeraient les mammographies de dépistage et accorderaient les ressources nécessaires à cette fin, par exemple, devraient finalement porter le fardeau, en tant que responsables du système de santé, et prouver que ce ne sera pas avantageux pour les Autochtones.
On dit toujours qu'il faut les données nécessaires pour prouver que les ressources sont justifiées. En tant que médecin issue des Premières Nations ainsi que chirurgienne et chercheuse spécialisées en cancer du sein, c'est ce que j'entends à n'en plus finir. Pourquoi? Nous n'avons pas les données parce que nous n'avons pas eu les ressources et les études compte tenu des pensionnats et de toutes ces choses. La patience signifie que jusqu'à preuve du contraire, il faut être très prudent et reconnaître la valeur des vies autochtones au pays.
Enfin, ce qui retient vraiment de plus en plus l'attention en ce moment, c'est le concept de la souveraineté des données autochtones. Lorsque nous générons des données, que nous commençons à avoir ces connaissances et que nous progressons en tant que pays dans nos systèmes de santé, nos systèmes publics de santé, nous devons reconnaître que nous devons protéger la souveraineté de ces données, qui appartiennent à des Autochtones et doivent être protégées par des Autochtones. Il est très important de savoir comment ces données seront utilisées. Comment peut‑on s'y prendre? Je vais revenir à ma réponse initiale et dire que ce ne sera pas sans Autochtones pour aider à orienter l'approche.
Je pense que nous sommes à un point où je peux, en tant que chercheuse et fournisseuse de soins de santé autochtones, avoir confiance qu'avec les bonnes personnes dans la pièce, il ne faut pas que tout le monde soit autochtone. J'entends toutes ces questions et des réponses brillantes d'élus, et vous semblez nous écouter et vous soucier de notre bien-être. Il ne faut donc pas être autochtone pour se soucier des Autochtones ou comprendre, mais je pense que nous devons aller de l'avant en tant que pays, en tant que communauté.
Le fait que vous posiez cette question est en soi un pas en avant.
Merci.
La dernière fois, une des témoins, Jennie Dale, a dit que les femmes font souvent face à un déséquilibre de pouvoir face aux médecins. Il leur est donc difficile de s'affirmer lorsqu'un médecin refuse de leur faire passer un test de dépistage. Quelle est l'incidence de ce déséquilibre de pouvoir, en particulier pour les femmes de couleur, les femmes autochtones ou les femmes racisées?
À vrai dire, nous pouvons enlever les adjectifs. Les femmes en général ont tendance à subir un déséquilibre de pouvoir. Je le sens en tant que chirurgienne lorsque je rentre dans une pièce et que je suis entourée de collègues masculins. Je pense que cela s'améliore, mais c'est encore une réalité.
Dans le déséquilibre de pouvoir entre une patiente et un fournisseur de soins de santé, lorsqu'on ajoute les croyances du fournisseur de soins de santé, qui a passé des années à étudier et à apprendre, et celles de la patiente, qui ne pense pas vraiment au cancer du sein jour après jour si elle ne travaille pas dans le domaine, il y a un déséquilibre de connaissances qui peut être amplifié par les stéréotypes, les préjugés, le racisme ainsi que les inégalités fondées sur le genre ou le sexe — des déséquilibres de pouvoir de cette façon. Comme l'a dit Mme Kewayosh, je ne pense pas que cela devrait être toléré. Il devrait y avoir d'importantes conséquences à cela.
À propos de cette notion de racisme et des données qui pourraient être disponibles à ce sujet, pendant la pandémie, le gouvernement provincial a lancé une enquête sur le racisme visant les Autochtones dans le système de santé. Ce n'était pas lié à la COVID, aux vaccins ou à l'équipement de protection individuelle. C'était carrément lié à tout, et au milieu de la pandémie, c'est devenu une enquête urgente sur ce qui passait dans notre système de santé. Il ne s'agit pas de l'histoire d'un seul patient; c'est la situation qu'une population entière vit partout dans un système de santé qui correspond probablement à ce qu'on voit dans le reste du Canada.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Encore une fois, je remercie les cinq témoins de leur présence cet avant-midi.
Pour mon deuxième et dernier tour de parole, probablement, je vais m'adresser à vous, madame Daniel.
