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Bonjour à tous et bienvenue à la 12
e réunion du Comité permanent de la condition féminine. La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 4 février 2022, le Comité poursuit son étude sur la violence entre partenaires intimes et la violence familiale au Canada.
Conformément à la directive du Bureau de régie interne du 10 mars 2022, tous ceux qui assistent à la réunion en personne doivent porter un masque, sauf les membres qui sont assis à leur place pendant la discussion.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre micro en sourdine.
Des services d'interprétation sont à votre disposition. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence ont le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Ces choix sont offerts au bas de l'écran. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser les écouteurs ou choisir le canal désiré.
Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais vous faire cette mise en garde. Nous allons discuter d'expériences liées à la violence et à des agressions. Cela peut constituer un élément déclencheur pour des personnes qui ont vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversés ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins et à nos invités.
Je suis honorée d'accueillir la ministre des Femmes et de l'Égalité des genres, l'honorable Marci Ien. Elle est accompagnée d'Alia Butt, sous-ministre adjointe aux Politiques stratégiques du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres et de Lisa Smylie, la directrice générale de la recherche, des résultats et de la livraison.
Nous commencerons par la déclaration liminaire de cinq minutes de la ministre avant de passer à notre série de questions.
Madame la ministre, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Madame la présidente, je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité de la condition féminine sur la question de la violence entre partenaires intimes au Canada.
Je vous félicite, ainsi que les membres du Comité permanent de la condition féminine, d'avoir entrepris une étude importante de cette forme de violence sexiste. Comme toutes les autres formes de violence sexiste, il s'agit d'une violation odieuse des droits de la personne qui peut avoir des conséquences sur le plan physique, psychologique, émotionnel et financier pour les victimes et les personnes survivantes ainsi que pour les membres de leur famille.
Vous avez sans doute été consternés par les statistiques qui révèlent que plus de 6,2 millions de femmes de 15 ans et plus au Canada ont subi une forme de violence d'un partenaire intime, une personne en qui elles cherchaient amour et soutien et en qui elles avaient confiance. Il est en outre extrêmement inquiétant d'apprendre qu'entre 2014 et 2020, 458 femmes ont été tuées par un partenaire ou un ex‑partenaire intime au Canada. Pour mettre ce chiffre en contexte pour tout le monde, nous parlons d'une femme tous les six jours. Plus récemment, l'Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation a signalé que 173 femmes et filles ont été tuées de façon violente en 2021, soit une tous les deux jours.
Derrière ces statistiques révoltantes se cachent des histoires de vie brisée de millions de personnes, surtout de femmes et de filles, dont la douleur et la souffrance sont inimaginables.
[Français]
En fait, la violence fondée sur le sexe a fortement augmenté. Ce phénomène est souvent surnommé la pandémie fantôme de la COVID‑19.
[Traduction]
Lorsque notre gouvernement a constaté ce phénomène, il est intervenu rapidement pour garantir que les personnes victimes de violence sexiste continuent d'avoir un endroit sûr vers lequel se tourner. Depuis avril 2020, environ 300 millions de dollars en fonds d'urgence pour la COVID‑19 ont été accordés à des organismes qui leur viennent en aide. De cette somme, plus de 122 millions de dollars ont déjà été remis à 1 300 maisons d'hébergement pour femmes, centres d'aide pour les victimes d'agression sexuelle et autres organismes d'aide et de services essentiels. Grâce à ce financement, plus de 1,3 million de personnes victimes de violence ont eu un endroit sûr où aller.
L'un de ces endroits était la Saskatoon Interval House qui éprouvait des difficultés financières en raison de la pandémie. Le financement d'urgence du gouvernement lui a permis de continuer à aider des personnes dans le besoin, en logeant des familles à l'hôtel pendant que des organismes les aidaient à trouver des endroits sûrs et abordables pour elles. L'organisme a pu acheter aussi du matériel et des programmes informatiques pour aider sa clientèle en ligne.
Madame la présidente, c'est une histoire parmi beaucoup d'autres et notre gouvernement sait qu'il reste beaucoup plus de travail à faire. Voilà pourquoi le budget de 2021 prévoit un investissement de plus de 3 milliards de dollars sur cinq ans pour prévenir et contrer la violence sexiste. De ce montant, 601,3 millions de dollars sont affectés au plan d'action national pour mettre fin à la violence sexiste, un projet mené par Femmes et Égalité des genres Canada. Le plan d'action national sera axé sur les besoins des Canadiens de l'ensemble des provinces et des territoires, en prenant dûment en compte les recoupements entre le sexe, le genre, l'expression de genre, l'identité sexuelle et le genre perçu. Il envoie un message clair: la violence sexiste ne sera pas tolérée dans notre pays et le gouvernement sera toujours aux côtés des victimes et des personnes survivantes de la violence, peu importe où elles vivent.
En janvier 2021, à la 38e réunion annuelle des ministres, mes collègues des provinces et des territoires responsables de la condition féminine et moi avons approuvé la Déclaration commune pour un Canada sans violence fondée sur le sexe, y compris une vision, des principes et des objectifs communs pour le plan d'action national visant à éliminer la violence sexiste et à faire progresser l'égalité des genres pour tous les Canadiens.
À mesure que nous progressons, il est essentiel de reconnaître que les femmes et les filles autochtones, noires et racisées de même que les personnes de la communauté LGBTQ2 et de diverses identités de genre continuent à faire face à un taux de violence entre partenaires intimes plus élevé que les autres. Pour répondre aux besoins urgents des Autochtones, le budget de 2021 a prévu 2,2 milliards de dollars sur cinq ans et 160,9 millions de dollars par la suite pour préparer une réponse plus juste, plus forte et plus inclusive à la tragédie persistante des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées.
Le budget de 2021 a aussi investi 236 millions de dollars sur cinq ans pour élargir la portée du travail visant à mettre fin aux inconduites sexuelles et à la violence sexiste au sein des forces armées et à aider les victimes et les personnes survivantes.
Bien sûr, l'argent ne mettra pas fin à la violence sexiste à lui seul. Nous continuons à travailler avec les organismes de première ligne et à mieux éduquer les garçons et les hommes pour qu'ils deviennent des agents de changement, parce que nous devons tous nous mobiliser pour mettre fin à la violence sexiste et bâtir un Canada plus fort et plus sûr.
Madame la présidente, notre gouvernement est déterminé à prévenir et à éliminer la violence sexiste de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et j'espère sincèrement que votre précieuse étude nous incitera à agir plus rapidement.
[Français]
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous remercie de vous être rendue disponible pour venir nous rencontrer.
Nous menons une étude très sérieuse à l'égard de laquelle nous sommes toutes très engagées.
J'ai quelques petites questions à vous poser.
Bien sûr, nous pourrions faire des guerres de chiffres. Nous avons entendu des témoignages d'organismes, de femmes et d'hommes. Il nous faudra entendre davantage d'hommes, et je reviendrai là-dessus. Or à peu près toutes les organisations et toutes les femmes qui sont venues nous parler nous ont dit qu'il n'y avait pas assez d'argent et que les besoins étaient très importants. Vous dites que vous avez versé, au cours des deux dernières années, 300 millions de dollars par le truchement de fonds d'urgence pour venir en aide aux différents groupes. Toutefois, ce qu'on nous dit, c'est qu'il manque de sous.
La semaine dernière, la directrice d'une organisation de la région d'Ottawa, dont je ne me rappelle pas le nom, nous disait qu'elle avait dû refuser l'entrée à 500 femmes. Ce sont beaucoup de femmes qui n'ont pas eu accès à des services dans des moments de crise et qui n'ont pas pu se réfugier dans des moments de violence. Qu'est-ce que vous répondez à cela?
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Merci beaucoup pour cette question très importante.
Nous travaillons sur la stabilité. Il est primordial d'assurer la stabilité des organisations de femmes et de promotion de l'égalité, qui sont indispensables. Je comprends ce que vous dites à ce sujet, mais je vous dirais que j'ai visité des endroits, et je pense notamment à une organisation à Halifax, qui n'auraient franchement pas pu garder leurs portes ouvertes sans le financement fédéral.
Nous savons qu'il y a eu des changements au cours des dernières années. Nous avons renforcé notre appui aux organisations en mettant l'accent sur un financement à plus long terme et plus important pour elles, y compris le financement de la capacité. Nous reconnaissons que les demandes de financement peuvent être un obstacle pour certaines organisations et nous avons donc simplifié le processus si elles font une demande et ne disposent pas de la largeur de bande nécessaire pour réserver du temps pour faire une demande. Nous l'avons entendu. Nous avons rationalisé le processus et nous l'avons simplifié et allégé.
Plus de 250 projets ont été financés de cette manière dans le cadre du plan de renforcement des capacités.
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Je vais toujours me lever et être là pour les organisations, pour les femmes et pour les jeunes que je sers.
J'ai effectivement soumis des demandes. Nous verrons ce qui arrivera le 7 avril, mais je crois que comme il l'a fait depuis le dépôt de la stratégie en 2017, notre gouvernement s'est tenu aux côtés des femmes et des organisations sur le terrain qui vivent des difficultés, surtout maintenant. Comme nous le savons, la pandémie n'est pas terminée. Nous continuons à apporter notre soutien.
Je vais me tourner vers Mme Smylie qui peut vous fournir quelques chiffres. Vous avez fait allusion à des chiffres et peut-être à une guerre de chiffres et elle peut vous en fournir quelques-uns qui vous seront utiles.
Je lui serais très reconnaissante de faire parvenir ces chiffres au Comité. Je n'ai pas beaucoup de temps.
Madame la ministre, il y a des hommes qui vivent des difficultés et des hommes violents. La violence peut commencer très jeune. On s'intéresse aussi à la violence entre partenaires intimes chez les adolescents.
Que faites-vous pour les groupes d'hommes, actuellement? Comment vous adressez-vous à eux? Que leur dites-vous?
Ils doivent aussi faire partie de la solution.
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Absolument. Je tiens à parler de quelque chose de personnel, parce que c'est quelque chose que je défends depuis longtemps. C'est toute cette idée de mobiliser les garçons, de mobiliser les hommes et d'être là pour aider les hommes.
