Bienvenue à la 17e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février, le Comité reprend son étude sur l'exploitation des ressources et la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 novembre 2021. Des députés sont présents dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom. Le 10 mars 2022, le Bureau de régie interne a pris une directive obligeant les personnes présentes dans la salle à porter un masque, sauf si elles sont assises à leur place durant les délibérations.
Les instructions suivantes s'adressent aux témoins et aux membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation, si vous participez à la réunion par l'application Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Si vous participez en personne, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal que vous voulez. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent à cette partie de notre étude. Je sais que deux de nos témoins sont en ligne. Nous essayons de faire en sorte que la troisième témoin soit aussi en ligne.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Ellen Gabriel, défenseuse de la terre autochtone de Kanesatake. Elle témoigne à titre personnel. Nous recevons également Mme Hilda Anderson-Pyrz, présidente du National Family and Survivors Circle. Nous essayons toujours de rejoindre la représentante de la Première Nation de York Factory. Dès que nous constaterons qu'elle est présente, nous la présenterons et lui souhaiterons la bienvenue.
Tous les témoins disposent de cinq minutes pour faire leur déclaration préliminaire. Vous me verrez commencer à agiter mon stylo vert pour vous indiquer que vous devez conclure. Je mettrai une petite note ou j'essaierai de vous interrompre. Je vous avertirai une minute avant que votre temps soit écoulé.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Gabriel.
Bienvenue. Vous disposez de cinq minutes.
:
[
La témoin s'exprime en mohawk ainsi qu’il suit:]
Wa’tkwanonhwerá:ton.
[Les propos en mohawk sont traduits ainsi:]
Bonjour à tous.
[Traduction]
Bonjour à tous. Je viens de la communauté mohawk de Kanesatake, qui se trouve à une heure au nord de Montréal. Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à ce processus.
Le droit à la dignité et à la sécurité de la vie fait partie de ce qui caractérise la jouissance des droits de la personne. Tous les droits de la personne sont indivisibles et interdépendants, un fait qui vient s'ajouter aux lois et aux coutumes des peuples autochtones.
Depuis des décennies, les femmes autochtones participent activement à la protection et à la promotion des droits de la personne pour elles-mêmes, leurs familles et leurs nations. Nous avons été à l'origine de changements positifs pour l'égalité et l'équité en ce qui concerne les droits de la personne des peuples autochtones.
Depuis les femmes mohawks qui se sont tenues en première ligne le 11 juillet 1990, sans armes, contre une force paramilitaire composée de la SQ et de l'armée — une équipe tactique d'intervention —, jusqu'aux Tiny House Warriors et aux femmes de la nation des Wet'suwet'en, brutalisées par une force paramilitaire de la GRC, nous participons activement à la défense de nos droits de la personne, de nos terres, de nos familles et de nos nations. Malgré cela, nous restons marginalisés dans le cadre systématiquement raciste de la Loi sur les Indiens qui continue à définir qui nous sommes en tant que peuples et qui décide qui a la légitimité de parler.
Malgré toutes les belles paroles sur le respect des droits de la personne des peuples autochtones dans le cadre de mesures législatives visant à protéger les langues autochtones ou à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il n'y a toujours pas de changement au statu quo. Les mesures législatives doivent être fondées sur une perspective axée sur les droits de la personne, et pas seulement sur des paroles ou du financement. Au lieu de cela, on nous impose des quotas, des chiffres et des calendriers, plutôt que de tenir compte de ce que coûtent les dommages causés à nos familles, à nos langues, à nos terres, à notre culture et à nos structures de gouvernance.
Le racisme systémique nous oblige à recourir au système judiciaire du Canada, qui coûte cher, car la praxis coloniale demeure la base de nos relations. La brutalité du colonialisme devrait être chose du passé, mais ce n'est malheureusement pas le cas. En fait, lorsque j'ai parlé à l'ancienne ministre des Affaires autochtones, , pour demander un moratoire sur le développement à Kanesatake ou à Oka, elle a refusé et m'a répondu que si cela ne me plaisait pas, je devais intenter une poursuite en justice.
Les campements d'hommes et une société qui ignore les répercussions multigénérationnelles des traumatismes accroissent la vulnérabilité des femmes autochtones qui défendent leurs terres. Encore une fois, on nous refuse la jouissance de nos droits dans un système judiciaire qui coûte cher.
Je sais que je n'ai que cinq minutes. Je vais sauter une partie de mon exposé. J'en informe les interprètes.
Pour que les langues, les cultures et l'identité des peuples autochtones puissent survivre, nous devons avoir accès à nos terres et à nos ressources. Les droits au développement menacent notre existence en tant que peuples autochtones de l'île de la Tortue. Les peuples autochtones doivent constamment se battre pour protéger leurs terres, leurs eaux et leurs ressources naturelles.