Vous avez parlé des biomarqueurs. Nous avions évidemment déjà entendu parler, mais je suis frappée chaque fois. Corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez dit que 40 à 70 % d'entre eux étaient présents en Afrique de l'Ouest.
S'agit-il bien des biomarqueurs du cancer du sein? Je n'en suis pas certaine, car les remarques préliminaires passent parfois rapidement. Vous avez aussi dit que ce pourcentage était de 20 à 22 % aux États‑Unis et de 10 % au Canada.
Est-ce que ce sont les bons chiffres? Ai-je bien compris?
[Traduction]
Les chiffres que j'ai donnés portent essentiellement sur l'incidence du cancer du sein triple négatif, pas sur les biomarqueurs. C'est de l'ordre de 40 à 70 % en Afrique de l'Ouest; de 20 à 25 % dans les Caraïbes, une région à la population homogène relativement noire; puis, de manière similaire, de 20 à 22 % aux États-Unis. Par contre, l'incidence du cancer du sein triple négatif est seulement de l'ordre de 10 % chez les femmes blanches.
D'après la recherche que je fais dans mon laboratoire, nous pensons qu'il y a des mutations génétiques uniques ou des marqueurs épigénétiques dans notre génome qui prédisposent les femmes noires à ce sous-type agressif de cancer du sein comparativement aux femmes blanches et aux autres femmes. Cependant, ce que je veux également souligner, et nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler beaucoup aujourd'hui, c'est que des études aux États-Unis ont révélé que le racisme est un déterminant social de la santé. Des études et des chercheurs au sud de la frontière examinent cette réalité au niveau moléculaire et génétique, et ce qui a été révélé, c'est que ce racisme perpétuel peut mener à des changements épigénétiques dans notre génome. Ce n'est pas une mutation des gènes; on peut penser à ces marqueurs épigénétiques comme une étiquette ou un tatou qui se retrouve dans le génome. Cette légère modification ne change pas la séquence d'ADN, mais elle change la façon dont nos gènes sont ensuite exprimés. Certains gènes pourraient être inactifs lorsqu'ils doivent être actifs, et vice versa.
C'est un domaine en plein essor, mais nous devons identifier ces biomarqueurs et ces marqueurs épigénétiques dans les populations traumatisées et opprimées par le racisme d'un point de vue historique, car cela permettrait de beaucoup mieux comprendre pourquoi nous sommes ou pourrions être, y compris moi en tant que femme noire, prédisposées à ces types de cancer très agressifs.
Qujannamiik, Iksivautaq.
Je vais poser mes questions à la Mme Letendre.
Mes questions vont s'éloigner un peu de l'importance de la recherche ou des soins fondés sur les distinctions. Je comprends à quel point c'est différent et je suis parfaitement d'accord pour dire que nous devons nous assurer que les Premières Nations, les Inuits et les Métis sont tous inclus dans ce travail. Cela dit, je veux saisir l'occasion pour accorder plus d'attention aux communautés éloignées.
Je veux vous demander très rapidement si vous avez lu une étude intitulée « Perspectives of Nunavut patients and families on their cancer and end of life care experiences ». Cette étude sur les points de vue des patients et des familles du Nunavut sur leurs expériences par rapport au cancer et aux soins de fin de vie a été menée par Tracey Galloway, Sidney Horlick, Maria Cherba, la Dre Madeleine Cole, Roberta L. Woodgate et Gwen Healey Akearok.
Oui, j'ai lu cette étude. Je suis vice-présidente et titulaire de chaire de recherche à l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, et nous travaillons avec les trois groupes distincts du pays. Nous célébrons notre 50e anniversaire cette année. Nous sommes la plus vieille organisation — parmi les organisations autochtones et les organisations non autochtones — de fournisseurs de soins de santé au pays.
Nous faisons un travail vraiment novateur avec les fournisseurs de soins de santé primaires. Nous avons travaillé très étroitement dans ce dossier avec les membres du comité de Pauktuutit Inuit Women of Canada, et nous avons pu les soutenir pour recueillir de l'information et des données non seulement auprès des communautés inuites avec lesquelles ils travaillent, mais aussi auprès de fournisseurs de soins de santé.
