Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour. Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la réunion no 56 du Comité permanent de la condition féminine.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. J'aimerais formuler quelques observations pour la gouverne des témoins et des membres.
Je vois que quelques témoins sont en ligne. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole. Pour le service d'interprétation pour ceux qui participent par Zoom, vous avez le choix du parquet, de l'anglais ou du français, et pour ceux qui sont dans la salle, utilisez l'interprétation sur l'écouteur.
Chers collègues, si vous souhaitez intervenir, veuillez lever la main. La greffière et moi gérerons la liste des intervenants.
Conformément aux affaires courantes du Comité, tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont effectué les tests de connexion avant la réunion d'aujourd'hui.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février 2022, le Comité reprend son étude de la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, j'aimerais faire une mise en garde. Comme Mme Sudds l'a dit, nous faisons des mises en garde ici. Ce sera une étude difficile. Nous discuterons d'expériences liées à des abus. Elles déclencheront peut-être des émotions chez ceux qui nous écoutent, les membres ou le personnel qui ont vécu des expériences semblables. Si vous ressentez de l'angoisse ou que vous avez besoin d'aide, veuillez le faire savoir à la greffière ou à moi.
Il est maintenant 16 h 10. La réunion d'aujourd'hui se déroulera jusqu'à 18 heures, alors ce ne sera pas deux heures complètes. Nous nous rendrons jusqu'à 18 heures. Ma seule préoccupation, c'est que nous verrons à quoi ressemble le deuxième groupe de témoins, et je prendrai donc probablement cinq minutes ici et là, ne vous en déplaise, mais je sais faire mes calculs et je connais l'alphabet.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
Nous accueillons, du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, Crystal Garrett-Baird, directrice générale pour la violence fondée sur le sexe.
Du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, nous recevons Alexis Graham, directrice, Politique et programmes sociaux et discrétionnaires, Direction générale de la migration sociale et temporaire, et Sarah Hayward, directrice, Visiteurs, permis et initiatives horizontales, orientation du programme d'immigration.
Du ministère de la Justice, nous accueillons Nathalie Levman, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal.
Les témoins disposeront de cinq minutes chacun. Je commencerai avec le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres.
Mon nom est Crystal Garrett-Baird. Je suis la directrice générale responsable de la lutte contre la violence fondée sur le sexe à Femmes et Égalité des genres Canada.
J'aimerais commencer par reconnaître la terre sur laquelle je me présente à vous comme étant celle du territoire traditionnel et non cédé de la Première Nation mi'kmaq d'Abegweit.
[Français]
Je tiens à remercier le Comité de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui, au nom du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres, au sujet de la traite de personnes, une forme de violence fondée sur le sexe.
[Traduction]
Un grand nombre de personnes subissent de la violence en raison de leur sexe, de leur genre, de leur identité de genre, de leur expression de genre ou de leur identité de genre perçue, ce qui constitue de la violence fondée sur le sexe.
Les données démontrent que la traite des personnes est un crime genré. Selon les incidents déclarés à la police entre 2011 et 2021, 96 % de toutes les victimes repérées étaient des femmes et des filles, dont 71 % d'entre elles avaient moins de 25 ans. La traite des personnes a également des répercussions disproportionnées sur les femmes et les filles autochtones, les personnes 2ELGBTQI+ ainsi que leur famille et leur collectivité.
[Français]
Le gouvernement du Canada prend des mesures pour lutter contre la violence fondée sur le sexe. Il le fait dans le cadre de certaines initiatives, dont la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes 2019‑2024 et le Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, qui a été lancé récemment.
La Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes, dirigée par Sécurité publique Canada, regroupe les efforts fédéraux en un seul cadre stratégique dont l'approche est globale, coordonnée et multidimensionnelle.
[Traduction]
Dans le cadre de la stratégie nationale, Femmes et Égalité des genres Canada finance 42 projets qui représentent un investissement total de près de 14 millions de dollars. Ces projets, qui font l'objet d'appels de propositions, sont réalisés dans des communautés à la grandeur du Canada. Ils sont dirigés par des partenaires de la société civile de différents lieux géographiques, de différentes tranches démographiques et d'expériences de vie diverses.
Les projets visent à prévenir et à contrer la traite des personnes et à soutenir les populations à risque, les victimes et les personnes survivantes, qui sont parmi les milliers de personnes visées par les initiatives financées par FEGC.
En plus de ces travaux, le budget de 2021 prévoyait un investissement de 601,3 millions de dollars sur cinq ans pour lutter contre la violence fondée sur le sexe. De ce financement, Femmes et Égalité des genres Canada a reçu 105 millions de dollars pour améliorer le Programme de lutte contre la violence fondée sur le sexe. Une partie de ce financement appuie des initiatives visant à mettre fin à la traite des personnes et à améliorer les mesures de soutien offertes aux populations à risque.
Dans le budget de 2021, le ministère a également reçu 30 millions de dollars pour des lignes d'aide téléphonique en cas de crise visant à répondre aux besoins urgents des Canadiennes et des Canadiens victimes de violence fondée sur le sexe. Les lignes d'aide téléphonique peuvent être une bouée de sauvetage pour les victimes et les personnes survivantes, et leur financement est essentiel pour offrir aux personnes survivantes et à leur famille, y compris les victimes de la traite de personnes, l'aide dont elles ont besoin, au moment où elles en ont besoin.
Le budget de 2022 prévoyait 539,3 millions de dollars pour appuyer les provinces et les territoires dans leurs efforts de mise en oeuvre d'un Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Ce plan a été lancé en novembre 2022 par l'entremise du Forum fédéral, provincial et territorial des ministres responsables de la condition féminine. Le Plan d'action national repose sur plus de 1 000 recommandations formulées au cours des années de consultation.
Le plan fournit un cadre par l'entremise duquel les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux feront du Canada un pays exempt de violence fondée sur le sexe qui soutient les victimes, les personnes survivantes et leur famille. Le plan s'harmonise à la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes, le Plan d'action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées et la voie fédérale, tout en les complétant.
[Français]
Le plan d'action national repose sur plusieurs piliers: le soutien aux victimes, aux personnes survivantes et à leurs familles; la prévention; un système de justice adapté; la mise en œuvre d'approches dirigées par les Autochtones; une infrastructure sociale et un environnement habilitant fondés sur les qualités de chef, la coordination et la mobilisation; des données, de la recherche et des connaissances; ainsi que la production de rapports et de la surveillance.
[Traduction]
Le Plan d'action national aide les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à s'appuyer sur les initiatives existantes et à continuer de travailler avec les victimes et les personnes survivantes, les partenaires autochtones, les fournisseurs de services directs, les organismes de la société civile, les spécialistes et les chercheuses et chercheurs pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe au Canada, y compris la traite des personnes.
Honorables députés de la Chambre des communes et membres du Comité permanent de la condition féminine, bonjour.
[Traduction]
Je suis Alexis Graham, responsable des politiques et programmes sociaux et discrétionnaires à IRCC. Je suis accompagnée de ma collègue, Sarah Hayward, du secteur des opérations.
[Français]
Je suis ravie de vous parler d'une question importante en lien avec la vulnérabilité des personnes, des immigrants dans le cas précis qui concerne notre ministère. Il s'agit de la traite des personnes.
[Traduction]
IRCC joue un rôle modeste, mais important, dans l'architecture gouvernementale associée au sérieux problème de la traite des personnes. Plus précisément, le ministère est chargé d'aider à protéger les étrangers sans statut qui sont victimes de traite des personnes.
Ce rôle a gagné en visibilité depuis la mise en oeuvre horizontale, au sein du gouvernement du Canada, de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes en 2019. La stratégie, dirigée par Sécurité publique Canada, est composée de cinq piliers. La protection est le pilier qui couvre le travail d'IRCC. En réalité cependant, IRCC remplit son rôle de protection depuis 2006. Nous exerçons cette responsabilité en délivrant aux victimes un permis de séjour temporaire spécial. Nous appelons ces permis « PST pour les VTP » — pardonnez-moi pour les acronymes — et ils sont délivrés à la discrétion d'un agent.
Les PST pour les VTP sont essentiels pour aider les victimes à obtenir un statut d'immigration, qui leur donne la possibilité de décider ce qu'elles feront ensuite. Cela permet aux victimes d'échapper à l'influence de leur trafiquant et de se remettre de leurs traumatismes physiques et mentaux. Ils donnent accès à des soins de santé dans le cadre du Programme fédéral de santé intérimaire, notamment une couverture pour des services médicaux et psychologiques. Ils permettent également aux victimes de présenter une demande de permis de travail ouvert.
Ces permis spéciaux peuvent également être délivrés aux membres à charge de la famille des victimes qui se trouvent au Canada. Il est important de souligner qu'il n'est pas nécessaire pour les victimes de témoigner contre leur trafiquant pour pouvoir bénéficier de cette mesure.
Un PST pour les VTP initial est habituellement délivré pour une période de 180 jours. Il est dispensé des frais de traitement. Une victime peut aussi présenter une demande pour recevoir un autre PST si elle souhaite demeurer au Canada pour une période plus longue, qui peut être délivré pour une période allant jusqu'à trois ans.
Elles peuvent aussi présenter une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire ou demander l'asile si elles ont besoin de protection à titre de réfugiés.
Les victimes sont généralement déférées à IRCC par des responsables de l'application de la loi ou des organismes non gouvernementaux, mais elles peuvent également se manifester elles-mêmes auprès du ministère.
IRCC a des procédures déjà en place pour s'assurer que les demandes présentées par les victimes de traite des personnes sont facilement identifiées et rapidement attribuées à un agent. Ces demandes sont également traitées sur une base prioritaire, ayant préséance sur les demandes moins urgentes.
(1620)
[Français]
IRCC mène aussi des enquêtes administratives pour identifier des facilitateurs de la traite des personnes et ainsi tenter de perturber les réseaux de traite des personnes. IRCC travaille souvent en étroite collaboration avec les agences d'application de la loi, telles que l'Agence des services frontaliers du Canada et la Gendarmerie royale du Canada.
[Traduction]
Dans l'ensemble, le nombre de PST pour les VTP délivrés par le ministère est faible. Toutefois, les chiffres ont augmenté au cours des dernières années. À titre d'exemple, moins de 100 PST pour les VTP ont été délivrés chaque année jusqu'en 2018 inclusivement. En 2019, 238 permis ont été approuvés. Plus récemment, en 2022, 155 PST pour les VTP ont été octroyés à des victimes et aux personnes à leur charge.
En ce qui concerne le genre des clients, plus de PST pour les VTP ont été délivrés à des hommes ces dernières années. De 2019 à 2022, environ 60 % des PST pour les VTP ont été délivrés à des hommes, et environ 40 % à des femmes.
[Français]
En terminant, je tiens à souligner qu'IRCC continue de surveiller les cas de traite des personnes qui sont portés à son attention, et de collaborer avec ses partenaires afin de s'assurer qu'il remplit efficacement son mandat de protection des victimes de la traite des personnes.
Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner au Comité au sujet de la traite des personnes. J'aimerais commencer par reconnaître que je m'adresse à vous depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation Anishinabe.
Je propose de vous donner un bref aperçu du cadre juridique international pertinent, du cadre du droit pénal canadien relatif à la traite des personnes et de la jurisprudence connexe. Je soulignerai également certains des travaux du ministère à l'appui.
Le Canada a ratifié le Protocole des Nations unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes en 2002. Ce traité comprend une définition de la traite des personnes à l'article 3, qui exige la présence de trois éléments: un acte comme le recrutement, le transport ou l'hébergement d'une personne, posé en recourant à des moyens comme la contrainte, l'enlèvement, la tromperie ou l'abus d'une situation de vulnérabilité, dans le but précis d'exploiter cette personne. Plutôt que de définir l'exploitation, l'article 3 expose des exemples de pratiques abusives, dont l'exploitation sexuelle et le travail forcé, qui exigent des preuves de manœuvres coercitives.
En 2002, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été modifiée pour inclure une infraction visant explicitement la traite des personnes qui s'applique uniquement dans des affaires transnationales. C'est au paragraphe 118(1). Cette infraction n'exige pas une preuve d'exploitation. L'infraction exige seulement une preuve que l'accusé a commis un acte précis comme le recrutement, le transport ou l'hébergement d'une personne en recourant à des moyens illégaux comme la contrainte, l'enlèvement, la tromperie ou l'abus.
En 2005, le Code criminel a été modifié pour inclure des infractions relatives à la traite des personnes aux articles 279.01 à 279.03. Les principales infractions de traite de personnes n'exigent pas de preuve que l'acte a été commis par des moyens illicites. Au contraire, l'infraction exige seulement la preuve que l'accusé a commis un acte précis comme le recrutement, le transport ou l'hébergement à des fins d'exploitation.
L'exploitation est définie, étant donné que les dispositions pénales doivent être clarifiées. Plus précisément, il y a exploitation lorsqu'une personne raisonnable dans la situation de la victime estime que sa sécurité physique ou psychologique est menacée si elle refuse de fournir le travail ou les services qu'on exige d'elle.
La jurisprudence pertinente de la Cour d'appel de l'Ontario clarifie que la définition d'exploitation n'exige pas la preuve que la victime avait peur, seulement qu'une personne raisonnable était dans une situation de victime. La Cour explique également que l'exploitation doit être interprétée largement et qu'elle englobe à la fois les formes physiques et psychologiques.
Dans une décision ultérieure, la Cour a confirmé la condamnation de l'accusé dans une affaire d'abus de pouvoir, mais pas d'abus de confiance, sans violence ni menace, et a estimé qu'un large éventail de facteurs est pertinent pour évaluer si une conduite équivaut à de l'exploitation en vertu du Code criminel. Ces facteurs incluent tout déséquilibre de pouvoir entre l'accusé et la victime, la vulnérabilité de la victime en raison de son âge ou de sa situation personnelle, ainsi que la conduite que l'accusé a adoptée pour obtenir le travail ou les services, notamment la contrainte physique ou psychologique, la tromperie, un comportement directif, le contrôle des finances ou la surveillance des communications de la victime avec les autres. D'autres cours d'appel ont suivi cette jurisprudence.
Il est bien établi que les infractions liées à la traite des personnes peuvent être difficiles à prouver, quelle que soit la manière dont elles sont formulées. Comme l'indique le Juristat de 2020 de Statistique Canada sur la traite des personnes, les procureurs peuvent avoir du mal à obtenir des condamnations, notamment parce que les traumatismes subis par les victimes peuvent entraîner des difficultés à se souvenir des événements pertinents, ce qui fait que les victimes sont perçues comme moins crédibles. Le soutien aux victimes et les soins qui tiennent compte des traumatismes sont donc essentiels à la fois à la guérison et à des poursuites fructueuses.
Pour faciliter la mise en œuvre, les fonctionnaires de la justice forment régulièrement les forces de l'ordre sur le cadre législatif, ainsi que sur les enjeux connexes, tels que la vulnérabilité des victimes et l'importance de favoriser des relations de confiance.
(1625)
Cela est fait dans le cadre du cours d'enquêteur sur la traite de personnes du Collège canadien de police de la GRC. C'est un cours échelonné sur 10 jours. Les fonctionnaires de la justice travaillent également avec leurs homologues provinciaux et territoriaux pour mettre à jour la publication fédérale-provinciale-territoriale de 2015, Guide sur la traite des personnes à l'usage des praticiens de la justice pénale. La version mise à jour devrait être prête à être publiée d'ici la fin de l'année 2023.
Voilà qui met fin à mes remarques. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Mesdames, merci de vous être rendues disponibles pour venir nous parler du sujet à l'étude, qui est très vaste. On voit que, outre le côté sexuel, la traite de personnes touche aussi l'exploitation économique, de ce que je comprends et de ce que j'entends depuis que nous avons commencé nos travaux.
Madame Levman, la traite des personnes vise des femmes et des filles dans 90 % des cas. Est-ce que vous connaissez le nombre précis de femmes qui ont été victimes de traite au Canada? Est-ce que je dois préciser à des fins d'exploitation sexuelle? Est-ce que nous devons étudier la question de façon cloisonnée? Est-ce que vous avez déjà un portrait de ces victimes?
Je vous invite à consulter les juristats de Statistique Canada. Les deux plus récents ont été publiés en 2022 et en 2021. Ils contiennent tous les deux des statistiques sur la justice pénale avec les types de chiffres que vous recherchez.
La traite des personnes est un crime complexe souvent difficile à détecter. En ce qui concerne les données dont nous disposons de façon plus générale, un éventail de sources de données est nécessaire pour dresser un portrait de la manière dont la traite des personnes se manifeste. Il n'y a pas que les juristats de Statistique Canada qui nous permettent de savoir à quoi ressemble la traite des personnes au Canada.
Vous avez soulevé la différence entre le travail forcé et la traite des personnes à des fins sexuelles. Le problème est que les dispositions relatives à la traite des personnes ne font pas cette distinction. Elles s'appliquent quel que soit le type de travail ou de service en cause.
Ce que nous savons des juristats sur la traite des personnes, c'est que la majorité des affaires portées devant nos tribunaux concernent l'exploitation sexuelle, même si les cas de travail forcé semblent être en hausse.
J'estime que ces rapports seront très utiles pour vous aider à comprendre comment se manifeste la traite des personnes au Canada.
Ces juristats font également référence à des données qualitatives, ce qui pourrait également aider le Comité. Les données qualitatives indiquent que les trafiquants recrutent et préparent les victimes potentielles. Ils ciblent les personnes vulnérables, telles que celles qui sont socialement ou émotionnellement isolées ou financièrement désespérées, et ils les manipulent, notamment en établissant une relation de confiance par l'entremise de fausses promesses et de tromperies.
Une fois que les victimes dépendent des trafiquants pour combler leurs besoins essentiels, elles sont très faciles à manipuler.
Combien de femmes par année réussissez-vous à aider au ministère de la Justice et, parmi les femmes que vous aidez, combien sont dans les filets de la traite?
Je fais partie de la section de la politique en matière de droit pénal. Nous sommes responsables, d'un point de vue politique, du Code criminel. Cela inclut l'élaboration de mesures législatives visant à le modifier.
Madame Vien, m'entendez-vous quand je parle? Vous pouvez m'entendre. Bien.
Nous pourrions peut-être revenir en arrière. Je vais encore faire une pause. Devons-nous commencer par le début de la réponse? Par où devions-nous commencer, madame Vien? Par la question?
Comme je l'ai dit, ce que nous savons provient des juristats. Les juristats fournissent des données sur le nombre de victimes chaque année dans chaque affaire de traite des personnes. Je ne les ai pas mémorisées pour l'instant, mais cela devrait vous aider.
Madame Graham, on s'imagine bien que le trafic des personnes existe à nos frontières, malheureusement. Plus tôt, vous avez évoqué le fait que vous meniez des enquêtes. Quel genre d'enquêtes menez-vous? Quel genre de situations découvrez-vous impliquant des personnes immigrantes venues ici contre leur gré? Avez-vous des données recueillies dans le cadre de vos enquêtes que vous pourriez nous communiquer?
IRCC travaille très étroitement avec nos partenaires à Sécurité publique, tous les services de police et la GRC.
Nous menons ce que nous appelons une enquête administrative, c'est-à-dire que nous utilisons notre base de données, le SMGC. Elle nous aide à repérer les tendances et les anomalies inhabituelles, puis nous communiquons ces renseignements avec nos partenaires qui font l'enquête physique.
Merci à tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Ma première question s'adresse aux représentantes du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Quels efforts sont déployés pour s'assurer que les nouveaux arrivants, les étudiants étrangers et d'autres groupes sont protégés et connaissent les ressources à leur disposition?
Les mesures précises que nous avons en place pour soutenir les victimes de la traite des personnes et les personnes qui pourraient le devenir visent quasi exclusivement les ressortissantes étrangères sans statut, car ces dernières font partie du mandat d'IRCC. En leur conférant ce statut, nous contribuons à amoindrir leur vulnérabilité parce que les personnes sans statut sont particulièrement vulnérables à l'exploitation et craignent davantage que les autres l'expulsion. Les mesures précises telles que le permis de séjour temporaire spécial pour les victimes de la traite des personnes ciblent expressément cette population.
Cela dit, nous savons pertinemment que même les personnes qui ont un statut juridique sont vulnérables. Nous avons donc quelques mesures en place pour les soutenir, telles que le permis de travail ouvert pour les travailleuses vulnérables qui sont au Canada dans le cadre d'un permis de travail lié à un employeur donné. Il suffit aux travailleuses de présenter une demande pour obtenir un permis de travail ouvert, qui leur conférera la mobilité nécessaire pour s'échapper d'une situation d'abus, le cas échéant.
Dans le cas précis des étudiants étrangers, aucune mesure n'a été mise en place expressément pour eux, mais...
Les mesures dont je vais parler ne portent pas directement sur la traite des personnes, mais elles y sont quand même liées, car les informations sont utiles à tout le monde, y compris aux personnes vulnérables. Dans cette optique, IRCC fait beaucoup de sensibilisation auprès des étudiants étrangers dans leur pays d'attache. Notre site Web constitue une excellente source d'informations sur les trafiquants ou les agents malfaisants. Il renferme également des explications sur la façon de présenter une demande sans l'aide de personne.
Nous faisons beaucoup de sensibilisation dans les régions du monde où les agents malveillants sont particulièrement actifs. Nous expliquons en quoi consiste le programme des étudiants étrangers et ce à quoi peuvent s'attendre les étudiants. Nous menons également des campagnes publicitaires dans les régions du monde les plus touchées par ce problème.
Ma prochaine question s'adresse à la représentante du ministère de la Justice.
Comment transmettre aux enfants les connaissances et les outils qui leur permettront de repérer les indices de la traite des personnes et éviter d'en être les victimes?
C'est une excellente question. Ce n'est pas tout à fait dans mon domaine d'expertise, car je travaille dans le domaine du droit pénal qui s'applique à la traite des personnes dans le contexte de la traite des personnes.
