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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 120 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 septembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

    Bienvenue à la 120 e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
    Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les participants en personne de lire la nouvelle version des directives sur les fiches qui se trouvent sur la table. Ces mesures visent à prévenir les problèmes de rétroaction acoustique et à protéger la santé et la sécurité de tous les participants, notamment des interprètes.
    J'aimerais également rappeler les points suivants à tous les membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole, et tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Chers collègues, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou sur Zoom.
    Avant de commencer, j'aimerais souligner que Mme Martin est de retour dans la salle. Nous ne lui avons pas dit au revoir comme il se doit lorsqu'elle est passée à un autre comité.
    Elle est passée à celui des langues officielles.
    Merci, madame Martin. Votre accueil et votre soutien ont été formidables pendant mes débuts comme présidente.
    Mme Miller est maintenant avec nous. Bienvenue à bord. Je pense que nous sommes entre bonnes mains, alors merci beaucoup.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 27 novembre 2023, le Comité poursuit son étude sur le comportement coercitif.
    J'ai une mise en garde à faire avant de présenter nos témoins. Nous allons discuter d'expériences liées à la violence et au contrôle coercitif. Cela peut être un élément déclencheur pour les personnes qui ont vécu des expériences similaires. Si cela vous crée de l'angoisse ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
    Je m'adresse maintenant à tous les témoins et aux députés. Il est important d'être conscients que ce sont des discussions très difficiles, alors essayons d'être aussi compatissants que possible dans nos échanges.
    J'ai maintenant le plaisir de vous présenter nos témoins.
    Dans la salle, nous accueillons Julie Rioux, du Mouvement des familles victimes de violence conjugale post-séparation. Merci d'être avec nous.
    Par vidéoconférence, de Little Warriors, nous accueillons Wanda Polzin-Holman, directrice clinique.
    Du Safe Centre of Peel, nous accueillons Shelina Jeshani, directrice, Partenariats stratégiques et collaboration, également par vidéoconférence.
    De Women's Habitat of Etobicoke, nous accueillons Carla Neto, directrice exécutive, qui se joint à nous par vidéoconférence.
    Vous disposerez chacune de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, puis nous passerons aux séries de questions.
    Madame Rioux, nous allons commencer par vous. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration. Merci.
    Le Mouvement des familles victimes de violence conjugale post-séparation est composé de survivantes, ainsi que d'alliés comme des avocats et des professionnels du milieu médical et de la santé mentale. Notre mission est de donner une voix aux survivantes, car nous ne nous sentons pas écoutées.
    Aujourd'hui, nous voulons que les Canadiens et le Comité sachent que le fait de partir ne met pas fin à la violence. En fait, cela entraîne souvent une escalade. Le contrôle coercitif est la porte d'entrée vers la violence conjugale, la violence post-séparation, les allégations d'aliénation parentale et les dérives juridiques, et il se termine parfois par des féminicides et des filicides.
    Nos institutions et les professionnels des services sociaux et judiciaires sont souvent instrumentalisés par les agresseurs pour perpétuer leurs actes de violence, et parfois ils en sont les complices.
    Un féminicide se produit tous les deux jours et demi au Canada, et 62 % des agresseurs sont soit un partenaire actuel, soit un ancien partenaire.
(1635)

[Français]

     Au nom de la protection de la jeunesse et de l'indépendance judiciaire, les droits des familles acquis par la Charte sont brimés.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par vous donner l'exemple d'un cas au Canada atlantique.
    Un père a été condamné pour avoir violé la mère. Les services de protection de l'enfance ont confirmé que le père avait maltraité les quatre enfants. Les services de protection de l'enfance ont supprimé les services de supervision, ce qui a modifié les modalités de comparution du père. La supervision a cependant été maintenue à la demande de la mère, malgré les pressions exercées par le tribunal de la famille.
    En vue du procès devant le tribunal de la famille, l'agresseur demande une pension alimentaire et un temps parental de 50‑50. Il sera probablement en prison à ce moment.
    La victime, une professionnelle de la santé qui voit régulièrement des victimes de violence familiale, craint de recommander aux femmes de quitter une situation de violence, car elle sait que quitter la relation pour se protéger signifie qu'elle pourrait ne pas être en mesure de protéger ses enfants.
    Au Québec, le programme sociojudiciaire est corédigé et géré par les juges du Tribunal de la jeunesse et la DPJ. On y mentionne que les parents protecteurs, habituellement les mères, affichent des comportements d'aliénation puisqu'ils ont souvent un trouble de la personnalité ou des problèmes de santé mentale. Dans ce même document, on mentionne que l'aliénation est une forme de violence psychologique, qu'on appelle

[Français]

un « conflit sévère de séparation » ou un « conflit de loyauté ».

[Traduction]