J'ai rencontré une dirigeante autochtone d'Iqaluit il y a quelques mois et elle m'a rappelé quelque chose que je porte en moi depuis longtemps. C'est un adage qui guide ma vie et que j'essaie de mettre en pratique au sein de mon ministère. Elle a dit: « Marci, un aigle ne peut pas voler avec une seule aile », autrement dit, lorsqu'il s'agit de violence sexiste, si nous ne nous adressons qu'aux femmes et que nous ne mobilisons pas les hommes et les garçons, nous ne pourrons pas aller au fond des choses.
Femmes et Égalité des genres Canada mène plusieurs activités pour faire des hommes et des garçons des alliés afin de faire progresser l'égalité des sexes et de mettre fin à la violence sexiste. Par exemple en 2018, notre ministère a organisé une série de tables rondes à la grandeur du pays sur la façon de mobiliser les garçons et de faire avancer ce dossier. Cela a débouché sur un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu » qui a vraiment guidé le travail de FEGC à ce jour.
Depuis 2015, Femmes et Égalité des genres Canada a fourni 16,3 millions de dollars à 40 organisations différentes qui sont sur le terrain pour mobiliser les hommes et les garçons et écouter les garçons, car c'est important.
Merci, madame la ministre, de votre présence et de votre apport à cette étude. Je crois que cela fait huit semaines maintenant et nous avons entendu des témoignages et des leçons fantastiques.
J'aimerais vous interroger cet après-midi sur ceci. Je sais qu'en 2017, notre gouvernement a présenté la stratégie fédérale pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Sur cette lancée, le gouvernement s'apprête cette année à publier un plan d'action national décennal.
J'aimerais beaucoup que vous nous expliquiez la différence entre ces plans de même que les liens entre eux.
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Absolument. Notre gouvernement est déterminé à mettre fin à la violence sexiste sous toutes ses formes et le budget de 2021 l'a réaffirmé en y affectant 3 milliards de dollars.
En discutant avec mes homologues provinciaux et territoriaux, j'ai constaté qu'il n'y a pas d'approche universelle qui soit efficace pour toutes les provinces. C'est ce que j'appelle une approche « tous gouvernements » lorsque je parle de mes homologues provinciaux et territoriaux, en disant que ce qui est bon pour le Québec ne l'est peut-être pas pour la Saskatchewan et ce qui est bon pour l'Ontario n'est peut-être pas la priorité au Manitoba, ainsi de suite.
Il s'agit d'écouter les dirigeants de chaque province et territoire, de comprendre qu'ils sont en contact avec les organismes communautaires — ceux qui sont sur le terrain et qui offrent des services — d'entendre et d'écouter le tout et de présenter toute cette information. Cela a mené à l'ébauche d'un cadre sur lequel nous nous sommes entendus en janvier, quelque chose d'assez important et j'ai hâte de présenter un cadre d'ici l'automne, comme mon mandat le prévoit.
Merci, madame la ministre, pour le travail que vous et votre équipe faites et pour votre présence parmi nous.
Madame la ministre, nous savons que les femmes, surtout les femmes racisées, ont été touchées de façon disproportionnée par la pandémie, tant au travail qu'à la maison. Que pouvez-vous nous dire de ce que le gouvernement compte faire pour que notre relance de l'économie soit féministe et intersectionnelle et qu'elle crée les conditions propices à la réussite des femmes?
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Madame Sidhu, merci pour cette question.
C'est vraiment essentiel et c'est au premier plan de tout. Dans le cadre de la stratégie fédérale contre la violence fondée sur le sexe et de notre plan, la priorité consiste à accroître l'aide aux populations les plus vulnérables. Je voudrais souligner ici que lorsque nous disons « femmes », nous savons que les femmes ne constituent pas un groupe homogène.
Comme vous l'avez mentionné, madame Sidhu, nous savons que les femmes autochtones et racisées ont vécu plus de violence pendant cette pandémie et ont subi plus de traumatismes. Nous devons le reconnaître et ce plan le reconnaît. Il s'agit donc des femmes et des filles autochtones, des personnes LGBTQ2 et de personnes de diverses identités de genre. Je tiens également à inclure ici les femmes vivant dans le Nord et les femmes des communautés rurales et éloignées.
L'autre jour, quelqu'un m'a dit que lorsque vous vivez dans une communauté rurale et que vous êtes victime de violence conjugale, tout le monde en ville connaît votre situation. Si vous cherchez de l'aide, il n'y a généralement qu'un seul endroit où le faire et tout le monde est au courant. Cela empêche parfois des gens de se manifester et c'est un élément dont nous devons tenir compte. Comment aider ces femmes qui se sentent et qui sont isolées pour qu'elles puissent demander de l'aide quand elles en ont besoin? Il en va de même pour les femmes et les filles handicapées.
Je vais vous donner un exemple, madame Sidhu. Il y a un projet intitulé Eagle Vision. C'est un excellent exemple de priorité accordée à un programme adapté à la culture. Ils ont créé une série de balados, ce qui est vraiment la façon de faire, et je ne le dis pas seulement en tant qu'ancienne journaliste. Beaucoup de gens sont à l'écoute. Beaucoup de gens suivent des balados de nos jours. La série s'intitule Taken: The Podcast Series et raconte l'histoire de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées afin d'aider à résoudre des cas et à sensibiliser le public au problème. Mon propos ici, cependant, c'est que ces balados rejoignent plus de 600 000 Canadiens qui ont écouté les balados plus de 1,4 million de fois.
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Merci beaucoup, madame la ministre, d'être avec nous aujourd'hui. Cela tombe à point, en plein milieu de notre étude sur la violence envers les femmes et la violence conjugale. En fait, elle s'achève, mais tout le travail reste à faire.
Madame la ministre, au Québec, on a beaucoup suivi la question de la violence envers les femmes. D'ailleurs, un des derniers féminicides au Québec a eu lieu tout près de chez moi, à Dunham, où une autre femme a été tuée dans un contexte violent. C'est toujours un drame, et j'espère qu'on aura des recommandations.
Ma première recommandation concerne le financement. Vous avez parlé de l'importance du financement pour plusieurs organismes, dont des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, qui sont venues témoigner au Comité. Toutefois, celles-ci ont mentionné l'importance d'un financement stable et récurrent de la part du gouvernement, alors je veux revenir là-dessus.
Dans le cadre de votre plan d'action pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, envisagez-vous d'établir un financement stable et récurrent pour les organismes de première ligne qui viennent en aide aux femmes victimes?
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Merci beaucoup de cette question, madame Larouche.
[Français]
L'élimination de la violence fondée sur le sexe au Canada ne serait pas possible sans une coordination entre tous les ordres de gouvernement.
[Traduction]
Pendant cette pandémie, madame Larouche, lorsque les refuges nous ont demandé de l'aide, comme je l'ai dit, notre ministère a distribué 100 millions de dollars à plus de 1 300 refuges, centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et autres organismes offrant un soutien essentiel en matière de violence sexiste. Ce financement a été distribué par l'entremise de partenaires comme Hébergement femmes Canada et la Fondation canadienne des femmes, mais aussi par l'entremise du gouvernement du Québec. Le Québec a reçu environ 17 millions de dollars de ce financement.
Le budget de 2021 a annoncé 200 millions de dollars à l'appui des refuges et des organismes et ces fonds ont déjà été versés à des fournisseurs de services. De ce montant, le Québec se voit attribuer directement 44 millions de dollars sur deux ans.
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Une de mes collègues a également parlé du budget, qui sera déposé la semaine prochaine. Nous avons bien hâte de le voir et nous espérons que vous avez parlé à la .
La violence conjugale est une question intersectionnelle. Elle concerne beaucoup de gens. Par exemple, au Québec, on a déposé le rapport « Rebâtir la confiance », qui est non partisan et qui relève de plusieurs ministères. Effectivement, cela touche la justice, la sécurité publique et la condition féminine.
J'espère qu'on fera la même chose à Ottawa. Parler d'argent et s'entendre avec Mme la ministre des Finances, c'est une chose, mais il y a d'autres ministères concernés. Par exemple, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, dans le cadre de son étude visant à explorer des solutions pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, a déposé un rapport intitulé « La pandémie de l'ombre: mettre fin aux comportements coercitifs et contrôlants dans les relations intimes ». J'en parlais à mon collègue le député de .
Puisque certaines recommandations, comme la création d'un tribunal spécialisé, concernent le ministère de la Justice, avez-vous eu des discussions avec votre collègue le ?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie, madame la ministre, d'être venue nous voir.
Je remplace la députée Leah Gazan.
J'aimerais interroger d'abord la ministre sur le financement de base. Le Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, en collaboration avec 26 organismes d'égalité entre les sexes de tout le pays, a demandé à votre gouvernement de réserver une enveloppe de 25 millions de dollars par année pendant 10 ans pour le financement de base récurrent des organismes de défense des femmes et d'égalité entre les sexes afin qu'ils puissent continuer à défendre les personnes dans le besoin et celles qui fuient la violence et à leur fournir des services de première ligne et du soutien.
Cette promesse était incluse dans la lettre de mandat de la ministre. Comme nous le savons, les taux de violence augmentent et en réalité, pour beaucoup de femmes qui sont confrontées à la violence conjugale et à la violence dans notre communauté, l'action est lente, alors il n'y a pas de temps à perdre.
Quand pouvons-nous nous attendre au déblocage de ces fonds pour que les organismes de première ligne soient en mesure de réagir à cette violence [difficultés techniques]?
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Merci beaucoup, madame la présidente et merci pour la question. Il s'agit manifestement d'une question importante.
Je dirai que depuis avril 2020, notre ministère a distribué plus de 122 millions de dollars et cet argent a été versé à plus de 1 300 refuges, centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et autres organismes qui offrent une aide essentielle aux victimes de violence sexiste. Grâce à ce financement, 1,3 million de personnes victimes de violence ont eu un endroit où aller, un endroit vers lequel se tourner et l'aide dont elles avaient besoin.
En creusant un peu plus, 448 organismes ont pu embaucher du nouveau personnel et près de 500 organismes ont pu embaucher du personnel supplémentaire ou prolonger des quarts de travail, ce qui était si important au cours de cette période et l'est toujours, pour répondre aux demandes accrues d'aide et de services dont nous avons entendu parler aujourd'hui et dont vous avez entendu parler ici; 560 organismes ont été en mesure d'étendre leurs programmes et leurs services pour réagir à l'augmentation de la violence sexiste pendant cette pandémie; 230 organismes ont pu acquérir de nouveaux logements locatifs ou de nouvelles places d'hébergement; et 96 organismes ont été en mesure de financer des services de garde d'enfants ainsi que des services d'aide aux enfants, car nous savons que lorsque les femmes fuient la violence de leur partenaire intime, beaucoup d'entre elles sont accompagnées d'enfants et elles ont besoin de mesures de soutien particulières pour s'assurer qu'ils vont bien.
