Bienvenue à la neuvième réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Je sais que certaines personnes en sont encore à s'installer, mais elles devraient avoir le temps de le faire pendant que je vous livre mes remarques préliminaires.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février 2022, le Comité reprend son étude sur la violence entre partenaires intimes et la violence familiale au Canada.
[Français]
Compte tenu de la situation actuelle de pandémie et à la lumière des recommandations des autorités sanitaires ainsi qu'à la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021, pour rester en bonne santé et en sécurité, tous ceux qui participent à la réunion en personne ne doivent pas avoir de symptômes, ils doivent maintenir une distanciation physique de deux mètres et ils doivent porter un masque non médical lorsqu'ils circulent dans la salle. Il leur est fortement recommandé de porter le masque en tout temps, y compris lorsqu'ils sont assis à leur place. Ils doivent maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant pour les mains qui est fourni à l'entrée de la salle.
[Traduction]
Voici maintenant quelques consignes destinées aux personnes qui participent en mode virtuel. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont à votre disposition. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. En cas d'interruption de l'interprétation, veuillez m'aviser immédiatement et nous verrons à rétablir le service avant de reprendre nos travaux.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour désactiver la sourdine. Si vous êtes dans la salle, votre micro sera contrôlé comme à l'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être transmis par l'entremise de la présidence. Veuillez vous exprimer lentement et clairement. Lorsque vous n'intervenez pas, votre micro doit être désactivé.
Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais vous faire cette mise en garde. Nous allons discuter d'expériences liées à la violence et à des agressions. Cela peut constituer un élément déclencheur pour des personnes ayant vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversé ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer notre greffière. Merci beaucoup.
Comme nous débutons avec quelques minutes de retard, nous allons terminer plus tard que prévu afin de consacrer le plus de temps possible à nos témoins. Je verrai à faire le nécessaire pour que les choses se déroulent rondement.
J'aimerais maintenant vous présenter notre premier groupe de témoins pour aujourd'hui. Nous accueillons Mme Angela Marie MacDougall, directrice générale de l'organisme Battered Women’s Support Services; Mme Farrah Khan, directrice générale de Possibility Seeds; et Mme Kripa Sekhar, directrice générale du South Asian Women's Centre.
Vous avez droit à cinq minutes chacune pour nous présenter vos observations préliminaires. Je vous ferai signe lorsqu'il ne vous restera qu'une minute.
Je vais maintenant céder la parole à Mme MacDougall pour la première période de cinq minutes.
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Merci beaucoup et merci au Comité de nous permettre de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Angela Marie MacDougall et je suis directrice générale de l'organisme Battered Women's Support Services (BWSS). Je suis honorée de me présenter devant vous au nom de notre merveilleuse équipe de bénévoles, d'employés, de dirigeants et d'administrateurs, et, d'abord et avant tout, au nom des 18 000 victimes et survivants et survivantes qui se prévalent de nos services chaque année.
Notre organisation s'efforce de mettre un terme à la violence en agissant à l'échelle communautaire. Nous offrons notamment des services directement aux personnes survivantes et victimes de différentes formes de violence sexiste et conjugale, y compris la violence entre partenaires intimes et la violence à caractère sexuel. Nous accomplissons un travail d'éducation et de formation en misant sur une gamme d'activités qui visent la sensibilisation et la prévention. Nous fournissons aussi des services de défense des droits et d'éducation juridique communautaire en plus de travailler à la réforme des lois qui ont une incidence sur la violence sexiste. Nos efforts de recherche et d'analyse des politiques nous permettent de mieux comprendre les causes profondes de ce phénomène dans notre quête incessante de solutions pour mettre fin à la violence sexiste et à la violence entre partenaires intimes.
Nous sommes une organisation régionale active dans le Grand Vancouver, qui est aussi le territoire ancestral des Premières Nations des Squamish, de Musqueam et des Tsleil-Waututh, et nous avons pu nous faire une bonne idée des similitudes des disparités dans l'offre de services et de mesures de soutien entre les différentes régions de la Colombie-Britannique et du Canada dans son ensemble.
Mes observations d'aujourd'hui visent à permettre à tous d'examiner de plus près les répercussions de la violence entre partenaires intimes et de la violence sexiste. Comme les femmes qui ont fondé notre organisation ont su le reconnaître, la violence entre partenaires intimes est un phénomène qui ne touche pas seulement deux individus de façon isolée, mais qui s'inscrit plutôt dans un contexte social et une vision du monde qui renforce systématiquement le pouvoir de certains d'en opprimer d'autres.
Nous joignons notre voix à celles des témoins qui ont adressé d'excellentes recommandations au Comité lors de séances précédentes. Nous tenons à insister sur le fait que ces témoins ont convenu de la nécessité d'une approche pangouvernementale, intersectorielle et pancanadienne pour lutter contre la violence sexiste. Une telle approche pourrait être mise en œuvre au moyen d'un plan d'action national sur la violence à l'encontre des femmes et la violence fondée sur le genre.
Nous faisons partie de la quarantaine d'organisations qui ont contribué à l'élaboration de la feuille de route pour le plan d'action national, et c'est à titre de coresponsables du pilier « Soutien aux personnes survivantes et à leur famille » que nous tenons vraiment à souligner l'importance de ce travail dont la représentante d'Hébergement femmes Canada a déjà traité devant votre comité. Nous vous exhortons donc à faire valoir l'importance d'agir rapidement pour déployer les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ce plan d'action national et des quelque 100 recommandations déjà formulées dans le rapport.
Ce cadre d'action important nous offre la possibilité de nous attaquer véritablement aux causes profondes de la violence sexiste et d'aplanir les iniquités systémiques qui permettent à cette violence de se perpétuer sans relâche. J'aimerais toutefois mettre l'accent aujourd'hui sur quelques recommandations de portée générale en faisant ressortir les aspects sur lesquels nous devrions concentrer notre attention.
Comme vous le savez sans doute, nous célébrions hier, le 21 mars, la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Notre organisation offre ses services à toutes les personnes survivantes, y compris les personnes trans et cis. J'aimerais cependant mettre en lumière aujourd'hui les expériences vécues par les survivantes autochtones, noires, nouvellement au pays, immigrantes ou réfugiées, et racisées de telle sorte que nous soyons mieux à même de comprendre leur réalité très particulière et de réfléchir aux moyens d'adapter en conséquence nos services, nos efforts de défense des droits et nos politiques gouvernementales visant à contrer la violence.
Depuis le début de la pandémie, nous pouvons observer une montée en flèche du racisme à l'endroit des communautés autochtones, noires et asiatiques et des autres groupes racisés, et plus particulièrement des femmes racialisées et des personnes de diverses identités de genre. Nous demandons au Comité de prendre les moyens pour mieux comprendre la situation et sensibiliser les gens aux expériences vécues par les survivantes autochtones, noires, nouvellement au pays, immigrantes ou réfugiées, et racisées afin qu'elles aient accès à des mécanismes formels et institutionnels pour s'affranchir de la violence sexiste.
Il y a une chose qu'il faut que vous sachiez au sujet de notre organisation qui offre ses services depuis maintenant 40 ans. Nous avons toujours pris bien soin d'offrir des mesures de soutien adaptées aux différents besoins. C'est dans ce contexte que les personnes survivantes que nous aidons ont pu constater à quel point il est important pour nous de reconnaître que le racisme existe et qu’elles en sont les victimes.
J'aimerais demander au Comité de reconnaître, dans le cadre de son étude, des recommandations qu'il va formuler et des mesures qui en découleront, que la solution à la violence sexiste doit notamment passer par l'élimination du racisme. Nous sommes conscients que ce n'est pas chose facile, mais cela n'en demeure pas moins absolument nécessaire.
Merci.
Permettez-moi d'abord de souligner que nos échanges ont lieu entre les territoires ancestraux de nombreuses nations autochtones. Je vous parle ainsi depuis le territoire traditionnel des Mississaugas of the New Credit, des Anishinaabes, des Ojibways, des Haudenosaunees et des Wendat, où résident aujourd'hui différents membres des Premières Nations, Inuits et Métis.
