FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 26 septembre 2022
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Bienvenue à la 29e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février, le Comité entreprend son étude sur la santé mentale des jeunes femmes et des filles.
La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Des députés sont présents dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
Permettez-moi quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation, si vous participez à la réunion par l'application Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre l'anglais, le français et le parquet. Si vous participez en personne, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal que vous voulez.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Pour ceux qui sont dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour ceux qui sont sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des interventions, et nous vous sommes reconnaissants de votre patience et de votre compréhension.
Nous commençons aujourd'hui une étude très importante dont nous avons tous parlé. Ce sera très intéressant. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux invités de notre premier groupe.
Nous accueillons des représentantes de l'organisme Les enfants d'abord Canada: Mme Sara Austin, fondatrice et directrice générale; et Mme Mégane Jacques, représentante de la jeunesse au Conseil consultatif jeunesse et au Parlement des jeunes Canadiens.
Nous recevons également Mme Rowena Pinto, présidente et chef de la direction de Jack.org.
Nous accueillons aussi des représentantes du Centre de toxicomanie et de santé mentale: Dre Leslie Buckley, chef de la Division de la toxicomanie; et Mme Daisy Singla, scientifique indépendante.
Certains de nos témoins comparaissent à titre personnel. Il s'agit de Mme Simone Vigod, professeure et directrice du département de psychiatrie au Women's College Hospital de l'Université de Toronto; et de M. Peter Szatmari, scientifique principal et directeur au Cundill Centre.
Une autre personne comparaît à titre personnel — elle ne sera parmi nous que pendant une heure. Si vous voulez lui poser des questions, veuillez vous assurer de le faire au cours de la première heure. Il s'agit de Mme Charlene Senn, professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la violence sexuelle à l'Université de Windsor.
Nous allons accorder cinq minutes à chaque organisation. Lorsque vous me verrez agiter la main, cela signifiera que votre temps est presque écoulé et que je vous interromprai, probablement dans les 15 à 20 secondes, car nous avons un groupe de témoins exceptionnels, mais notre temps est très limité aujourd'hui. Puisque nous allons nous occuper des travaux du Comité, la période réservée aux exposés et aux questions ne durera que 90 minutes.
Pour commencer, j'invite les représentantes de l'organisme Les enfants d'abord Canada à faire leur exposé de cinq minutes.
Je vous remercie de me donner cette occasion, madame la présidente.
Je m'appelle Sara Austin. Je suis la fondatrice et la directrice générale de Les enfants d'abord Canada. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance national, d'une voix forte, indépendante et efficace pour les huit millions d'enfants du Canada. Je suis très heureuse d'être accompagnée de Mégane Jacques, présidente du Conseil consultatif des jeunes et membre du Parlement des jeunes Canadiens. Elle est également lauréate du prix Inspiring Youth des Héros de la pandémie pour la santé mentale.
Les enfants d'abord Canada est un organisme de bienfaisance national qui mobilise les enfants et les jeunes et nous publions des recherches, sensibilisons la population et encourageons la prise de mesures. Nous pouvons parler de la crise en santé mentale à laquelle sont confrontées les filles et les jeunes femmes au Canada, mais aussi des solutions novatrices et fondées sur des données probantes qui doivent être mises en œuvre. Nous le faisons dans une perspective intersectionnelle axée sur l'inégalité des répercussions des problèmes de santé mentale sur les filles racisées; les jeunes des nations métisse et inuite et des Premières Nations, les personnes 2ELGBTQIA+; et les filles handicapées.
Je m'exprime également en tant que femme qui a eu des problèmes de santé mentale dans sa jeunesse et tout au long de sa vie; en tant que parent d'un enfant qui a eu des problèmes de santé mentale; et en tant que personne qui a été témoin de la crise que vivent des familles partout au pays. Notre objectif est de vous donner nos points de vue personnels et de vous fournir les données probantes recueillies grâce aux années d'expérience que possède notre organisme sur le plan de la recherche, de l'engagement des jeunes, de l'influence sur les politiques et de la communication avec la population canadienne. Nous apportons une perspective unique sur les défis à relever.
En avril 2021, au plus fort de la pandémie, pendant que de nombreuses écoles restaient fermées, Les enfants d'abord Canada s'est rallié aux hôpitaux pour enfants du pays pour déclarer un #codePINK, ou #codeRose. Il s'agit d'un terme employé pour déclarer les urgences pédiatriques. Nous avons demandé aux gouvernements fédéral et provinciaux d'intervenir d'urgence. Il existait des preuves irréfutables que les enfants et les jeunes, les filles en particulier, étaient confrontés à des menaces pour leur survie. Les taux de suicide, de dépression, d'anxiété, de troubles alimentaires, de troubles liés à l'usage de substances psychoactives et d'automutilation étaient alarmants.
La campagne #codeRose a entraîné un raz‑de‑marée. Nous avons été inondés d'appels, de courriels et de messages de filles et de jeunes, de parents, d'enseignants et de grands-parents de partout au pays qui vivaient cette crise chez eux et qui se sont joints à nous pour demander aux gouvernements d'agir.
Pourtant, nous voici plus d'un an plus tard, et essentiellement, il n'y a pas eu d'amélioration. De nouveaux engagements budgétaires ont été annoncés et des promesses ont été faites, mais la réalité des filles et des jeunes femmes, et des enfants et des jeunes en général, reste la même. Le #codeRose est toujours en vigueur.
Dans notre dernier rapport Élever le Canada, qui porte sur les 10 principales menaces pour l'enfance au pays, la mauvaise santé mentale occupe le deuxième rang. Les données relatives aux 10 principales menaces sont examinées sous l'angle de l'équité, de la diversité et de l'inclusion. Nous pouvons vous donner quantité de preuves qui montrent que les menaces pour les enfants, et pour les filles en particulier, se multiplient. Bon nombre des 10 principales menaces, comme la pauvreté, les mauvais traitements, le racisme systémique, la discrimination, l'intimidation et les changements climatiques, sont des expériences négatives vécues pendant l'enfance qui ont une incidence directe sur la santé mentale des filles et des jeunes femmes.
D'un océan à l'autre, de nombreuses filles ne se rendent pas jusqu'à leur 18e anniversaire. Le suicide demeure l'une des principales causes de décès chez les enfants et les jeunes âgés de 10 à 18 ans. Ces statistiques catastrophiques sont trop alarmantes pour qu'on n'en tienne pas compte. Chaque fille, et en fait chaque enfant, a le droit de survivre et de s'épanouir.
Nous demandons instamment à ce comité de prendre en considération la nécessité de prévenir et d'intervenir pour la santé mentale des filles dès les premiers jours de leur vie. Dans la moitié des cas, les problèmes de santé mentale commencent avant l'âge de 14 ans, et dans les trois quarts, ils commencent avant l'âge de 24 ans. Nous vous prions de travailler dans l'urgence. Chaque jour, chaque heure, chaque minute compte dans la vie d'une fille. Nous vous encourageons fortement à travailler avec les filles et les jeunes femmes pour définir les problèmes et les solutions. Elles ont le droit d'être entendues.
Sur ce, je cède la parole à Mme Jacques pour qu'elle vous donne son point de vue.
Honorables membres du Comité, je vous remercie de votre volonté d'agir pour la santé mentale des filles. J'ai bon espoir que des mesures plus ciblées seront prises très bientôt.
Je crois que la société envoie des messages très contradictoires aux femmes. Elles doivent être jolies, mais pas trop. Elles doivent exprimer leurs sentiments, mais pas trop ouvertement. On leur dit de s'efforcer d'être autonomes et fortes, mais on leur rappelle en même temps qu'elles sont faibles et inférieures aux hommes. Comme Mme Austin l'a mentionné, cette situation les amène à intérioriser leurs sentiments et les commentaires négatifs à leur égard.
Les préjugés concernant la santé mentale des filles — lorsqu'on dit que ce sont simplement des adolescentes, qu'elles sont affectées par les effets des hormones, qu'elles réagissent de manière excessive, ou qu'elles sont trop émotives — sont terriblement néfastes. En fait, les femmes et les filles font des tentatives de suicide une fois et demie à deux fois plus souvent que les hommes et les garçons.
Ces femmes et ces filles en difficulté ne sont pas faibles. Elles ont simplement besoin de notre soutien pour se relever, tout comme j'en ai eu besoin quand on m'a dit que j'étais trop sensible, plutôt qu'anxieuse, ou trop intelligente pour souffrir de dépression après avoir tenté de me suicider à 15, 16 et 17 ans. Je ne demandais pas de grands changements à l'époque. Je voulais simplement que quelqu'un me croie et travaille avec moi pour améliorer ma situation.
Je suis ici aujourd'hui pour vous demander d'agir, mais aussi pour vous montrer que je fais partie de la solution. Toutes les filles font partie de la solution. En tant que militante de la santé mentale, je contribue au changement dans ma collectivité et dans tout le pays...
Je suis désolée, madame Jacques, mais je dois vous interrompre. Je vous ai laissée continuer un peu plus longtemps que prévu. Nous allons nous assurer que ce que vous vouliez dire fera l'objet de questions.
Je cède maintenant la parole à la représentante de Jack.org.
Madame Pinto, la parole est à vous pour cinq minutes.
Bonjour, honorables membres du Comité.
Comme on vous l'a dit, je m'appelle Rowena Pinto. Je suis présidente et cheffe de la direction de Jack.org, un organisme sans but lucratif national dont la mission est d'améliorer la santé mentale des jeunes partout au Canada.
Je vous parle aujourd'hui depuis Toronto, sur le territoire autochtone de la nation huronne-wendat, des Haudenosaunee et des Mississaugas de Credit. Il est visé par les traités du Haut-Canada et par le traité du plat à une cuillère.
Merci beaucoup de m'avoir invitée.
Jack.org offre en amont de l'éducation en santé mentale par les pairs et aide les jeunes âgés de 15 à 24 ans à développer leurs capacités pendant leurs années de transition. Nous croyons que la meilleure façon d'améliorer la santé mentale des jeunes est de les mobiliser directement parce qu'ils sont les mieux placés pour déterminer leurs besoins en santé mentale et parler des problèmes auxquels ils sont confrontés. Jack.org mobilise des milliers de jeunes au pays pour qu'ils sensibilisent leurs pairs et promeuvent la santé mentale dans leurs collectivités.
En 2021, environ trois quarts des jeunes de notre réseau s'identifiaient comme de jeunes femmes, et 60 % comme des personnes ayant vécu avec la maladie mentale ou des problèmes de santé mentale.
Les recherches sur la santé mentale en général nous apprennent que le suicide est la principale cause de décès liée à la santé chez les jeunes au Canada depuis longtemps. De tous les groupes d'âge au pays, ce sont les jeunes de 15 à 24 ans qui connaissent les taux les plus élevés de détresse psychologique.