Lundi, vous avez entendu ma collègue de Sécurité publique, qui vous a présenté les mesures de sensibilisation du public prises par son ministère. Le ministère de la Justice fait la même chose pour certains types de questions juridiques.
Les informations de ce type peuvent permettre aux personnes à risque d'éviter le piège de la traite des personnes. Nous voulons nous assurer que ces personnes connaissent leurs droits au Canada. Nous leur expliquons que l'exploitation n'est pas tolérée au pays et que si elles en sont victimes, elles peuvent la dénoncer auprès des organismes d'application de la loi. Une partie de notre mission consiste à former les agents des forces de l'ordre. Nous ne donnons pas de formation sur les traumatismes — ce sont des experts du ministère qui s'en chargent —, mais comme je l'ai dit, nous donnons de la formation sur la vulnérabilité des victimes et sur l'importance de renforcer et de rétablir les relations de confiance avec les victimes pour que celles‑ci ne soient pas craintives ou réticentes à l'idée d'aller voir les policiers. Les policiers doivent être vus comme des alliés.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Garrett-Baird.
Quelles difficultés doivent surmonter les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre qui veulent prévenir ou fuir une situation de traite des personnes, et comment votre ministère travaille-t‑il en collaboration à l'échelle du gouvernement dans ce dossier?
Comme nous l'avons mentionné, nous avons lancé récemment le Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Ce plan fédéral-provincial territorial nous permet de travailler en collaboration non seulement entre les trois ordres de gouvernement, mais aussi avec les partenaires autochtones, les organismes de la société civile, les chercheurs, les fournisseurs de services de première ligne et d'autres experts, de même qu'avec les victimes ou les survivantes et leur famille. Ce plan doté d'une composante préventive vise non seulement à lutter contre la violence fondée sur le sexe, mais aussi à y mettre fin. Il a été établi sur 10 ans et repose sur 5 piliers. Un des groupes visés dans ces piliers est, comme vous l'avez dit, les femmes et les filles migrantes, car nous savons qu'elles font partie des groupes vulnérables.
Je vous ai exposé l'objectif du plan. En plus des discussions que nous tenons avec nos homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux pour établir des ententes de financement bilatérales et des plans de mise en œuvre, nous travaillerons également avec eux pour nous assurer que des mesures ciblées sont en place.
Je vais vous montrer ce carton sur lequel il est écrit « 30 secondes » et « merci ». Au lieu d'indiquer « c'est terminé », il indique « merci ». Lorsque je vais brandir le carton, vous saurez qu'il vous reste 30 secondes et vous pourrez commencer à conclure.
Je remercie toutes les témoins qui se sont présentées aujourd'hui dans le cadre de cette étude si importante qui me préoccupe énormément, non seulement comme porte-parole de mon parti en matière de condition féminine, mais aussi comme vice-présidente du groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes. Ce sont des dossiers que je suis de très près.
Je m'adresse à toutes les témoins. En 2012, on a lancé une première stratégie nationale, avant d'en adopter une autre en 2019. Pourtant, les chiffres démontrent que le nombre de victimes de la traite des personnes continue d'augmenter.
Cette traite touche d'une façon disproportionnée les femmes, les filles ainsi que les groupes marginalisés de notre société. En effet, selon les dernières données de Statistique Canada, qui nous ont été rappelées aujourd'hui, les femmes et les filles représentent 96 % des cas. C'est vraiment un chiffre frappant et, chaque fois que je l'entends, quelque chose me dérange profondément.
Pourtant, bien que nous n'ayons commencé l'étude que depuis peu, nous nous rendons compte que ce n'est que la pointe de l'iceberg et qu'il n'est pas facile d'avoir un portrait réel et global de la situation. Cette question est très délicate, et il semble que les femmes et les filles victimes trouvent difficile de dénoncer leurs trafiquants, à cause non seulement d'un manque de confiance concernant la façon dont elles pourront obtenir de l'aide à la suite de leur dénonciation, mais aussi de la peur que suscite en elles le fait de dénoncer.
Selon la perspective de vos ministères respectifs, auriez-vous quelque chose à dire à cet égard? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans le cas des victimes qui ne font pas confiance au système ni aux différentes institutions qui s'occupent de la traite des personnes?
Madame Levman, je vous invite à répondre en premier.
Plusieurs choses expliquent le manque de confiance et le faible taux de signalement. Vous avez mentionné Juristat. Ce périodique renferme de nombreuses études qui analysent le phénomène. Elles révèlent, par exemple, que les victimes ne veulent ou ne peuvent pas dénoncer les trafiquants en raison du traumatisme qu'elles ont vécu ou de vulnérabilités préexistantes. Certaines ne font peut-être pas confiance aux autorités en général, entre autres parce que les trafiquants leur ont dit de se méfier de la police. D'autres ont peut-être été entraînées dans des activités criminelles par les trafiquants, qui gardent ainsi leur contrôle sur elles. Ces derniers peuvent aussi leur dire que la police les arrêtera en vertu du Code criminel au lieu de les protéger conformément aux objectifs de la loi.
Dans le cours donné par les fonctionnaires du ministère de la Justice dans le cadre de la formation offerte par le Collège canadien de la police aux enquêteurs dans le domaine de la traite des personnes, ces questions sont étudiées et discutées pour que les policiers sachent que les victimes de ce crime sont des personnes vulnérables et traumatisées qui nécessitent un soutien spécial. Les policiers sont sensibilisés au fait qu'ils devront parfois interagir plusieurs fois avec elles. De fait, certaines études montrent que le lien de confiance permettant à la victime de dénoncer le trafiquant se bâtit au bout de plusieurs interventions des forces de l'ordre.
Madame Graham ou madame Hayward, avez-vous quelque chose à ajouter du point de vue de votre ministère concernant la question du manque de confiance, notamment pour ce qui est de l'immigration?
Merci beaucoup de me donner l'occasion de commenter cette problématique.
Mme Levman a soulevé des points très importants sur les raisons pour lesquelles les victimes hésitent à faire un signalement. Ces raisons s'appliquent aussi aux migrantes.
Les migrantes font parfois face à des obstacles additionnels. Il y a la barrière de la langue. Elles ont peut-être en outre vécu des traumatismes dans divers autres contextes au Canada ou dans leur pays. Elles peuvent vivre dans la précarité, sans statut de résidente permanente, ou être aux prises avec une combinaison de circonstances difficiles. Cette précarité s'ajoute au sentiment complexe qui leur enlève l'envie de se manifester.
De plus, les personnes issues d'autres pays ne connaissent pas aussi bien que les Canadiens ou que les résidents permanents les lois et les droits en vigueur au Canada. Voilà un autre élément qui explique pourquoi les migrantes aux prises avec ce type de circonstances hésitent à se manifester.
Le permis de séjour temporaire pour les victimes de la traite des personnes élimine en partie cette incertitude. Ce document permet aux victimes de respirer et leur fournit la garantie qu'elles ne seront pas expulsées. Nous leur donnons ce statut pour six mois pour qu'elles puissent prendre du recul et réfléchir à la suite des choses sans craindre l'expulsion.
Madame Garrett‑Baird, votre ministère sait déjà que la situation est difficile quand ce sont des cas de violence envers les femmes. On peut imaginer que ce l'est encore plus dans le cas d'une personne qui arrive dans un autre pays.
Comment le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres tente-t-il de remédier à ce manque de confiance?
D'abord, un des piliers du plan d'action national, le système de justice réactif, consiste à reconnaître les difficultés et à travailler avec nos partenaires à la mise en place d'un système de justice qui soutient les personnes qui subissent de la violence fondée sur le sexe, y compris la traite des personnes.
Ensuite, nous collaborons avec nos collègues d'IRCC dans le cadre de la stratégie fédérale visant à contrer la violence fondée sur le sexe. Nous travaillons ensemble selon une approche pangouvernementale, notamment avec le ministère de la Justice, sur des initiatives qui appuient la stratégie.
J'aimerais aussi parler de quelques-uns des projets liés à la lutte contre la traite des personnes qui sont financés par Femmes et Égalité des genres et axés sur des méthodes prometteuses permettant de soutenir les populations à risque.
Le ministère finance actuellement 42 projets, dont le Women's Centre for Social Justice, qui concocte et met en œuvre des méthodes d'intervention efficaces qui permettront de faire progresser les connaissances et de renforcer le soutien offert aux populations à risque et aux survivantes de la traite des personnes en Ontario, en Alberta, au Yukon, en Colombie-Britannique et au Québec.
Il y a aussi la Courtworker and Counselling Association, en Colombie-Britannique, qui conçoit et met en œuvre des méthodes et des outils permettant de lutter contre la traite des personnes à l'échelle des communautés. Ces initiatives pilotées par des Autochtones et ancrées dans leur culture visent à soutenir et à renforcer l'autonomie des populations à risque et des survivantes autochtones de la traite des personnes partout en Colombie-Britannique.
Nous préconisons une approche à plusieurs volets. Il y a évidemment plusieurs autres exemples de projets. Je vous ai présenté cet échantillon pour vous montrer ce que nous faisons concernant ces questions.
Merci beaucoup aux témoins d'être venues comparaître aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Garrett-Baird.
Au début de votre déclaration, vous avez parlé des investissements du gouvernement dans des stratégies de lutte contre la violence fondée sur le sexe. Vous avez dit également que les populations les plus à risque sont les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes 2SLGBTQQIA+ autochtones. J'ai soulevé moult fois cette question, qui me préoccupe profondément. Je l'avais fait inscrire au Feuilleton, et je viens de la soumettre à nouveau.
En 2020, le gouvernement actuel a affecté 724,1 millions de dollars à une stratégie de prévention de la violence. Nous sommes en 2023. Seulement 5 % de ces fonds ont été dépensés, soit 37,1 millions de dollars. Aucun nouveau refuge et aucune nouvelle maison de transition n'ont été construits. Cela fait trois ans que des fonds sont affectés. Nous savons qu'un des moyens pour protéger les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre est de leur donner en premier lieu un refuge. Des plans ont-ils été établis pour accélérer le versement de ces sommes?
Cette inaction coûte des vies, notamment à Winnipeg. Les histoires ont été relayées par les médias. Les deux femmes disparues que l'on cherchait dans un dépotoir habitaient dans un refuge non réservé aux femmes. Je suis d'avis que si elles avaient eu accès à un refuge pour femmes et à un revenu de base garanti, elles seraient encore avec nous.
Quel plan a été établi pour accélérer la distribution de ces fonds?
Dans le budget de 2021, comme je l'ai mentionné, une somme de 601,3 millions de dollars a été affectée, ce qui comprend le financement octroyé à Femmes et Égalité des genres pour un certain nombre de postes budgétaires, dont les fonds pour répondre aux urgences liées à la COVID.
Depuis avril 2020, le ministère a fourni plus de 259 millions de dollars à 1 400 organismes pour répondre aux urgences liées à la COVID. Les refuges pour femmes, les centres pour les victimes d'agressions sexuelles et d'autres organismes offrant du soutien et des services essentiels aux victimes de violence fondée sur le sexe ont reçu du financement. Le ministère finance également...
