Bienvenue à la 133e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Je tiens à rappeler les règles suivantes à tous les députés. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole. Je suivrai le chronomètre et je vous ferai signe une fois quand il vous restera une minute et une autre fois quand il vous restera 30 secondes. Je vous remercie tous pour votre collaboration.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 25 septembre 2024, le Comité poursuit son étude sur la violence et les féminicides fondés sur le sexe à l'égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
Avant d'accueillir nos témoins, je devrais vous mettre en garde. Nous allons discuter de vécus liés à la violence et aux féminicides. Cela risque d'être un déclencheur pour les téléspectateurs qui ont vécu des expériences similaires. Si, à tout moment, vous vous sentez en détresse ou avez besoin d'aide, veuillez communiquer avec notre greffière. Il est crucial que les témoins et les députés reconnaissent que ces conversations risquent d'être très pénibles. Essayons de faire preuve de compassion dans toutes nos discussions.
Pour le premier groupe, nous accueillons Mme Myrna Dawson, directrice de l'Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation ainsi que Mme Suzanne Zaccour, directrice des affaires juridiques de l'Association nationale Femmes et Droit, Mme Heidi Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient. De l'organisme Rebâtir, nous accueillons Mme Marie‑Claude Richer, directrice, et Mme Élise Joyal‑Pilon, avocate et directrice.
Nous passons maintenant aux déclarations préliminaires.
Madame Dawson, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Bonjour. Merci de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui.
En 2018, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence faite aux femmes a visité le Canada. Dans le rapport sur le Canada qu'elle a présenté à l'Assemblée générale des Nations unies, elle a décrit la réponse du Canada à la violence faite aux femmes et aux filles et à la violence fondée sur le sexe comme étant essentiellement politique et principalement axée sur des projets. Selon elle, l'intervention du gouvernement canadien est axée sur des domaines précis et dépourvue d'un cadre juridique holistique. Elle manque notamment de lien juridique avec des droits de la personne bien précis. La rapporteuse ajoute que l'intervention du gouvernement ne coordonne pas les mesures de prévention et ne recueille pas de données comparables pour toutes les formes de violence faite aux femmes.
Cette intervention défaillante est souvent attribuée au gouvernement actuel, mais comme je travaille activement dans ce domaine depuis une trentaine d'années, j'ai eu l'occasion d'observer les stratégies précédentes du Canada. Comme bien d'autres, je sais que ce manque d'intervention globale et cohérente est un problème qui dure depuis des dizaines d'années, quels que soient les partis au pouvoir.
Ainsi, en 1994, l'Organisation des États américains a adopté la Convention de Belém do Pará, ou Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence faite aux femmes. Trente ans plus tard, le Canada demeure l'un des deux seuls pays qui n'aient pas encore signé et ratifié cette convention. La situation est plus grave aujourd'hui, puisque la visite de la rapporteuse spéciale a eu lieu avant la pandémie de la COVID‑19.
Les répercussions de la pandémie sur les femmes et les enfants victimes de violence masculine ont été bien documentées. Les interventions à ces répercussions n'ont généré que des progrès fragmentés un peu partout au pays. L'absence d'une intervention globale et cohérente avive la violence masculine contre les femmes. Le féminicide ne constitue qu'un léger indice de cette violence, mais il demeure l'un de nos meilleurs baromètres sociaux. Il révèle tous les niveaux de violence subie par les femmes et les filles, qu'elle aboutisse ou non à leur décès.
L'Observatoire canadien du fémicide a démontré que depuis 2019, le nombre de femmes et de filles assassinées, principalement par des hommes, a augmenté de 20 % d'une année à l'autre, jusqu'en 2023. Les chiffres de 2024 ne sont pas meilleurs, car ils dépassent actuellement ceux de 2023. On constate cependant une différence énorme: en 2023, 89 % des meurtres avaient été commis par des accusés de sexe masculin, alors qu'en 2024, ce chiffre est passé à 94 %. Le nombre de femmes et de filles assassinées n'a pas diminué, et la proportion d'hommes accusés de meurtre a augmenté.
Soulignons aussi que certains groupes de femmes, et surtout de filles, sont exposés à un risque disproportionné. Il s'agit des femmes autochtones, noires et d'autres femmes racisées, des femmes et des filles qui vivent dans des régions rurales, nordiques et éloignées du pays ainsi que des femmes et des filles qui vivent dans les provinces des Prairies et dans les territoires.
L'absence d'une intervention globale rend d'autres groupes vulnérables au féminicide. Toutefois, sans données fiables, il est difficile de documenter la situation des femmes et des filles handicapées, des nouvelles arrivantes, des migrantes et des réfugiées, des membres des communautés LGBTQ+ et des femmes âgées. C'est pourquoi le système national de collecte de données devrait viser la prévention avant tout et non les besoins administratifs du gouvernement. Les lacunes de ces ensembles de données mettent la vie des femmes et des filles en danger.
On a apporté des changements sur papier, mais peu d'entre eux se sont concrétisés pour les groupes les plus à risque. Autrement dit, les changements couchés sur papier ne se sont pas traduits en mesures concrètes.
Voici cinq raisons pour lesquelles je pense que les progrès ont été minimes.
Tout d'abord, les solutions offertes varient beaucoup trop d'une région à une autre du pays. Le fédéralisme ne devrait pas faire obstacle à l'équité des droits de la personne pour les femmes et les filles. Malheureusement, il n'a que trop souvent servi d'excuse.
Deuxièmement, l'accent a surtout été mis sur la justice pénale. On a ignoré le rôle joué par d'autres secteurs cruciaux, comme le financement de services axés sur la prévention. Ces services devraient jouer un rôle plus actif dans l'intervention.
Troisièmement, malgré les multiples allusions au perfectionnement professionnel, surtout dans le domaine de la justice pénale, on ne sait pas vraiment quelle est la qualité de cette formation, qui la fournit et à quelle fréquence et quels résultats elle donne, s'il y en a.
Quatrièmement, on n'évalue pas sérieusement les processus et les résultats de mise en œuvre des initiatives. Par conséquent, on ne sait pas dans quelle mesure elles sont efficaces.
Enfin, on sait bien qu'il est crucial de modifier l'attitude des gens pour faire des progrès. Nos dirigeants, nos professionnels et le grand public continuent de véhiculer des stéréotypes dépassés et nuisibles sur les causes de cette violence et sur les victimes qui y sont le plus vulnérables. Il est donc crucial de se concentrer sur les initiatives de prévention primaire.
Aujourd'hui, nous avons lancé la campagne Souvenez-vous de moi, qui célèbre chacune des 160 femmes et filles assassinées en 2024 seulement... et il y en aura plus, car au Canada, une femme ou une fille est assassinée tous les deux jours.
Les premières étapes sont simples. Appelons cela du féminicide, reconnaissons‑le. Responsabilisons les gouvernements et les dirigeants face au féminicide. Organisons des forums régionaux sur le féminicide afin de reconnaître les diverses facettes qu'il prend dans les différentes régions du pays. Sensibilisons et éduquons les gens en lançant des initiatives de prévention primaire visant à modifier les attitudes négatives. Enfin, améliorons la collecte de données afin de comprendre les causes réelles et les tendances de l'assassinat des femmes et des filles.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.
Je représente aujourd'hui l'Association nationale Femmes et Droit. C'est un organisme féministe voué à se servir de la loi comme d'un outil pour établir l'égalité entre les sexes au Canada. En 2024, nous célébrons 50 ans de leadership juridique. Nous continuons à plaider en faveur d'une réforme juridique visant à mettre fin à la violence faite aux femmes, à défendre la justice génésique, à veiller à ce que les lois climatiques tiennent compte de l'égalité entre les sexes et à faire progresser la sécurité et l'autonomisation économiques des femmes.
En choisissant d'étudier le féminicide, le Comité se penche sur la manifestation ultime et irréversible de la violence faite aux femmes. On ne peut pas corriger ou réparer un féminicide. La prévention est donc la seule solution à adopter.
La prévention doit se dérouler dans plusieurs domaines. Il faut veiller à ce que les femmes puissent quitter une relation violente, ce qui touche des questions cruciales comme la sécurité économique, le logement et la réforme du droit de la famille. Il faut aussi prévenir les dangers physiques, notamment retirer les armes dans les foyers violents, délivrer des ordonnances de protection et améliorer l'intervention policière. À cet égard, je tiens à souligner au Comité une intervention législative qui est déjà proposée, mais qui n'est pas encore en vigueur. Il s'agit des dispositions du projet de loi sur la violence familiale, qui ont modifié la Loi sur les armes à feu.