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Merci, madame la ministre.
Mon temps est compté, je vous demanderai donc, ainsi qu'à votre ministère, de nous transmettre la répartition du financement de base aux organismes de tout le pays afin que nous sachions quels organismes ont reçu un financement de base du gouvernement, pour combien de temps et pour quel montant. Si je pouvais recevoir ces renseignements pour tous les organismes du pays, je vous en serais reconnaissante.
J'aimerais passer à une autre question. Il s'agit bien sûr, comme la ministre l'a évoqué, des préoccupations concernant les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et pourtant, les communautés attendent toujours que le gouvernement agisse avec un véritable plan, une véritable mise en oeuvre et de véritables indicateurs des progrès dans ce dossier.
Nous n'avons pas vu grand-chose, bien honnêtement. Dans ma circonscription de Vancouver-Est, la Coalition on Missing and Murdered Indigenous Women and Girls se réunit régulièrement. Nous attendons désespérément que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership dans ce dossier. Tant de membres des familles continuent de chercher leurs proches par eux-mêmes, sans aide du gouvernement. Des femmes et des filles continuent de disparaître. Elles continuent d'être assassinées, encore aujourd'hui.
La ministre va-t-elle attribuer des ressources aux familles qui se livrent à des recherches pour trouver leurs proches sans l'aide d'aucun gouvernement?
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Merci, madame la présidente.
Merci, madame la ministre, d'être avec nous aujourd'hui.
Vous avez dit tout à l'heure que vous ne vous attendiez pas à ce que les millions de dollars investis dans les programmes règlent tous les problèmes, mais je ne suis pas sûre que cela fonctionne.
Ce dont je veux parler aujourd'hui... Dans le cadre de la stratégie pour contrer la violence fondée sur le sexe, des fonds ont été attribués à Femmes et Égalité des genres et à l'Agence de la santé publique du Canada pour travailler sur trois différents aspects, soit l'élaboration et la mise à l'essai de pratiques novatrices pour prévenir la violence dans les fréquentations chez les jeunes et les adolescents, la prévention de l'intimidation et de la cyberintimidation et l'élaboration d'un cadre de lutte contre la violence sexiste dans les établissements postsecondaires.
Je ne vois pas beaucoup de progrès, même si c'est ce que nous souhaitions. C'est un enjeu très préoccupant, et ce, pour plusieurs raisons.
À votre avis, quels ont été les résultats de ces cadres particuliers? Étant donné que le financement est sur le point de se terminer — et je sais que vous ne pouvez pas prévoir ni annoncer ce qui est à venir dans le budget —, où en êtes-vous?
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Je vous remercie beaucoup. Je comprends. Tout renseignement additionnel que vous pourriez fournir au Comité nous sera utile.
Je suppose que c'est inquiétant, simplement parce que nous parlons souvent de la façon dont des millions et de milliers de dollars sont dépensés pour quelque chose — et je comprends que du travail est accompli et je le respecte —, mais après avoir entendu plusieurs témoins au cours des dernières semaines, nous avons l'impression qu'à chaque fois, nous... Bien sûr, les gens veulent avoir plus de financement, mais comment ce financement peut‑il être utilisé de façon à ne plus voir 500 personnes refusées aux portes des refuges?
Ma prochaine question serait donc... Oui, vous vous êtes engagée à verser des fonds supplémentaires pour les refuges en 2021 — en fait, plus de 300 millions de dollars —, alors, quels progrès ont été réalisés grâce à ce financement et comment est‑il réparti dans les refuges dans l'ensemble du pays? Combien avons-nous de refuges pour femmes et de refuges pour hommes?
Encore une fois, ce problème ne disparaît pas. Il devait être réglé il y a plusieurs années. Un témoin nous a dit qu'il y a 20 ans, ils avaient prévu un échéancier de 10 ans pour, espéraient-ils, régler le problème, mais aujourd'hui, encore... Vous laissez entendre que vous n'abandonnerez pas tant qu'il ne sera pas réglé. Qu'est‑ce que cela va prendre? Comment pouvons-nous utiliser au mieux les millions de dollars qui sont consacrés à ces programmes? L'argent ne règle pas tout. Nous avons besoin d'action et de programmes efficaces.
Absolument, c'est ce qui me hante, madame Kramp‑Neuman. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, mais je vais vous offrir quelques exemples.
De 2017 à 2020, par exemple, FEGC a versé près de 300 000 $ au Newfoundland Aboriginal Women's Network pour encourager les femmes à signaler davantage les cas de violence familiale. C'est quelque chose de concret, cela se passe sur le terrain. Grâce à ce financement, plus de 1 200 femmes autochtones victimes de violence ont maintenant accès à des mesures de soutien adaptées à leur culture. C'est vraiment important. Vous vouliez un exemple de résultats concrets. À Halifax, alors que les signalements de violence sexiste n'augmentaient pas de façon exponentielle dans la province, j'ai visité un centre d'amitié dans lequel ces signalements augmentaient.
Le fait que les femmes qui fuyaient la violence, des femmes autochtones, pouvaient rencontrer des thérapeutes et des gens qui leur ressemblaient, qui pouvaient comprendre ce qu'elles vivaient, était très important. Le directeur général de ce refuge a dit: « Nos chiffres sont à la hausse; ceux de la province ne le sont peut-être pas, mais les nôtres sont à la hausse parce que la pertinence culturelle est importante. »
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, d'être avec nous aujourd'hui.
L'une des choses que nous avons entendues au cours de cette étude, c'est qu'il y a un lien entre la violence sexiste, ou la violence entre partenaires intimes, et la pauvreté. Malgré les progrès réalisés, il existe toujours un écart salarial dans notre pays, et ce, pour de nombreuses raisons.
Nous savons que les femmes qui occupent des emplois avec le même niveau de scolarité et les mêmes compétences que leurs homologues masculins sont moins bien payées. Nous savons que les femmes assument de plus grandes responsabilités en matière de soins. Nous savons que les femmes ont moins accès au capital. C'est comme cela pendant toute leur vie, si bien que lorsqu'elles prennent leur retraite, elles n'ont pas cotisé autant aux régimes de retraite et il y a davantage de pauvreté chez les femmes âgées. Cela rend les femmes vulnérables pendant toute leur vie.
Pourriez-vous nous parler un peu de ce que nous faisons et de ce que vous faites pour combler l'écart salarial entre les sexes au Canada?
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C'est une question d'une grande importance. Il s'agit d'un autre exemple d'approche pangouvernementale. Vous avez parlé du logement et de plusieurs autres choses. Encore une fois, je collabore avec tous mes collègues ministres pour m'assurer que nous abordons ce problème comme il se doit. Notre gouvernement reconnaît qu'en étant financièrement indépendantes, les femmes auront la possibilité de partir; que si elles se trouvent dans une situation non sécuritaire, elles peuvent fuir. Ce n'est pas le cas pour beaucoup de femmes, et nous le savons.
Par exemple, en collaboration avec le , qui est responsable du logement... Si vous examinez la stratégie sur le logement, vous verrez que 25 % du plan sur 10 ans visant la création rapide de logements est destiné expressément aux femmes et aux enfants. Il s'agit d'un plan de 70 milliards de dollars. J'ai vu les résultats de ce plan dans ma circonscription, Toronto-Centre. Je l'ai vu se concrétiser et changer les choses. Cela veut dire qu'au moins 7 000 logements pour les victimes de violence familiale seront créés ou réparés, et c'est beaucoup.
Le Fonds pour les femmes en entrepreneuriat, qui appuie et encourage les femmes à lancer leur propre entreprise, est très important pour atteindre l'indépendance dont vous parlez, madame Vandenbeld. La , qui a présenté ce projet de loi, voit vraiment les résultats obtenus lorsque les femmes sont soutenues et qu'elles démarrent leur propre entreprise, car lorsque les femmes réussissent et s'épanouissent, les communautés s'épanouissent également. Il y a maintenant, Dieu merci, des services de garde abordables dans tout le pays, et nous savons ce que cela signifie. Les femmes devaient choisir entre rester à la maison ou, dans bien des cas, travailler et poursuivre leurs objectifs professionnels.
Toutes ces choses font qu'il est plus facile pour les femmes de quitter un environnement non sécuritaire.
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Merci, madame Vandenbeld.
Merci, madame la ministre, d'être ici pour répondre à certaines de nos questions. Je suis vraiment heureuse que vous ayez pris le temps de le faire.
Je n'ai pas beaucoup de temps, et puisque vous avez déjà parlé de certains points qui m'intéressaient, je vais tenter de me concentrer un peu plus sur quelque chose qui n'a pas nécessairement été abordé.
Plusieurs témoins nous ont parlé du nombre de jeunes qui sont victimes de violence sexiste et du nombre de jeunes femmes qui sont touchées. C'est le groupe le plus touché. Nous savons également que, peu importe le montant que nous y consacrons, le problème ne disparaît pas et qu'il est aujourd'hui pire qu'il ne l'a jamais été en raison de la pandémie.
Intervenir à la source semble être la meilleure façon de procéder. Que pensez-vous de l'idée d'enseigner aux femmes ce que sont les saines relations et quelles sont les limites à établir? Quelle importance accordez-vous à cet aspect dans ce mandat?
:
Cet aspect est d'une grande importance, madame Lambropoulos.
À l'heure actuelle, FEGC finance des projets qui contribuent à promouvoir de saines relations, parce que c'est là où tout commence pour les jeunes au Canada. Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'une campagne de sensibilisation sur la violence sexiste à l'intention des jeunes. Nous avons inclus les très jeunes adolescents en ciblant les personnes de 14 à 24 ans. La campagne porte sur des aspects tels que les ressources pour les jeunes, l'information sur la violence sexuelle, le consentement — qui est si important — et les saines relations.
En outre, FEGC octroie un financement de 1,65 million de dollars à White Ribbon pour appuyer l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation d'une campagne de marketing social. Nous allons les rejoindre là où ils sont, de façon à inspirer les hommes et les jeunes hommes de tout le pays à changer leurs attitudes et leurs comportements, à demander de l'aide s'ils en ont besoin, à assumer leur rôle d'alliés et à devenir des agents de changement.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame la ministre, l'importance d'investir dans le logement constitue un enjeu qui concerne plusieurs ministères. On ne peut pas sortir une femme de la violence sans la sortir du cycle de la pauvreté, sans lui trouver un logement pour qu'elle puisse être dans un lieu sécuritaire.