Je m'appelle Farrah Khan. Au fil des 25 dernières années, j'ai multiplié les efforts d'éducation, d'intervention stratégique, de création artistique et de défense des droits afin de mieux faire comprendre les liens qui existent entre iniquité et violence sexiste.
J'assume actuellement la direction générale de Courage to Act, une initiative nationale visant à prévenir et à contrer la violence sexiste dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Ce projet est réalisé sous l'égide de mon entreprise, Possibility Seeds. Je dirige également un centre pour les victimes d'agression sexuelle et de violence sexiste à l'Université Ryerson.
Je suis vraiment reconnaissante de pouvoir prendre la parole devant votre comité, car la violence sexiste, et notamment la violence entre partenaires intimes, est tout particulièrement au cœur de mes préoccupations depuis le début de la pandémie avec toutes ces survivantes dont la situation ne fait que s'aggraver au fil des jours. C'est vraiment une pandémie qui en cache une autre.
Nous savons que la violence familiale et la violence entre partenaires intimes tirent leur origine de l'inégalité entre les sexes pour ce qui est des pouvoirs et des privilèges. Cette manifestation moderne de la violence patriarcale a des répercussions considérables dans nos collectivités.
On ne souligne pas assez souvent le fait que les jeunes sont affectés de façon disproportionnée par cette problématique. C'est le groupe d'âge le plus touché. Nous savons ainsi que 29 % des femmes de 15 à 24 ans, soit 3 sur 10, ont indiqué avoir été victimes de violence aux mains d'un partenaire intime au cours des 12 derniers mois. Les taux sont encore plus élevés pour les personnes de ce groupe d'âge qui sont des femmes handicapées ou des membres des communautés noire, autochtone, racisées ou 2SLGBTQ.
Lorsque nous pensons aux personnes qui survivent à la violence familiale et à la violence entre partenaires intimes, il arrive souvent que nous ne songions pas au groupe des 15 à 24 ans, une erreur qu'il faut absolument éviter.
Il y a un autre élément qu'il est très important de souligner. On examine la situation dans une perspective binaire alors même que la violence entre partenaires intimes et les préjudices physiques, sexuels ou psychologiques sont 1,7 fois plus fréquents pour les personnes transgenres et non binaires que pour les personnes cisgenres.
Je conviens avec ma collègue, Mme MacDougall, de la nécessité de mettre en œuvre le plan d'action national. Nous devons agir rapidement en y octroyant des ressources suffisantes parce que nous avons affaire à une véritable pandémie à l'intérieur de la pandémie. Nous devons donner suite aux recommandations de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
Nous devons canaliser les voix des personnes survivantes et le travail des mouvements communautaires en nous assurant de ne jamais abandonner quiconque à son propre sort. En effet, il arrive souvent que nous nous intéressions aux personnes survivantes en pensant uniquement aux femmes cis de race blanche alors qu'il y a en fait au pays de nombreuses autres femmes, des filles, des hommes et des garçons qui subissent le même type de violence. Nous ne pouvons pas laisser pour compte les personnes trans, non binaires et bispirituelles, car aucun de nos concitoyens ne mérite un sort semblable.
Nous devons remettre en question nos définitions trop restrictives de la violence familiale pour nous assurer que toutes les victimes d'agissements comme le mariage forcé, le harcèlement avec menaces, le harcèlement en ligne ou la diffusion d'images intimes puissent avoir accès aux services dont elles ont besoin et n'aient pas l'impression que cette aide ne leur est pas accessible.
Nous avons besoin de données désagrégées fournissant des indications sur la race, le genre et la sexualité pour nous permettre de mieux saisir l'étendue du problème et de ses impacts sur les diverses communautés.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je souhaiterais aussi que l'on intervienne au chapitre du logement. Il y a en effet au Canada un manque criant de logements abordables. Je suis vraiment dévastée lorsque j'entends des personnes survivantes nous dire qu'elles ne peuvent pas quitter une situation de violence parce qu'elles n'ont nulle part d'autre où aller.
Nous devons aussi régler la question de l'insécurité alimentaire, car la crise qui sévit actuellement touche les femmes de façon disproportionnée. C'est un autre exemple de circonstances où une personne va demeurer avec son agresseur parce qu'elle n'a pas les moyens de s'en aller.
Il faut également revoir nos mesures de sécurité du revenu et de protection sociale de telle sorte qu'aucune victime n'ait à se dire qu'il lui est impossible de s'affranchir d'une situation de violence parce qu'elle ne sera pas capable de payer son loyer et ses comptes. En ne réglant pas la question de la sécurité du revenu, on maintient des femmes, des filles et d'autres personnes dans des relations les exposant à de mauvais traitements.
Nous devons par ailleurs continuer à offrir des services de garde d'enfants à un coût abordable, car ils permettent à des victimes de quitter une relation abusive, et ce, pour de bon.
Pour ce qui concerne les besoins en matière d'éducation, il faut offrir des bourses, plutôt que des prêts, afin qu'il soit possible de faire des études postsecondaires sans avoir à compter sur un proche, un membre de la communauté ou un partenaire violent.
J'ajouterais qu'il est nécessaire d'adopter la loi de Keira. Cette fillette n'aurait jamais dû mourir, et il est essentiel d'aller de l'avant avec ce projet de loi d'initiative parlementaire visant à sensibiliser les juges aux dangers de la violence conjugale et du contrôle coercitif.
Le dernier problème que je souhaite porter à votre attention est celui de la criminalisation des personnes survivant à la violence entre partenaires intimes. Pas plus tard que le mois dernier, Tanner Brass a été retrouvé sans vie quelques heures à peine après que des policiers eurent procédé à l'arrestation de sa mère, Kyla Frenchman, à la suite d'une altercation avec eux concernant la sécurité de son fils. Le père du gamin, Kaij Brass, a été accusé de meurtre au deuxième degré.
La police aurait pu empêcher cela, mais en lieu et place, elle a criminalisé une mère autochtone, et son fils a été tué à cause de cela. Nous devons faire mieux. Nous devons cesser de criminaliser les survivantes, en particulier les survivantes noires et autochtones.
Il faut également que le gouvernement investisse dans des procédés non punitifs et qu'il renonce aux approches carcérales pour lutter contre la violence familiale. Nous ne pouvons plus nous contenter des approches que nous avons adoptées, car elles ne fonctionnent pas. Nous devons changer cela.
Enfin, nous devons investir dans les jeunes, car les taux de violence sont élevés chez ces derniers et il n'y a rien pour les protéger à l'heure actuelle.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup de me donner cette occasion de m'exprimer. J'apprécie le temps que vous m'accordez. Merci beaucoup à chacun d'entre vous, membres du Comité permanent, d'écouter et d'entendre la voix des femmes sud-asiatiques que j'essaye de représenter depuis des années. Cela fait 40 ans que j'œuvre pour la communauté sud-asiatique.
Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit, car beaucoup de choses ont été rapportées par l'intermédiaire des statistiques et je ne souhaite pas perdre davantage de temps avec ces considérations. Je vais plutôt me focaliser sur ce que le South Asian Women's Centre a pu constater.
Notre organisme a été fondé en 1982. Au cours des trois dernières années, nous sommes venus en aide à plus de 900 femmes en situation de violence. Quand je parle de cas de maltraitance, je parle de situations où les femmes sont venues nous voir et nous ont rapporté ce qu'elles avaient vécu. Or, beaucoup d'entre elles ne se sortent même pas de ces situations.
Lorsque nous parlons de violence familiale ou de violence entre partenaires intimes, nous comprenons qu'au sein de la communauté sud-asiatique, cela signifie qu'il y a un problème entre deux conjoints. Très souvent, les femmes issues de cette communauté disent que c'est ce à quoi elles étaient destinées. Il y a presque un refus fataliste d'accepter ce problème ou même d'essayer de s'en plaindre.
J'ai soumis mon exposé au Comité, alors je vais me focaliser sur l'effet qu'a eu la pandémie et sur ce que nous avons vu sortir de cette dernière.
