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Bienvenue à la 35
e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1
er février, le Comité reprend son étude sur la santé mentale des jeunes femmes et des filles.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin. Les députés participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom. J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des députés.
Veuillez, s'il vous plaît, attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer, et le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole. Les participants qui utilisent l'application Zoom ont accès à l'interprétation et ont le choix, au bas de leur écran, entre le son du parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal souhaité.
Je vous rappelle que toutes les remarques doivent être adressées à la présidence. Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Pour ceux qui sont sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». La greffière et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à notre motion pour affaires courantes, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Comme nous l'avons noté, toute personne participant à la réunion doit avoir un des casques d'écoute. Merci beaucoup.
Nous menons une étude très difficile, alors je vais rappeler à tout le monde... Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais faire une mise en garde: cette étude sera difficile. Nous allons traiter d'expériences liées à la santé mentale qui pourraient provoquer des réactions chez les téléspectateurs, les députés ou le personnel ayant vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversé ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Ils participent tous à la réunion sur Zoom.
De Achēv, nous accueillons Karen McNeil, vice-présidente principale, Programmes et services, et Tania Amaral, directrice, Services aux femmes, à l'emploi et aux nouveaux arrivants. À titre personnel, nous accueillons le Dr Rakesh Jetly, qui est psychiatre. De l'Université de l'École de médecine du Nord de l'Ontario, nous accueillons la Dre Diane Whitney, doyenne adjointe, affaires des résidentes et résidents, et le Dr Peter Ajueze, professeur adjoint et psychiatre généraliste pour enfants et adolescents au Health Sciences North à Sudbury. Du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, nous accueillons Anne-Marie Boucher, responsable des communications et coordonnatrice de l'action sociopolitique.
Nous accorderons à chaque groupe cinq minutes pour les déclarations préliminaires. Je vous interromprai, généralement dans les premières secondes, si jamais vous dépassez le temps qui vous est imparti.
Aujourd'hui, comme vous le savez, nous avons commencé en retard. Nous allons prolonger un peu la séance, mais nous verrons comment les choses se passent, en tant que comité, au fur et à mesure. J'espère que certains d'entre vous pourront rester avec nous un peu après 17 h 30. Merci beaucoup.
Je vais maintenant céder la parole à Mme McNeil et à Mme Amaral pour cinq minutes, pour la déclaration liminaire de leur organisation.
La parole est à vous.
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Bonjour. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Karen McNeil. Je suis la vice-présidente principale des programmes et services chez Achēv. Je suis accompagnée de ma collègue Tania Amaral, directrice des services aux femmes, à l'emploi et aux nouveaux arrivants. Elle a une connaissance approfondie du programme.
Depuis plus de 30 ans, Achēv fournit des services gratuits aux Canadiens et aux nouveaux arrivants au Canada. Aujourd'hui, nous sommes l'un des plus grands fournisseurs à but non lucratif de services pour l'emploi, les nouveaux arrivants, les langues, les jeunes et les femmes dans la région du Grand Toronto, avec une programmation dans tout le Canada. Chaque année, plus de 50 000 femmes et filles ont accès aux services d'Achēv en personne, virtuellement ou dans un format hybride. Notre approche tient compte des obstacles uniques auxquels les femmes sont confrontées pour trouver un emploi, s'installer dans une nouvelle communauté et tisser les réseaux dont elles ont besoin pour s'épanouir.
Aujourd'hui, nous aimerions parler des femmes et des filles immigrantes, qui représentent près de la moitié de notre clientèle féminine. On estime que d'ici 2031, un tiers de la population féminine canadienne sera composée d'immigrantes. Nous savons que les femmes immigrantes et racialisées au Canada font face à de nombreux obstacles pour obtenir un emploi valorisant. Ces obstacles ont été exacerbés par la pandémie et comprennent le manque de réseaux professionnels, les responsabilités familiales, parfois les barrières linguistiques et la discrimination sexospécifique ou raciale. Même lorsque les femmes immigrantes ont un emploi, elles sont plus susceptibles d'être sous-employées, de travailler à temps partiel ou dans des situations d'emploi précaires, et d'être mal payées par rapport à leurs homologues nées au Canada. Cela a une incidence importante sur la vie quotidienne et la santé mentale de ces femmes.
Nos clientes font face à de nombreux défis lorsqu'elles s'installent au Canada. Les nouvelles arrivantes, en particulier, sont souvent confrontées à de multiples facteurs de stress sur leur santé mentale et leur bien-être. Elles ont souvent la responsabilité principale d'établir un nouveau foyer, d'inscrire leurs enfants à l'école, de prendre soin de parents âgés et de trouver un emploi. Ce n'est vraiment pas facile. Beaucoup sont isolées socialement et linguistiquement, et manquent d'estime personnelle et de sécurité financière. Nous avons également constaté les difficultés particulières auxquelles sont confrontées les étudiantes étrangères. Il s'agit notamment de jeunes femmes qui habitent loin de chez elles, certaines subissant une pression énorme pour réussir, faisant face à la solitude et à des ressources financières et des mesures de soutien limitées.
Chaque femme nous raconte sa propre histoire de son combat personnel, et j'aimerais vous parler d'une de ces histoires aujourd'hui. Priya est une mère célibataire. Elle a obtenu une maîtrise en économie dans son pays d'origine, mais travaillait comme caissière chez Walmart. Priya était stressée, fatiguée et s'inquiétait de savoir comment elle allait pouvoir gérer sa vie et son rôle de parent. Elle ne pouvait pas quitter son emploi, car c'était la seule source de revenus de sa famille. Elle était extrêmement déprimée à cause de ce dilemme. Son conseiller en emploi chez Achēv a pu partager avec elle de nombreuses ressources et la mettre en contact avec un programme de bien-être pour les femmes proposé par un partenaire communautaire. Priya a ainsi pu recevoir le soutien nécessaire pour améliorer son bien-être et réussir à décrocher un nouvel emploi mieux rémunéré où elle se sentait respectée.
L'un des plus grands problèmes que nous avons constatés pour répondre aux besoins en santé mentale des femmes et des filles nouvellement arrivées est la stigmatisation de la maladie mentale dans leurs communautés. Dans certaines cultures, les problèmes liés à la santé mentale sont fortement stigmatisés. Par conséquent, il leur est parfois difficile de reconnaître qu'elles souffrent de problèmes de santé mentale et qu'elles devraient demander de l'aide. Cela entraîne des souffrances à plus long terme. Certaines jeunes femmes nous ont dit que, même lorsqu'elles ont le courage de dire à leurs parents qu'elles sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et qu'elles ont besoin d'aide, elles ne savent souvent pas vers qui se tourner.
C'est pourquoi nous pensons qu'il est essentiel d'intégrer davantage de soutiens en matière de santé mentale dans les programmes destinés aux nouveaux arrivants, à l'établissement, à la langue et à l'emploi afin de lutter contre la stigmatisation et de fournir une intervention culturellement appropriée. Une plus grande sensibilisation à la santé mentale au sein de nos communautés de nouveaux arrivants aidera les femmes et les filles à accéder aux soutiens dont elles ont besoin, à combler le fossé générationnel et à encourager les conversations familiales.
Nous sommes fières du soutien complet en matière de santé mentale que nous sommes en mesure d'offrir aux femmes dans certains de nos programmes, notamment en invitant des prestataires de services de santé mentale à nos ateliers, en intégrant des pratiques d'autogestion de la santé dans les programmes et en partageant des ressources ouvertes. Toutefois, ces programmes ne sont pas suffisants. Nous recommandons qu'il y ait plus d'occasions de financement pluriannuel du gouvernement pour les organisations communautaires comme Achēv, afin d'offrir ces services de soutien complets à chaque femme ou fille qui en a besoin. Nous avons été témoins du pouvoir que le partage d'expériences vécues réelles et la création d'espaces sûrs pour discuter de la santé mentale ont eu sur le mieux-être de nos clientes nouvelles arrivantes.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de nos idées aujourd'hui. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais vous faire part, dans ma déclaration préliminaire, de mes réflexions sur différents sujets, notamment les troubles anxieux et les troubles de l'humeur chez les filles et les jeunes femmes, de même que les difficultés vécues par les jeunes femmes d'aujourd'hui. Je vais ensuite faire une parenthèse sur la consommation de substances et soulever des préoccupations concernant la recherche en psychiatrie et la conversion des connaissances.
La prévalence des troubles anxieux et des troubles de l'humeur causés par la pandémie de COVID‑19, surtout chez les jeunes, fait couler beaucoup d'encre. Or, en tant que psychiatre — les témoignages d'aujourd'hui l'attestent également —, je constate que la santé mentale des jeunes constitue un problème considérable depuis de nombreuses années.