Au cours de la dernière décennie, et surtout pendant la pandémie, les jeunes ont de plus en plus souvent indiqué que leur santé mentale semblait moins bonne. Cette tendance se voit particulièrement chez les jeunes femmes: les taux de diagnostic et de symptômes déclarés d'anxiété et de dépression sont plus élevés chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes, et il y a eu une augmentation plus importante de ces expériences au fil du temps chez les jeunes femmes. Les jeunes Noirs, Autochtones et LGBTQ2S+ sont aussi particulièrement vulnérables aux problèmes de santé mentale, tout en étant confrontés à de plus grands obstacles aux soins.
Les facteurs qui influent sur la détresse psychologique des jeunes sont complexes. Cependant, depuis que nous avons commencé à sonder les jeunes en 2019, notre réseau a constamment identifié certains facteurs comme des facteurs de stress communs liés à la santé mentale. Les difficultés financières perçues et objectives, la pression scolaire et le manque d'emploi et de participation aux études ont été soulevés comme des facteurs de stress liés à la santé mentale particulièrement importants. Les jeunes ont soulevé que nous ne devons pas non plus oublier le stress lié au statut de minorité pour les groupes méritant l'équité et le facteur de stress émergent qu'est l'anxiété climatique.
Comme vous pouvez le constater, les problèmes de santé mentale auxquels sont confrontées les jeunes femmes et les filles au Canada sont répandus. Les facteurs de stress sous-jacents sont persistants et les répercussions sont profondes.
Ce qui nous inquiète, à Jack.org, c'est que la majorité des jeunes ne cherchent pas à obtenir de l'aide lorsqu'ils souffrent de détresse psychologique. Bien que les taux de demande d'aide soient un peu plus élevés chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes, seulement 16 % des jeunes femmes cherchent à obtenir du soutien en santé mentale auprès d'un professionnel, tandis que 32 % cherchent un soutien informel auprès d'amis, de leur famille, de ressources sur Internet ou d'autres membres de leur réseau social. Nous devons accorder une plus grande attention à cet écart persistant dans la recherche d'aide, tout en tenant compte du fait que les jeunes femmes préfèrent nettement demander un soutien informel en santé mentale.
Heureusement, il y a une lueur d'espoir. En investissant en amont dans l'éducation en santé mentale chez les jeunes pour déstigmatiser la maladie mentale, encourager les jeunes à demander de l'aide et améliorer les connaissances en santé mentale, on peut faire en sorte que les jeunes femmes et les filles qui souffrent de détresse psychologique reçoivent l'aide dont elles ont besoin.
Nous recommandons principalement que le fédéral ne concentre pas son attention et ses ressources que sur les services cliniques de santé mentale, mais qu'il mise sur l'environnement axé sur la promotion de la santé mentale en général. [Difficultés techniques] les jeunes femmes et les filles vivent, apprennent et travaillent.
Cela se traduit par des efforts visant à renforcer la capacité des jeunes femmes et des filles à reconnaître les signes de problèmes de santé mentale chez elles-mêmes et chez leurs pairs; à réagir efficacement aux facteurs de stress; et à accéder à une gamme de services de santé mentale en cas de besoin. Tout en renforçant leur capacité à demander de l'aide, nous devons également nous assurer qu'elles reçoivent des services qui correspondent à leurs besoins et à leurs préférences. Conformément à la préférence des jeunes pour le soutien informel, les services de santé mentale par les pairs peuvent être utiles, à condition que les jeunes soient dotés de la formation qu'il faut pour se soutenir mutuellement.
En guise de conclusion, nous parlons trop souvent de ces solutions sans tenir compte de la voix des jeunes que nous cherchons à soutenir. Nous recommandons de faire participer les jeunes femmes et les filles aux efforts visant à renforcer le soutien en santé mentale de la manière qui leur convient le mieux. Elles savent ce qui est le mieux, quels sont leurs besoins et quelles solutions leur conviennent. Rien ne peut remplacer leur voix dans la prise de décisions, et les milliers de jeunes de partout au Canada qui composent notre réseau sont désireux d'offrir leurs points de vue pour mieux soutenir la santé mentale pour eux-mêmes et leurs pairs.
Merci.
Parfait. Merci beaucoup.
Je vais céder la parole à la Dre Leslie Buckley, mais avant de poursuivre, je veux juste faire une vérification rapide du son, car nous voyons que vous avez des écouteurs différents. Je vais laisser la greffière faire une vérification du son.
Docteure Buckley, pourriez-vous dire quelques mots? Je vais juste vérifier auprès des interprètes si le son est bon.
Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour présenter un exposé à cet honorable groupe. Je suis impatiente de vous informer sur les troubles liés à la consommation de substances chez les jeunes femmes.
Votre microphone n'est pas bien connecté. Je vous prie de regarder à gauche au bas de votre écran. Il y a une flèche qui vous permet de sélectionner le bon microphone. Une fois le microphone sélectionné, auriez-vous l'obligeance de le rapprocher de votre bouche, et nous verrons si cela fonctionne?
Je ne suis pas sûre de vous comprendre, mais je ne veux certainement pas interrompre vos délibérations. Pouvez-vous m'entendre maintenant?
Oui, nous vous entendons, mais nous aimerions savoir les choix qui s'offrent à vous pour sélectionner le microphone. Pour l'instant, on dirait que c'est l'audio de votre appareil, pas de votre microphone.
[Français]
Nos témoins ont-ils eu l'occasion de tester leur micro avant la réunion du Comité, comme on le recommande normalement?
[Traduction]
Ils l'ont fait, mais la Dre Buckley était malheureusement entre les deux, et nous avons commencé la réunion à l'heure.
Ce que je vais faire, c'est demander, docteure Buckley, si nous pouvons revenir à vous. Je vais donner la parole à la Dre Simone Vigod, qui est dans la pièce, et nous pourrons peut-être travailler hors ligne avec vous pendant un instant.
Je vais revenir au Centre de toxicomanie et de santé mentale, mais j'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à la Dre Simone Vigod, professeure et directrice du Département de psychiatrie.
Nous vous donnons la parole pour cinq minutes.
Merci de m'accueillir aujourd'hui pour contribuer à votre étude sur la santé mentale des jeunes femmes et des filles.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous ce matin.
[Traduction]
En tant que médecin, psychiatre et chercheuse, j'ai consacré ma carrière à la santé mentale des femmes et des filles tout au long de leur vie. De nombreux aspects de la question méritent notre considération, mais je vois la grossesse et l'année suivant l'accouchement, la périnatalité, comme un moment crucial pour intervenir auprès des jeunes femmes.
Vous ne savez peut-être pas que jusqu'à 20 % des Canadiennes souffrent d'une maladie mentale périnatale. Cela signifie que jusqu'à 80 000 Canadiennes sont atteintes chaque année, ce qui présente de graves risques pour les jeunes mères et les enfants à une étape cruciale de leur vie. Mais c'est aussi une période qui offre de nombreuses possibilités. Lorsque nous traitons avec succès la maladie mentale d'une mère, nous améliorons son bien-être, et il se peut également que nous empêchions son enfant — ses filles, ses garçons — de souffrir plus tard d'une maladie mentale.
Malheureusement, au pays, seule une personne sur cinq qui présente des problèmes de santé mentale en période périnatale reçoit le traitement dont elle a besoin pour aller mieux. Cette proportion est encore plus importante chez les groupes en quête d'équité, y compris les Autochtones et les jeunes femmes. Nous savons ce qui pourra aider, c'est‑à‑dire une approche axée sur un traitement par étapes. Lorsque les symptômes sont légers, des interventions à faible coût comme le soutien par des pairs formés s'avèrent hautement efficaces, tout comme les psychothérapies structurées à court terme qui, selon nos recherches, ne doivent pas nécessairement être offertes par des spécialistes de la santé mentale. Les infirmières de la santé publique, les sages-femmes et même des non-initiés peuvent s'en occuper. Pour ce qui est des maladies plus graves, nous devons passer au niveau suivant, où des thérapies spécialisées qui sont adaptées à la période périnatale et des traitements médicaux sont également très efficaces. Les gens doivent passer harmonieusement d'un palier à l'autre, selon leurs besoins. Il existe de nombreux moyens d'améliorer la proportion d'une personne sur cinq.
Au Women's College Hospital, je dirige un laboratoire de soins virtuels pour femmes financé par la Fondation canadienne pour l'innovation. Notre recherche financée par les Instituts de recherche en santé du Canada accrédite la thèse selon laquelle les soins virtuels peuvent servir de complément aux services offerts en personne, ce qui est particulièrement important pour les populations habituellement difficiles à joindre. Nous avons même étudié une approche axée sur un traitement par étapes dans laquelle un coordinateur de soins travaille avec les patients qui consultent une plateforme que nous avons mise au point pour les aider à déterminer laquelle des options de soins par étapes leur convient. La plateforme recommande des possibilités concrètes de soins offerts virtuellement et en personne dans leurs collectivités. Un suivi et une surveillance sont ensuite effectués automatiquement pour éviter que les gens soient laissés pour compte.
Après six mois, les trois quarts des patients dans notre étude de cette approche se portaient mieux, par rapport à seulement la moitié dans un groupe de comparaison ayant reçu les soins habituellement disponibles dans le système de santé.
En mars 2022, à la demande de la Dre Carolyn Bennett, ministre de la Santé mentale et des Dépendances, j'ai présidé une table ronde nationale sur la santé mentale périnatale, à laquelle ont participé des personnes ayant une expérience concrète et des fournisseurs de soins de santé de partout au pays qui avaient de nombreux points de vue différents. Qu'avons-nous entendu? On a parlé de lacunes dans le soutien par les pairs, du manque de thérapeutes formés et d'une « loterie des codes postaux » pour les services spécialisés. Il n'y a qu'environ 10 cliniques spécialisées au pays, et il manque d'approches uniformes ailleurs. Nous avons aussi entendu parler de l'importance fondamentale de l'équité, de la diversité et de l'inclusion dans l'ensemble des solutions de systèmes.
En gardant cela à l'esprit, je crois que les meilleurs résultats possible à l'échelle nationale seraient obtenus en investissant dans les cinq priorités concrètes et réalisables suivantes.
Premièrement, il faut financer des organisations communautaires d'un bout à l'autre du pays pour améliorer, le jour et la fin de semaine, l'accès à un soutien virtuel et en personne par des pairs, en ciblant des groupes précis, comme les Autochtones, les Noirs et la communauté LGBTQ2S+, les jeunes adultes et ainsi de suite, afin que peu importe l'endroit où on se trouve au pays, il suffise d'un clic ou d'un appel pour entrer dans un espace communautaire sûr, et vivre une expérience inclusive et personnalisée.
Deuxièmement, il faut financer la formation en soins de santé périnatale et permettre aux fournisseurs d'offrir des psychothérapies périnatales structurées à court terme, afin que les soins de santé mentale périnatale soient intégrés comme le traitement du diabète et de l'hypertension pendant la grossesse, des problèmes de santé tout aussi graves, mais 10 fois moins répandus.
Troisièmement, il faut financer la formation de personnel pour créer de nouvelles équipes spécialisées en santé mentale périnatale qui seront affectées aux régions mal desservies dans le but de mettre fin à la loterie des codes postaux pour ce qui est des soins spécialisés.