Le moment est venu de passer de la parole aux actes. Il doit y avoir un mouvement pour que la rhétorique politique change et ne se fonde plus sur une relation et un cadre coloniaux afin d'aider les peuples autochtones, de les protéger en première ligne et de protéger notre sécurité et ce que nous sommes en tant que premiers peuples de l'île de la Tortue.
Le Canada et ses provinces doivent travailler ensemble à une véritable réconciliation. Nous sommes fiers des nombreux survivants des pensionnats indiens qui ont courageusement témoigné publiquement au sujet des mauvais traitements que le gouvernement et les entités religieuses leur ont fait subir durant leur enfance. Nous ne pouvons oublier les milliers d'enfants autochtones qui ne sont jamais rentrés chez eux et dont les corps reposent dans des tombes anonymes partout au Canada.
De la Commission royale sur les peuples autochtones à la Commission de vérité et réconciliation, en passant par la commission sur les femmes autochtones disparues et assassinées, nous connaissons la voie à suivre. Nous savons ce qu'il faut faire. Les recommandations doivent être mises en œuvre, et pas seulement par la voie législative. C'est la bureaucratie culturelle du Canada et de ses provinces qui a été la plus négligente dans son devoir de faire respecter les normes les plus élevées en matière de droits de la personne et de mettre en œuvre les recommandations.
En tant que défenseurs des terres autochtones, nous ne recherchons pas le pouvoir. Nous sommes conscients que nos besoins ne peuvent pas interférer avec les besoins des générations actuelles et futures, des visages qui ne sont pas encore nés. Si nous n'avons pas accès à nos terres, nous ne pouvons pas transmettre les connaissances traditionnelles de nos langues, de nos cultures et de nos structures de gouvernance. Nous essayons de protéger les terres et les eaux pour les générations actuelles et futures.
Je voudrais dire une chose au sujet de la diligence raisonnable que m'a apprise Sheryl Lightfoot, professeure à l'Université de la Colombie-Britannique. La diligence raisonnable est une mesure préventive. Elle vise, avant tout, à éviter de causer des dommages aux peuples autochtones, à l'environnement et à la société, ou de contribuer à en causer, et de chercher à prévenir les effets néfastes qui découlent directement des activités, des produits ou des services liés aux relations commerciales.
Nous devons faire en sorte que les bonnes intentions se concrétisent. Nous n'avons plus besoin de rhétorique. Il faut mettre un terme aux brutalités policières commises au nom d'entreprises qui ne respectent pas les droits de la personne des peuples autochtones et nos droits à l'autodétermination.
Je vous remercie de votre attention. Skén:nen — je vous souhaite à tous la paix.
[La témoin s'exprime en mohawk ainsi qu’il suit:]
Tho nikawén:nake.
[Les propos en mohawk sont traduits ainsi:]
Voilà ce que je voulais dire.
[Traduction]
:
Je n'étais pas sûre que j'aurais une assez bonne voix, à cause de mon problème à la gorge en ce moment.
Je tiens à souligner que je m'adresse à vous depuis le territoire visé par le Traité no 1. Je suis membre de la nation crie de Nisichawayasihk.
Je veux parler du National Family Survivors Circle.
Nous formons un groupe de femmes autochtones formidables de tout le Canada qui ont été réunies en août 2020 pour contribuer à l'élaboration du plan d'action national. Nous avons vraiment hâte de poursuivre ce travail important et sacré. Nous utilisons notre force et notre expertise en tant que membres de familles et survivantes de la violence fondée sur le genre pour défendre le processus qui va de l'avant concernant le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Toutes les mesures prises doivent être fondées sur une approche basée sur les droits. Chacun a le droit de vivre dans la dignité et la sécurité et de conserver son identité et sa culture. En vertu du droit international en matière de droits de la personne, les États sont tenus de tout mettre en œuvre pour que les droits essentiels au bien-être individuel et collectif, tels que les droits à l'éducation, à la santé et aux moyens de subsistance et le droit de vivre à l'abri de la violence, puissent être pleinement respectés dans la vie de tous, sans discrimination.
Chaque gouvernement est censé prendre toutes les mesures raisonnables pour mettre fin aux violations des droits de la personne, y compris prévenir les crimes et les abus commis par des acteurs privés, comme des entreprises et des particuliers. Lorsque des droits sont violés, les États ont l'obligation de garantir la justice en reconnaissant le préjudice subi, en aidant les victimes à se rétablir et en empêchant que ces préjudices se répètent.
Lorsque des projets d'exploitation des ressources sont menés, les communautés autochtones ne disposent pas des infrastructures, des capacités de leadership ou de l'expertise nécessaires qu'il leur faudrait pour répondre aux changements sociaux rapides, à la violence et à la croissance démographique. Par conséquent, les ressources locales sont épuisées en raison de la criminalité, de la toxicomanie, des problèmes de santé et de la pression exercée sur les organisations de services sociaux et les services publics parce que la demande de services augmente et la capacité pour y répondre est insuffisante. Dans le cadre de toutes les ententes, l'État et les entreprises qui tirent profit de l'extraction des ressources devraient avoir une responsabilité sociale.