Le South Asian Women's Centre aimerait mettre l'accent sur ce que les femmes d'Asie du Sud ont vécu durant la COVID‑19. Nous pensons que la question du rétablissement ne peut être banalisée, car il faudra des années aux femmes pour se remettre des conséquences tragiques de l'augmentation des violences qu'ont provoquées l'isolement et tant d'autres facteurs. Cela concerne tous les âges. Les problèmes auxquels sont confrontées les femmes sud-asiatiques de tous âges et de tous sexes sont le racisme, la barrière linguistique, la mort, le deuil, l'accès au logement, la santé, le transport, la sécurité du revenu, la garde des enfants, le statut d'immigré, etc.
Nous en parlons toujours, mais il convient de souligner que la COVID‑19 a magnifié ces problèmes, comme en témoigne le nombre de femmes qui ont demandé de l'aide pendant cette période. Nos bureaux sont restés ouverts pendant toute la pandémie, car les femmes de la communauté sud-asiatique ont des besoins très particuliers. Beaucoup d'entre elles n'ont pas accès à un ordinateur et ne savent ni lire ni écrire l'anglais. Nous devions donc nous assurer qu'il était possible de communiquer avec elles, alors nous sommes restés ouverts. Nous avons également pris en charge tous les besoins en matière de santé publique, notamment en organisant des cliniques de vaccination.
Entre avril 2020 et décembre 2021, les sept conseillères du South Asian Women's Centre ont reçu plus de 4 000 appels, et environ 900 d'entre eux étaient liés à de la maltraitance.
Le présent mémoire vise à examiner les liens qui existent entre le genre, la pauvreté, la santé mentale, les traumatismes et le statut d'immigration. Le South Asian Women's Centre a été confronté à des questions liées à ces enjeux dans le contexte de la COVID.
Nous connaissons au moins 10 à 15 cas de femmes dont les conjoints ont perdu leur emploi et sont retournés dans leur pays d'origine parce qu'ils ne savaient pas quoi faire d'autre. Beaucoup d'entre eux travaillaient comme chauffeurs de taxi ou dans le milieu de la restauration. Certains étaient même propriétaires de petites entreprises. La plupart d'entre eux ont tout perdu pendant la COVID. À cause de cela, ils ont décidé de rentrer dans leur pays, laissant femmes et enfants derrière eux.
De nombreuses femmes ne parlent pas couramment l'anglais et n'ont jamais eu d'emploi. Le South Asian Women's Centre a passé des heures à remplir des formulaires de demande pour obtenir une aide financière pour ces femmes. La banque alimentaire du centre a vu le nombre de ses clients augmenter, mais la communauté sud-asiatique et la Daily Bread Food Bank nous ont aidés à répondre à de nombreux besoins. Certains des hommes qui sont retournés chez eux se sont même remariés, abandonnant complètement les femmes et les enfants à leur sort.
Cette situation a des répercussions intergénérationnelles. La plupart des femmes ne savent pas se servir d'un ordinateur et n'y ont pas accès, de sorte que l'enseignement en ligne a été très difficile pour elles.
L'isolement ne permettait aucune forme de système de soutien personnel. Les mêmes femmes appelaient au centre quatre à cinq fois par jour tellement elles étaient désespérées.
Le centre a également constaté des difficultés chez les étudiantes étrangères.
Nous avons trois grandes recommandations à l'intention du Comité. La première serait de faire en sorte d'accorder un financement de base adéquat et permanent aux organismes comme le nôtre — pas comme un contrat —, un financement qui serait plus fondamental pendant plusieurs années afin que nous puissions réellement voir aux besoins des femmes autochtones, noires et de couleur et leur permettre de vivre sans maltraitance, d'avoir une sécurité financière stable, d'avoir un logement et un emploi adéquats, et de trouver de l'aide pour prendre soin des enfants.
La deuxième recommandation serait de permettre aux femmes âgées de bénéficier de soins de longue durée, d'une aide au revenu et d'une aide au logement adéquats.
La troisième recommandation serait de faire en sorte que les femmes qui ont été abandonnées par des hommes canadiens dans leur pays d'origine se voient accorder un certain statut de résidence permanente temporaire pour leur permettre de demander justice.
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J'aime beaucoup cette question.
Nous savons que 71 % des étudiants des universités et des collèges ont déclaré avoir été victimes ou témoins de violence sexiste, et plus particulièrement de violence sexuelle et de violence entre partenaires intimes, ce qui est atterrant.
Cela veut dire que nous faisons les choses tout de travers lorsqu'ils sont au primaire et au secondaire. Nous savons qu'il n'y a pas d'éducation sexuelle complète, ce qui inclut l'éducation sur le plan relationnel. Les gens se focalisent sur la partie sexuelle et oublient qu'il s'agit surtout de relations, de consentement, d'autonomie corporelle, du fait de respecter l'autre et d'avoir de l'attention à son égard.
La semaine dernière, des adolescents ont lancé une tendance sur TikTok: de jeunes hommes racontaient comment ils tueraient leur partenaire lors d'un rendez-vous. Cette tendance est devenue virale. C'était à la fois déprimant et déchirant de voir cela.
En n'assurant pas laprestation d'une éducation sexuelle complète incluant des relations saines — et c'est effectivement la situation actuelle; ces cours cessent après la 9e année et de façon générale, il faut choisir d'y participer —, nous créons nous-mêmes ce problème. En l'absence d'un véritable enseignement pour les enfants et les jeunes, nous créons cette violence qui se perpétue.
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Pendant la COVID‑19, nous avons constaté une érosion du statut des femmes d'un point de vue intersectionnel. Nous avons constaté une escalade de la violence à plusieurs égards. Cela est confirmé par le nombre constant et persistant de femmes et de filles autochtones qui ont été portées disparues, et aussi par le nombre de femmes et de filles qui ont été tuées au cours des deux dernières années.
Comme vous l'avez dit, ce n'est pas un problème nouveau. Ce n'est pas quelque chose qui n'a pas déjà été documenté de façon assez complète par le biais du plan d'action national sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. En tant qu'organisme, nous étions partie prenante au processus d'enquête, et ce qui est merveilleux à propos de ce plan, c'est qu'il s'agit de l'un des documents les plus complets que nous ayons, si j'ose dire, qui examine les causes profondes de la violence sous un certain nombre d'angles, ainsi que les solutions à ce problème.
Nous avons devant nous une plateforme, un remède, un moyen d'agir. Je pense toutefois qu'il y a quelques ajustements importants qui pourraient être faits. Une chose qui est d'une importance cruciale en ce moment, et c'est une chose sur laquelle nous travaillons ici dans l'Ouest, en Colombie-Britannique, c'est l'approche « par et pour » de la prestation de services. Nous nous assurons que les organismes dirigés par des Autochtones, des femmes autochtones, disposent des capacités et des ressources nécessaires pour concevoir, élaborer et fournir des services qui ont un sens pour les communautés dans toute leur complexité — parce que c'est le cœur du problème.
Si nous comprenons vraiment que la création du Canada en tant que nation a baigné dans un type très particulier d'assujettissement qui est unique et horrible en ceci qu'il a été dirigé contre les femmes et les filles autochtones et que nous souhaitons remédier à cela, nous devons donner la priorité aux solutions pilotées par les femmes autochtones de ces terres. Cela inclut bien sûr les Inuits, les Métis et les Premières Nations dans les réserves, certes, mais aussi en milieu urbain, car comme nous le savons, le contexte dans lequel la violence se produit est très complexe.
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Les enfants sont protégés de multiples façons. Lorsque nous ne leur fournissons pas d'éducation sur la violence familiale et la violence entre partenaires intimes dès le plus jeune âge, les enfants qui sont témoins de ce mal ne savent pas qu'ils ne sont pas seuls. Ils peuvent intérioriser le problème et penser que c'est de leur faute, que c'est quelque chose qui n'arrive qu'à leur famille.
Au lieu de cela, nous devons ouvrir cette porte, ouvrir cette fenêtre, et nous assurer qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas seuls. Au nombre des pratiques exemplaires, il y a le fait d'avoir des conversations approfondies sur le sujet, des conversations qui n'ont pas peur de parler des parties du corps, afin que les enfants victimes d'abus sexuels ou de violence familiale puissent décrire ce qu'ils subissent et en parler à quelqu'un. J'étais l'une de ces enfants, et j'aurais aimé que quelqu'un me donne un véritable enseignement en la matière.