    Les survivantes se heurtent donc à une discrimination systémique et à des préjugés judiciaires concernant la santé mentale. Par exemple, un père est accusé de quatre chefs d'accusation de voies de fait graves et de deux chefs d'accusation d'agression sexuelle. La mère perd la garde, car elle est considérée comme ayant attaqué le père et est étiquetée comme « aliénante » parce que les enfants parlent de la violence à la police. Il y a un procès criminel de cinq jours. En cas de condamnation, la DPJ prévoit un placement de remplacement pour les enfants, la mère étant considérée comme inapte, car elle continue d'affirmer que le père est dangereux.
    Soyons clairs: les « attaques » dont il est question sont la mère qui se rend à la police et qui témoigne devant un tribunal pénal. Les cas de ce genre sont légion. Ils sont d'autant plus compliqués qu'ils sont entendus par le Tribunal de la jeunesse du Québec et que la Cour d'appel du Québec n'entend pas les appels des parents. Les enfants placés dans des centres jeunesse, dont le but est de leur donner une vie meilleure, sont régulièrement confinés dans des salles d'isolement en béton de type cellulaire et sont maltraités par le personnel. Lorsque les filles s'enfuient, elles font l'objet d'une fouille à nu à leur retour. Nos enfants ne sont pas des criminels condamnés, mais ils sont traités comme tels.
    En Ontario, une mère a découvert des preuves que son adolescent était victime de la traite des personnes à des fins sexuelles dans un foyer d'accueil. Elle a présenté des preuves à la police et aux responsables de l'aide à l'enfance. En guise de représailles, les responsables de l'aide à l'enfance ont accusé la mère d'avoir exploité sexuellement ses jeunes enfants et lui ont supprimé son temps parental, mais la police a porté des accusations et la personne a été condamnée pour avoir drogué et agressé son fils. Cette mère a des preuves vidéo de la présence de fentanyl sur la table, le père étant avec les enfants à proximité, la petite amie du père se piquant, ainsi que d'innombrables vidéos prises par des voisins inquiets.
    Toujours en Ontario, on note un problème du côté des juges de la Cour supérieure, car ils ordonnent régulièrement des renversements de la garde en raison d'allégations d'aliénation et des thérapies de réunification sans consentement et des camps de réunification. Les camps ont lieu en Ontario, mais des enfants sont aussi envoyés aux États-Unis. Cela viole les droits garantis par la Charte et la Loi canadienne sur la santé en ce qui concerne le consentement au traitement médical et le droit de l'enfant d'avoir son mot à dire, conformément à la Déclaration des Nations unies.
    Dans l'Ouest canadien, un père a conservé une garde partagée 50‑50 après avoir été accusé de voies de fait. Il avait étranglé la mère pendant que le bébé était dans ses bras. Il a plaidé coupable à une accusation moindre. Il continue d'avoir un accès non supervisé et a poursuivi sa carrière d'enseignant.
    De toute évidence, les tribunaux n'accordent pas la priorité au droit à la sécurité de l'enfant ou de la mère prévu à l'article 7 de la Charte.
    En conclusion, de nombreuses femmes estiment qu'elles ne seront libres qu'une fois assassinées par leur agresseur. Trop d'enfants sont réduits au silence par la mort. Malgré les problèmes de compétence, nous implorons la Chambre des communes et le gouvernement d'apporter des changements législatifs pour donner la priorité à la sécurité des enfants et des victimes, ainsi qu'à une application plus rigoureuse de la Charte.
    Je vous remercie.
    Vous avez pris exactement cinq minutes. Merci beaucoup de votre témoignage.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Polzin-Holman. Vous avez cinq minutes.
    Je m'appelle Wanda Polzin-Holman, et je suis la directrice clinique de Little Warriors. Au nom des fournisseurs de soins et des enfants vulnérables avec lesquels nous travaillons, je tiens à remercier le Comité de nous donner l'occasion de participer à cette importante étude. Dans mon témoignage d'aujourd'hui, je me concentrerai sur le point de vue de Little Warriors sur le problème du contrôle coercitif, sur la nécessité d'apporter des réformes et sur les moyens de mieux protéger les survivants.
    Little Warriors est un organisme de bienfaisance national sans but lucratif qui se consacre à la sensibilisation, à la prévention et au traitement des agressions sexuelles commises contre des enfants. Depuis 2008, l'équipe de notre centre situé près de Sherwood Park, en Alberta, a créé des programmes qui ont transformé la vie de milliers d'enfants, d'adolescents et de familles partout au Canada qui ont été victimes de violences sexuelles.
    Le programme de traitement fondé sur des données probantes et tenant compte des traumatismes de Little Warriors, au Be Brave Ranch, est le seul programme du genre à offrir un traitement intensif, spécialisé et multimodal aux enfants âgés de 8 à 17 ans qui ont été agressés sexuellement et qui sont des survivants, ainsi qu'aux personnes qui en prennent soin. Comme les besoins ne cessent malheureusement d'augmenter, nous offrons également un atelier éducatif fondé sur des données probantes, appelé Prevent It!, qui a été créé en collaboration avec des chercheurs de l'Université de l'Alberta dans le but d'offrir de la formation aux adultes sur le sujet.
    Nous poursuivons nos recherches sur la santé mentale, le traitement des traumatismes, la toxicomanie et les expériences négatives vécues pendant l'enfance, car ces problèmes sont liés à la violence sexuelle faite aux enfants. À Little Warriors, nous travaillons avec divers intervenants ainsi qu'avec un conseil scientifique et clinique pour assurer le mieux-être des enfants et des familles avec lesquels nous travaillons.
    Nous obtenons régulièrement des taux d'amélioration et de rétablissement élevés et solides, comme en témoigne la mesure continue de nos résultats effectuée par des tiers indépendants. La recherche sur nos programmes montre un rendement social sur investissements de 11 pour 1, car ils sont au carrefour des services à l'enfance et à la famille, de l'éducation, de la santé, de la prévention des crises et de la justice pénale. La recherche montre que plus d'une fille sur quatre et d'un garçon sur six subissent un acte sexuel non désiré avant l'âge de 18 ans, et des rapports récents indiquent qu'au cours des cinq dernières années, le leurre d'enfants canadiens en ligne a augmenté de 815 %.
    Nous définissons les questions entourant la coercition dans le contexte de l'exploitation sexuelle des enfants, en soulignant évidemment que les enfants ne peuvent pas donner leur consentement à quelque forme que ce soit d'exploitation sexuelle en ligne ou en personne.
    Il y a coercition lorsque des enfants sont manipulés et forcés de faire quelque chose dans un but sexuel. Il convient de souligner que cette coercition est exercée par des adultes, mais aussi parfois par d'autres enfants ou des adolescents. À Little Warriors, nous voyons malheureusement des enfants qui ont subi des préjudices en raison d'activités sexuelles intrusives, exploitantes et traumatisantes. Nous le constatons sous diverses formes, y compris en ligne, où il y a un manque de contrôles clairs et où des sites encouragent les enfants à entrer en contact avec des délinquants et des agresseurs potentiels. Cela se produit aussi en personne; les recherches montrent que dans plus de 90 % des cas, les enfants connaissent bien leur agresseur.
    Voici les recommandations que nous souhaitons voir prises en considération. Premièrement, offrir des mesures de soutien exemptes d'obstacles tout au long du continuum de soins pour les enfants qui ont été agressés sexuellement. Ironiquement, les soutiens cliniques sont parfois plus faciles d'accès pour les délinquants que pour les survivants.
    Deuxièmement, revoir les lois qui continuent de protéger les délinquants, comme les ententes de non-divulgation et les peines minimales. Les courtes peines sans responsabilisation favorisent souvent la récidive, et les données montrent qu'environ 29 % des agresseurs sexuels d'enfants sont condamnés de nouveau par un tribunal pour adultes dans les cinq ans suivant leur condamnation initiale.
    Troisièmement, instaurer des lois qui exigent que les médias sociaux et les sites Web de prédation en ligne rendent des comptes.
    Quatrièmement, accroître l'intervention précoce pour sensibiliser les gens à l'exploitation sexuelle des enfants, à la coercition et à la traite des enfants et des jeunes. Il faut plus de sensibilisation et de soutien pour les personnes et les communautés marginalisées où le pourcentage de personnes touchées est plus élevé.
    Cinquièmement, le gouvernement et les parlementaires doivent veiller à ce que les survivants de la coercition aient pleinement accès à du soutien dans le cadre des programmes de services aux victimes. Cela peut se faire en facilitant les dons des particuliers aux organismes de bienfaisance et en fournissant un soutien financier aux organismes — comme Little Warriors — qui investissent dans les efforts de prévention et qui travaillent avec les survivants de la violence coercitive.
(1640)
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, et j'ai hâte de travailler avec vous tous pour remédier à ces problèmes.
    Merci beaucoup, madame Polzin-Holman.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Shelina Jeshani. Vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Bonjour, madame la présidente et distingués membres du Comité.
    Je tiens à exprimer ma gratitude au comité permanent pour cette invitation et aux survivantes qui ont courageusement raconté leur histoire dans l'espoir de créer un pays plus sûr pour toutes les filles et les femmes.
    Nous savons que les données sur la prévalence de la violence entre partenaires intimes dans notre pays sont accablantes. Nous savons que tous les cas ne sont pas signalés et que le nombre de victimes est beaucoup plus important qu'il n'y paraît, surtout chez celles qui subissent un contrôle coercitif.
    Je m'appelle Shelina Jeshani et je suis directrice du Safe Centre of Peel, situé dans la région de Peel, en Ontario. Le Safe Centre est un modèle novateur, fondé sur des données probantes et des pratiques exemplaires qui témoigne de la possibilité qu'a une collectivité de travailler ensemble pour intervenir et fournir un filet de sécurité aux victimes de violence entre partenaires intimes. Le centre est ouvert depuis 2011 grâce au dévouement de 24 partenaires communautaires, sous la direction des Catholic Family Services Peel-Dufferin. Ensemble, ils fournissent un modèle de prestation de services intégré et coordonné.
    En 2008, nos partenaires communautaires ont convenu que nous devions procéder autrement pour aider les victimes de violence entre partenaires intimes dans notre collectivité. Nous ne pouvions pas continuer à travailler en vase clos et à dédoubler les services en voyant que les femmes vulnérables, avec leurs enfants, avaient de la difficulté à naviguer dans le système que nous avions créé. Les survivantes nous ont dit qu'elles ne voulaient pas avoir à répéter leur histoire ad nauseam. Elles ne voulaient pas qu'on leur dise qu'elles ne pouvaient pas amener leurs enfants avec elles pour recevoir des services. Souvent, elles renonçaient à s'engager dans un système complexe qu'elles ne comprenaient pas. Elles ne savaient pas où aller pour obtenir de l'aide et quels services leur étaient offerts. Nous étions en train de perdre nos possibilités d'intervention précoce. Nous avons appris que c'était particulièrement difficile pour les victimes qui ne parlaient pas notre langue, qui venaient d'arriver au pays, qui avaient peu ou pas de moyens financiers, qui avaient de jeunes enfants et qui n'avaient pratiquement aucun réseau de soutien. Le Safe Centre of Peel sait que la collaboration intersectorielle entre les services sociaux est essentielle pour répondre aux besoins des victimes et des survivantes de violence entre partenaires intimes.
    Des survivantes viennent maintenant nous parler de la violence et des mauvais traitements qu'elles ont subis. L'une des formes les plus subtiles que nous voyons est le contrôle coercitif, un comportement qui vise à dominer, intimider et isoler la victime. Il peut s'agir de manipulation psychologique, émotionnelle et financière. Divers moyens peuvent être utilisés: la surveillance et un suivi constants de la victime, des menaces, l'isolement de ses amis et de sa famille et le contrôle des finances et des ressources. Les gestes peuvent être masqués par des commentaires comme: « Je ne veux pas te partager avec qui que ce soit » ou « Je vais gérer l'argent et te dire combien tu peux dépenser ».
    Au départ, les diverses tentatives de maintien du contrôle sont déguisées: l'agresseur se dit très inquiet pour la victime et devient de plus en plus dépendant d'elle pour la satisfaction de ses besoins émotionnels. Des femmes nous racontent comment les signes de contrôle coercitif ont parfois commencé subtilement au début de la relation. L'agresseur devient jaloux et très dépendant de la victime pour la satisfaction de ses besoins émotionnels; il commence ainsi lentement à l'isoler et à la contrôler.
    Nous savons que le contrôle coercitif s'intensifie à mesure que l'agresseur se sent de moins en moins en contrôle. La recherche montre que lorsque le contrôle coercitif est présent dans une relation, il y a un risque élevé que cela dégénère en violence physique, y compris en voies de fait graves et même en homicides. Pour de nombreuses victimes, le contrôle coercitif crée un environnement de peur et d'emprisonnement qui peut rapidement se détériorer et se transformer en formes de violence plus ouvertes.
    Les effets du contrôle coercitif sont profonds et causent des traumatismes psychologiques, une perte d'autonomie et des problèmes de santé mentale à long terme pour les survivantes, sans oublier les répercussions que ce type de contrôle et de violence a sur les enfants et les jeunes.
    Voici quelques-unes de nos recommandations.
    Mener des campagnes auprès des Canadiens pour les sensibiliser au contrôle coercitif et à ses répercussions, dans le but d'accroître le counseling traumatologique éclairé pour favoriser l'intervention précoce et la prévention.
    Investir dans des services spécialisés pour les victimes de contrôle coercitif, notamment l'accès à un soutien juridique, à un logement sûr, à du counselling traumatologique éclairé et à de l'aide financière.
    Les centres intégrés comme le Safe Centre of Peel, où divers secteurs travaillent ensemble, devraient être dotés de ressources adéquates pour répondre aux besoins uniques des victimes de formes non physiques de violence, afin de fournir un soutien en matière d'intervention précoce.
    Les responsables de l'application de la loi et de la justice ont besoin de plus de formation pour comprendre la nature holistique de la dynamique de la violence entre partenaires intimes, qui comprend le contrôle coercitif.
(1645)
    Enfin, des recherches plus approfondies sont nécessaires afin de recueillir davantage de données sur la prévalence du contrôle coercitif et sur l'efficacité des différentes interventions.
    En conclusion, pour éviter le passage à la violence physique et ainsi sauver des vies, il est essentiel que le contrôle coercitif soit détecté à un stade précoce et qu'il fasse l'objet d'une intervention efficace. Pour ce faire, des stratégies et des investissements devront être mis en place dans ce domaine.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire connaître le travail du Safe Center of Peel et d'être déterminés à lutter contre la violence fondée sur le sexe.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1650)
    Merci, madame Jeshani.
    Nous accueillons maintenant notre dernier témoin, Mme Carla Neto. Vous disposez également de cinq minutes.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Carla Neto. Je comparais devant le Comité au nom de Women's Habitat of Etobicoke, une organisation féministe offrant de multiples services aux victimes et survivantes de la violence fondée sur le sexe et leurs enfants depuis 1978.
    Nous offrons nos services dans deux endroits distincts: un refuge d'urgence de 25 lits pour les femmes et les enfants qui fuient la violence et un centre d'intervention qui travaille auprès des femmes touchées, dont beaucoup vivent encore avec un partenaire violent.
    Je m'en voudrais de ne pas mentionner qu'au cours des dernières années, nous avons constaté une augmentation du nombre de femmes qui fuient la violence entre partenaires intimes et la traite de personnes. Les deux emplacements aident les femmes à évaluer les risques et à élaborer des plans de sécurité, et offrent des services de consultation en cas de crise tenant compte des traumatismes de même que des services de counselling continus, d'aiguillage et de défense des droits. Nous assurons aussi un lien vers des services essentiels comme le logement, les soins de santé, les services juridiques et les programmes parentaux, ainsi que des programmes de prévention et de leadership pour les garçons et les filles.
    Nous vous remercions de nous avoir invitées à faire partie de ce groupe de témoins. Nous vous félicitons des efforts que vous déployez pour étudier plus à fond la question des comportements coercitifs.
    Historiquement, on a beaucoup mis l'accent sur les actes d'agression physique dans les cas de violence entre partenaires intimes. Ce faisant, on ne tient pas compte du contexte plus large des relations et l'on rate l'occasion de voir le rôle et les répercussions de la violence non physique. Même si l'on ne peut pas dire que le contrôle et les comportements coercitifs donneront toujours lieu à la violence physique, il est juste de dire que, d'après notre expérience de travail auprès des victimes et des survivantes de violence, tous les cas de violence physique ont été précédés par des comportements coercitifs et continueront de l'être.
    Un comportement coercitif se produit dans le contexte de dynamiques complexes dans les relations entre partenaires intimes lorsque l'un des partenaires exerce un pouvoir et un contrôle sur l'autre. Un comportement coercitif consiste à prendre des mesures pour forcer, manipuler ou intimider une personne afin qu'elle fasse quelque chose contre son gré. Il est plus difficile à détecter pour la famille et les amis, et il implique l'utilisation de menaces, de pressions et de force pour contrôler les actions d'une autre personne. Contrairement à la violence physique manifeste, les comportements coercitifs peuvent être subtils et impliquent souvent une manipulation émotionnelle, psychologique ou sociale. C'est la raison pour laquelle nous considérons souvent les comportements contrôlants et coercitifs comme des chaînes invisibles qui restreignent les victimes de violence entre partenaires intimes et de la traite de personnes.
    Certaines victimes et survivants de comportements coercitifs et contrôlants décrivent leur expérience comme une vie sous une menace constante et sans fin. D'autres décrivent le sentiment d'être captifs à la vue de tous. Ceux d'entre nous qui ont survécu à la guerre reconnaissent certains des mêmes effets et répercussions psychologiques chez les victimes et les survivants de comportements contrôlants coercitifs.
    Le contrôle coercitif dans la violence entre partenaires intimes comporte deux composantes principales: la coercition et le contrôle. La coercition peut se faire par le recours à la force ou à des menaces d'agression physique pour modifier le comportement de la victime. Le contrôle est utilisé pour contraindre la victime à l'obéissance en monopolisant des ressources vitales, en imposant certains choix, en limitant les options et en privant la victime des soutiens essentiels dont elle a besoin pour exercer un certain niveau d'indépendance. Parmi les exemples se trouvent l'intimidation, l'isolement, la manipulation, la surveillance, le contrôle des finances et la violence psychologique.
    Les comportements coercitifs se manifestent souvent dans les relations et les milieux de travail violents, et dans le cadre d'autres dynamiques de pouvoir où le but est de dominer la victime et de réduire son autonomie.
    Enfin, nous croyons que les stratégies et les efforts visant à lutter contre les comportements coercitifs nécessitent une approche globale à plusieurs niveaux qui fait intervenir divers intervenants, y compris les particuliers, les institutions et les collectivités. Il faut mettre en place des mesures de protection et d'application par l'entremise desquelles les gouvernements et les législateurs créent et renforcent les lois pour criminaliser les comportements coercitifs; des campagnes d'éducation et de sensibilisation du public; du soutien aux organismes sans but lucratif et aux ONG; et des écoles et des établissements d'enseignement où les élèves peuvent recevoir une formation sur les relations saines.
    Il faut aussi un financement important pour les services de soutien aux victimes et aux survivants; de la formation pour les professionnels; des mécanismes de réadaptation et de responsabilisation des agresseurs; un soutien financier pour les victimes et les survivants; l'habilitation des communautés, des dirigeants religieux, des amis, des familles et des voisins; et l'élaboration de solutions technologiques et numériques qui protègent les victimes contre la surveillance, la localisation et le harcèlement.
(1655)
    Il faut promouvoir la recherche et élaborer des politiques sur les comportements coercitifs pour comprendre leurs effets et établir des interventions fondées sur les données probantes.
    Je vous remercie une fois de plus pour votre invitation à participer à cette conversation très importante.
    Je suis prête à répondre à vos questions. Merci.
    Excellent. Merci, madame Neto.
    Nous vous remercions toutes pour vos déclarations préliminaires.
    Nous passons maintenant à notre première série de questions et allons d'abord entendre Mme Vien.

[Français]