Il est aussi important d'avoir cette discussion avec la responsable des programmes d'entrepreneuriat, parce que c'est encore plus difficile pour les femmes de se lancer en entrepreneuriat et d'avoir accès aux programmes qui donnent le financement.
J'aimerais revenir à votre collaboration avec le ministère de la Justice. Plusieurs experts en matière de la violence conjugale et entre partenaires intimes venus témoigner au Comité durant cette étude. Ils demandent au gouvernement fédéral de criminaliser le contrôle coercitif.
Cela a été fait ailleurs dans le monde. L'Écosse est un modèle en la matière. Ces experts ont démontré l'importance d'élargir la définition de cette violence, parce que la violence conjugale n'est pas seulement physique, il n'y a pas toujours de coups, mais cela fait toujours mal.
Considérant que de 60 à 80 % des femmes qui demandent de l'aide pour de la violence conjugale ont subi du contrôle coercitif, ne voyez-vous pas l'urgence et l'importance de légiférer en vue d'une criminalisation du contrôle coercitif?
Croyez-vous que votre gouvernement pourrait s'inspirer de l'Écosse?
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Madame Larouche, vous avez tout à fait raison de dire que tout le monde a le droit de vivre à l'abri de la violence.
Je sais que nous avons probablement toutes vu les excellents articles d'Elizabeth Renzetti publiés dans le Globe and Mail sur le contrôle coercitif. C'est une priorité. Lorsqu'il est question de la violence sexiste, nous savons que les comportements coercitifs et contrôlants jouent un rôle important.
Il est temps: La Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe, lancée en 2017, réunit les efforts déployés par tous les partenaires fédéraux pour contrer la violence sexiste, y compris Justice Canada, afin d'établir une approche pangouvernementale pour y pour mettre fin. Mon collègue, l'honorable David Lametti, , dirige l'important travail fait par le Canada pour lutter contre les comportements coercitifs et contrôlants, et il a mon appui pour le faire.
J'aimerais revenir sur la question des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées. Je veux simplement souligner que le plan d'action national doit préciser les échéanciers, les responsabilités, les jalons, les indicateurs, les ressources et le leadership autochtones pour chaque appel à la justice, ainsi que les rapports et les recommandations régionaux et sectoriels. J'espère que des mesures seront prises à cet égard et qu'elles figureront dans le prochain budget.
La ministre a abordé la question de la pauvreté, et nous savons, grâce à la recherche, que l'amélioration du niveau de vie et l'élimination de la pauvreté sont des moyens clés de lutter contre la violence entre partenaires intimes.
La a présenté un projet de loi sur un revenu de base garanti, afin que les personnes et les familles qui prodiguent des soins sans être rémunérées puissent jouir d'une autonomie économique et avoir la possibilité de fuir des conditions de vie dangereuses.
J'aimerais demander à la ministre si elle convient qu'il s'agit d'une mesure fondamentale que le gouvernement doit prendre pour sortir les gens de la pauvreté. Appuiera‑t‑elle ce projet de loi d'initiative parlementaire?
Madame la ministre, c'est un plaisir d'avoir enfin l'occasion de vous rencontrer. J'aurais aimé que ce soit dans de différentes circonstances. Je crois que nous avons des amis communs, et j'ai un grand respect pour ce que vous faites et pour beaucoup de ce que vous avez dit. Bien sincèrement, j'aurais souhaité que nous ayons deux heures parce qu'il s'agit d'une question non partisane à bien des égards, et je peux voir les efforts que vous déployez. Je vois votre passion et votre authenticité. J'y attache beaucoup d'importance, et je vous en suis reconnaissante.
J'aimerais aborder deux aspects, si vous me le permettez. Nous avons vu un important changement. J'ai aimé votre commentaire selon lequel l'aigle ne peut voler avec une seule aile. Je m'intéresse beaucoup à ce que nous faisons pour nos jeunes garçons et nos jeunes hommes, et à la façon dont nous changeons les choses. Nous avons été témoins d'une incroyable évolution en ce qui concerne les femmes et leurs possibilités, comme le montre bien le fait d'avoir une femme ministre de couleur. C'est fantastique.
Nous voyons que les femmes ont maintenant ces possibilités, mais nos hommes n'ont pas eu le temps de s'adapter à cette évolution. Les rôles ont clairement été définis en fonction du sexe pendant des années et des décennies. Dans les années 1950, 1960 et 1970, nous avions des emplois roses et des emplois bleus, et maintenant, il y a parfois des hommes qui ne savent pas qui ils sont par rapport aux femmes fortes et compétentes, et cela peut souvent se traduire par un contrôle coercitif ou une relation malsaine.
À votre avis, quelle serait une stratégie efficace pour sensibiliser nos jeunes sur leurs rôles? En fait, les hommes n'ont peut-être pas l'impression d'avoir un rôle lorsqu'une femme gagne un salaire, lorsqu'elle fait ces choses. Que pouvons-nous faire sur le plan des politiques et de la culture pour aider les hommes à comprendre qu'ils sont encore très importants à mesure que nous évoluons tous?
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Madame Ferreri, Merci beaucoup de cette question. Je suis heureuse de vous rencontrer, bien que ce soit virtuellement.
C'est vraiment important. « L'aigle ne peut pas voler avec une seule aile », c'est vraiment ça, et cela décrit le coeur du problème. Nous devons rejoindre les hommes et les garçons et nous assurer qu'ils participent à la conversation, qu'ils écoutent et qu'ils comprennent.
Je vais citer encore une fois mon amie autochtone d'Iqaluit, qui a dit que c'est sur cet aspect qu'elle concentre son travail, parce qu'un si grand nombre de femmes ont été victimes de violence. Tant de femmes fuient la violence conjugale. Mon amie veut s'attaquer aux causes profondes, ce qui signifie aller lentement au fond de la douleur des hommes qui sont responsables de cette violence, mais qui ont eux-mêmes connu des situations de violence. Ces hommes ont vécu des choses horribles, qu'il s'agisse ou non de survivants des pensionnats qui ont maintenant des familles et qui perpétuent la violence parce que c'est ce qu'ils ont connu… C'est tout cela qu'il faut considérer. La violence engendre la violence, il faut donc tendre la main aux hommes et aux garçons. Il faut les écouter. Il ne faut pas seulement leur parler. Il faut les écouter.
Depuis 2015, FEGC a fourni 16 millions de dollars à plus de 40 organisations qui travaillent en ce sens. Elles mobilisent les hommes. Elles mobilisent les garçons et examinent comment prévenir la violence sexiste.
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C'est excellent, et j'ai bien aimé votre commentaire selon lequel l'argent n'est pas la seule solution. J'ai été très heureuse de vous l'entendre dire, car c'est une telle mosaïque. Je sais qu'avec votre parcours, nous ne pouvons pas... Vous avez parlé des médias sociaux et de l'influence. Je pense qu'il sera très important de changer la culture et la façon de penser afin de ne pas définir les rôles.
J'aimerais maintenant aborder un sujet très important, celui de l'ex‑chef d'état-major de la défense Jonathan Vance, qui nous montre une situation très grave. Sabrina Maddeaux a publié un article dans lequel elle dit que l'on ne peut même pas parler d'une simple tape sur les doigts, car « on lui a permis d'échapper à sa seule accusation criminelle » parce qu'il était un homme de bonne moralité. Je veux revenir au passage où il est dit « non pas en raison d'un manque de preuves, mais parce que Vance était littéralement trop puissant pour être tenu responsable ».
Comment pouvons-nous changer ces choses, non seulement dans l'armée, mais aussi en politique et dans tous les autres aspects? Que pouvons-nous faire sur le plan des politiques pour nous assurer qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais?
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Un système complet ne va pas changer du jour au lendemain, comme vous le savez, madame Ferreri, mais nous pouvons certainement faire des choses.
Conformément à mon mandat de décembre 2021, je continue de travailler en étroite collaboration avec la afin de mettre fin à la discrimination et à l'inconduite sexuelle sous toutes leurs formes dans les forces armées.
Plus précisément, cependant, le plaidoyer de culpabilité du général Vance et la détermination subséquente de la peine font partie d'une affaire criminelle concernant un défendeur particulier. Notre responsabilité et notre engagement en tant que gouvernement sont de continuer à bâtir une institution où chacun peut travailler avec le respect et la protection dont il a besoin pour faire son travail. Nous voulons qu'un plus grand nombre de femmes se mobilisent et veuillent servir, et nous voulons qu'elles soient en mesure de le faire dans un environnement sécuritaire et en sachant qu'elles peuvent aller travailler sans être harcelées de quelque façon que ce soit.
C'est notre responsabilité la plus importante, et je peux vous dire que c'est la priorité absolue de la . Elle qui travaille à mettre fin à toute forme de discrimination...
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à toutes les personnes qui sont ici aujourd'hui.
Madame la ministre, je vous remercie de votre participation et du travail que vous faites.
Je répète depuis longtemps qu'il faudrait considérer la violence liée aux armes à feu comme un problème de santé publique. Il faut reconnaître le fardeau que représentent les décès par arme à feu. Cela englobe les armes à feu et les gangs, dont nous entendons parler dans la presse, mais aussi les suicides, qui représentent plus de 75 % des décès par arme à feu, et la violence conjugale.
En 2016, le comité d'examen des décès du coroner de l'Ontario a déclaré que 26 % des décès liés à la violence entre partenaires intimes en Ontario impliquaient une arme à feu. J'ai communiqué avec lui et appris que ce chiffre est encore plus élevé aujourd'hui. Une étude évaluée par des pairs menée dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick et de l'Île‑du‑Prince-Édouard a révélé que les deux tiers des femmes qui vivent dans des domiciles dans lesquels il y a des armes à feu ont déclaré que la présence de ces armes les faisait craindre pour leur sécurité et leur bien-être, et 70 % ont déclaré que cela influençait leur décision d'en parler ou non à d'autres ou de demander ou non de l'aide pour la violence dont elles étaient victimes.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous dire ce que nous devons faire en ce qui concerne les armes à feu, car je pense que cet aspect est souvent négligé dans les discussions?