Quatrièmement, pour appuyer ces mesures, il faut investir dans l'infrastructure technique de ces plateformes de soins virtuels par étapes qui peuvent servir à assurer une coordination à l'échelle nationale, provinciale et régionale.
Cinquièmement, il faut établir des lignes directrices nationales canadiennes pour la prévention et le traitement des maladies mentales périnatales, et collaborer avec le Conseil canadien des normes à l'élaboration et à la surveillance de normes nationales. Ce mécanisme permettrait d'assurer à l'échelle nationale une compréhension commune des soins qui doivent être offerts, et des normes qui nous permettraient de mesurer nos progrès.
Je crois qu'un centre national de coordination pour la santé mentale périnatale pourrait offrir la formation et la supervision nécessaires à la réalisation de ces priorités initiales et établir un cadre national pour assurer à l'avenir et de manière durable une formation, de la recherche et un suivi des progrès réalisés.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée ce matin.
Merci beaucoup.
Nous allons passer au Dr Peter Szatmari, du Cundill Centre.
Monsieur Szatmari, vous avez la parole pour cinq minutes.
Distingués membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Peter Szatmari. Je suis psychiatre auprès d'enfants et de jeunes ainsi que directeur du Cundill Centre for Child and Youth Depression au Centre de toxicomanie et de santé mentale.
Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner devant le Comité permanent de la condition féminine. Je suis très heureux de voir que vous vous attaquez à un problème que beaucoup de mes collègues et moi-même considérons comme un grave problème de santé publique au Canada: la santé mentale des jeunes femmes et des filles âgées de 12 à 24 ans ainsi que l'écart croissant entre les sexes sur le plan de la santé mentale, au Canada et ailleurs dans le monde.
Les différences fondées sur le sexe et le genre — pour faire simple, je ne vais parler que de genre — sont omniprésentes pour ce qui est de la santé mentale des jeunes. Comme le rapporte l'Organisation mondiale de la santé, trois troubles — l'anxiété, l'automutilation et la dépression, qui surviennent très souvent en même temps — représentent les principales causes d'incapacité chez les adolescents dans le monde. Selon des données recueillies en 2014 en Ontario, la seule province qui possède des données sur sa population, jusqu'à 20 % des adolescents ont souffert d'un trouble mental, soit principalement, encore une fois, l'anxiété, la dépression et l'automutilation.
Cette triade présente des différences frappantes entre les filles et les garçons, alors que chaque problème survient environ deux fois plus souvent chez les adolescentes. Une fois de plus, selon les données de cette enquête menée en 2014, 10 % des adolescentes déclarent un trouble dépressif majeur, comparativement à 5 % des garçons, et 20 % des adolescentes disent souffrir d'un trouble anxieux, comparativement à 10 % des garçons.
Ce qui est encore plus alarmant, c'est qu'en Ontario, mais aussi dans la plupart des pays riches, l'incidence de ces trois troubles de santé mentale augmente au fil du temps, plus particulièrement chez les filles. L'écart entre les sexes pour ces troubles de santé mentale est prononcé et l'est de plus en plus.
Les raisons qui expliquent ces iniquités fondées sur le sexe ne sont pas claires et sont probablement complexes. Certains facteurs de risques associés à l'anxiété, à la dépression et à l'automutilation sont plus communs chez les filles, et les filles semblent plus vulnérables que les garçons à l'effet d'autres facteurs de risque courants. Les changements hormonaux associés à la puberté chez les filles ont de profondes répercussions sur le développement du cerveau, et la puberté précoce, qui devient de plus en plus courante dans le monde, est un puissant facteur de risque pour la dépression. Parmi les autres facteurs de risque qui expliquent cet écart croissant entre les filles et les garçons pour ce qui est des troubles mentaux, il y a l'incidence de plus en plus grande des perturbations du sommeil chez les filles et le taux plus élevé d'agressions et d'intimidation sexuelles subies par les adolescentes.
Nous savons que, pendant la pandémie, les adolescents canadiens ont rapporté des taux alarmants de déclin de leur santé mentale. Selon Statistique Canada, à un certain moment, environ la moitié des adolescentes et des adolescents estimaient que leur santé mentale s'était un peu ou beaucoup détériorée par rapport à avant.
À l'avenir, il est probable que le nombre de facteurs de risque augmente encore plus à l'échelle de la population, que ce soit à cause d'une autre pandémie ou des défis liés à la crise climatique. Je n'ai qu'à attirer l'attention sur les feux de forêt sur la côte Ouest et sur les cyclones dans l'Atlantique ainsi que leurs répercussions sur la santé mentale des jeunes. La santé mentale des jeunes femmes au Canada court un risque accru face à ces catastrophes et à d'autres événements similaires encore imprévus.
J'ai deux recommandations qui, je crois, cadrent avec le mandat fédéral en matière de santé et pourraient contribuer dans une certaine mesure à pallier ces problèmes.
Premièrement, les filles et les jeunes femmes de partout au Canada devraient avoir facilement accès en tout temps à des services de haute qualité adaptés à leur genre, à leur culture et aux autres aspects de leur identité. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en encourageant les provinces et les territoires à collaborer et à soutenir cette vision commune, et en préconisant une plateforme commune de soins fondés sur des résultats mesurables et un suivi des résultats pour éviter que les iniquités entre les genres dans le domaine de la santé mentale ne s'accentuent davantage.
Deuxièmement, le Canada est le seul pays du G7 à ne pas mener d'enquête sur la santé mentale des enfants et des jeunes en ayant recours à des mesures répétées au fil du temps. Par conséquent, nous n'avons pas de données sur la santé des jeunes, y compris leur santé mentale. Nous ne pouvons donc pas affirmer avec confiance que les taux relatifs aux troubles réels ou les iniquités en matière de santé mentale ont vraiment augmenté depuis la pandémie, comparativement à avant. L'Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes...
Docteur Szatmari, je vais devoir vous interrompre. Votre temps est écoulé. Je vais vous interrompre maintenant et nous reviendrons à vous pendant les questions.
Je vais donner la parole au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Docteure Buckley, Mme Daisy Singla, nous vous écoutons.
Vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente et distingués membres du Comité.
C'est un privilège de pouvoir...
Merci beaucoup pour votre patience.
Je m'appelle Leslie Buckley, et je suis cheffe de la Division de la toxicomanie au Centre de toxicomanie et de santé mentale, le CTSM. Je suis psychiatre spécialisée en toxicomanie depuis de nombreuses années et je travaille surtout auprès de femmes.
Je vais mettre l'accent aujourd'hui sur la situation actuelle des jeunes femmes et des filles en ce qui a trait à la toxicomanie, et je vais expliquer pourquoi nous devons nous en préoccuper et dire ce que nous pouvons faire. Je vais aborder ces questions une à la fois.
Je vais commencer par l'alcool.
La question de l'alcool est très importante, car nous sommes au courant des torts considérables qui lui sont attribuables, que ce soit les chutes, les traumatismes crâniens et ainsi de suite, ou des problèmes juridiques, la violence, le crime, la conduite en état d'ébriété, ou bien son rôle important dans les agressions sexuelles visant les jeunes femmes. La consommation de drogues ou d'alcool par les agresseurs a un double effet, qui est plus commun. De plus, il arrive parfois que les agresseurs ciblent des consommatrices. Les femmes sont plus souvent victimes d'une agression sexuelle dans ce contexte.
Bien entendu, tout cela s'ajoute aux troubles chroniques que nous connaissons pour le foie et le système cardiaque, et des renseignements récents mettent en lumière le risque de cancer et les taux élevés associés à l'alcool. Nous savons tous que ces troubles chroniques surviennent plus rapidement chez les femmes plus vulnérables à l'alcool.
Pour ce qui est des tendances, nous avons observé qu'au cours des 20 dernières années, la consommation d'alcool chez les jeunes a un peu diminué. C'est ce qu'a révélé le sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l'Ontario que le CTSM a mené. Ce qui retient l'attention pour l'alcool, tout comme pour le cannabis, c'est que la diminution de la consommation chez les filles est moins importante que chez les garçons. Nous constatons que les chiffres se rapprochent et que l'écart entre les jeunes femmes et les jeunes hommes est moindre.
Je vois que j'ai parlé deux minutes et demie, et je vais donc maintenant céder la parole à Mme Singla pour sa partie de l'exposé.
Merci, docteure Buckley.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir invitées à témoigner. Je m'appelle Daisy Singla. Je suis psychologue clinicienne de formation et j'étudie la santé mentale dans le monde, un travail qui me tient à cœur. J'ai travaillé dans certaines des régions les plus éloignées de l'Afrique subsaharienne et de l'Asie du Sud. J'y ai appris qu'une grande partie des mesures prises et des leçons tirées à l'étranger sont totalement applicables dans le contexte du Canada.
Comme l'a dit ma collègue, la Dre Simone Vigod, une femme sur cinq souffre d'une forme courante de dépression, d'anxiété ou de traumatisme pendant la grossesse et après l'accouchement. Lorsqu'elles ne reçoivent pas d'aide, il y a des conséquences négatives à long terme pour elle, pour son enfant et pour les générations futures.
Au cours de mes voyages et dans le cadre de mes recherches, j'ai appris trois leçons clés pour remédier à ces problèmes communs.
La première, c'est qu'une brève thérapie par la parole fonctionne. Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu parler de la thérapie cognitivo-comportementale ou de la thérapie interpersonnelle. Ces brèves thérapies par la parole font partie des traitements les plus efficaces dans le domaine médical. Pourtant, moins de 10 % des femmes ont accès à ces traitements psychologiques.
La deuxième leçon se rapporte au pouvoir de la télémédecine pour offrir ces traitements. La COVID nous a obligés à revoir au plus vite la façon dont les soins de santé mentale peuvent être prodigués dans nos systèmes de santé. La télémédecine permet aux femmes enceintes et aux nouvelles mères de surmonter les problèmes courants liés au transport et aux soins de garde, et elle procure une marge de manœuvre.
Enfin, nous n'aurons jamais assez de psychologues ou de psychiatres pour combler l'écart dans le traitement des maladies mentales. Heureusement, selon un nombre croissant d'études, il est possible de former des personnes sans spécialisation en santé mentale — comme des infirmières, des sages-femmes, des collègues et des enseignants — pour qu'elles offrent ces traitements efficaces.
Comme je l'ai mentionné, toutes ces leçons peuvent être appliquées dans notre contexte au Canada. En 2020, nous avons lancé SUMMIT, la plus grande mise à l'essai au monde d'un traitement par la parole destiné aux femmes enceintes et aux nouvelles mères. Nous sommes financés par une organisation américaine qui s'appelle Patient-Centered Outcomes Research Institute, qui se demande si les infirmières et les sages-femmes peuvent également fournir de manière efficace ces services spécialisés et si la télémédecine est aussi efficace que la thérapie offerte en personne.