     Madame Vien, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour à toutes et à tous.
    Chers collègues, je suis heureuse de vous retrouver après la pause estivale.
    Ce sont toujours des informations qui nous donnent froid dans le dos. Il y a aussi l'actualité qui nous rattrape, également, en ce qui concerne la violence faite aux femmes. J'avais des notes personnelles sur le sujet. Au cours des 10 dernières années, les crimes violents ont augmenté; les agressions sexuelles ont augmenté; les meurtres ont augmenté; les crimes violents avec arme à feu ont augmenté. De plus, le nombre de meurtres liés aux gangs de rue a explosé. On est dans un monde où la violence est absolument extraordinaire, en ce sens que ça dépasse l'entendement.
    Madame Rioux, depuis que le Comité a entrepris cette étude, je suis toujours un peu soufflée par les exemples qu'on nous donne de femmes — ce sont effectivement très souvent des femmes — qui sont victimes de violence. Malgré le fait qu'elles ont des preuves, des vidéos, des témoins, au bout du compte, ce sont elles qui portent l'odieux et qui sont accusées d'être responsables de ces situations.
    Vous avez dit que les cours d'appel refusent les appels des tribunaux inférieurs. Il y a une méconnaissance ou une non-reconnaissance de ce qui se passe dans la vie des femmes. On ne comprend pas les problèmes. On ne croit pas les femmes, finalement.
    Comment expliquez-vous cela? Parmi les changements législatifs auxquels vous faisiez référence, lesquels devraient être mis en avant?
    Il y a beaucoup de questions en une seule.
    En ce qui a trait aux changements législatifs, il faudrait effectuer une revue approfondie de l'indépendance judiciaire en comparaison des droits de la Charte. Devant un cas, les juges utilisent souvent leur indépendance judiciaire pour rendre des décisions qui sont, selon eux, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et ce, même si cela met en danger la femme ou les enfants.
     Pourriez-vous nous donner un exemple de ce que vous essayez d'illustrer?
    Par exemple, une femme peut avoir une ordonnance de protection venant d'un tribunal pénal. Ainsi, le juge d'un tribunal pénal pourrait trouver qu'il y a assez de preuves pour dire que l'agresseur de cette femme ne peut pas entrer en contact avec elle ou ses enfants. Or, un juge, la Chambre de la jeunesse ou la Cour supérieure d'une province peut enlever cette ordonnance pour faciliter les droits d'accès. Ainsi, pour ne pas être obligé d'utiliser des services de supervision des droits d'accès et des transferts, on va retirer la condition interdisant à l'agresseur de s'approcher de la victime, mais seulement pour les droits d'accès. Même s'il y avait une ordonnance de protection pour les enfants, elle sera retirée pour faciliter les droits d'accès. Dans certains cas, on pourrait conclure qu'on a compliqué les droits d'accès en demandant une ordonnance de protection, et alors on va donner 50 % de la garde au père.
(1700)
    C'est incroyable!
    Oui, c'est incroyable. Nos avocats nous disent de ne pas demander d'ordonnance de protection.
    En ce qui a trait aux cours supérieures, vous avez fait allusion à la Cour du Québec, mais c'est la Chambre de la jeunesse. Les juges ont insinué qu'une partie du Programme d'intervention sociojudiciaire en conflits sévères de séparation visait à saisir la Chambre de la jeunesse du dossier. La Cour supérieure du Québec ne peut donc plus appliquer la Loi sur le divorce parce qu'il y a des procédures de protection sous la Loi sur la protection de la jeunesse. Les juges disent que c'est une loi d'exception qui a préséance sur tout. Le tribunal pénal est censé faire appliquer la Charte, mais ne lui donne pas la priorité. Quant à la Cour d'appel du Québec, en 2023, elle n'a accepté aucun appel de la part de parents au sujet d'une décision de la Chambre de la jeunesse.
     Madame Rioux, vous avez fait allusion à l'aliénation parentale. Je vois qu'il y a un petit peu de cela, aussi, dans ce que vous soulevez. Nous avons entendu un témoignage sur cette question, ici, qui était assez troublant.
    Êtes-vous en contact direct avec certains cas?
    Dans tous les cas que je vous ai mentionnés, sauf l'exemple des centres jeunesse, j'ai un contact direct avec les victimes. Je leur ai d'ailleurs demandé la permission d'exposer leurs cas. Pour ce qui est de mes contacts avec les centres jeunesse, ils se sont faits par l'entremise d'un allié.
    Comment pourrait-on résoudre le problème de l'aliénation parentale?
     Selon moi, il faudrait d'abord regarder les recommandations de Reem Alsalem mentionnées dans un rapport de l'ONU, et les mettre en œuvre. Ensuite, il faudrait mieux structurer la façon dont on choisit les personnes qui viendront témoigner à titre d'experts dans les cours...
    Est-ce terminé?
    Oui.
     Vous voyez comment c'est ingrat.

[Traduction]

    Madame Sidhu, vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos invitées pour leurs témoignages.
    Le sujet est très important. Aujourd'hui, nous discutons des comportements coercitifs envers les survivants. Je vous remercie toutes les trois pour le travail que vous faites sur le terrain.
    Je viens de la municipalité de Peel; madame Jeshani, je tiens à vous remercier. Vous êtes à la tête de cette équipe, et votre travail... Ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant nous, madame Jeshani. Je sais que nous vous avions invitée en 2022 à témoigner au sujet de la violence entre partenaires intimes et de la violence familiale au Canada. En 2023, nous avons tous visité votre centre dans le cadre d'une autre étude sur la traite des personnes. Vous aviez parlé de l'isolement des victimes et du contrôle de leurs finances... Vos organisations aident les femmes dans la région de Peel par l'entremise de divers services, offerts sous un même toit.
    Pouvez-vous nous parler de la façon dont vous aidez les femmes grâce à ces services? Comment aidez-vous les femmes et leur apportez-vous un soutien qui tient compte des traumatismes?
    Merci, madame Sidhu. Je suis heureuse de vous revoir également.
    Le Safe Centre of Peel se fonde sur les principes de soins tenant compte des traumatismes. Nous avons écouté les survivantes qui nous ont dit qu'elles ne savaient pas comment naviguer dans les systèmes, et nous en avons donc assumé la responsabilité. Les survivantes nous disent qu'elles ne veulent pas répéter leur histoire encore et encore et qu'elles ont besoin de quelqu'un pour leur tenir la main tout au long de ce parcours: pas seulement à l'étape de la crise. Notre travail repose donc vraiment sur ces principes de prestation de soins intégrés et sur la collaboration avec un large éventail de partenaires qui fournissent des soins adaptés à la culture et des capacités linguistiques, au besoin, afin que les personnes qui viennent à notre centre passent par un seul guichet. Elles racontent leur histoire une fois. Nous sommes tous formés en matière d'évaluation des risques, alors nous parlons tous le même langage.
    Nous savons également que lorsque les gens s'adressent à nous, ils peuvent venir pour toutes sortes de raisons et de besoins différents, mais cela nous donne l'occasion de leur parler d'autres services et mesures de soutien qui sont disponibles et qu'ils ne connaissaient peut-être même pas. C'est l'occasion d'intervenir rapidement pour commencer à changer certaines choses. Nous aidons les femmes qui sont victimes du contrôle coercitif, qui ont perdu leur estime de soi et qui vivent une détresse mentale accrue à comprendre que ce n'est pas dans leur tête; que la situation leur arrive réellement, et que c'est délibéré et intentionnel de la part de leur agresseur.
    Grâce à ces partenariats, nous sommes en mesure de nous réunir, d'analyser les cas et de travailler plus en amont afin d'assurer une intervention précoce avant que les choses ne s'aggravent davantage.
(1705)
    Merci.
    Vous avez parlé de la sensibilisation du public. Quels types des ressources permettraient d'accroître la sensibilisation du public, et à quel âge recommanderiez-vous que l'on aborde le sujet auprès des enfants dans le système scolaire? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui, tout à fait.
    La sensibilisation du public est essentielle. Elle permet d'expliquer à la population ce qu'est le contrôle coercitif, à quoi il ressemble et quels sont les mesures de soutien offertes pour aider les personnes à s'en sortir.
    La société a une bonne idée de ce qu'est la violence physique et de ses diverses formes, mais nous ne parlons pas de contrôle coercitif. Nous n'en parlons pas à nos jeunes, qui commencent leurs relations. Nous ne les aidons pas à comprendre ce qu'est une relation saine. Si le copain d'une jeune fille la suit en lui disant qu'il veut simplement assurer sa sécurité, qu'est‑ce que cela entraîne comme conséquences? Quel est le comportement adopté et comment l'autonomie des filles est-elle affectée? Ce sont des situations qui peuvent se produire au début d'une relation.
    Nous savons aussi que certains enfants et jeunes vivent de la violence physique et coercitive à la maison. Ce sont des comportements appris. Si nous n'avons pas l'occasion d'y mettre fin et d'apprendre aux jeunes garçons ce qu'est l'équilibre des pouvoirs dans une relation, comment il faut se traiter l'un et l'autre, comment faire part de nos besoins et comment se respecter, alors ils reviendront à ce qu'ils ont vu et à ce qu'ils ont appris.
    Nous savons qu'il y a de nombreux facteurs qui ont une incidence sur les relations malsaines, en dehors de la maison. Nous avons l'occasion de les aborder. Bon nombre de nos partenaires de la région de Peel sont membres de notre programme d'enfants-témoins, qui s'appelle The HEAL Network. Nous travaillons en collaboration avec nos partenaires du système scolaire afin d'intervenir le plus tôt possible directement auprès des enfants.
    Combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste 10 secondes.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Jeshani?
    Je suis désolée, mais vous n'avez plus de temps.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Mme Larouche.

[Français]

     Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos quatre témoins de leur présence.
    Cette étude est troublante, je le constate à chaque rencontre que nous tenons sur le sujet. L'actualité nous rappelle régulièrement à quel point notre étude sur le contrôle coercitif est importante.
    Pourquoi, en mai dernier, y avait-il eu déjà plus de féminicides en 2024 que pendant toute l'année 2023, au Québec?
    Le premier féminicide a eu lieu dans la région que je représente en tant que députée. Le 31 août dernier, j'ai offert mes condoléances à la famille lors d'un tournoi de golf. On avait offert à la famille de participer à un tournoi de golf au profit de la Maison Alice‑Desmarais, située dans la circonscription de Shefford, plus précisément à Granby. La Maison Alice‑Desmarais vient en aide aux femmes victimes de violence. Il était très émouvant de rencontrer la famille de la victime, cette jeune femme de ma circonscription qui a été tuée.
    Vendredi soir prochain, à l'invitation de la Maison Alice‑Desmarais, mais, surtout, des groupes de femmes, je vais participer à une marche. Nous sommes en 2024 et on est encore obligé de tenir de telles activités pour souligner que des femmes sont tuées et qu'encore beaucoup trop de violence est faite aux femmes.
     Je vais m'arrêter ici, mais je pourrais en parler très longtemps. J'ai beaucoup de questions à poser aux témoins.
    Madame Jeshani, dans vos remarques liminaires, vous avez mentionné qu'il fallait reconnaître le contrôle coercitif. Par quoi cela commence-t-il? Que voulez-vous dire par « reconnaître le contrôle coercitif », exactement? Visez-vous une reconnaissance sur le plan criminel, afin que le système comprenne plus d'outils permettant une intervention?
(1710)

[Traduction]

    Ce que je veux dire, c'est qu'il faut accroître la sensibilisation à l'égard de ce qu'est le contrôle coercitif et de ce à quoi il ressemble.
    Nous devons investir pour être en mesure de nommer ces comportements, et pour nommer les répercussions que le contrôle coercitif peut avoir sur les femmes. Nous savons que de nombreuses femmes ne se manifestent pas parce que leur conjoint ne les a pas frappées ou ne les a pas poussées, par exemple. Pourtant, les conditions dans lesquelles elles vivent leur donnent l'impression qu'elles n'ont pas d'autonomie, qu'elles n'ont aucun pouvoir, que leur estime de soi est minée et qu'elles ne peuvent même pas s'en sortir parce qu'elles sont constamment humiliées et qu'on leur dit qu'elles n'ont pas le droit ou l'intelligence de mener certaines parties de leur vie.
     Ce genre de contrôle coercitif se fait à long terme et nuit au bien-être psychologique des victimes. Il faut en parler. Nous savons que le contrôle coercitif, quel qu'il soit, précède habituellement la violence physique, y compris des formes extrêmes de violence comme l'étranglement, qui est également en hausse dans notre pays.
     À l'heure actuelle, dans la région de Peel, qui comprend Brampton et Mississauga, il y a une victime d'étranglement par jour. C'est ce qui est signalé à la police, et nous savons que ce ne sont pas toutes les femmes qui dénoncent leur agresseur.
     Nous savons également, d'après le Training Institute on Strangulation Prevention, qu'une femme est 750 % plus susceptible d'être tuée par l'homme qui tente de l'étrangler, et nous savons que l'étranglement n'est pas la première étape: les premières étapes sont les tactiques de contrôle coercitif, et lorsque l'agresseur estime qu'elles ne sont plus efficaces, il a recours à la violence physique.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de ces explications, mais la difficulté est cependant de sensibiliser la population, et de reconnaître la situation. Évidemment que cela doit faire partie de tout ce que l'on doit faire du point de vue de l'éducation, jusqu'à être capables d'intervenir. C'est tout le système qu'il faut revoir, et cela va de l'amont jusqu'à l'aval. Cependant, si les victimes ne dénoncent pas leur agresseur, c'est parce qu'il n'y a pas encore de reconnaissance sur le plan criminel du contrôle coercitif. C'est du moins ce que j'entends sur le terrain. Je le dis, parce que, encore cet été, j'ai rencontré des élus. J'ai vraiment rencontré des élus de tous les partis. J'en ai rencontré certaines du Parti libéral du Canada lors du défilé de la Fierté, à Montréal, et elles m'ont dit que le fait de reconnaître le contrôle coercitif sur le plan criminel serait extrêmement important pour pouvoir donner des outils juridiques et des moyens d'intervenir. Cela fait partie des recommandations du rapport « Rebâtir la confiance », qui a été déposé à Québec, et préparé d'une façon non partisane. J'aimerais aussi dire que ce sont toutes les formations politiques de l'Assemblée nationale du Québec qui m'ont transmis la demande, d'inclure cette reconnaissance sur le plan criminel.
    Il me reste 30 secondes. Vous pourrez peut-être continuer à répondre durant mon prochain tour de questions, madame Neto, mais vous avez vous-même parlé de la question de la protection juridique. À votre avis, par quoi cela doit-il passer?