En un mois, je vois plusieurs collègues aller chercher de l'aide en santé mentale pour un membre de leur famille. Je me suis rapidement rendu compte que dans environ 90 % des cas, c'était pour une fille ou une nièce souffrant d'anxiété. Ces faits ne sont pas tirés d'une étude, mais de ma propre expérience. Il est particulièrement inquiétant de voir des adolescentes de 16 ans devoir attendre 18 mois pour voir un psychiatre. Récemment, on m'a demandé de prodiguer des soins à une jeune femme qui avait été victime d'agression sexuelle après avoir avalé à son insu un narcotique lors d'un événement social à l'université.
Il y a deux côtés à la médaille lorsque nous regardons les troubles psychologiques qui affectent les jeunes. Les jeunes de cette génération sont les premiers à adopter une attitude décomplexée vis‑à‑vis de la santé mentale et à se sentir à l'aise d'aller chercher de l'aide. Les membres de notre génération, en revanche, avaient peur à l'époque de la stigmatisation. Les programmes comme En route vers la préparation mentale, mis sur pied par des militaires, et Bell Cause pour la cause ont aidé à éradiquer les préjugés et, jusqu'à un certain point, à normaliser la santé mentale et la rechercher de soutien.
Les jeunes de la génération actuelle n'ont pas besoin d'encouragements pour parler. Ils s'expriment naturellement et n'ont pas honte de faire part de leurs problèmes. Même si cette tendance sociale est encourageante, elle accroît la pression sur le système; le manque de ressources en soins de santé est de plus en plus criant. Un très grand nombre de jeunes femmes et de filles signalent qu'elles ne vont pas bien, mais ne peuvent pas accéder rapidement à des soins donnés par des professionnels.
Ma deuxième observation générale porte sur la pression accrue des pairs, l'intimidation et tout ce que font les médias sociaux. Les plateformes de médias sociaux comportent des avantages indéniables. Elles nous ont permis de rester connectés, de célébrer les anniversaires et d'assister à des funérailles pendant le confinement et la pandémie. Toutefois, des études révèlent que les médias sociaux peuvent faire naître un sentiment d'isolement et exacerber les problèmes de santé mentale, tels que la dépression et l'anxiété, chez certaines jeunes femmes et filles. Certains aspects des médias sociaux pourraient aussi intensifier le sentiment que leur vie ou leur apparence est inadéquate.
L'intimidation en ligne, c'est en quelque sorte de l'intimidation traditionnelle, mais à la puissance mille. Les chiffres varient selon les études, mais environ 40 % des jeunes âgés de moins de 19 ans disent avoir été victimes d'intimidation en ligne. Il est intéressant de noter que les filles, comme le révèlent la plupart des études, sont plus susceptibles d'être à la fois victimes et auteures de cyberintimidation. Les victimes de cyberintimidation courraient des risques plus élevés de se mutiler ou d'adopter des comportements suicidaires. La plupart des témoins de cyberintimidation ne feraient rien, et un jeune sur dix rapporterait l'intimidation à un adulte de confiance.
Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais parler brièvement de la consommation de substances à des fins récréatives ou dans un contexte de socialisation. La crise des opioïdes mérite notre attention. Les jeunes ne sont pas épargnés. Toutefois, nous devons également lutter contre l'abus de substances telles que l'alcool, le cannabis et le tabac, qui sont les plus populaires auprès des jeunes femmes et des filles.
Il est important de sensibiliser aux dommages que l'alcool peut causer, mais aussi d'enseigner la différence entre prendre un verre avec des amis pour célébrer un anniversaire et boire seule pour apaiser sa tristesse, sa solitude ou son anxiété. Nous devons également faire connaître les effets de l'alcool sur les facultés cognitives, le consentement et la capacité.
Comme société, le Canada a réussi à sensibiliser les jeunes aux risques et aux dommages causés par le tabac. De fait, la tendance à la baisse de la consommation de tabac se poursuit chez les jeunes, y compris les filles. Toutefois, les jeunes Canadiens se classent souvent dans les trois premiers rangs des jeunes consommateurs de cannabis dans le monde — les données peuvent encore une fois varier selon les études. Étant donné l'augmentation de la décriminalisation, de la légalisation et de l'usage médical du cannabis un peu partout dans le monde, une étude doit être menée sur la santé des filles et des jeunes femmes.
Il y a plusieurs ingrédients actifs dans le cannabis, dont certains peuvent affecter l'humeur, aggraver l'anxiété, voire causer une psychose. Nous avons appris des leçons importantes sur le tabagisme et ses répercussions sur la santé,notamment sur le système respiratoire. Pourtant, selon certaines sources, environ la moitié du cannabis consommé au Canada est fumé.
La frontière est floue entre la consommation à des fins médicales et la consommation à des fins récréatives. Je ne parlerai pas du caractère limité des données probantes sur la consommation du cannabis à des fins médicales, mais je souhaite que se poursuivent les études de qualité qui sont en cours et qui sont nécessaires. À mon avis, par contre, la consommation de cette substance à des fins médicales ou récréatives donne la fausse impression que cette plante naturelle est bienfaisante ou, au moins, inoffensive.
Ma dernière observation...
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Je vais commencer en disant que je suis psychiatre communautaire à Thunder Bay. Je traite la dépression, l'anxiété et les traumatismes. Ma pratique se compose à 80 % de femmes. Mon collègue est pédopsychiatre à Sudbury. Nous apportons donc deux perspectives différentes.
Je vais tout d'abord parler du Nord. Les personnes vivant dans le Nord de l'Ontario ne jouissent pas, en règle générale, d'une santé mentale optimale. Dans les milieux urbains, on enregistre des taux élevés de dépression et deux fois plus d'hospitalisations qu'ailleurs. Ces hospitalisations sont habituellement liées au suicide. Le système de santé est très fragmenté — pour autant qu'on en ait un.
Je suis toujours étonnée de voir les distances que parcourent mes patients pour obtenir des soins. La COVID a provoqué des changements, mais n'a pas réglé tous les problèmes. Une de mes patientes réside dans une petite réserve. Selon la période de l'année, elle se rend à la gare de train en motoneige ou en bateau. Le train accuse souvent un retard de 6 à 10 minutes. Elle se rend ensuite à Thunder Bay en fourgonnette. Les choses se sont améliorées pour elle lorsque de nouveaux moyens de communication ont été instaurés en raison de la COVID, encore que les communautés éloignées n'ont pas toutes un accès Internet.
Si nous parlons des femmes en particulier, la violence faite par un partenaire intime est réellement un problème. En raison des difficultés liées au transport et à l'hébergement d'urgence, le taux de ce type de violence est plus élevé dans les communautés du Nord et dans les petites communautés. La dame dont je viens de parler a été agressée par son partenaire, qui était intoxiqué. Elle est restée avec lui jusqu'à son décès. Il a fallu cinq jours — je dis bien cinq jours — à la police pour se rendre à la réserve afin de prendre le signalement. Je précise que la réserve abrite une petite communauté de 30 personnes.
Dans la population générale, le taux de traumatisme chez les personnes qui ont vécu de la violence et des abus est passablement élevé, mais dans le Nord, on estime que 78 % des gens ont subi des traumatismes dans l'enfance ou à l'âge adulte, dont 16 % sont aux prises avec un trouble de stress post-traumatique menant au suicide ou à l'automutilation. Nous pourrions en parler pendant des heures. En outre, la population autochtone enregistre des taux élevés de dépression, notamment des taux de détresse psychologique beaucoup plus élevés et davantage de pensées suicidaires et de tentatives de suicide que dans la population masculine.
Finalement, je vais parler des répercussions de la COVID. La COVID a entraîné de bonnes choses, mais aussi un certain nombre d'inconvénients. Il y a eu aussi l'isolement des gens. Je voyais une de mes patientes à distance, via le système de consultation par vidéo de l'Ontario, ou réseau OTN. Dans ma communauté, le bureau que cette patiente utilisait pour me rencontrer virtuellement a été transformé en centre de dépistage de la COVID. Nous avons été contraintes de passer aux rencontres téléphoniques.
Les défis sont multiples. Je vais céder la parole à mon collègue, qui va vous entretenir des difficultés liées aux traitements des troubles alimentaires dans le Nord.
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Merci, docteure Whitney et madame la présidente.
Je suis psychiatre-conseil pour les troubles alimentaires dans le Nord depuis les 10 dernières années, c'est‑à‑dire depuis mon arrivée au Canada en provenance de la République d'Irlande.
Je voudrais porter quatre points à l'attention du Comité. Le premier est le nombre croissant d'hospitalisations liées aux troubles alimentaires dans le Nord. Le deuxième est l'absence d'installations qui permettraient de traiter les patientes aux prises avec des troubles alimentaires dans le Nord de l'Ontario. Le troisième point est la hausse des comorbidités et des décès causés par les troubles alimentaires. Enfin, le quatrième point est le manque de formation adéquate sur les troubles alimentaires à l'intention des professionnels des soins de santé.