Les résultats préliminaires de notre mise à l'essai sont prometteurs, et l'ensemble des résultats seront disponibles en janvier 2024. Au bout du compte, les résultats permettront d'orienter le modèle de soins par étapes dont a parlé la Dre Vigod ainsi que la prestation efficace de thérapies par la parole axées sur le patient pour les femmes enceintes et les nouvelles mères.
Aujourd'hui, je veux tous vous inviter à agir à titre d'intervenants dans cette initiative emballante afin que nos résultats se transforment en services ainsi que pour investir dans les modèles de soins par étapes dont la Dre Vigod a parlé plus tôt. Il existe des solutions novatrices, comme la télémédecine, pour améliorer l'accès.
Pour résumer, je crois que nous pouvons faire mieux en tant que cliniciens, chercheurs et décideurs ainsi qu'en tant que société pour servir les femmes et d'autres segments de la population grâce à ces traitements efficaces.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous terminons les déclarations liminaires avec celle de Mme Charlene Senn, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la violence sexuelle et professeure à l'Université de Windsor.
Madame Senn, vous disposez de cinq minutes.
Merci à vous, madame la présidente, ainsi qu'aux membres du Comité.
Je suis Charlene Senn, professeure de psychologie à l'Université de Windsor et titulaire d'une chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur la violence sexuelle. Je suis psychologue sociale et mes recherches portent sur la prévention de la violence sexuelle envers les étudiantes universitaires et les jeunes filles en âge de fréquenter l'école secondaire. Je suis une spécialiste de la prévention de la violence sexuelle en général, et plus particulièrement de la résistance aux agressions sexuelles et des interventions en matière de sensibilisation des témoins.
Votre comité concentre ses travaux sur la santé mentale des filles et des jeunes femmes. Le témoignage que je vous livre aujourd'hui, en quelques mots, c'est que tant que nous ne nous attaquerons pas aux réalités de la violence sexuelle que les filles et les jeunes femmes subissent, et que nous ne déploierons pas d'efforts pour prévenir la violence sexuelle, nous ne réussirons pas à améliorer la santé mentale des filles et des femmes au Canada.
La violence sexuelle a de nombreuses conséquences sur la santé physique et mentale, dont certaines sont nommées dans la motion que vous avez adoptée. Si nous nous concentrons uniquement sur les mesures de soutien en matière de santé mentale, nous atténuons le mal, sans toutefois protéger d'autres victimes de ce mal.
La violence sexuelle dans son ensemble est pour moi une préoccupation majeure et je souhaite la combattre. Cependant, la grande majorité des victimes sont des filles et des femmes, et c'est à elles que nous nous intéressons aujourd'hui. Je précise que 98 % des auteurs d'actes de violence sexuelle envers les filles et les femmes sont des hommes et des garçons cisgenres, la plupart d'entre eux étant connus de la victime.
Quelle est l'ampleur de ce problème? Les jeunes femmes sont plus exposées aux agressions sexuelles que les femmes de plus de 25 ans. Selon des estimations prudentes, sur les campus universitaires, une femme sur cinq subira une agression sexuelle avant d'obtenir son diplôme. Cependant, selon les recherches, 50 % des viols subis par les femmes ont lieu avant l'âge de 18 ans, ce qui signifie que nous devons entreprendre plus tôt nos efforts de prévention.
Dans le cadre d'une étude récente menée en Ontario, nous avons interrogé des adolescentes sur les contacts sexuels non désirés et les viols dont elles ont été victimes depuis l'âge de 14 ans aux mains de pairs masculins. Dans le cadre de cette étude, les pairs masculins comprenaient les petits amis, les amis, les camarades de classe et les inconnus qui n'étaient pas des adultes, de sorte que les chiffres sont inférieurs à la réalité.
Une fille sur trois a déclaré avoir subi un contact sexuel non désiré après que le garçon lui a menti, l'a menacée de mettre fin à la relation ou de répandre des rumeurs à son sujet, lui a fait de fausses promesses, s'est montré mécontent, l'a critiquée ou s'est mis en colère. Près d'une fille sur quatre a été victime d'un viol par pénétration orale, vaginale ou anale — sous les menaces ou la force —, le viol ayant dans certains cas été facilité par l'alcool ou la drogue; une fille sur cinq a été victime d'une tentative de viol.
Les jeunes femmes déclarent également se faire demander à répétition d'envoyer des photos d'elles nues, ou subir des pressions ou des contraintes à cet effet. Dans une étude américaine récente, entre 12 % et 40 % des adolescentes ont déclaré avoir envoyé un message ou une image à caractère sexuel parce qu'elles avaient été poussées à le faire. Nous savons que cela peut avoir des conséquences sur la santé mentale, surtout lorsque ces images sont ensuite diffusées sans leur consentement. C'est ce que nous appelons la violence sexuelle fondée sur l'image.
Les conséquences de la violence sexuelle sur la santé physique comprennent les grossesses non désirées, les infections transmissibles sexuellement, l'augmentation de la consommation de cigarettes, d'alcool et de drogues, et bien d'autres choses encore. Les effets psychologiques comprennent la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, les idées suicidaires, l'absence de plaisir sexuel et la peur. La peur du viol affecte également la qualité de vie des jeunes femmes qui n'ont pas subi d'agression sexuelle, car elle les amène à restreindre leurs déplacements par mesure de précaution et à limiter leurs possibilités en matière d'emploi, d'éducation et de loisirs.
Les recherches démontrent clairement qu'il faut accroître les ressources des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et les services d'autres experts qui fournissent aux survivantes des soins tenant compte des traumatismes afin de remédier aux diverses conséquences de la violence sexuelle sur la santé physique et mentale. On soulève souvent ce point. Je veux attirer votre attention sur l'importance tout aussi grande de la prévention de la violence sexuelle.
Le programme « Flip the Script with EAAA » que j'ai conçu pour les femmes en milieu universitaire est un exemple des résultats que nous pouvons obtenir. La participation à ce programme a permis de réduire de 50 % les risques de tentative de viol et les risques de viol dans les 12 mois suivants et de diminuer le sentiment de culpabilité qui contribue à la dégradation de la santé mentale des femmes victimes de viol. Une version du programme adaptée aux filles de 14 à 17 ans fait l'objet d'un essai contrôlé randomisé qui débutera en janvier grâce à des fonds de l'Agence de la santé publique du Canada.
Sachez que la recherche montre également qu'une éducation sexuelle complète renforce les efforts de prévention. La prévention de la violence sexuelle demande du temps, des ressources et de l'expertise, et elle nécessite un investissement ciblé.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions. Le premier tour sera de six minutes, et nous commençons par Mme Shelby Kramp-Neuman.
Madame Kramp-Neuman, c'est à vous pour six minutes.
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur témoignage d'aujourd'hui.
Nous pouvons tous reconnaître que la croissance s'accompagne de changements physiques rapides et, manifestement, de changements émotionnels très profonds. Pour beaucoup de filles, cela peut être très excitant. Pour d'autres filles, c'est très intimidant, déroutant et incommodant. Je vais d'abord parler des raisons pour lesquelles cela se produit et donner quelques exemples, après quoi je poserai ma question.
Selon moi, en tant que parents, tantes et grands-parents, nous devons être attentifs aux signaux d'ordre social. Nous devons être attentifs à la façon dont elles mangent et dorment. Nous devons être attentifs aux types de relations qu'elles entretiennent avec les autres filles, avec les entraîneurs, avec les parents, avec les autres adultes, avec les enseignants, avec elles-mêmes, avec la nourriture et avec les médias sociaux. L'estime de soi et l'image corporelle sont des sujets très importants. Il y a l'intimidation, les pressions, les tendances, l'alcool, le tabac et la cyberdépendance. Ce n'est rien de nouveau pour aucun d'entre vous.
Je profite de l'occasion pour vous saluer, madame Mégane Jacques, car je trouve formidable que vous soyez ici pour nous parler. Je vous remercie de votre franchise. Je suis d'accord pour dire que faire partie de la solution est primordial. À mon avis, les jeunes sont les personnes les plus importantes à entendre sur ce sujet. La question que je veux vous poser est la suivante. Pensez-vous qu'il y a suffisamment de jeunes qui prennent vraiment part à la solution?
Deuxièmement, je mets de côté mon rôle de mère pour endosser mon rôle de législatrice. Je crois que Mme Austin a parlé des nouveaux budgets, des promesses faites et de l'inaction. Pour moi, c'est ce qui est inquiétant. C'est génial que nous soyons tous ici à en parler, mais c'est terriblement alarmant si nous ne faisons qu'en parler sans rien faire.
Ma question, qui s'adresse peut-être aussi à Mme Austin, concerne la prévention et les interventions. Quels moyens précis utilisons-nous pour atteindre ces jeunes adultes et les aider réellement?
Je vous remercie.
Je vous remercie de cette question. Je crois qu'il y a en fait plus de jeunes qui souhaitent s'exprimer et contribuer à une meilleure santé mentale, mais nous rencontrons une espèce de barrière, car on ne nous fait pas toujours confiance lorsqu'il s'agit de prendre nos propres décisions ou de faire nos propres choix en la matière. C'est effrayant pour beaucoup d'adolescentes. J'ai eu la chance de trouver une organisation qui était prête à m'écouter et à m'accompagner dans ma démarche, mais les adolescentes ou les jeunes n'ont pas toutes cette possibilité ou cette chance.
C'est une chose sur laquelle nous devons absolument travailler afin d'exploiter pleinement le pouvoir de l'engagement des jeunes. Si c'est un trop grand effort de se défendre soi-même... Parce que parfois cela peut être un peu difficile, surtout si vous avez des problèmes de santé mentale comme c'est le cas de beaucoup de jeunes qui militent pour la santé mentale. Par exemple, à cause de mon anxiété, j'ai eu beaucoup de mal à m'adresser à une organisation ou à faire partie d'un groupe et à en parler, car j'étais extrêmement anxieuse en toutes circonstances. Avoir un endroit où l'on se sent en sécurité favoriserait certainement l'engagement des jeunes.
Je pense que le Parlement des jeunes Canadiens auquel nous travaillons existe précisément dans ce but. Tous les jeunes, filles et garçons, travaillent ensemble avec le gouvernement à trouver des solutions et à protéger nos droits, parce que nous sommes prêts et que nous voulons faire changer les choses.
Merci.
Merci.
Madame Austin, je ne sais pas exactement combien de temps il vous reste.
La présidente: [Inaudible]
Mme Shelby Kramp-Neuman: Merci.
Merci à vous, madame la présidente, ainsi qu'aux membres du Comité.
Je tiens à remercier Mme Jacques du courage et de la bravoure dont elle fait preuve aujourd'hui, ainsi que les nombreux jeunes qui, comme elle, demandent de l'aide.
Bien trop souvent, nous constatons que les jeunes qui ont le courage de demander de l'aide n'ont tout simplement pas accès à cette aide. En Ontario, par exemple, les enfants peuvent être sur des listes d'attente jusqu'à deux ans et demi pour des services en santé mentale. Quand on pense à la gravité de problèmes comme l'automutilation, les troubles liés à la consommation de substances et le suicide, il est inacceptable qu'une jeune personne doive attendre aussi longtemps pour obtenir des services en santé mentale. Cela explique en partie la forte augmentation du nombre de jeunes qui vont chercher du soutien en santé mentale dans les salles d'urgence. Ils doivent savoir qu'ils peuvent s'y rendre s'ils sont en crise, mais ils devraient recevoir du soutien dans un cadre clinique au sein de leur collectivité et à leur école.