Toujours sur la question des pratiques exemplaires, une autre chose que nous devons savoir, c'est que les enseignants doivent aussi être éduqués à cet égard. Les enseignants doivent savoir ce qu'il faut faire en cas de divulgation, et pas seulement renvoyer les enfants chez eux, car ce n'est pas ce dont ils ont besoin; ils ont besoin d'aide à l'école. Ils doivent savoir à quoi cela ressemble. Au cours des six derniers mois, nous avons assisté dans tout le pays à des manifestations d'étudiants qui disaient: « Nous ne recevons pas l'éducation dont nous avons besoin au sujet des relations saines. Corrigez la situation. » Nous avons vu cela de la Colombie-Britannique à l'Île‑du‑Prince-Édouard. Nous devons écouter ces enfants et ces jeunes, et reconnaître qu'ils ont besoin d'être protégés et pris en charge. Il faut leur donner un enseignement complet à ce sujet, un enseignement qui n'est pas axé sur l'abstinence.
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J'aime toutes ces questions.
En ce qui concerne le premier point, nous devons nous assurer que les jeunes apprennent à reconnaître ces relations dès la naissance. J'ai un enfant âgé de deux ans, et il a très vite compris ce qu'était l'autonomie corporelle. Je dois affirmer son droit de décider que son corps lui appartient, et que personne ne peut y toucher sans son consentement. Cette éducation commence dès le plus jeune âge et ne s'arrête pas. Nous ne pouvons pas empêcher les enfants d'apprendre, car ils apprendront par d'autres moyens. Nous devons leur donner une éducation complète et de bonne qualité à ce sujet.
En ce qui concerne la violence entre partenaires intimes, il faut aussi veiller à ce que les jeunes apprennent à quoi peuvent ressembler les relations en général, et pas seulement celles qu'ils ont observées à la maison, lesquelles peuvent parfois être abusives et préjudiciables. Comme l'a dit Mme Sekhar, nous parlons de la violence entre partenaires intimes, mais aussi des membres de la famille, des frères et sœurs, et de la façon dont nous nous traitons mutuellement avec respect et attention. Je pense que cette éducation peut commencer dès le plus jeune âge, car la violence commence dès le plus jeune âge. Si nous négligeons de leur présenter d'autres modèles, nous ne ferons que leur dire: « Tu sais quoi? Débrouille-toi tout seul ». Je ne veux jamais dire cela à un enfant, parce que les enfants doivent être vus, entendus et crus. S'ils ne reçoivent pas les bonnes informations, personne ne pourra les entendre.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je remercie nos trois intervenantes, Mmes MacDougall, Khan et Sekhar, pour leurs interventions aujourd'hui. Elles nous éclairent sur la question de la violence conjugale, tant la violence faite aux femmes que celle faite aux personnes de diverses identités de genre.
Ma première question s'adresse à Mme Khan, mais, si les deux autres témoins veulent ajouter des commentaires, ce sera possible.
Madame Khan, en 2017, le gouvernement fédéral a mis en place la Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe. L'un des objectifs de la Stratégie était de combler « d'importantes lacunes dans le soutien offert à un éventail de groupes tels que les femmes et les filles; les femmes et les filles autochtones; les personnes LGBTQ2 [...] et les personnes de diverses identités de genre [...] »
Les lacunes liées au soutien apporté aux organismes qui viennent en aide à ces femmes ont-elles été corrigées ou atténuées? La situation s'est-elle améliorée depuis? Les mesures prises par le gouvernement ont-elles concordé avec les objectifs fixés dans cette stratégie en 2017?
Pouvez-vous nous dire où en sont les choses? On vient d'annoncer la tenue d'autres études qui dureront encore plusieurs années.
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Je m'appelle Farrah, comme dans « faraday » ou « faramineux ».
La question portait sur la façon dont, en 2017, le gouvernement fédéral a mis de l'avant un plan d'action contre la violence fondée sur le sexe, et sur la question de savoir si les choses s'améliorent pour la communauté en général. Je pense que c'est la version abrégée de la question.
En tant que membre d'un comité consultatif établi par le gouvernement fédéral et responsable de la lutte contre la violence fondée sur le sexe, je peux dire qu'il y a des choses qui vont beaucoup mieux sous ce gouvernement, en raison du fait que nous parlons du problème et que le gouvernement est attentif à la communauté. Tout d'un coup, les organisations de lutte contre la violence envers les femmes ont été accueillies au Parlement pour participer à des conversations approfondies sur les mesures que nous devions prendre. Tout à coup, les organisations ont reçu des fonds pour pouvoir parler de ce problème comme d'un problème systémique et non comme d'un problème qui éclate entre deux personnes, comme l'a indiqué Mme MacDougall.
Nous remarquons également que des conversations intersectionnelles ont lieu et qu'un financement a été proposé à la communauté pour qu'elle mette en place le plan d'action national, pour qu'elle décrive ce dont elle a besoin et pour qu'elle indique ce qui doit se passer.
Rien que dans le cadre de mon programme, le gouvernement fédéral s'est engagé en 2018 à examiner la violence fondée sur le sexe qui existe dans les établissements postsecondaires. Nous avons participé à ce travail qui était en cours.
Le fait de pouvoir parler de ce problème à l'échelle nationale, le fait de pouvoir se réunir avec des organisations de lutte contre la violence envers les femmes, avec des survivantes et avec des leaders étudiants, et le fait de pouvoir se demander ce que nous allons faire pour régler ce problème ont changé la donne.
La situation s'est-elle améliorée? Non, parce que le nombre d'actes de violence dont nous avons tous été témoins a été atroce. Rien qu'en Ontario, il y a eu une augmentation de 84 % des féminicides. Non, la situation ne s'améliore pas. Ce qui se passe en ce moment est en fait catastrophique.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Je vais commencer par interroger Mme MacDougall.
Vous avez parlé de la nécessité d'adopter une approche pangouvernementale et de l'importance d'adopter une approche intersectionnelle. C'est certainement un sujet sur lequel je me suis longuement exprimée. Nous ne disposons pas de solutions universelles à cet égard, et nous devons également tenir compte de l'historique de ces situations.
Dans l'introduction du rapport intitulé « Colour of Violence » que vous publierez bientôt, il a été mentionné que le manque d'accès à des espaces culturellement sûrs crée des obstacles à l'accès aux services de soutien, en particulier pour les survivantes noires, autochtones, nouvellement arrivées, immigrées, réfugiées et racialisées.
Je partage cet avis, même en ce qui concerne les survivantes de la ville de Winnipeg. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire davantage à ce sujet?
Je suis très reconnaissante, bien sûr, d'avoir le privilège de me trouver sur le territoire visé par le Traité no 1 et au coeur de la patrie du peuple métis pour procéder à ce genre d'organisation.
Ce que nous n'avons pas observé, et ce que vous avez mentionné, je crois, c'est que, d'un point de vue historique, les services ont été fondés sur l'idée de la femme universelle, ce qui a accordé la priorité aux femmes privilégiées et, en particulier, aux femmes européennes. Nous comprenons que le Canada est un État colonial et colonisateur et que la colonisation européenne a entraîné une stratification de la société qui a placé les femmes européennes au sommet de la hiérarchie et les femmes autochtones au bas de la hiérarchie, puis d'autres femmes, entre ces deux couches de la société. Il est vraiment important que nous gardions cela à l'esprit lorsque nous réfléchissons à la façon dont nous luttons contre la violence en général et la violence fondée sur le sexe dans des communautés qui ont été dominées dans ce cadre colonial historique et contemporain, un cadre qui est toujours vivant. Il s'agit d'une histoire vivante.
L'adhésion aux options, qui consiste à faire appel aux communautés de couleur, aux communautés autochtones et aux communautés noires pour qu'elles passent à l'action, est une approche vraiment utile. Nous savons que les peuples autochtones savent comment répondre à la violence...
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De manière générale, c'est le résultat d'un racisme endémique et systémique, attitudinal et comportemental, qui se traduit ensuite par ce que vit un survivant lorsqu'il tente d'accéder aux services. C'est aussi la façon dont les services sont créés et dispensés.