Le projet de loi a été adopté en décembre 2023, un an et demi après sa présentation initiale. Il exige que les contrôleurs des armes à feu révoquent le permis d'armes à feu dans un délai de 24 heures s'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner que leurs détenteurs ont commis des actes de violence familiale ou de harcèlement criminel. Ce projet de loi prévoit également la révocation automatique du permis d'arme à feu de quelqu'un qui fait l'objet d'une ordonnance de protection, comme une ordonnance du tribunal lui enjoignant de ne pas se trouver à une certaine distance de son ex‑partenaire.
L'Association nationale Femmes et Droit a joué un rôle essentiel dans l'élaboration de ces dispositions, non seulement en les défendant, mais en proposant des libellés concrets pour amender le projet de loi en comité. Grâce à notre association, le projet de loi présente désormais des formulations plus claires, des délais stricts et un seuil moins élevé par excès de prudence. Il a été adopté par les deux chambres, et la plupart de ses dispositions sont entrées en vigueur en décembre dernier.
Malheureusement, les dispositions relatives à la violence conjugale ne sont pas encore en vigueur. Pourtant, elles ont été adoptées il y a presque un an. Ces mesures ont transformé des vies et protègent efficacement les femmes et les enfants. Elles ont été étudiées de près par les deux comités, et elles ont un long passé législatif. Alors, pourquoi tarde‑t‑on tellement à adopter ces mesures qui pourraient sauver des vies?
Ensemble, notre association et l'organisme PolySeSouvient ont rédigé un mémoire détaillé sur les exigences de la mise en vigueur et de l'application des dispositions du projet de loi sur la violence familiale. Nos recommandations figurent dans le mémoire que nous avons soumis au Comité. Nous vous demandons de répondre à ces recommandations de toute urgence, car il est vital de protéger les femmes contre la violence conjugale commise au moyen d'armes à feu.
Enfin, je tiens à souligner que le droit de la famille contribue à confiner les femmes dans des relations violentes, ce qui avive la violence familiale et accroît les risques de féminicide. De nos jours, les victimes affirment que si elles avaient su ce que le tribunal de la famille allait décider, elles n'auraient pas quitté cette relation violente ou elles n'auraient pas dénoncé les mauvais traitements qu'elles subissaient. Les avocats disent aussi aux femmes de ne pas dénoncer la violence conjugale, sinon elles perdront la garde de leurs enfants. Ces choses sont absolument inacceptables.
Au lieu de prévenir la violence fondée sur le sexe, la loi favorise activement le silence, les mauvais traitements et l'inviolabilité. Voilà pourquoi les Nations unies, ainsi que 250 organismes de femmes et de féministes de partout au pays, d'innombrables survivantes et de nombreux experts et universitaires demandent au Canada de légiférer de manière à empêcher les tribunaux de décider du sort des enfants en invoquant des raisonnements sexistes et de pseudo-concepts comme l'aliénation parentale.
Il faut que la loi cesse d'enfermer les femmes dans des relations qui mettent leur vie en danger.
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ces problèmes urgents.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je remercie le Comité de me permettre de témoigner aujourd'hui dans le cadre de son étude.
Je m'appelle Heidi Rathjen, et j'étais étudiante à l'École polytechnique, en 1989, lorsque 14 jeunes femmes ont été tuées par balle parce qu'elles étaient des femmes. Le contrôle des armes à feu est non seulement une question de sécurité publique, mais aussi une question féministe. PolySeSouvient est composé d'étudiants et de diplômés de l'École polytechnique ainsi que des familles des victimes qui appuient un meilleur contrôle des armes. Notre objectif est double: prévenir les fusillades de masse et prévenir les féminicides, car ces deux éléments s'appliquent à la tragédie qui s'est déroulée à notre école. En fait, les deux sont souvent liés.
Dans 68 % des cas de fusillade de masse qui ont eu lieu aux États‑Unis sur une période de cinq ans, l'auteur a tué au moins un partenaire intime ou un membre de la famille ou avait des antécédents de violence conjugale. Au Canada, de nombreuses fusillades de masse sont commises par des agresseurs visant des membres d'une même famille. Il suffit de penser à la fusillade de masse qui a eu lieu en 2020 en Nouvelle‑Écosse.
[Traduction]
Si les armes à feu ne tuent pas en elles-mêmes, elles facilitent les meurtres. Les armes ne tuent pas les gens. Ce sont les personnes armées qui tuent. Cela s'applique tout particulièrement dans le contexte de la violence conjugale.
La violence par un partenaire intime commise à l'aide d'une arme à feu est 12 fois plus susceptible d'entraîner la mort que les incidents semblables qui ne sont pas commis avec une arme à feu. Au Canada, le terme « familicide » désigne un crime sexospécifique impliquant principalement des accusés de sexe masculin qui s'attaquent souvent à des victimes de sexe féminin, qui ont des antécédents de violence familiale et qui commettent des meurtres au moyen d'armes à feu.
De 2010 à 2018, 36 % des homicides familiaux dont on a identifié l'arme ont été commis avec une arme à feu. Une étude menée dans les régions rurales du Nouveau‑Brunswick et de l'Île‑du‑Prince‑Édouard a révélé que les deux tiers des femmes dont le domicile contenait des armes à feu ont déclaré que la simple présence de ces armes à feu les rendait plus craintives pour leur sécurité.
Je vais profiter de cette occasion pour réfuter un argument fallacieux qui est constamment utilisé pour s'opposer au contrôle de la possession légale d'armes à feu. On le retrouve même dans le projet de loi . Le lobby des armes à feu minimise l'utilisation d'armes à feu dans les cas de violence conjugale, car elle contredit son argument principal. Il affirme que seules les armes illégales qui sont entre les mains de gangs ou de criminels posent un problème. Il prétend que moins d'un pour cent de TOUS les appels de violence familiale impliquent une arme à feu et qu'en général, l'accusé ne l'avait pas utilisée pour menacer sa victime ou n'avait pas tiré.
Premièrement, ils entremêlent les ménages propriétaires d'armes à feu avec ce que la police considère comme « l'arme la plus dangereuse sur les lieux de l'incident ». En appliquant la même logique aux couteaux, seulement 3 % des ménages auraient des couteaux.
Deuxièmement, il est tout à fait normal de constater qu'un petit pourcentage des appels de violence conjugale impliquent une arme à feu. La menace ou l'utilisation d'une arme à feu est sans doute la forme de violence la plus meurtrière et potentiellement mortelle. Elle ne représente qu'une petite fraction de tous les incidents de violence familiale comme les menaces, la force physique légère, les blessures physiques, l'agression sexuelle, la séquestration et autres.
Essentiellement, le lobby des armes à feu dit aux législateurs et au public qu'il n'est pas nécessaire de retirer systématiquement les armes à feu d'agresseurs comme ceux qui ont tué des membres de leur famille, parce que leurs meurtres ne représentent qu'un faible pourcentage de tous les appels de violence familiale à la police. Ils le disent ouvertement aux deux personnes qui sont assises derrière moi, Mme Tara Graham, fille de Mme Brenda Tatlock‑Burke, une victime récente de féminicide, et M. Brian Sweeney, le père d'Angie Sweeney, qui a été tuée il y a un an avec ses trois jeunes enfants lors d'un familicide.
En conclusion, je vais citer Tara qui, dans son mémoire au Comité, écrit que le meurtre tragique de sa mère souligne l'urgence d'adopter les nouvelles mesures importantes proposées dans le projet de loi C‑21 afin de protéger les victimes de violence familiale. Elle ajoute qu'il est très déconcertant de constater que ces mesures n'ont pas été mises en œuvre. Bien qu'ayant maltraité sa mère pendant des années, Mike Burke possédait légalement six ou sept armes à feu. Si la police avait su qu'il la maltraitait, elle lui aurait retiré ses armes à feu.
J'espère que le Comité tiendra compte de ces observations et qu'il exhortera le gouvernement à adopter sans tarder les dispositions pertinentes du projet de loi et à ordonner aux contrôleurs provinciaux des armes à feu de les appliquer efficacement.
Merci.
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Je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître devant vous.
Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Élyse Joyal‑Pilon, avocate chez Rebâtir. Elle occupe des fonctions de gestion et agit à titre de personne-ressource en matière de sécurité des personnes victimes.
Je m'appelle Marie‑Claude Richer. Je suis avocate et directrice de l'organisme Rebâtir, qui a été créé le 21 septembre 2021. Rebâtir a pour mandat d'offrir quatre heures de consultation juridique gratuite à toute personne victime de violence conjugale et sexuelle, et ce, partout au Québec, dans tous les domaines du droit. En trois ans, nous avons offert plus de 67 000 consultations juridiques à plus de 16 000 personnes victimes.
Pendant 47 ans, j'ai été l'amie de Lisette Corbeil, victime d'un féminicide en 2021. Ce geste fatal a été le premier acte de violence physique commis à son égard. Elle était cependant victime de contrôle coercitif depuis plusieurs années.