[Traduction]

     Pour faire suite à ce qu'a dit Mme Jeshani, avant même les protections juridiques, il faut reconnaître l'existence du contrôle coercitif. Si les policiers ne sont pas formés en ce sens, ils ne procéderont pas de manière à protéger la victime et la survivante, de sorte que lorsqu'elles entreront dans le système judiciaire, elles ne seront pas protégées de façon légale, puisque les tribunaux ne reconnaîtront pas le problème.
     C'est pourquoi j'aimerais prendre un peu de recul. En fait, je pense que ce que nous devons faire, c'est changer les mentalités au pays. Nous devons reconnaître que la violence faite aux femmes existe.
     Par exemple, lorsque la police se rend sur les lieux d'un incident de violence familiale, il est important que la femme soit crue. Si l'agresseur — ou le mari, dans ce cas‑ci — dit que sa femme ne va pas bien, qu'elle est folle ou qu'elle a un problème de santé mentale, et que le policier accepte cela et ne va pas plus loin, qu'il n'agit pas rapidement, aucune protection juridique ne sera offerte à cette femme. Voilà le problème.
(1715)
    Je vais devoir vous arrêter.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Neto.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à Leah Gazan. Vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Je vais m'assurer de ne pas voir votre nouveau carton indiquant qu'il me reste 30 secondes.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence et du travail essentiel qu'elles font.
    Ma question s'adresse à Mme Polzin-Holman.
    Vous avez beaucoup parlé de la maltraitance sexuelle des enfants. J'ai été professeure pendant longtemps, et j'ai enseigné l'éducation sexuelle. Je ne sais pas si vous allez être d'accord avec moi, mais je crois qu'elle est importante pour protéger les enfants contre la maltraitance sexuelle. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
    Je pense que c'est une question très importante, et je suis aussi d'avis qu'il faut enseigner l'éducation sexuelle aux enfants.
    Je crois qu'il faut songer à l'âge auquel nous commençons à enseigner certains aspects de l'éducation et du bien-être sexuels. Je sais qu'un autre témoin a parlé d'offrir ce programme aux enfants et aux adolescents lorsqu'ils sont au premier ou au deuxième cycle du secondaire. Je pense en fait qu'il est très important de parler d'éducation et de bien-être sexuels à un âge encore plus précoce, pour plusieurs raisons, notamment pour veiller à ce que les enfants comprennent l'autonomie corporelle à un très jeune âge.
    Pourtant, dans bon nombre de nos familles et de nos collectivités, on ne fait pas de liens lorsqu'on demande à un enfant de faire une accolade à son grand-père, par exemple. On impose cela à nos enfants, en quelque sorte. Il est également important d'enseigner aux enfants un langage approprié au sujet de leur corps afin qu'ils puissent reconnaître les mauvais traitements. Souvent, les enfants qui témoignent n'ont pas les bons mots pour parler de leur corps et de ce qui s'est passé dans une situation de maltraitance sexuelle, ce qui rend difficile le travail des intervenants du système judiciaire, qui doivent prendre des décisions.
    Je dirais qu'il est extrêmement important d'agir dans les écoles, mais aussi de soutenir les familles et les aidants dans les communautés, afin que tous utilisent le même langage.
    Merci beaucoup.
    Je n'ai pas beaucoup de temps, et nous avons des témoins d'exception ici aujourd'hui.
    Vous avez aussi dit que la victime connaissait souvent son agresseur. C'est notamment ce que révèle l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous savons que, dans certaines situations, les victimes étaient forcées de rester avec leur agresseur. C'est notamment le cas des enfants qui cessent d'être pris en charge ou qui sortent du système de protection de l'enfance en raison de la traite de personnes.
    Pourquoi est‑il important pour nous de redéfinir les stéréotypes entourant les prédateurs? On a tendance à penser que ce sont des inconnus qui se cachent dans le noir, alors que ce n'est souvent pas le cas.
    Oui, il y a un mythe entourant les inconnus, mais la recherche montre que dans la plupart des cas — dans plus de 90 % des cas, en fait —, la maltraitance est commise par une personne qui connaît bien la victime ou une personne qui est censée la protéger.
(1720)
    Combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste deux minutes.
    Excellent.
    Madame Rioux, ma prochaine question s'adresse à vous.
    Vous avez lancé une pétition sur l'aliénation parentale. C'est intéressant, parce que ce qui nous préoccupe notamment au sujet de la mise en oeuvre d'une loi sur le contrôle coercitif, c'est que nous ne comprenons pas encore assez bien ce qu'est l'aliénation parentale et comment elle peut parfois être utilisée contre un parent qui, pour de très bonnes raisons, s'inquiète du comportement de l'autre parent.
    Très rapidement, votre pétition reconnaît l'injustice et les violations des droits de la personne qui sont actuellement facilitées dans les tribunaux de la famille du Canada, et reconnaît que les tribunaux sont complices de cette maltraitance continue des femmes et des enfants. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de l'aliénation parentale et de ses dangers?
    À titre de précision, nous voulons rendre ces accusations inadmissibles dans le cadre des procès, n'est‑ce pas?
    Oui.
    C'est un atout juridique. Si, devant les tribunaux, vous parlez de la violence familiale et du danger pour les enfants, alors on vous accusera d'aliénation parentale. Les mères sont scrutées à la loupe. Si elles agissent d'une certaine façon, on dira que c'est bon pour leur enfant; si elles agissent d'une autre façon, on les accusera d'aliénation parentale.
    Par exemple, si un père ne va pas bien, on pourrait dire: « Vous savez quoi? Il ne va pas bien. Nous voulons qu'il ait une relation avec ses enfants et nous voulons nous assurer qu'elle est sécuritaire, mais nous ne croyons pas qu'il doive avoir un accès complet à ses enfants, pour une bonne raison. »
    Est‑ce un argument qui est souvent utilisé dans de tels cas?
    C'est souvent utilisé dans...
    Si vous pouviez commenter...
    Excusez-moi.
    Il n'y a pas de problème.
    Merci.
    Je vais vous donner quelques secondes pour répondre à cette question, puis nous passerons à notre prochaine intervenante.
    Dès que l'on parle d'aliénation parentale, la conversation au sujet du risque que pose l'autre parent se termine.
    Merci.
    D'accord, madame Roberts, vous disposez de cinq minutes.
    Nous commençons notre deuxième série de questions.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être avec nous.
    Je ne vais pas vous mentir: je suis très déçue et même dégoûtée.
    J'aimerais vous parler de deux situations. En 1997, une mère et ses quatre enfants ont été tués. Le père les a tous abattus, puis il s'est suicidé. Avant de se tuer, il a mis le feu à la maison.
    En 2020, la loi Kari a été oubliée.
    La raison pour laquelle je parle de ces deux cas, c'est qu'ils sont tellement éloignés l'un de l'autre... Il semble que rien n'ait changé au pays. On n'écoute pas les enfants. Cela me dégoûte profondément.
    Je crois que, d'abord, les juges n'écoutent pas les enfants et que nous laissons tomber les femmes parce que nous ne les écoutons pas. De façon plus importante, je me demande combien de ces criminels — et ce sont des criminels à mes yeux parce qu'ils maltraitent les femmes et les enfants — sont aujourd'hui libérés sous caution alors que les femmes vivent dans la peur?
    Ma question s'adresse à toutes les témoins.
    Est‑ce que quelqu'un a une réponse?
    Allez‑y, madame Rioux.
    Je ne sais pas combien, mais la plupart... Je ne connais aucune victime dont l'agresseur n'a pas été libéré sous caution.
    Donc...
    Allez‑y.
    Si l'accusé est l'objet d'une ordonnance de non-communication et que les femmes appellent la police, on leur dit qu'elles inventent. Ou alors la police leur dit: « Oh, il voulait simplement voir ses enfants. C'est pourquoi il est venu chez vous. » C'est ce qu'on entend sur le terrain.
    Comment, nom de Dieu, pouvons-nous protéger nos enfants alors que ces hommes circulent en toute liberté? Nous savons qu'ils vont récidiver, mais on ne les en empêche pas. Il faut changer les lois parce qu'on ne rend pas justice aux enfants. Peut-être avez-vous des propositions à nous faire là‑dessus.
    À mon avis, il faut examiner la question autrement.
    Oui, ils ont des droits. Oui, ils sont innocents jusqu'à preuve du contraire. Mais les victimes ont des droits aussi. Pourquoi ne gère‑t‑on pas le risque? Pourquoi n'impose‑t‑on pas des ordonnances de surveillance permanentes? Dès que des allégations sont soulevées, il faut surveiller ces hommes sans relâche, jusqu'à ce que les circonstances soient éclaircies. Il n'y a rien de cela à l'heure actuelle. C'est très rare qu'on obtienne une ordonnance d'accès supervisé.
    L'une des choses que j'entends souvent de la part des policiers, c'est qu'ils ont l'impression d'avoir les mains liées. Ils se rendent au domicile et arrêtent le monsieur — mais pourquoi l'ai‑je appelé un monsieur? C'est un criminel.
    Ils le mettent derrière les barreaux. Il est libéré sous caution, s'enfuit à nouveau et est remis en prison. Nous nous retrouvons devant une situation... Je ne connais pas les chiffres, et je ne sais pas si quelqu'un ici les a. Certains de ces auteurs sont des récidivistes. Il n'y a aucune chance qu'ils changent.
    Êtes-vous d'accord avec moi?
(1725)
    Madame Roberts, votre temps de parole est écoulé, mais je tiens à souligner que Mme Neto a levé la main, si vous souhaitez lui donner la parole.
    Oh, je suis désolée. Je ne l'avais pas vue.
    Non, ce n'est pas grave. C'était simplement pour vous tenir au courant.
    Je suis désolée. Bien.
    Ah! Je vois qu'elles sont deux.
    Vous pouvez choisir. Je ne fais qu'attirer votre attention sur ce point.
    Très bien. J'opte pour...
    Êtes-vous bien Mme Neto?
    Oui.
    Je vous prie de m'excuser. Puis‑je vous appeler Carla?
    Oui, bien entendu. Merci beaucoup.
    Aimeriez-vous répondre à cette question?
    Oui.
    Je comprends que vous êtes passionnée par cet enjeu, je le suis aussi. Je pense qu'il faut établir des structures de reddition de comptes très claires. Pour ce faire, il faut commencer par le haut.
    Certaines de nos clientes ont raconté leur histoire dans les tribunaux à de nombreuses reprises. En fait, nous sommes d'avis que le contrôle coercitif est aussi encouragé par les tribunaux et le droit de la famille puisque ces criminels, comme vous le dites, se servent du système judiciaire pour continuer à manipuler et à contrôler. Parfois, ils menacent de tuer la mère si les enfants choisissent de rester avec elle.
    Il faut commencer par le haut…
    Je ne veux pas vous interrompre, mais je veux ajouter autre chose…
    Nous commençons par le haut.
    Je viens de lire un livre intitulé Women Unsilenced. Nous avons reçu deux femmes de l'Est, de Nouvelle-Écosse. L'une des choses qui m'ont tenue éveillée la nuit, c'est que j'ai lu dans ce livre que des familles, des parents, ont des enfants dans ce pays et les préparent dès l'âge d'un an pour les vendre dans la rue.
    Pourquoi ne poursuivons-nous pas ce genre d'individus? Les enfants sont abusés par des professionnels, des médecins, des avocats, des prêtres, des juges. Pourquoi ne faisons-nous pas plus pour protéger ces enfants? J'ai également découvert...
    Il ne vous reste que 20 secondes environ.
     Quelqu'un pourrait‑il... ? Je suis désolée, mais je ne me souviens pas de son nom.
    Il s'agit de la directrice clinique de l'organisme Little Warriors, Mme Polzin‑Holman.
    D'accord, je vois Mme Polzin‑Holman lever la main.
     Je vous remercie. Je tâcherai d'être brève.
     Je pense qu'il s'agit d'un enjeu plus complexe; il ne s'agit pas seulement des contrevenants.
    L'une des choses que nous constatons et que je souhaite ajouter à la conversation est un problème permanent de traumatisme intergénérationnel. Lorsque les familles, les mères et les autres prestataires de soins tentent d'aider les enfants et les jeunes, ils ont souvent eux-mêmes un lourd passé d'abus. Ce que nous constatons dans notre programme, c'est que parfois, lorsque leur enfant participe au programme pour la toute première fois, ils parlent de leurs propres traumatismes et abus systémiques et intergénérationnels, et...
    Je vous remercie, madame Polzin‑Holman.
    ... c'est pour le premier...
     Très bien.
    Je cède maintenant la parole à Mme Hepfner pour les cinq prochaines minutes.
    Je vous remercie.
     Merci, madame la présidente.
    Tous nos témoins d'aujourd'hui sont fort pertinents. Je tiens à vous remercier tous pour votre temps et votre attention. Je vais m'en tenir à vous, madame Rioux.
    Je suis désolée, mais je suis saisie du problème de l'aliénation parentale. Nous savons que cela se produit ici au Canada; j'ai parlé à des victimes. Il y a quelques jours, le 31 août, un article a été publié à Denver. Le titre est le suivant: « L'ancien policier d'Aurora accusé d'avoir violé sa fille demeure en liberté alors que la mère est envoyée en prison ». Ce n'est pas Aurora, en Ontario.
    C'est l'un des cas dont vous avez parlé. Le père est accusé d'avoir violé ses filles, mais il reste libre et peut se battre pour obtenir la garde de ses deux fils. Lorsque la mère proteste, elle est jetée en prison parce qu'elle s'oppose à cette thérapie de réunification. J'ai entendu des victimes de cette thérapie, et je n'ai pas l'impression qu'il s'agit d'une thérapie; cela ressemble plutôt à de la torture, et elles sont forcées de la suivre. Je trouve tout cela épouvantable.
    Je voudrais revenir sur votre déclaration d'ouverture. Je ne suis pas certaine de savoir qui vous citiez, mais vous avez dit que l'aliénation parentale est « généralement le fait de la mère » et qu'il s'agit d'un « abus psychologique ». Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet. D'après ce que j'ai compris, l'aliénation parentale n'existe pas vraiment. Ce ne devrait pas être un terme. Nous ne devrions pas l'utiliser dans les tribunaux. Ce n'est qu'une illusion, ce n'est pas la réalité.
    Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet?
    La citation est en réalité tirée d'un manuel de formation destiné aux employés de...
(1730)

[Français]

la Direction de la protection de la jeunesse du Québec.