De nombreux rapports ont clairement démontré l'intersectionnalité de l'exploitation des ressources et de la violence à l'égard des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones, mais les recommandations ne sont pas mises en œuvre et la violence persiste.
Sherene Razack considère que l'extraction des ressources est au cœur de la violence coloniale. Elle poursuit en disant que, bien que les hommes blancs ne soient pas explicitement mentionnés et qu'on ne parle que du « travailleur de passage » lorsqu'il est question des travailleurs des campements miniers, nous savons qu'il existe une culture de l'impunité à cet endroit. Le racisme dans le secteur pétrolier peut être évident et parfois subtil. Il est important de se demander quels sont les effets de cette violence. De quoi s'agit‑il? Pourquoi le racisme et la violence font-ils partie quotidiennement des activités d'extraction des ressources? L'histoire coloniale en est la cause. C'est une impulsion génocidaire.
Sherene Razack a également indiqué qu'il est essentiel de comprendre la mesure dans laquelle le pouvoir colonial marque les Autochtones. Il s'agit de la matière première pour la fabrication de l'État colonisateur et à partir de laquelle le pouvoir est fabriqué. Les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones ne devraient jamais souffrir de la prospérité économique de l'État.
Ce sont souvent les voix des personnes les plus touchées qui sont absentes à la table, et le silence est assourdissant pour celles qui sont victimisées dans les projets d'exploitation des ressources. Les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones doivent faire partie des cercles consultatifs du territoire où se déroule l'extraction des ressources, et toute entente exécutoire doit inclure des mécanismes de sécurité et de reddition de comptes.
Le National Family and Survivors Circle a défini quatre piliers dans le cadre de sa contribution au plan d'action national. Ces quatre piliers sont essentiels pour l'application des principes de changement du rapport final de l'enquête nationale et devraient être utilisés dans toutes les ententes relatives aux ressources.
Le pilier de l'inclusion signifie que les familles des FFADA2S+ et les survivantes de la violence fondée sur le genre participent pleinement et de manière informée. Il s'agit de mettre l'accent sur leur expérience vécue et de reconnaître leur capacité d'agir, leurs connaissances, leur expérience et leur expertise comme étant des éléments essentiels et indispensables pour orienter la prise de décisions.
Le principe de l'interdépendance reflète et renforce la conviction des Autochtones selon laquelle chaque personne et chaque chose ont une raison d'être. Les causes profondes de la violence, de même que les solutions pour y mettre fin sont, elles aussi, interdépendantes. C'est l'expérience concrète des familles et des survivantes qui permet de mettre en lumière les causes et les solutions.
En ce qui concerne le principe de la reddition de comptes, la volonté de soutenir et de mettre en œuvre des changements transformateurs doit être manifeste à tous les niveaux. Il est essentiel de mettre en place des mécanismes et des forums permettant de faire rapport des mesures prises pour s'assurer que tous les gouvernements, tous les organismes et toutes les organisations rendent des comptes.
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Bonjour à tous les gens présents.
Je m'appelle Martina Saunders. Je suis une Ininew Iskwew — une femme crie — de la Première Nation de York Factory. Je comparais devant vous aujourd'hui au nom de cette nation et du comité de la mise en œuvre pour les FFADA2S+ du Manitoba.
Comme bon nombre d'entre vous le savent peut-être, la Première Nation de York Factory a conclu un partenariat avec Manitoba Hydro pour le projet Keeyask, sur le fleuve Nelson, sur le territoire visé par le Traité no 5, dans le Nord du Manitoba. Notre nation avait pour objectif d'améliorer les moyens d'existence de la nation crie lorsque nous avons participé du mieux que nous le pouvions à la planification du projet et au processus d'évaluation environnementale du projet Keeyask.
La Première Nation de York Factory a rapidement appris que des femmes et des personnes à deux esprits autochtones étaient victimes de racisme, de sexisme, d'homophobie et de violence sexuelle dans le cadre de ces projets hydroélectriques, découlant de cette relation historique et continue avec Manitoba Hydro. Non seulement nos jeunes femmes et personnes à deux esprits ont été victimes de ces violations des droits de la personne, mais nos femmes — y compris moi-même — ont été victimes d'intimidation, de harcèlement, de racisme et de discrimination de la part des travailleurs de l'industrie dans les bureaux de Manitoba Hydro dans le centre urbain de Winnipeg, au Manitoba.
De tels actes de violence et de telles violations des droits de la personne se sont produits il y a des décennies et il y a quelques années à peine.
