Bienvenue à la 73e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. La réunion se déroulera selon une formule hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Certains députés sont présents dans la salle et d'autres utilisent l'application Zoom.
J'ai quelques consignes à donner aux témoins et aux députés.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et mettez‑le en mode sourdine quand vous n'avez pas la parole.
Des services d'interprétation sont accessibles. Si vous utilisez Zoom, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français au bas de l'écran. Les participants qui se trouvent dans la salle ont à disposition un casque d'écoute et peuvent choisir le canal voulu. Je vous rappelle de toujours vous adresser à la présidence quand vous avez la parole.
Les députés présents dans la salle doivent lever la main pour intervenir. Si vous nous joignez par Zoom, utilisez la fonction de main levée. La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre d'intervention. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité, je vous informe que les témoins qui comparaissent en mode virtuel ont effectué des essais de connexion avant la réunion.
Nous allons maintenant passer à notre étude sur l'équité menstruelle au Canada.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 27 avril 2023, le Comité poursuit son étude de l'équité menstruelle au Canada.
Je présente sans plus tarder notre groupe de témoins pour la réunion d'aujourd'hui.
Nous recevons Mme Suzanne Siemens, la cheffe de direction d'Aisle International. Mme Jillian Johnston, la coordonnatrice pour la défense des droits de la Days for Girls Society, ainsi que Mme Nicola Hill, la présidente du Groupe de travail sur la précarité menstruelle du gouvernement de la Colombie-Britannique, comparaîtront par vidéoconférence. Nous avons aussi avec nous Mme Linda Biggs, la cocheffe de la direction de joni, et Mme Leisa Hirtz, la cheffe de la direction générale de Women's Global Health Innovations.
Nous avons cinq témoins, ce qui est beaucoup, et nous allons filer pendant une heure et demie avec ce groupe. Nous allons donc nous consacrer à cette étude jusqu'à 12 h 30. Les cinq porte-parole disposeront chacune de cinq minutes pour nous présenter leur déclaration liminaire. Je vais agiter les bras pour indiquer que le temps alloué tire à sa fin. Si vous pouvez conclure en 15 secondes, ce serait formidable.
Je cède maintenant la parole à Suzanne Siemens.
Vous disposez de cinq minutes. Nous vous écoutons.
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Merci, madame la présidente, distingués membres du Comité, de mener cette importante étude sur l'équité menstruelle.
Bonjour. Je m'appelle Suzanne Siemens et je suis la cofondatrice et la cheffe de direction d'Aisle. Aisle ayant été créée en 1993, cette année marque notre 30e anniversaire en tant qu'entreprise innovatrice de premier plan en matière de produits d'hygiène menstruelle durables. Nous avons assisté à de nombreux changements au cours des 30 dernières années, mais nous sommes particulièrement enthousiasmés par les récentes modifications législatives apportées au Code canadien du travail et par l'annonce du Fonds d'équité menstruelle. Je suis ici avec mes collègues pour vous dire que vous pouvez compter sur nous pour faire de l'équité menstruelle durable une réalité pour des millions de Canadiennes.
Aisle se spécialise dans la fabrication de serviettes hygiéniques lavables et de sous-vêtements étanches pour les règles. Nos produits sont bien connus pour leur performance durable, leur bilan fiable lors des tests de substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, ou SPFA et les styles inclusifs que nous offrons aux personnes de toutes tailles et de toutes les expressions de genre qui ont des règles. Nous croyons fermement que chacune de ces personnes mérite d'être affirmée et confortable dans son corps pendant ses règles.
Comme mes collègues de Period Purse l'ont souligné devant ce comité la semaine dernière, offrir divers choix de produits et de multiples façons d'accéder aux produits d'hygiène menstruelle est essentiel pour les personnes à faible revenu, celles qui vivent dans des régions éloignées et celles qui vivent avec un handicap. Nous comprenons que les produits jetables traditionnels à base de plastique sont une solution pratique dans de nombreux cas, mais nous savons aussi grâce à nos partenariats avec Centraide en Colombie-Britannique et Period Purse en Ontario que les produits réutilisables comme les serviettes en tissu et les sous-vêtements étanches pour les règles peuvent être un excellent choix pour ces personnes.
Il existe diverses raisons pour lesquelles les produits réutilisables sont privilégiés par de nombreuses utilisatrices. La première a trait au confort et à la tranquillité d'esprit. Parce qu'ils sont réutilisables, ils sont plus facilement accessibles et toujours disponibles. Dans une étude de suivi menée en 2021 par Centraide en Colombie-Britannique, un sentiment souvent exprimé par les utilisatrices est qu'elles préfèrent les produits réutilisables parce qu'ils leur donnent un plus grand sentiment de contrôle et qu'ils réduisent considérablement leur anxiété.
La deuxième raison tient à l'abordabilité et aux économies financières. En plus de notre propre analyse, des études indépendantes montrent que les produits réutilisables permettent d'économiser jusqu'à 15 fois le coût par rapport aux produits jetables à usage unique. En raison de l'inflation et du coût de la vie en hausse chaque année, avoir des produits réutilisables signifie ne pas avoir à établir un budget ou à se procurer de nouveaux produits menstruels chaque mois.
La troisième raison est liée aux économies d'énergies et à la réduction des déchets. Nous avons effectué une analyse du cycle de vie qui montre que l'utilisation des produits Aisle réduit jusqu'à 99 % les déchets dans les sites d'enfouissement, jusqu'à 94 % la consommation d'énergie et de 95 % les émissions de gaz à effet de serre. Ces données environnementales font l'objet d'un suivi en temps réel sur notre site Web.
Aisle est l'une des entreprises de produits d'hygiène menstruelle de type B les mieux classées au monde. Cette certification signifie que nous sommes profondément déterminés à fabriquer des produits éthiques qui profitent à notre collectivité, à nos employés et à notre planète. Depuis des décennies, nous réclamons des changements de politiques, nous faisons de la sensibilisation, nous élaborons des documents éducatifs et nous établissons des programmes avec des partenaires chargés de leur prestation afin d'offrir des produits menstruels durables aux personnes dans le besoin.
Nous estimons que, dans le contexte de l'étude de l'équité menstruelle entreprise par le Comité, le Canada a une occasion parfaite de prendre l'initiative à l'échelle mondiale. Certains pays, dont l'Écosse, ont déjà adopté des mesures législatives prévoyant la fourniture de produits jetables, durables et réutilisables gratuits à toutes les citoyennes. Comme l'a dit Madeleine Shaw, de la Coalition pour l'équité menstruelle durable du Canada, la semaine dernière, il n'y a pas de solution universelle à la pauvreté menstruelle.
Je suis ici pour demander au Comité d'adopter une résolution visant à ce que les produits durables et réutilisables soient au nombre des produits recommandés dans le cadre à la fois du programme qui découlera des modifications au Code canadien du travail et du Fonds d'équité menstruelle.