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Vous avez tout à fait raison, madame Damoff. Je collabore aussi avec mes collègues sur cet enjeu d'une énorme importance, et c'est ce que je fais avec le ministre de la Sécurité publique, l'honorable Marco Mendicino. Nous en parlons souvent.
Je représente Toronto-Centre. Je vois beaucoup de problèmes liés aux armes à feu. Je vois qu'il y a beaucoup de violence liée aux armes à feu. Une grande partie de cette violence est dirigée contre les femmes et, malheureusement, elle touche les jeunes filles beaucoup plus que je le voudrais ou que je ne pourrai jamais trouver acceptable.
Les armes à feu sont le moyen le plus souvent utilisé pour tuer des femmes et des filles au Canada. C'est aussi simple que cela. Selon le rapport annuel de l'Observatoire canadien du féminicide, nous savons que pour chaque victime de féminicide, beaucoup d'autres guérissent physiquement, mais éprouvent des problèmes sur le plan psychologique. Elles ont subi d'énormes traumatismes, des traumatismes à plusieurs niveaux dont elles ne peuvent se débarrasser. Elles n'oublieront jamais et elles subiront les conséquences pendant toute leur vie.
En tant que ministre responsable de l'élaboration du plan d'action national sur 10 ans pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, je sais que le contrôle coercitif est un élément important, et nous en sommes conscients. Les forces de l'ordre et les tribunaux ne sont pas toujours bien informés à ce sujet. Nous savons que le contrôle coercitif expose un plus grand nombre de femmes à des risques, et c'est pourquoi nous devons aller de l'avant avec la mise en œuvre du projet de loi , non seulement parce qu'il représente un outil pour renforcer nos lois sur le contrôle des armes à feu, mais aussi un moyen de prévenir la violence armée et la violence familiale.
Puis‑je simplement ajouter une observation? Lorsque je suis devenue ministre des Femmes, de l'Égalité des genres et de la Jeunesse, la première question que j'ai posée en tant que ministre de la Jeunesse fut la suivante: « C'est quoi un jeune? » Comment définit‑on le mot « jeunesse »? On m'a répondu, je crois, que c'était entre 15 et 29 ans, et j'ai dit que c'était beaucoup trop âgé. C'est beaucoup trop tard pour les jeunes de mes rues. C'est beaucoup trop tard pour de nombreux enfants au pays. Nous devons les rejoindre plus tôt.
Essentiellement, beaucoup d'enfants ne croient pas en eux-mêmes. Ils ne s'imaginent pas dans le système d'éducation. Ils ne se voient pas comme des membres de la société à part entière. Comment obtiennent-ils du pouvoir? Que font-ils pour s'approprier du pouvoir? Parfois, c'est en tenant une arme à feu. Parfois, c'est en étant violent envers d'autres.
Je crois au mentorat, qu'il faut rejoindre les enfants quand ils sont plus jeunes. Nous disons souvent: « Si nous le voyons, nous pouvons le faire » ou « Si vous le voulez, vous le pouvez. » Cela veut dire quelque chose. C'est montrer aux enfants qu'ils peuvent atteindre des objectifs et devenir quelqu'un qui préviendra la violence que nous voyons plus tard. Il y a une corrélation.
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Il me reste une petite minute.
Dans un autre ordre d'idées, vous avez parlé tout à l'heure des services de garderie. En 2018, notre comité a réalisé une étude remarquable sur la sécurité économique des femmes. Un des constats de cette étude était que le principal problème tient à l'accès à des services de garde universels et abordables. Je fais partie de ces femmes. Je n'aurais pas pu retourner au travail si mon patron n'avait pas été aussi généreux, sur le plan financier, mais aussi sur le plan des horaires.
En 45 secondes, pourriez-vous nous en dire davantage sur l'importance du programme universel pour la garde d'enfants maintenant offert à l'échelle du pays?
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Tout comme vous, j'ai fait partie de ces femmes. Dans mon cas toutefois, comme je travaillais dans le domaine du journalisme… Il faut attendre plusieurs années avant d'avoir des enfants parce que les heures au travail peuvent être longues. C'est le genre de choses qui ont une incidence dans la vie des femmes.
C'est très important. Le programme universel pour la garde d'enfants évite aux femmes et à leur famille, peu importe où elles vivent au pays, de faire des choix difficiles. Elles n'ont plus à choisir entre payer la facture d'électricité ou les services de garde, ou entre retourner au travail ou rester à la maison avec les enfants parce que ce serait moins coûteux. C'est un énorme avantage qui, en plus de changer la perception que les femmes de tous les horizons ont d'elles-mêmes, va leur permettre de contribuer à la société d'une autre manière.
Je suis désolée, madame la présidente.
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Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
Nous accueillons le second groupe de témoins.
Il est formé de Mme Mercy Lawluvi, la directrice générale du Service pour femmes immigrantes d'Ottawa; de Mme Stéphanie Vallée, la co‑coordonnatrice de l'organisme L'R des centres de femmes du Québec, ainsi que de Mme Alice Czitrom, la coordonnatrice du Service aux victimes, et de Mme Emily Jones, la coordonnatrice, Développement communautaire du Peterborough Police Service. Bienvenue mesdames.
Chaque organisme a cinq minutes pour nous présenter des remarques liminaires. Je lèverai mon crayon quand ce sera le temps pour vous de conclure votre exposé.
Je cède la parole à Mme Lawluvi.
Vous disposez de cinq minutes.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour aux membres du Comité permanent de la condition féminine. Je suis vraiment honorée et ravie d'avoir été invitée à faire partie de ce groupe de témoins.
Je m'appelle Mercy Lawluvi, et je suis la directrice générale des Services pour femmes immigrantes d'Ottawa. Notre organisme s'emploie à rendre le pouvoir aux femmes immigrantes et racisées de la ville d'Ottawa et des environs afin de contribuer à l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des enfants.
Avant de poursuivre, je tiens à souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinaabe.
Mon exposé portera sur les difficultés des femmes immigrantes et racisées qui sont des survivantes de la violence, et je terminerai avec quelques recommandations.
Les femmes immigrantes et racisées sont particulièrement vulnérables et à risque d'être touchées par la violence sexiste. Leur expérience de la violence entre partenaires intimes s'ajoute au racisme systémique, à la discrimination, à la marginalisation et à bien d'autres formes d'oppression dont elles font l'objet.
La COVID‑19 a exacerbé le problème de la violence sexiste pour les survivantes immigrantes, qui dans beaucoup de cas se sont retrouvées complètement isolées et à la merci de leurs agresseurs. La barrière de la langue a particulièrement nui à beaucoup d'entre elles. Nombreuses sont celles qui, après avoir pris la fuite parce que leur sécurité était menacée, se sont cassé le nez à la porte des refuges de première ligne parce qu'ils étaient pleins à ras bord. Elles devaient alors aller dans un hôtel ou un motel, une option qui ajoutait à leurs problèmes de sécurité et à leur détresse émotionnelle.
La situation est encore plus difficile pour les nouvelles arrivantes, qui n'ont pas eu le temps de bâtir un réseau social et qui se sentent complètement isolées. La pénurie de logements sûrs et abordables pose un autre problème. Malheureusement, certaines communautés sont devenues des enclaves d'oppression, où le racisme, et surtout l'islamophobie ou le racisme envers les personnes noires ou asiatiques, a pour effet de marginaliser encore plus les survivantes.
Par surcroît, beaucoup de survivantes immigrantes et racisées restent vulnérables et sans protection parce qu'elles craignent d'appeler la police en cas d'urgence. Elles ont peur d'être revictimisées et, dans le cas des femmes sans statut, d'être déportées, de sorte que de très nombreux incidents de violence ne sont jamais signalés dans ce groupe. C'est un problème quand on sait que le taux de féminicides en Ontario a augmenté de 94 % de juillet 2020 à juillet 2021.
Le Canada accueille de plus en plus d'immigrants, et il devient de plus en plus évident que le manque d'information sur les lois canadiennes en matière de violence sexiste et les ressources offertes aggrave le risque que ces femmes en soient victimes.
Il s'agit d'un survol très sommaire des enjeux dans ce domaine, et je vais maintenant soumettre quelques recommandations à votre réflexion.
Premièrement, il faut instaurer des politiques fondées sur une approche intersectionnelle et en étudier les répercussions pour les communautés les plus vulnérables et les plus marginalisées. Il faut aussi faire une analyse des causes sociales et économiques de la violence sexiste, y compris la pauvreté, le logement, les facteurs culturels et linguistiques, les emplois peu rémunérateurs, le statut au regard de l'immigration, de même que des politiques qui concourent à perpétuer le système patriarcal de l'oppression.
Deuxièmement, il faut mettre en œuvre une stratégie nationale efficace de sensibilisation et de prévention, qui comprendra un volet d'information sur la violence familiale et entre partenaires intimes à l'intention des nouveaux arrivants à tous les points d'entrée, dans la langue de leur choix.
Troisièmement, il faut élargir la formation que le gouvernement impose aux policiers sur toutes les formes de violence sexiste et leurs conséquences pour les femmes immigrantes, réfugiées et sans statut. Il faut aussi accroître la formation sur les approches intersectionnelles et tenant compte des traumatismes, de même que sur le recours efficace à des interprètes durant les entrevues délicates.
Il faut aussi mettre en œuvre une stratégie sur le logement qui tiendra compte des besoins des communautés marginalisées en quête de sécurité.
Enfin, il faut instaurer un mécanisme pluriannuel pour augmenter et pérenniser le financement des organismes qui offrent des services de première ligne aux survivantes de la violence.
Merci de votre attention.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité.
Ce matin, j'ai une pensée pour la communauté de Lebel‑sur‑Quévillon, où il y a eu, hier, un autre féminicide, probablement, suivi d'un suicide.
Je suis ici pour vous présenter L'R des centres de femmes du Québec. Notre organisme regroupe, bon an mal an, 90 centres de femmes situés dans 14 régions administratives du Québec. Ces organismes communautaires autonomes sont nés dans le but de répondre à des besoins auxquels ne répondaient pas les services publics traditionnels et de soutenir les femmes dans toutes leurs démarches en vue de retrouver leur autonomie.
Les centres de femmes sont des milieux de vie où les femmes peuvent se rendre pendant la journée.