C'est avec fierté que nous avons pu lancer le Parlement des jeunes Canadiens tout au début de la pandémie, afin de donner aux jeunes une plateforme leur permettant de se faire entendre des parlementaires et de s'exprimer sur les décisions prises en temps réel tout au long de la pandémie. Cependant, nous sommes consternés par la lenteur avec laquelle les fonds ont été attribués. De plus, les fonds annoncés étaient rarement destinés aux jeunes enfants et aux adolescents. Des organisations comme Jeunesse, J'écoute ont reçu des fonds, ce qui est très important, et nous avons salué ces efforts, mais le financement est lent à venir. Nous continuons de réclamer un financement réservé aux enfants et aux adolescents afin de commencer le travail de prévention dès les premières années, mais aussi, bien sûr, de fournir le soutien en cas de crise dont les enfants ont besoin.
J'insiste sur ce qui a été dit au sujet de la collecte de données, et je le répète: il n'y a pas de collecte systématique de données à l'échelon fédéral d'un océan à l'autre. Nous devons par conséquent nous contenter de données limitées provenant de différentes études provinciales, territoriales ou municipales, alors...
Merci, madame Austin. Je dois vous interrompre pour que nous puissions passer à la prochaine intervention.
Je vais donner la parole à Mme Lambropoulos.
Madame Lambropoulos, vous disposez de six minutes.
Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous nos témoins d'être ici avec nous aujourd'hui, en particulier Mme Jacques, qui est si courageuse et qui est venue témoigner ici au nom de toutes les jeunes femmes qu'elle représente aujourd'hui.
Beaucoup de gens ont mentionné l'augmentation du nombre de tentatives de suicide, ainsi que de cas de dépression et d'anxiété chez les jeunes filles. Je pense que c'est un rapport de deux contre un; c'est la donnée que j'ai entendue autour de la table. Je me demande si vous pouvez me dire, sur la base des recherches que vous avez effectuées, si cela peut être attribuable au fait que les garçons ne se manifestent pas nécessairement autant. Est‑ce que cela nous échappe? Apparemment, selon les recherches, le taux de suicide est plus élevé chez les jeunes garçons que chez les filles. Je ne sais pas si quelqu'un autour de la table peut le confirmer, mais je me demande si vous pouvez parler de ce phénomène. Je pense que plusieurs d'entre vous ont abordé ce sujet.
Je vais commencer par M. Szatmari, parce que je crois que c'est lui qui a mentionné des statistiques précises sur le ratio.
Il est important de faire la distinction entre les idées suicidaires et les tentatives de suicide, d'une part, et les suicides réussis, d'autre part. Il ne fait aucun doute que les jeunes filles ont des idées suicidaires ou font une tentative de suicide non fatale deux à trois fois plus souvent que les garçons, et que les jeunes garçons se suicident plus souvent que les jeunes filles.
Ce qui est assez troublant, c'est que l'écart entre les sexes en ce qui concerne le suicide réussi — les garçons se suicident plus souvent — se réduit au fil du temps, non seulement au Canada, mais aussi à l'échelle internationale. L'écart entre les sexes concernant des aspects plus souvent associés aux garçons — comme le comportement antisocial, la consommation d'alcool et de drogues et le suicide — se rétrécit au fil du temps, ce qui donne à penser que la santé mentale des filles est affectée de façon différente par des phénomènes qui se produisent, et ce, non seulement au Canada, mais aussi à l'échelle mondiale.
Je ne pense pas que ce soit une question d'expression, car les garçons parlent de leur état dépressif et de leur anxiété, mais ils ne le font certainement pas aussi généralement que les filles. J'espère que cela répond à votre question.
Je vous remercie. D'une certaine façon, oui. Je comprends ce que vous dites.
Je suis désolée, c'est un sujet difficile pour moi.
Madame Jacques, je me demande si vous voulez terminer ce que vous disiez, car je ne crois pas que vous ayez pu tout dire. Si vous voulez prendre la parole, allez‑y. Je sais que vous avez déjà répondu à une question, mais si vous voulez terminer ce que vous disiez dans votre déclaration préliminaire, j'aimerais vous donner l'occasion de le faire.
Merci.
Ce que je voulais faire pour conclure, tout à l'heure, c'était en fait demander au Comité de vraiment reconnaître les filles comme des expertes dans nos propres vies et de respecter notre droit de participer à une décision qui nous concerne. Je tiens à vous remercier tous, car vous avez été accueillants et ouverts à la présence d'une jeune femme à votre table. Je pense que c'est un premier pas très efficace vers un véritable changement. Vous pourriez peut-être continuer dans cette voie et toujours prêter l'oreille à des filles d'horizons divers.
Merci beaucoup.
Docteure Vigod, vous êtes présente dans la salle. Vous avez parlé des problèmes de santé mentale périnatale. Il ne fait aucun doute que le style parental influe beaucoup sur la façon dont les enfants se développent et sur le soutien qu'ils reçoivent à la maison, et il est évident que les traumatismes intergénérationnels et les traumatismes de l'enfance ont un effet sur les enfants tout au long de leur vie. Pensez-vous qu'il existe suffisamment de soutien, et dans l'affirmative, pensez-vous que ce soutien est accessible? Que peut faire le gouvernement canadien pour aider à soutenir la santé mentale partout au pays? Je sais qu'il s'agit principalement d'une compétence provinciale, car il s'agit de santé. Que peut faire le gouvernement du Canada pour améliorer la situation et rendre les services de santé mentale plus accessibles aux personnes les plus vulnérables?
Je vous remercie de votre question.
Pour répondre à votre autre question sur le taux de 2 contre 1, entre l'apparition des premières règles et la ménopause, la dépression et l'anxiété sont deux fois plus fréquentes chez les filles et les femmes que chez les hommes. On pense que cela résulte de certains des problèmes de reproduction uniques dont nous avons parlé, concernant les menstruations et la grossesse, ainsi que de la présence disproportionnée de facteurs de risque de maladie mentale chez les femmes et les filles, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, notamment la violence, la pauvreté, le manque d'éducation, et ainsi de suite. C'est ce qui favorise ce phénomène.
Comme vous l'avez dit, la bonne santé d'un parent se reflète dans celle du bébé. Nous disons que les cinq premières années de la vie sont déterminantes pour le reste de la vie. Il faut en réalité prendre un peu plus de recul et dire que si nous pouvions faire en sorte que nos jeunes parents soient en bonne santé pendant la grossesse, cela pourrait prévenir les problèmes de santé mentale des enfants et des jeunes par la suite. Nous savons qu'au Canada, seulement une personne enceinte ou en période post-partum sur cinq bénéficie du soutien dont elle a besoin, ce qui est très problématique.
Qu'est‑ce que le gouvernement fédéral peut faire? L'une des choses à faire — et cela a déjà été fait — serait de financer des organisations communautaires dans tout le pays pour qu'elles offrent un soutien par les pairs à des groupes bien précis, comme les adolescentes ou les populations autochtones, par exemple.
Mon temps de parole est écoulé, mais si je devais donner la priorité à une chose, je choisirais cela, car nous pourrions ainsi faire une importante percée.
Merci beaucoup.
La parole est maintenant à Mme Larouche.
Madame Larouche, vous disposez de six minutes.
[Français]
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui pour parler de ce problème.
Je suis d'accord avec vous, Mme Lambropoulos, pour dire qu'il s'agit d'un sujet très sensible. Certains témoins ont livré des témoignages assez poignants sur les conséquences des problèmes de santé mentale.
En toute transparence, j'aimerais vous dire que j'ai perdu un cousin pendant la pandémie. Il s'est suicidé. Il était dans la tranche d'âge que nous étudions aujourd'hui. Il y a aussi des membres de ma famille qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Madame Vigod, je suis mère d'une petite fille de sept mois, alors la question de la santé mentale périnatale, je la vis. Le sujet abordé aujourd'hui est donc très sensible.
Mégane, je te remercie de ton témoignage. Puisque tu as parlé de messages contradictoires relativement aux jeunes femmes, j'aimerais aborder ce sujet en répétant les propos d'une collègue. Elle m'a dit que, maintenant que je suis mère et politicienne, j'allais toujours sentir que je ne suis pas une bonne mère d'un côté et que je ne fais pas mon travail de politicienne correctement, de l'autre.
J'aimerais que tu parles de ces messages contradictoires et des effets que cela peut avoir sur la santé mentale des jeunes femmes et des jeunes filles.
Nous avons toujours l'impression de marcher sur des œufs. Nous ne savons jamais quel est le bon comportement à adopter ou celui que la société attend de nous, ce qui augmente vraiment beaucoup notre anxiété. Comme tous les autres jeunes, nous cherchons à plaire, aussi bien à nos pairs qu'aux adultes, et à trouver notre groupe d'appartenance. Toutefois, c'est quasiment impossible de le faire, parce que nous recevons de toute part des messages différents. On nous conseille d'être ceci, cela, ou encore autre chose. Cela nous met constamment dans un état de déception ou de honte. En effet, aussi bonne que soit la décision, pour nous ou pour la société, il y aura toujours quelqu'un de déçu. C'est davantage le cas pour les filles que pour les garçons, justement parce qu'à l'égard des filles, il y a beaucoup plus d'attentes qui se situent aux deux extrêmes.
Je dirais que cet état d'incertitude, en plus de faire augmenter notre anxiété, provoque toujours le sentiment de ne pas être adéquate, de ne pas être assez ou en faire assez, et de tout simplement ne pas avoir notre place dans cette société. C'est l'une des choses les plus dommageables, surtout que, lorsque nous essayons d'en parler, on nous dit souvent que le fait d'être une fille n'est pas en cause, mais que nous sommes plus sensibles. Quand nous essayons de faire état de cette situation, il arrive souvent que l'on balaye nos propos. Pour les jeunes filles, cette dévalorisation est vraiment malheureuse.
À mon avis, nous nous entendons tous pour dire qu'il faut accroître le soutien. Madame Vigod, vous avez parlé des organismes communautaires et du système de santé qui viennent en aide à des jeunes comme Mégane. Beaucoup d'autres témoins en ont parlé également.
Je suis fière de ce qui se fait déjà au Québec. À titre d'exemple, j'aimerais mentionner un organisme communautaire dans ma circonscription. Cet été, j'ai fait une tournée dans des camps de jour. C'était dans le cadre d'emplois d'été. J'ai visité des organismes communautaires, comme le Centre de prévention du suicide de la Haute‑Yamaska, ainsi que des maisons de jeunes. Tous ces gens m'ont parlé de la hausse importante de l'anxiété et des problèmes de santé mentale.