Je vais donner rapidement l'exemple d'une patiente ayant un IMC de moins de 10. Pour donner un peu de contexte, le sigle IMC désigne l'indice de masse corporelle. Un IMC normal se situe entre 18,5 et 25. Les personnes souffrant d'anorexie extrême ont un IMC inférieur à 15. Cette jeune fille avait un IMC de moins de 10, ce qui est presque incompatible avec la vie. Nous pourrions penser que ce cas aurait été considéré comme urgent et que la patiente aurait été envoyée dans le Sud, mais étant donné le manque de lits... Il n'y avait de lit nulle part, même pour une personne ayant une IMC de moins de 10. Atteinte du syndrome de renutrition, cette patiente s'est retrouvée aux soins intensifs deux fois et a failli mourir. Heureusement, nous avons pu la garder à l'hôpital. Elle y est restée pendant une période de six à huit mois, et elle s'est rétablie.
Depuis la COVID, le nombre d'hospitalisations ne cesse d'augmenter. Pour vous donner encore un peu de contexte, de 2017 à 2018, le taux de femmes hospitalisées était de 1 %. Au plus fort de la COVID, en 2021, ce taux est grimpé à 3,2 %. En juillet dernier, il s'élevait à 4,3 %. Certaines de nos patientes attendent d'être transférées aux États-Unis.
Je vais m'arrêter ici. Je suppose qu'il y aura beaucoup de questions sur les troubles alimentaires.
Dans le cadre de mes recherches, j'ai découvert que le Comité s'est souvent penché sur cette question.
Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître.
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Bonjour, je remercie le Comité de m'avoir invitée à participer à son étude.
Le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec représente une centaine de groupes communautaires québécois. Ces groupes sont autonomes dans la réalisation de leur mission, ce qui leur a notamment permis pendant la pandémie de s'ajuster rapidement et efficacement aux circonstances et d'offrir des accompagnements de qualité malgré les limites sanitaires.
Le sous-financement historique des groupes est avéré au Québec, et nous limite de plus en plus dans le recrutement et la rétention du personnel, ce qui menace la réalisation de nos missions. Notons que plusieurs de nos groupes conçoivent des projets visant les jeunes adultes.
J'aimerais vous faire part de quelques inquiétudes concernant la santé mentale des filles et des jeunes femmes. Aujourd'hui encore, elles sont plus sujettes à subir des violences ou des agressions en contexte familial et à se retrouver en position de dépendance économique.
Parler de la santé mentale des filles et des femmes, c'est également se pencher sur leurs conditions de vie dans une optique de réalisation du droit de jouir de la meilleure santé mentale et physique possible. Cela implique la lutte contre la pauvreté, la prévention des violences et l'accès à une diversité de ressources et de services en santé mentale.
Dans le contexte de la pandémie, l'isolement, les bouleversements dans les milieux d'éducation ou de travail, les conflits familiaux et l'insécurité sont venus aggraver la détresse psychologique chez plusieurs personnes, dont les jeunes. Une étude menée à l'été 2020 par l'Université de Sherbrooke démontrait déjà que les adolescents, filles et garçons, éprouvaient deux fois plus de détresse psychologique sévère qu'avant la pandémie.
Dans une autre enquête, datant de mars 2022 et portant sur la santé psychologique des 12 à 25 ans, on apprend que le quart des jeunes qui fréquentent une école secondaire ou professionnelle perçoivent leur santé mentale comme passable ou mauvaise. Cette proportion est encore plus élevée aux études supérieures. On note également que les filles et les personnes ne s'identifiant ni comme fille ni comme garçon sont beaucoup plus sujettes à rapporter une moins bonne santé mentale.
Cette hausse générale du mal-être chez les jeunes se constate alors que l'accès aux services publics en santé mentale est de plus en plus ardu, notamment au Québec. De nombreux témoignages que nous recevons révèlent que, même en situation de crise urgente, les jeunes peinent à avoir accès rapidement à un accompagnement.
Dans ce contexte, les médecins n'ont pas d'autres choix que de faire appel aux médicaments afin d'agir sur les symptômes de la souffrance, faute de pouvoir agir sur ses causes ou sur les circonstances de vie. Depuis la pandémie, on mesure donc une hausse de la prise de médicaments psychotropes.
Cette hausse est particulièrement marquée chez les jeunes filles. En mars 2021, dans un article du journal Le Devoir qui faisait référence aux données de la Régie de l'assurance maladie du Québec, on apprenait que la consommation d'antidépresseurs frappait de plein fouet les filles de moins de 18 ans, le nombre de ces utilisatrices ayant bondi de 15 % depuis la rentrée scolaire précédente. On y apprenait, par exemple, que, en septembre 2020, elles étaient 11 % plus nombreuses à prendre des antidépresseurs qu'à pareille date en 2019.
C'est la même chose pour ce qui est du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, le TDAH, pour lequel il y a une hausse du nombre d'ordonnances au Québec, l'endroit où on prescrit le plus de psychostimulants.
Tant pour le TDAH que pour la dépression, des experts en santé mentale s'inquiètent du recours croissant à la médication psychotrope sans que des services psychosociaux respectueux des droits soient accessibles rapidement dans toutes les communautés. Le Mouvement Jeunes et santé mentale, pour ne citer que ce mouvement citoyen, réclame depuis 2016 que soit tenue une commission parlementaire s'intéressant à la médicalisation des difficultés vécues par les jeunes, et que soient accessibles les services psychosociaux. Cette dernière revendication est aussi portée par l'organisme québécois Force Jeunesse , qui dévoilait cet été une étude plaidant en ce sens.
Bref, il faut éviter que soient médicalisés les effets de la crise sanitaire, et déployer de l'aide en amont relativement aux conditions de vie.
Voici maintenant quelques pistes d'action.
Nous croyons qu'il faut faire preuve de vigilance quant à la médicalisation de la détresse dans un contexte de crise sanitaire ou aux répercussions des violences vécues. Je donne un exemple documenté: un grand nombre de jeunes femmes ayant un trouble de la personnalité limite, ou TPL, ont vécu des agressions ou des violences sexuelles. Selon une étude anglaise, les femmes ont sept fois plus de chances de recevoir ce diagnostic que les hommes qui présentent les mêmes symptômes. On sait aussi que 81 % des personnes qui ont reçu un diagnostic de TPL ont révélé avoir vécu des traumatismes dans leur parcours.
En ce moment, les personnes qui vivent des violences ou des traumatismes reçoivent un diagnostic qui peut les aider, mais qui peut également être source de stigmatisation, ce qui risque de détourner le regard des difficultés ou des traumatismes vécus pour ne se concentrer que sur les symptômes.
Bref, il faut que les gens aient accès aux services en santé mentale même s'ils n'ont pas reçu de diagnostic, et il faut mettre en place des approches sensibles aux traumatismes, vraiment peu présentes dans les services publics. Il faut aussi qu'il y ait des solutions autres que la médication, et il faut offrir du soutien à la diminution des médicaments et au sevrage.
Selon nous, il est urgent d'aborder le soutien à la déprescription en santé mentale, notamment le soutien au sevrage des antidépresseurs. En Angleterre, de nombreuses initiatives sont en cours, afin de mieux documenter la dépendance et les effets du sevrage liés aux médicaments psychotropes. Je pense notamment aux travaux faits par la Santé publique britannique et par le All Party Parliamentary Group for Prescribed Drug Dependence sur les effets du recours à la médication et l'importance du suivi et du soutien au sevrage. Nous croyons que le Canada gagnerait à s'inspirer de ces démarches.
Finalement, nous constatons l'importance de rehausser les transferts fédéraux en santé, dans le respect des compétences provinciales. Il est urgent que ces transferts en santé soient rehaussés et envoyés aux provinces de façon non conditionnelle, ce qui permettra à celles-ci d'agir rapidement en matière de santé mentale. En ce moment, nous connaissons une crise dans l'accès aux soins. Améliorer l'accès aux services et investir dans les déterminants sociaux que sont la santé, la pauvreté et le logement, changera toute la donne.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins. Nous avons entendu des témoignages chargés, au moment où nous nous apprêtons à plonger dans cette étude sur la santé mentale des jeunes femmes et sur les solutions à apporter aux problèmes mentionnés.
Je suis heureuse de voir que mon ami, le Dr Rakesh Jetly, a été invité à témoigner aujourd'hui.
Docteur Jetly, je suis ravie de vous voir ici. Je sais que vous possédez un riche bagage de connaissances qui peuvent vraiment aider le Comité et le gouvernement fédéral à prendre des décisions stratégiques plus éclairées pour favoriser la santé mentale des jeunes au Canada.
Docteur Jetly, comme vous l'avez mentionné dans votre témoignage, nous voyons en ce moment un mouvement formidable grâce auquel les jeunes sont à l'aise de demander de l'aide. Beaucoup d'efforts ont été déployés pour lutter contre la stigmatisation, et ce travail porte ses fruits. Par contre, lorsque les jeunes vont chercher cette aide, ils ne la trouvent pas. Les ressources ne sont pas là. Que suggéreriez-vous pour remédier au manque d'équité dans les soins de santé?