Les intervenantes reçoivent des femmes qui veulent participer à des activités, à des actions collectives, à des grandes marches, comme la Marche mondiale des femmes, qui a lieu tous les cinq ans, ou utiliser les services offerts par les centres de femmes. Les femmes sont reçues dans leur entièreté, sans jugement et sans que l'on appose une étiquette à leur situation. Souvent, ce sont des femmes qui vivent différents types de violence. Elles se retrouvent dans un groupe, qui les aide à prendre conscience qu'elles sont victimes de violence conjugale ou de tout autre type de violence.
Je tiens à préciser que les centres de femmes ne sont pas des maisons d'hébergement. En effet, ce sont des ressources parallèles qui vont accueillir les femmes et les accompagner dans leurs démarches. On va parfois les référer à des centres d'hébergement, mais il arrive souvent que les femmes victimes de violence ne passent pas par les maisons d'hébergement. On peut se demander pourquoi ce sont les femmes qui doivent quitter leur foyer plutôt que leur conjoint violent.
Les intervenantes des centres de femmes vont, de concert avec les femmes, aider ces dernières à rebâtir leur estime personnelle et leur confiance en elle, sans leur faire porter la responsabilité quant à la violence qu'elles vivent, évidemment. Grâce à la force du groupe et aux démarches en vue de retrouver leur autonomie, elles vont souvent en ressortir plus fortes et vont enfin pouvoir quitter leur foyer ou faire en sorte que leur conjoint violent le quitte.
Les centres de femmes travaillent sur trois plans: les services, les activités éducatives et les actions collectives. Les services servent souvent de porte d'entrée. On peut aider les femmes à faire leur curriculum vitae, par exemple, ou à ouvrir un compte de banque. En effet, il y a encore des femmes qui n'ont pas de compte bancaire et qui ont seulement accès à un compte conjoint; souvent, ces femmes sont victimes de violence économique.
Les centres de femmes croient que tant qu'il n'y aura pas d'égalité entre les humains, entre les femmes ainsi qu'entre les hommes et les femmes, les femmes seront victimes de violence. Évidemment, il faut des services universels.
Tout à l'heure, on a parlé des garderies. C'est bien beau, mais des places doivent être libres. Présentement, au Québec, il y a un important problème sur le plan de l'accessibilité à ces garderies. On dit toujours que les garderies vont donner aux femmes l'occasion d'aller travailler, mais cela pourrait aussi donner à tous les humains l'occasion d'aller travailler. Les centres de femmes s'efforcent de faire changer les mentalités et de faire en sorte qu'il y ait une égalité reconnue et profonde.
Encore une fois, je vous remercie de votre invitation.
Je suis prête à répondre à vos questions.
Je voudrais tout d'abord souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel des Michi Saagiig et des Chippewas, visé par le Traité no 20 des traités Williams.
Merci de votre invitation à venir témoigner devant le Comité. Nous remercions tout particulièrement la présidente, Mme Karen Vecchio, et la députée de notre circonscription, Mme Michelle Ferreri.
Mme Alice Czitrom est la coordonnatrice du Service aux victimes. Je m'appelle Emily Jones, et je suis coordonnatrice, Développement communautaire. Ces deux postes font partie intégrante du service de police de Peterborough.
Nos fonctions nous donnent à toutes les deux le privilège unique de travailler aux trois échelons des changements sociaux, de la défense des intérêts et du soutien, c'est-à-dire à l'échelon « micro » des services individuels aux victimes, à l'échelon « mezzo » des relations avec la communauté, et à l'échelon « macro » des politiques et des stratégies communautaires. Cela nous permet d'entendre et de comprendre les problèmes auxquels les gens font face, d'avoir une bonne idée des obstacles systémiques et des mesures de soutien offertes, et de recommander des changements à tous les échelons du gouvernement et des systèmes communautaires.
Je vais céder la parole à Mme Czitrom, qui soumettra nos recommandations au Comité.
Merci.
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Bonjour. Merci de me donner la possibilité de m'adresser au Comité au nom du service de police de Peterborough, et en particulier du Service aux victimes.
Les recherches ont montré que les crimes violents comme les actes de violence entre partenaires intimes ont des conséquences psychologiques, physiques, sociales et économiques à long terme, pas seulement pour la principale victime, mais aussi pour ses enfants, les membres de la famille élargie, du voisinage, de la communauté scolaire et du milieu de travail, de même que pour la sécurité générale et le bien-être des communautés.
Depuis quelques années, les services de police canadiens, y compris celui de Peterborough, se sont engagés à mieux tenir compte des traumatismes dans leurs enquêtes, à collaborer plus étroitement avec les partenaires de la communauté en siégeant à des comités et à des tables rondes, et à faire de l'éducation préventive sur les relations saines dans les écoles.
Des décennies de recherches sur les traumatismes relationnels nous ont appris que les enfants qui sont témoins de la violence entre partenaires intimes à la maison sont beaucoup plus à risque d'être touchés un jour par la polyvictimisation, notamment, de souffrir de traumatismes intergénérationnels, de problèmes de santé mentale et de toxicomanie, d'être suicidaires et d'avoir beaucoup d'autres problèmes de santé comme le cancer, l'obésité ou les cardiopathies. Nous savons également que les obstacles à la guérison sont plus nombreux pour les personnes et les familles autochtones, racisées, membres de la communauté LGBTQ, ou qui sont marginalisées pour d'autres raisons comme l'itinérance, la pauvreté, la toxicomanie ou le fait de vivre dans une communauté éloignée.
À quoi nous servent ces connaissances?
Très respectueusement, notre recommandation au Comité est de demander le rétablissement du programme fédéral d'indemnisation des victimes. Pour aider les victimes à reconstruire leur vie, il faut combler des besoins qui, selon les recherches, sont d'ordre financier, physique, émotif et social. Nous sommes d'avis qu'un programme d'indemnisation des victimes peut combler ces quatre types de besoins. Il est important de souligner que l'indemnisation des victimes est et a toujours été un symbole de la réponse collective de la société à la violence qu'elles ont subie.
On peut lire dans un rapport publié en 2021 par le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels que « [l]'indemnisation est une première étape cruciale sur la voie de la guérison des victimes ».
L'Organisation des Nations unies, l'ONU, a adopté la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, qui propose des mesures concrètes que les gouvernements doivent mettre en œuvre dans l'intérêt des victimes et pour répondre à leurs besoins. Ces mesures sont fondées sur les meilleures connaissances et expériences provenant du monde entier sur ce qui doit être fait pour assurer aux victimes d'actes criminels l'accès à la justice, à la protection, à l'information, au soutien et à l'indemnisation. La Déclaration de l'ONU stipule que les États doivent s'efforcer d'assurer une indemnisation financière, et qu'il « faut encourager l'établissement, le renforcement et l'expansion de fonds nationaux d'indemnisation des victimes ». Il convient de souligner que le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'adoption de cette déclaration.
La Charte des droits des victimes, adoptée par le gouvernement fédéral en 2015, reprend plusieurs éléments de la Déclaration de l'ONU, mais elle fait l'impasse sur le programme d'indemnisation. De plus, la Charte ne prévoit aucune méthode pour faire respecter les droits des victimes, si bien qu'il n'existe aucun recours si jamais le Canada manque à ses obligations en la matière.
Le Canada ne respecte plus les normes établies par la Déclaration de l'ONU en matière d'indemnisation par l'État. L'accès aux services pour les victimes d'actes criminels est inégal, et les critères d'admissibilité aux mesures d'indemnisation varient d'une province à l'autre.
Les programmes d'indemnisation doivent couvrir les frais médicaux, les pertes de revenus, les services de santé mentale, les besoins matériels et en matière de sécurité et, surtout, prévoir une indemnité pour douleur et souffrance. Un régime d'indemnisation qui couvre ces éléments a une valeur symbolique et atteste de la volonté de toute la société d'aider les victimes. Actuellement, seulement deux provinces offrent une indemnité pour douleur et souffrance aux victimes d'actes criminels, y compris la violence entre partenaires intimes.
Au Canada, nous avons un seul Code criminel, mais les services offerts aux victimes sont malheureusement très disparates. Il faut instaurer un programme fédéral d'indemnisation des victimes qui sera fondé sur l'approche tenant compte des traumatismes, qui reconnaîtra les répercussions de la violence entre partenaires intimes et qui aidera les Canadiens touchés à recouvrer leur estime personnelle, leur pouvoir et leur dignité.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci beaucoup également à tous les témoins.
C'est un excellent travail, et comme députée de Peterborough-Kawartha, je suis très fière et très heureuse de voir Peterborough sur la liste. Bonjour tout le monde.
Je commencerai par m'adresser à Mme Czitrom et Mme Jones, davantage Mme Czitrom, je suppose.
Merci pour toutes vos recommandations. Quand on parle des services aux victimes, je crois que la question de l'indemnisation mérite d'être discutée. Comment fait‑on pour reprendre une vie normale? Je pense que la question est juste.
Nous tentons également de déterminer comment empêcher au départ les victimes de devenir victimes. À la lumière de certaines de mes conversations avec des organismes d'aide aux victimes, il semble que les victimes cherchent vraiment trois choses — et j'aimerais savoir si vous êtes d'accord: de l'information en amont du processus, un dédommagement et du counselling.
Êtes-vous d'accord?
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Merci de votre question, madame Ferreri.
Oui, je suis d'accord. Effectivement, c'est ce qui ressort également des recherches. En fait, lorsqu'il s'agit de s'occuper des victimes d'actes criminels, l'information est considérée comme la « passerelle » menant à la satisfaction de tous les autres besoins. Non pas seulement l'information sur les services disponibles; une fois qu'un événement se produit, l'information est le pilier sur lequel les victimes peuvent s'appuyer pour avoir l'impression d'exercer un certain contrôle sur le processus dans lequel elles se sont engagées.
Dans le cas de la violence domestique, comme on le sait, la politique d'inculpation obligatoire crée tout un palier d'intervention comportant une série d'étapes qui se déroulent sans l'apport ou la participation de la victime. Tout cela vise bien entendu à assurer la sécurité de la victime et des enfants. Cette inculpation obligatoire crée un énorme volume d'information, qui donne aux victimes une idée de ce qu'elles peuvent attendre du processus.
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Quel que soit le problème, je ne pense pas que l'argent soit l'unique solution. Il joue toutefois un rôle incroyablement important. On sait tous à quel point les ressources sont importantes.
Ce que je peux dire de Peterborough en particulier — je ne peux pas parler des autres villes —, c'est qu'on y trouve ce que j'aime appeler un immense écosystème de communautés qui s'efforcent vraiment de collaborer. La situation n'est pas toujours parfaite, probablement en bonne partie à cause de la quasi-compétition dont ces ressources font l'objet.