Une grande partie de notre travail — et nous entamons la deuxième phase — consiste à travailler avec des fournisseurs de soins de santé primaires et des organismes autochtones de soins de santé primaires du pays. Nous avons commencé par des centres d'amitié, des travailleurs sociaux, des médecins et, bien entendu, des infirmières, et nous allons maintenant élargir la portée de nos efforts pour essayer de travailler avec des associations de pharmaciens, d'ergothérapeutes et de dentistes autochtones. Notre travail a permis d'établir que les fournisseurs autochtones de soins de santé primaires font face à de nombreux défis au moment de répondre aux besoins des communautés autochtones, inuites et du Nord dans leur lutte contre le cancer et en matière de prévention du cancer.
Merci d'avoir posé cette bonne question.
Merci.
Pour les deux derniers députés, plutôt que d'accorder deux fois cinq minutes, nous allons faire deux interventions de quatre minutes afin de gagner quelques minutes pour la deuxième partie de la réunion.
Madame Ferreri, vous avez la parole pour quatre minutes.
Merci, madame la présidente.
Encore une fois, merci aux témoins. Vos témoignages d'expert qui s'appuient sur des années et des décennies d'expérience nous sont utiles.
J'ai une question plutôt pointue, car pendant que je réfléchissais ici à ce qui se fait, cela m'a paru illogique en grande partie. Ma collègue, Mme Vien, a été très éloquente lorsqu'elle a dit que les femmes peuvent se défendre elles-mêmes et demander ce qu'il leur faut, mais le problème est malheureusement que beaucoup de personnes n'ont même pas accès à des médecins au pays. C'est sans aucun doute un des principaux problèmes.
Je suis curieuse de connaître vos recommandations pour ce groupe de travail et la présidente. Nous avons réuni des recommandations provenant de cette étude. Recommanderiez-vous la démission de la présidente?
Qui veut commencer? Ce sera Mme Daniel.
Ma recommandation serait de démanteler le groupe de travail et d'en former un autre qui est complètement différent et composé de membres représentatifs de la population canadienne qu'ils servent afin d'avoir une diversité au sein du comité. Par exemple, nous pourrions avoir des oncologues et des médecins spécialisés en cancer du sein qui sont Autochtones et Noirs; des chercheurs et des biologistes cancérologues autochtones et noirs; et même chose pour les soignants qui s'occupent de personnes atteintes du cancer. Je pense que nous n'entendons pas assez souvent le point de vue des soignants, et c'est pourtant un point de vue précieux pour prendre ces décisions.
Je ne recommanderais pas nécessairement la démission de la présidente, mais je pense que le comité en entier devrait probablement être démantelé et qu'un nouveau groupe de travail devrait être mis sur pied et aborder la question sous le même angle que nous dans nos échanges de la dernière heure et dans la discussion que nous avons eue il y a deux semaines.
Pour revenir là‑dessus — et j'aimerais entendre la réponse de tout le monde si nous avons le temps —, pensez-vous que le groupe de travail est même efficace? Si des provinces font le travail et surveillent le dépistage — des provinces s'en occupent déjà elles-mêmes —, pensez-vous qu'un groupe de travail est tout simplement un prolongement de la bureaucratie?
C'est sans aucun doute le cas, et je pense que pour beaucoup d'entre nous, c'est probablement une des questions que nous nous sommes posées. Pourquoi avoir un groupe de travail lorsque chaque province semble faire la même chose? En tant qu'immigrante qui s'est établie au Canada, c'est une des choses qui m'ont causé des difficultés. Je vois comment les provinces ont tendance à être responsables de la santé et de l'éducation, mais le gouvernement fédéral joue également un rôle, et les deux ne s'entendent pas. C'est un sujet complètement différent, mais c'est une difficulté.
Par exemple, lorsque j'ai reçu un diagnostic, je ne pouvais pas faire ma mastectomie et ma reconstruction en même temps. La seule province qui le faisait en 2009 était la Colombie-Britannique. C'est là que j'ai compris qu'il y a des écarts dans notre système de santé et que, en tant que Canadienne, je n'avais pas la chance d'être dans la bonne province au bon moment lorsque j'ai reçu un diagnostic. Pour moi, en tant que Canadienne, l'endroit où quelqu'un vit au pays ne devrait pas avoir d'importance. Nous devrions tous avoir accès aux mêmes soins de santé. Il faudrait que ce soit équitable, peu importe la province de résidence.
Il ne me reste que 20 secondes. J'aimerais rapidement savoir si l'une des expertes parmi nous veut que la présidente du groupe de travail démissionne.