Cela dit, il y a de belles initiatives. Chez nous, par exemple, une maison de jeunes située à Waterloo travaille de très près avec l'école secondaire Wilfrid‑Léger. Les gens de ces organismes disent avoir besoin d'être soutenus davantage. Ils reçoivent du soutien du système de santé du Québec. De plus, un comité transpartisan sur les questions d'ordre sexuel s'est penché sur les conséquences des agressions sexuelles sur la santé mentale des jeunes filles. Cela s'est fait de façon non partisane, au Québec. Encore là, il faut soutenir les organismes communautaires et le système de santé qui leur viennent en aide.
J'aimerais entendre les commentaires de Mme Vigod ou d'un autre témoin sur cette question cruciale, à savoir la nécessité de financer davantage le système de santé. En effet, les organismes et le système en ont besoin. De belles initiatives locales sont créées, mais cela passe par un transfert. Or, ce qui est demandé unanimement par le Québec et les provinces, ce sont des transferts en santé de 35 %. Nous avons besoin de moyens financiers pour aider nos jeunes femmes et nos jeunes filles.
Madame Vigod, voulez-vous nous en dire un peu plus sur l'effet qu'aurait une augmentation du financement des organismes communautaires et sur la prévention que cela pourrait représenter?
Je vais répondre en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je crois que, si nous pouvions financer les organismes communautaires de sorte que leurs employés puissent appuyer leurs milieux... Les données démontrent qu'un tel appui peut prévenir la dépression post-partum et traiter les personnes légèrement ou modérément atteintes de maladies.
La discussion m'a également fait penser à tout ce que nous pouvons faire de plus au niveau fédéral grâce à la formation polyvalente. Par exemple, si nous pouvions compter sur un centre de collaboration, le fait que de l'expertise soit accessible au Québec, mais pas en Saskatchewan ne poserait pas problème. Nous pourrions miser sur la formation polyvalente. Des permis pourraient être valides dans toutes les administrations.
Finalement, en réponse à l'autre question, je mentionnerais qu'un pédiatre du début du XXe siècle, Dr Donald Winnicott, s'intéressait au concept de la « mère suffisamment bonne. » On parle maintenant du « parent suffisamment bon, » la théorie voulant qu'il soit acceptable de ne pas être parfait. En fait, c'est l'objectif. C'est là l'exemple qu'on veut donner afin que les parents puissent vivre leur vie tout en sachant que la perfection n'existe pas et qu'ils ont de la valeur malgré leurs défauts.
À la lumière de la conversation, je crois que c'est ce message que nous nous devons de véhiculer.
Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à Mme Gazan pendant les six prochaines minutes.
Madame Gazan, vous avez la parole.
Merci beaucoup.
Je veux d'emblée souligner que le sujet est très pénible pour de nombreuses personnes ici présentes. J'aimerais donc vous remercier, mesdames Larouche et Lamproboulos, de vous être confiées à nous. Je sais que ces discussions peuvent s'avérer douloureuses.
J'aimerais d'abord m'adresser à l'organisation Les enfants d’abord Canada. Madame Jacques, merci de nous avoir fait part de vos réalités et de votre expérience. Madame Austin, je vous remercie aussi de nous avoir fait connaître votre récit. Je crois que nous devons normaliser le sujet de la santé mentale afin d'éliminer la stigmatisation; ainsi, le sujet ne s'accompagnera plus de honte, et tous pourront simplement exprimer et vivre leurs réalités.
Ma première question s'adresse à vous, madame Jacques. Vous avez abordé les préjugés et la stigmatisation des jeunes femmes à qui on accole l'étiquette d'être à fleur de peau, hystérique et ce genre de qualificatifs. Si vous êtes à l'aise d'en parler, pouvez-vous nous indiquer si la dédramatisation autour de vous vous a poussée à minimiser votre propre expérience lorsque vous avez connu des problèmes de santé mentale?
Bien sûr. À un certain moment, puisque tout mon entourage me disait que je devais bien aller, je ne me rendais même plus compte que je souffrais toujours de problèmes de santé mentale et que j'éprouvais encore des difficultés. Je devais faire semblant de bien aller; je devais sourire et continuer mon petit bonhomme de chemin. Lorsqu'on est aux prises avec des problèmes de santé mentale, les préjugés associés au fait qu'on s'écarte de la norme nous font toujours souffrir.
Je dirais que ces réactions à mon égard m'ont poussée à minimiser l'attention que je devais m'accorder et à ne pas demander l'aide dont j'avais besoin. En effet, j'avais l'impression de ne pas réellement mériter d'aide. Je ne croyais pas que mes problèmes étaient suffisamment graves pour justifier de demander de l'aide. J'attendais constamment de tomber réellement malade pour demander de l'aide parce que je devais être la version parfaite de moi-même lorsque je sortais, et même chez moi.
Mes amis me rétorquaient à tout coup « Eh bien, moi aussi, je suis stressé » lorsque j'allais jusqu'à leur confier que je n'étais pas simplement stressée, mais plutôt très nerveuse et que ma santé mentale m'occasionnait des problèmes physiques. Les gens ne se rendent pas compte du pouvoir de leurs paroles sur l'esprit. À ce sujet, il faudrait vraiment apporter des changements pour les jeunes filles ainsi que pour les adultes. Même les enseignants ont essayé à un moment donné de me remonter le moral et de m'aider. Or, leur message, au fond, se résumait à m'encourager à faire comme si de rien n'était.
Je vous remercie sincèrement de votre réponse.
Ma prochaine question s'adresse à la Dre Vigod. Je suis ravie que nous discutions de dépression post-partum. Je sais que, à ma naissance, il était interdit pour les mères comme la mienne d'en parler, mais, lorsque j'ai donné naissance à mon fils, j'ai pu en parler avec l'infirmière en santé publique. C'était une priorité: on voulait savoir comment je me sentais et si tout allait bien. Je suis contente qu'on puisse maintenant en discuter.
Vous avez soulevé un élément qui m'inquiète et qui se rapporte à la Loi canadienne sur la santé. Il y a différents enjeux, dont celui‑ci: on fait souvent référence aux provinces, mais certains groupes ne reçoivent pas de financement de la part des provinces, en particulier les Premières Nations, les Inuits, les personnes incarcérées dans les pénitenciers fédéraux, les anciens combattants des Forces armées canadiennes et les réfugiés, selon leur statut. C'est inquiétant. Vous avez parlé d'accès, mais aussi du fait que le problème est plus omniprésent dans les régions éloignées. Nous savons que c'est dans ces régions que se trouve la plus faible proportion — 55,8 % — de femmes et de filles affichant une très bonne ou une excellente santé mentale.
En quoi tous ces facteurs, particulièrement les soins prénataux et le fait que les femmes doivent quitter leurs familles pour rester à l'hôpital pendant un mois, aggravent-ils les problèmes de santé mentale?
En plus du manque d'accès aux soins de santé, il faut se rappeler que le manque d'appui social représente une des raisons principales entraînant un problème de santé mentale lié à la grossesse et à la dépression post-partum. Nous pourrions très facilement prévenir ces problèmes grâce à des interventions assez douces et peu coûteuses. C'est pour cette raison que j'ai fait valoir mon deuxième point, et Mme Singla a également fait savoir que des non-experts peuvent offrir des psychothérapies structurées et de courtes durées. Des séances peuvent être offertes par des infirmières en santé publique et dans des régions reculées. Grâce à la médecine virtuelle et à la télémédecine, nous pouvons superviser les séances.
Il existe des façons d'aider les patientes. Elles devraient recevoir des soins dans leurs communautés parce que l'autre enjeu, comme vous l'avez exprimé, est qu'il faut comprendre leur réalité en tant que réfugiée ou Autochtone.
À ce sujet, les services et les traitements en santé mentale offerts ailleurs qu'à l'hôpital par des professionnels qui ne sont pas des médecins — comme des psychologues, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes et d'autres experts en santé mentale — ne relèvent pas de la Loi canadienne sur la santé. La Loi n'englobe que les services fournis par un médecin ou un psychiatre, ce qui va à l'encontre de ce que vous venez de dire.
Croyez-vous que nous devons modifier la Loi canadienne sur la santé pour inclure davantage de fournisseurs de services pour les patients souffrant de problèmes de santé mentale?
Non. Je manque d'objectivité, mais je considère les problèmes de santé mentale comme un problème médical et de santé. Pourquoi prodiguerions-nous certains soins médicaux et en exclurions-nous d'autres?
Merci énormément.
Nous allons maintenant entendre Mme Ferreri. Nous sommes rendus à notre série de questions de cinq minutes par intervenant.
Vous avez la parole pendant cinq minutes.
Vous me confiez une tâche impossible à exécuter, madame la présidente. Cinq minutes ne suffiront pas du tout pour cette discussion.
Merci à tous.
Madame Jacques, vous volez la vedette à chacun d'entre nous à cette séance de comité. Chaque participant est remarquable, mais il ne fait aucun doute que vous vous démarquez. Je vous remercie d'être parmi nous.
Je veux affirmer aux fins du procès-verbal que nous devons reconnaître que, pour traiter la santé mentale des jeunes filles, nous devrons veiller à investir dans la santé mentale des parents, des proches aidants et des hommes. Autrement, nous ne pourrons aider les jeunes filles. Pour reprendre votre argument, madame Jacques, je crois que si votre entourage vous avait fait confiance et vous avait donné la force de reconnaître vos propres sentiments, vous vous en seriez beaucoup mieux sortie.
Si possible, j'aimerais tout de suite m'adresser à la Dre Buckley. Docteure Buckley, savez-vous si des données déterminent la période d'intervention nécessaire pour mettre fin aux troubles de dépendance?
Je vous remercie énormément de la question.
Les troubles liés à la consommation d'une substance et les autres troubles psychiatriques — je pense ici à la dépression et à l'anxiété — s'influencent grandement entre eux, et on constate des tendances et des liens clairs. On peut donner l'exemple de l'anxiété sociale chez un jeune qui, si elle n'est pas traitée, pourrait mener à une consommation de substances accrue à l'âge où on commence à socialiser davantage avec ses pairs à l'extérieur du foyer, soit à 15 ou 16 ans. Le problème pourrait s'aggraver au fil du temps.
Voilà un exemple où un problème de santé mentale peut entraîner un problème de consommation, mais la trajectoire inverse peut aussi se produire. Quelqu'un pourrait ne pas souffrir de problèmes de santé mentale, mais pourrait commencer à consommer des substances. Il importe de répéter que les facteurs de risque pour la consommation de substances incluent une combinaison de facteurs génétiques et sociaux, à raison d'environ 50 % chacun. Nous avons tous une relation différente avec les substances, et certains ont un profil de risque beaucoup plus élevé.
Disons qu'une jeune femme commence à démontrer des comportements liés à un problème de consommation. Il pourrait s'ensuivre certaines conséquences, par exemple une baisse des résultats scolaires. La cause pourrait être associée à la consommation de cannabis, qui augmente chez les femmes. Cette consommation pourrait entraîner une anxiété accrue ou des problèmes d'humeur. Les renseignements véhiculés à ce sujet sont très trompeurs. En fait, il y a de la mésinformation puisque la population croit que le cannabis atténue l'anxiété ou la dépression alors que les données démontrent l'inverse.