Nous réitérons aujourd'hui qu'il est urgent que le contrôle coercitif soit reconnu au Canada comme un acte criminel. En plus d'engendrer un effet dissuasif, cette reconnaissance permettrait aux policiers ainsi qu'au poursuivant d'exposer cette preuve de continuum d'actes privatifs de liberté devant les tribunaux. Les juges auraient ainsi une vision plus juste de la situation, et ils pourraient prendre des décisions éclairées, ce qu'ils ne peuvent pas faire présentement, ne disposant que d'une photo d'un film qui dure souvent depuis longtemps.
Actuellement, le système de justice ne bénéficie pas de tous les outils nécessaires pour protéger les personnes victimes et leurs enfants.
Nous demandons donc au Comité de recommander que les modifications suivantes soient apportées au Code criminel.
D'abord, nous recommandons que tout meurtre d'un partenaire intime, y compris les féminicides, soit assimilé à un meurtre de premier degré, comme le sont notamment les meurtres d'agents de police commis pendant l'exercice de leurs fonctions. Ce faisant, le poursuivant n'aurait pas le fardeau de prouver la préméditation. La peine minimale pour un meurtre au premier degré est l'emprisonnement à perpétuité.
De plus, afin de mieux protéger les personnes victimes lorsqu'elles ont le courage de dénoncer, il faudrait ajouter un alinéa à l'article 495.1 du Code criminel, lequel traite notamment du pouvoir des policiers à l'égard d'une violation à des conditions. Cet ajout préciserait que, en contexte de violence à l'égard d'un partenaire intime, les policiers auraient l'obligation, et non seulement le pouvoir, de procéder à l'arrestation sans mandat du prévenu.
Il faudrait aussi ajouter à l'article 515 du Code criminel l'obligation pour le tribunal de motiver sa décision lorsqu'il refuse d'imposer au prévenu l'obligation de porter un dispositif de surveillance à distance si le poursuivant en fait la demande.
Enfin, il faudrait rappeler au poursuivant l'importance de demander, au stade de l'enquête liée à la mise en liberté, une évaluation du risque que pose le prévenu lorsque sont présents des facteurs de risque d'homicide tels que l'étranglement, les menaces de mort, les propos suicidaires et le non-respect des ordonnances judiciaires, tant civiles que criminelles.
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En plus de ces recommandations liées au système de justice criminelle, nous demandons au Comité de recommander les mesures suivantes.
Nous proposons que les ordres professionnels et les établissements d'enseignement qui forment des professionnels susceptibles d'intervenir dans des situations de violence conjugale ou sexuelle rendent obligatoire une formation de base ou une formation continue sur le contrôle coercitif et les facteurs de risque liés aux homicides.
Nous recommandons également que le processus de nomination quant à la magistrature prévoie l'obligation de tenir une rencontre avec les candidats. Le processus doit aussi prévoir l'obligation de tenir compte du degré de connaissances juridiques des candidats ainsi que de leur expérience dans les domaines du droit dans lesquels ils seraient appelés à exercer leurs fonctions. Cela permettrait d'insister sur l'importance que les juges siégeant à la Cour supérieure du Québec, à la chambre de la famille, possèdent l'expérience et les connaissances pertinentes en droit de la famille.
Les notions de contrôle coercitif et de facteurs de risque ainsi que la connaissance du droit criminel, dont l'interprétation des conditions de mise en liberté, sont d'une importance capitale au moment de prendre des décisions susceptibles d'avoir des répercussions sur la sécurité des victimes et de leurs enfants.
Nous proposons aussi que toutes les organisations travaillant auprès des personnes victimes se dotent d'une équipe spécialisée, qui sera responsable de ces dossiers et qui appuiera les professionnels de l'organisation.
Enfin, nous proposons que les instances gouvernementales lancent une campagne nationale de sensibilisation aux relations saines et au contrôle coercitif, qui inclurait les milieux scolaires.
Nous soutenons que, pour être efficace, un filet de sécurité doit comprendre plusieurs maillons. Cependant, il faut que ces maillons soient tous attachés les uns aux autres. Pour que cela fonctionne, il faut y consacrer les ressources humaines et financières nécessaires, notamment du personnel qualifié qui a le temps de gérer ces dossiers complexes et souvent urgents.
La sécurité, c'est aussi une responsabilité collective, et nous avons tous un rôle à jouer. Il est donc impératif que le contrôle coercitif soit reconnu comme un problème systémique au Canada.
Comme le dit le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale: « Collectivement, nous devons être à la hauteur du courage de ces femmes. »
Je vous remercie de votre attention.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie, mesdames, de vous être déplacées pour venir témoigner au Comité. Aujourd'hui, c'est une journée importante, car c'est la 25e Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Hier ou ce matin, l'Organisation des Nations unies, ou ONU, a publié des chiffres montrant que 85 000 femmes et filles ont été tuées intentionnellement en 2023. Une femme est donc tuée toutes les 10 minutes sur la planète. C'est affolant.
Ce matin, à la radio et dans plusieurs médias, plusieurs analystes et journalistes se sont penchés sur cette question, et c'est tant mieux. Par exemple, Mme Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, a dit essentiellement que les femmes qui n'ont pas de logement n'ont pas de porte de sortie. Nous pourrions revenir à cette question plus tard.
M. Dagher, directeur du Service de police de la Ville de Montréal, était très ému, ce matin, à la radio de Radio‑Canada. Il a imploré les femmes de s'adresser aux services de police. Or, on sait que la police peut être un frein à la dénonciation, parce que les femmes ne font pas nécessairement confiance au système, malheureusement. Elles craignent de ne pas être crues, et elles ont peur que le processus soit trop long. De plus, elles se disent que, de toute façon, personne ne comprend la violence conjugale et tout ce que ça entraîne. D'ailleurs, nous en avons parlé, Mme Zaccour et moi, en lien avec la question de l'aliénation parentale. Bref, elles craignent des conséquences fâcheuses qui pourraient survenir.
Madame Richer, quelles sont vos observations quant aux propos tenus ce matin par M. Dagher?
Je m'adresserai ensuite à Mme Zaccour.
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Je dirais que, effectivement, les femmes sont craintives.
Nous avons eu la chance — ou la malchance — d'avoir pu parler, depuis trois ans, à 16 000 femmes au Québec qui sont victimes de violence conjugale. Certaines femmes disent que si elles avaient su ce qui leur arriverait, elles n'auraient pas dénoncé la violence. Pourquoi cela? C'est parce qu'elles ne se sentent pas en sécurité. Or, la sécurité est la pierre angulaire du succès du cheminement d'une victime dans le système de justice. D'abord et avant tout, il faut qu'elle soit en sécurité.
Chez Rebâtir, nous rencontrons souvent des femmes avant l'étape de la dénonciation. Cette façon de faire est unique, au Québec. Nous sommes le seul bureau d'avocats qui rencontre les victimes avant qu'elles se rendent dans un service de police. Nous les rencontrons d'abord pour les rassurer. Ensuite, nous leur expliquons comment les choses vont se passer dans le système de justice pour qu'elles puissent savoir quoi dire et comment présenter une bonne déclaration. En effet, on sait que c'est cette déclaration qui va être analysée par les tribunaux.
Nous rencontrons donc les femmes, et nous les sécurisons. Il faut tisser un filet de sécurité autour d'elles. C'est pour cela que, lorsqu'elles vont porter plainte en lien avec un non-respect des conditions, il faut que le prévenu soit ramené le plus rapidement possible devant les tribunaux.
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Il y a plusieurs clous sur lesquels il faudrait taper.
Le moment où la victime est le plus en danger, c'est celui où elle annonce sa séparation et les mois qui suivent. L'auteur de l'acte de violence perd alors le contrôle sur la victime. C'est à ce moment qu'il faut la protéger. Il est donc nécessaire de mettre en place un filet de sécurité dès que la victime porte plainte.
Ainsi, dans les cas où le prévenu ne respecte pas les conditions, nous proposons de prévoir l'obligation de le ramener devant la cour pour que celle-ci examine, entre autres choses, la possibilité d'imposer le port d'un bracelet antirapprochement.
De plus, présentement, un juge peut décider de ne pas imposer le port d'un bracelet antirapprochement sans offrir de justification. Nous demandons donc que les juges aient l'obligation de justifier le fait que le port du bracelet ne devrait pas être imposé.
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Il y aurait tant de choses à dire là-dessus.
Sur de grands réseaux, il y a deux semaines, et encore récemment sur les ondes de Radio‑Canada et de Télé‑Québec, on a entendu des propos masculinistes toxiques qui donnent froid dans le dos.
Il y a des pays où on ne peut même plus entendre la voix féminine dans un espace public.
Que pensez-vous de cela, madame Zaccour? Comment va-t-on s'en sortir et régler le problème de la violence faite aux femmes une fois pour toutes?
Nous ne voulons pas restreindre le droit de parole à quiconque, mais certains propos nous font peur, actuellement.
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Merci, madame la présidente.