[Traduction]

Je constate qu'une terminologie similaire est utilisée au sein des sociétés d'aide à l'enfance en Ontario.
Ce n'est pas une thérapie, car pour suivre une thérapie de santé mentale, il faut être consentant, et les enfants ne le sont pas. De plus, une thérapie n'est pas censée reposer sur le chantage. Ces enfants vont à la thérapie de réunification, à la RT, et on leur dit d'oublier ce que leur père leur a fait. Ils n'ont pas compris, ce n'est pas arrivé. Les thérapeutes se mettent en colère s'ils le font.
Dans un cas que je connais, le juge a inversé la garde; ils ont complètement coupé les contacts. Je trouve très ironique que, dans le cas d'un éloignement, la solution consiste à éloigner l'enfant du parent dont il se sent proche. D'une part, vous lui portez préjudice psychologiquement, car vous rompez le lien d'affection avec son parent principal. Deuxièmement, vous lui dites que ce qu'il a vécu n'est pas vrai et qu'il doit s'en remettre. Troisièmement, vous l'obligez à entrer en contact et être sous la garde d'une personne dont il a vraiment peur. Même si l'éloignement n'était pas justifié, il est tout de même dommageable de forcer quelqu'un à voir quelqu'un d'autre contre son gré.
     Les hommes contrôlants n'abandonnent pas lorsqu'une femme quitte la relation. Ils utilisent tous les outils à leur disposition. Ils vont prendre tout ce qui est disponible dans les tribunaux pour l'utiliser contre leur victime. Je sais que les juges des tribunaux provinciaux sont censés tenir compte de la violence domestique lorsqu'ils prennent ces décisions. D'après mes conversations avec vous, ce n'est pas le cas.
    Ce n'est pas le cas. Je pense qu'il s'agit d'être confronté au fait que pendant tant d'années, ils ont accepté que l'aliénation était réelle alors qu'elle ne l'était pas et qu'ils ont probablement pris des décisions qui ont porté préjudice à tant de familles. Ils ne veulent pas croire que l'aliénation n'est pas réelle et qu'il s'agit en fait d'un outil de maltraitance. Ils ne veulent pas le croire. Ils disent en fait que les mères sont violentes parce qu'elles sont aliénantes. Cela n'a aucun sens.
    Non, à notre avis, ils ne s'améliorent pas. C'est ce que quelqu'un qui est plus au fait de la recherche saurait mieux que moi, mais ils ne s'améliorent pas.
    Je ne veux pas vous couper l'herbe sous le pied. Nous savons que l'enseignement et la formation des juges ne semblent pas fonctionner. Nous avons déjà une loi qui dit qu'ils sont censés prendre en compte la violence domestique lorsqu'ils prennent ces décisions. Je me demande si vous avez des recommandations qui pourraient nous aider à aller de l'avant.
    Je pense qu'il faut que les juges aient une formation approfondie en matière de violence domestique. N'oubliez pas qu'il n'est pas encore obligatoire pour eux de suivre cette formation. La formation offerte actuellement, je crois, est de 90 minutes sur le site de Justice Canada. Ces 90 minutes ne serviront à rien. C'est une partie du problème, et je pense qu'il faut une voie entièrement différente pour les procédures en cas d'abus.
    Si l'on supprime l'expression « aliénation parentale » et si l'on interdisait la « thérapie de réunification », pensez-vous qu'il serait possible d'y parvenir?
     Nous devons les interdire et utiliser des définitions de ce qu'ils sont, parce qu'ils commencent déjà à essayer de les coopter et de dire qu'il s'agit de thérapie familiale ou de thérapie d'éloignement et de toutes sortes d'autres termes. Ils essaient en fait de dire que l'aliénation parentale est un contrôle coercitif. Nous devons définir cela dans une loi pour dire ce que nous interdisons.
    Excellent. Je vous remercie, madame Rioux.
    Je cède maintenant la parole à Mme Larouche pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Encore une fois, je remercie les témoins, qui enrichissent notre réflexion sur cette étude extrêmement importante.
    La criminalisation du contrôle coercitif est une demande faite par le Québec à Ottawa. Elle a été étudiée dans le cadre du rapport intitulé « Rebâtir la confiance ». Puisque le Code criminel relève du fédéral, le gouvernement du Québec lui demande d'y ajouter le contrôle coercitif.
    Au-delà de cet aspect, ayant eu des échanges avec des élus de l'Assemblée nationale, je sais que la question de la haine en ligne est aussi extrêmement préoccupante. Il y a un lien direct entre les violences envers les femmes et cette haine en ligne. Comment se fait-il qu'on tolère autant de haine de la part de groupes comme les « incels », soit les célibataires involontaires, ou encore d'influenceurs, qui font la promotion de la misogynie et qui, on le voit, risquent de nous faire reculer en ce qui a trait à l'image que l'on perpétue de la femme et à cette tolérance envers les violences faites aux femmes — en effet, cela va jusque là? C'est absolument incroyable.
    Madame Polzin‑Holman, vous avez abordé la question des réseaux sociaux. Comment voyez-vous le lien entre la haine et la misogynie en ligne, et les violences envers les femmes en 2024?
(1735)

[Traduction]

    Du point de vue de l'organisme Little Warriors, nous observons ce phénomène dans les forums de discussion et les différentes plateformes en ligne auxquels participent les enfants et les adolescents. Les parents n'ont aucune idée de la manière de contrôler ce phénomène. Nous voyons cela dans les groupes de discussion, même à un jeune âge, avec des filles qui s'adressent à d'autres filles, malheureusement, dans une perspective d'intimidation. Cela commence là aussi, et c'est un problème permanent qui, à mon avis, ne fait que s'aggraver.

[Français]

    Oui, et beaucoup de parents ont découvert avec stupeur des propos misogynes, et ils ont découvert avec stupeur que leur propre garçon était abonné à des influenceurs qui faisaient la promotion de la misogynie dans des groupes.
    Nous avons un devoir d'exemplarité. Comment peut-on penser éviter des violences envers les femmes si on laisse cette haine se perpétuer en ligne et si on fait croire à des jeunes hommes qu'il est acceptable de commettre des actes violents envers les femmes? Je pourrai y revenir.
    Je vous remercie de votre contribution, madame Polzin‑Holman.

[Traduction]