Sans cette mention explicite, il sera trop facile de revenir au statu quo qui tend à soutenir la fourniture de produits jetables à faible coût à base de plastique, dont beaucoup peuvent prendre des centaines d'années à se biodégrader. Si la fourniture par des petites et moyennes entreprises, ou PME, tenues par des femmes n'est pas expressément prévue dans le processus d'approvisionnement, nous craignons que les grandes multinationales soient le choix facile ou par défaut et qu'elles soient les grandes bénéficiaires du programme. Seraient alors exclues les entreprises, comme la nôtre, qui sont dirigées par des femmes qui ont passé toute leur carrière à offrir des solutions qui accordent la priorité à la santé de la population canadienne et de notre planète.
En tablant sur l'esprit d'innovation des femmes entrepreneures canadiennes, nous avons une excellente occasion de franchir un jalon important vers l'équité menstruelle et d'accorder la priorité à la durabilité, à l'équité entre les sexes et à la prospérité des PME dirigées par des femmes. Ensemble, nous pouvons atteindre un résultat dont nous pourrons tous être fiers.
Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Je serai maintenant ravie de répondre à vos questions.
Bonjour. Je m'appelle Jill Johnston. Je me trouve aujourd'hui chez moi, à London, en Ontario, sur les territoires traditionnels des Anishinabes, des Haudenosaunee, des Lunaapéewak et des Attawandaron.
J'aimerais d'abord vous exprimer mon respect pour le travail que vous accomplissez et vous dire que je suis heureuse de pouvoir y participer.
Je suis la coordonnatrice de la défense des droits de l'organisme Days for Girls Canada. Je suis ici aujourd'hui pour représenter cet organisme et vous parler de notre collaboration avec Changing the Flow dans le cadre d'une initiative appelée Share The Platform.
Nous convenons tous qu'il y a à l'heure actuelle de nombreux obstacles à l'équité menstruelle au Canada. La liste des obstacles figure dans le mémoire que j'ai préparé, mais j'aimerais mentionner en particulier le peu d'information dont disposent les Canadiens sur la santé menstruelle.
En tant qu'enseignante à la retraite, j'accorde une grande importance à l'éducation et je peux témoigner de l'importance de donner accès à des renseignements clairs, précis et inclusifs. En ce qui concerne l'éducation à la santé menstruelle en particulier, mon expérience d'enseignement a commencé quand j'ai pris ma retraite. En tant que cheffe d'équipe de Days for Girls, je suis fière de chaque trousse Days for Girls que mon équipe a cousue, mais je suis encore plus fière de ce que j'ai enseigné en tant qu'ambassadrice de la santé menstruelle de Days for Girls au Kenya, en Haïti, en Guyane et ici, au Canada.
Après chaque distribution, j'ai la certitude que l'information que j'ai partagée a changé la vie de toute une communauté. Dans le cadre de leur travail lié au projet Share the Platform, les organismes Changing the Flow et Days for Girls Canada veulent partager de l'information qui peut changer la vie de toutes les personnes ayant des menstruations au Canada. Dans le cadre de notre travail relatif à Share the Platform, nous employons intentionnellement des termes qui incluent les filles, les femmes, les hommes et les garçons transgenres, les personnes non binaires, les personnes ayant une identité sexuelle changeante, les personnes ayant une identité sexuelle non conforme et toutes les autres personnes qui ont des menstruations.
La vision que nous véhiculons dans Share the Platform est celle d'une santé menstruelle optimale pour toutes les personnes qui ont des menstruations. La santé menstruelle est définie comme un état de bien-être physique, mental et social complet tout au long de la vie des personnes qui ont des menstruations. La définition complète, qui se trouve dans la documentation que j'ai fournie, est plus exhaustive et constitue le fondement de notre travail lié à Share the Platform, qui vise à promouvoir l'équité menstruelle.
Notre collaboration avec Changing the Flow dans le cadre du projet Share The Platform a évolué au cours des deux dernières années. Au départ, nous étions deux organismes œuvrant dans le domaine de la santé menstruelle qui collaboraient pour présenter des événements virtuels bimensuels afin de promouvoir l'équité menstruelle. Notre nouvelle initiative très stimulante consiste à diriger la campagne Period Positive Workplace, pour le Canada. Cette campagne mondiale vise à encourager les entreprises du secteur privé à favoriser un milieu de travail favorable à l'équité menstruelle.
Le projet Share the Platform tirera profit des mesures favorables à l'équité menstruelle au Canada de trois ministères fédéraux. Nous nous réjouissons notamment des mesures prises par le ministère des Affaires autochtones pour veiller à ce que les communautés des Premières Nations reçoivent les produits dont elles ont besoin. Nous avons aussi trouvé passionnant et très encourageant de pouvoir participer au processus de consultation avec Femmes et Égalité des genres Canada et son projet pilote du Fonds d'équité menstruelle, et de constater qu'on nous écoutait.
Le ministère du Travail a récemment annoncé que de nouveaux règlements concernant la santé menstruelle sur les lieux de travail de compétence fédérale seront mis en place d'ici décembre 2023, ce qui constitue un grand pas en avant pour le Canada. Pour Share the Platform, l'initiative du ministère du Travail du Canada sera un modèle à suivre dans le cadre de la campagne sur les milieux de travail favorables à l'équité menstruelle au Canada. Nous encouragerons les entreprises du secteur privé à fournir gratuitement des produits menstruels en milieu de travail et à obtenir la certification Period Positive Workplace. Nous sommes prêts à soutenir les organismes touchés par les nouveaux règlements visant les lieux de travail de compétence fédérale, ainsi que les entreprises du secteur privé que nous ciblons. Nous offrirons de l'éducation, une aide à la mise en œuvre, un accès à des ressources pour les achats et de l'information sur les pratiques exemplaires.
Je conclurai en soulignant que, comme tout comme Share the Platform, les organismes Changing the Flow et Days for Girls Canada reconnaissent que notre gouvernement fédéral donne l'exemple. Nous espérons que le plan en cours d'élaboration évoluera vers un plan d'action durable. Plus précisément, ce plan devra garantir l'accès à des produits menstruels gratuits pour toutes les personnes dans le besoin au Canada; sensibiliser tous les Canadiens afin de faire tomber les barrières à l'équité menstruelle; proposer des mesures incitatives financières aux organismes qui devront investir dans l'éducation et des améliorations structurelles afin d'assurer le plein accès à des produits menstruels gratuits en tout temps et surtout, soutenir les organismes œuvrant dans le domaine de la santé menstruelle partout au Canada dans les efforts qu'ils déploient au service de toutes les personnes ayant des menstruations.
Merci de me donner la possibilité de prendre la parole sur ce sujet. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous sur cette importante question.