Je vais m'adresser aux avocates qui représentent l'organisme Rebâtir.
En France, ce ne sont pas seulement la Couronne et l'accusé qui sont représentés par un avocat en cour, c'est aussi la victime.
Dans mon ancienne vie, j'étais journaliste, et j'ai vu plein de procès criminels. J'ai toujours eu le sentiment que les victimes n'avaient pas de voix. Il y avait des gens pour les aider à comprendre le processus, mais elles n'avaient pas accès à quelqu'un ayant les qualités nécessaires pour plaider pour elles et faire valoir ce dont elles avaient besoin pour être en sécurité.
Que pensez-vous de cette idée? Comment pourrait-on mettre en place un mécanisme semblable, qui permettrait aux victimes de faire valoir leurs besoins ici, au Canada?
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S'il y a une chose que nous avons apprise, depuis la création de l'organisme Rebâtir, c'est que les personnes victimes ont effectivement besoin d'une voix. Elles en trouvent une partie chez nous. Le droit criminel est un des domaines du droit où nous donnons le plus de consultations. Effectivement, les victimes, au Québec, avaient besoin d'être mieux accompagnées, soutenues, entendues, conseillées et informées. Cela prend des personnes spécialisées pour les aider, et nos avocats ont été formés en ce sens.
Comme Me Richer le disait, notre service est l'un des premiers en son genre. Les personnes victimes ont accès à un avocat indépendant qui se consacre entièrement à la défense de leurs intérêts.
D'un côté, il y a un avocat qui représente l'accusé, et, de l'autre, il y a le procureur qui représente la Couronne. Cependant, quand les personnes victimes viennent chez nous, nous les conseillons directement. Nous leur expliquons le cheminement et le processus. Ça peut paraître anodin, mais ce ne l'est pas. Cela fait en sorte qu'à la prochaine étape, la personne victime va être plus confiante. Elle va mieux comprendre ce qui va se passer, ce que le tribunal ou les intervenants vont décider et les raisons derrière cela.
En effet, nous parlons constamment de sécurité avec les personnes victimes. C'est au cœur de tout ce que nous faisons. C'est omniprésent. C'est la première chose à laquelle nous pensons. Avant même de fournir un conseil juridique à une personne, nous nous penchons sur sa sécurité, parce que le processus judiciaire dépend de la sécurité. Les interventions, que ce soit en cour supérieure ou encore en cour criminelle, devraient se faire en fonction du niveau de risque que présente chaque dossier.
Pour revenir à la question de la violation de conditions, il n'y a pas de cas mineur. Il y a une culture où on minimise certains gestes qui sont posés. Nous devons tous reconnaître qu'une violation de conditions est un facteur de risque, et c'est ainsi qu'il faut la considérer.
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Oui, nous sommes d'accord. C'est pour cela que, dans nos recommandations, nous demandons que les juges soient mieux choisis lorsqu'ils doivent rendre des jugements. Cela fait 35 ans que je suis avocate, mais j'ai exercé dans le domaine du droit de la famille pendant 32 ans et, il y a à peine trois ans, je ne savais pas ce qu'était le contrôle coercitif. Je n'hésite pas à le dire.
Malheureusement, ce ne sont pas tous les juges qui siègent présentement à la chambre criminelle de la Cour supérieure et de la Cour du Québec qui savent ce qu'est le contrôle coercitif. Il faut les informer, et il ne suffit pas de leur offrir de la formation. Il faut rendre cette formation obligatoire afin qu'ils puissent évaluer les risques pour la sécurité des victimes. C'est ça qui va changer les choses. L'étranglement est un facteur de risque parmi d'autres. On en a nommé plusieurs, aujourd'hui.
Effectivement, si les victimes pouvaient être représentées par un avocat à la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec ou ailleurs au Canada, ce serait une avancée majeure. Comme vous l'avez dit, cet avocat pourrait venir expliquer des concepts qui sont peut-être moins connus.
La violence conjugale est une question hyper complexe. Il y a plusieurs facteurs à considérer, et chaque cas est un cas d'espèce. Si cela pouvait se concrétiser au Canada, ce serait vraiment salutaire.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Toutes les personnes qui sont intervenues aujourd'hui ont parlé du 25 novembre, qui est la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Au Québec, nous soulignons aussi cette occasion par des activités, qui commencent à cette date et qui vont culminer le 6 décembre, journée où des femmes ont été tuées, parce qu'elles étaient des femmes.
Je porte un ruban blanc, qui a été fait à la main par des membres de l'Association féministe d'éducation et d'action sociale, qui se trouve dans ma circonscription. Cette association a aussi lancé l'opération Tendre la main.
J'ai porté attention à toutes les remarques préliminaires des témoins, et j'ai l'impression qu'on a vraiment besoin de se tendre la main.
Mme Vien et moi avons entendu les mêmes entrevues ce matin. Le lundi matin, nous partons de nos circonscriptions respectives pour venir à Ottawa, et nous en profitons pour nous mettre à jour sur l'actualité. Aujourd'hui, on a évidemment beaucoup parlé de cette journée avec plusieurs intervenantes. On a aussi parlé de logement. Vers la fin de mon trajet, j'ai écouté un webinaire, dans lequel on parlait de la question de la violence en ligne. Finalement, on a parlé de la situation des femmes afghanes et de la question de l'éducation.
Le Comité cherche évidemment des solutions à ce problème.
Madame Rathjen, il s'agit d'un des premiers sujets sur lesquels je suis intervenue après mon élection, soit en décembre 2019. Je m'en souviens encore. Lorsque j'étais une jeune femme, au Québec, j'ai eu conscience trop jeune que ma situation, en tant que femme, était menacée. Je n'avais pas compris à l'école primaire, mais, en 2019, quand j'ai eu à parler de l'événement survenu à l'École polytechnique, et j'ai repensé à ce moment dans ma vie.
On a parlé de la question du contrôle des armes à feu, et je l'ai aussi abordée en 2019. Depuis, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a mené des études à ce sujet. Comme vous le savez, nous sommes souvent en contact avec la députée Kristina Michaud. Mme Zaccour, lors de son allocution, a aussi parlé de la question du contrôle des armes à feu.
Nous sommes en 2024, mais j'ai l'impression qu'on avance et qu'on recule sur cette question.
La semaine dernière, lors d'un débat à la Chambre, on a notamment parlé de la question des armes à feu. Il y a plus d'un an et demi, une des recommandations principales figurant dans un rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale était de nommer un comité d'experts indépendants, dont le mandat serait de conseiller le gouvernement. L'objectif était d'éviter d'avoir de mauvaises analyses quant aux armes à feu, lesquelles nous obligeraient à revenir en arrière par la suite. Nous sommes en novembre 2024, et la recommandation de ce comité n'a toujours pas été mise en place.
Quelles sont les principales recommandations que notre comité devrait retenir et qui devraient être mises en place le plus rapidement possible relativement au contrôle des armes à feu?
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J'avoue que je n'ai pas fait mes devoirs et que je n'ai pas lu le rapport. Cependant, en ce qui concerne la violence conjugale, le gouvernement a écouté les groupes de victimes et les groupes de femmes. En effet, il a prévu dans le projet de loi des mesures qui changeront la donne. Je pense notamment aux mesures concernant le contrôle que des hommes exercent sur leurs victimes, bien que cela soit uniquement une petite partie du problème.
Le gouvernement a donc fait du très bon travail dans ce domaine. En comité, tous les partis ont d'ailleurs appuyé ces dispositions. C'est peut-être contredit par les chefs de certains partis, mais le travail a été bien fait dans les comités.
Le problème, c'est que ces mesures ne sont pas encore en vigueur un an plus tard. Pour ce qui est de savoir pourquoi cela prend autant de temps, il faudrait poser la question au gouvernement, et non à nous. Pourtant, la situation est urgente. Toutes les semaines, un autre meurtre est commis avec une arme à feu dans un contexte de violence conjugale.
Dans la séquence des événements qui mènent à un décès, l'utilisation d'une arme à feu constitue en fait le maillon le plus faible. En effet, c'est à cet égard que l'on peut intervenir de manière très concrète, c'est-à-dire en saisissant l'arme. La situation devient immédiatement moins dangereuse. Il y a assurément bien des choses qu'il faut faire, mais la saisie d'une arme peut se faire rapidement et simplement. Malheureusement, on ne le fait pas ou cela se fait de façon très variable au pays.
Cela étant dit, les mesures prévues dans le projet de loi vont faire en sorte qu'il sera obligatoire, et non discrétionnaire, d'intervenir et de saisir les armes à feu dans de tels contextes.
Malheureusement, l'attente dure toujours, et nous sommes inquiets. Nous voulons que ces mesures soient mises en œuvre avant la tenue d'une élection, et nous ne savons pas à quelle date elle sera déclenchée.