Il ne s'agit pas de dénigrer nos incroyables travailleurs partout au pays, qui manquent de ressources et de soutien. Il s'agit de reconnaître que nous parlons d'inégalités historiques qui existent.
Nous voulons remédier à cette situation. Nous voulons changer cette situation et la faire évoluer en adoptant une approche antiraciste, qui consiste à comprendre réellement ces défis liés aux comportements et aux attitudes.
Il s'agit également de la manière dont nous envisageons la violence en général. Nous devons donc réfléchir au maintien de l'ordre, à la protection de l'enfance, au bien-être des enfants et au système de santé, qui sont tous, bien sûr, imprégnés des mêmes inégalités et des mêmes attitudes et pratiques racistes.
Il s'agit d'un travail continu, qui, je pense, est décrit d'une certaine manière dans le plan d'action national sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Il est également très bien décrit et exposé dans la feuille de route pour un plan d'action national, dont le Comité dispose, je crois.
Je remercie les membres du Comité permanent de la condition féminine de cette occasion qui nous est donnée de vous présenter des éléments de réflexion sur la violence entre partenaires intimes et la violence conjugale.
L'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale est un regroupement provincial de 34 maisons membres.
Aujourd'hui, nous allons vous présenter des pistes de solutions articulées autour de la protection et des mécanismes d'accompagnement des victimes de violence entre partenaires intimes à la lumière de la violence conjugale post-séparation, du contrôle coercitif et d'une nécessaire cohérence gouvernementale.
Cependant, avant d'aborder les aspects techniques de nos recommandations, nous aimerions prendre quelques minutes pour mettre en lumière un cas concret, car, en tout questionnement législatif, nous devons nous rappeler que lorsque nous parlons de violence conjugale, nous parlons de vies humaines affectées d'une manière très réelle.
Il y a exactement cinq ans, le 22 mars 2017, une jeune femme du nom de Daphné Huard‑Boudreault perdait la vie aux mains de son ex-partenaire. Après avoir mis fin à une relation toxique avec son partenaire, Daphné a subi plusieurs actes de harcèlement de la part de ce dernier. Elle se rendra au poste de police, où elle sera malheureusement mal accueillie, mal accompagnée et mal conseillée. Elle ira seule récupérer ses effets personnels chez son ex-partenaire, les policiers devant la rejoindre sur les lieux. Entretemps, Daphné sera violemment assassinée par son ex-conjoint.
Ce triste exemple met en lumière ce qui peut résulter d'un mauvais accompagnement des victimes. Il y avait un protocole, mais, faute de formation, le protocole n'a pas été mis en place. Une vie a été perdue et de nombreuses autres seront à tout jamais anéanties.
Aujourd'hui, M. Éric Boudreault, le papa de Daphné, en plus de devoir vivre un deuil et de panser une blessure qui ne se refermera jamais, se bat pour la justice et un meilleur accompagnement des victimes. C'est avec une très grande générosité qu'il nous a permis de vous citer un extrait des mots qu'il a adressés à sa fille Daphné.
Aujourd'hui, ma tristesse se bat pour garder sa place face à la frustration et à la colère. Depuis cinq ans, je suis plus que convaincu que tu as été laissée à toi-même, et, malheureusement, je ne peux abandonner ce combat. Je me reposerai plus tard, car la banalisation systémique de la violence conjugale est plus que réelle et doit cesser. Le combat ne fait que commencer et je compte sur toi pour me soutenir comme tu le fais toujours.
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Je remercie la présidente et le Comité permanent de la condition féminine d'avoir invité Jamie Taras, du club de football des Lions de la Colombie-Britannique, et moi-même à parler de l'importance de faire participer les garçons et les hommes à notre stratégie nationale contre la violence fondée sur le sexe.
Je m'appelle Ninu Kang et je suis directrice exécutive de la Ending Violence Association of British Columbia. Je vous appelle depuis le territoire non cédé, ancestral et traditionnel des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
La Ending Violence Association of British Columbia est une association provinciale qui collabore avec près de 300 programmes membres pour fournir des services de soutien de première ligne dans toute la Colombie-Britannique, afin de mettre fin à la violence, au harcèlement et à la haine sexistes. Elle fournit également un soutien intersectoriel en rassemblant la communauté, et offre des programmes de prévention en mobilisant les garçons et les hommes dans le cadre de son programme primé de renom international, Be More Than a Bystander, afin de briser le silence sur la violence sexiste. Il s'agit d'un partenariat avec le club de football des Lions de la Colombie-Britannique, dont M. Taras parlera également dans un instant.
Pourquoi est‑il si important de mobiliser les garçons et les hommes par l'entremise du programme Be More Than a Bystander? Les intervenants précédents nous ont appris que la violence entre partenaires intimes représente 26 % de tous les crimes violents signalés aux forces de l'ordre. Nous savons également que les agressions sexuelles sont les crimes les moins signalés — moins de 5 %. Une femme sur trois est victime d'une agression sexuelle au cours de sa vie, et 66 % des femmes victimes ou survivantes d'une agression sexuelle ont moins de 24 ans.
Vous comprendrez alors qu'il est essentiel d'accroître la sensibilisation à la violence sexiste et de fournir des outils simples aux garçons et aux hommes pour qu'ils puissent intervenir et répondre aux diverses formes de violence sexiste. Il s'agit de donner aux garçons et aux hommes les moyens de faire partie de la solution au lieu de faire partie du problème.
La violence sexiste est perçue comme étant un problème de femmes, et nous saluons toutes les femmes qui nous ont précédées, qui se sont battues et qui ont influencé les politiques, les systèmes et les structures dont nous disposons aujourd'hui. Cependant, il existe une ressource essentielle qui est restée inexploitée: les hommes qui sont prêts à se battre aux côtés des femmes pour mettre fin à la violence sexiste, et qui souhaitent le faire.
En 2011, la Ending Violence Association of British Columbia a contacté les Lions de la Colombie-Britannique pour leur demander de s'associer à elle et de participer à l'action visant à mettre fin à la violence sexiste. Nous avons travaillé avec un éducateur nommé Jackson Katz, qui soutient que même si les femmes sont à l'avant-garde de ce travail, il ne s'agit pas d'un problème de femmes. Il affirme qu'il s'agit plutôt d'un problème d'hommes.
Cette approche nous a réellemt interpellés et, en collaboration avec le club de football des Lions de la Colombie-Britannique, nous avons créé le programme Be More Than a Bystander. Ce dernier fait appel à des icônes du sport professionnel — les joueurs de football des Lions de la Colombie-Britannique — qui se rendent dans des écoles secondaires en compagnie de travailleurs de la lutte contre la violence pour s'adresser à des milliers de garçons et de filles et les sensibiliser à la lutte contre la violence sexiste.
Ce programme a également mis en œuvre une stratégie de promotion et de sensibilisation à l'échelle de la province utilisant la télévision, la radio, les médias sociaux, les publicités le jour des matchs et d'autres médias pour promouvoir le message Be More Than a Bystander (Soyez plus qu'un spectateur) auprès des partisans et des adeptes des Lions dans toute la province.
Je vais laisser la parole à M. Taras pour qu'il parle davantage de l'expérience des Lions de la Colombie-Britannique.
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Merci, madame la présidente, et merci à vous, madame Kang. C'est un honneur et un privilège pour moi d'être ici aujourd'hui.
Avant de commencer, je tiens à rendre hommage aux véritables héroïnes de cet appel: toutes les femmes qui ont consacré leur vie à rendre notre société plus sûre en luttant contre la violence sexiste. Je vous remercie sincèrement pour vos efforts.
Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, le club de football des Lions de la Colombie-Britannique est une équipe de football professionnelle qui fait partie de la LCF. Si nous sommes entrés dans cette arène, c'est uniquement parce qu'on nous a demandé notre aide. La violence sexiste est une réalité complexe, délicate et difficile, et nous ne faisons que jouer au football.