Je m'appelle Nikki Hill et je suis la présidente du groupe de travail sur la précarité menstruelle du gouvernement de la Colombie-Britannique. Je me trouve aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé de la Première Nation Katzie.
Le groupe de travail a été créé en mai 2022. Je suis également l'ancienne coprésidente de la campagne « Period Promise » de Centraide en Colombie-Britannique, une initiative que j'ai présentée à l'organisme en 2016.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis sur pied un groupe de travail sur la précarité menstruelle en 2022 afin d'examiner les divers facteurs qui contribuent à cette précarité et de trouver des solutions. Le groupe de travail a pour mandat d'élaborer des recommandations à court, à moyen et à long terme, qui doivent être présentées en mars 2024. Je suis honorée de présider cet organisme. Nous nous réunissons régulièrement pour en apprendre davantage sur l'étendue et l'ampleur de ce problème, qui va de la précarité à la santé menstruelle en passant par l'éducation et la durabilité, de même que les facteurs qui influent sur la précarité menstruelle à l'échelon communautaire et national.
Bien que nous ayons commencé notre travail en grande partie pour répondre au besoin d'acheminer les produits directement aux gens, nous sommes rapidement passés à une campagne fondée sur les politiques à la suite des commentaires du public. Les histoires qui nous ont été rapportées sont trop trop longtemps restées inédites en raison de la stigmatisation entourant les menstruations, qui s'est perpétuée parce que les menstruations n'ont pas suffisamment été abordées dans l'éducation. C'est toujours le cas dans nos systèmes scolaires.
Les gens sont souvent surpris d'apprendre que notre pays stigmatise les fonctions corporelles de base, mais c'est une réalité qui empêche trop de gens de combler leurs besoins et de participer au travail, à l'école, aux sports et aux activités communautaires. Cette situation va perdurer si on ne s'en occupe pas.
Que ce soit l'enseignante qui a acheté des produits menstruels pendant des années à ses frais, sachant que des jeunes de sa classe ne se rendraient pas à l'école sans cela, les travailleuses à faible revenu qui manquent des quarts de travail — et qui perdent de l'argent dont elles ont grand besoin — parce qu'elles ne peuvent pas couvrir le coût des fournitures menstruelles pour leur journée, ou les personnes vivant dans la pauvreté qui doivent utiliser des méthodes non sécuritaires pour gérer les menstruations chaque mois, c'est le genre d'histoires qui ont façonné notre travail. Elles sont corroborées par les résultats de la recherche dont d'autres témoins vous ont fait part.
Il est important de se rappeler que la précarité menstruelle est un symptôme généralisé de la pauvreté et que, par conséquent, les groupes en quête d'équité qui vivent la pauvreté sont les plus susceptibles d'avoir de la difficulté à accéder aux produits menstruels nécessaires. Cela comprend, sans s'y limiter, les Autochtones — qui sont touchés de façon disproportionnée par la pauvreté —, les mères célibataires, les personnes transgenres, les personnes de couleur, les immigrantes et les réfugiées, les personnes handicapées et les jeunes. En tant que symptôme généralisé de la pauvreté, la précarité menstruelle est également étroitement liée à l'insécurité alimentaire des ménages.
Comme les gens ont de plus en plus de mal à subvenir à leurs besoins de base en raison de la hausse du coût de la vie et de l'inflation, qui ont accentué les pressions causées par la pandémie, le problème est plus critique que jamais. Nous savons de première main que des personnes doivent choisir entre les produits menstruels et l'achat d'aliments pour leur famille, ou que des enfants se font arrêter pour avoir volé des produits menstruels que leurs parents n'avaient pas les moyens d'acheter.
Comme il est indiqué dans le rapport du projet de recherche « Period Promise », fournir des produits menstruels au public par l'entremise d'organismes communautaires devrait faire partie d'une stratégie intégrée dans un ensemble de stratégies qui augmenterait considérablement l'accès aux produits menstruels gratuits pour toutes les personnes qui ont des menstruations. Parmi les autres points d'accès pour les produits gratuits recommandés par les répondants au sondage, mentionnons les établissements postsecondaires, les lieux de travail, les toilettes administrées par le gouvernement, les pharmacies et d'autres espaces publics très fréquentés. Ces produits deviendraient accessibles au même titre que le savon et le papier hygiénique.
Les premières recommandations de notre groupe de travail au gouvernement de la Colombie-Britannique — un chef de file au Canada, qui a commencé la distribution de produits menstruels dans le système scolaire de la maternelle à la 12e année en 2019 — comprennent la mise en œuvre de dispositions relatives aux produits menstruels dans les immeubles du gouvernement de la Colombie-Britannique accessibles au public, en mettant l'accent sur des endroits particuliers afin d'accroître l'accès pour les personnes vulnérables. Nous recommandons également de veiller à ce que les personnes déplacées par des situations d'urgence comme des incendies et des inondations aient immédiatement accès aux produits menstruels de base.
Bien que des progrès aient été réalisés dans l'ensemble du Canada, l'élimination de la précarité menstruelle ne se fera pas au moyen d'une approche universelle, et nous avons encore beaucoup de travail à faire. Le gouvernement doit continuer de progresser et de veiller à inclure la fourniture de produits menstruels dans les programmes et les mesures qu'il met en place. Il faut aborder ces questions en gardant à l'esprit qu'elles ne concernent pas seulement les menstruations, mais aussi l'égalité et le progrès socioéconomique.
Je serai heureuse de répondre aux questions du Comité.
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Bonjour. Merci au Comité de mener cette importante étude sur l'équité menstruelle et de m'avoir invitée ici aujourd'hui, de concert avec mes collègues de l'industrie.
Je m'appelle Linda Biggs et je suis cofondatrice et coprésidente de la direction de joni. Joni est une marque de produits menstruels du XXIe siècle dont la mission est de favoriser l'accès à des produits durables pour toute personne qui en a besoin.
Lorsque nous avons lancé joni en 2020, nous avions lu une statistique de Plan International Canada selon laquelle 1 femme sur 3 de moins de 25 ans n'a pas les moyens de s'offrir des produits d'hygiène menstruelle au Canada. Cette statistique est à l'origine de notre modèle de don de 5 %. Nous appliquons ce modèle depuis trois ans en collaboration avec des dizaines d'organismes sans but lucratif canadiens comme Centraide, Moon Time Sisters et The Period Purse, qui nous ont aidés à faire plus de 110 000 dons en produits dans tout le pays, y compris dans les régions éloignées et les communautés autochtones.