Je vous remercie de vos commentaires, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Je connais les sommes affectées. Ces chiffres ont l'air formidables sur papier, mais l'argent n'est pas distribué. Quel plan a été établi pour verser ces fonds?
J'aimerais faire remarquer que le budget de 2022 ne prévoyait aucun crédit pour la crise liée aux femmes et aux filles autochtones disparues ou assassinées. En gardant ces fonds dans les coffres depuis 2020, nous retenons d'autres sommes essentielles qui pourraient sauver des vies.
Je voulais en fait savoir quel plan avait été établi pour distribuer l'argent.
Les fonds octroyés à Femmes et Égalité des genres ont été versés aux refuges d'urgence. Ils ont eu des répercussions sur un grand nombre de femmes.
En outre, nous travaillons avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement sur la Stratégie nationale sur le logement, ainsi qu'avec Infrastructure Canada sur des solutions de logement dans le cadre du cinquième pilier du Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, c'est-à-dire les infrastructures sociales et l'environnement. Ce pilier renferme de nombreux champs d'action possibles et de nombreuses occasions pour les investissements, notamment dans le soutien aux refuges et aux maisons de transition et dans le logement abordable à long terme, y compris le soutien pour les coûts de fonctionnement...
Pourriez-vous soumettre au Comité le montant des fonds affectés et le montant des fonds dépensés jusqu'à présent? Vu les limites de temps, je dois passer tout de suite à ma prochaine question.
Mme Crystal Garrett-Baird: Oui.
Mme Leah Gazan: Merci beaucoup.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Alexis Graham ou à Mme Sarah Hayward au sujet du rôle d'IRCC.
Un représentant de l'Agence des services frontaliers du Canada a comparu lors de la dernière séance du Comité. À la suite d'une de nos questions, il nous a suggéré de nous adresser à IRCC. Puisque vous êtes là, c'est ce que je vais faire.
Nous savons qu'un grand nombre de travailleuses migrantes, y compris les travailleuses du sexe, ne dénoncent pas les abus de crainte d'être expulsées. Un article diffusé en 2015 par la CBC faisait valoir qu'IRCC devrait fournir la résidence permanente aux travailleuses du sexe migrantes touchées par des enquêtes liées à la traite des personnes à des fins sexuelles, car ces personnes seraient plus enclines à signaler les violences si elles n'avaient pas à s'inquiéter de leur statut juridique.
Dans quelle mesure IRCC prend-elle la situation au sérieux? L'article de la CBC date du 8 mai 2015. IRCC a‑t-elle fait quelque chose pour offrir la résidence permanente et protéger ainsi les travailleuses touchées par une enquête liée à la traite des personnes?
La première mesure que nous avons prise est d'instaurer le permis de séjour temporaire pour les victimes de la traite des personnes pour aider les personnes qui doivent s'échapper de toute urgence de situations précaires. Les titulaires de ce permis peuvent présenter une demande pour obtenir un autre permis qui leur permettra de prolonger d'au plus trois ans leur séjour au Canada. Elles peuvent aussi présenter une demande dans le cadre de programmes de résidence permanente tels que les programmes de parrainage familial, les programmes économiques et les programmes axés sur des motifs humanitaires.
Nous allons passer à la prochaine série de questions, que je vais écourter. Ce sera deux interventions de cinq minutes chacune, suivies de deux autres de deux minutes et demie chacune. Les séries de questions pour ce groupe de témoins s'arrêteront là.
Nous allons commencer par Mme Roberts pour cinq minutes.
Vous pouvez partager votre temps de parole si vous le souhaitez.
Je mène des recherches en collaboration avec un policier qui a travaillé directement sur le dossier de la traite de personnes. D'après ce que j'entends, les chiffres augmentent. Des étudiants viennent de l'étranger. Des trafiquants de personnes de l'étranger entrent au pays illégalement. Ils trouvent facile de pratiquer la traite de personnes au Canada parce qu'il y a un écart entre la sévérité des peines et la gravité des crimes. Ce n'est pas tout à fait la même chose pour les trafiquants de drogues, qui s'exposent à des peines plus sévères.
Combien de trafiquants de personnes ont été reconnus coupables? Combien de victimes étrangères ont été portées à votre attention? Existe‑t‑il des données à ce sujet?
Il n'existe pas de données sur les trafiquants. À l'heure actuelle, nous avons seulement des données sur les victimes de la traite de personnes qui ont reçu un permis de séjour temporaire. Je le répète, cela ne représente qu'un très petit pourcentage des victimes de la traite de personnes: celles qui n'avaient pas de statut lorsque leur cas a été porté à notre attention. J'ai des données à ce sujet. En 2022, nous avons délivré des permis de séjour temporaire à des victimes de la traite de personnes citoyennes, entre autres, du Mexique, des Philippines, du Guatemala, de la Jamaïque et de l'Ukraine.
Tout ce que je peux faire, c'est vous renvoyer à l'article de Juristat sur la traite des personnes, qui fournit les chiffres pour les accusés et les victimes.
Pouvez-vous nous fournir cet article? Nous n'y avons pas accès. Pouvez-vous veiller à ce que le Comité reçoive ces renseignements? En ce moment, nous n'avons absolument aucune donnée, et il nous en faut.
Vous avez mentionné un site Web qui contient beaucoup d'information. Serait‑ce possible de recueillir des renseignements sur les trafiquants et les victimes à partir de ce site Web?
Là où je veux en venir, c'est que d'après tous les policiers auxquels j'ai parlé — et je vais participer à un forum dans ma collectivité —, les chiffres augmentent. Le nombre de victimes augmente, et le nombre de trafiquants aussi.
Sans données, comment pouvons-nous nous attaquer au problème? Comment pouvons-nous lutter contre la traite des personnes et, ainsi, protéger les jeunes et les citoyens canadiens?
J'ai cru comprendre que vous alliez recevoir des représentants de Statistique Canada en avril. Je serai ravie de vous envoyer les articles de Juristat. Je vous recommande d'y jeter un coup d'œil avant leur comparution.
Vous pourrez leur poser toutes ces questions. Ils auront peut-être plus d'information que nous à ce sujet.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Garrett-Baird.
Vous avez mentionné le financement pour venir en aide aux victimes. Je ne sais pas si vous connaissez une jeune femme prénommée Timea. Elle s'est vu refuser le financement d'un programme grâce auquel elle a pu prêter main-forte à 300 victimes et à plus de 500 victimes de la traite des personnes.
Pourquoi ne recevrait-elle plus de financement alors que son programme vient en aide à tant de victimes?
Je ne sais pas si vous avez entendu la question. Voulez-vous que je la répète?
Femmes et Égalité des genres Canada ne fournit pas de services de première ligne. Il offre du soutien et du financement aux organisations de la société civile pour qu'elles puissent venir en aide aux personnes et aux groupes à risque.
Je n'ai pas de détails sous la main concernant l'affaire dont vous parlez.
Je présume que votre question concerne les peines prévues au Code criminel.
Le Code comprend six infractions. L'infraction principale liée à la traite de personnes est passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans, ou encore d'un emprisonnement à perpétuité si l'auteur du crime est aussi reconnu coupable de voies de fait graves, d'agression sexuelle grave ou d'enlèvement. En pareil cas, l'infraction devient passible d'un emprisonnement à perpétuité. De plus, le Code prévoit une peine minimale obligatoire de 4 ans pour les infractions passibles d'un emprisonnement maximal de 14 ans et une peine minimale obligatoire de 5 ans pour les infractions passibles d'un emprisonnement à perpétuité.
Ensuite, l'article 279.011 définit l'infraction liée à la traite d'enfants. Les peines maximales sont les mêmes. Évidemment, il n'y a pas de peine plus sévère que l'emprisonnement à perpétuité. Les peines minimales obligatoires sont un peu plus longues: elles sont de cinq ans et de six ans.
Il y a aussi une infraction liée à l'avantage matériel. Cette infraction est passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans si la victime est un enfant, ou d'un emprisonnement maximal de 10 ans si la victime est un adulte. Si la victime est un enfant, le Code prévoit aussi une peine minimale obligatoire.
Finalement, il y a une infraction relative à la rétention ou à la destruction de documents dans le but de faciliter la traite de personnes, que les documents soient authentiques ou non. Cette infraction est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans et d'une peine minimale obligatoire si la victime est un enfant, ou d'un emprisonnement maximal de 5 ans si la victime est un adulte.
J'ai abordé cet enjeu dans ma déclaration liminaire.
Ils doivent prouver l'élément de l'acte, c'est-à-dire que l'acte de recruter, de transporter ou d'héberger une personne a été commis. Ils doivent également prouver que l'acte a été commis dans le but d'exploiter la victime, c'est-à-dire que l'auteur de l'acte exploite la victime ou qu'il le commet dans le but de faciliter l'exploitation de la victime par quelqu'un d'autre. Il faut prouver tout un éventail de comportements.
J'ai une question un peu plus précise sur la diffusion d'images intimes ou sur la menace d'en diffuser, ce qu'on appelle l'extorsion sexuelle. Nous savons que le phénomène a pris de l'ampleur. On assiste à une montée du problème, qui entraîne des effets terriblement dévastateurs sur les victimes. J'aimerais savoir quelles mesures ont été prises ou pourraient être prises pour lutter contre ce crime de plus en plus répandu.
Je relève un élément que le Comité trouvera peut-être intéressant: les cas de traite de personnes impliquent souvent un grand nombre d'accusations, beaucoup plus élevé que dans les autres affaires criminelles. Vous trouverez ces renseignements dans l'article de Juristat sur la traite de personnes, pour lequel je veillerai à vous envoyer les liens.
Toute une gamme d'infractions est commise, puisque la traite constitue une infraction continue ou une conduite pendant laquelle les trafiquants ont tendance à commettre d'autres infractions liées à des incidents, habituellement pour contrôler la victime. C'est ce dont vous parlez. Vous décrivez le phénomène où le trafiquant menace la victime d'envoyer des images intimes la représentant à une personne en particulier, au monde entier ou à d'autres destinataires si elle refuse d'exécuter un travail ou un service.
Dans certains cas, différentes accusations sont portées. L'article 162.1, qui porte sur l'infraction de distribuer sans consentement des images intimes, peut être invoqué dans ce contexte.
L'extorsion se dit de l'infraction consistant à extorquer des faveurs sexuelles. La jurisprudence sur cette infraction est vaste. Il ne fait aucun doute que l'extorsion de faveurs sexuelles, d'argent ou d'autres comportements en menaçant la victime de publier des photos constitue de l'extorsion. Il s'agit d'une infraction très grave passible d'une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité.
Mesdames les témoins, je vous remercie encore une fois d'être des nôtres aujourd'hui, et je vais poursuivre sur ce que j'ai abordé durant mon premier tour de parole.