Je me souviens que lorsque nous avons discuté pour la première fois de notre participation avec notre équipe de direction, j'ai exprimé des inquiétudes quant au risque que la réputation de notre propre organisation soit menacée si des squelettes sortaient du placard, ou si des joueurs ou des entraîneurs actuels commettaient une faute et que la presse se jetait sur nous, traînant la bonne réputation des Lions de la Colombie-Britannique dans la boue. Cependant, notre entraîneur-chef de l'époque, le légendaire Wally Buono, s'est levé et a déclaré avec insistance: « Nous devrions le faire parce que c'est la bonne chose à faire. Notre communauté a un problème. Elle nous a demandé notre aide, alors faisons de notre mieux pour la lui apporter. »
Il s'est avéré que Wally avait été victime de violence familiale dans son propre foyer pendant son enfance et qu'il avait dû intervenir pour protéger sa mère. Il a poursuivi en disant que si nous rencontrions des difficultés au sein de notre organisation, nous y ferions face, que nous ne nous en cacherions pas et que nous prendrions les mesures qui s'imposent. Nous avons donc fait un grand pas en avant avec notre partenaire, la Ending Violence Association of British Columbia, et avons lancé le programme Be More Than a Bystander.
Ces 11 dernières années, nous nous sommes rendus dans de nombreux lieux de notre belle province pour informer les élèves du secondaire sur la violence sexiste, leur donner les outils nécessaires pour intervenir en toute sécurité et, en fin de compte, les encourager à être plus qu'un simple spectateur et à rompre le silence sur la violence sexiste. On peut dire que le programme a été une réussite. Le silence a été brisé et le dialogue sur ce sujet a été accueilli favorablement par les élèves auxquels nous avons rendu visite.
D'un point de vue organisationnel, nous faisons partie des premières ligues sportives professionnelles à adopter une politique en matière de violence sexiste.
Mon temps est‑il écoulé?
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Bonjour. Je m'appelle Josie Nepinak et je suis directrice exécutive de la Awo Taan Healing Lodge. Je m'adresse à vous cet après-midi depuis le magnifique Moh'kinsstis, dans le territoire du Traité n
o 7, également connu sous le nom de Calgary, en Alberta.
J'aimerais vous parler un peu de la Awo Taan Healing Lodge. Depuis 32 ans, nous offrons des services aux femmes autochtones et à leur famille, ainsi qu'aux immigrantes et aux Canadiennes établies. Nous faisons ce travail depuis plus de 30 ans.
Cependant, j'estime que notre cadre est tout à fait unique et différent de celui des refuges d'urgence pour femmes habituels. Nous axons le cadre de notre pratique sur le savoir et la sagesse des aînés, c'est‑à‑dire sur les enseignements traditionnels des divers peuples autochtones qui vivent à Calgary et sur l'accès aux formes de guérison qui font partie de notre identité en tant qu'esprit. De même, nous accueillons des familles multigénérationnelles au sein du refuge d'urgence; nous avons des grands-mères avec leurs petits-enfants, des grands-mères, des filles, des petits-enfants et des tantes. Nous accueillons toute la famille, alors que les autres refuges n'ont pas cette pratique. Cependant, ce fait est révélateur de l'unité familiale au sein de nos communautés autochtones.
L'un des programmes sur lesquels nous travaillons actuellement est appelé Réconciliation et guérison des traumatismes et de la violence, et est un cadre de guérison et de bien-être autochtone qui constitue une pratique prometteuse pour les survivantes autochtones et leur famille. Ce programme en est maintenant à sa troisième année, sur la base d'une évaluation des femmes qui se présentent au refuge d'urgence. Grâce à des enquêtes, des récits et diverses activités, nous leur demandons ce dont elles ont besoin en termes de soutien et de services, et l'une des choses les plus importantes qu'elles mentionnent est le sentiment d'appartenir à une communauté et le fait de bâtir une communauté. Lorsqu'elles entrent dans une zone de service, elles aimeraient voir des personnes qui leur ressemblent — elles veulent voir des cheveux foncés, des yeux marron — elles veulent parler à des personnes ayant un vécu semblable au leur, parce qu'elles ont souvent l'impression d'avoir été jugées à maintes reprises pour ce qu'elles sont; elles ont le sentiment qu'elles ne sont pas les bienvenues ou qu'elles ne sont peut-être pas au bon endroit pour elles; elles se demandent si elles vont obtenir ce dont elles ont besoin.
Pour répondre à ce souhait, nous utilisons un cadre autochtone et une optique basée sur la narration pour réaliser nos recherches. Nous espérons que le travail que nous effectuons actuellement deviendra un modèle pour d'autres refuges d'urgence, pas nécessairement pour ceux destinés spécifiquement aux femmes autochtones, mais pour ceux qui les accueillent dans tout le pays.
L'autre projet que nous lançons en ce moment est ce que nous appelons la réappropriation du pouvoir et du lieu, qui consiste à co‑développer des principes de mobilisation basés sur les distinctions avec les familles de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées. Nous le faisons à Calgary en collaboration avec le service de police de cette ville, avec lequel nous avons discuté de la possibilité de nous réunir et de parler de ce qui doit être fait en cas de disparition ou de meurtre d'un être cher, de la façon de travailler avec les familles de manière à ce qu'elles se sentent respectées et écoutées, et à assurer l'intégrité de l'enquête?
Je peux vous dire qu'il y a au moins sept familles à Calgary qui attendent toujours des réponses de la police concernant la mort violente de leur proche. Dans le cadre de ce projet, au cours de l'année à venir, nous tiendrons des séances de mobilisation avec les services de police de Calgary, les aînés de la communauté autochtone, les survivantes et leurs alliés pour discuter de ce à quoi pourrait ressembler ce protocole de communication. Nous comprenons que les services de police ont des processus d'enquête, mais comment les familles de victimes de femmes autochtones portées disparues et assassinées souhaitent-elles mener ces conversations, et de quoi avons-nous besoin? Très souvent, pour les familles, comme vous le savez d'après l'enquête nationale et les recommandations provinciales récentes, la communication et la relation avec la police sont les expériences les plus stressantes et les plus racistes du processus pour les familles autochtones.
Nous espérons établir une stratégie et des protocoles de mobilisation adaptés à la culture avec les familles des femmes autochtones portées disparues et assassinées. Nous espérons co‑créer avec elles un outil de mobilisation et d'évaluation. Au bout du compte, nous voulons que les protocoles permettent une interaction respectueuse.
J'aimerais aussi dire, parce que je sais que mon temps de parole s'écoule rapidement, que l'on attache souvent de jolis mots aux expériences des femmes autochtones, comme le terme violence sexiste, ou gender-based violence, en anglais. Dans ma langue, qui est l'anishinabe, je ne sais pas s'il existe un équivalent pour le mot « gender ». Je pense à la violence familiale et à son origine. Dans une communauté autochtone — vous l'avez entendu — elle provient du génocide, des politiques paternalistes pratiquées à l'égard des femmes et des familles autochtones, de la destruction des familles et du racisme. Tous ces facteurs...
Je m'excuse.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous cet après-midi.
Je commencerai par poser des questions aux représentantes de l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.
Madame Pontel, je vous remercie de votre présentation. Je sens que nous pourrions en apprendre un petit peu plus, notamment sur les pistes de solution envisagées.
Vous avez évoqué le cas de Mme Huard‑Boudreault, qui est choquant et franchement dérangeant. De toute évidence, il y a eu des ratés et des erreurs ont été commises.
Que retenez-vous de cette expérience dont vous nous avez parlé? Devrions-nous, par exemple, mettre davantage l'accent sur la formation des policiers?
Que devons-nous faire de plus lorsqu'une femme se retrouve devant une situation impossible, comme Mme Huard‑Boudreault, et qu'elle doit aller chercher ses effets personnels chez elle seule? Qu'a-t-on omis de faire? Comment peut-on faire mieux dans de telles situations?
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Au Québec, juste avant la pandémie, un rapport intitulé « Rebâtir la confiance; Rapport du comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale » a été déposé. Ce rapport compte 190 recommandations audacieuses qui permettent enfin de mettre en place ce filet de sécurité. Je vais en citer quelques-unes rapidement.