C'est aussi en raison de cette statistique, jumelée aux problèmes de distribution auxquels nous avons fait face, que nous avons créé notre emballage novateur destiné directement à notre clientèle et qui nous permet d'expédier nos produits gratuitement partout au Canada. Cela signifie qu'une personne qui habite dans une communauté éloignée et qui paierait normalement plus de 30 $ pour une boîte de serviettes hygiéniques — si elle arrive à en trouver — a maintenant accès à des produits biologiques sans plastique, livrés à domicile, pour le même prix que celle qui habite dans une zone urbaine.
C'est ce type de solutions novatrices dont nous avons besoin, en adoptant une approche « Équipe Canada », pour atteindre l'équité menstruelle au Canada.
Selon freethetampons.org, 87 % des personnes qui ont des règles ont été déjà prises au dépourvu, y compris 34 % qui ont dû quitter l'école, le travail ou la salle de sport pour trouver une serviette hygiénique ou un tampon. Avec une population composée à plus de 26 % de personnes qui ont des menstruations, le fait de rendre accessibles les produits menstruels au même titre que le papier hygiénique pourrait toucher plus de 9 millions de personnes au Canada. L'équité menstruelle, c'est l'accessibilité à des produits menstruels pour toutes les personnes qui en ont besoin.
Quand j'étais jeune, je me souviens d'avoir fait la file dans les banques alimentaires avec ma mère. En tant que nouvelle immigrante en provenance du Mexique, elle cumulait plusieurs emplois pour joindre les deux bouts. De mon côté, je faisais de la nage de compétition. Il m'est arrivé à plusieurs reprises d'emprunter des tampons à des amies et de les porter plus longtemps que recommandé parce qu'il n'y en avait plus à la maison. Même si je n'avais jamais entendu l'expression « précarité menstruelle », je savais que nos moyens financiers nous permettaient rarement de répondre à nos besoins ménagers de base. Souvent, les produits menstruels donnés sont des produits bas de gamme en plastique, et on s'attend à ce que celles qui les reçoivent s'en contentent.
Pouvoir choisir les produits menstruels les plus sains pour nous est une question de dignité. C'est clair pour nous que les produits menstruels durables ne devraient pas être un luxe.
Aujourd'hui, je me trouve dans une situation beaucoup plus privilégiée que dans ma jeunesse. Pourtant, même en tant que fondatrice d'une marque de produits menstruels, il m'arrive encore d'être prise au dépourvu. L'année dernière, ma fille a eu ses premières règles durant la dernière étape de notre voyage de retour de la Nouvelle-Écosse. Comme j'avais laissé tous mes produits dans ma valise enregistrée, je n'ai eu d'autre choix que de passer d'une salle de bain à l'autre, en pleine nuit, à l'aéroport, dans l'espoir de trouver une solution. Il y avait bien des distributeurs, mais soit ils étaient brisés, soit ils étaient vides, soit je n'avais pas la monnaie exacte. Et tous les magasins étaient fermés. J'ai fait au moins cinq salles de bain avant de trouver, par miracle, une serviette hygiénique que quelqu'un avait oubliée.
Malgré ma situation privilégiée, j'ai été prise au dépourvu. Les méthodes traditionnelles comme les distributeurs payants de produits menstruels ne riment pas nécessairement avec accessibilité. C'est pourquoi nous avons récemment conçu, en partenariat avec deux universités canadiennes, le distributeur commercial Freevend intelligent, pour lequel nous avons gagné un prix. Il distribue des serviettes hygiéniques et des tampons en bambou biodégradables et sans plastique ainsi que des tampons entièrement faits de coton biologique avec un emballage compostable. Dans de bonnes conditions, une serviette hygiénique sans plastique prend en moyenne 12 mois à se décomposer, comparativement à 300 ans pour une serviette classique qui contient du plastique.
Ce modèle permet de rendre accessibles des serviettes hygiéniques et des tampons durables dans les lieux publics, au même titre que le papier hygiénique.
En tant qu'entreprise, nous nous engageons à promouvoir l'innovation au sein de cette industrie canadienne grâce à nos partenaires du secteur sans but lucratif et à nos collègues de l'industrie qui sont ici aujourd'hui. Nos innovations favorisent les nouvelles modifications au Code du travail. Elles vont même plus loin en soutenant toute organisation privée qui choisit de rendre son lieu de travail plus équitable par l'offre de produits gratuits aux membres de son personnel, contribuant ainsi à bâtir un écosystème d'accessibilité.
Qu'on travaille au bureau ou en mode hybride, personne ne s'interroge à savoir s'il y aura du papier hygiénique dans son lieu de travail. La même considération devrait s'appliquer pour 26 % de la population en ce qui concerne les produits menstruels. Joni fait partie de la Coalition pour l'équité menstruelle durable, un regroupement de petites et de moyennes entreprises canadiennes dirigées par des femmes qui lutte contre la précarité menstruelle en offrant des solutions durables novatrices à des millions de personnes au Canada et à l'étranger.
Nous croyons qu'il est important de rendre accessibles les solutions réutilisables ainsi que les solutions jetables durables sans plastique. Nous demandons donc à chaque personne ici d'appuyer une résolution visant à inclure les solutions durables des PME canadiennes dirigées par des femmes dans le processus d'approvisionnement du programme d'équité menstruelle du gouvernement.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour. Je m'appelle Leisa Hirtz, fondatrice et cheffe de la direction générale de Women’s Global Health Innovations, une entreprise sociale canadienne qui effectue de la recherche et qui conçoit, fabrique et distribue à l’échelle mondiale sa coupe menstruelle novatrice Bfree Cup.
Je suis une entrepreneure sociale canadienne axée sur l’innovation. Je conçois des produits menstruels avant-gardistes pour aider les personnes qui ont des menstruations à relever les défis complexes associés à la gestion de l'hygiène menstruelle tout en tenant compte de la durabilité sociale, environnementale et économique. La mission de Women’s Global Health Innovations consiste à améliorer la santé menstruelle, et donc la vie des adolescentes et des femmes les plus marginalisées dans le monde.
En tant que signataire du Pacte mondial des Nations unies, nous jouons un rôle essentiel et faisons partie des nombreux participants du secteur privé qui œuvrent activement à l’atteinte des objectifs de développement durable. Selon l’UNICEF, 1,8 milliard de personnes dans le monde ont leurs règles tous les mois et, selon la Banque mondiale, 500 millions d'entre elles n’ont pas accès à des produits et à des installations sanitaires adéquates pour gérer leur hygiène menstruelle en toute sécurité et avec dignité.
J’ai eu l’idée de créer la Bfree Cup après avoir constaté que les adolescentes et les jeunes femmes qui vivent dans les bidonvilles et les camps de réfugiés du Kenya et de l’Ouganda font face à des conditions extrêmement difficiles en ce qui concerne la gestion de leurs règles.