Ces expériences ont causé beaucoup de dommages et de traumatismes et ont eu des répercussions horribles sur notre peuple. Nous continuons à demander aux gouvernements provinciaux et territoriaux de donner suite à nos appels à une enquête publique sur le racisme, le harcèlement, la discrimination et la violence sexuelle qui ont fait des victimes dans les projets de développement hydroélectrique dans le Nord du Manitoba.
Nous devons examiner et comprendre les facteurs structurels et systémiques qui continuent de nuire à notre peuple, mais surtout aux femmes, aux filles et aux personnes aux deux esprits autochtones disparues et assassinées. Nous demandons que l'analyse comparative entre les sexes fasse partie de tous les processus d'évaluation de l'approbation de l'industrie, ce qui nous permettra d'examiner tout projet d'extraction de ressources proposé à travers une vision du monde et une façon d'être autochtones et selon une approche décolonisée.
Voilà les notes que j'avais préparées. Je ne sais pas si les cinq minutes sont écoulées.
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Une approche décolonisée — et non une approche colonisée — inclurait notre vision du monde crie lorsque nous venons de la Nation crie.
Lorsque je parle de la tenue d'une enquête publique, il s'agit d'entendre et de valider nos histoires, afin d'apporter la guérison à notre peuple. Nous ne pouvons pas avancer si ces violations et ces actes de violence sexuelle ne sont pas reconnus par le gouvernement et l'industrie, ainsi que par Manitoba Hydro.
Nous devons utiliser une approche autochtone. Pour nous, cela signifie qu'il faut inclure nos cérémonies et nos pratiques culturelles dans le cadre de ce travail, tout en nous assurant qu'il s'agit d'une approche qui tient compte des traumatismes et qui ne cause pas d'autres préjudices aux victimes de violence sexuelle. En procédant de cette manière, c'est‑à‑dire en utilisant les protocoles que nous suivons dans nos cérémonies et les protocoles qui sont importants pour nous dans notre culture, nous pourrons avancer vers la guérison. Il faut donc reconnaître cette réalité.
Pour que des excuses soient faites aux personnes qui ont subi un préjudice et… Bien entendu, nous savons que cela ne s'arrête pas seulement à la personne qui a subi un préjudice, mais que cela a des répercussions sur le système familial, ainsi que sur l'ensemble de la collectivité et de la nation. En effet, il ne s'agit pas seulement d'actes de violence isolés. Lorsque nous utilisons notre culture et nos cérémonies, nous incluons tout le monde. Cela ne vise pas une seule personne.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie d'abord les trois témoins qui sont présentes de leurs témoignages très importants.
Je remercie également les interprètes qui font du très bon travail.
Ma question s'adresse à Mme Gabriel.
Vous avez parlé des droits de la personne et des coutumes autochtones. Vous avez soulevé les problèmes de la langue, de la culture, de l'identité et du respect des communautés autochtones. Dans le cadre de cette étude, nous cherchons également des solutions à ces problèmes. Nous voulons trouver des solutions concrètes, et nous croyons que le gouvernement fédéral doit assumer sa part de responsabilité. Cependant, nous observons le contraire, notamment à la lumière du rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, l'ENFFADA, selon lequel le gouvernement fédéral semble avoir pris peu de mesures pour y donner suite.
Selon vous, ne faudrait-il pas que le gouvernement fédéral entreprenne une véritable réconciliation, notamment en abrogeant la Loi sur les Indiens et en s'asseyant avec les peuples autochtones à la même table pour que toutes les nations soient sur le même pied d'égalité?
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Je vous remercie de votre question.
Je suis plus à l'aise de répondre dans ma langue.
Je pense que l'un des problèmes auxquels nous faisons face, c'est que les dirigeants politiques, les juges, les avocats, les travailleurs sociaux et les éducateurs ne lisent pas vraiment les rapports de la Commission de vérité et réconciliation et de la Commission royale sur les peuples autochtones. Tout ce travail a été fait pour que les gens soient sur la même longueur d'onde et qu'ils comprennent les différents points de vue.
Oui, nous voulons éliminer la Loi sur les Indiens. C'est probablement la seule loi raciste qui existe encore dans le monde aujourd'hui. Cela ne signifie pas que nous savons avec quoi la remplacer. Si nous voulons traiter de nation à nation, le gouvernement doit éliminer le système des conseils de bande dans lequel les membres d'un conseil sont les seules personnes reconnues comme autorités par la loi, et il doit cesser de légitimer ce système. Les Rotinonhsesháka, ou les Haudenosaunee, c'est‑à‑dire le peuple de la maison longue de la Confédération iroquoise, est un système de gouvernement qui a survécu à la colonisation. Les gouvernements traditionnels doivent participer à toutes les discussions qui touchent à nos terres et à nos droits. Ce n'est pas au Canada de décider qui est une autorité légitime.