On y parle de tribunaux spécialisés assurant un service de poursuites verticales pour accompagner les victimes de violence conjugale et d'agressions sexuelles. On y mentionne le bracelet antirapprochement, qui permet d'éviter — enfin — que des meurtres, des homicides et des infanticides soient commis par les ex-conjoints qui sortent de prison et qui continuent de harceler leurs victimes. Rappelons-le, des enfants meurent aussi en raison de la violence conjugale. On y parle aussi du continuum de services. Il est extrêmement important de souligner que les victimes ont besoin d'être accompagnées à toutes les étapes.
Je reviens à la question initiale, soit la situation de Mme Huard-Boudreault, que j'appelle Daphné. Dans la situation de Daphné, qui était une jeune fille de 18 ans, c'est la formation des policiers qui a vraiment laissé à désirer, puisqu'ils doivent suivre un protocole d'accompagnement des victimes de violence conjugale quand celles-ci vont récupérer leurs effets au domicile. Les policiers ont laissé cette jeune fille y aller toute seule et, lorsqu'ils sont arrivés quelques minutes après, monsieur avait eu le temps de tuer son ex-conjointe.
Ce sont des éléments très complexes et, pour vous en présenter l'ensemble, nous aurions besoin de vous rencontrer pendant plusieurs heures.
Par ailleurs, il faut aussi aborder le motif de compromission. Je laisserai ma collègue Maud Pontel vous en parler.
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Tout à l'heure, vous avez demandé à M. Taras de parler de la réussite de ce programme. C'est le modèle que nous avons développé. Celui‑ci est un véritable partenariat entre les Lions de la Colombie‑Britannique et une organisation au service des femmes, centrée sur les femmes. Il s'agit de travailler avec des hommes qui s'engagent réellement à nous soutenir, à soutenir les femmes.
Quand je pense à ce programme et aux nouveaux joueurs... Nous les formons. M. Taras et moi-même venons de terminer une formation avec une nouvelle cohorte de Lions de la Colombie‑Britannique. Ils sont maintenant formés pour se rendre dans les écoles. Nous avons le sentiment que les jeunes admirent ces icônes du sport. Ils sont accompagnés d'un travailleur de la lutte contre la violence. Si des révélations sont faites, nous avons des soutiens en place. Nous travaillons également en étroite collaboration avec l'école et les conseillers scolaires pour nous assurer que lorsque nous entrons et sortons de cette manière, l'école dispose des capacités nécessaires pour continuer à soutenir les jeunes.
Lorsque je pense à la mobilisation des jeunes, l'autre aspect très important de ce programme est que nous ne diabolisons pas les garçons et les hommes. Souvent, lorsque nous examinons la question de la violence sexiste, nous plaçons les femmes et les hommes ou les filles et les garçons dans des camps opposés. Étant donné que nous avons dû nous attaquer à ce problème très difficile, nous avons dû nous concentrer sur les survivantes. Nous pouvons donc éviter d'avoir à intervenir lorsque la violence se produit réellement.
Ces jeunes garçons voient des hommes parler de la violence sexiste. Ils les admirent. Ils créent du vocabulaire. Ils créent des outils simples pour apprendre à intervenir sans que ce soit quelque chose de très complet.
Nous voulons que cela fasse partie de leur bagage, afin qu'ils sachent que lorsqu'ils voient quelque chose, ils vont intervenir et se sentir capables de faire quelque chose. Nous leur donnons des outils très simples dans le cadre de ce programme.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie nos témoins, Mme Lemeltier, Mme Pontel, Mme Nepinak, Mme Kang et M. Taras, d'avoir pris le temps de venir nous présenter leurs témoignages, qui nous éclairent beaucoup sur cet important problème.
J'aimerais poser ma première question à Mme Lemeltier, de l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.
Madame Lemeltier, il est question du bracelet antirapprochement, un outil important dans la lutte contre la violence conjugale, dans un mémoire déposé à la Commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec dans le cadre de l'étude du projet de loi no 24.
Il est notamment mentionné ceci dans le mémoire:
[...] plusieurs travaux gouvernementaux récents établissent clairement la nécessité de porter une analyse spécifique lorsque les familles sont dans une dynamique de violence conjugale où un conjoint (en grande majorité le père) exerce un contrôle coercitif sur l’autre (la mère) et de fait sur ses enfants. Lorsque l’on parle de contrôle coercitif on parle d’une dynamique de contrôle et de domination à l’intérieur d’une relation entre partenaires intimes, où l’agresseur va multiplier les agressions pour assoir une emprise totale sur sa victime, annihilant complètement sa liberté d’être et d’agir.
Pouvez-vous nous parler davantage de cette affirmation, madame Lemeltier?
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Je vous remercie de la question.
Le contrôle coercitif est un sujet très important que nous voulions aborder.
Je vais vous donner un exemple très concret.
Je suis aussi la directrice d'une maison d'hébergement de première et de deuxième étape. Cette fin de semaine, une femme qui est hébergée dans notre maison de première étape s'est rendue dans un garage pour faire changer ses pneus, et le garagiste, en changeant ses pneus, a découvert un traceur GPS. Son ex-conjoint, dont elle s'est séparée récemment, a mis ce traceur pour être capable de la suivre dans tous ses mouvements. Imaginez la panique que cette découverte a créée. La sécurité de cette femme, qui était dans une maison d'hébergement dont l'adresse est confidentielle, a été remise en cause.
En ce qui concerne le contrôle coercitif, il faut réaliser que la violence conjugale peut être physique ou sexuelle, mais qu'elle peut aussi prendre d'autres formes, qui sont beaucoup plus difficiles à déceler. Il est nécessaire d'offrir de la formation à tous les acteurs du milieu afin qu'ils puissent comprendre que, même si la dame n'a pas d'œil au beurre noir, elle est quand même victime de violence conjugale.
Les femmes vont souvent dans les maisons d'hébergement de deuxième étape quelques mois après la séparation, et l'on peut penser que la violence conjugale s'arrête à ce moment. Or elle prend plutôt une autre forme, que l'on appelle la violence conjugale postséparation. Cette forme de violence peut se traduire par plusieurs gestes, notamment le harcèlement sur les réseaux sociaux, le fait de continuer d'exercer un contrôle financier, de garder les documents d'immigration de la femme ou de refuser la supervision des droits d'accès, laquelle permet d'assurer la sécurité des enfants. Le contrôle se poursuit et il s'accentue au fil du temps. Le moment qui suit la séparation est le plus dangereux pour les femmes et, je le répète, pour les enfants.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Les premières questions que je veux poser s'adressent à Mme Nepinak. C'est un plaisir de vous avoir ici. Je connais très bien votre fils, le chef Nepinak, qui ne tarit pas d'éloges sur vous et sur le travail que vous accomplissez depuis si longtemps pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles autochtones.
Je veux me concentrer plus particulièrement sur la police. Vous avez parlé de méfiance entre la police et les Autochtones, et je pense qu'il y a de bonnes raisons à cela. Je vais vous donner quelques exemples et je voudrais que vous répondiez à la question de savoir ce que nous devons faire, selon vous, pour assainir cette relation. L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées s'est conclue sur une série d'appels à la justice.
Eishia Hudson, à Winnipeg, a été abattue par la police. Une enquête est en cours. Sur le territoire Wet'suwet'en, nous avons vu deux agents de la GRC, avec un chien de garde, une tronçonneuse et une hache, défoncer une porte derrière laquelle se trouvaient deux femmes autochtones non armées.
L'un des actes les plus horribles et les plus dégoûtants d'abus de pouvoir d'un policier s'est produit dans le Nord du Manitoba et a été commis par l'ancien agent de la GRC Theriault. Selon un article, « Theriault et un autre agent avaient arrêté la femme lors d'une fête et l'avaient placée dans une cellule jusqu'à ce qu'elle dessaoule. Six heures après son arrivée, Theriault est revenu au détachement sans uniforme et a demandé qu'elle soit confiée à ses soins », la chose ayant été autorisée par l'officier superviseur, qui aurait dit: « Vous l'avez arrêtée, vous pouvez bien faire tout ce que vous voulez. »
Je ne sais pas si ma citation est exacte, mais c'est difficile à oublier. C'était quelque chose du genre.