Le manque d’accès à de l’eau potable, à des produits menstruels abordables et à des installations sanitaires privées et conviviales pour les femmes a donné lieu à des comportements à risque, y compris le commerce du sexe pour acheter des serviettes hygiéniques, le recours malsain à des produits de fortune comme de vieilles chaussettes, de la bourre de matelas, de la peau de chèvre, de la bouse de vache séchée et, apparemment, le lavage et la réutilisation de serviettes hygiéniques conçues pour un usage unique. Des filles ont même affirmé qu'elles roulent les serviettes hygiéniques pour les insérer dans leur vagin parce que bon nombre d’entre elles n’ont pas de sous-vêtements pour les maintenir en place.
À l’inverse, la possibilité de réutiliser les coupes menstruelles, et donc leur accessibilité accrue, offrait une solution plus saine mais, malheureusement, la nécessité de les faire bouillir avait un effet dissuasif quant à leur adoption.
J’ai été surprise d’apprendre que cette réalité n’est pas uniquement présente au Kenya ou en Ouganda, mais que des histoires semblables existent ici, au Canada.
La Bfree Cup est une innovation fièrement canadienne conçue en partenariat avec des chercheurs de la faculté de génie de l’Université de Toronto. La Bfree Cup a été la première, et elle demeure la seule coupe menstruelle antibactérienne sur le marché actuellement. Sa surface empêche la formation d’un film biologique — et donc de bactéries —, ce qui signifie que contrairement à toutes les autres coupes menstruelles, il n’est pas nécessaire de la faire bouillir après chaque menstruation.
Il est facile de nettoyer la Bfree Cup. Il suffit de la rincer légèrement ou de la nettoyer avec un linge. La Bfree Cup a été décrite par un concepteur principal de produits menstruels chez Johnson & Johnson comme la première véritable innovation dans ce domaine depuis que Kotex a ajouté de l’adhésif au dos de ses serviettes hygiéniques.
En ce qui concerne la durabilité environnementale, une Bfree Cup peut être utilisée pendant plus de 10 ans et peut donc remplacer de 3 000 à 5 000 produits jetables à base de plastique, qui prendront pour la plupart de 500 à 800 ans pour se décomposer dans les sites d’enfouissement. Jusqu’à maintenant, la Bfree Cup a permis d’éviter que 1,2 million de produits jetables se retrouvent dans les sites d’enfouissement et d’économiser plus de 185 000 litres d’eau, et elle a été utilisée par plus de 18 000 adolescentes et femmes marginalisées en Afrique et en Amérique du Sud, ainsi que des femmes autochtones aux États-Unis.
Nous avons mis des projets en œuvre au Kenya et en Ouganda, et nous avons soutenu de nombreux autres projets et programmes en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud, en tablant sur une conception axée sur l’utilisatrice.
Un projet pilote mis en place dans deux écoles secondaires du nord de l’Ouganda, soutenu par une subvention du Fonds des Nations unies pour la population, nous a permis d’offrir des Bfree Cup à 350 écolières et de leur fournir de l’information à ce sujet. À la fin du projet pilote, un taux d’adoption du produit de 91 % a été documenté chez les participantes. Nous sommes déterminés à poursuivre la recherche et le développement, tout en élargissant notre capacité de production ici au Canada. Des recherches sont en cours, en partenariat avec l’Université McMaster, pour la conception de deux nouveaux produits menstruels qui élargiront le choix dont les utilisatrices disposent en matière de produits écologiquement viables.
J’aimerais ajouter que Bfree est fier d’être membre de la Coalition canadienne pour l’équité menstruelle durable, que le Comité a déjà entendue.
Grâce à notre travail de collaboration, nous combinons des décennies d’expérience canadienne et internationale afin de mettre fin à la précarité menstruelle et d’exiger des changements de politique au Canada. Nous voulons sensibiliser les gens aux défis que bon nombre de Canadiennes doivent relever pour gérer leurs règles avec dignité et instaurer des initiatives permettant de fournir des produits menstruels de qualité, sûrs, exempts de dioxine et durables afin de répondre à la demande, tant au pays qu’à l’étranger.
Travaillons ensemble et déployons une approche « Équipe Canada » pour nous assurer d’atteindre l’équité menstruelle ici, mais également dans le monde. Pour ce faire, tirons profit des connaissances et de l’expérience de nos entrepreneures et innovatrices canadiennes, et instaurons une norme nationale exhaustive et durable, tant sur le plan social que sur le plan environnemental et économique.
Je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole aujourd’hui.
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Merci de poser cette question.
Je précise tout d'abord que je ne suis pas amenée à collaborer directement avec le Fonds d'équité menstruelle dans le cadre de mon travail en Colombie-Britannique. Cela dit, c'est clair que le travail associé au Fonds et d'autres activités communautaires de ce genre contribuent de manière importante à notre travail.
La structure établie par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour notre groupe de travail sur la précarité menstruelle comporte un volet essentiel de subventions pour les organismes communautaires. Nous réfléchissons à des solutions adaptées aux communautés. Comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est très important. Le groupe de travail a été constitué en Colombie-Britannique parce que le problème est systémique et qu'il n'existe pas de solution unique, valable pour toutes les personnes.
Le système de subventions que nous avons établi en Colombie-Britannique, qui comprendra une étude complète et la production d'un rapport, est le deuxième du genre. Le premier système a permis de réunir les données utilisées dans le cadre du projet de recherche Period Promise mené par Centraide en Colombie-Britannique, auquel plusieurs témoins ont fait référence au cours de la dernière semaine. Cette étude a permis de recueillir les témoignages des personnes directement touchées, ce qui est fondamental. Pour ce qui concerne le Fonds d'équité menstruelle et l'orientation possible… Je crois qu'il y a beaucoup de similitudes avec le travail que nous avons fait en Colombie-Britannique, où nous avons parlé aux personnes ayant des besoins dans les communautés parce que ce sont elles qui peuvent nous dire ce qui fonctionne ou non, et sur quoi il faut mettre l'accent. Je pense que c'est fondamental.
Personnellement, je n'ai jamais connu la précarité menstruelle, même si c'est une cause pour laquelle je milite depuis des années. Il est toujours très important d'écouter les voix venues de la communauté, et ce le sera certainement pour le Fonds d'équité menstruelle.
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Sur le plan de la pauvreté menstruelle, il faut accorder la priorité à certains groupes, que j'ai mentionnés dans mon exposé. Nous devons nous préoccuper particulièrement des personnes vulnérables. Nous avons observé que les répercussions sont particulièrement disproportionnées pour les Autochtones, les personnes handicapées et les jeunes d'âge postsecondaire.
Cela dit, il ne faut pas oublier que ce travail vise aussi — je crois que d'autres témoins l'ont souligné — à ce que les produits menstruels soient accessibles au même titre que le papier hygiénique et le savon dans les salles de bain. Je pense que des progrès ont été faits pour ce qui est d'offrir d'office des produits menstruels dans les lieux publics.