Nous, les Autochtones, devons discuter entre nous de ce que signifie l'élimination de la Loi sur les Indiens, mais il faut absolument que l'approche utilisée soit fondée sur les droits de la personne. Nous devons utiliser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et toutes les normes internationales relatives aux droits de la personne qui l'accompagnent. L'élimination de la Loi sur les Indiens ne signifie en aucun cas que nous renonçons à nos titres fonciers. Nous devons tout de même assurer un certain respect et défendre les droits des générations futures, car elles se retrouveront avec les conséquences de la crise climatique à laquelle nous faisons face.
Cela dit, l'élimination de la Loi sur les Indiens ne signifie pas que l'on élimine nos droits. Ce n'est même pas protégé par la Loi constitutionnelle de 1982 pour le Canada, bien qu'elle affirme respecter les droits existants. Les droits qui existaient avant 1982 représentent un bourbier de considérations juridiques qui, à mon avis, exige plus qu'une simple réflexion. Je pense qu'on devrait mener une étude sur ce que cela signifie dans le cadre de l'élimination de la Loi sur les Indiens. Je viens d'une collectivité où le conseil de bande a accordé un bail de 33 ans à une décharge de déchets toxiques, avec laquelle nous sommes maintenant aux prises et pour laquelle aucun député, à l'exception d'Elizabeth May, n'est prêt à plaider en notre faveur. Il faudra au moins 10 000 ans pour nettoyer les déchets toxiques de cette décharge; ils proviennent des débris et des eaux usées brutes de l'île de Montréal.
Voilà le genre de situation précaire auquel nous faisons face à cause de la Loi sur les Indiens. Il n'est pas si facile d'éliminer simplement cette loi. Il faut utiliser une approche fondée sur les droits de la personne. Cette approche doit se fonder sur les lois relatives aux droits de la personne des peuples autochtones et sur nos constitutions et les renforcer.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui dans le cadre de cette étude très importante. Je suis très honorée que notre comité ait été si ouvert à l'idée de mener cette étude.
J'aimerais d'abord m'adresser à Mme Gabriel.
Vous avez écrit un article pour la publication Ricochet, dans lequel vous avez parlé de la violence contre les défenseurs des droits territoriaux autochtones. Vous avez écrit que tant que le projet colonial et la violence qu'il inflige existent — vous faisiez référence à l'utilisation des terres autochtones à des fins lucratives et à la violence contre les défenseurs de la terre et de l'eau —, la réconciliation ne peut avoir lieu. Vous avez ajouté que ce n'est qu'en comprenant les droits de la personne et les lois autochtones qui protègent l'environnement et toutes nos relations que nous pourrons avancer.
Dans cet esprit, comment pouvons-nous faire respecter les droits de la personne et les lois autochtones, afin de progresser ensemble et de garantir que les femmes, les filles, les personnes 2ELGBTQQIA et les défenseurs des droits territoriaux soient protégés de la violence, en particulier les femmes qui sont en première ligne?
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Si je comprends bien votre question, pour que vous soyez en sécurité, il faudrait que les autorités policières soient à même de faire leur travail en toute connaissance des droits de la personne, mais le projet colonial, justement, outrepasse, oppresse et supprime la connaissance et les droits traditionnels. Nos droits de la personne sont sacrifiés sur l'autel du développement économique. Nous sommes ostracisés. Nous subissons le racisme des collectivités non autochtones qui sont voisines des nôtres.
La seule façon d'y arriver est par l'éducation et le dialogue et non par les brochures ni les rapports qui... Il ne faut pas se limiter aux rapports et aux beaux discours. Nous avons besoin de sécurité au sein des communautés, ce qui nous permettra de savoir ce qu'a fait le colonialisme, de sorte que ce projet colonial, auquel nous ne cessons de faire référence, soit compris en profondeur comme l'évoquent la commission royale, la Commission de vérité et réconciliation et l'Enquête nationale sur les femmes et les filles disparues et assassinées.
Être en sécurité, je ne sais pas vraiment ce que c'est. Cela fait 32 ans que je fais cela et je ne me sens pas en sécurité dans la communauté dans laquelle j'ai grandi parce que la ville d'Oka fait fi de nous. Le ministre des Affaires indiennes refuse d'inclure la maison longue dans toute négociation. Il refuse d'imposer un moratoire sur le développement, pour que nous puissions au moins nous asseoir à la table dans un climat de paix. Si nous ne nous asseyons pas à la table dans un climat de paix, nous sommes sous pression. L'atmosphère devient coercitive.
Il nous faut effacer tout cela et prendre le point de vue des droits de la personne sur la dignité et la valeur de l'être humain, et apporter ces mesures de sécurité pour que nous puissions parler sans crainte, pour que nous puissions parler en toute honnêteté, et commencer à la même page, là où nous sommes conscients des conséquences du traumatisme multigénérationnel. Ce n'était pas seulement nos langues et nos cultures qu'on attaquait. C'était notre foyer, notre terre ancestrale. C'était les terres sur lesquelles toutes nos langues et notre identité ont été fondées.