Quand il n'y a pas d'égalité d'accès ou de distribution pour les ressources destinées aux personnes qui ont besoin d'y accéder directement, comme la clientèle et les personnes victimes de violence, ou pour les services qui ont été mis en place pour les aider, ça devient un problème qui est mis en évidence. Alors…
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je m'adresserai d'abord à Mme Lawluvi.
Vous avez dit, au sujet des nouvelles arrivantes, que l'absence de réseaux sociaux, et parfois l'existence de barrières linguistiques, entraîne une forte sous-déclaration des actes violents de même qu'un isolement marqué de ces femmes, qui peuvent même ignorer les services mis à leur disposition.
Il y a quelques années, après mon élection, je me suis associée à plusieurs organisations, dont la vôtre, pour fabriquer et poster à chaque ménage de ma circonscription des aimants de réfrigérateur affichant les numéros de téléphone de divers services d'urgence, y compris de votre organisation, Services pour femmes immigrantes d'Ottawa.
Dans quelle mesure est‑il important d'être en mesure de rejoindre les personnes qui, dans certains cas, sortent peu souvent de la maison, et qui n'ont peut-être aucun moyen de savoir quel numéro composer? Je sais qu'il y a encore des personnes qui ont cet aimant sur leur frigo, depuis des années, et qui en ont peut-être oublié la présence. Si nécessaire, en cas d'urgence, vous avez sous les yeux le numéro à composer.
J'ai aussi vu l'aimant dans des campus universitaires, par exemple dans une salle de bains au Collège algonquin. On trouve dans cette salle de bains pour femmes les coordonnées de plusieurs services, dont le vôtre, indiquant aux femmes où aller et quel numéro composer pour avoir de l'aide.
Pouvez-vous me dire à quel point c'est important? De quelles autres façons les organismes communautaires, dont le vôtre, peuvent-ils sensibiliser et rejoindre les personnes extrêmement isolées qui n'ont pas d'autre moyen de savoir où obtenir du soutien?
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Merci pour cette question importante.
Oui, tout à fait, il importe que les femmes aient accès à toute l'information dont elles ont besoin pour pouvoir faire appel aux services. Afficher nos coordonnées sur les aimants de réfrigérateur, c'est essentiel. Plus encore, l'initiative doit être intersectorielle, il faut s'assurer que toutes les organisations du milieu soient au courant des ressources disponibles, de façon que lorsqu'une femme immigrante s'adresse à une organisation — par exemple un centre de santé —, elle puisse fournir cette information. Il doit s'agir d'une initiative intersectorielle, où tout le monde est au fait de toutes les ressources disponibles.
De notre côté, à Services pour femmes immigrantes d'Ottawa, nous avons mis en place un programme de sensibilisation et de prévention qui nous permet de tendre la main aux organismes communautaires et de rejoindre les groupes isolés de femmes immigrantes. Ces femmes ne sortent pas. Elles ont besoin d'avoir de l'information sur les ressources disponibles; si elles ne l'obtiennent pas, alors quelqu'un doit la leur fournir.
C'est une de nos initiatives, essayer de rejoindre les femmes là où elles sont pour leur communiquer cette information, tout en ayant cette mobilisation intersectorielle. Et nous essayons également de mettre à contribution les hommes, parce que ce n'est pas seulement un enjeu féminin. Les hommes doivent également participer, connaître les ramifications de leurs gestes, etc.
Merci.
Notre comité a effectivement eu vent de certaines façons très créatives par lesquelles les femmes rejoignaient les autres femmes, même dans les salons de coiffure. Ça me semble une façon de faire très importante.
À quel point est‑il important, en particulier pour les nouvelles arrivantes, que les services soient adaptés à la culture? Vous avez même mentionné des problèmes au sujet de l'interaction avec les interprètes, des enjeux de logement. Que pouvons-nous faire, comme législateurs, pour faire en sorte que les services offerts aux nouvelles arrivantes soient adaptés à leur culture?
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C'est vraiment un enjeu crucial. C'est précisément pour cette raison que Services pour femmes immigrantes d'Ottawa a vu le jour il y a 34 ans, parce que les femmes immigrantes et racialisées trouvaient problématique d'accéder aux services traditionnels existants. Il était nécessaire d'avoir des organisations qui comblent leurs besoins en tenant compte de leurs particularités culturelles.
Les femmes immigrantes se heurtent à des obstacles pluriels et systémiques, qui nécessitent des réponses qui leur sont propres. Il est essentiel de pouvoir compter sur des organisations qui répondent aux besoins culturels particuliers de ces femmes. Il n'existe pas de solution unique qui convient à tous.
Pour les femmes immigrantes et racialisées, il est essentiel de comprendre les enjeux culturels auxquels elles sont confrontées, les obstacles, les défis supplémentaires qu'elles affrontent au quotidien. En quoi cela recoupe‑t‑il leur expérience de la violence? Pour pouvoir les aider efficacement, il est nécessaire de très bien comprendre la situation d'ensemble.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les quatre témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui et du travail qu'elles font au quotidien relativement à cette question si importante qu'est la violence entre partenaires intimes.
Ma première question s'adressera à Mme Vallée.
Lors de la dernière séance du Comité, qui s'est tenue mardi dernier, un témoin nous a dit ceci:
[…] il faut absolument soutenir le mouvement féministe et les organismes féministes, parce que les recherches ont montré que ce sont eux qui amènent des changements en matière de violence faite aux femmes et de violence conjugale.
Évidemment, j'appuie ces propos. Votre apport à la lutte contre la violence faite aux femmes est indéniable. Je pense que votre centre et le travail que vous faites le démontrent. J'aimerais vraiment vous remercier d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui.
En mars 2020, votre organisation a remis un rapport au Comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale, qui est intitulé: « Adapter le parcours judiciaire au rythme et aux vécus des victimes et des survivantes ». Dans ce rapport, vous mentionnez l'importance d'éliminer les barrières qui freinent l'accès à la justice pour les femmes victimes de violence conjugale et sexuelle, puisque plusieurs victimes craignent de dénoncer leur agresseur, notamment à cause de ces obstacles.
Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent les obstacles et les barrières qu'une femme doit surmonter pour accepter de dénoncer la violence dont elle est victime?
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Personnellement, je ne suis pas au courant de ce que fait le fédéral.
Tantôt, un témoin a dit qu'il fallait écouter les groupes féministes.
En 2000, lors de la Marche mondiale des femmes, l'une des grandes revendications était d'organiser une importante campagne de sensibilisation sur 10 ans — on en parlerait au passé si cela avait été mis sur pied. Ainsi, on pourrait sensibiliser et éduquer la population sur l'égalité entre les personnes et la prévention de tous les types de violence.
À l'époque, des campagnes sur le port de la ceinture de sécurité et sur l'alcool au volant avaient un volet plus répressif et préventif. Si l'on avait pris au sérieux, il y a 20 ans, la revendication des groupes féministes, on verrait peut-être des améliorations aujourd'hui.
Il faudrait remettre cela à l'ordre du jour. Il faut sensibiliser la population et prendre en compte tous les acteurs de la violence, soit les hommes et les conjoints violents. Cependant, il faut aussi sensibiliser les petits, les enfants. Il faut rendre l'école accessible à tous et promouvoir l'égalité.
Vous avez nommé le rapport « Rebâtir la confiance ». Il me reste moins d'une minute de temps de parole, mais j'aimerais que vous nous en parliez davantage. Ce rapport contient plusieurs recommandations, notamment l'implantation de tribunaux spécialisés et les bracelets antirapprochement.
On veut assurer la sécurité des femmes. Selon vous, le bracelet antirapprochement pour les agresseurs est-il un bon moyen législatif permettant d'éliminer certains obstacles à la dénonciation et de redonner confiance aux femmes, ou du moins d'assurer leur sécurité?
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Ces mesures sont certainement toutes des moyens parfaits d'arriver à nos fins. Il faut juste s'assurer que c'est accessible à toutes les femmes de toutes les régions.
En ce moment, il y a encore une fracture numérique, c'est-à-dire des régions qui n'ont pas accès à Internet haute vitesse. Or ces gadgets fonctionnent avec les réseaux Internet et les réseaux cellulaires. Il faudra donc s'assurer que toutes les régions sont desservies de façon égale par ce genre d'action.
C'est la même chose pour ce qui est des tribunaux spécialisés. On peut certainement avoir ce genre de tribunal spécialisé à Montréal, avec des acteurs qui sont très à l'affût du problème. Cependant, il n'y en aura peut-être pas à Lebel‑sur‑Quévillon, par exemple.
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Merci pour cette question.
Je ne pense pas que les soutiens aux nouvelles arrivantes soient pour l'instant suffisants. À leur arrivée au Canada, les nouvelles arrivantes sont particulièrement vulnérables. Elles ne parlent pas la langue, elles ne savent pas comment fonctionne le système et elles ignorent où trouver les ressources. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il est essentiel qu'elles obtiennent l'information le plus tôt possible. Dès leur arrivée au Canada, elles doivent absolument obtenir de l'information sur les ressources disponibles, sur les lois canadiennes concernant la violence fondée sur le genre, etc. C'est nécessaire.
Juste pour vous donner un exemple, quand nous avons eu l'afflux de réfugiés syriens, après un certain temps beaucoup de femmes ont été aiguillées chez nous pour des problèmes de violence. Nous nous sommes demandé: « Ont-elles obtenu la moindre information sur leurs droits et sur les endroits où s'adresser pour obtenir de l'aide? » Nous avons formé des groupes de discussion et constaté qu'elles n'avaient obtenu aucune information.
Il est essentiel que les nouvelles arrivantes reçoivent cette information, de préférence directement aux points d'entrée et dans leurs cours d'éducation des adultes. Il faut couvrir cette question dans un quelconque curriculum, et diffuser de l'information dans la communauté, de sorte qu'une nouvelle arrivante qui va à un rendez-vous chez son médecin puisse facilement obtenir des ressources dans sa langue. L'information doit être disponible.
Il y a des lacunes. Nous devons absolument rayonner davantage auprès des nouvelles arrivantes, en raison de leur exceptionnelle vulnérabilité lorsqu'elles arrivent au pays.