Il est important dans le cadre de notre travail de réaliser que l'offre de produits menstruels dans les lieux publics ne garantit pas forcément leur accès aux personnes vulnérables qui ne fréquentent ni un lieu de travail ni l'école. Nous l'avons bien vu durant la pandémie, quand ces lieux étaient fermés. Même si des produits menstruels y étaient offerts…
Il faut aussi, comme je l'ai dit déjà, trouver des façons de parer aux besoins urgents dans des situations comme les inondations ou les incendies. Quand des personnes sont évacuées, il faut assurer l'accès rapide à ces produits de base.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins qui sont avec nous dans la salle et en ligne. Merci de nous faire profiter de votre expertise et de votre travail dans ce dossier.
J'ai beaucoup de questions. Je vais commencer en ligne, avec Mme Johnston.
Vous avez un peu parlé de la campagne sur les milieux de travail favorables à l'équité menstruelle et de la certification visée. Vous avez également parlé des changements annoncés par le ministre O'Regan au code du travail, qui entreront en vigueur en décembre de cette année et au titre desquels des produits menstruels seront offerts dans les milieux de travail sous réglementation fédérale.
J'aimerais vous entendre au sujet de l'effet de synergie de ces initiatives et de la possibilité de collaborer à la campagne et d'élargir les efforts pour tirer profit de la certification de milieu de travail favorable à la santé sexuelle.
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Merci de cette question.
Elle est très intéressante. C'est clair qu'il serait très avantageux de lier les deux. Les mesures concernant les milieux de travail sous réglementation fédérale sont très similaires, sinon identiques à celles que nous aimerions voir instaurer dans les entreprises privées. Nous aimerions beaucoup tirer parti du leadership dont fait preuve notre gouvernement. Son soutien serait très apprécié.
La collaboration est la clé selon moi. La collaboration au sein du gouvernement, entre tous les organismes qui militent pour la santé menstruelle à l'échelle du Canada et entre le gouvernement et ces organismes… Nous pouvons y arriver si nous travaillons tous ensemble.
La collaboration est un des principes fondateurs de Share the Platform, le projet que nous avons mis sur pied avec Changing the Flow. Les plans que nous a proposés la coalition internationale Period Positive Workplace… Je souligne au passage que Days for Girls International étant un des cinq organismes qui ont fondé la coalition, nous avons directement accès à toutes les données qu'elle utilise. Notre travail consiste à les canadianiser.
Nous voulons insister entre autres sur l'importance de la gratuité des produits dans les milieux de travail. Nous avons vraiment le sentiment qu'il existe de très nombreuses possibilités d'établir des liens avec les propriétaires d'entreprises, notamment, pour diffuser l'information sur tous les produits dont vous avez entendu parler aujourd'hui, comme les produits écologiques, biodégradables, durables, sûrs et fabriqués au Canada par des entreprises dirigées par des femmes. C'est une merveilleuse occasion de partager l'information avec les entreprises et de les tenir au fait de l'éventail de produits qu'elles peuvent se procurer pour offrir une gamme complète de produits à leur personnel.
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Je vous remercie de votre question.
Grâce à nos enquêtes et à nos données, parce que nous voulons nous appuyer sur l'expérience des gens, on nous a dit que les personnes qui n'ont pas l'accès à des produits et la capacité de les changer régulièrement sont confrontées à de nombreux problèmes. Le fait de garder sur soi les produits trop longtemps est un problème. Nous savons qu'il existe des directives concernant la durée d'utilisation d'un tampon, d'une serviette hygiénique ou d'un autre produit. Si la personne n'a pas un nombre suffisant de produits, elle garde celui qu'elle a plus longtemps, ce qui pose un problème de santé. En outre, nous entendons souvent dire que les personnes n'utilisent pas ce que nous considérons comme des produits d'hygiène menstruelle ordinaires. Elles utilisent des chiffons ou des serviettes en papier qu'elles prennent un peu partout — des choses qui ne permettent pas de répondre à ce que nous considérons tous comme des besoins d'hygiène de base.
Je crois que, dans de nombreux cas, nous constatons qu'elles n'ont pas la possibilité de choisir, ce qui signifie que nous avons entendu des histoires de personnes qui se rendent au travail et qui saignent dans leur pantalon, par exemple. Nous avons entendu ces histoires en particulier de la part de personnes qui travaillent dans des endroits fortement dominés par les hommes. Il se peut qu'elles soient la seule femme à travailler. Nous continuons à constater un manque d'accès aux produits et aux installations sanitaires pour que les personnes puissent se laver. Cela les met dans des situations dangereuses pour leur santé.
C'est une excellente question. Je travaille beaucoup au Kenya avec des partenaires — l'Association des Guides du Kenya —, ainsi qu'avec certaines personnes responsables politiques. Le Kenya est le premier pays à disposer d'une politique individuelle de gestion de la santé menstruelle. L'objectif était de fournir des produits d'hygiène menstruelle à toutes les écolières du pays.
Cette politique est en place. Il s'agit d'une question complexe, et c'est là que les produits durables entrent en jeu, car les problèmes que posent les produits à usage unique sont liés à la distribution et aux ruptures de stock, ainsi qu'aux installations sanitaires adaptées aux besoins des femmes.
Le Kenya est en avance. Il a été le premier pays à éliminer les plastiques à usage unique.
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Absolument. Je vous en remercie.
Je crois qu'il y a des enfants à la maison qui n'ont pas accès à des produits, qui n'ont pas d'argent pour en acheter, et leurs parents non plus.
Je vais passer la parole à Mme Hirtz.
Je voudrais parler un peu du manque d'accès à l'eau et de la nécessité d'avoir des services d'hygiène en dehors de la maison au Canada. J'ai parlé à de nombreuses jeunes filles d'âge scolaire qui ont leurs règles. Elles m'ont dit que le fait de ne pas avoir accès aux toilettes lorsqu'elles utilisent les transports en commun est un obstacle à l'utilisation de ce mode de transport. Cela me fait croire que nous devons avoir accès à l'eau courante.
Madame Hirtz, pourriez-vous nous expliquer en quoi le manque d'accès aux services d'hygiène est difficile? Vous avez mentionné le fait que cet accès n'était pas indispensable avec les coupes Bfree, mais je crois que l'intimité est toujours nécessaire. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
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C'est une bonne question. Je vous remercie de votre attention.
Nous avons lancé la campagne pour un lieu de travail favorable à la santé menstruelle lors de la journée de la santé menstruelle, le 28 mai, et nous n'avons donc pas eu beaucoup de temps. À ma connaissance, nous en avons jusqu'à présent cinq ou peut-être six. Nous approchons certaines entreprises. Nous avons embauché, par l'intermédiaire d'Emplois d'été Canada, deux étudiants qui nous aident à mener la campagne. Nous commençons à proposer nos séances virtuelles de « Comment devenir un ». Le mot se répand. Quinze personnes se sont inscrites à notre première séance, qui aura lieu demain. Nous espérons que d'ici demain, 15 autres entreprises se seront inscrites.