Je ne sais pas de qui il s'agit, mais cette personne est manifestement très déconnectée du sujet. Je suis certaine qu'un groupe de travail a été mis sur pied à un moment donné et a créé les pensionnats, et on a pu voir le résultat.
Ces personnes doivent mieux connaître le sujet. Elles doivent comprendre la situation des communautés et des gens. Elles doivent prendre le pouls de ce que les communautés et les gens disent. Elles sont actuellement très déconnectées.
Merci, madame la présidente, et merci à toutes nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour répondre encore une fois à nos questions.
Certaines d'entre elles ont parlé aujourd'hui du rôle que le traumatisme intergénérationnel joue peut-être à cet égard, surtout dans la population autochtone et la population noire du Canada. Mme Daniel a parlé un peu des changements épigénétiques et des changements génétiques attribuables aux situations stressantes.
Je connais des gens qui ont eu un cancer à un jeune âge. Ils étaient blancs, mais ils ont eu une forme très agressive de la maladie alors qu'ils étaient très jeunes parce qu'ils avaient vécu des traumatismes très graves au début de leur vie.
D'après ce que vous voyez, madame Daniel — et les autres témoins peuvent intervenir si elles le souhaitent —, avez-vous une sorte de recommandation pour examiner comment les traumatismes et l'épigénétique jouent un rôle à cet égard? Je pense qu'il s'agirait probablement de minorités différentes. Il serait question de communautés autochtones et de communautés noires, mais aussi, en général, de toutes les femmes qui ont vécu des situations très stressantes dans leur vie.
C'est une excellente question. Je sais que nous avons peu de temps, et je vais donc dire que je recommanderais effectivement de mener une étude longitudinale ou des essais cliniques — selon la façon de procéder — pour examiner l'incidence sur les femmes des facteurs environnementaux, du racisme, des déterminants sociaux de la santé et des traumatismes. L'étude épigénétique américaine que j'ai mentionnée reposait sur une étude longitudinale qui portait sur des femmes qui ont contracté une maladie chronique dans leur quarantaine. La seule donnée probante ou le seul facteur qui était relié à l'apparition d'une maladie chronique dans leur quarantaine était un traumatisme, et ce, peu importe l'ethnicité.
À propos du point que vous avez soulevé à propos de jeunes femmes blanches qui ont un cancer du sein en bas âge, c'était sans aucun doute lié à un traumatisme avant l'âge de 10 ans. Lorsqu'une femme vit un traumatisme avant l'âge de 10 ans, que ce soit la perte d'un membre de sa famille, par exemple un parent, un accident de voiture ou un autre événement extrêmement traumatisant, on observe un lien avec des changements épigénétiques dans son génome et l'apparition d'une maladie chronique dans la quarantaine, que soit le diabète, une maladie cardiovasculaire ou le cancer.
Je recommande donc que nous nous penchions sur les données qui proviennent des États-Unis, où on fait ces études. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Nous pouvons utiliser une partie des données dans le contexte canadien pour examiner la question plus rapidement et d'une meilleure façon.
Docteure Caron, voulez-vous ajouter quelque chose? Vous avez parlé du traumatisme intergénérationnel, tout comme Mme Kewayosh. Si vous voulez en parler, allez‑y.
Merci. Je sais que nous avons très peu de temps.
Tout d'abord, je suis parfaitement d'accord avec Mme Daniel. Ce qu'il faut noter, c'est qu'il faudra du temps. Nous ne pouvons pas attendre. Nous l'avons entendu. Nous le croyons. Nous le pensons. Je me suis rendue dans des centaines de Premières Nations, de communautés inuites et de communautés métisses. Je l'entends à répétition.
Ce que nous devons faire, c'est remonter jusqu'à la source, régler le problème puis, au bout du compte, prouver que nous avions raison, plutôt que de perdre encore plus de vies et de dire que nous aurions dû commencer plus tôt.
C'est ce que j'ai remarqué au cours de ma carrière dans l'univers de la lutte contre le cancer en particulier.
Merci. Je pense que c'était une conclusion appropriée.
C'est tout le temps que nous avions avec notre groupe de témoins aujourd'hui. Au nom du Comité, je souhaite toutes les remercier de leur comparution.
Nous allons maintenant suspendre la séance environ cinq minutes pour passer à la partie à huis clos de la réunion.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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