C'est donc une course contre la montre. Il faudrait que ces mesures soient rapidement mises en application. Je souligne qu'elles ont été adoptées par les deux chambres, y compris la Chambre des communes, et les parlementaires ont été démocratiquement élus.
Malheureusement, nous sommes dans une impasse à la Chambre. Rien ne se passe en ce moment, ce qui est très inquiétant.
Je suis aussi très inquiète du fait que bien des lois et des déclarations sont fondées sur une idéologie et non sur des données probantes. On le constate de plus en plus. Je crois que, surtout dans le cas de la violence fondée sur le sexe et de la réadaptation qui rendrait les collectivités plus sûres, nous nous éloignons de plus en plus des faits à cause de mouvements comme le lobby des armes à feu, par exemple.
Madame Dawson, en examinant les résultats de vos études de recherche, j'ai été troublée de découvrir qu'en 2020, la plus grande partie des victimes étaient des femmes de 54 à 64 ans. Il y avait ensuite les femmes de 25 à 34 ans, puis celles de 35 à 44 ans.
J'ai trouvé cela frappant. Les agresseurs étaient‑ils des partenaires intimes ou un autre membre de la famille?
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Notre organisme existe depuis seulement trois ans. Notre problème, actuellement, c'est que nous n'avons que 14 avocats pour desservir l'ensemble du Québec.
Nous ne réussissons pas à répondre à la demande et, par le fait même, c'est difficile de savoir si les données augmentent d'année en année. Je vous dirais que c'est le cas, parce que nos lignes téléphoniques sont de plus en plus occupées. Autrement dit, la demande est réelle.
Cela dit, notre organisme est de plus en plus connu, car on recommande beaucoup nos services. Je pense au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes ou encore aux services de police. C'est pourquoi nous recevons un nombre élevé de demandes.
Je serais donc portée à vous dire qu'il y a une augmentation de la demande, mais, sur le plan statistique, je ne pourrais pas être plus précise. Toutefois, nous avons déjà offert 67 000 consultations en trois ans, ce qui est énorme. Il est important de le mentionner, mais on oublie parfois que le contrôle coercitif est vraiment une donnée importante. Pour la majorité des victimes que nous avons rencontrées, si ce n'est pas la totalité, il y avait une forme de contrôle coercitif.
Madame Rathjen, vous avez parlé des députés conservateurs, alors comme j'en suis une, je me sens obligée de vous répondre. Je tiens à affirmer que nous tenons à ce que les criminels n'aient pas accès à des armes à feu. Les hommes qui tuent des femmes, qui ont des antécédents de violence conjugale et de contrôle coercitif et qui ont été condamnés pour ces méfaits sont des criminels. Nous ne voulons pas que ces gens aient accès à des armes à feu.
Quant à ce que vous disiez, je sais que Mme Larouche vous a posé cette question en français, mais je vais vous la reposer en anglais. Vous avez dit en comité que les individus qui font l'objet d'une ordonnance de protection ou qui sont reconnus coupables de violence conjugale ne peuvent plus obtenir de permis d'armes à feu — révocation automatique du permis d'armes à feu d'un particulier. Si un contrôleur des armes à feu a des motifs raisonnables de croire qu'un individu qui fait l'objet d'une ordonnance de protection risque de commettre de la violence familiale ou du harcèlement, il doit révoquer son permis.
Ce projet de loi libéral a été adopté, mais on ne l'applique pas. Pourquoi pas? Vous a‑t‑on donné une réponse? Nous, les conservateurs, nous appuyons ces dispositions sans réserve, je tiens à ce que vous le sachiez.
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Merci beaucoup de la question.
Pour y répondre, je vais revenir à ce que j'ai dit dans mon exposé, à savoir que le féminicide ne peut pas être réparé, qu'il ne peut pas être annulé et qu'il ne peut pas être réglé après coup, et que, par conséquent, nous avons absolument besoin de mesures préventives.
Certains hommes qui tuent leur partenaire se suicident immédiatement après. Nous ne sommes donc pas convaincues, puisque le meurtre est déjà un crime, que la situation sera très différente si le Code criminel définit le « féminicide ».
Les femmes doivent être en sécurité pour pouvoir partir, parce que c'est à ce moment‑là, au moment où elles essaient de partir, au moment où elles essaient d'avoir accès aux tribunaux de la famille, qu'elles sont tuées. C'est à ce moment‑là qu'elles sont le plus en danger.
On se demandait tout à l'heure pourquoi les gens disent toujours à ces femmes qu'elles devraient s'adresser à la police, alors que ce n'est en réalité pas prudent. Un tribunal de la famille pourrait les priver de leurs enfants. On dit aussi à ces femmes qu'elles devraient partir, mais ce n'est pas prudent non plus, parce que c'est précisément à ce moment‑là qu'elles risquent le plus de se faire tuer. C'est pourquoi la prévention est essentielle, et c'est pourquoi il faut permettre aux femmes d'être en sécurité après leur départ et de ne pas être piégées dans ces relations.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie encore une fois les témoins d'être avec nous, aujourd'hui. Il est vraiment dommage que nous manquions de temps.
Je vais d'abord commencer par offrir mes plus sincères condoléances à toutes les personnes qui ont perdu une femme pour cause de féminicide, et je sais qu'il y en a ici, dans la salle.
Mesdames Richer et Joyal-Pilon, vos remarques préliminaires étaient très pertinentes. Vous avez résumé vos idées. Vous avez parlé de la question du meurtre au premier degré. Vous avez aussi abordé la question du non-respect de conditions, du choix des juges, de formation. Vous avez donc fait le tour de la question.
J'aimerais revenir sur un point.
Je crois aussi qu'en matière de violence envers les femmes, il faut vraiment mettre en place tout un système pour travailler sur ces dossiers, comme vous l'avez bien dit. On doit vraiment voir le système dans son ensemble.
Il faut assurer un continuum de services pour être véritablement en mesure d'aider le plus de femmes possible et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas une victime de plus.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la possibilité de recourir à des experts en intervention d'urgence qui pourraient donner des conseils.?
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Cela nous ramène à plusieurs questions qui ont été soulevées aujourd'hui. Je pense que, la formation, c'est la clé. On a besoin de professionnels qui connaissent les données probantes dont Mme Dawson nous a fait part. Il faut pouvoir faire appel à des professionnels qui connaissent les politiques, les pratiques exemplaires et les facteurs de risque. Ces gens seront capables de reconnaître ces facteurs, et ils seront en mesure de diriger des dossiers vers les organismes spécialisés.
Nous pensons vraiment que tous les organismes qui travaillent auprès des personnes victimes devraient pouvoir réunir des personnes-ressources, des spécialistes qui maintiennent les connaissances, rédigent et diffusent des aide-mémoire et des aides à la prise de décision. Cela permettrait aux professionnels de tous les organismes d'être mieux outillés, de connaître et de mieux comprendre les données pertinentes pour prendre des décisions éclairées et gérer des dossiers qui sont souvent très urgents en raison des facteurs de risque existants.
Ces professionnels pourraient aussi maintenir un réseau de personnes-ressources à jour et diriger rapidement les personnes victimes qui sont exposées à un risque élevé vers les experts capables de tisser les fameux filets de sécurité dont nous avons parlé. Ceux-ci sont très importants quand une personne victime quitte un milieu et qu'elle est dans une période où la séparation est imminente ou très récente.
Il faut donc agir rapidement et prendre les mesures appropriées en temps opportun. C'est pour ça que nous pensons à tous les organismes qui travaillent auprès des personnes victimes, et pas seulement aux spécialistes. Par exemple, au Québec, il y a des cellules d'intervention rapide composées de groupes d'experts. Ces cellules ont été mises en place au cours des deux ou trois dernières années dans plusieurs régions.
Il faut mettre en place des équipes qui gèrent les dossiers, qui diffusent la connaissance et l'information et qui font le pont entre ces groupes d'experts et les professionnels.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins de leur présence parmi nous. Vous faites un travail incroyable.
J'ai tellement de questions à poser. J'aimerais que nous ayons des heures.
Madame Dawson, ce que vous avez dit au sujet des fils qui tuent leur mère est assez bouleversant. Si vous le souhaitez, veuillez déposer auprès du Comité les études longitudinales que vous auriez à ce sujet ou sur des enjeux familiaux. Je crois que c'est l'élément central de la prévention. Que peut‑on mieux faire au cours de ces années de développement?
Je veux parler du projet de loi . Depuis l'adoption de ce projet de loi en 2019, 84 923 femmes ont été victimes de violence conjugale. Ce projet de loi était censé en réduire le nombre. Pourtant, en 2023, il est passé à 96 415, soit une augmentation de près de 14 %.
Je serais encline à demander aux avocates ici présentes — je crois que ce sont les deux charmantes dames qui vont parler à la fin — ce qu'elles pensent de ce projet de loi et du lien entre l'augmentation de la violence entre partenaires intimes et ce projet de loi.