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Merci beaucoup pour la question. En fait, c'est une très grande question.
Ma collègue vient d'expliquer la réponse à ne pas donner. Il ne faut pas, en effet, continuer à prescrire des médicaments sans psychothérapie ou counseling, c'est‑à‑dire à donner à ces enfants des stimulants et des antidépresseurs. Ce n'est probablement pas la solution.
Pour être réaliste, je pense que nous devons repenser notre mode de prestation de soins. Le mode actuel est problématique depuis des années. Il n'est probablement pas réaliste de penser qu'une personne aux prises avec des troubles psychologiques ou des troubles d'adaptation aura accès à des séances d'une heure de psychothérapie individuelle, une fois par semaine, pendant une période de six ou huit mois. À mon avis, nous pourrions tirer profit des technologies ou offrir des séances de thérapie de groupe. Différentes plateformes ont été mises au point, dont une sur la thérapie cognitivo-comportementale pour l'insomnie, où un clinicien peut voir 12 personnes en une heure au lieu d'une. Je pense que le problème est multimodal. Il faut ajouter des formations, des ressources et des programmes.
De toute évidence, les personnes très malades, comme celles qui sont atteintes de troubles alimentaires, ont besoin de lits d'hôpitaux, mais je pense que les personnes qui font partie de la vague de troubles de l'humeur et de troubles anxieux qui déferle en ce moment vont se rendre dans des cliniques sans rendez-vous ou consulteront leur médecin de famille. Elles recevront des médicaments sur ordonnance, mais n'obtiendront pas vraiment d'aide.
Ma réponse n'est pas à tout casser, mais je pense que nous devons repenser la façon dont l'accès est structuré et délaisser le modèle traditionnel basé sur les séances de psychothérapie individuelle pour tous.
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Oui, madame la présidente. Je ne sais pas si je peux intervenir pendant une petite minute. On a soulevé les épuisements professionnels. J'ai trouvé la question fort intéressante parce que je pense que bon nombre de professionnels de la santé, y compris moi-même, ont souffert d'épuisement professionnel à divers degrés au cours des dernières années.
Je réfléchis beaucoup à la question. J'écoutais le Dr Jetly parler du fait que la plupart des professionnels de la santé n'éteignent pas leurs téléphones. Je reviens de vacances et je me rends compte que, chaque fois que je pars en vacances, mon téléphone est toujours allumé... surtout pour les collègues dont je m'occupe des enfants. Je trouve que la situation occasionne beaucoup de stress. On peut facilement désactiver les avis de courriels quand on est en vacances, mais on ne peut éteindre son téléphone aussi facilement.
Je crois fermement que nous devrions amorcer une discussion avec les étudiants en médecine: nous avons commis de nombreuses erreurs au sujet des limites, et elles sont difficiles à renverser. Selon moi, le message clé porte sur les limites et sur l'importance dès le départ de les protéger et d'en prendre conscience. Un grand nombre parmi nous, surtout au début de ma carrière, se disaient que nous ferions tout pour nous entraider entre professionnels de la santé. Or, lorsque les limites disparaissent, un effet domino s'enclenche, et on finit par s'épuiser. Il est difficile de maintenant supplier les mêmes personnes de ne pas refaire la même erreur.
Je pense que c'est un des enjeux que nous pourrions soulever auprès de nos étudiants en médecine. Au début de leurs carrières, ils ne devraient pas commettre certaines de nos erreurs.
Mme Michelle Ferreri: Parfait...
La question est vraiment excellente. Notre organisation offre aux femmes des services liés à l'emploi, l'installation et la langue, et je puis vous dire que ces renseignements ne sont habituellement pas divulgués. Comme Mme McNeil l'a mentionné dans sa déclaration préliminaire, le sujet fait l'objet d'une lourde stigmatisation. Les femmes touchées ne savent même pas comment nommer ce qu'elles ressentent. Elles ne révèlent aucun détail, parce qu'elles ne sauraient même pas comment en parler. Elles se font un devoir de garder leur expérience secrète. Une honte profonde accompagne leurs souvenirs. Elles ne considèrent même pas leur traumatisme comme une priorité. Lorsqu'elles viennent nous demander de l'aide pour un emploi ou pour la langue, elles répriment leur douleur et en parlent seulement si elles tissent un lien solide avec leur conseiller, leur mentor ou leur conseiller en emploi.
C'est pourquoi, chez Achēv, nous essayons avec acharnement d'inculquer l'idée voulant que le bien-être ne se limite pas à la condition physique. La santé mentale fait partie intégrante de notre quotidien et touche à tous les aspects de la vie. Pour être un travailleur productif dans le marché du travail, on ne peut négliger la santé mentale. Bien souvent, nos clientes refoulent leurs expériences douloureuses et, comme nous ne sommes ni des professionnels en santé mentale ni des experts dans le domaine, nous nous fions malheureusement à des demandes de consultation éclairées pour les femmes touchées.
Le comité qui a été mis sur pied au Royaume‑Uni avait pour mandat d'étudier, d'une part, la dépendance aux médicaments d'ordonnance, y compris les psychotropes, et d'autre part, les façons d'accompagner les personnes en sevrage.
Ce que nous constatons sur le terrain, notamment dans le milieu communautaire comme vous l'avez dit, c'est qu'il y a énormément de jeunes femmes et de gens plus âgés qui se font prescrire des antidépresseurs et des anxiolytiques sans qu'il y ait de suivi de cette médication ni d'indications quant au moment de la cesser. Ainsi, ces médicaments peuvent être prescrits pendant des années sans que des méthodes soient proposées au patient pour diminuer la médication ou entreprendre un sevrage.
Il est également très rare que les personnes soient informées avant le début de la prise de certains médicaments de la difficulté de s'en sevrer. Nous constatons qu'il y a un déficit d'information au moment de la prescription. Même les professionnels de la santé ne sont pas toujours bien outillés pour s'assurer que le sevrage se passe d'une manière adéquate. Cela a été étudié au Royaume‑Uni et nous pensons qu'au Canada, on pourrait se pencher sur cette question particulière.
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Je remercie sincèrement nos témoins de leur présence et de leurs témoignages aujourd'hui. Je remarque un thème récurrent, soit l'importance de travailler en amont sur les déterminants sociaux de la vie, notamment sur ce qui amène une femme à vivre des problèmes de santé mentale. C'est très intéressant.
Madame Boucher, vous venez de parler des psychotropes, mais vous avez également abordé la question des déterminants sociaux. Vous avez aussi très bien décrit le modèle du Québec, celui des organismes communautaires autonomes.
La situation est urgente. On sait que le réseau de la santé et les organismes communautaires ne manquent pas de projets et d'initiatives concernant l'accès aux services de santé mentale. Le vôtre en est un bel exemple.
Un des problèmes majeurs, par contre, c'est le manque criant de financement. Les organismes demandent un financement récurrent et stable de la part du gouvernement. Pour répondre à cette demande, le gouvernement du Québec doit nécessairement augmenter le budget qu'il consacre au système de santé. Le financement de votre organisme en dépend également.
Ne croyez-vous donc pas que le gouvernement fédéral doit apporter sa contribution et financer adéquatement les provinces et les territoires en leur transférant les sommes manquantes, et ce, sans condition?
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Il est certain que le financement par projet peut être utile à l'occasion pour développer de nouvelles façons de faire. Par contre, ce que les organismes communautaires du Québec et d'ailleurs souhaitent, c'est d'obtenir du financement à la mission. Ils peuvent ainsi favoriser et soutenir la mobilisation au sein même de la ressource.
Il faut donc soutenir la mobilisation des jeunes pour qu'ils puissent développer eux-mêmes des projets, tester des initiatives et les mettre en branle. Il arrive souvent que le financement par projet soit très limité et prévoit des balises qui nous sont imposées du haut. Cela va très souvent à l'encontre des pratiques des milieux communautaires. La reddition de comptes, qui est très lourde, exige du temps, que nous devrions plutôt consacrer au développement de notre mission et à l'animation d'une vie associative et démocratique.
Ce que nous espérons, bien sûr, c'est du financement public, récurrent et à la mission, qui permette vraiment aux groupes de garder leur autonomie, mais aussi leur agilité pour développer des projets à partir de la demande provenant du terrain.
En ce moment, la demande de projets pour les jeunes est grande. Nous pensons que le financement à la mission pourrait permettre d'en développer. D'ailleurs, certaines initiatives vont dans ce sens sans qu'il n'y ait de projet précis.
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Voici la question que je me pose: de quelle partie de la crise parlons-nous? Il y en a tellement.
J'écoute les intervenants... Pourquoi des médicaments sont-ils prescrits, particulièrement à des jeunes, qui n'en ont probablement pas besoin? Parce qu'il n'y a aucun accès aux consultations psychologiques. En tant que psychiatre, je n'ai pas à prendre cette voie.