En 2019, le gouvernement fédéral a implanté une série de mesures sous forme de stratégie nationale. Cette semaine, en écoutant les témoignages de plusieurs ministères et organisations, le Comité a constaté l'importance de la concertation, un élément crucial dans ce dossier, mais qui est problématique. Cela touche autant la prévention, les enquêtes, les poursuites que la protection des victimes. Cependant, et comme le note un rapport du département d'État américain, il y a plusieurs lacunes dans l'action gouvernementale, notamment en ce qui concerne la protection des victimes.
Mesdames, comment voyez-vous toute cette question de la concertation entre les différents ministères? Comment est-ce qu'on peut s'assurer d'une meilleure protection des victimes de la traite de personnes dans ce contexte?
J'inviterais les fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à répondre en premier, puis la représentante de Femmes et Égalité des genres Canada.
La collaboration occupe une grande place dans notre travail sur la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes. Les représentants de Sécurité publique Canada sont probablement les mieux placés pour vous décrire la structure de collaboration qui sous-tend la stratégie nationale. De mon côté, je peux me prononcer sur le rôle d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada: nous collaborons en très étroite collaboration avec les organismes d'application de la loi pendant nos enquêtes. Comme Mme Hayward le disait plus tôt, nous fournissons des renseignements qui servent aux actions pour appliquer la loi. Ce lien nous rapproche énormément de nos partenaires.
Je ne sais pas, madame Hayward, si vous voulez renchérir là‑dessus.
Comme il ne me reste qu'une trentaine de secondes, j'aimerais entendre le point de vue de Mme Levman, du ministère de la Justice, et celui de Mme Garrett‑Baird.
Mesdames, je peux vous donner 15 secondes chacune. Veuillez répondre le plus rapidement possible.
Je soulignerais seulement que le groupe de travail sur la traite de personnes, dirigé par Sécurité publique Canada, regroupe régulièrement tous les ministères impliqués afin de mettre de l'information en commun et de nous entraider dans notre travail, au besoin.
Vous avez parlé de la confiance envers les forces policières et des relations de confiance qui se tissent. Je ne partage pas votre point de vue, puisque nous savons que le racisme systémique règne à la GRC, en particulier, et que, par le passé, cette force policière a soit été trop ou pas assez interventionniste, comme l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées l'a mis en lumière. Cette enquête a lancé des appels à la justice très précis pour remédier au problème.
Je ne pense pas que les forces policières soient les mieux placées pour s'attaquer au problème. C'est mon préjugé. Je crois que, pour les signalements, il faut plutôt compter sur les organismes communautaires de première ligne qui luttent pour la sécurité des travailleuses du sexe et de celle des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA qui pourraient être victimes de traite de personnes à des fins sexuelles.
Votre ministère appuie‑t‑il les agences et organismes communautaires indépendants dans leurs activités sur le terrain et pour qu'ils défendent les victimes d'exploitation sexuelle ou les travailleuses du sexe ayant besoin de protection?
Justice Canada détient un fonds pour les victimes, auquel sont affectés un million de dollars par année pour les organisations d'aide aux victimes qui offrent du soutien et des services spécialisés aux victimes et aux survivantes de la traite des personnes. Nous sommes donc responsables d'une partie de ce financement. Or, en ce qui a trait à l'essence de vos préoccupations, je dirais que les partenariats sont extrêmement importants. Les services policiers sont d'une complexité inextricable au Canada en raison de la multiplicité des forces policières. Je sais que bon nombre d'entre elles comptent des unités spécialisées pour la traite des personnes, qui sont dotées de services de soutien.
Je pense à la recherche. Par exemple, le réseau Butterfly parle de la nécessité de fournir des ressources aux communautés et de démunir les services policiers de financement. En effet, nombreux sont ceux qui ne se sentent pas en sécurité de dénoncer des crimes aux policiers, notamment par crainte d'être déportés. Il y a un chevauchement.
Votre ministère envisage‑t‑il d'accroître le financement destiné aux organisations sur le terrain plutôt qu'aux services policiers pour remédier au problème?
Nous allons conclure la discussion avec ce groupe de témoins dans quelques instants, mais, avant de ce faire, je vais poser une question aux représentants d'IRCC.
Tout à l'heure, vous avez mentionné les permis de séjour temporaire, ou PST, et les victimes de la traite des personnes, ou VTP, et vous avez nommé des pays. Je vous serais vraiment reconnaissante de nous envoyer la liste de ces pays, ainsi que l'âge et le sexe des victimes qui ont reçu des permis de séjour temporaire. Pourriez-vous transmettre ces renseignements au Comité?
Merci énormément.
Nous allons maintenant faire une transition. Nous allons inviter les témoins en ligne à réintégrer la réunion, mais je tiens à remercier les quatre témoins du premier groupe à nous avoir fait part de leurs commentaires.
Nous allons suspendre la séance pour reprendre nos travaux dès notre retour.
J'aimerais à nouveau souhaiter la bienvenue à tous. Nous avons beaucoup de pain sur la planche et nous devons nous arrêter à 18 heures.
Je vais présenter nos trois prochains témoins.
Nous accueillons la matriarche principale de l'Aboriginal Women's Action Network, Fay Blaney.
Non, elle n'est pas là. Nous la verrons peut-être la prochaine fois.
Nous accueillons la directrice générale de l'Ontario Native Women's Association, Coralee McGuire-Cyrette.
J'aimerais dire un grand merci à Mme McGuire-Cyrette. Nous allons faire preuve de générosité à son égard, parce que cette belle femme a parcouru toute la ville de New York pour s'assurer d'avoir un casque d'écoute, qu'on vient tout juste d'approuver.
Je vous remercie d'avoir déployé ces efforts, madame McGuire-Cyrette. C'est important.
Nous souhaitons la bienvenue à Melanie Omeniho, qui représente Women of the Métis Nation - Les Femmes Michif Otipemisiwak.
Je vous remercie toutes deux. Je vais vous donner cinq minutes pour vos déclarations liminaires.
Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs.
Je m'appelle Coralee McGuire-Cyrette et je suis la directrice générale de l'Ontario Native Women's Association, ou ONWA. L'ONWA est la plus grande et la plus ancienne organisation de femmes autochtones au Canada et compte le plus vaste programme de lutte contre la traite de personnes dirigé par des Autochtones. Au cours des 10 derniers mois, nous avons aidé 426 femmes et filles à s'échapper en sécurité de la traite de personnes. Je veux reconnaître la bravoure, la sagesse et le leadership de toutes les survivantes, qui sont des expertes. Leurs conseils éclairent tous les aspects de notre travail pour lutter contre la traite de personnes.
Dans mon témoignage, je me concentrerai sur les façons dont nous pouvons lutter contre le fléau et empêcher la traite des femmes et des filles autochtones, ainsi que sur les façons d'améliorer la capacité des forces de l'ordre à repérer les contrevenants et à les tenir responsables de leurs actes.
En 2018, l'ONWA a publié un rapport s'intitulant Journey to Safe Spaces. Il s'appuie sur des discussions de fond avec plus de 3 300 membres de la communauté et fournisseurs de services, ainsi qu'avec 250 personnes s'identifiant comme étant des survivantes de la traite de personnes. Les femmes autochtones obtiennent depuis toujours les résultats les plus faibles au pays pour les 16 déterminants sociaux de la santé les plus acceptables. Afin d'empêcher la traite des femmes et des filles autochtones, nous devons d'abord remédier aux facteurs de risque qui créent les conditions les rendant plus vulnérables à devenir les proies des trafiquants, telles que l'insécurité de revenu, le manque de soutien social et culturel et l'accès inéquitable aux soins de santé, entre autres.
Nous savons tous que la colonisation a grandement influencé la situation actuelle de la traite des femmes et des filles autochtones au Canada. Elles sont vulnérables à la violence parce qu'elles font l'objet à la fois de trop peu et de trop d'intérêt de la part des forces policières. Bien souvent, on ne les croit pas, ce qui les victimise davantage par les systèmes censés les protéger. Elles se heurtent à de multiples obstacles, comme l'inégalité, la discrimination systémique, le racisme et la violence latérale, en plus d'être exclues des concertations de nation à nation sur les politiques.
Pour apporter des changements durables, nous devons déconstruire les systèmes actuels et reconstruire le leadership, les voix, l'honneur et l'affranchissement des femmes autochtones. Tous les ordres de gouvernements doivent adopter une approche fondée sur les distinctions plus conformément à l'article 18 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA. Ils doivent également appuyer les organisations autochtones en leur versant du financement de base, ce qui permettra aux organismes d'offrir des refuges sûrs axés sur les survivantes, tenant compte de la culture et conçus et dirigés par des femmes autochtones. Les vies des femmes ne sont pas des projets: le financement de projets n'apportera pas les changements systémiques nécessaires. Il est difficile de tendre vers la réconciliation alors que les femmes autochtones ne sont pas en sécurité dans notre pays. À ce jour, une pléthore d'initiatives d'éducation, de formations et de campagnes publiques de sensibilisation a eu lieu, mais trop peu de financement de base a été octroyé pour soutenir les services de prévention.
La traite des personnes n'est pas une priorité dans toutes les provinces canadiennes. Bon nombre d'entre elles ne se sont toujours pas dotées de stratégies pour aborder ou éliminer la traite des femmes et des filles autochtones. Il est primordial de comprendre que les voix des femmes autochtones ont été écartées et muselées dans les discussions. Ce rejet a une incidence sur leur sécurité, leur bien-être et leurs gagne-pain, et c'est pourquoi l'ONWA prône une approche fondée sur les distinctions plus. Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à mettre les femmes autochtones à l'écart de la conversation alors que nous sommes six fois plus susceptibles d'être victimes de meurtres que les femmes non autochtones.
La reddition de comptes des forces policières doit être abordée à de nombreux égards. Toutes les forces policières doivent reconnaître le racisme systémique ancré dans leurs systèmes et veiller à changer la donne. Elles doivent tisser des liens de confiance avec les organisations de femmes autochtones, pour qu'ainsi les survivantes autochtones se sentent suffisamment en sécurité pour leur signaler l'exploitation qu'elles subissent. Des normes policières claires et de la formation aideraient les policiers à repérer les victimes de traite des personnes. Une fois les victimes trouvées, les enquêtes policières doivent être exemptes de discrimination ou de préjugés et être menées en tenant compte des traumatismes. Tous les services policiers canadiens doivent examiner l'intégrité des recommandations du rapport de 2018 Une confiance trahie et s'assurer qu'elles sont appliquées. Ainsi, les comportements au sein de leurs organisations favoriseront la lutte contre le racisme systémique et son élimination, et empêcheront de perpétuer le problème.
Encore aujourd'hui, des gouvernements balaient du revers de la main la notion même que la traite des personnes existe dans notre communauté: en effet, il est difficile d'entendre ce que les femmes et les filles autochtones vivent au quotidien simplement pour survivre.
En conclusion, j'aimerais inviter le Comité à prendre connaissance de notre rapport Reconciliation with Indigenous Women et de l'intégralité de notre stratégie Journey to Safe Spaces. Les deux documents exposent une feuille de route pour prémunir les femmes et les filles autochtones contre la traite des personnes et pour les aider à rebâtir leurs vies.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie d'accorder une place à Women of the Métis Nation - Les Femmes Michif Otipemisiwak pour vous adresser la parole aujourd'hui.