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Malheureusement, il y a encore beaucoup trop de féminicides, beaucoup trop de violence.
Quant à savoir ce qu'il faudrait faire, je vous dirai qu'il nous faut du temps. Il faut avoir des effectifs sur le terrain pour faire appliquer les mesures qui sont mises en place. Le maillon faible, présentement, c'est le manque de temps.
Si les procureurs de la Couronne veulent faire du bon travail, il faut qu'ils puissent travailler avec suffisamment de poursuivants. Ils doivent être en mesure d'analyser les dossiers afin d'utiliser les bons arguments devant les tribunaux. Ils n'ont pas le temps de faire complètement ce travail d'analyse, parce qu'ils sont inondés de dossiers.
C'est la même chose pour tous les groupes qui travaillent auprès des victimes. Il s'agit de pouvoir offrir, encore une fois, ce filet de sécurité aux victimes. Malheureusement, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour cela.
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Vous et moi en avons souvent parlé. Je sais que le projet de loi donne actuellement lieu à des consultations sur l'article 35 avec les Autochtones, préalablement à l'adoption de la réglementation.
Parlant d'armes à feu, madame Rathjen, vous et moi avons toutes les deux été violemment attaquées par le lobby des armes à feu. Je vous félicite de votre détermination à prendre position et à continuer de le crier haut et fort, alors que vous êtes systématiquement attaquée et que vous le serez probablement aussi après la réunion d'aujourd'hui.
Le contrôle des armes à feu est une question qui concerne les femmes, et nous savons que le risque d'être tuée est multiplié par 500 fois s'il y a des armes à feu à la maison. Il est indéniable que le contrôle des armes à feu et la violence sexiste sont des enjeux de santé publique, mais nous n'avons pas de données à l'échelle du Canada sur les armes à feu.
Peut-être que toutes les témoins pourraient intervenir à ce sujet. Appuyez-vous l'investissement dans la recherche pour obtenir des données à l'échelle du Canada sur les armes à feu?
Madame Dawson, je vais commencer par vous.
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Madame la présidente, distingués membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous cet après-midi pour discuter de cette importante question.
Je m'appelle Amy Jarrette et je suis sous-commissaire pour les femmes au Service correctionnel du Canada.
Je suis heureuse d'être accompagnée virtuellement de Kathy Neil, qui est sous-commissaire des services correctionnels pour les Autochtones.
J’ai suivi l’étude sur la violence et les féminicides fondés sur le sexe à l’égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre menée par ce comité. La violence sous toutes ses formes, y compris la violence fondée sur le genre, est inacceptable, et nous ne la tolérons pas dans nos établissements ou nos collectivités. Nous connaissons tous et toutes l’étendue des conséquences immédiates et à long terme qu’a la violence fondée sur le genre sur les victimes et leurs familles. C’est pourquoi, même si nous ne déterminons pas qui est admis sous notre garde, nous avons pour responsabilité de nous attaquer aux facteurs qui ont mené au comportement criminel, y compris à la violence fondée sur le genre.
Pendant les réunions que vous avez tenues jusqu’à présent, les membres de votre comité ont discuté avec des témoins de l’importance de veiller à ce que les délinquants aient accès à des programmes correspondant à leur niveau de risque et de besoins. Pour contrer la violence fondée sur le genre, le Service correctionnel du Canada évalue les délinquants à l’admission afin de déterminer s’ils ont des antécédents de violence dans les relations intimes et/ou de violence fondée sur le genre. Les personnes qui répondent aux critères à l’évaluation initiale subissent ensuite une évaluation plus approfondie. Plus précisément, l’évaluation du risque de violence familiale et l’Évaluation du risque de violence conjugale sont utilisées auprès des délinquants de sexe masculin.
Les résultats peuvent être utilisés pour élaborer des plans de traitement, pour établir le niveau d’intensité des interventions, ainsi que pour déterminer s’il convient d’accorder des visites conjugales, des visites familiales et des permissions de sortir. Cette évaluation comporte aussi une évaluation de la délinquance sexuelle, qui sert à déterminer la cote globale pour établir le niveau d’intervention requis et fait partie intégrante du processus d’élaboration du plan correctionnel d’un délinquant.
Dans le cas des hommes sous notre responsabilité qui purgent une peine de ressort fédéral, qu’ils soient incarcérés ou sous surveillance dans la collectivité, les facteurs de risque et les besoins associés à la violence fondée sur le genre et à la violence sexuelle sont abordés dans le cadre du modèle de programme correctionnel intégré, dont des versions sont adaptées aux Autochtones et aux Inuits. Toutes les versions comprennent des programmes particuliers destinés aux délinquants qui sont incarcérés pour des infractions sexuelles.
Un plan personnalisé est établi dans le cadre de ces programmes en fonction des besoins de la personne concernée. Les programmes visent à reconnaître et, au bout du compte, à aborder les pensées, les attitudes et les comportements qui ont poussé les personnes à commettre des actes de violence, des actes de violence sexuelle et des agressions à l’endroit d’autres personnes, y compris de partenaires intimes actuels ou anciens. Les recherches ont démontré que les personnes qui ont achevé des programmes du modèle de programme correctionnel intégré obtiennent des résultats positifs, avec une réduction importante de réincarcération des délinquants placés en liberté conditionnelle qui ont suivi le programme.
Bien que certaines délinquantes soient auteures de violence dans les relations intimes, la plus grande proportion des délinquantes sous notre garde, y compris les délinquantes autochtones, ont elles-mêmes été victimes d’abus et/ou de violence.Par conséquent, les programmes pour délinquantes traitent des enjeux liés aux femmes ayant des antécédents de violence dans les relations intimes, tout en tenant compte de leurs traumatismes. Dans le cadre des programmes correctionnels pour délinquantes, les participantes explorent le lien entre les conflits au sein de leurs relations et leurs comportements problématiques. Elles apprennent aussi les caractéristiques des relations de violence et des relations saines avec leur partenaire, leurs familles et leurs amis, et elles explorent comment briser le cycle de violence.
Au cours de cette étude, les membres de votre comité ont aussi entendu parler de violence fondée sur le genre à l’endroit des femmes autochtones. Le Service correctionnel du Canada reconnaît que les Autochtones, y compris les femmes autochtones, continuent d’être surreprésentés dans notre système de justice pénale, et que bon nombre de ces personnes sont des survivantes de traumatismes intergénérationnels. Par conséquent, les soutiens que nous offrons aux délinquants autochtones visent à les réhabiliter et à les tenir responsables de leurs infractions d’une manière appropriée et adaptée à leur culture qui permet de reconnaître leurs expériences uniques et leurs réalités vécues.
Mme Neil sera en mesure de répondre à vos questions au sujet du travail qu’elle effectue directement auprès des partenaires et des collectivités autochtones afin de veiller à ce que des services et des soutiens essentiels soient en place pour les Autochtones dont nous avons la charge et la garde. Cela comprend notamment de déployer des efforts pour éliminer les obstacles afin d’utiliser pleinement les accords conclus en vertu de l’article 81 qui sont actuellement en place, tout en augmentant le nombre d’organisations qui en tirent parti. Au cours de la dernière décennie, on a constaté une amélioration constante et importante du pourcentage de délinquants autochtones qui n’ont pas été réincarcérés dans un établissement fédéral dans les cinq ans suivant l’expiration de leur peine. Nous comptons poursuivre sur cette lancée grâce à l’important travail qu’effectue Mme Neil.
Madame la présidente et distingués membres du Comité, nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Je tiens à vous remercier, ainsi que Mme Neil, d’être ici aujourd’hui. Je ne peux pas vous dire à quel point j’étais heureuse de voir la nomination d’une sous-commissaire aux Services correctionnels pour les Autochtones, et je suis heureuse que vous soyez ici au Comité.
J’aimerais parler un peu du contrôle coercitif et vous donner quelques exemples.
Emily O’Brien est une femme qui a fondé Comeback Snacks. Elle est partie en vacances dans les Caraïbes avec son ami de l’époque, qui lui a confisqué son passeport et a exigé qu’elle fasse entrer de la drogue en contrebande au Canada, sans quoi il la menaçait de la laisser sur l’île. Il détenait son passeport. Elle a donc fait entrer la drogue en contrebande. Elle est allée en prison. Le juge lui a imposé une peine minimale obligatoire parce qu'il n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de faire autrement. Elle a admis sa pleine culpabilité, elle a purgé sa peine et elle se porte vraiment bien maintenant.
J’ai rencontré au Buffalo Sage Healing Lodge une femme qui a agressé son partenaire violent. Elle aussi a reçu une peine minimale obligatoire et a fini par être condamnée à une peine d’emprisonnement.
À l’institut pour femmes d’Edmonton, deux femmes à qui j’ai parlé avaient été victimes de la traite de proxénètes et vendaient de la drogue. Encore une fois, on leur a imposé des peines minimales obligatoires à purger dans des établissements fédéraux.