Cette jeune personne développera peut-être un problème d'anxiété ou de dépression dans la vingtaine, puis aura du mal à vivre d'autres étapes de la vie — par exemple ses études ou ses relations. Elle se retrouvera ainsi dans un cercle vicieux. On voit souvent des cas où les problèmes de consommation et de santé mentale dégringolent au même rythme.
Il n'existe pas de trajectoire unique. J'aurais voulu répondre à votre question de façon plus précise.
Cela ne fait rien. Merci. J'aimerais pouvoir recueillir de nombreuses données et j'y reviendrai.
Si on me le permet, j'aimerais passer à Mme Singla.
Madame Singla, vous avez mentionné nos énormes lacunes et le manque d'accès aux services — en particulier le manque d'accès à la thérapie par la parole — pour les patients. Croyez-vous qu'il existe une possibilité de moderniser les soins de santé pour réduire le fossé de l'accès aux soins de santé mentale — surtout pour cibler les jeunes de 12 à 24 ans — en se servant d'outils comme les médias sociaux?
J'aimerais préciser que je suis également professeure et que vous pouvez m'appeler Dre Singla si vous le souhaitez.
Quoi qu'il en soit, pour ce qui est des médias sociaux, nous savons que les traitements psychologiques les plus efficaces impliquent un thérapeute. Comme on l'a souligné, il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse...
Pouvons-nous nous arrêter pendant quelques instants? Il semble y avoir un problème du côté de la traduction.
Il y avait un petit pépin du côté de l'interprétation. Pouvez-vous recommencer votre réponse, madame Singla?
D'accord. Votre question portait sur l'incidence des médias sociaux. Nous pouvons bien entendu miser sur les médias sociaux pour améliorer l'accès aux traitements psychologiques.
Nous comptons toutefois la technologie nécessaire pour des séances virtuelles; nous l'utilisons en ce moment précis pour communiquer avec tous les participants se trouvant à Ottawa et partout au Canada. On peut se servir de Zoom et d'autres plateformes sécurisées pour permettre à des thérapeutes — je répète que ces professionnels n'ont pas besoin d'être psychiatres ou psychologues — d'offrir des traitements efficaces. Toute une gamme de professionnels non spécialistes peut offrir ces traitements. Ces services se voient partout dans le monde. Nous en offrons ici même, au Canada, dans le cadre de notre essai SUMMIT pour offrir des traitements psychologiques. Je soulignerais donc à grands traits l'importance de miser sur...
Je suis désolée, mais il ne me reste que 20 secondes, alors je vais rapidement m'adresser à Mme Austin.
Vous avez déclaré le #codePINK, mais rien n'a réellement changé. Une somme de 45,2 milliards de dollars est allouée à la santé mentale. Selon vous, comment optimiser ces fonds pour mettre en oeuvre dès maintenant des mesures qui favoriseront la santé mentale des jeunes?
Je crois que les fonds devraient d'abord servir à la prévention et aux interventions précoces. Il faut se pencher sur la prévention des problèmes de santé mentale dès la tendre enfance en s'intéressant aux effets de la maltraitance, de la pauvreté et des enjeux systémiques qui contribuent à fragiliser la santé mentale des filles et des jeunes femmes. Il ne faut pas non plus oublier les interventions précoces lorsque les jeunes manifestent leurs besoins.
C'est parfait.
Je donne maintenant la parole à M. Serré.
Monsieur Serré, vous disposez de cinq minutes.
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
Nous aurions besoin de plus de temps. Si les témoins ont de l'information supplémentaire à donner au Comité, il serait vraiment important de nous la faire parvenir.
[Traduction]
Je ne sais pas vraiment par où commencer. À Sudbury, dans le Nord de l'Ontario, Mme Denise Sandul a créé Crosses for Change. La communauté dénombre de nombreux décès de jeunes et d'autres personnes. Mme la ministre Bennett s'y est rendue pendant l'été, et nous avons tenu des tables rondes et des réunions avec des membres de la communauté. La conversation ciblait surtout l'Ontario, mais portait sur environ 6 000 organisations. La coordination semble poser problème.
Les statistiques que vous avez fournies aujourd'hui dénotent un problème gargantuesque, mais il nous manque aussi des données sur les ordres de gouvernement fédéral, provincial et municipal ainsi que sur les bénévoles. La Dre Vigod nous a indiqué que le financement communautaire est important. J'aimerais savoir... Je pourrais commencer par Mme Pinto représentant Jack.org. À quel point importe-t-il de se référer à des statistiques et des renseignements fondés sur des données probantes, comme on l'a mentionné plus tôt, dans le cadre des négociations en cours avec les provinces sur les accords bilatéraux? L'urgence de financer les organismes sur le terrain est criante, mais nous devons néanmoins trouver un moyen d'examiner les pratiques exemplaires avec les provinces.
Je vais donner la parole aux témoins, en commençant par Mme Pinto qui pourrait être suivie de la Dre Buckley et de Mme Singla. Quelles pratiques exemplaires le gouvernement fédéral et les provinces devraient-ils appliquer en ce qui a trait aux organismes?
J'aimerais simplement préciser aux fins du procès-verbal que je ne suis pas docteure, mais je vous remercie énormément.
Comme vous le savez, Jack.org mobilise des milliers de jeunes partout au pays, et nous nous concentrons vraiment sur l'appui en amont pour les jeunes et leur santé mentale. Comme un autre témoin l'a dit, il n'y a jamais assez d'argent pour tous en matière d'accès aux services. Il faut donc se demander comment renforcer la résilience, éliminer la stigmatisation et encourager les jeunes à adopter des comportements pour demander de l'aide. Nous mettons grandement l'accent sur l'aide entre les pairs parce que c'est bien souvent auprès des leurs que les jeunes — et surtout les jeunes femmes — demandent de l'aide en cas de besoin. Parfois, les jeunes ne savent pas quels services sont disponibles ou ne peuvent y avoir accès; il est démontré que le soutien par les pairs fournit une aide précieuse.
Je conviens que davantage d'appui peut être accordé aux organisations qui comptent déjà des membres et qui ont gagné la confiance de différentes communautés. Je crois que cet appui devrait sans contredit s'ajouter aux investissements versés dans le système en général.
Je vous remercie de parler de Sudbury, qui présente l'un des plus hauts taux de surdoses d'opioïdes au pays.
On peut songer à deux orientations claires, et je crois que le groupe d'aujourd'hui les a évoquées. Il est évident qu'il faut prévenir et traiter. Je crois qu'il y aura encore beaucoup d'autres commentaires au sujet du traitement. La Dre Vigod a parlé d'un groupe de champions, qui pourrait superviser et informer les groupes communautaires.
Sur le plan de la prévention, nous avons beaucoup à apprendre du monde des dépendances, parce que nous avons plus d'expérience, d'une certaine façon, que le secteur de la santé mentale. Il ne suffit pas de parler de prévention, de parler des troubles ou de les désigner, parce que la recherche sur les dépendances montre que l'éducation n'entraîne pas les conséquences que nos avions imaginées. Il faut que l'éducation soit axée sur les compétences. Il faut aider les gens à comprendre les dommages causés par l'abus de substances, bien sûr, mais nous nous centrons trop là‑dessus. Parfois, le simple fait de parler des substances donne lieu à une augmentation de celles‑ci dans les écoles où le taux de consommation est faible, tandis qu'on réduit la consommation dans les écoles à risque élevé.
La situation est complexe. Il faut bien faire les choses. Il faut penser aux outils de prévention centralisés à notre disposition. Dans le cas des dépendances, le plus important facteur est l'accessibilité. Si l'on augmente les coûts, on réduit les heures d'ouverture ou on réduit le nombre de magasins, alors il y a moins de substances. Il est important de connaître ces indicateurs; nous n'allons pas gagner la guerre politique.
Pour terminer, je dirais qu'il ne faut pas oublier les dépendances dans le cadre du traitement dont nous discutons aujourd'hui, parce qu'elles occupent une place importante dans l'expérience des jeunes femmes.
Excellent. Merci beaucoup.
Je vais réorganiser un peu les interventions, parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps et qu'il reste encore beaucoup de très bonnes questions à venir.
Les députés du Bloc et du NPD sont les prochains à intervenir. Je vais faire passer votre temps de parole à trois minutes et demie, mais vous n'aurez pas droit à une autre série ensuite. Je vais simplement vous accorder plus de temps pour celle‑ci. Ensuite, nous entendrons les deux dernières questions de M. Lake et de Mme Sudds, si cela vous convient. Vous aurez donc trois minutes et demie maintenant plutôt que deux minutes et demie. Ensuite, M. Lake et Mme Sudds disposeront de trois minutes et ce sera la fin.
Madame Michaud, vous avez la parole.
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
Je vous remercie de m'accueillir à votre comité.
Je suis très heureuse d'être ici. Je suis porte-parole du Bloc québécois en matière de jeunesse, et c'est donc tout à fait pertinent pour moi d'être ici aujourd'hui. J'étais justement avec Mme Austin, en fin de semaine, parce que je m'adressais à des jeunes du Parlement jeunesse du Québec, qui s'intéressent à la démocratie. Mme la présidente était là avec moi également.
Ma question s'adressera à Mme Austin en particulier, mais, si d'autres intervenants veulent prendre la parole, je serais heureuse d'entendre leurs commentaires.
Je me questionne sur les répercussions de l'utilisation des réseaux sociaux chez les jeunes femmes. Nous le voyons de plus en plus, ces réseaux occupent beaucoup plus de place qu'avant dans nos vies et dans celles des millénariaux, et ce, en raison de l'arrivée d'Internet notamment.
Comme nous l'avons constaté auparavant, la télé, les films et la publicité ont des répercussions sur l'image du corps de la femme, sur ce que pensent les jeunes femmes d'elles-mêmes, sur leur estime et sur leur confiance en soi. Je crois que la pandémie a accentué ce phénomène par l'utilisation accrue des réseaux sociaux. De plus en plus d'études sur le sujet démontrent que les jeunes femmes ressentent de la frustration et qu'elles font beaucoup de comparaisons.
Madame Austin, voyez-vous une corrélation, c'est-à-dire un lien direct entre cette surutilisation des réseaux sociaux et les problèmes de santé mentale que certaines jeunes femmes développent, par exemple, des troubles alimentaires ou un manque de confiance en elles?
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup pour votre question. Nous sommes très honorés de vous avoir accueillies au Parlement des jeunes Canadiens au cours de la fin de semaine et d'avoir pu entendre Mme Jacques et ses pairs.
Les médias sociaux occupent une place importante dans la vie des filles et des jeunes femmes, et même de tous les enfants, dès leur très jeune âge. Nous savons que les jeunes utilisent les technologies très tôt dans leur vie. Elles jouent un rôle du préscolaire jusqu'à l'adolescence, évidemment.