     Je vous remercie.
    Madame Gazan, à vous la parole pour deux minutes et demie.
     Je vous remercie, madame la présidente.
    Madame Rioux, je voudrais revenir sur la notion d'aliénation parentale. Je vais vous donner un exemple.
     Au Manitoba, il existe un programme baptisé For the Sake of the Children. Ce programme existait il y a plusieurs années. Je ne pense pas que ce soit un mauvais programme, car il arrive que les parents soient toxiques et divorcent, mais il y a parfois des cas où les parents soulèvent des inquiétudes, non pas pour leurs enfants, mais pour d'autres personnes, et il y a de réelles inquiétudes.
    L'aliénation parentale est toujours d'actualité et les tribunaux peuvent encore s'en servir pour prendre des décisions. Quelle menace cela représente‑t‑il pour les personnes victimes de comportements coercitifs, qui ont peur de quitter une situation? Disons qu'il y a un parent violent. Il sait qu'il pourra s'occuper de son enfant même s'il dit quelque chose en raison de l'aliénation parentale. Comment cela peut‑il, à l'inverse, influer sur la capacité d'une personne à mettre fin à une relation?
    Je ne dispose pas de statistiques, mais j'ai entendu de nombreuses femmes dire qu'elles ne seraient jamais parties si elles avaient su à quel niveau de risque leurs enfants auraient été exposés en partant.
     J'ai également entendu un policier me dire qu'il ne recommandait plus aux femmes de partir s'il ne s'agissait pas de violence physique. S'il s'agit de contrôle coercitif et de violence psychologique, ils ne leur disent pas nécessairement de partir, parce qu'ils savent que la situation va empirer et que leurs enfants seront plus en danger.
     Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Jeshani.
    Madame Jeshani, vous avez parlé des répercussions à long terme du contrôle coercitif. Vous avez parlé du sentiment constant de peur, du sentiment constant de menace et des effets à long terme du syndrome de stress post-traumatique. J'ai entendu dire que cela ressemblait beaucoup à ce que vivent les anciens combattants.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, rapidement?
    Les survivantes nous ont effectivement parlé des conséquences à long terme d'un tel comportement, au point qu'ils ne peuvent plus prendre de décisions élémentaires pour eux-mêmes et leurs enfants, parce que tout ce pouvoir leur a été enlevé. On leur dit constamment qu'elles n'ont pas l'intelligence ou les compétences nécessaires pour prendre ces décisions concernant leur propre vie. Ils ne savent même plus comment s'y prendre. C'est le résultat d'années et d'années de destruction de cette personne et de son sens de l'être.
(1740)
     Je vous remercie, madame Gazan.
    Madame Ferreri, à vous la parole pour un total de cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci beaucoup à nos témoins d'aujourd'hui. C'est un sujet particulièrement difficile. Je vous remercie pour le travail que vous accomplissez et pour le traumatisme indirect que vous subissez chaque jour. Je le dis à ceux qui sont en première ligne et qui ne s'en sortent pas. Comme l'a dit Mme Vien tout à l'heure, à mesure que ces chiffres augmentent, la responsabilité vous incombe d'être en première ligne pour aider toutes ces personnes. J'apprécie vraiment ce que vous faites.
    Cette étude porte sur le contrôle coercitif et sur ce que nous devons faire en tant que gouvernement pour en parler, changer de politique ou mettre en œuvre une politique. Je tiens à ce que cela reste au premier plan.
    Je souhaite à présent m'adresser à Mme Jeshani.
    Est‑ce bien vous qui avez dit que chaque jour au Canada, une femme est victime de strangulation?
     Oui, c'est exact.
    Selon des statistiques fournies par le Service régional de police de Peel, il y a une strangulation par jour dans notre communauté. Comme je l'ai dit, toutes les femmes ne portent pas plainte, et nous savons donc que cette statistique est sous-estimée.
    C'est tout simplement choquant et horrible.
    Savez-vous combien de contrevenants, principalement des hommes, qui ont commis une agression par strangulation, ont été libérés sous caution?
     Malheureusement, je ne dispose pas de ce type de données.
     Une chose que je vois et que j'entends souvent au sein de ma propre communauté, c'est que les policiers interviennent, mais qu'ils ont les mains liées à cause du système judiciaire. Ils essaient d'aider, mais ils se retrouvent en quelque sorte dans l'incapacité de le faire parce que l'homme ou la personne qu'ils ont arrêté est libre.
     J'ai parlé d'un cas à Terre-Neuve‑et‑Labrador au cours de l'été. Je ne sais pas si vous connaissez cette affaire, mais elle est assez horrible. La jeune femme qui a été tuée par son mari avait cinq enfants. Les femmes détectives qui m'ont parlé de cette affaire... Il y avait tellement de douleur et de souffrance. Les conséquences du contrôle coercitif sont bien plus importantes que ce que nous pensons. Ce sont les personnes qui sont en première ligne, comme vous, qui ramènent cela à la maison. Ils ont dit qu'ils savaient que cela allait arriver. Ils le savaient littéralement.
    Je vous vois tous hocher la tête. Vous observez une augmentation des cas de strangulation. La situation ne s'améliore pas, comme tout le monde l'a dit ici aujourd'hui.
    Une chose qui, à mon avis, sera très importante pour cette étude est une définition réelle du contrôle coercitif. Je pense que la façon dont nous définissons cette notion sera vraiment essentielle pour aller de l'avant.
     J'aimerais adresser mes prochaines questions à Mme Polzin-Holman, directrice clinique de l'organisme Little Warriors.
     Vous faites un travail absolument phénoménal. Ce que vous faites change réellement la vie des gens. Les chiffres que vous avez cités aujourd'hui, à savoir une augmentation de 815 % des cas de leurre sexuel d'enfants en ligne, sont tout simplement terribles. Les extorsions sexuelles et la traite des êtres humains... J'ai parlé avec votre organisme de la traite des enfants par les parents, un phénomène qui existe depuis longtemps.
    Comment définiriez-vous le contrôle coercitif? Si tout le monde ne peut pas y répondre, pourriez-vous soumettre au Comité ce que vous aimeriez voir comme définition? Si tout le monde pouvait le faire, je pense que cela nous serait très utile.
    C'est l'autre question que je voudrais poser à Mme Polzin-Holman. Vous avez dit que vous comptiez beaucoup sur les dons. Votre organisation se porte très bien. Vous avez de merveilleux et gracieux donateurs qui vous aident à financer une grande partie des programmes. Comment avez-vous constaté l'impact de l'économie sur les dons?
    Tout d'abord, je vous remercie pour vos aimables commentaires et pour le soutien et la sensibilisation dont vous faites preuve en permanence.
    En ce qui concerne votre première question sur le contrôle coercitif, je serais heureux de prendre un peu de temps et d'avancer quelque chose de réfléchi.
    En ce qui concerne la deuxième question, nous constatons sans aucun doute une diminution des dons de charité. Je sais que certains changements nous ont affectés, mais je pense aussi que notre économie a eu un impact certain.
    L'organisme Little Warriors existe depuis 2008. Jusqu'à l'année dernière, nous n'avons eu que très peu de soutien, si ce n'est des sympathisants de la communauté et des entreprises qui ont apporté un soutien financier pour que nos enfants et nos adolescents puissent venir. J'espère qu'il existe des moyens de faciliter l'accès des enfants et des adolescents à des programmes comme les nôtres et ceux qui sont représentés aujourd'hui.
(1745)
    Merci beaucoup.
    Madame Ferreri, merci pour vos questions.
    Madame Vandenbeld, à vous la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Merci à toutes les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    J'ai un certain nombre de questions. Je ne suis pas certaine de pouvoir toutes les poser, mais la quantité de renseignements que vous nous avez fournis est vraiment incroyable.
    J'aimerais commencer par vous, madame Rioux, parce que certaines des choses que vous décrivez, pour être honnête, défient toute logique. Je pense que chacun d'entre nous se gratte la tête et se demande comment une telle situation peut bien se produire, surtout dans notre système judiciaire.
    Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus. Vous avez dit quelque chose au début au sujet des gens qui sont envoyés aux États-Unis et d'une industrie qui se développe autour de cela.
    Pourriez-vous nous en parler?
    Ce qui me préoccupe, c'est que les tribunaux semblent faciliter involontairement le contrôle coercitif sans même s'en rendre compte.
    Je vais essayer d'être politiquement correcte. Je ne sais pas à quel point c'est involontaire lorsque c'est l'AFCC qui offre la formation. Il s'agit d'un groupe de pression enregistré en Californie, qui s'occupe de la majeure partie de la formation judiciaire. À en juger par la position énoncée sur son site américain, cette association est en faveur de l'aliénation. Beaucoup de ses membres sont les mêmes thérapeutes et travailleurs sociaux qui demandent plus de 250 $ l'heure pour une thérapie de réunification. Ils exigent des honoraires de 2 000 $ à 15 000 $; ils ne facturent donc pas comme le ferait un travailleur social ou un thérapeute ordinaire. Vous savez, habituellement, lorsqu'une personne consulte un thérapeute, elle paie son rendez-vous, puis l'assurance lui rembourse le montant. Non, ces gens‑là ont carte blanche.
    Aux États-Unis, il y a eu un cas... Wilson c. Sinclair, si je me souviens bien. Je connais la survivante. On lui avait dit d'amener ses enfants aux États-Unis, à New York, à Turning Point ou à Building Family Bridges. On lui avait conseillé de dire à ses enfants qu'ils allaient partir en vacances. Ils se sont présentés, puis ces transporteurs les ont emmenés, et elle a dû payer plus de 40 000 dollars canadiens rien que pour voir ses enfants se faire maltraiter.
    Je tiens à préciser qu'il s'agit d'enfants canadiens qui vont...
    Qui peut faire...?
    C'est le tribunal canadien qui l'ordonne.
    Qui paie pour cela?
    Souvent, la femme est obligée de payer la majeure partie, ou la moitié, des frais et si elle n'a pas l'argent et qu'elle a une maison familiale qui a été vendue et placée en fiducie, c'est cet argent qui est utilisé. La plupart des victimes ne sont pas extrêmement riches.
    Bien sûr, plus la famille est riche, pire c'est, mais souvent, une fois que les personnes ont fini de se présenter en cour, il ne leur reste plus rien pour une mise de fonds sur une nouvelle maison.
    Pour que ce soit clair, l'ordonnance du tribunal impose cette forme particulière de thérapie offerte par tel ou tel fournisseur, au lieu d'exiger une thérapie en général et une autonomie...
    Il doit s'agir d'une thérapie de réunification, et c'est le tribunal qui choisit le fournisseur en question. Ces fournisseurs rédigent préalablement les ordonnances du tribunal de sorte qu'il y ait une période de 90 jours sans contact, période qui est prolongée en fonction de ce que dit le thérapeute. Dans l'un de ces cas, je crois qu'une mère n'avait pas vu un de ses enfants pendant environ 600 jours. Dans un autre cas, c'était plus d'un an et demi, et la mère a finalement vu son garçon. Il n'avait pas pris l'autobus pour se rendre chez sa mère parce qu'on lui avait dit que s'il faisait cela, sa mère irait en prison; il s'agit donc d'une thérapie de menace.
    À quel point cette pratique est-elle courante?
    Il a été question de Peel. Je crois que c'est probablement là que nous entendons parler des pires cas. Dans le palais de justice de la région de Peel et de Brampton en particulier, les gens risquent beaucoup de se faire imposer un renversement de la garde et de ne pas avoir de contact.
    Il y a eu un cas concernant un enfant de quatre ans et les forces de l'ordre. Huit policiers avaient retiré l'enfant, alors que celui‑ci hurlait et pleurait. On ne trouve pas beaucoup de cas semblables à Ottawa parce que la police d'Ottawa envoie ses avocats en cour pour demander que les ordonnances ne soient pas appliquées par la police.
    Cela m'amène à mon autre question, qui porte sur les recours. Vous dites que les choses varient d'une administration à l'autre. Quelle serait une solution, et à quel ordre de gouvernement cela pourrait‑il se faire?
(1750)
    Selon moi, la pratique consistant à retirer un enfant du parent ayant la garde pour le donner à l'autre parent doit être interdite, à moins qu'il y ait des accusations de voies de fait ou de violence ou à moins qu'il existe un risque vraiment élevé. Je pense qu'il faut également interdire la thérapie de réunification, si vous la décrivez ainsi, parce que cela ressemble essentiellement à la thérapie de conversion. C'est un professionnel non qualifié qui n'a aucune formation en matière de violence familiale. Il n'y a pas de réglementation. Comme l'aliénation parentale ne fait pas partie du champ de pratique des psychologues, ils laissent les choses aller, et l'Ordre des travailleurs sociaux semble rester muet à ce sujet, mais c'est là que se trouvent la plupart des praticiens, dans le domaine du travail social. S'ils reçoivent des plaintes, ils continuent tout simplement d'exercer leur profession sans l'agrégation.
    Vous présentez des arguments très convaincants. Je ne sais pas si j'ai le temps de poser des questions aux autres témoins.
    Vous n'en avez pas. Nous avons déjà dépassé d'environ 30 secondes le temps imparti. Nous devrons donc en rester là.
    Cela dit, nous avons entendu des témoignages assez alarmants.
    J'aimerais que nous fassions un troisième tour. J'ai été quelque peu indulgente en ce qui concerne le temps, mais pour la gouverne des membres du Comité qui sont dans la salle et de nos témoins, je surveillerai plus rigoureusement les minutes qui nous restent. Il y aura deux interventions de cinq minutes, suivies de deux interventions de deux minutes et demie, puis de deux autres de cinq minutes.
    Nous allons commencer par Mme Vien. Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Je vais me reprendre.
    Madame Rioux, je suis très intéressée par l'aliénation parentale.
     Madame la présidente, faites-moi signe 30 secondes avant la fin de mon temps de parole, parce que j'aurai une question à poser à Mme Jeshani.
    En ce qui concerne la thérapie de réunification et les camps de réunification, si j'ai bien compris la question de Mme Vandenbeld, ce n'est pas nécessairement à la suite d'une ordonnance de la cour.
    Ai-je bien compris ou suis-je à côté de mes pompes?
     La cour donne l'ordonnance, mais ce sont les thérapeutes qui la rédigent. Il devient presque impossible de s'en sortir. Aussitôt qu'on s'y oppose, c'est vu comme des comportements aliénants.
    On est devant la cour, qui déclare qu'on doit suivre une thérapie de réunification. C'est ainsi que cela se passe.
    Une thérapie de réunification inclut-elle le père et la mère? Les enfants sont-ils présents?
     Il y a différentes étapes. Ce que j'ai entendu des victimes, c'est qu'on commence souvent par les parents. On entend souvent dire que la mère doit s'excuser. Elle doit écrire une lettre en s'excusant d'avoir eu un comportement aliénant en raison de ses manières abusives. Les enfants sont obligés de participer à des sessions avec le père. Quand on parle des camps, il s'agit de passer deux ou trois jours en isolement avec l'autre parent et les thérapeutes, qui sont parfois abusifs.
    Plus ça va, plus c'est agréable à entendre.
    Quel est le but de la thérapie de réunification?
    Il s'agit d'obliger l'enfant à avoir une relation avec le père. On le fait quand l'enfant refuse d'avoir une relation avec l'autre parent ou s'il veut minimiser ses contacts avec l'autre parent. Quand il y a une ordonnance et que l'enfant ne veut pas aller passer la fin de semaine chez son père ou dormir chez lui, c'est là que cela se passe.
    On fait donc le pari ou on tire la conclusion que, si l'enfant ne veut pas aller chez son père ou ne veut pas lui parler, c'est parce qu'il y a eu une aliénation parentale de la part de la mère.
     [Difficultés techniques] ... question de loyauté, et c'est la Direction de la protection de la jeunesse, ou DPJ, qui fait le renversement.
     D'accord.
    Vous nous dites que les thérapies de réunification ne sont même pas enseignées dans les cours destinés aux psychologues.
    D'où vient ce concept? Dans quel programme universitaire le retrouve-t-on?
     On ne peut pas s'improviser spécialiste de la réunification du jour au lendemain, surtout quand cela s'appuie sur des bases bizarres.
(1755)
    Les cours sur ce genre de thérapies sont donnés aux États‑Unis.
    Le concept vient d'un psychologue américain qui se dit pour la pédophilie. Il n'est accepté ni dans le Manuel statistique des troubles diagnostiques et mentaux, ou DSM, en anglais, ni dans le livre de diagnostic international de l'ONU.
    Ils se disent donc eux-mêmes spécialistes.
    Les juges ne sont pas tous des vrais fous. Ce sont des gens brillants, intelligents, formés, instruits, qui ont beaucoup de jugement puisqu'on les nomme juges.
    Or ils empruntent une direction que vous nous décrivez comme étant excessivement problématique.
    Comment expliquez-vous ça?
     C'est une solution facile. Même si l'enfant ne veut pas y aller, on l'envoie à la thérapie de réunification. Ils ne sont pas obligés d'écouter les histoires d'agression qu'ils ne veulent pas entendre.
    C'est un concept auquel certains psychologues croient depuis plusieurs années.
    D'accord.
    Je ne veux pas me faire lancer des tomates, mais, d'après votre expérience — je termine là-dessus, madame la présidente —, sur l'ensemble des dossiers d'aliénation parentale, combien sont fondés, à votre avis?
    Vraiment, je dirais qu'il n'y en a aucun.
     Merci.

[Traduction]