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu'il s'agit tous de cas de contrôle coercitif et que la prison n’était probablement pas le meilleur endroit où envoyer ces femmes. Elles ont commis une infraction, mais leur donner un casier judiciaire et leur rendre la vie difficile pour trouver un logement, un emploi et tout le reste lorsqu’elles seront libérées... Je suis fière que nous ayons supprimé les peines minimales obligatoires comme celles qui ont été imposées à ces femmes.
Vous avez parlé un peu de contrôle coercitif. Quel genre de programmes offrez-vous aux femmes qui sont incarcérées après s'être trouvées dans cette situation? D’après mon expérience, les femmes que j’ai rencontrées sont détenues par suite d'un contrôle coercitif, de problèmes de toxicomanie ou de santé mentale.
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Merci de poser la question.
Nos programmes correctionnels pour femmes sont conçus pour répondre aux besoins uniques des femmes, conformément aux principes clés de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ou LSCMLC.
Le modèle correctionnel pour délinquantes et le volet autochtone sont conformes aux principes énoncés par un groupe de travail dans le rapport intitulé « La création de choix », publié en 1990, qui énonçait cinq principes clés régissant les services correctionnels pour femmes. Pour les femmes, ces services offrent un continuum de soins, de l’admission jusqu’à l’expiration de la peine. Ils les aident vraiment à améliorer leurs compétences et leurs connaissances, à reconnaître les relations malsaines et à établir des relations saines.
La recherche démontre que les programmes correctionnels pour délinquantes autochtones, ou PCDA, et les Programmes correctionnels pour délinquantes, ou PCD, ont aidé efficacement les femmes à surmonter les problèmes à l'origine de leurs démêlés avec la justice pénale. Nous...
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Bonjour. Je vous remercie de la question. Je suis heureuse de vous revoir.
Comme vous, j'estime que les pavillons de ressourcement sont un élément clé de la capacité du SCC de favoriser la réadaptation des Autochtones, et d’appuyer l’appel à l’action 32, qui consiste à s’engager à prendre des mesures de justice de rechange. En 2017, je crois, le SCC a modifié l’affectation des fonds pour les pavillons de ressourcement de sorte que les personnes visées à l’article 81 profitent d'un tarif fixe, pour que les tarifs des pavillons de ressourcement ne soient pas inférieurs à un certain niveau, afin que nous puissions assumer tous leurs coûts fixes de façon constante, peu importe l’utilisation des lits.
Un autre de nos investissements importants qui, à mon avis, a très bien fonctionné, c’est le pavillon de ressourcement Okimaw Ohci. Ce programme intègre la guérison traditionnelle autochtone à la médecine occidentale. Nous avons ajouté des ressources pour que cette intégration soit appuyée par la bande où se trouve le pavillon de ressourcement.
De plus, nous...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie, mesdames, d'être avec nous, aujourd'hui, pour cette rencontre qui tombe justement le jour où on souligne la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
Divers organismes travaillent auprès des personnes victimes. On nous a dit à plusieurs reprises, ce matin, qu'il y avait une perte de confiance à l'égard du système.
Au Québec, on a d'ailleurs publié un rapport qui s'intitule « Rebâtir la confiance ». Nous partons de loin, et il faut vraiment rebâtir la confiance.
Au fil des ans, des femmes ont perdu confiance à l'égard du système. Elles sont incapables de dénoncer la violence dont elles sont victimes. Les témoins l'ont souligné ce matin, et c'est ce que j'entends aussi sur les ondes depuis ce matin. On parle de cette perte de confiance. On parle du fait que beaucoup trop de femmes ne dénoncent pas la violence dont elles sont victimes.
On a aussi souligné le manque de données. D'ailleurs, j'ai écouté les interventions d'un groupe d'experts du Groupe canadien de l'Union interparlementaire. Les questions qui revenaient souvent portaient sur le manque de données. En effet, on ne connaît pas les statistiques, on n'arrive pas à savoir exactement à combien s'élève le nombre de femmes qui ne dénoncent pas la violence dont elles sont victimes.
Nous avons également parlé de cela avec le groupe de témoins précédent. En raison du manque de données, il n'est pas possible de connaître la véritable situation des femmes en situation de handicap, des femmes autochtones qui sont surreprésentées et des aînées. Il faut tenir compte de cette perte de confiance.
Au Québec, des tribunaux spécialisés accompagnent les victimes. On a aussi mis en place le port de bracelets électroniques, ce qui fait partie des recommandations formulées dans le rapport « Rebâtir la confiance ».
Des intervenantes nous ont aussi dit qu'il fallait offrir un filet de sécurité aux victimes.
Madame Jarrette, quel est votre rôle dans toute cette démarche ayant pour but de redonner confiance aux victimes à l'égard du système afin qu'elles puissent dénoncer la violence dont elles sont victimes? On tente de les convaincre que l'on a entendu ce qu'elles avaient à dire.
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On essaie de faire en sorte que les agresseurs ne tentent pas de se venger. Cependant, il y a une période critique.
Vous avez également dit que les personnes qui agressent ont souvent été elles-mêmes agressées dans le passé. Cela a été démontré. La semaine dernière, nous en avons aussi discuté. Par exemple, en France, un grand procès se déroule en ce moment concernant des agressions. On se rend compte que ces traumatismes se perpétuent.
Je comprends qu'il faut travailler sur les traumatismes. La question de la sensibilisation est également primordiale. Actuellement, il y a énormément de crimes haineux, de comportements misogynes, de violence gratuite envers les femmes, simplement parce qu'elles sont des femmes.
Comment voyez-vous votre travail de sensibilisation, qui est effectivement de plus en plus important?
La tendance est-elle de s'engager dans des processus de thérapie, de travailler sur des traumatismes du passé?
J'essaie de mieux comprendre ce que vous faites auprès des criminels.
Je remercie infiniment les témoins d’être avec nous aujourd’hui.
Je sais que ma collègue, Pam Damoff, a fourni certaines données démographiques sur les personnes qui sont souvent incarcérées:
Environ 82 % des femmes en prison sont emprisonnées en raison d'un comportement associé à un problème de pauvreté, à des antécédents de violence et à des problèmes de toxicomanie et de santé mentale qui découlent souvent de ces expériences.
Je vais vous lire un extrait de « Policy4Women-Public space, public engagement ».
On peut y lire:
Les femmes autochtones, plus particulièrement, sont hyper-responsabilisées, et on leur délègue de trop lourdes responsabilités; elles sont responsables de leur propre sécurité face aux agresseurs et de celle des personnes qui leur sont chères.
On ajoute:
Si une femme utilise la force pour se protéger ou pour protéger autrui – surtout si une arme est en cause –, elle se heurte habituellement au poids total, souvent disproportionné, de la loi.
Il est question plus particulièrement des femmes racialisées, et je cite:
La grande majorité des femmes accusées d’avoir eu recours à la force réactive, habituellement défensive, ne présentent pas de défense au tribunal et sont susceptibles de plaider coupable [ou d’accepter la reconnaissance préalable de culpabilité].
C’est pourquoi j’étais heureuse de certains des changements et des amendements concernant les peines obligatoires et la lutte contre le racisme systémique qui persiste dans le système de justice.
J’ai souvent dit, au sujet des prisons, qu’il est difficile de favoriser une conduite prosociale dans des milieux antisociaux. Je veux parler en particulier d’un rapport de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry sur les cas de violence sexuelle dans les prisons.
En octobre 2020, on a pu lire dans le rapport que le Bureau de l’enquêteur correctionnel, le BEC, avait mené une enquête nationale sur la coercition sexuelle et la violence dans les établissements correctionnels fédéraux. Selon le rapport, le Canada accuse un retard dans la lutte contre la violence sexuelle en milieu carcéral.
Le BEC décrit l’indifférence organisationnelle du SCC et son manque de leadership dans la lutte contre le problème de la coercition sexuelle. On peut y lire:
Le BEC formule des recommandations claires pour commencer à s’attaquer au problème omniprésent de la coercition sexuelle et de la violence dans les prisons fédérales, mais ces recommandations n’ont pas été acceptées par le ministre de la Sécurité publique.
Il est précisé dans ce rapport que des détenues ont signalé des cas de violence sexuelle perpétrées par le personnel du SCC, des commentaires déplacés, des regards indécents, des cas de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, notamment un cas dans lequel une survivante n’a pas signalé l’incident pendant huit mois, de crainte d'une incidence négative sur une audience de libération conditionnelle à venir. Dans deux de ces cas, les agents correctionnels ont été accusés d’agression sexuelle.
Dans les cas de signalement de violences sexuelles, on ajoute dans le rapport que les détenues ne sont souvent pas crues ou qu'elles craignent des représailles.
Il y est aussi question de l’utilisation inappropriée des fouilles à nu. On a formulé quatre recommandations.