Il y a donc des raisons légitimes à cette méfiance. Ce n'est pas de l'hystérie. Cela va au‑delà des stéréotypes. Cette relation est très gravement entachée.
Quels types de mesures doivent être prises pour améliorer cette relation, pour faire en sorte que si des femmes et des filles autochtones ou des personnes de genre différent ont affaire à la police, non seulement la relation sera autre, mais elles seront en sécurité?
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La relation que nous avons actuellement avec la police est gravement fracturée, et les atrocités qui sont commises à l'égard des femmes autochtones par les services policiers de partout au pays sont, à mon avis, une épidémie qui exige l'attention immédiate des décideurs et des législateurs pour que ces gestes cessent immédiatement.
Je pense que les services de police de ce pays ont rendu les femmes autochtones jetables. Le fait même que des policiers aient le pouvoir de prendre la vie de femmes et de jeunes filles autochtones aussi... Nous avons entendu parler de policiers qui ont violé et mises enceintes des jeunes femmes autochtones; nous avons entendu, pendant l'enquête nationale, des histoires de femmes autochtones arrêtées sur l'autoroute et violées par des policiers.
À mon avis, ce système doit être démantelé et reconstruit à partir de la base, afin de créer des espaces sûrs pour les femmes autochtones.
Il existe un modèle en Amérique du Sud, je crois, dans lequel il y a des postes de police dirigés uniquement par des femmes. Ces commissariats ne ressemblent pas à des postes de police. Ils ressemblent à des garderies. Les bureaux y sont occupés par des policières, des femmes en tenue de ville, mais il y a aussi une aire de jeux pour les enfants, qui sont pris en charge et nourris pendant que la femme est dans un endroit sûr pour raconter son histoire sur un incident de violence qui lui est arrivé.
Nous devons changer notre façon de voir le maintien de l'ordre auprès des populations autochtones dans ce pays. Le génocide doit cesser. On ne peut pas imaginer la violence coloniale perpétrée par la police dans ce pays à moins de l'avoir vécue. La plupart des gens qui bénéficient de privilèges ne peuvent pas comprendre que cela se passe réellement dans les communautés. Quand j'étais enfant, je devais fuir les policiers parce qu'ils allaient nous emmener, et on les appelait « ceux qui nous enlèvent ». C'est certainement encore le cas aujourd'hui, presque 60 ans après le jour où je suis entrée pour la première fois dans un pensionnat, donc nous devons faire mieux. Comme je le dis toujours, il faut démanteler le système et reconstruire à partir de la base...
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Nous évaluons continuellement les programmes que nous offrons et recueillons les commentaires. Dans notre partenariat avec les Lions de la Colombie-Britannique, encore une fois, nous sommes en communication continue. Nous utilisons un peu la méthodologie de l'amélioration continue. Nous n'avons pas d'évaluation officielle du programme à fournir au Comité, mais nous pouvons assurément lui fournir des données compilées au cours des 11 dernières années. M. Taras et moi serons heureux de nous concerter et de vous faire parvenir quelque chose en ce sens.
Je dois vous dire que la méthodologie que nous utilisons est en fait très simple. C'est un message très simple que nous transmettons aux jeunes garçons et filles à l'école. L'un des éléments clés consiste à démystifier la masculinité. Il s'agit de parler aux jeunes garçons des messages qu'ils reçoivent sur le fait d'être un garçon et ce que cela signifie, depuis la naissance jusqu'à l'école, de comprendre le positionnement que les garçons adoptent en raison de tous les messages qu'ils captent, y compris maintenant de tous les messages véhiculés dans les réseaux sociaux, dont nous avons beaucoup parlé.
Le deuxième volet de ce programme consiste à leur donner des outils pratiques. Nous utilisons des vidéos pour illustrer diverses situations, puis pour poser des questions aux jeunes: que feriez-vous dans tel ou tel scénario? Dans tel incident, en particulier, comment feriez-vous pour être plus qu'un simple spectateur? Quelles sont les choses verbales et non verbales que vous pourriez dire ou faire pour intervenir et mettre fin à la violence?
Encore une fois, je tiens à souligner à quel point la méthodologie que nous utilisons est à la fois simple et puissante, c'est pourquoi elle est si primée à l'échelle internationale et reconnue localement. Comme M. Taras l'a dit, nous l'appliquons aussi au niveau national, au sein de la LCF, et nous travaillons avec diverses entreprises et des syndicats pour la diffuser. C'est là toute la puissance de ce programme.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous nos témoins, et plus particulièrement Mme Kang et M. Taras. Mes questions s'adressent à vous.
Dans toutes les réunions que tient ce comité dans le cadre de cette étude, nous entendons combien le monde est pourri. J'admire beaucoup le travail que vous faites. Je suis une ancienne enseignante du secondaire. J'ai passé la majeure partie de ma vie professionnelle avec des enfants. La raison en est que je les considère comme des lueurs d'espoir, ils peuvent encore être façonnés et influencés positivement.
Je vous dis un grand « merci » et « félicitations » pour ce que vous faites. Si ça marche, c'est en grande partie parce que vous envoyez des joueurs de football qui ont réussi parler à ces jeunes. Ils les voient comme des modèles. Nous savons que les modèles jouent un rôle extraordinaire dans la façon dont les gens se perçoivent en grandissant.
Vous avez mentionné que les hommes et les garçons doivent faire partie de la solution. Je suis très heureuse que nous ayons trouvé un moyen de mettre les garçons à contribution.
Avez-vous des suggestions à faire sur la façon dont nous pouvons amener les hommes qui ne sont pas nécessairement à un stade aussi précoce de l'apprentissage à adhérer à l'idée qu'ils ne doivent pas être que des spectateurs, qu'ils doivent faire partie de la solution?
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Tout à fait. Merci beaucoup.
Je pense que nous avons vu, avec la petite fille de Mme Pontel, pourquoi ce travail est si important.
Au nom du Comité, j'aimerais remercier chaleureusement Mmes Lemeltier, Pontel, Nepinak, Kang et M. Taras d'avoir participé à cette formidable discussion aujourd'hui. Si vous pouviez vous déconnecter, ce serait fantastique. Je vous suis vraiment reconnaissante d'être venus témoigner devant nous.
Dans quelques secondes, une fois que tout le monde sera déconnecté, nous parlerons un peu des travaux du Comité.
Je vois tous ces beaux visages ici, c'est fantastique.
J'ai fait quelques recommandations aux vice-présidentes à ce sujet. Nous voulons parler de la destruction des documents confidentiels. J'en ai parlé avec d'autres personnes, et je cherche à savoir si quelqu'un est prêt à proposer une motion sur la destruction de ces documents.
Madame Gazan, voulez-vous... Allez‑y.
Je m'excuse. J'ai lu tout cela, nous en recevons tellement, et je suis sûre que vous avez tous eu l'occasion de les parcourir, mais compte tenu de la nature délicate de l'étude sur la violence entre partenaires intimes au Canada, je voulais obtenir votre accord sur la motion que nous venons d'adopter, donc je vous en suis très reconnaissante.
Il y a une autre situation dont nous devons parler. L'une des personnes qui comparaîtront devant nous à titre de témoin a demandé à la greffière que des mesures supplémentaires soient prises pour assurer sa sécurité. Comme une survivante a demandé que des mesures supplémentaires soient prises pour assurer la confidentialité, la greffière conservera une copie papier de son mémoire dans le bureau. Si les membres du Comité veulent consulter son mémoire, ils peuvent contacter la greffière.
Ai‑je l'accord du Comité sur ce point?
Des députés: D'accord.
La présidente: C'est fantastique. Vous aurez accès à la documentation par la greffière, et Mme Labelle vous indiquera quoi faire.
Nous nous retrouverons vendredi, pour une autre journée chargée. Nous accueillerons d'autres excellents groupes. Keri Lewis témoignera au nom de la Maison Interval d'Ottawa. Nous accueillerons Pamela Cross, directrice du Luke's Place Support and Resource Centre for Women and Children. Nous entendrons aussi des gens de la Moose Hide Campaign et de WoodGreen Services Communautaires.
Merci beaucoup. Est‑ce que nous sommes prêts à lever la séance pour aujourd'hui? C'est fantastique.