C'est en train de progresser. Nous espérons que les choses avanceront très rapidement.
Je vous remercie de votre question.
Je tiens à remercier tous les témoins. Non seulement vous nous éduquez, mais aussi, pour le public qui nous regarde, vous vous attaquez aux tabous et à la stigmatisation. Je crois que le simple fait que vous soyez ici en tant que témoins contribue énormément à cet objectif.
Je crois qu'en tant que comité composé de féministes, dont beaucoup sont ou ont été menstruées, nous disposons de nombreux renseignements que beaucoup d'entre nous ne connaissaient même pas. Cela nous dit quelque chose, alors merci beaucoup.
La question que je voulais vous poser porte précisément sur ce sujet: certaines d'entre vous ont dit que leur engagement dans ce domaine avait commencé par un travail de développement international. Je suis également secrétaire parlementaire du ministre du Développement international. Je trouve cela intéressant parce que j'ai toujours considéré le développement comme une conversation à double sens. Il ne s'agit pas seulement d'aller essayer de transmettre des connaissances à d'autres pays, mais aussi d'apprendre en retour en partageant toutes les différentes pratiques.
Madame Siemens, vous avez mentionné l'Écosse comme un pays très performant. Plus tôt, l'une d'entre vous a mentionné le Kenya et les politiques qui y sont menées. Je me demande si vous pourriez nous parler de pays ou de gouvernements qui ont de très bonnes politiques que le Canada et notre comité pourraient examiner de plus près et dont ils pourraient s'inspirer.
Allez‑y.
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Ceux qui sont en ligne, voulez-vous ajouter quelque chose?
Ai‑je le temps de poser une autre question, madame la présidente?
La présidente: Bien sûr.
Mme Anita Vandenbeld: Vous avez toutes mentionné les produits d'hygiène menstruelle durables et réutilisables. Je peux dire que nous examinons actuellement cette question dans le contexte de celles qui n'ont peut-être pas les moyens d'acheter des produits d'hygiène féminine et qui veulent des produits réutilisables. J'imagine qu'il existe un énorme marché de personnes désireuses de respecter l'environnement, qui sont peut-être privilégiées et peuvent se permettre d'acheter des produits de plastique, mais qui préfèrent faire quelque chose qui sera meilleur pour l'environnement et pour notre avenir.
Vous avez parlé des acquisitions. Je me demande s'il existe des moyens de s'assurer que ces types de produits ne sont pas perçus et stigmatisés comme étant destinés aux collectivités les plus vulnérables et marginalisées, par opposition à quelque chose qui devrait probablement être commercialisé pour tout le monde.
Je vous donne la parole à toutes. Celles qui veulent répondre en premier peuvent le faire.
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Merci, madame la présidente.
Je vais poser ma question à Mme Biggs, puis, si j'ai le temps, Mme Hill pourrait ajouter quelques observations.
Madame Biggs, vous avez mentionné votre participation à des activités sportives lorsque vous étiez plus jeune. Lorsque je rends visite à des lycéens, j'entends souvent des filles et des personnes de genre divers dire qu'elles n'ont pas fait de sport et qu'elles n'ont certainement pas participé à des compétitions hors de la ville ou à des sports de compétition en raison du manque d'accès aux produits d'hygiène menstruelle.
Pourriez-vous nous dire ce que vous croyez que le gouvernement pourrait faire pour les aider? Le gouvernement fédéral finance des organisations sportives dans ce pays. Comment pourrions-nous utiliser ces moyens et ces outils pour faire en sorte que tout le monde puisse participer équitablement au sport?
Si vous me permettez de répondre à cela... Nous touchons nos clientes de la façon dont elles veulent être touchées. Elles utilisent les médias sociaux. Elles utilisent des outils qui leur sont accessibles et auxquels elles aiment accéder.
En réponse à la question des employeurs sur le coût de ce produit, comme nous l'avons déjà dit, les produits réutilisables permettent d'économiser, dans notre cas particulier, 15 à 20 fois le coût des produits jetables, car il n'est pas nécessaire de les réapprovisionner en permanence dans les toilettes et de s'occuper des installations et de l'entreposage. Nous pouvons fournir aux employeurs des données fiables sur les économies qu'ils réaliseront en fournissant des produits réutilisables à leur personnel. Les employées bénéficient également de cette commodité, si elles travaillent à domicile, ce qui est le cas d'un grand nombre d'entre elles. Il y a là un argument économique très fort, ainsi qu'un argument environnemental.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie infiniment toutes les témoins qui ont présenté aujourd'hui de bonnes recommandations, dont bénéficiera notre étude sur l'équité menstruelle pour les femmes, les filles, les personnes trans ou non binaires. L'équité menstruelle et la pauvreté au Canada sont des sujets très importants.
Avant de poser ma première question, j'aimerais mentionner que les employeurs du secteur privé ont une responsabilité, point final. Ils fournissent déjà le savon et le papier de toilette, mais ils ne demandent pas aux employés de les payer. Alors, comme la moitié du personnel des entreprises privées devrait être des femmes, ces entreprises devraient aussi couvrir les produits menstruels.
Vous avez toutes un peu parlé du rôle philanthropique que vous jouez et de l'importance de l'accessibilité, c'est-à-dire de joindre les jeunes filles et les femmes en milieu rural et dans les écoles. Vous avez aussi parlé de la livraison des produits à la maison.
Madame Biggs, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour aider le secteur privé et le secteur philanthropique à encourager ce genre de pénétration dans les milieux ruraux, les maisons et les écoles?
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Je crois que les modifications du Code du travail sont un excellent début pour donner le ton de ce qui est exigé dans nos milieux de travail. Comme vous l'avez mentionné, tout comme le papier hygiénique est fourni — nous ne remettons jamais en question son coût; c'est un produit essentiel —, nous pensons que les produits de soins menstruels devraient l'être aussi. Nous devrions également examiner le coût de renonciation que représente l'absence de ces produits, ainsi que les statistiques sur les personnes qui quittent leur emploi pour trouver une solution.
En ce qui concerne les milieux de travail privés, le concept est le même. Vous avez une équipe et vous envisagez d'acheter du papier hygiénique. Comment intégrer dans votre lieu de travail un autre produit essentiel que 26 % de la population va utiliser?
Ce qui compte, ce sont les conversations sur cette question. Elles sont très semblables.