Depuis mon arrivée dans le Nord, je suis abasourdie... J'habite dans le Nord depuis 12 ans. Quand je suis arrivée, on me confiait des patients en deuil. Je me disais que ce n'est pas un problème psychiatrique, mais plutôt familial et social. L'absence aberrante de consultations psychologiques très grave.
Comme le Dr Jetly l'a dit, on ne peut continuer à faire ce que nous faisons, soit de fournir des thérapies individuelles hebdomadaires. La file d'attente s'allonge. Comment changer la prestation de soins?
J'applique le principe de la pleine conscience dans ma pratique clinique. Je dirige un groupe depuis 10 ans. Au début de la pandémie de COVID, je suis passée sur Zoom à reculons. Or, la taille du groupe a crû. Les participants restaient plus longtemps au sein du groupe, et les séances pouvaient être offertes en ligne. L'expérience s'est avérée formidable.
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Il n'existe aucun programme pour la psychologie générale ou les traumatismes intergénérationnels à proprement parler, mais il en existe pour la dépendance aux substances.
Je vous remercie de la question. Je me trouve actuellement à une clinique de Sault Ste. Marie pour un groupe autochtone. En réponse à votre question à savoir si une approche culturelle s'avérerait utile, je réponds un oui retentissant.
Depuis mon étude à cette clinique avec ce groupe, j'en ai beaucoup appris sur certaines approches autochtones, en particulier par rapport aux traumatismes. Nous les avons intégrées aux pratiques de la clinique où je travaille. Je suis aussi au courant de... c'est ce qu'on appelle le traitement axé sur la terre, qui est destiné aux personnes souffrant d'une dépendance aux substances. Le traitement s'adresse spécifiquement à la population autochtone.
Un de mes patients a participé à ce programme et l'a trouvé très utile. Je crois que le séjour dure habituellement d'un à trois mois. J'en ai entendu du bien. Je crois que les médecins, y compris moi-même, devons en apprendre encore davantage sur ce traitement, afin de voir comment nous pouvons l'intégrer à nos propres pratiques.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins. Le sujet est très difficile.
J'aimerais poser quelques questions au Dr Jetly.
J'ai récemment discuté avec une famille, à une mère qui est maintenant monoparentale et qui a un enfant handicapé souffrant d'autisme et de TDAH. L'enfant est médicamenté. Je ne connais pas les statistiques, mais je sais que beaucoup de divorces surviennent à la suite de la naissance d'un enfant handicapé. La mère se retrouve habituellement à être l'aidante naturelle. Dans cet exemple en particulier, pour des raisons culturelles, la famille — en fait, les deux familles — jugeait que... J'imagine que les membres des familles voulaient pointer quelqu'un du doigt, et on met toujours la responsabilité sur le dos de la femme. Or, personne ne pense à la mère monoparentale qui essaie de s'occuper de son enfant.
Tout ce qu'on lui a recommandé, c'est d'encaisser sa situation et de poursuivre sa vie. On lui a prescrit des médicaments, mais ce n'était pas la solution. Elle se démène tous les jours. Elle s'est finalement effondrée et a dû placer son enfant dans un foyer d'accueil parce qu'elle croyait qu'elle représentait une menace pour lui.
Avez-vous été témoin de situations de cette ampleur? Le cas échéant, que pouvons-nous faire pour reconnaître ces problèmes, et comment pouvons-nous aider les personnes touchées?
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Nos collègues ont fait allusion à ce genre de situations. Au début de ma carrière, j'étais médecin généraliste. J'étais médecin de famille dans les forces armées. Puis, je me suis vraiment spécialisé; je suis devenu l'expert en traumatisme. Plus tard pendant ma carrière, je suis devenu plus généraliste.
Je suis d'accord avec ce que disaient mes collègues quant aux déterminants de la santé qui vont bien au-delà des soins de santé. C'est un enjeu sociétal. Les déterminants de la santé dépendent de relations aimantes, de soutien et d'autres facteurs.
Je crois que la solution à ce scénario... Cette femme qui n'est plus en mesure de prodiguer des soins vit une tragédie. De façon générale, on doit être appuyé sur le plan social et culturel. Malheureusement, on me confie parfois des cas similaires. Parmi mes propres patients, j'ai aussi vu de tels cas. Je ne voudrais pas qu'on me perçoive comme le grand méchant psychiatre, mais je crois que des médicaments auraient pu faire partie de la solution pour l'enfant souffrant d'un trouble neurologique grave comme le TDAH. Or, la médication est la première étape de la guérison, pas la dernière.
Malheureusement, l'analogie de la salle d'urgence que quelqu'un a employée pour parler de la jeune femme à qui on a prescrit des benzodiazépines ou d'autres médicaments du genre représente le début de son épreuve, pas la fin. Je crois qu'une approche holistique où on se soucie du bien-être, de la situation d'emploi, du logement stable, de la profession... La mère a probablement besoin de répit: elle ne peut s'occuper d'un enfant malade seule en tout temps.
Si on prend un peu de recul et qu'on réfléchit à ce qui est vraiment nécessaire... La Loi canadienne sur la santé — je pourrais déblatérer sur le sujet très longuement — ne constitue pas vraiment une loi sur la santé. Elle vise à payer les médicaments si quelqu'un marche sur un clou. La Loi n'a jamais vraiment tenu compte de la santé mentale, de la psychologie, du travail social et de tout le personnel auxiliaire du réseau. Les psychologues, les chiropraticiens et les physiothérapeutes ne sont pas régis par la Loi canadienne sur la santé. Ils font tous partie du réseau de la santé.
Je crois que, ce qui pose problème, c'est que la solution n'est pas une panacée. L'autre solution est beaucoup plus compliquée, mais on a tendance à en faire fi.
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Bien sûr. Je vais répondre à cette question. Merci.
Il faut d'abord parler du racisme systémique, qui accentue l'isolement social et nuit à l'intégration. Non seulement les femmes font-elles face à de multiples obstacles et sont extrêmement stressées — et ne peuvent pas parler de leur santé mentale —, mais elles sont aussi victimes de racisme jour après jour. Les avantages d'une intervention rapide et de l'établissement de liens sociaux sont évidents, surtout lorsque les femmes sont les piliers de leur famille. Ce sont elles qui sont responsables de la maison et des enfants. Dans bon nombre de cas, surtout dans certaines communautés de Peel, les familles nouvellement arrivées vivent dans des logements multigénérationnels; il y a donc le fardeau supplémentaire des soins aux aînés pour les femmes, qui doivent aussi prendre soin de leurs enfants.
Quelle est l'importance, dans cette longue liste de priorités, de l'établissement des liens sociaux et de la réduction de l'isolement? Au départ, les femmes n'en tiennent pas vraiment compte. Elles placent les besoins des autres avant les leurs. C'est surtout le cas des femmes racisées ou marginalisées.
Pour revenir à moins point précédent, il faut faire comprendre à ces femmes que le bien-être n'est pas seulement physique. Il faut pouvoir leur offrir des ressources lorsqu'elles accèdent à nos services. Nous leur faisons comprendre qu'elles ont le droit de penser à elles. Elles peuvent prendre du temps pour entrer en contact avec d'autres femmes, avec des professionnelles ou avec des entrepreneures. Elles peuvent et doivent prendre soin d'elles pour pouvoir bien prendre soin des autres, et c'est ce qui est attendu d'elles à leur retour à la maison.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais c'est ce qui revient souvent et nous intégrons ce volet à nos services. En ce qui a trait au programme de cheminement professionnel dont vous avez parlé, nous nous faisons un devoir d'organiser un groupe de rencontre chaque mois où les femmes peuvent tisser des liens avec d'autres femmes qui leur ressemblent ou qui ont une histoire semblable à la leur. Elles parlent de bien-être et partagent leurs histoires; elles s'habilitent mutuellement. Le programme de cheminement professionnel vise l'obtention d'un emploi, mais nous nous assurons de faciliter ces conversations.
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Merci, madame la présidente.
Madame Boucher, vous avez dit plus tôt que votre groupe recevait son financement directement du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Vous avez également bien expliqué à quel point des transferts en santé du fédéral, sans condition et à hauteur de 35 % des coûts du système, vous aideraient.
Cependant, j'aimerais revenir sur la violence faite aux femmes et sur d'autres facteurs, étant donné l'importance de la prévention.
Comme vous l'avez bien expliqué, les cas de santé mentale ont vraiment explosé dans le contexte de crise qu'était la pandémie, et on se retrouve maintenant aux prises avec l'inflation, donc avec une crise du coût de la vie. Si on offre du soutien au logement social, ne pourrait-on pas investir davantage et soutenir également la sécurité et la santé des femmes?
En fait, ce sont des préoccupations qui sont liées d'une certaine façon. Je pense, par exemple, à la violence faite aux femmes dans un contexte conjugal ou familial. La crise du logement vient exacerber cette violence, car, pour plusieurs femmes, il est extrêmement difficile, présentement, de quitter le foyer familial avec des enfants et de se reloger.