La traite de personnes nous inquiète tous grandement. Je m'adresse à vous depuis la terre natale de la nation métisse et du territoire visé par le Traité no 6 à Edmonton, en Alberta.
Les effets du retrait des Métis de leur terre natale, les torts subis à cause de problèmes comme les pensionnats autochtones, leur perte de culture, la maltraitance vécue par nos communautés dans le système d'aide à l'enfance et la rafle des années 1960 se traduisent par des difficultés pour bon nombre de nos familles et communautés et expliquent la rupture de leur culture et de leur capacité à guérir au sein de leurs communautés.
La violence est notre lot quotidien. Nous sommes vraiment reconnaissantes d'organisations comme l'ONWA, qui vous a présenté des statistiques. Toutefois, pour bien des Métis, il n'existe aucune statistique, et les données ne font pas l'objet de suivis. Nous ne connaissons pas les chiffres qui nous définissent. Nous savons que les causes systémiques ont mené à la dévalorisation des femmes et des personnes de diverses identités de genre de la nation métisse. En outre, nous constatons une atroce normalisation de la violence sexuelle dans notre pays.
Les personnes de diverses identités, les femmes et les filles métisses sont plus souvent la proie des trafiquants à cause du colonialisme, des traumatismes intergénérationnels, des maltraitances physiques et sexuelles passées non résolues et de la diversité en matière de compétences. La santé mentale et la pauvreté représentent aussi certaines des raisons expliquant pourquoi bon nombre de nos femmes sont susceptibles d'être victimes de la traite de personnes.
Les femmes ont toujours été la cible de violence dans les politiques et les lois fédérales, telles que les politiques strictes, les lois matrimoniales et les droits à la propriété qui ont été créés pour miner les familles, la communauté et les structures politiques qui existaient parmi nous.
Nous reconnaissons aussi notre précarité qui mène à la traite de personnes selon l'âge. Les enfants de zéro à six ans... Nous créons même des signalements de naissances pour eux. Nous savons à quel point nos communautés sont exposées aux facteurs de risques découlant de ces réalités.
Les jeunes vivent parfois la perte de leur culture et de leur identité. Souffrant de leur rupture avec leurs communautés, leurs familles et leurs structures, ils se livrent à des comportements sexuels malsains.
Jusqu'au début de l'âge adulte, de jeunes Métis dans toute notre terre natale se font recruter par des trafiquants qui leur promettent une vie de splendeurs, ce qui exacerbe leur isolement de leurs communautés. Les jeunes quittant le système d'aide à l'enfance, ceux qui ont des démêlés avec la justice et ceux qui ont rompu les liens avec leurs familles et leurs communautés sont particulièrement vulnérables.
Aucun rapport ne fait état des perspectives métisses sur la traite de personnes et les mesures pour lutter contre ce crime. Nous devons être en mesure de créer des voies de guérison et de faciliter la communication avec les survivantes afin que des stratégies axées sur les Métis tiennent compte des réalités propres aux femmes et aux personnes 2ELGBTQIA+ métisses.
Les trafiquants suivent la trace de l'argent en attirant les filles et les femmes tout près des industries des ressources naturelles ou des camps où les jeunes hommes trouvent des moyens de les exploiter. Nos filles ont été remarquées dans plusieurs corridors de traite de personnes: de Thunder Bay à Toronto, jusqu'au Minnesota; de Winnipeg au Dakota du Nord; et de Vancouver à l'État de Washington. Dans les dernières années, l'Alberta est aussi devenue une destination de prédilection, Calgary et Edmonton étant depuis longtemps des points névralgiques. Les routes secondaires mènent aux villages d'extraction de ressources — comme Fort McMurray, en Alberta — où on peut s'isoler et se tenir à l'écart des initiatives de lutte contre la traite de personnes.
Les statistiques formelles reflétant le nombre de femmes et de personnes 2ELGBTQ métisses victimes de la traite sont imprécises pour de nombreuses raisons, y compris la nature clandestine de l'industrie et le silence des victimes attribuable à la peur, la coercition et leurs déplacements.
Nous aimerions formuler des recommandations que, nous l'espérons, ce comité pourra mettre en application grâce à cette étude.
Notre temps est extrêmement limité ce soir. Madame Omeniho, pourriez-vous vous assurer de nous envoyer vos recommandations? Il nous faut les consigner dans le compte rendu parce que je sais que vous avez beaucoup de conseils à nous prodiguer. Je veux toutefois garantir que tous les membres du Comité auront l'occasion de poser leurs questions. Je vais vous interrompre, mais je vous demanderais de bien vouloir nous envoyer vos recommandations par écrit.
Je vais céder la parole à mes collègues et entamer nos séries de questions. Nous disposons de 30 minutes en tout.
Nous allons commencer par les interventions de six minutes et d'abord écouter Mme Ferreri.
Je vous remercie toutes deux d'être parmi nous. La conversation est percutante et importante.
J'aimerais commencer par vous, madame McGuire-Cyrette. J'ai lu une statistique, et je sais que vous l'avez citée, mais je ne pense pas l'avoir notée assez rapidement.
Bien que les femmes autochtones représentent seulement 4 % de la population canadienne, elles constituent environ 50 % des victimes de la traite de personnes. La situation fend le cœur, mais les pensées et les prières ne règlent en rien ce fléau.
Croyez-vous que le gouvernement en fait suffisamment à l'heure actuelle pour protéger les femmes et les filles autochtones de la traite de personnes?
La situation avec les statistiques est assurément chaotique. Je vous ai entendus parler du manque de données à ce sujet au début de la séance, qui est dû à... Les statistiques ne nous montrent en fait que la pointe de l'iceberg. J'ai l'impression que les chiffres sont probablement pas mal plus élevés dans certaines communautés.
Par exemple, nos statistiques démontrent... Notre programme, qui est le plus vaste programme autochtone de lutte contre la traite de personnes au Canada, a aidé à sortir 858 personnes d'une situation de traite de 2017 à 2022 grâce à 12 000 contacts. Ces statistiques proviennent de notre suivi de données sur les femmes avec lesquelles nous travaillons. Il y a assurément certaines... Certaines petites communautés où vivent des femmes autochtones ont des taux supérieurs à 50 %...
Si ce problème perdure, c'est un échec, selon moi. Nous abandonnons les femmes autochtones en tant que communauté, société et système. Nous devons en faire plus pour les protéger. Il existe un lien entre les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la traite de personnes. Il existe une corrélation directe entre les enfants, les filles et les femmes disparus et la traite de personnes, et...
Je suis désolée. Je déteste vous interrompre, mais le temps est limité.
Vous avez déjà répondu à ma prochaine question et avez enchaîné parfaitement avec le sujet que je voulais aborder, soit le lien entre les femmes autochtones disparues et assassinées et la traite de personnes. Vous avez mentionné notre discussion avec le premier groupe de témoins sur le manque de données. C'est épouvantable, en fait, mais je n'ai pas de réponse, moi non plus.
J'aimerais vous entendre à ce sujet, parce que la réalité, c'est que... J'ai moi-même constaté des choses... Dans ma communauté, des femmes travaillent tout en étant victimes de traite de personnes, mais ces cas ne sont pas signalés. Comment peut‑on recueillir des données si on ignore le nombre de cas?
Je reviens aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées. Si ces femmes ont été laissées sans rien et n'ont pas été prises en compte dans le système, comment peut‑on avoir des données représentatives de la réalité? Comment peut‑on régler le problème?
Comment est‑ce possible, selon vous, si ces cas ne sont pas signalés?
C'est tout à fait juste. Si on pense à la racine du problème, la réalité, c'est qu'il faut investir dans la sécurité des femmes autochtones, tout simplement.
Le problème est là. On sait qu'il y a des dossiers à monter. On sait qu'il y a des données, mais qu'il en manque également, surtout à propos de la racine du problème des cas de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées. On manque de données à ce sujet. On n'a pas toute l'histoire. On ne connaît pas les circonstances de leur décès, par exemple. Combien de femmes sont mortes? Qui les a tuées? Comment sont-elles mortes? Si on le savait, cela pourrait entraîner des changements politiques systémiques.
Cela se vaut également avec les cas de traite de personnes ou de violence exercée contre des femmes autochtones. Les données ont démontré que les femmes allochtones sont plus en sécurité depuis qu'on a investi dans des ressources et des systèmes qui leur sont destinés. Or, ces systèmes ne fonctionnent pas pour nous, femmes autochtones. Il nous faut investir immédiatement dans la sécurité physique des femmes autochtones, et tout cela doit se faire de façon systémique. Il est temps d'agir.
Nous avons besoin d'un financement de base durable pour les agences qui s'occupent des femmes autochtones. Il n'y en a pas au Canada, présentement. Nous avons besoin de ce financement durable à long terme pour assurer la sécurité des femmes autochtones.
Je crois que je donnerai l'occasion à... Je vais mal prononcer votre nom de famille, alors j'utiliserai votre prénom, Melanie, si cela vous convient.
C'est la question de l'œuf et de la poule, parce que la plupart du temps, il faut fournir des données pour obtenir du financement pour un programme. Comment peut‑on investir dans quoi que ce soit? Si on veut recevoir du financement, il faut dire on a tant d'argent, et on a besoin de tel montant et de tant de ressources.
Quelle serait la meilleure façon de recueillir des données, selon vous, alors que nombre de ces femmes ne portent pas plainte? Les victimes ne portent pas plainte parce qu'elles ont honte ou peur de leur agresseur. Comment recueillir des données sur ce phénomène dans un tel contexte?
Je crois que les femmes doivent se sentir suffisamment en sécurité pour porter plainte. Les femmes ne se sentent pas en sécurité avec les policiers. C'est malheureux, mais c'est notre réalité. Il nous faut créer des milieux où les femmes se sentiront suffisamment en sécurité pour porter plainte. Il ne faut pas qu'elles deviennent victimes du système qui est censé les soutenir lorsqu'elles portent plainte.
Il y a également l'enjeu du racisme. C'est un problème au pays, et c'est évident dans les cas de traite de personnes et de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées. Les gens ne veulent pas voir les statistiques. Ils ont peur.
Repensez à ce qui s'est produit lors de l'annonce de la découverte de 215 sépultures à Kelowna. Tout le monde a été surpris, choqué. Or, le rapport de la Commission de vérité et réconciliation avait déjà relevé la chose. La Commission a entendu une panoplie d'histoires à ce sujet. Si la population y avait porté attention, elle n'aurait pas été choquée. La réalité, c'est que les gens ne veulent pas vraiment reconnaître les statistiques, ni même les informations de la police. On ne porte pas plainte et on n'assure pas de suivi.
Merci beaucoup, Melanie. Je déteste vous interrompre, surtout parce qu'il s'agit d'un sujet si important. J'essaie d'être polie en disant merci, à tout le moins.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Lambropoulos.