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Il faudrait en premier lieu accroître l'offre de logements abordables et le nombre de places dans les refuges. Le problème a pris une ampleur démesurée à cause de la COVID. La pandémie a provoqué une recrudescence de la violence, et nous avons été incapables d'offrir un refuge à toutes les femmes qui cherchaient à se mettre à l'abri.
Il faut augmenter le nombre de places dans les refuges qui accueillent les femmes qui fuient la violence, de même que le nombre de logements abordables et sûrs, parce que c'est aussi un problème. Nous faisons des pieds et des mains pour trouver des logements sûrs et abordables pour ces femmes, mais l'offre est insuffisante et elles doivent attendre très longtemps. Nous devons régler ces problèmes.
Par ailleurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, des immigrants arrivent ici avec des familles nombreuses, qui peuvent compter plusieurs enfants. C'est un autre problème. Ils sont mal logés. Des familles qui ont six ou sept enfants vivent dans un appartement de deux chambres. Il faut tenir compte de cette réalité.
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Oui, c'est un problème que nous rencontrons ici aussi. Il arrive que des garçons de 16 ans, qui mesurent six pieds… C'est un problème pour les refuges.
On peut les héberger dans un motel ou un hôtel, mais cette option amène d'autres défis sur le plan de la sécurité. Ces endroits ne sont pas aussi sûrs qu'un refuge. De plus, il n'est pas toujours possible de cuisiner dans une chambre d'hôtel ou de motel, auquel cas ils doivent se contenter de grignoter des aliments froids. Bref, d'autres problèmes viennent s'ajouter à ceux qu'ils ont déjà.
Toutes ces considérations doivent être prises en compte quand des refuges sont créés. C'est ma recommandation. C'est important, parce que c'est un problème, surtout dans le cas des femmes immigrantes qui ont… C'est une réalité, et il faut en tenir compte dans les projets de création de places en refuge ou de solutions de remplacement.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie également nos invités de cet après-midi.
J'aimerais revenir sur les propos de Mme Czitrom concernant ce régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Madame Czitrom, vous me direz si j'ai bien compris. Vous avez dit que deux provinces avaient ce système-là au Canada. Assurément, vous parlez du Québec, où nous avons ce régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. L'autre province, peut-être l'avez-vous citée, mais je ne l'ai pas en mémoire. Vous pourrez nous le redire.
De ces deux régimes existant actuellement, madame Czitrom, lequel des modèles pourrait être mis en place au Canada?
Comment imaginez-vous ce régime au Canada?
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Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
J'ai déjà été bilingue… Je vais répondre en anglais pour m'assurer de ne pas faire d'erreur.
J'ai parlé de deux provinces qui offrent des indemnités pour douleur et souffrance. Actuellement, 9 des 10 provinces canadiennes ont des programmes d'indemnisation pour les victimes, mais une autre province et des territoires n'offrent absolument rien. C'est le cas notamment de Terre-Neuve, qui n'a aucun régime d'indemnisation des victimes.
Concernant le programme d'indemnisation du Québec… Je peux dire, parce que j'ai eu une expérience directe du processus québécois au cours de la dernière année, que c'est un des programmes d'indemnisation parmi les plus solides au Canada. Il est solide notamment parce que les montants versés aux victimes sont adéquats et parce qu'il prévoit des indemnités pour douleur et souffrance.
Actuellement, les régimes sont disparates. Dans les années 1990, le Canada a délégué la responsabilité des programmes d'indemnisation aux provinces et aux territoires. Or, ces programmes sont très coûteux et des provinces ont décidé soit de les réduire, soit de les abolir. L'accès est primordial, mais les critères d'admissibilité varient d'une province à l'autre. Le facteur temps est très important et c'est très limité. C'est un peu comme si on offre à une personne de remplacer une porte qui a été défoncée.
Nous savons que la douleur et la souffrance, surtout dans les cas de violence entre partenaires intimes… Les obstacles économiques sont un des principaux facteurs qui empêchent les femmes de fuir une relation violente. C'est inquiétant pour elles de ne pas savoir ce qui leur arrivera si elles quittent la relation, où elles iront vivre, comment elles pourront nourrir leurs enfants, si elles devront s'absenter du travail. C'est l'inconnu et c'est inquiétant. L'indemnisation des victimes leur offre une solution à tous ces problèmes suivant une approche qui tient mieux compte des traumatismes et qui est plus globale.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question ou si vous aimeriez que j'ajoute autre chose.
Madame Stéphanie Vallée, je vous remercie d'être là.
Vous avez dit que, tant qu'il n'y aura pas d'égalité, il y aura toujours de la violence. Est-ce parce que vous considérez que l'égalité de droit ne correspond pas à l'égalité de fait?
Je comprends mal, parce que je pense nous sommes les égales des hommes. Il y a de l'égalité. Je comprends mal le lien que vous faites entre la violence et l'inégalité des sexes. Je comprends qu'on n'a plus assez de temps.
Votre question comporte plusieurs facettes. Une des choses que nous savons concernant l'aide à apporter aux adolescents en matière de violence est qu'il n'existe pas de solution universelle et que le problème est multidimensionnel. Il faut tenir compte de la dynamique familiale. Dans certaines relations… Peu importe si l'adolescent réussit à parler honnêtement d'une relation plus ou moins saine, les parents peuvent sentir s'il y a un problème. Il faut aussi tenir compte du milieu scolaire, dans lequel l'adolescent est inséré dans d'autres dynamiques, de même que de l'ensemble de la communauté.
La réponse à votre question exige une approche multivolets et multisectorielle de la violence chez les adolescents. La réponse ne peut pas venir seulement de la police, du milieu scolaire ou d'un programme communautaire. L'effort doit être concerté pour que tous les intervenants aient le même discours et comprennent de la même manière les obstacles à l'accès aux services, et notamment à ceux qui sont destinés aux adolescents.
Les systèmes scolaires peuvent aussi offrir des éclairages très importants sur ce que vivent les adolescents à l'école et sur les relations qui se tissent dans ces milieux.
Je vais céder la parole à Mme Jones. Elle voudra peut-être ajouter quelque chose.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je m'adresserai de nouveau à Mme Vallée pour mon dernier tour de parole.
Madame Vallée, je vous souhaite un prompt rétablissement. Lorsque vous serez remise de la COVID‑19, j'aimerais moi aussi avoir une soirée afin de discuter avec vous. Cela me ferait vraiment plaisir.
Dans le rapport de votre organisme qui a été mentionné lors du premier tour et qui est intitulé « Adapter le parcours judiciaire au rythme ou au vécu des victimes, des survivantes », il est mentionné que « 70 % des femmes victimes de violence ne sont pas représentées dans les statistiques officielles […] Violentées par leurs conjoint ou conjointe, agressées sexuellement, contrôlées économiquement ou psychologiquement, ces femmes font le choix de se tourner vers leur réseau, vers leur famille ou vers des solutions communautaires et anonymes. »
Dans cet extrait, vous mentionnez la notion de contrôle. Parlez-vous de contrôle coercitif? Est-ce une notion familière à votre organisation? Votre organisation accueille-t-elle des femmes victimes de comportements contrôlants et coercitifs? Faites-vous de la prévention pour aider les femmes et les intervenants à reconnaître les premiers signes de ce contrôle coercitif?
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La réponse à toutes ces questions est oui.
Nous accueillons les femmes pour leur faire reconnaître qu'elles vivent de la violence et pour les aider à reprendre du pouvoir sur leur vie. Il arrive aussi que nous fassions reconnaître aux femmes qu'elles sont elles-mêmes des personnes violentes. Nous avons commencé à faire ce travail auquel vous faites référence, je crois.
Cependant, nous faisons une distinction entre le problème systémique de la violence et la violence commise par les femmes, laquelle ne provient pas du patriarcat. Nous ne traitons pas ces deux problèmes de la même manière. Je m'excuse sincèrement, car je ne connais pas l'entièreté de ce rapport puisque je ne travaillais pas au sein de L'R des centres de femmes quand il a été publié. Je m'en souviens tout de même, parce que j'étais dans un centre de femmes.
Quelle était l'autre partie de votre question?
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Merci, madame la présidente.
La prochaine question s'adresse à toutes nos témoins.
Je vais commencer avec Mme Vallée. Dans le document Base d'unité politique de L'R des centres de femmes du Québec, il est indiqué que la pauvreté est liée à la charge des soins non rémunérés et les politiques sociales des gouvernements, « qui préfèrent réduire les dépenses sociales plutôt que de s'attaquer résolument à la redistribution de la richesse et à la création d'emplois durables. » Les recherches ont établi que l'amélioration des conditions de vie et la lutte à la pauvreté sont déterminantes pour éliminer la violence entre partenaires intimes,
Ma collègue a présenté un projet de loi sur le revenu de base garanti. L'objectif est de permettre aux personnes et aux familles qui font du travail non rémunéré d'accéder à l'autonomie financière et de quitter des situations dans lesquelles elles sont en danger.
Pensez-vous que le gouvernement doit franchir cette étape essentielle pour sortir les gens de la pauvreté?
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Évidemment, toutes ces mesures additionnées vont donner un résultat.
Il faut encore comprendre que la responsabilité de la famille, les proches aidantes sont encore des femmes. Ce sont encore les femmes qui s'occupent des enfants. Quand on n'a pas de place en garderie, ce sont les femmes qui restent à la maison, parce que, socialement, en ce moment, ce sont encore les hommes qui font des métiers traditionnellement plus payants que ceux des femmes, qui sont souvent des métiers de soins ou dans les restaurants qui sont ouverts dans des périodes où les garderies ne sont pas accessibles. Je parle de restaurants, mais on parle de n'importe quel commerce.
S'il y avait un revenu minimum garanti, comme on le disait tantôt, cela donnerait évidemment un bon coup de main à ces femmes victimes de violence.
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Merci énormément à nos témoins. Merci à Mmes Lawluvi, Vallée, Czitrom et Jones d'avoir participé à nos travaux. Au nom du Comité, je vous remercie pour vos témoignages.
Je vous rappelle que la réunion de mardi prochain sera très occupée. Nous recevrons Geneviève Lessard et Peter Jaffe, qui témoigneront à titre individuel, ainsi que des témoins de la Calgary Immigrant Women's Association, du Centre-Femmes de Bellechasse, de La Gîtée, de La Jonction pour Elle inc., de la Peel Regional Police, du Safe Centre of Peel et de l'Assemblée des Premières Nations.
D'ici là, travaillez bien, mais tâchez quand même de vous reposer.
La séance est levée.