Je ne connais pas la situation partout au Canada, mais, dans le cas du Québec, on vit actuellement une crise du logement sans précédent. Il y a vraiment des problèmes pour construire du logement social de façon suffisante. Le coût des logements a explosé et les logements disponibles ne sont plus abordables. C'est un des déterminants de la santé mentale qui font le plus mal en ce moment, avec la hausse du coût de la vie.
Il est évident que la prévention de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles devrait être une priorité quand on parle de santé mentale des femmes. Dernièrement, je suis tombée sur une recherche portant sur des femmes hospitalisées en psychiatrie. On y indiquait que 90 % de ces femmes avaient vécu de la violence et des agressions pendant l'enfance ou l'adolescence.
On parle de l'importance de prévenir la violence, mais aussi de répondre et d'accompagner les personnes ayant vécu des traumatismes. Il faut donc s'assurer qu'il y a des services offrant compassion et écoute. Il faut prendre en compte l'histoire des personnes et pas seulement agir sur les symptômes que sont leurs manifestations de colère, de détresse ou de souffrance. Donc, pour nous, il y a vraiment une urgence qu'il y ait des endroits offrant des approches sensibles aux traumatismes et qu'ils soient facilement accessibles pour les femmes et les filles.
Premièrement, je suis tout à fait d'accord avec mes collègues lorsqu'ils disent que les médicaments ne sont pas toujours la solution, mais ils le sont parfois. Si nous médicamentons les enfants, toutefois, nous devons veiller à transposer les études correctement.
Il y a plusieurs années, on pensait que les enfants n'étaient que de petits hommes et de petites femmes. On calculait la dose des médicaments en fonction du poids des enfants, sans bien comprendre le fonctionnement de leur foie et d'autres organes. Il y a de nombreuses années, on excluait presque tout le temps les femmes des essais cliniques en raison de leurs menstruations, parce qu'elles pouvaient tomber enceintes, parce qu'elles allaient peut-être... Nous avions de très bonnes raisons de ne pas les inclure, parce qu'on n'avait pas de contrôle sur certaines périodes du mois, par exemple, mais lorsque les médicaments étaient commercialisés, on les prescrivait à ces femmes.
Le problème, c'est qu'en règle générale, le financement ne permet pas de recruter un nombre suffisant de femmes pour réaliser une analyse fondée sur le sexe. C'est particulièrement vrai pour les études sur les anciens combattants, et on ne produit pas suffisamment de données sur ces gens parce qu'ils ne sont pas assez importants.
Les États-Unis ont adopté des lois en la matière, dont la NIH Revitalization Act of 1993, mais je ne crois pas qu'elles soient vraiment respectées. En 2013, la FDA a réduit de moitié la dose du médicament Ambien — qui est l'équivalent du zopiclone au Canada — parce qu'elle a découvert que les femmes l'éliminaient moins rapidement, ce qui signifiait que les effets étaient à leur maximum le matin, alors qu'elles devaient se réveiller. C'est le moment où il faut reconduire les enfants à l'école, leur faire à déjeuner, etc., et les mères de famille étaient sous l'influence de la drogue.
Nous devons veiller à ce que les études... Il ne suffit pas de procéder à une analyse comparative entre les sexes puis de dire « nous en avons tenu compte ». Il faut faire rapport des différences entre les hommes et les femmes, parce qu'elles vivent la ménopause, la grossesse, la dépression post-partum, les menstruations. Cette biologie rend les études plus difficiles, mais au bout du compte, nous prescrivons les médicaments à ces femmes.
Je crois qu'il est très important d'en tenir compte pour l'avenir. Les bailleurs de fonds peuvent exiger que les essais soient réalisés sur les femmes, mais s'il y a 90 hommes pour 10 femmes dans le cadre d'une étude et que les différences ne sont pas prises en compte sur le plan statistique, alors nous n'avancerons pas. C'est le point que je voulais faire valoir, sur le plan de la psychiatrie biologique.
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Je crois que cela revient au concept de la société holistique... au bien-être, au soutien social, aux liens ou à l'absence de liens dans une société. Sur le plan des traitements, il y a un manque d'accès aux soins. Les enjeux sont souvent d'ordre social, mais parfois les enfants souffrent de dépression ou d'épisodes psychotiques.
Le système est dans un état lamentable. À Ottawa, où je vis, un adolescent doit attendre un an et demi avant de voir un psychiatre. J'ai des enfants de cet âge. Un an et demi, c'est toute une vie pour eux.
On n'arrive pas à répondre aux besoins des adolescents. Ils se retrouvent à l'urgence à maintes reprises et ils finissent par réussir leur suicide. Je crois que c'est le grand enjeu, sur le plan social... Nous avons parlé d'intimidation. Nous avons parlé d'offrir un lieu sécuritaire où les enfants peuvent avoir de l'aide et recevoir les soins de paraprofessionnels, mais ceux qui ont des comportements suicidaires ont parfois besoin de soins psychiatriques d'urgence, et nous ne pouvons pas vraiment leur offrir.
Nous pouvons parler de soins de santé universels, mais les enfants doivent attendre beaucoup trop longtemps avant de voir un professionnel. C'est catastrophique. C'est pourquoi mes collègues m'appellent tout le temps pour me demander de l'aide.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie grandement tous les témoins. J'aimerais avoir plus de cinq minutes de parole pour poser des questions à chacun.
Dans le cas du docteur Ajueze et de la docteure Whitney, il est important de faire une mise en contexte. Ces deux témoins parlent du nord de l'Ontario. Par contre, la docteure Whitney est à Thunder Bay et le docteur Ajueze à Sudbury, deux villes séparées par 11 heures de route. Il est incroyable de constater l'étendue de la ruralité au Canada. Ces deux médecins couvrent à peu près 90 % du territoire de la province de l'Ontario, où vivent environ 115 Premières Nations et où la prestation des services n'est en rien comparable à ce qui se fait à Toronto ou dans les autres grands centres urbains.
[Traduction]
Ma question s'adresse à vous deux. On parle de 4,5 milliards de dollars pour négocier avec les provinces. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard, mais j'aimerais connaître votre opinion sur le sujet.
Lorsqu'on pense au manque de formation et au manque de professionnels, à l'innovation et à la vidéoconférence — que vous utilisez maintenant —, que pouvez-vous recommander au gouvernement fédéral aux fins des négociations avec les provinces, pour veiller à mettre en place les mesures de soutien nécessaires pour combler cet énorme écart? La Dre Whitney a parlé du congé de deuil. C'est très difficile.
Docteure Whitney, j'aimerais vous entendre en premier au sujet des recommandations à l'intention du gouvernement fédéral. Nous pourrons ensuite entendre le Dr Ajueze.
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Premièrement, il faut soutenir les infrastructures, notamment l'accès Internet. Il est difficile d'avoir accès à Internet en dehors de Thunder Bay et de Sudbury.
En fait, j'ai un document préparé par les étudiants de l'Association médicale de l'Ontario, que je pourrais vous transmettre. Ils proposent des solutions, notamment la couverture des services de counseling pour tous — une couverture universelle ou par la RAMO, si l'on veut — permettant aux gens d'avoir accès à des services de counseling adéquats.
Sur une note positive, j'ai été directrice du programme de résidence en psychiatrie à l'École de médecine du Nord de l'Ontario, et nous avons maintenant huit diplômés, dont deux sont autochtones et pratiquent dans le Nord. Parmi ces huit résidents, six pratiquent dans le Nord et l'une d'entre eux y travaille à distance, à partir du Nord de Toronto.
Enfin, il faut appuyer l'école de médecine. Nous tentons de faire quelque chose d'unique et nous attirons souvent des gens du Nord qui terminent leurs études en médecine, et qui resteront dans la région...
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Je remercie le député de sa question.
Il y a un point que je voulais ajouter, car vous avez très justement dit que le grand territoire nordique... Si je me fonde sur mon expérience professionnelle en Angleterre et en Irlande, ces pays ont un modèle différent en santé mentale. Disons que vous avez quatre psychiatres qui s'occupent d'une communauté. Cette communauté serait divisée en quatre sections, et chaque psychiatre disposerait d'une équipe multidisciplinaire comptant des travailleurs sociaux et des infirmières. Il est ainsi plus facile de faire le suivi auprès des patients qui ont des difficultés.
J'ai l'impression que, vu la nature unique du Nord, cela pourrait être envisagé: avec ces modèles, nous aurions des équipes de professionnels de la santé responsables de certaines régions et qui veilleraient à ce qu'aucune ne soit oubliée. Oui, les soins virtuels et par Zoom sont une bonne chose, mais ce n'est pas adéquat. Ce n'est pas la même chose. Je m'en rends compte quand je viens exercer en personne plutôt que par Zoom.