Les jeunes nous en parlent beaucoup. En 2017, nous avons créé la Charte canadienne des enfants à la suite de consultations exhaustives avec les jeunes de partout au pays, afin de cibler les défis auxquels ils font face et de trouver des solutions. Le rôle des technologies dans leur vie représente leur principale préoccupation. Dans la Charte des enfants, nous avons fait valoir que cette question nécessitait la prise de mesures urgentes.
Dans son plus récent rapport et dans les projets de loi qu'il a déposés en février, le Parlement des jeunes Canadiens soulignait le rôle des technologies dans la vie des jeunes et leur incidence sur la santé mentale.
Notre plus récent rapport Raising Canada présente de nombreuses données sur ce sujet et nous serions heureuses de vous les transmettre. C'est un rapport exhaustif. Les technologies représentent un problème, mais à de nombreux égards, les jeunes sont d'avis qu'elles font aussi partie de la solution. Nous les utilisons pour faciliter les programmes comme le Parlement des jeunes Canadiens. Nous constatons les dommages que peuvent causer ces technologies, mais nous réalisons aussi qu'elles peuvent jouer un rôle dans l'accès à du soutien.
D'autres témoins nous ont parlé du recours aux technologies pour offrir des services cliniques aux jeunes et les rendre accessibles à la maison, à l'école et à d'autres endroits où ils ont besoin de soutien. Il faut continuer de financer ces solutions novatrices fondées sur les données probantes afin de veiller à ce que les jeunes aient accès à ces services et nous devons les consulter lorsque nous prenons des décisions sur le mode de prestation de ces services.
Mme Jacques et de nombreux autres jeunes veulent avoir un rôle à jouer dans les politiques et les programmes qui leur sont offerts.
Merci beaucoup, madame Austin.
Nous passons maintenant à Mme Gazan, qui dispose de trois minutes et demie.
Merci beaucoup.
Je n'ai pas beaucoup de temps, et j'aimerais poser deux questions. Ma première s'adresse à Mme Pinto.
Vous avez parlé d'anxiété climatique et de son incidence sur les jeunes. Je sais que dans le DSM‑5 ou quelque chose — je ne suis pas psychologue — cela fait partie des facteurs qui ont une incidence sur la santé mentale et le stress des jeunes. Pourriez-vous nous en parler plus en détail? Les législateurs sont en zone sinistrée en ce qui a trait à la gestion de la crise climatique; nous allons léguer un monde invivable à nos jeunes.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Comme vous le savez tous, nous faisons face aux changements climatiques tous les jours. Nous n'avons qu'à penser à ce qui s'est passé dans les Maritimes et en Nouvelle-Écosse au cours de la fin de semaine. Je crois que la situation affecte énormément les jeunes, et cela commence à paraître. Les jeunes prennent d'assaut les rues pour exprimer leurs inquiétudes face aux changements climatiques et souvent, ils demandent d'avoir une place à la table des négociations. Je crois que c'est l'essentiel du problème: ce sont les jeunes qui subiront les effets de tous ces enjeux, mais ils ne sont pas invités à prendre part aux décisions.
Vous voyez à quel point Mme Jacques est une jeune femme extraordinaire: elle représente une voix importante et elle sait de quoi elle parle.
Nous pouvons écouter davantage les jeunes; ils sont des milliers...
Merci beaucoup.
J'aimerais poser une dernière question à Mme Senn.
Vous avez dit que nous ne pourrons pas améliorer la santé mentale des jeunes femmes et des filles si nous ne réglons pas la question de la violence sexuelle. Vous avez dit que pour ce faire, il fallait notamment... Vous avez parlé de l'importance de l'éducation sexuelle. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi elle est essentielle.
Je vous remercie pour votre question.
Elle est essentielle pour plusieurs raisons. Premièrement, nous savons que sans une éducation sexuelle exhaustive — que la plupart des jeunes et des adultes n'ont pas reçue — on omet de parler des enjeux importants associés aux droits sexuels. On ne fait que parler du corps, de l'anatomie et autres sujets qui ne nous permettent pas d'entretenir de bonnes relations avec les autres ou de savoir comment agir avec les gens qui veulent nous faire faire des choses que nous voulons ou ne voulons pas faire, et qui ne nous permettent même pas de savoir comment entreprendre une relation sexuelle désirée.
Nous savons qu'il s'agit de la base. Sans cela, nous sommes restreints dans ce que nous pouvons prévenir. Il est possible de bien faire les choses, comme le démontre la recherche, en commençant très tôt l'éducation sexuelle, en tenant compte de ce qui est approprié sur le plan du développement, pour ensuite en élargir la portée. Mon programme, qui est le seul programme universitaire donnant lieu à une diminution importante et soutenue des agressions sexuelles, comporte un volet de trois heures sur l'éducation sexuelle émancipatrice. Nous croyons qu'il est très utile en ce qui a trait à la résistance verbale et à la réponse à la contrainte verbale. Lorsqu'elles savent ce qu'elles veulent, les femmes et les filles ont moins de difficulté à naviguer dans un monde où on tente de leur faire faire ce qu'elles ne veulent pas faire.
Bon nombre d'entre vous sont mes amis ou des gens que je connais très bien. J'ai beaucoup de respect pour votre travail.
Madame Pinto, j'ai eu la chance de travailler avec l'organisation Jack. J'étais à l'Assemblée générale de l'ONU et j'ai parlé beaucoup avec les autres des ressources incroyables que vous offrez sur le site BeThere.org. Pouvez-vous nous expliquer votre partenariat avec la fondation de Lady Gaga et BeThere.org?
Bien sûr, merci.
Nous avons créé un programme de certificat, que l'on peut suivre en ligne, sur le site BeThere.org. La formation dure environ quatre heures. Nous demandons aux jeunes ou aux personnes qui ont des jeunes dans leur vie de suivre cette formation. Elle nous enseigne non seulement à détecter nos propres problèmes de santé mentale, mais aussi à aider nos proches. Mme Jacques nous a dit s'être confiée à ses pairs, qui ne savaient pas trop comment l'aider. La formation vous explique comment le faire; elle comprend des jeux de rôle. Lorsqu'ils ont terminé le programme, les gens sentent qu'ils comprennent mieux la santé mentale et qu'ils sont mieux outillés pour aider leurs proches.
Nous travaillons en partenariat avec la fondation Born This Way, de Lady Gaga. Nous avons lancé le programme il y a quelques mois à peine, mais déjà environ 10 000 l'ont suivi. Je recommande à tous ceux qui ont des jeunes dans leur vie de suivre la formation. C'est un excellent programme en ligne.
Merci.
Je crois que cela renforce ce qu'ont dit Mme Singla et la Dre Vigod au sujet du soutien des pairs, entre autres.
Ce que je remarque, dans le cadre de notre conversation, c'est que ce sont des enjeux dont nous parlons beaucoup. Ce qui me préoccupe, c'est que... Nous avons d'excellentes conversations; des témoins fantastiques. Nous parlons beaucoup, mais dans les faits, les actions sont très peu nombreuses. Lors de la campagne électorale il y a près d'un an, tous les partis avaient présenté des initiatives importantes en matière de santé mentale, mais le parti qui a gagné, le Parti libéral, avait promis 4,5 milliards de dollars pour le Transfert canadien en matière de santé mentale, dont 875 millions de dollars auraient dû être octroyés à ce jour, mais cela n'a pas été fait. Notre pays dépense aujourd’hui plus que jamais, mais nous n'arrivons tout de même pas à trouver l'argent nécessaire pour réaliser les promesses faites pendant la campagne électorale il y a un an.
Est‑ce que ces 875 millions de dollars auraient pu changer les choses s'ils avaient été octroyés tel que promis?
Cet argent aurait pu avoir une grande incidence. Le gouvernement fédéral pourrait financer les centres de coordination pour que tout soit intégré et que les normes soient établies, de sorte que nous puissions faire un suivi et nous assurer de faire du bon travail. En gros, cet argent pourrait servir à financer les intervenants, parce qu'il faut des gens pour traiter les gens, peu importe...
Parfait. Merci beaucoup.
Je vois que d'autres personnes ont levé la main, mais il ne nous reste que trois minutes, et je vais céder la parole à Mme Sudds. Vous pourrez peut-être répondre à sa question.
Madame Sudds, vous disposez de trois minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins pour l'excellent travail qu'ils font au quotidien, et pour l'expertise qu'ils nous transmettent aujourd'hui.
Comme nous l'avons beaucoup entendu dire aujourd'hui, le sujet est difficile, et il touche beaucoup de femmes et de jeunes au pays. Le gouvernement ne cesse de dire que la santé mentale, c'est la santé. Il est important de maintenir le dialogue avec les provinces et les territoires pour progresser ensemble et atteindre les objectifs souhaités.
J'aimerais revenir à Mme Singla, si possible.
Vous avez dit, dans votre témoignage, qu'il n'y avait pas suffisamment de professionnels pour répondre aux besoins des jeunes femmes qui demandent du soutien en santé mentale. J'aimerais que nous en parlions, parce que nous n'avons pas abordé ce sujet aujourd'hui. Pourriez-vous nous en dire plus là‑dessus? Est‑ce un problème de conservation du personnel? Est‑ce qu'il faut plus de possibilités de formation? J'aimerais vous entendre à ce sujet.
C'est un problème complexe; il n'y a tout simplement pas suffisamment de personnes au Canada — et ailleurs dans le monde — qui ont la formation requise et qui sont en mesure de prodiguer ces interventions efficaces.
La bonne nouvelle, c'est que nous n'avons pas besoin de gens comme moi ou mes collègues qui sont avec vous aujourd'hui pour offrir ces traitements psychologiques efficaces. Nous avons eu la preuve à maintes reprises, partout dans le monde, que des personnes qui n'ont pas de diplôme spécialisé — les pairs, les travailleurs de la santé, le personnel infirmier, les sages-femmes et les professeurs — peuvent avoir le soutien et la formation nécessaires pour prodiguer ces traitements efficaces aux jeunes femmes, notamment au cours de la période périnatale.
L'investissement dans les fournisseurs non spécialistes entraînera un rendement. Chaque dollar investi dans cette initiative permettra au système de soins de santé de réaliser des économies de trois dollars; notre productivité au travail en sera également améliorée. Nous cumulons ces données depuis 30 à 40 ans.
Au Canada et aux États-Unis, le personnel infirmier et les sages-femmes offrent des traitements psychologiques et je suis certaine que la recherche montrera qu'ils le font de manière tout aussi efficace que les psychiatres et les psychologues.
C'est fantastique. Merci beaucoup.
Nous en sommes à la fin de cette partie de la réunion. Je sais que nos témoins ont une grande expertise et que nous n'avons vraiment pas eu suffisamment de temps avec eux.
Au nom des membres du Comité, je tiens à remercier Mme Austin, Mme Jacques, Mme Pinto, la Dre Buckley, Mme Singla, la Dre Vigod, le Dr Szatmari et Mme Senn d'avoir discuté avec nous aujourd'hui. Je suis certaine que les conversations se poursuivront, parce que j'aurais encore beaucoup de questions à vous poser.
Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous reprendrons à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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