En ce qui me concerne, dans ma communauté, on ne peut pas appeler la police. Il n'y a personne pour venir nous aider lorsqu'il y a de la violence dans la communauté et AINC en est tout à fait conscient. a déclaré qu'ils étaient tout à fait conscients du fait que la communauté d'où je viens était sur le point d'imploser. Dans cette communauté, il y a toutes les sortes de crimes organisés imaginables. Personne n'est prêt à nous aider.
Ce comité devrait agir en conséquence et décider de ce que vous feriez si vous étiez à ma place, si vous n'étiez pas en sécurité dans la communauté dans laquelle vous avez grandi et dans laquelle des milliers de générations ont grandi avant vous.
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Merci beaucoup. Je crois que d'avoir souligné que vous êtes une aînée dans votre communauté qui ne se sent pas en sécurité est révélateur et je suis heureuse que vous ayez pu nous en faire part.
Madame Saunders, vous parliez d'intimidation et de harcèlement. Je sais qu'il y avait un ancien agent de sécurité d'un chantier d'Hydro-Manitoba au camp de Keeyask près de Gillam qui est venu, en 2018, signaler des incidents de racisme, d'agressions sexuelles, de contrebande d'alcool et de drogues sur le lieu de travail ainsi que la violence dont il a été témoin au camp. Lorsqu'il a signalé ces incidents aux directeurs, il a été balayé du revers de la main, et la violence a pu se poursuivre, irrésolue.
Cela semble correspondre assez bien aux expériences dont vous nous parliez, madame Saunders, soit l'intimidation vécue après avoir soulevé les questions de racisme et de discrimination au cours de votre mandat de vice-présidente du conseil d'administration du partenariat entre Keeyask et Hydro-Manitoba.
Pouvez-vous, je vous prie, nous parler des torts — dans la mesure où vous vous sentez à l'aise de le faire — perpétrés du fait de la mentalité patriarcale, coloniale et violente des dirigeants dans beaucoup de ces initiatives de développement des ressources, et de la façon dont cela devrait être réglé? Je sais que vous avez parlé des centres pour les victimes d'agressions sexuelles. Avez-vous d'autres recommandations, tout particulièrement après les propos d'Ellen Gabriel, à propos du fait d'avoir nulle part où aller, de ne pas se sentir en sécurité et d'avoir personne à qui parler?
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Bonjour à tous. Merci d'être venus et de nous faire part de votre témoignage. J'ai des questions et des commentaires pour chacun d'entre vous.
Je vais tout d'abord remercier Mme Saunders d'avoir raconté son histoire à propos d'une victime, dans sa famille, de violence et de toxicomanie. Ce n'est jamais facile à supporter, alors je vous suis reconnaissante que vous ayez accepté de vous ouvrir à ce sujet.
Ellen Gabriel, si je puis me permettre, merci également d'avoir montré autant de franchise et d'honnêté. Je vais commencer précisément par certaines de vos remarques pour lesquelles j'ai des questions. Vous avez parlé de l'importance de l'éducation et du dialogue et du besoin de... Les brochures ne sont que de belles paroles vides qui n'accomplissent rien. Vous avez également laissé entendre que, pendant des décennies, les femmes autochtones ont participé activement à la protection et à la promotion des droits de la personne et à ceux de leur famille et de leurs nations et que vous avez été également à la tête de changements positifs pour l'égalité et l'équité en ce qui concerne les droits de la personne des peuples autochtones.
Ma question est en deux parties. Quel serait, selon vous, le type de cadre idéal lorsqu'on parle de l'approche des droits de la personne? Je reconnais que vous avez besoin de plus d'exigences et pas seulement d'idées. C'est la première partie.
En second lieu, vous avez dit que la loi devrait être davantage axée sur les droits de la personne et pas seulement sur des paroles. Au lieu de nous concentrer sur les quotas et les calendriers, nous devrions nous concentrer davantage sur les cellules familiales, sur les langues et les territoires. Je crois personnellement que ça devrait être une combinaison des deux. Je ne crois pas qu'on puisse avoir l'un sans l'autre, alors pouvez-vous me répondre là‑dessus aussi?
Je vous remercie.
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J'aime bien votre façon de voir les choses. Il est effectivement impossible de faire cela en cinq minutes.
J'ai consulté certaines des lois sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies. Certaines parties déplaisent aux Autochtones.