Nous avons tellement de médecins aux États-Unis et dans le Sud qui peuvent fournir ces services par Zoom et prescrire des médicaments, mais je crois que nous avons besoin de plus. Nous avons besoin d'équipes et de gens qui connaissent la communauté et qui peuvent faire le suivi des patients et être en mesure de... Je crois que les soins seraient de plus grande qualité.
Merci.
Je crois qu'il me reste 30 secondes, et je voulais mentionner l'École de médecine du Nord de l'Ontario et vous remercier pour votre travail. Depuis 2005, vous avez formé 838 professionnels des soins de santé; 65 des médecins sont autochtones et 171 sont francophones. Je sais que vous avez parlé d'infrastructure, donc je voulais savoir ce qui serait mieux... Je sais que le gouvernement fédéral apporte son soutien depuis 2005.
Puisque la présidente me regarde, je pourrais peut-être conclure sur une note personnelle. Il y a quelque chose dont je n'ai pas soufflé mot à qui que ce soit pendant 20 ans. Je tenais simplement à vous remercier personnellement, docteur Ajueze, pour le soutien que vous m'avez fourni pendant deux ans, il y a bien des lunes de cela, et vous remercier pour ce que vous faites pour les gens partout dans le Nord de l'Ontario et ailleurs au pays. Merci d'avoir choisi le Canada.
Dr Peter Ajueze: Merci, monsieur.
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Merci beaucoup, et merci à vous, monsieur Serré.
Il faut parfois saisir l'occasion de faire des remerciements quand elle se présente, et je le comprends.
J'ai joué avec l'horaire pour accommoder Mmes Larouche et Gazan. Désolée, tout le monde. J'adore quand le greffier me regarde en se disant: « Qu'est‑ce que vous mijotez, madame Vecchio? »
Je vais adopter des interventions de six minutes pour vous donner à tous plus de temps. Plutôt que d'entamer un autre tour de questions et d'avoir à vous couper la parole, nous allons poursuivre avec des interventions de six minutes. Dans le cas de Mmes Roberts, Sudds et Lambropoulos, ce seront des interventions de quatre minutes. À titre de présidente, pourrais‑je avoir trois ou quatre minutes pour poser des questions? Est‑ce que tout le monde est d'accord? Bien. Fantastique.
Mme Larouche a la parole pendant six minutes.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie encore les témoins de leur présence aujourd'hui.
Madame Boucher, dans vos remarques, vous avez parlé de la question des déterminants sociaux et vous l'avez soulevée lorsque j'ai posé mes questions. Ce que je retiens de votre témoignage, c'est que vos groupes ont besoin d'un soutien financier. La question des transferts est donc importante, notamment pour la main-d'œuvre afin de mieux rémunérer le personnel qui travaille dans votre organisation. Je retiens aussi qu'il faut plus d'investissements en logements sociaux, un dossier sur lequel le fédéral peut également faire quelque chose et sur lequel on peut se pencher.
Je voulais aussi parler de la question de la violence faite aux femmes. Si j'en parle, c'est parce que le gouvernement du Québec a publié un rapport très intéressant intitulé « Contrer la violence sexuelle, la violence conjugale et Rebâtir la confiance », qui contient plusieurs recommandations.
La fin de semaine dernière, dimanche, une manifestation a eu lieu pour dénoncer la violence conjugale et le fait que les hommes dont les peines relèvent du gouvernement fédéral n'ont pas le même traitement que ceux dont les peines relèvent du Québec, notamment en ce qui concerne la fameuse question du bracelet électronique. En ce qui a trait à toutes ces questions de sécurité, il faudrait que le fédéral s'arrime avec le Québec en matière de stratégies pour contrer la violence faite aux femmes et prévenir un des déterminants sociaux qui a des conséquences sur la santé mentale des femmes.
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Oui, j'avancerais que c'est aussi un problème de financement.
J'ai le temps de poser une autre question, et j'aimerais m'adresser à Achēv.
Beaucoup d'immigrants et de réfugiés qui viennent au Canada présentent des traumatismes ou d'autres problèmes complexes de santé mentale, comme le syndrome de stress post-traumatique, surtout s'ils arrivent de zones de guerre, par exemple, ou fuient un conflit. En 2021, un rapport publié dans l'International Journal of Environmental Research and Public Health, sous le titre « Refugee Women with a History of Trauma: Gender Vulnerability in Relation to Post-Traumatic Stress Disorder », précisait que:
Après un examen de différentes études, il semblait évident que les cas les plus fréquents et graves de syndrome de stress post-traumatique chez les réfugiées étaient liés à des expériences traumatiques fondées sur le genre, comme le viol, l'agression ou la violence sexuelles, voire la mutilation génitale, entre autres.
Les personnes qui viennent ici ont vécu diverses expériences et n'ont souvent pas accès à des soins prodigués par des personnes qui comprennent vraiment ces expériences. Il est évident qu'il n'y a pas assez de soins post-traumatiques adaptés à la réalité culturelle.
Selon vous, pourquoi cela doit‑il immédiatement changer si nous voulons que les femmes et filles immigrantes et réfugiées reçoivent les soins en santé mentale dont elles ont besoin?
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Merci, madame la députée.
Je suis né au Nigeria. J'y ai grandi et fréquenté l'école de médecine avant de partir pour l'Irlande, où j'ai reçu ma formation de psychiatre avant de m'installer en Angleterre pour devenir pédopsychiatre. Je suis ensuite venu au Canada, donc j'ai eu l'occasion d'apprendre des modèles et des pratiques des différents pays.
Je dois dire que chaque pays est unique dans son approche en santé mentale. Une chose que j'ai remarquée quand je suis arrivée au Canada, c'est que l'approche ici était différente. Elle s'apparentait plus à celle des spécialités. Nous avons différents professionnels de la santé mentale qui se spécialisent dans un domaine d'intérêt. Par exemple, le mien est celui des troubles de l'alimentation. Il y a des professionnels pour les dépendances et d'autres domaines, et c'est une bonne chose.
Dans ces pays, et plus particulièrement en Irlande, j'ai constaté que l'approche était différente. Elle avait ses avantages quand il s'agit de travailler en équipe et d'adopter une approche multidisciplinaire, avec les travailleurs sociaux et les infirmières qui connaissent pour ainsi dire tout le monde dans une communauté. Là‑bas, une équipe est assignée à une communauté. Elle est donc au courant quand une famille part et qu'une autre arrive. C'était plus facile de faire le suivi.
C'est courant en Europe. Vous avez cité les Pays‑Bas. On y mène parfois beaucoup d'études, car c'est plus facile d'assurer le suivi et de mener des études longitudinales, même pendant 10 ans et même si les gens changent de province, car c'est une équipe de professionnels de la santé qui sont très proches des sujets. L'équipe les connaît et leur famille est à l'aise avec leurs professionnels de la santé, qui connaissent presque tout le monde.
Je ne sais pas à quel point ce serait faisable ici d'intégrer en partie ce modèle, mais je crois que cela vaut absolument la peine d'être essayé. L'utilisation de cette approche présente de nombreux avantages.
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Je vous remercie de votre question. Vos arguments sont excellents.
L'un des problèmes liés à l'attente de 18 mois, c'est que nous traitons le psychiatre comme s'il était le Saint-Graal. Vous réussissez à consulter un psychiatre, et vous souffrez jusqu'à ce que vous y arriviez, mais le psychiatre n'a pas toutes les réponses. La solution consiste à offrir davantage de soins dispensés par une équipe, exactement comme M. Ajueze en a parlé.
Oui, je crois que les soins commencent avec la collectivité, avec le soutien des pairs, avec des adultes de confiance, avec des pairs de confiance et avec des relations mentors-mentorés qui créent cette communauté où le fait de parler de ce que l'on ressent a été normalisé. C'est un aspect sur lequel nous avons travaillé pendant 20 ans dans l'armée. Si vos collègues vous connaissent lorsque vous allez bien, ils remarqueront ce changement subtil et auront le courage de vous dire d'aller chercher de l'aide.
Je pense que nous avons fait un bon travail de cette façon. Le problème, bien sûr, c'est que nous n'avons pas toujours accès à l'aide nécessaire lorsque les gens... J'ai toujours considéré les soldats, les vétérans ou les enfants de la même façon: vous avez une occasion d'intervenir. Cette occasion est brève, et vous devez obtenir de l'aide rapidement à cet égard.
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En 2016, avant la pandémie, au Québec, le constat des difficultés vécues par les jeunes en lien avec la médicalisation a mené à la création du Mouvement Jeunes et santé mentale. Ce mouvement s'intéressait particulièrement aux jeunes marginalisés et constatait que, dans un contexte où les jeunes en détresse ou en souffrance avaient peu accès à de l'accompagnement ou à de l'aide pour améliorer leurs conditions de vie, ce qu'on avait à leur offrir, c'était la médication. Ce mouvement a mené des consultations et a publié des données sur cette réalité.