    C'est excellent.
    Madame Lambropoulos, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, et merci à toutes les témoins d'être des nôtres pour répondre à certaines questions sur ce sujet important.
    Vous avez chacune exprimé une grande préoccupation à l'égard du contrôle coercitif. Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est une question extrêmement importante sur laquelle nous devons nous pencher. C'est la première étape d'une relation de violence, si bien que le contrôle coercitif peut certainement s'aggraver et devenir violent et bien pire, ce qui a des répercussions psychologiques majeures sur les femmes et les enfants.
    Est‑ce que les témoins d'aujourd'hui sont d'accord pour dire que le contrôle coercitif doit être criminalisé? Vous pouvez toutes répondre.
    Je vois des hochements de tête.
    D'après ce que je crois comprendre et d'après la conversation qui a eu lieu jusqu'ici, à l'heure actuelle, on ne considère pas ou on ne reconnaît pas qu'il s'agit d'un problème réel. Par conséquent, si quelqu'un le signale à la police, on n'en tient tout simplement pas compte et on ne fait rien à ce sujet.
    Nous avons également parlé de l'aliénation parentale. D'après ce que j'ai entendu, ce sont les psychologues qui, en quelque sorte... Pouvez-vous clarifier ce point?
    Ce sont les travailleurs sociaux qui en font la promotion, sauf au Québec, où les psychologues en font aussi la promotion.
    Je me demande pourquoi il en est ainsi. De toute évidence, les psychologues du Québec suivent une formation et comprennent comment fonctionne le cerveau et comment la psychologie d'un enfant sera touchée par certaines décisions.
    Je suppose que j'ai un peu de difficulté avec l'idée d'interdire quelque chose comme l'aliénation parentale. La raison pour laquelle cela me pose problème, c'est que je suis sûre qu'il y a des cas où une mère ou un père se livre effectivement à ce type de conduite.
    Quelles mesures de protection pouvons-nous mettre en place si nous empruntons cette voie?
    Au Royaume-Uni, le groupe SHERA a fait des recherches sur ce phénomène, que l'on désigne là‑bas par l'acronyme CAMS. C'est une séparation qui vise à rompre le lien maternel.
    Dans le cas des lois sur le contrôle coercitif au Royaume-Uni, on a constaté que si les policiers de la Couronne suivent une formation suffisante et si le problème est d'abord examiné sous l'angle de la violence familiale, on peut très clairement savoir qui est le parent problématique, car, oui, la contre-parentalité est une réalité, mais ce n'est pas de l'aliénation.
    D'accord.
    Avez-vous des statistiques sur la fréquence à laquelle les mères sont accusées d'aliénation parentale, par opposition aux pères?
    Il y a des statistiques sur le site Web du réseau VAW, et ce sont des études canadiennes. Je ne les connais pas par cœur, mais il s'agit d'un bon 70 ou 80 % des mères.
(1800)
    Je pose la même question aux autres témoins. Je vois que quelqu'un a levé la main. Si vous voulez intervenir, vous pouvez le faire.
    Ma question est la suivante: y a‑t‑il une façon nuancée d'aborder la question, ou faut‑il simplement opter pour une interdiction? Je suis curieuse à ce sujet, car je pense que les enfants ont tout à gagner d'une relation avec...
    Si vous me le permettez...
    ... les deux parents, en général, mais ce n'est pas le cas s'il y a de la violence.
    Il faut faire la distinction entre, d'une part, une relation dysfonctionnelle qui se solde par un divorce et où les parents se chicanent et, d'autre part, une relation violente. C'est de cette dernière que nous parlons ici: une relation où il y a clairement de la violence, notamment physique, mais où se manifeste aussi un contrôle coercitif. Nous devons examiner la question sous cet angle.
    On se sert de l'aliénation parentale pour faire rejeter des allégations de mauvais traitements. C'est ce qui se passe. Je pense qu'il faut être clair. Nous devons avoir cette conversation dans un contexte plus large, en tenant compte des dynamiques en jeu. Nous devons nous pencher sur le patriarcat, la misogynie et la violence faite aux femmes en général.
    Je vais m'arrêter ici et demander à Mme Polzin-Holman de poursuivre, car je sais que le temps est limité.
    J'aimerais faire quelques observations.
    Il vous reste environ 10 secondes ou moins. Merci, madame Polzin-Holman.
    Très bien.
    En tant que personne qui travaille avec un psychologue qualifié et étant moi-même une travailleuse sociale clinicienne, je ne crois pas que ce sont les travailleurs sociaux qui utilisent l'expression « contrôle coercitif »; ce sont peut-être les gestionnaires de cas au sein des services à l'enfance et à la famille.
    Je ne peux pas parler précisément pour le Québec, mais dans d'autres provinces, du point de vue de notre travail à Little Warriors, nous observons cela de la part d'avocats dans des situations de violence familiale.
    Je suis d'accord avec Mme Neto pour dire qu'il faut poursuivre la conversation et bien saisir les termes.
    Merci beaucoup.
    Madame Larouche, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je ne sais pas si j'aurai un autre tour de parole, mais je vais m'adresser à vous, madame Rioux. J'ai interrogé un témoin par tour de questions, et vous êtes la prochaine.
    Puisqu'on parle de la situation au Québec, j'aimerais souligner que, outre les gens qui appuient la criminalisation du contrôle coercitif, au-delà des exemples politiques que j'ai donnés plus tôt, il y a aussi des groupes communautaires. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai rencontré un regroupement d'organismes communautaires. Au Québec, ils sont surtout financés par le système de santé et des services sociaux du Québec pour aider des victimes.
    Il faut vraiment voir la violence envers les femmes comme une question nécessitant un continuum de services. Alors, la reconnaissance du contrôle coercitif à titre de crime est importante pour que les femmes puissent se dire qu'il y a des chances qu'on reconnaisse ce dont elles ont été victimes, jusqu'à l'accompagnement, pour favoriser leur guérison. On a aussi besoin de ressources financières pour les aider. Il est donc important d'investir dans notre système de santé pour qu'on soit en mesure d'aider les organismes sur le terrain à soutenir les victimes.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance d'assurer ce continuum de services et de faire ces investissements dans notre système de santé, au-delà du système judiciaire?
     Premièrement, l'Alliance MH2, au Québec, fait un travail incroyable. Ce que vous mentionnez est d'une importance capitale, notamment lorsqu'il est question des services de santé mentale. Les enfants ont des séquelles permanentes en raison des traumatismes qu'ils ont vécus, et les mères aussi. On vit un traumatisme actif chaque fois qu'on est obligé d'avoir un contact avec son agresseur pour faire de la coparentalité.
     Il est donc crucial de continuer de faire des investissements dans le système de santé pour aider les organismes à soutenir les victimes. Il y a un lien direct entre l'aide accordée aux organismes et le nombre de personnes qu'ils peuvent accompagner sur le terrain, alors il faut leur donner les moyens de faire leur travail.
     Oui, c'est important.
     Je terminerai rapidement en parlant d'un autre groupe, puisqu'il me reste à peu près 10 secondes. J'ai parlé de politiciens communautaires, mais je veux aussi vous parler du groupe Juripop, qui fait de l'accompagnement de victimes et qui demande lui aussi la reconnaissance du contrôle coercitif.
    En quoi une telle demande est-elle importante pour aider les victimes?
(1805)
     Oui, c'est extrêmement important...

[Traduction]

    Il vous reste environ 10 secondes.

[Français]

    C'est extrêmement important. D'ailleurs, nous sommes en contact avec ce groupe. Je pense qu'il devrait y avoir des Juripop partout au pays.

[Traduction]

    Excellent. Merci.
    Madame Gazan, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je m'intéresse beaucoup à cette thérapie de réunification. Par exemple, dans la circonscription que je représente — du moins, une partie de la circonscription qui sera ajoutée après les prochaines élections —, on compte le plus grand nombre d'enfants pris en charge par les services de protection de l'enfance, et il y a beaucoup de familles qui ont besoin d'une thérapie de réunification pour diverses raisons, comme les répercussions de la colonisation sur les familles.
    J'aimerais entendre un autre point de vue à ce sujet. Je voulais donc vous demander, madame Polzin-Holman, de nous dire ce que vous pensez de la thérapie de réunification. Ce qui me préoccupe, c'est qu'il y a parfois beaucoup de zones grises. C'est un peu comme dans le cas de l'aliénation parentale et des questions connexes. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Qu'en pensez-vous?
    En ce qui concerne la thérapie de réunification, de mon point de vue et dans le cadre de ma formation, si un thérapeute ou un clinicien travaille avec un enfant et une famille, en tenant compte des traumatismes et en utilisant des pratiques exemplaires, cela ne suffit pas. Il faut bien former les professionnels au moyen d'approches qui tiennent compte des traumatismes et de la culture, et il faut offrir une thérapie indépendante à l'enfant, tout en demandant peut-être aux deux parents de suivre leur propre thérapie.
    Lorsque de telles mesures sont mises de l'avant, on peut brosser un tableau plus solide en tenant compte de différents points de vue, au lieu de considérer la thérapie de réunification comme étant le plan d'action le plus important.
    Merci beaucoup.
    J'ai posé cette question parce que, par exemple, dans le cas des enfants pris en charge par le système de protection de l'enfance, nous appelons cela un parcours qui mène à l'assassinat et à la disparition de femmes et de filles autochtones. On a constaté qu'il est souvent plus traumatisant pour les enfants d'être séparés de leur famille que d'être réunis avec leur famille. Cela a un effet négatif tant sur le parent que sur l'enfant.
    Merci, madame Gazan.
    Madame Roberts, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais adresser mes questions à Mme Polzin-Holman. J'espère avoir bien prononcé votre nom. Sinon, pardonnez-moi.
    Vous avez dit plus tôt que 29 % des délinquants récidivent après leur mise en liberté et que, dans 90 % des cas, les enfants connaissent leur agresseur. Une fille sur quatre et un garçon sur six subissent des agressions sexuelles avant l'âge de 18 ans.
    Je dois vous poser cette question parce que cela m'inquiète vraiment. Depuis l'arrivée au pouvoir de Trudeau, les agressions sexuelles ont augmenté de 75 % et les infractions sexuelles contre des enfants, de 119 %. Hier, la police de Toronto a arrêté un homme alors qu'il était déjà en liberté sous caution parce qu'il aurait agressé sexuellement trois femmes sur un campus de l'Université York.
    Pouvez-vous m'aider à comprendre? Quand on laisse ces individus continuer de maltraiter les femmes, comment pouvons-nous changer la donne afin de protéger les femmes et les enfants?
    Malheureusement, cela ne concerne pas seulement les femmes, mais aussi les enfants. Je ne pense pas qu'il se passe une journée à Sherwood Park et dans la région d'Edmonton sans que la police ou la GRC annonce la libération d'un criminel dangereux. Nous avons eu de nombreuses situations où de tels criminels avaient récidivé en l'espace de quelques semaines ou même de quelques jours. C'est assez prévisible, malheureusement, et les mesures de soutien pour assurer la sécurité des personnes vulnérables ne sont pas en place.
(1810)
    Je vais soulever un point, et j'espère que ma collègue ne m'en voudra pas. Lors de son passage à Terre-Neuve, elle m'a raconté l'histoire d'un homme qui avait fini par tuer sa femme et ses enfants et qui était retourné à la mosquée où il avait essentiellement dit à d'autres femmes, et je cite: « Voilà ce qui se passe quand vous ne nous écoutez pas. »
    Comment pouvons-nous changer la façon de penser de ces...? Je les appelle des criminels; vous pouvez les appeler... Si vous voulez essayer de les réhabiliter, je ne sais pas comment cela se fera, mais comment pouvons-nous changer cette mentalité?
    De mon point de vue, je pense que nous ne disposons pas de moyens de dissuasion adéquats. Je pense qu'il s'agit là d'un exemple incroyablement évident de misogynie et que nous n'avons pas de systèmes en place pour protéger les gens.
    Comme nous en avons parlé aujourd'hui, je crois qu'avant que ces situations ne se produisent, il y avait probablement de nombreux signaux d'alarme au sein de la collectivité ou des familles qui auraient malheureusement peut-être permis de les prédire.
    Nous devons nous assurer que la collectivité, les familles, les amis et toutes les personnes qui sont témoins de ces situations se manifestent et les dénoncent afin qu'elles ne se reproduisent plus.
    Toutefois, je crois que, bien souvent, les femmes sont tellement intimidées qu'elles craignent pour leur propre sécurité et celle de leur famille parce qu'elles vivent des situations très semblables. Comment pouvons-nous modifier la loi pour que ces problèmes et ces crimes ne perdurent pas?
    Avez-vous d'autres suggestions à nous faire que celle d'incarcérer ces personnes à vie?
    Je pense certainement qu'il faut prévoir des mesures dissuasives claires, et lorsque des personnes sont inculpées, nous devons donner suite à ces inculpations. Nous veillons à ce que ces situations ne se produisent pas.
    Je pense également qu'il existe, et qu'il devrait y avoir, une obligation de signaler ces situations. Le problème, c'est que même en prévoyant une obligation de signaler, il y a des femmes et d'autres populations vulnérables qui ne se sentent pas capables de le faire, parce qu'elles ne peuvent pas signaler en toute sécurité ce qu'elles savent être en train de se passer chez elles ou dans leur communauté.
    Je vais revenir sur une histoire qui est malheureusement survenue dans ma collectivité, où deux médecins...
    Madame Roberts, je suis désolée.
    Mes cinq minutes ne sont pas écoulées.
    Oui, elles le sont.
    Je crois que nous devons vous acheter un nouveau chronomètre.
    Monsieur Serré, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie également les quatre témoins d'aujourd'hui. Je pense que cela nous a donné beaucoup d'information alarmante, sans aucun doute, mais cela va également nourrir notre étude.
    Je pose ma question à Mme Rioux, à Mme Jeshani, ensuite, aux autres témoins, si on a du temps.
    J'aimerais mieux comprendre une chose. On dit souvent que la police a les mains liées. On dit que c'est un problème associé au système de justice. Le système de justice est très vaste. On dit souvent que l'administration de la justice est de compétence provinciale, mais, au fédéral, nous gérons le Code criminel ainsi que les tribunaux de la famille.
    Lorsqu'on parle de la réforme du système de la mise en liberté sous caution, c'est aussi de compétence provinciale. Alors, j'aimerais mieux comprendre une chose. Je m'adresse ici à Mme Rioux et à Mme Jeshani. Quant aux définitions, on a parlé des définitions de l'aliénation parentale, de la thérapie de réunification et, évidemment, du contrôle coercitif.
     Comment peut-on définir clairement le rôle du gouvernement fédéral dans les tribunaux de la famille?
    Pouvez-vous essayer de nous expliquer le rôle du fédéral et du provincial en ce domaine?
    Je pose la question d'abord à Mmes Rioux et Jeshani, et ensuite à Mmes Polzin-Holman et Neto.
    Je pense que nous avons des experts assez reconnus au pays, à commencer par Simon Lapierre, de l'Université d'Ottawa. Il y a des définitions largement acceptées de ces concepts, mais je pense que le fédéral pourrait faire preuve de leadership. La GRC fait du travail dans les municipalités de tout le pays. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas développer de la formation, des politiques et des outils pour les corps policiers, et en faire profiter les provinces et les municipalités.
    On dit que les policiers ont les mains liées; eux, ils nous disent souvent que le niveau de gravité n'est pas assez élevé pour qu'on dépose une accusation au criminel. Ce n'est donc pas du harcèlement criminel pour toutes sortes de raisons. Cela dit, par la suite, on assiste à des arrestations dans des cas où on reproche les mêmes comportements, mais à des étrangers. C'est donc aussi une question de culture.
(1815)

[Traduction]

    Madame Jeshani, avez-vous quelque chose à ajouter? Mme Polzin‑Holman pourrait peut-être ajouter quelque chose par la suite.
    Madame Polzin-Holman, avez-vous quelque chose à ajouter à propos des définitions provinciales et fédérales, et de la façon dont elles sont reliées aux aspects cliniques...?
     Pour compléter ce qui a été dit, je dirais que nous avons absolument besoin d'une plus grande clarté en ce qui concerne la notion de contrôle coercitif. Oui, nous devons examiner les définitions et déterminer s'il convient ou non d'aller de l'avant avec l'aliénation parentale, compte tenu de ce qui a été dit aujourd'hui.
    J'estime que les lois actuelles posent des problèmes très importants. Il est essentiel de rassembler les gens pour résoudre ces problèmes, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les enfants et les familles en général.