On revient encore à l'imposition de la souveraineté du Canada et au refus du Canada de répudier la doctrine de la découverte, qui signifie que nous sommes un peuple autochtone au singulier. Notre droit à l'autodétermination est extrêmement important. Je suis tout à fait sincère quand je dis que nous devrions vous assimiler parce que l'éducation sur l'amour de la terre, l'importance que nous donnons à l'environnement et la façon dont nous discutons des choses d'une manière respectueuse sont quelques-uns des éléments essentiels d'un cadre dans lequel nous pouvons progresser et avancer.
Un cadre découlant de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est très simple: reconnaître les torts qui ont été causés par la colonisation et le racisme, ainsi que le génocide pour amener les personnes de tous les genres à s'asseoir à la table et leur permettre de contribuer en tant que personnes compétentes.
La loi, même avec l'élément des langues... Nous parlons de cadres de deux ans. Les personnes dont c'est la langue maternelle et qui pensent dans ces langues disparaissent. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre et de dire que nous allons examiner cette question dans deux ans pour voir où en est la Loi sur les langues autochtones.
Tout cela concerne toujours les besoins du Canada et non ceux des peuples autochtones, et cela ne concerna pas non plus l'examen des torts causés par la colonisation et par le projet de génocide. Il s'agit vraiment d'une question complexe.
Un des éléments clés qui doit voir le jour dans les plus brefs délais, c'est le mécanisme de reddition de comptes qui doit être mis en place — en particulier l'appel à la justice 1.7, c'est-à-dire l'ombudsman. À l'heure qu'il est, il n'existe aucun mécanisme de reddition de comptes permettant de mesurer les appels à la justice qui ont été suivis d'effet. Il nous faut également un cadre pour l'établissement de rapports en collaboration avec l'ombudsman.
Je peux voir, à l'heure actuelle, dans l'ensemble du pays, que peu d'actions, voire aucune, n'ont été prises par l'ensemble des provinces et territoires et également par les gouvernements fédéral et autochtones, en rapport à la mise en œuvre des 231 appels à la justice.
Cela dit, nous avons constaté une augmentation de la violence envers les femmes et les filles autochtones dans le contexte de la pandémie de COVID‑19. Les gouvernements ont démontré à quel point ils pouvaient faire preuve de souplesse dans le contexte de la pandémie de COVID‑19. Nous avons besoin qu'ils se montrent tout aussi souples quand il s'agit de protéger la vie des femmes et des filles autochtones et de la communauté bispirituelle, parce que des femmes, des filles et 25 autres personnes sont mortes à un rythme alarmant.
La partie essentielle, c'est le mécanisme de reddition de comptes. C'est vraiment ce dont nous avons besoin. Demander des comptes au gouvernement pour savoir où il en est et quels sont les appels à la justice qui ont été mis en œuvre.
Je voudrais remercier tous les témoins.
Ma première question s'adresse à Mme Saunders.
Je voudrais reprendre un peu ce que vous disiez de votre expérience. Nous parlons souvent du besoin d'avoir des femmes autochtones à la table pour qu'elles puissent se faire entendre, mais d'après votre expérience, le fait d'être à la table ne garantit pas que vous avez voix au chapitre ni que vous participez pleinement aux pourparlers. Les femmes se retrouvent souvent — dans votre cas et pour d'autres — victimes d'intimidations et quittent la table.
Comment faire en sorte que les femmes autochtones puissent être habilitées de façon à ce qu'elles se sentent protégées, à ce qu'elles aient un véritable pouvoir d'action et à ce qu'elles puissent participer pleinement si et quand elles décident de participer et d'être à la table?
Comment pouvons-nous y arriver, en tant que législateurs en particulier? Comment pouvons-nous assurer cette participation quand cela se fait parfois par l'entremise d'intervenants privés?
Je crois qu'il s'agit là de quelque chose que nous pouvons certainement recommander en tant que comité.
Je voudrais maintenant donner la parole à Mme Anderson-Pyrz à propos de certains points qu'elle a soulevés dans son témoignage.
Madame Anderson-Pyrz, vous avez parlé d'une approche axée sur les droits de la personne et sur ce qui se produit quand ces droits sont bafoués. Si j'ai bien compris, je crois qu'il y avait trois éléments en particulier. Il y a la reconnaissance des torts, puis l'aide aux survivants, et vous avez également dit qu'il fallait éviter que ces incidents se reproduisent.
Je vais me concentrer sur cet élément en particulier. Encore une fois, dans la perspective de ce que nous pouvons faire en tant que législateurs pour créer une structure principale dans ce but, comment éviter que ces choses se produisent en premier lieu?
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Je pense que cela se résume à des politiques et des textes législatifs qui prévoient des mécanismes de responsabilisation pour que les contrevenants, les entreprises et les gouvernements soient tenus pour responsables. Il s'agit également de faire participer les femmes et filles autochtones et les personnes bispirituelles aux discussions, de centrer leurs voix et de mettre en œuvre ce qu'elles entendent par prévention et sécurité. Il s'agit également d'assurer l'équité et l'égalité pour une participation significative à l'exploitation des ressources.