Qu’a fait le SCC pour lutter contre la violence faite aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre dans les pénitenciers?
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Je vais devoir vous interrompre. Les agents correctionnels sur le terrain aimeraient certainement avoir beaucoup plus de formation. C'est ce que nous entendons sur le terrain de la part de nombreux agents correctionnels qui s'occupent de toxicomanie.
Je vais proposer une motion. J'espère que cela se fera rapidement au cas où il y aurait d'autres questions, mais cela concerne beaucoup nos témoins. Je vais officiellement proposer une motion.
J'ai eu l'occasion de visiter Grand Valley, comme ma collègue l'a mentionné, et j'ai eu l'occasion de visiter le Programme mère-enfant qui, à mon avis, a énormément de mérite.
Il y a eu récemment un documentaire, et l'une des choses qui a été dite et qui est vraiment ressortie, c'est que lorsqu'on condamne ou incarcère une mère, on finit par incarcérer un enfant. Je pense que c'est tout à fait vrai. Il est très, très important de veiller à ce que le lien entre la mère et l'enfant soit solide et prévienne ainsi la récidive, parce que bon nombre des femmes, comme nous l'avons entendu, et de nombreuses personnes en prison sont incarcérées pour des générations. Il y a un recoupement d'enjeux, à 100 %. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que nous voulons que les gens en ressortent mieux que lorsqu'ils y entrent.
J'aimerais proposer la motion suivante, parce que ce que j'ai vu à Grand Valley, dans le cadre du Programme mère-enfant, était très préoccupant, et je pense qu'il appartient au Comité d'au moins l'étudier. J'ai eu l'occasion de rencontrer la responsable du programme. Elle était charmante. Il n'y a pas eu de données longitudinales sur ce programme à ce jour.
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Oui, merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à remercier ma collègue d'avoir présenté cette motion.
J'ai visité le Programme mère-enfant à deux reprises à Grand Valley. À Buffalo Sage, l'ancienne directrice générale a dit que toutes les femmes profitent des enfants qui participent au programme lorsqu'il est offert. Il y a aussi un programme à l'Établissement d'Edmonton pour femmes, que j'appuie énormément.
Je suis troublée par ce que l'usine à clics a diffusé sur les réseaux sociaux pour susciter l'indignation à propos du programme avec des commentaires comme c'était « choquant ». Le SCC offre beaucoup de programmes, et c'est probablement l'un de ses meilleurs. Les programmes mères-enfants sont offerts aux États-Unis, en Inde, au Kenya, en Argentine et en Norvège.
La plupart des femmes incarcérées sont des jeunes mères célibataires. En fait, 70 % des femmes purgeant une peine fédérale sont des mères d'enfants de moins de 18 ans. Les deux tiers de ces mères sont les principales gardiennes ou les seules gardiennes de leurs enfants.
Comme ma collègue l'a mentionné, les femmes autochtones sont nettement surreprésentées dans les pénitenciers fédéraux. Elles ne représentent que 4 % de la population canadienne, mais elles représentent 41 % de toutes les admissions de femmes dans les établissements fédéraux. Cependant, je signale que dans l'Ouest, ce pourcentage s'élève probablement à 85 ou 90 %. À Grand Valley, deux des mères que j'ai rencontrées étaient en fait originaires de l'Ouest, mais nous n'avions plus de place dans les prisons de cette région, alors elles ont été envoyées à Grand Valley. C'est probablement l'un des meilleurs programmes du SCC.
Aux fins du compte rendu, madame la présidente, pour être admissibles au programme, les mères doivent remplir les conditions suivantes: elles doivent être classées en sécurité minimale ou moyenne; elles doivent avoir fait l'objet d'une vérification dans les registres provinciaux de protection de l'enfance pour voir s'il existe des informations à prendre en compte dans le processus décisionnel; l'agence de protection de l'enfance doit soutenir leur participation, et il ne doit pas y avoir d'évaluation actuelle d'un professionnel de la santé mentale indiquant que la mère est incapable de s'occuper...
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Je suis désolée, madame la présidente.
Alors que ma collègue en a fait l'éloge ici, ce qu'elle a publié sur les médias sociaux et ce que sa collègue, une autre députée, a publié n'était pas du tout positif. De plus, les mères ne peuvent pas participer si elles ont été reconnues coupables d'une infraction contre un enfant ou d'une infraction qui pourrait raisonnablement être perçue comme mettant en danger un enfant, et elles ne sont pas assujetties à une ordonnance de tribunal ou à une autre exigence légale interdisant tout contact avec l'enfant.
Je pense qu'il est vraiment important de faire connaître les faits quant au programme et de ne pas faire de la désinformation pour susciter l'indignation. Les mères qui en font partie sont également tenues de participer à la formation sur les compétences parentales. On estime qu'au moins 25 000 enfants au Canada ont une mère en prison, et les données les plus récentes de Statistique Canada, qui datent de 2011, montrent que 48 % des enfants vivant en famille d'accueil sont autochtones et que la majorité de ces enfants ont une mère incarcérée. Dans l'ensemble, les enfants de mères incarcérées semblent être soumis à une plus grande instabilité avant et après l'incarcération.
Quoi qu'il en soit, madame la présidente, nous sommes tout à fait en faveur de cette étude. J'aimerais toutefois proposer un amendement. Mais je vais en garder une copie...
Cela ne me pose aucun problème. Je tiens à préciser, encore une fois, que ceci n'a rien à voir avec cela, et pour revenir au point soulevé par ma collègue, j'ai ici un message de Rodney Stafford.
C'est la question des délinquants sexuels et des tueurs d'enfants qui partagent le même espace que le programme. Cela n'a jamais été étudié. Voilà le problème, et je pense que nous devons faire preuve de diligence raisonnable à cet égard.
Je suis entièrement d'accord avec tout le reste. C'est très important.
J'ai rencontré Terri-Lynne McClintic juste en dehors du Programme mère-enfant. Je l'ai vu, et c'est peut-être une conséquence involontaire du programme, alors je vais vous donner un indice, mais je pense que...
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Madame la présidente, nous sommes toujours en train de débattre. Nous avons une autre étude au calendrier, et nous n'avons même pas terminé l'étude en cours. Nous devons aussi étudier des rapports. Or, il est 13 h 5.
Pour ma part, j'aurais peut-être opté pour la tenue d'une étude, parce qu'il y a une réunion prévue. Une étude est déjà en cours au Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous verrons comment cela se termine.
Notre calendrier est déjà pas mal plein, et nos travaux nous mèneront jusqu'à Noël. Pourrions-nous débattre de cette question à notre retour, en janvier? Cela fera partie des propositions pour une prochaine étude. D'ici janvier, il peut se passer beaucoup de choses. Pour le moment, je propose de terminer les travaux prévus dans notre calendrier parlementaire, qui est déjà bien rempli.
Cette proposition d'étude pourrait être inscrite sur la liste. Nous pourrions de nouveau en débattre en sous-comité. Si nous faisons une étude, je devrai penser à une éventuelle liste de témoins. Il est 13 h 5, et je n'ai pas eu le temps d'étudier convenablement cette proposition d'amendement.
Pour ma part, je propose de poursuivre le débat en sous-comité pour ce qui est des prochaines études. Nous pourrions en reparler à ce moment-là.
Je sais que nous manquons de temps. Je suis d'accord avec Mme Larouche pour dire que nous devons terminer le travail qui a déjà été approuvé, ce qui signifie que nous allons nous occuper de la violence fondée sur le sexe et le féminicide, ainsi que sur l'étude de la communauté LGBTQ2S+. Nous rédigerons ces rapports, puis nous pourrons effectuer cette étude très importante.
Je ne pense pas que cela nous empêche de terminer ce que nous faisons déjà. Il n'y a rien à ce sujet dans la motion. C'est pourquoi j'ai ajouté « après la conclusion de » la prochaine étude. Je vais laisser l'amendement tel quel, mais nous avons certainement l'intention de terminer le travail en cours.
Je suppose que ce sera au début de la nouvelle année, avant que nous puissions entendre des témoins dans le cadre de cette étude.
Tous ceux qui sont en faveur de l'amendement proposé?
(L'amendement est adopté)
La présidente: Tous ceux qui sont en faveur de la motion amendée?
(La motion amendée est adoptée.)
La présidente: Je vais recommencer en remerciant nos fonctionnaires. Je vous remercie de votre témoignage dans le cadre de l'étude d'aujourd'hui.
Je rappelle aux membres qui sont sur le point de partir que le créneau horaire du mercredi sera consacré à une réunion informelle avec une délégation de femmes du Parlement ukrainien, et que la deuxième moitié sera consacrée aux autres témoins sur la violence fondée sur le sexe. L'information sera acheminée à tout le monde aujourd'hui ou demain. Y a‑t‑il des questions?
Allez‑y, madame Damoff.