[Français]

     Madame Jeshani, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

     Je vous remercie de votre question.
    Je voudrais ajouter qu'il s'agit de faire comprendre aux communautés ce qu'est le contrôle coercitif et à quoi il ressemble. Nous avons besoin d'occasions de faire équipe avec différents groupes communautaires afin de pouvoir discuter de relations saines et des services de soutien auxquels les gens peuvent avoir accès. Nous n'imposons pas aux membres de la communauté la responsabilité de signaler quelqu'un, mais nous voulons que la communauté développe sa capacité à comprendre la nature de ce problème et les services de soutien qui existent.
    Dans le cadre de l'un des programmes que nous mettons actuellement en oeuvre, un policier fait équipe avec nos travailleurs sociaux. Ils interviennent dans des situations de violence conjugale verbale où aucune accusation n'est portée. C'est dans ces foyers que nous observons un contrôle coercitif. C'est l'occasion pour nous de nous rendre sur les lieux accompagnés d'agents de police qui sont formés et travaillent à nos côtés, de nous influencer les uns les autres, et de pouvoir intervenir et dire: « D'accord, il y a de l'aide ici. Il y a du soutien. » Parfois, le premier endroit où les gens appellent...
    Nous allons devoir en rester là.
    ...c'est le service d'urgence du 911.
     Parfait. Je vous remercie.
    Je cherche un consensus dans la salle. Il nous reste 10 minutes. Sommes-nous d'accord pour que chacun d'entre vous intervienne pendant deux minutes et demie? Nous disposerons tous de deux minutes et demie. De cette façon, nous arriverons exactement à la fin de la réunion.
    D'accord.
    Nous allons commencer par donner la parole à Mme Ferreri pendant deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie encore une fois tous ceux qui ont participé à cette discussion sur le contrôle coercitif et qui ont formulé des recommandations, des recommandations qui, nous l'espérons, sauveront des vies.
    Je voudrais m'adresser à Mme Polzin‑Holman.
    Je suis désolée. J'ai été distraite par les paroles que Mme Jeshani vient de prononcer, parce que ce que j'ai vu est... Mon cerveau part dans deux directions différentes. Il y a tellement d'informations communiquées ici.
    Vous venez de parler des agents de police qui amènent des travailleurs sociaux avec eux. Ce que j'ai constaté lors de mes sorties avec la police, c'est que les policiers sont devenus des travailleurs sociaux. Ils ne sont même plus capables de faire leur vrai travail, qui est de faire respecter la loi, parce que ces situations sont devenues un cercle vicieux.
    J'ai eu la chance de visiter le Centre Toba. L'une d'entre vous a‑t‑elle déjà travaillé avec le Centre Toba?
    Madame Polzin‑Holman, avez-vous reçu des informations du Centre Toba?
    D'accord, merci. J'espérais que vous me le confirmeriez.
    C'est un centre génial compte tenu de ce qu'il fait pour les enfants. Ils sont capables de tenir un tribunal à l'intérieur de ce beau bâtiment, de ce bel espace. Ils font ce genre de choses.
    Je vais revenir sur ce que vous avez dit plus tôt dans l'une de vos réponses à propos du traumatisme générationnel. En ce qui concerne l'éducation, allons en amont. Je pense que nous avons parlé brièvement des interventions et de la définition du contrôle coercitif, de ce qu'il faut changer dans le système judiciaire et de la manière de s'assurer que ces criminels ne sont pas en liberté sous caution, entre autres choses.
    Si nous pouvions aborder la question de la prévention et des traumatismes générationnels, je mentionnerais que les gardiens de prison me disent qu'ils n'ont pas reçu la formation nécessaire ou que les programmes ne sont pas en place pour permettre aux hommes de se réadapter lorsqu'ils entrent dans le système carcéral. Ils en ressortent souvent dans un pire état que lorsqu'ils y sont entrés. Ils n'apprennent pas pourquoi ils sont violents. Ils ne s'améliorent pas.
    Mme Rioux me regarde également. Je suis prête à entendre toute personne qui souhaite répondre à cette question.
    Je suppose que je parle de la question de la prévention. Qu'ajouteriez-vous aux recommandations de ce rapport pour favoriser la prévention et pour faire en sorte que nous comprenons les relations saines et que nous mettions fin aux traumatismes générationnels?
(1820)
     Il vous reste seulement quelque 15 secondes, alors...
    Oh, mon Dieu. Je suis désolée.
    Je peux donner une réponse rapidement, et je vous remercie d'avoir posé la question.
    Je tiens à dire que, dans le cadre de notre programme appelé « Prevent It », nous abordons ce sujet. En ce qui concerne les traumatismes intergénérationnels, nos programmes sont destinés aux personnes qui s'occupent des enfants, mais aussi aux enfants eux-mêmes. Ce que nous constatons, c'est que lorsque les enfants viennent nous voir, il est parfois plus difficile de faire la part des choses entre le comportement délinquant et les réactions aux traumatismes.
     Je vous remercie de votre réponse.
    Madame Hepfner, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.
     Merci, madame la présidente.
    Je voudrais revenir sur la question de Mme Lambropoulos concernant l'introduction d'une loi sur le contrôle coercitif.
    Il semble que toutes les personnes assises à la table soient en faveur de l'élaboration d'une loi visant à prévenir le contrôle coercitif. Toutefois, j'aimerais que chacun d'entre vous me dise si vous craignez que cette loi ne se retourne contre les femmes et ne soit utilisée comme une arme contre les victimes de violence conjugale.
    Madame Rioux, aimeriez-vous répondre à la question en premier?
    Bien sûr.
    Tout mécanisme que nous apporterons sera utilisé comme une arme. C'est ce que nous pensons, car la stratégie DARVO, ou « deny, attack and reverse victim and offender », qui consiste à nier, à attaquer et à inverser les rôles entre la victime et l'agresseur, est une stratégie que les agresseurs adoptent communément. Peu importe ce que nous apportons, ils essaieront de s'en servir contre leur victime.
    L'élaboration d'une loi vaut donc tout de même la peine d'être tentée. Je vous remercie de vos points de vue.
    Je vais maintenant m'adresser au reste d'entre vous, c'est‑à‑dire à Mme Polzin‑Holman, à Mme Jeshani et à Mme Neto.
    Je pense que les hommes qui ont recours au contrôle coercitif utilisent tous les systèmes possibles pour continuer de contrôler la situation. Oui, la loi est un outil formidable pour tenir les hommes responsables, mais elle peut aussi se retourner complètement contre les femmes.
    Je crains que de nombreuses femmes qui vivent dans des conditions de contrôle coercitif n'appellent jamais la police et ne soient jamais connues. Leurs enfants continuent d'être exposés. Ces femmes continuent de souffrir. Je pense que nous devons réfléchir à cette stratégie en amont. Comment pouvons-nous construire une clôture au sommet de cette colline afin d'empêcher ces enfants de devenir de futurs agresseurs ou de futures victimes?
    Je vous remercie.
    Madame Neto, voulez-vous être la prochaine personne à prendre la parole?
     Certainement.
    Nous n'avons pas le temps d'intervenir, alors ce que je suggère, c'est que nous vous soumettions certaines de nos propositions en matière de prévention.
    Je suis d'accord avec mes collègues. Il est certain que tout mécanisme sera utilisé, mais il est important que le contrôle coercitif soit reconnu.
    N'oubliez pas non plus que nous avons un système de droit de la famille et un système pénal qui ne se parlent pas toujours.
    Parlons aussi de la stigmatisation des communautés. C'est la raison pour laquelle elles ne se présentent pas à la police. On suppose que les agressions ne se produisent que dans certaines communautés ou ne touchent que « ces gens‑là ». Les agressions se produisent dans toutes les cultures humaines.
    Je serais heureuse d'avoir l'occasion de présenter quelque chose par écrit.
    Oui, je vous en prie. C'est une excellente suggestion. Si vous avez des idées sur la manière dont nous pourrions remédier à la déconnexion entre les tribunaux de la famille et les cours pénales, n'hésitez pas à les inclure dans les réponses que vous présenterez.
    Certainement.
    Je vous remercie, mesdames Neto et Hepfner.
    Madame Larouche, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Encore une fois, je remercie les témoins.
    Maintenant que j'ai eu l'occasion de parler à chaque témoin, je vais poser une question qui s'adresse à tout le monde.
    Au cours des derniers mois, j'ai participé à une rencontre qui portait sur les violences faites aux femmes. Cette rencontre a été organisée par des groupes de femmes. Des représentants de groupes communautaires, des élus municipaux, des représentants des corps policiers municipaux et de la Sûreté du Québec ainsi que des représentants du bureau du ministre québécois de la Sécurité publique y ont participé. Comme on peut le voir, il s'agit d'une question de concertation.
    J'aimerais parler de la question du contrôle coercitif, plus précisément. Lors de la rencontre, on m'a beaucoup parlé du projet de loi C‑332. Ce projet de loi fédéral ouvrait la porte au contrôle coercitif. Évidemment, tous les partis se sont prononcés sur celui-ci et y ont mis des bémols.
    Êtes-vous au courant de ce projet de loi?
    Quelles améliorations apporteriez-vous à la prochaine loi qui va porter sur la criminalisation du contrôle coercitif?
(1825)
     C'est un peu compliqué et ce n'est pas mon champ d'expertise.
    Je sais qu'on travaille avec des victimes qui ont une opinion à cet égard. Je crois qu'il serait mieux que je vous fasse parvenir une réponse écrite plus détaillée.
     Merci.
    Est-ce que d'autres témoins aimeraient se prononcer sur le projet de loi C‑332? Nous sommes conscients qu'une loi criminalisant le contrôle coercitif ne réglera pas tout. Alors, si vous voulez vous prononcer sur le projet de loi C‑332 ou sur la question de la concertation du continuum de services offerts aux victimes, il vous resterait environ une trentaine de secondes. Vous pourriez même intervenir sur la question du financement du système de santé pour aider les groupes d'entraide aux victimes.

[Traduction]

    Le projet de loi reconnaît que ce n'est pas acceptable, que c'est un problème, que c'est ce à quoi cela ressemble et que les gens doivent être tenus responsables de leurs actes, mais je crois qu'il est essentiel de financer des services qui permettent d'attraper les gens à un stade précoce dans le cadre de ces stratégies de prévention.
    Nous savons que la majorité des femmes s'adressent d'abord à leur fournisseur de soins de santé ou à leur chef religieux lorsqu'elles rencontrent des difficultés au sein de leur famille ou dans leurs relations intimes. Nous devons donc former ces intervenants clés, car ils sont les gardiens des voies de service qui peuvent s'ouvrir à ces femmes et à leurs enfants.
    Je vous remercie.
     Madame Gazan, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'adresse ma dernière question à plusieurs personnes, mais je commencerai par interroger Mme Polzin‑Holman.
    Vous avez dit quelque chose qui me préoccupe beaucoup, à savoir que votre organisation dépend de dons de base. Cela me préoccupe parce que, en particulier dans le domaine où vous travaillez, nous savons que les services de lutte contre l'exploitation sexuelle d'enfants sont déjà nettement sous-financés. Je trouve inquiétant que vous deviez compter sur des dons pour fournir des services qui font déjà défaut. Si nous prenons au sérieux la question de la violence fondée sur le sexe, pensez-vous que nous devons veiller à ce que les organisations de femmes soient financées en priorité dans les budgets, afin de garantir que vous disposez du financement de base dont vous avez besoin pour aider les enfants et les victimes?
    Il faudrait peut-être que votre réponse soit brève pour que je puisse demander...
    Oui, je pense que vous avez très bien exprimé le problème. Nous avons absolument besoin d'un financement de base.
    Je transmettrai cette recommandation, mais pour commencer, je précise que l'un des appels à la justice est le financement durable — pas un financement renouvelé d'une année à l'autre, mais un financement durable à long terme dans le cadre de ce financement de base.
    Je vois que Mme Neto a levé la main. Ensuite, nous passerons aux deux dernières intervenantes.
    Je voudrais faire une recommandation: nous devons cesser de financer les organisations en utilisant un modèle adapté aux organismes de bienfaisance. Nous devons passer à un modèle d'investissement social.
    Les organisations comme la nôtre ne devraient pas dépendre de la charité. Il s'agit d'un enjeu d'intérêt public. C'est l'affaire de tous. Je soutiens l'affirmation de Mme Polzin‑Holman. Nous devons nous assurer que les organisations sont en mesure de soutenir les survivants, mais nous devons également veiller à ce que la prévention soit une priorité, faute de quoi nous reviendrons ici année après année et étude après étude.
    Je vais à nouveau présenter par écrit le reste de mes affirmations et de mes recommandations.
(1830)
    Pouvez-vous soumettre cela par écrit? Si quelqu'un a d'autres recommandations à présenter au Comité, il peut le faire par écrit.
    Je lis dans vos yeux, madame la présidente.
    Je vous remercie, madame Gazan.
    Je remercie également tous les membres du Comité et tous nos invités des témoignages qu'ils ont apportés aujourd'hui.
     À ce stade, les membres du Comité consentent-ils à ce que la séance soit levée?
    Des députés: Oui.
    La présidente: La séance est levée.
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