Tout d'abord, j'aimerais remercier nos deux témoins de leur comparution et de leur témoignage incroyable et fort utile pour notre étude.
Je vais d'abord m'adresser à Mme McGuire-Cyrette.
Vous avez dit que votre organisation a aidé 850 personnes à sortir d'une situation de traite au cours des dernières années grâce à 12 000 contacts. Cela s'est fait dans le cadre de votre programme de lutte contre la traite de personnes.
Nous tentons de lutter contre la traite de personnes au Canada. Pourriez-vous nous faire part des principales leçons que vous avez tirées de ce programme? Qu'aimeriez-vous transmettre à d'autres organisations qui tentent de faire la même chose que vous?
Comment avez-vous réussi à sortir 850 personnes d'une situation de traite?
Bien sûr. Tout d'abord, ce programme a été conçu et est mené par des survivantes. Nous avons fait appel à des expertes en la matière, et ce sont elles qui ont conçu et développé l'ensemble de la stratégie. Il s'agit donc d'une stratégie qui est menée par des survivantes dans la province.
Il s'agit d'une initiative exhaustive. Nous avons mobilisé tout le monde: les fournisseurs de services, les membres de la communauté et les survivantes de traite de personnes. Voilà l'approche que nous avons prise. Nous avons reconnu qu'elles savaient ce qu'il convenait de faire. Elles connaissent les lacunes et les besoins du système.
Nous avons créé un rapport intitulé « Journey to Safe Spaces », qui sert en fait de feuille de route aux survivantes pour répondre à leurs besoins évoqués. Tout le monde peut le consulter. Il se trouve sur notre site Web.
Ce rapport offre la marche à suivre pour créer un milieu sécuritaire où il est possible d'accéder librement aux programmes et aux services. On a besoin de changements systémiques. Il faut s'attaquer au problème à tous les niveaux. Il faut entre autres se concentrer sur les politiques, la sensibilisation et les services. Cet enjeu transcende les ministères, parce qu'il est lié à tellement d'autres enjeux. Il ne s'agit pas seulement de trouver le « grand méchant loup ».
La sexualisation des femmes et des filles autochtones est tellement normalisée dans nos communautés et dans nos comportements au Canada, et c'est pourquoi nos enfants continuent d'être victimes de traite. Il nous faut mettre fin à cette normalisation.
Pour ce faire, il nous faut des investissements exhaustifs qui répondront réellement aux besoins avec du financement durable à long terme.
Nous avons discuté de certaines avenues pour les femmes qui ne sont pas nées au Canada plus tôt avec les fonctionnaires d'IRCC et d'autres ministères. Ils nous ont dit que bien souvent, ces femmes hésitent à porter plainte. Bien sûr, nombre d'entre elles font face à la déportation, mais, de façon générale, ces femmes peuvent ne pas se sentir suffisamment en sécurité pour porter plainte pour traite de personnes.
Qu'est‑ce que les victimes vous ont dit, dans le cadre de votre programme? Comment avez-vous réussi à les aider à se sentir en sécurité et souvent suffisamment à l'aise pour porter plainte? Pensez-vous qu'il faudrait être plus proactifs pour que les gens en parlent plus ouvertement et aillent chercher de l'aide lorsqu'ils se retrouvent dans de telles situations?
Oui. Les survivantes nous ont dit qu'elles ont besoin d'un accès libre aux services, mais des services où elles se sentent suffisamment en sécurité pour avoir ces conversations. Si elles font appel à une agence qui s'occupe des femmes autochtones et qui offre donc des programmes et des soutiens culturels conçus pour elles par des personnes qui leur ressemblent, cela change la donne. Elles sont plus à même d'avoir des discussions avec d'autres personnes, ce qui permet de créer une communauté de soins et de soutien.
Notre programme nous permet surtout d'accompagner la femme dans sa guérison. Nous ne faisons pas le travail à sa place. Nous lui offrons notre soutien, et ce à long terme, parce que nombre de femmes et de filles que nous aidons n'ont accès à de l'aide que pendant 48 ou 72 heures dans le système. L'aide est limitée dans le temps. Pas chez nous. Nous les accompagnons dans leur guérison pendant un à deux ans, bref jusqu'à ce qu'elles n'aient plus besoin de nous.
Si vous vous imaginez que quelqu'un que vous connaissez a vécu cela et vient se confier à vous, cela vous touche. Cela vous change, parce que chacune de ces femmes et de ces filles est une mère, une fille, une tante ou une sœur bien-aimée, et le simple fait de pouvoir être là pour elles, de croire leur histoire... Vous savez, bien souvent, le système ne croit pas les filles qui parlent de la violence qu'elles vivent. Nous commençons donc par croire leur histoire. Leur histoire, c'est leur histoire, et c'est leur vérité.
Nous allons passer aux prochaines questions. Le Bloc et le NPD disposeront de six minutes. Je leur accorderai même quelques secondes supplémentaires. Les conservateurs et les libéraux disposeront ensuite d'une minute pour poser leurs dernières questions.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Larouche pendant environ six minutes.
Mesdames les témoins, je vous remercie d'être des nôtres et d'apporter votre point de vue autochtone. En effet, les femmes autochtones font malheureusement partie des statistiques et elles sont davantage visées par la traite des personnes. Merci beaucoup de vos témoignages.
Dans vos remarques, vous avez mentionné l'importance de travailler en concertation avec les différents ministères impliqués. Le Comité a reçu plus tôt cette semaine des représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, ainsi que de la Gendarmerie royale du Canada. J'ai été un peu surprise de voir que, si le Comité devait s'appuyer strictement sur leurs mesures, nous n'arriverions pas à grand-chose dans la lutte contre la traite des personnes, à mon avis.
Je comprends que la traite des personnes se fait dans la clandestinité et qu'il existe aussi de la duperie, notamment dans le cas de soi-disant bons samaritains qui ont en fait des intentions malveillantes. Tout ceci contribue à isoler la victime. Les représentants de ces organismes fédéraux ont indiqué au Comité qu'il leur était presque impossible de savoir s'il y avait un passage à la frontière.
Pour votre part, vous travaillez avec les victimes. Je comprends que les mesures prises en amont, comme la sensibilisation, sont nécessaires, tout comme celles prises en aval, notamment pour prendre soin des victimes. Cependant, qu'en est-il de l'entre-deux? Qu'est-ce qui ressort de vos conversations avec ces femmes? Quelle est votre expérience auprès d'elles? Comment perçoivent-elles les interventions policières?
Des réponses à ces questions permettraient au Comité de formuler des recommandations sur ce qui pourrait être amélioré, notamment à la Gendarmerie royale du Canada, dans les services policiers ou à l'Agence des services frontaliers du Canada. Que devrait-on faire de plus ou de moins?
Mesdames, je vous invite toutes, l'ordre que vous voudrez, à me répondre pour ce qui est du moment de l'intervention, puis de la prévention. Comment pourrait-on mieux détecter les situations de traite des personnes?
La première chose que la police doit faire, c'est croire la femme qui porte plainte et intervenir en tenant compte de ses traumatismes. Elle doit être en mesure de faire une telle chose. Cela dit, le système est raciste. Il faut commencer à envisager des façons de le changer et d'éradiquer les préjugés et le racisme, afin qu'il puisse répondre aux besoins des femmes et des filles et les mettre en contact avec des programmes et des services communautaires qui pourront les soutenir.
Le financement par projet pose problème. Les soutiens et les ressources pour les femmes dans la communauté ne sont pas garantis, car ils dépendent d'un financement à court terme. Il n'y a pas de stratégie à long terme. Nous avons besoin de soutien à long terme dans la communauté. Comment peut‑on recueillir des données adéquatement sur la réalité sur le terrain avec la police et les services pour examiner la situation de façon globale et s'attaquer au problème?
Les experts estiment qu'environ 10 % des victimes de traite de personnes travaillent mieux avec les agences de première ligne. Parfois, ce n'est pas sécuritaire de passer par le système judiciaire. Des femmes nous ont dit que le système judiciaire ne leur offre aucune justice. Elles veulent surtout travailler sur leur guérison. Il nous faut donc vraiment réfléchir aux façons de soutenir les femmes autochtones à cet égard. Ce soutien n'existe pas à l'heure actuelle, et il s'agit d'un élément essentiel.
Madame Omeniho, voulez-vous ajouter vos commentaires? On vous a coupé la parole au moment où vous alliez faire des recommandations au Comité. Je sais que la présidente vous a demandé de nous les envoyer par écrit, mais, si vous le voulez, je vous laisserais quelques instants pour nous en faire part maintenant.
Nous cherchons des idées concrètes. Qu'est-ce qui pourrait être amélioré?
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer à ce sujet.
Je suis du même avis que Mme McGuire-Cyrette. Nous avons besoin de services autochtones sur le terrain pour les femmes, et nous devons participer à leur élaboration. D'ailleurs, nous avons recommandé de créer une stratégie métisse de lutte contre la traite de personnes, avec l'aide des victimes elles-mêmes. Il sera possible de le faire grâce aux leçons qu'elles nous auront transmises.
J'aimerais également faire une recommandation sur un sujet qui n'a pas été abordé aujourd'hui. Les processus en ligne rendent notre population — et surtout les jeunes — particulièrement vulnérable à la traite de personnes. Les lois canadiennes ne sont pas adaptées à la réalité d'aujourd'hui avec Internet. Il nous faut instaurer des lois qui protégeront nos jeunes des agresseurs qui les sollicitent et essaient de leur faire croire à une histoire romantique pour en faire des victimes.
Vous parlez de toute la question de la cyberviolence et de la cybercriminalité. On a vu que la traite des personnes ne s'est pas arrêtée pendant la pandémie, mais qu'elle s'est transformée. Avez-vous observé ce phénomène?
Ce passage vers la cybercriminalité et vers davantage d'attraits, cette nécessité de s'attaquer à la cyberviolence, le fait que les arnaques sont plus faciles maintenant, est-ce de tout cela que vous parlez?
C'est exactement ce que je veux dire. Bon nombre de jeunes — surtout pendant la COVID‑19 — ont été isolés et ils cherchaient des réseaux et des attaches communautaires par l'entremise d'Internet, entre autres. Ils étaient donc très vulnérables face aux étrangers qui voulaient les exploiter.
La violence est bien réelle dans nos communautés. Elle a été normalisée au point où les gens ne réalisent pas que lorsque ces jeunes sont sexualisés sur Internet, ils deviennent des victimes et sont la proie de personnes qui veulent les exploiter. Nous avons entendu de nombreuses histoires — je sais qu'elles n'ont pas toutes fait les manchettes — de jeunes qui ont été enlevés de leur maison et envoyés vers d'autres villes — d'autres pays, même — où ils ont été exploités. Ils sont difficiles à retrouver. Lorsque nos jeunes femmes autochtones disparaissent, les efforts de recherche ne sont pas aussi importants que lorsque c'est une personne non autochtone qui disparaît.
Je suis heureuse de vous voir ici toutes les deux aujourd'hui. Je vous remercie pour votre travail.