Par exemple, un jeune marginalisé ayant un vécu de désaffiliation, de rupture familiale ou d'itinérance a beaucoup plus de chances de se retrouver avec une polymédication qu'un jeune qui vit dans des circonstances plus favorables. Par ailleurs, on a constaté que la pandémie avait entraîné une accélération de la prescription d'anxiolytiques, d'antidépresseurs, et même de médicaments pour le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité.
La question que nous nous posons, c'est dans quelle mesure cette médication vient pallier un déficit de services publics et d'accompagnement. Plusieurs personnes ont expliqué aujourd'hui à quel point les services d'accompagnement étaient difficiles d'accès. Souvent, la population connaît peu les autres services qui sont accessibles, comme les groupes d'entraide entre pairs. Spontanément, on veut se tourner vers l'accompagnement psychologique, mais, comme il n'est pas toujours accessible, le médecin va prescrire des médicaments.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais commencer par remercier nos témoins d'avoir accepté de faire partie de notre groupe d'experts aujourd'hui et du travail incroyable qu'ils accomplissent dans leurs collectivités afin d'aider les personnes dans le besoin.
Bien sûr, chacune des séances que nous avons eues avec des groupes d'experts a été très difficile à entendre, car nous savons à quel point les Canadiens subissent des pressions en ce moment et connaissent des problèmes de santé mentale.
Je vais adresser ma première question à Dre Whitney.
Vous avez mentionné que le taux d'hospitalisations pour suicide est deux fois plus élevé dans le Nord et que 78 % des personnes ont subi un traumatisme pendant leur enfance ou à l'âge adulte dans le Nord. De toute évidence, c'est là que les besoins sont les plus grands, mais il y a moins de ressources là-bas que partout ailleurs. Vous avez également mentionné que, pendant la pandémie, les choses se sont légèrement améliorées parce que vous avez été en mesure de parler à plus d'une personne à la fois. Vous avez organisé des séances, et vous avez pu, en une heure, aider à guérir jusqu'à 12 personnes — je ne sais pas si vous avez cité un chiffre à cet égard —, mais cela a évidemment créé un obstacle à l'accessibilité pour un grand nombre de gens qui n'ont pas de service Internet, et c'est là un autre problème très important.
Pouvez-vous parler de l'importance d'offrir aux Canadiens vivant dans le Nord un accès à Internet, et pouvez-vous parler des infrastructures qui doivent être mises en place pour permettre aux gens de se déplacer plus vite afin d'avoir accès à ces services plus rapidement, s'ils ne seront pas offerts dans leurs collectivités?
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Il est certain que le service Internet est essentiel. Je ne soutiens pas que c'est la réponse absolue au manque de soins, mais cela a un effet très bénéfique.
En ce qui concerne le groupe que je décrivais, j'ai été au moins en mesure d'inclure certaines personnes habitant à l'extérieur de Thunder Bay, plutôt que de devoir le faire dans mon bureau. J'ai été une grande partisane de l'utilisation de Zoom. Je n'ai pas tellement utilisé le téléphone, parce qu'avec Zoom, vous pouvez voir la personne. Vous pouvez voir à quoi ressemble sa maison. Est-elle en désordre? Vous évaluez une personne et sa maison. C'est un travail qui me passionne.
La question de l'infrastructure a de multiples facettes. En ce qui concerne les moyens de transport pour amener les gens dans un grand centre pour qu'ils y reçoivent directement les soins dont ils ont besoin, les frais de transport et d'hébergement sont exorbitants. Une jeune femme est venue me voir avec sa mère, et je les ai aidées à payer une partie des frais d'hôtel. Les considérations pratiques de ce genre concernant le transport des gens dans le nord de l'Ontario ne sont pas simples. Nous ne parlons pas de courtes distances, comme quelqu'un l'a mentionné.
Pour être honnête, parfois, la structure permettant aux patients autochtones d'avoir accès à leurs prestations est très difficile à surmonter. Je ne me souviens pas de l'administrateur... Mon mari s'occupe de ces questions. Cependant, nous devons envoyer une lettre à l'une des organisations autochtones, avant qu'elle puisse réserver notre voyage. C'est fou. Il y a de nombreux aspects très pratiques — comme vous pouvez le constater, je suis une personne pratique — qui empêchent les patients d'obtenir des soins. Je m'inquiète pour les patients qui ne peuvent pas venir me voir.
De plus, je travaille avec le centre de maternité. Il s'agit d'un plaidoyer en faveur de ce centre, car c'est un cauchemar d'essayer d'obtenir qu'une jeune femme autochtone soit examinée et que les rendez-vous soient respectés, pour diverses raisons. Nous parlons de l'enfant à naître, des autres enfants et de la mère. Bien souvent, ces mères ne se retrouvent pas dans mon bureau après l'évaluation initiale parce qu'il n'y a pas de soutien pour les y amener. C'est l'un des obstacles qui les empêchent de s'y rendre, et cela importe.
C'est un travail qui me passionne.
Je vais reprendre un peu là où Mme Lambropoulos s'est arrêtée. Merci à tous de me donner l'occasion d'intervenir.
Je vais adresser ma question au Dr Jetly.
J'ai les documents papier que vous avez présentés tout à l'heure, et vous parliez des troubles de l'humeur et de l'anxiété qui surviennent chez les femmes. C'est l'une des questions auxquelles je pense en me disant « Si seulement j'avais su... ». En tant que femme de 51 ans, je songe à ce qu'était le fait d'être adolescente et à quoi ressemblait le fait d'élever mes propres filles à l'adolescence.
Nous parlons des troubles de l'humeur et de l'anxiété, du passage à la puberté, des soins prénataux et de tous ces problèmes différents. Je ne crois pas que nous parlions suffisamment du fait que les hormones des femmes évoluent de cette façon en tout temps. Nous avons des hauts et des bas.
Que devons-nous faire pour que les femmes et les jeunes filles sachent que c'est normal et que nous devons rester maîtres de nous-mêmes?
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Voilà une excellente question. Je vous remercie de l'avoir posée.
Je pense qu'il faut en partie séparer la normalité de la maladie. J'ai élevé deux filles, et j'ai continué d'élever — je suppose qu'on ne s'arrête jamais — deux filles pendant toute cette période... L'une d'elles a 20 ans et l'autre 18. Le problème, c'est que nous avons toutes ces classifications de maladies. Si vous avez coché cette case et que vous avez les symptômes suivants, alors vous êtes atteint d'une maladie, mais les gens sont tellement différents les uns des autres.
Prenons l'exemple de la dépression. Dans le cas d'une femme ménopausée de 56 ans qui dort 18 heures par jour, mange des glucides et prend du poids, et le cas d'un étudiant de 19 ans qui perd du poids et ne peut pas dormir, nous parlons de la même maladie, et nous leur prescrivons souvent les mêmes médicaments. Nous devons comprendre les différences et personnaliser les traitements. Je pense que les cas normaux, les cas anormaux et les cas de maladies peuvent être pratiquement classés dans trois catégories différentes. Je crois que ce fait est vraiment important.
Je vais rapidement prendre la parole au nom de mon collègue, Peter Ajueze. Ce qui est intéressant à propos des Pays-Bas, c'est que sa superficie représente 0,05 % de celle de l'Ontario. La beauté des Pays-Bas, c'est que chaque soldat de leur armée se trouve à deux heures de train ou moins de l'hôpital militaire central.
Voilà le problème auquel nous faisons face. Je fréquente assez souvent le groupe de l'OTAN, et je peux dire que la solution canadienne sera différente. Nous pouvons emprunter des idées et nous entraider... Si vous pensez à une carte, les Pays-Bas sont plus petits que le sud de l'Ontario.
Les témoignages du groupe d'experts d'aujourd'hui ont été absolument fascinants. Je pense que si les gens regardaient notre séance de comité, ils verraient que, à notre manière, nous faisons un peu d'encadrement en ce moment, car cela nous aide à comprendre comment tout cela va évoluer.
Au nom du Comité de la condition féminine, je voudrais vraiment remercier les membres de notre groupe d'experts d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir apporté vos compétences et d'avoir enrichi le débat. S'il y a des renseignements supplémentaires que vous n'avez pas présentés au Comité, je vous rappellerais de le faire, parce que je sais que quelqu'un a mentionné, « Eh bien, je vais simplement vous faire parvenir cela ». Veuillez donc le faire. Tous ces renseignements sont très utiles.
Maintenant, je vais simplement rappeler aux membres du Comité qu'en ce qui concerne notre étude sur la traite des personnes et l'exploitation sexuelle, nous devons recevoir les noms de tous nos témoins d'ici demain, c'est-à-dire le 28 octobre.
Je vais également rappeler à tout le monde que des recommandations sont requises. Tout le monde a reçu aujourd'hui la première version de notre étude. Veuillez en prendre connaissance. Nous aimerions obtenir des recommandations pour notre deuxième étude — ce qui est très important — avant 15 heures vendredi prochain, c'est-à-dire le 4 novembre. Veuillez les faire parvenir à la greffière. Merci.
La séance est levée.