Cependant, dans les collectivités rurales... L'un des problèmes que nous avons constatés est celui de la distribution, comme vous l'avez mentionné. La collaboration avec nos partenaires à but non lucratif présents dans ces collectivités a été un moyen essentiel pour nous d'atteindre le public avec les produits que nous avons donnés. Un grand nombre des partenaires à but non lucratif participant à ce projet — comme en témoignent les témoins présents aujourd'hui et aux réunions précédentes — se trouvent dans ces collectivités et mènent ces conversations importantes. Nous travaillons directement avec eux, et avec des dizaines d'entre eux dans tout le pays, pour pouvoir atteindre ces collectivités.
Ma deuxième question s'adresse à Jillian Johnston.
Nous avons parlé du rôle du secteur privé, et vous avez mentionné les changements en cours dans le Code du travail. Vous avez parlé avec ma collègue plus tôt de certaines des recommandations pour des synergies avec le secteur privé et le gouvernement fédéral — et avec les provinces, dans une certaine mesure.
Lorsque nous parlons de produits d'hygiène menstruelle, il est évident qu'il y a un coût matériel, mais vous avez également mentionné l'éducation. Plusieurs témoins ont parlé d'éducation. Ce matin, par exemple, il y avait un article sur la ménopause au travail. Dix pour cent des femmes quittent leur emploi en raison de la stigmatisation liée à la ménopause. Cela représente une perte d'environ un milliard de dollars pour l'économie canadienne.
J'aimerais savoir s'il existe un lien avec ce que vous faites du côté des employeurs — l'éducation — lorsque vous parlez des produits d'hygiène menstruelle. De plus, comment envisagez-vous le continuum lorsque vous examinez la ménopause, lorsque vous examinez l'ensemble de la durée de vie sur le lieu de travail? Existe‑t‑il des liens? Avez-vous des recommandations à nous faire à l'échelle fédérale?
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Je vous remercie. C'est une excellente question.
Dans notre travail, nous revenons sans cesse à la définition de la santé menstruelle, et je vous encourage à consulter les notes que j'ai fournies et à voir quelle est la définition. Elle est incroyablement complète et détaillée, et elle couvre tout, y compris la durée de vie d'une personne qui a ses règles.
Nous ne considérons pas seulement les règles comme les cinq jours pendant lesquels il y a des saignements et un problème, mais nous considérons les 28 jours du cycle qui se reproduit pendant une très longue période, puis les menstruations se terminent avec la ménopause, mais cela fait toujours partie du cycle menstruel; donc, vous avez raison.
Vous avez fait votre travail. Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question. Il est très important de s'en souvenir, et nous espérons pouvoir partager cela lors de nos séances virtuelles dans le cadre du projet que nous menons sur le lieu de travail favorable à l'équité menstruelle. C'est le genre d'éducation que nous voulons donner.
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Parfait. Je vous remercie de votre attention.
Il nous reste sept minutes, soit environ une minute et demie par groupe.
J'aimerais poser une question, puis nous passerons au groupe suivant, avec Mme Sidhu pour sa minute et demie. Je vais commencer tout de suite. Je me donne une minute.
Merci beaucoup à tous. Je vous suis reconnaissante de votre présence.
Madame Biggs, je sais que nous avons beaucoup parlé de la distribution. Pour moi, la distribution est l'un des plus grands défis que nous ayons à relever, en particulier dans le Grand Nord et dans certaines des collectivités éloignées.
Il existe d'excellentes options par l'intermédiaire de Centraide et d'autres choses de ce genre, mais comment faire parvenir l'aide à ces collectivités éloignées alors qu'il est déjà si difficile d'obtenir de la nourriture et d'autres articles de ce genre?
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Oui. Je vous remercie de votre question.
La solution est très complexe, et il n'y aura donc pas d'approche unique. Il s'agit d'adopter une approche innovante quant à la manière dont le soin des règles est réparti et aux options disponibles.
En ce qui concerne les produits jetables et réutilisables, il ne s'agit pas nécessairement d'un choix entre l'un et l'autre. On peut utiliser les deux. Au travail, c'est la même chose que le papier toilette. Les femmes ont besoin de ce produit lorsqu'elles vont travailler. Nous devons fournir des produits accessibles, puis adopter une optique durable, car lorsque nous examinons l'impact de ces produits et le nombre de personnes qui les utilisent, nous pouvons faire mieux en fournissant des produits jetables, biodégradables et compostables.
Je crois qu'il faudra collaborer à tous les niveaux, avec nos partenaires à but non lucratif, avec des organisations comme joni, Aisle et Bfree Cup, qui sont ici aujourd'hui, parce que chacune d'entre nous apporte une solution unique et une optique unique pour pouvoir élaborer une solution à long terme dans cet espace qui requiert vraiment — disons‑le encore une fois — l'approche d'Équipe Canada, parce que c'est vraiment important.
Je remercie les témoins et j'aimerais qu'une d'entre elles réponde à la question suivante.
En mars 2021, la population de 92 municipalités québécoises et de 8 arrondissements montréalais pouvait se prévaloir d'un programme de subvention pour l'achat de produits menstruels réutilisables. Cela représentait 2 042 431 personnes, soit 24,9 % de la population au Québec. En outre, le gouvernement du Québec a déjà effectué des études sur la question, notamment celle intitulée « Faciliter l'accès aux produits menstruels: mesures possibles », menée par le Conseil du statut de la femme du Québec. De nombreuses municipalités au Québec ont adopté des mesures pour faciliter l'accès aux produits menstruels.
L'appareil fédéral pourrait-il offrir des moyens financiers pour mettre en place des initiatives semblables? Je pense au Québec, mais nous avons ici une témoin qui vient de la Colombie‑Britannique. Cela relève du système de santé. Ainsi, il s'agirait d'augmenter le Transfert canadien en matière de santé pour donner au Québec et aux provinces les moyens financiers de mettre en place des initiatives de ce genre.
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Merci pour cette pétition. Je crois qu'il est très important pour les décideurs, même sur le plan de recommandations et de questions, d'examiner quels programmes et quelles politiques peuvent être modifiés. Lorsque vous envisagez d'élaborer un programme d'aide, par exemple, ce programme tient‑il compte de la nécessité de fournir plus d'argent aux personnes qui ont leurs règles pour qu'elles puissent avoir accès à des produits d'hygiène menstruelle?
Les changements apportés au Code du travail sont importants, et nous allons examiner des mesures semblables en Colombie-Britannique concernant les normes d'emploi et WorkSafe, car il s'agit de mesures importantes. Lorsque vous examinez les plans de réduction de la pauvreté, tenez-vous compte, dans ces programmes, de l'accès des personnes aux plans de gestion des urgences?
Il est extrêmement important de ne pas considérer cette question dans le cadre uniquement d'une loi ou d'un fonds. Il faut adopter une approche holistique qui applique cette lentille pour s'assurer que la question est effectivement abordée dans les domaines de l'éducation, de la pauvreté et des services dans le Nord.
Je vous remercie de votre attention.