Les intervenants et moi demandons la mise en place immédiate d'une alerte robe rouge pour les femmes, les filles et les personnes 2SLGBTQQIA+ autochtones disparues, au même titre que l'alerte Amber pour les enfants. Vous avez toutes deux parlé de racisme systémique et du maintien de l'ordre, et des interventions policières excessives ou insuffisantes. Les intervenants et moi avons fait valoir que les familles des femmes et des filles autochtones assassinées ou disparues devaient exercer un certain contrôle sur une telle initiative. À l'heure actuelle, les programmes et les systèmes sont mis en place sans qu'elles soient consultées.
Croyez-vous comme moi qu'une alerte robe rouge pourrait sauver des vies? Croyez-vous que les décisions doivent être prises en collaboration avec les Autochtones?
J'appuie l'idée d'une alerte robe rouge. Je crois qu'il s'agit d'une excellente idée. Si nous avions plus d'outils pour aider les familles lorsqu'une femme est portée disparue ou lorsqu'une personne est vulnérable, je crois que nous pourrions éviter certaines pertes.
En ce qui a trait à la compétence, madame McGuire-Cyrette, croyez-vous qu'une telle initiative doive être menée par les femmes et les filles autochtones, les familles et les survivantes? Vous en avez parlé plus tôt.
Je suis d'accord avec vous et avec Mme Omeniho. C'est un outil dont nous avons besoin. Je crois qu'il s'agit d'une très bonne idée. J'appuierais la mise en place d'une telle alerte.
En ce qui a trait à la compétence, je crois qu'il faut se rappeler que la violence ne connaît pas de frontières; elle est présente au sein des Premières Nations, dans les régions urbaines, dans les régions rurales et partout dans la province ou au pays. Cette violence ne connaît aucune limite, surtout pour les femmes autochtones. Il faudrait que l'alerte soit mise en oeuvre dans l'ensemble du pays et que nous éliminions les obstacles.
Ma prochaine question porte sur le revenu de base garanti.
J'ai présenté un projet de loi pour la mise en place du revenu de base garanti en réponse à l'appel à la justice 4.5 de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones — et les personnes bispirituelles — disparues et assassinées.
Êtes-vous d'avis qu'un revenu de base garanti représente une étape nécessaire pour freiner ce génocide des femmes et des filles autochtones et des personnes de diverses identités de genre?
Je crois que le revenu de base garanti changerait de nombreux facteurs pour les femmes vulnérables, qui se placent dans des situations de risque. Je crois que l'offre d'un tel revenu aiderait les femmes à se sortir de ces situations de vulnérabilité.
Madame McGuire-Cyrette, vous avez fait valoir que vous n'étiez pas un programme. Je vous ai posé une question tout à l'heure et j'ai souligné l'absence de financement dans le budget de 2022 pour lutter contre la crise des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées en raison du problème que vous avez toutes deux évoqué: la normalisation de la violence contre les femmes et les filles autochtones et les personnes de diverses identités de genre.
Croyez-vous que le défaut des derniers gouvernements — je parle de tous les ordres de gouvernement, mais surtout du gouvernement fédéral, étant donné l'endroit où nous nous trouvons — d'offrir un financement durable a coûté des vies?
Absolument. Lorsqu'on pense à ce qui s'est passé à Winnipeg... Je crois... C'est l'événement le plus frais dans nos mémoires. Il démontre que nous n'avons pas suffisamment investi dans la sécurité des femmes autochtones, et c'est inacceptable. Nous devons changer les choses, maintenant.
Il faut un financement durable, à long terme. Nous demandons un financement de base pour les organismes qui aident les femmes autochtones, afin de pouvoir faire ce type de travail. Mme Omeniho et moi avons beaucoup parlé des conseils des femmes des Premières Nations et des organismes pour les femmes autochtones en milieu urbain. Il faut tenir des collectes de fonds pour garder les portes ouvertes ou financer les projets un à la fois, ce qui représente un financement fragmenté. Ensuite, il faut rendre des comptes... Les organismes pour les femmes non autochtones reçoivent un financement de base durable et ont les ressources nécessaires pour offrir les meilleurs programmes et services. Le financement ne nous permet pas d'avoir un directeur administratif, un directeur financier ou un gestionnaire des ressources humaines. Il ne nous permet pas non plus de recueillir des données ou de mettre en place des politiques.
Je crois qu'un financement de base durable pour les organisations qui aident les femmes autochtones aurait une grande incidence sur les services offerts, et que le changement se ferait sentir rapidement.
Madame Omeniho, je crois que vous avez parlé du déplacement et des ressources. Nous venons de réaliser une étude sur le lien entre la violence est les industries de l'extraction des ressources.
De quelle façon le déplacement des terres est‑il associé au trafic sexuel?
Pourriez-vous répondre rapidement s'il vous plaît? Je suis désolée, mais je n'ai presque plus de temps.
Les personnes qui ont perdu leur communauté, leur famille leur terre — où ils ont appris à survivre — deviennent très vulnérables. Elles peuvent être victimes de crimes sexuels, surtout dans le secteur pétrolier et gazier, même si personne ne veut l'admettre.
Ma question s'adresse à Mme Omeniho. Je ne sais plus si c'était vous ou Mme McGuire-Cyrette qui aviez fait un commentaire au sujet de l'accès libre aux services.
Je ne me souviens plus laquelle d'entre vous a évoqué ce sujet. Pourriez-vous m'expliquer votre commentaire?
L'accès libre signifie que lorsqu'une femme a besoin d'un service, elle l'obtient. Nous devons changer le système afin de répondre aux besoins des femmes, plutôt que d'obliger les femmes à se plier au système.
Souvent, lorsqu'une personne a besoin d'aide, de soutien ou de l'accès à un service et que de nombreux facteurs entrent en jeu, elle obtient une recommandation. Notre organisme a créé un bureau de réception centralisé. Les femmes nous appellent et nous déterminons qui dans notre système est le mieux placé pour les aider, afin qu'elles n'aient pas à répéter leur histoire à plusieurs intervenants. Nous sommes responsables d'apporter ce changement, afin de veiller à ce que l'accès soit le plus facile possible, et à ce que nous répondions aux besoins des femmes.
En fait, j'ai pu me rendre à la fin de ma déclaration préliminaire. Je n'ai pas réussi à passer à travers toutes les notes que l'on m'avait données.
Nous devons veiller à offrir des services pour les femmes autochtones, par les femmes autochtones, qui sont élaborés par les victimes de la traite de personnes, afin qu'ils soient les plus appropriés pour les personnes visées.
Au nom du Comité, je tiens à vous remercier madame Omeniho et madame McGuire-Cyrette, d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui. Vos commentaires seront très utiles aux fins de notre étude. Merci. Vous pouvez quitter la réunion.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, il nous reste environ trois minutes de travail avant que nous mettions fin à la séance d'aujourd'hui. Nous devons aborder les travaux du Comité.
Le mercredi 22 mars, nous vous avons remis le budget proposé de 39 600 $ pour l'étude, afin que vous l'examiniez.
Est‑ce que le budget est adopté? J'aimerais qu'on présente une motion pour l'adoption du budget.
Mme Sonia Sidhu: J'en fais la proposition.
(La motion est adoptée.)
La présidente: Le mercredi 22 mars, le Sous-comité des budgets de comité du Comité de liaison a convenu d'octroyer au Comité permanent de la condition féminine un budget de déplacement de 73 878 $. Plus tôt, la Chambre a adopté une motion autorisant les membres du Comité à se déplacer. Nous nous rendrons donc — monsieur Serré, nous en discuterons plus en détail — à Vancouver, à Toronto, à Mississauga, à Brampton, à Sault Ste. Marie, à Halifax et à Dartmouth au printemps 2023. Nous songeons à la semaine du 10 avril.
Permettez-moi de vous expliquer. M. Serré et moi avons parlé des régions. Par exemple, la région de Peel doit être fractionnée en deux villes, qui sont Brampton et Mississauga. C'est pourquoi notre approche semble axée sur les grandes villes, mais il s'agit en fait d'une approche régionale.
Nous avions le choix entre Sault Ste. Marie et Sudbury; nous avons choisi Sault Ste. Marie. Voilà qui explique la liste des villes.
Nous irions à Vancouver puis à Toronto, à Mississauga, à Brampton — ce qui représente la région du Grand Toronto —, à Sault Ste. Marie, à Halifax et à Dartmouth. Il n'y a peut-être qu'une rivière qui sépare ces deux villes, mais ce sont deux destinations distinctes.
Bon, j'aimerais vous transmettre d'autres renseignements. Vous m'avez posé quelques questions.
Nous devons déterminer si nous allons répartir les déplacements entre les divers membres du Comité.
Un ou plusieurs membres du Comité pourraient être remplacés par d'autres à un certain point, selon les villes visitées. Toutefois, les dépenses ne peuvent être engagées qu'une seule fois par le Comité. Les dépenses supplémentaires relatives aux déplacements des remplaçants entre les villes ne seront peut-être pas couvertes en vertu du budget de déplacement du Comité. Les membres sont libres de participer aux événements qui se tiennent dans leur circonscription, par exemple, mais doivent s'acquitter des frais de déplacement connexes.
Est‑ce que cela signifie que nous pouvons utiliser le budget de bureau du député? Si je dois me déplacer pour rencontrer quelqu'un, je peux porter le déplacement à mon budget, non?
Nous allons nous assurer d'obtenir une réponse à cette question pour vous, parce que je sais qu'il y a des discussions à ce sujet. Je me dirais par exemple que Mme Sidhu pourrait passer nous prendre à Brampton, puisque nous sommes juste à côté.
Nous allons trouver une solution. Je vais m'assurer que nous obtenions tous ces renseignements au cours des prochains jours. Je vais rencontrer les coprésidentes pour en discuter davantage avec elles, parce que nous devons passer en revue de nombreux renseignements.
Les dates de déplacement proposées sont du lundi 10 avril au vendredi 14 avril. Sept membres sont autorisés à se déplacer. Nous ne savons pas lesquels. Je sais qu'il faut en discuter, mais je vous transmets l'information, au cas où vous souhaiteriez répartir les déplacements entre vous.
Nous allons transmettre un questionnaire aux personnes qui se déplaceront afin de connaître leur point de départ, par exemple. Nous devrons obtenir certains renseignements. On nous demandera probablement ce que nous voulons manger et d'autres renseignements importants du genre. Est‑ce exact?
D'accord. Avez-vous des questions avant que nous passions à autre chose?
Tout à fait. Je communiquerai avec vous, avec Mme Gazan, avec Mme Vien et avec Mme Larouche afin de trouver une solution, puis nous transmettrons une proposition à tous les membres.
Pour le moment, nous voulons... Nous n'avons pas besoin d'approuver quoi que ce soit. Nous pouvons discuter des plans de déplacement. Je vais commencer par rédiger une lettre que vous pourrez transmettre aux membres de vos partis, si cela vous convient.
Ce seront sept membres au total: trois libéraux, deux conservateurs, Mme Larouche et Mme Gazan. Donc une députée du NPD, une députée du Bloc, deux députés conservateurs et trois députés libéraux.