La pauvreté peut souvent conduire à la perpétuation de la violence. L'offre de possibilités en matière d'éducation, de logement, de garde d'enfants et d'emploi contribue dans une grande mesure à la prévention, car nous proposons des approches fondées sur la force pour soutenir les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones au sein des collectivités qui sont touchées par l'exploitation des ressources.
Je pense également qu'il faut mettre en place des mécanismes et des formations sur la prévention de la violence. Qu'est‑ce que la violence, qu'est‑ce que la traite de personnes, et qu'est‑ce que l'exploitation sexuelle? Je mentionne ces notions parce qu'il arrive que les gens ne comprennent pas les types de violence qui existent. C'est aussi l'occasion, même dans les écoles, dans un contexte d'exploitation des ressources, d'éduquer les adolescents et les jeunes enfants sur ce qu'est la violence et sur ce qu'est le conditionnement, la traite de personnes et l'exploitation sexuelle.
Nous devons vraiment nous concentrer sur l'éducation, mais aussi sur l'ancrage des femmes autochtones et des personnes bispirituelles dans ce qu'elles sont et dans leurs origines, et leur donner la possibilité de s'ancrer dans leur terre, leur culture et leur langue, car il s'agit vraiment d'approches fondées sur la force. Nous savons que l'extraction des ressources entraîne souvent la disparition de bon nombre de ces éléments.
Nous avons aussi besoin de possibilités de guérison parce que nous souffrons également de traumatismes intergénérationnels.
Nous avons besoin de beaucoup de choses. Ce ne sont là que quelques-unes des choses dont je peux vous parler maintenant, mais je pourrais parler pendant deux jours de ce à quoi la prévention peut ressembler.
Merci.
Je siège au National Family and Survivors Circle, un organisme de portée nationale, mais je viens également d'une communauté touchée par l'hydroélectricité. Je dirais qu'il n'y a pas assez de mesures qui ont été mises en place. C'est loin de suffire. C'est presque comme si les questions de genre étaient souvent reléguées au second plan lorsque des projets d'exploitation des ressources sont mis en œuvre. Elles doivent être au centre de l'attention. Comme je l'ai mentionné précédemment, ce sont souvent les personnes les plus touchées qui n'ont pas voix au chapitre.
J'ai vu beaucoup de cas difficiles, même dans mes activités de défense des droits, où vous faites pression sur les gouvernements, Manitoba Hydro et même d'autres industries qui participent à ces projets d'exploitation des ressources. Vous les rencontrez, et ils vous demandent de les rencontrer, mais ensuite, il n'y a jamais de mesures associées à ce que vous dites sur ce qui doit être fait en matière de prévention, de bien-être et de guérison lorsque des projets d'exploitation des ressources sont en cours dans nos communautés. Je dirais qu'il y a beaucoup de paroles en l'air et pas assez d'action.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame Saunders, je vous ai entendue dire que nous n'avions pas les ressources nécessaires.
Madame Anderson-Pyrz, vous avez parlé de la nécessité d'un ombudsman comme l'indique l'appel à la justice 1.7, et vous avez aussi souligné le manque d'action. Vous savez, trois ans se sont écoulés depuis l'enquête nationale. Il y a eu à cette fin, dans le budget, des fonds qui n'ont pas été dépensés. Il y a tout un tas d'excuses. Pendant ce temps, nous continuons de subir la violence la plus horrible, et selon cette étude, en particulier au sujet de l'extraction des ressources, il n'y a rien dans le budget pour traiter de cette question. C'est odieux de mon point de vue, surtout quand on entend les histoires rapportées dans cette étude. C'est comme s'il importe peu que nous soyons en vie ou pas.
Madame Anderson-Pyrz, vous avez réalisé une entrevue avec Amnistie internationale et vous avez parlé du lien entre l'exploitation des ressources et la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones. Vous avez noté que, « si des activités se déroulent sur nos territoires, il doit y avoir des mécanismes pour nous protéger de tous les types de violence ». Nous avons entendu Ellen Gabriel et Martina Saunders nous dire que ce n'est pas le cas. Vous avez dit que cela se produit « pour que d'autres puissent tirer des avantages économiques ».
Je vous cite à ce sujet parce que je trouve que depuis qu'ils ont été élus en 2019, ils semblent vouloir faire respecter nos droits lorsque cela convient à leurs intérêts politiques et économiques, puis ils les balaient du revers de la main lorsque ce n'est pas le cas, et ce sont les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones qui en font les frais.
Je voulais voir si vous étiez d'accord avec moi sur ce point et vous demander de nous faire part du type de mécanismes qui devraient être mis en place pour protéger les femmes autochtones, les personnes bispirituelles et les victimes de violence. À votre avis, quel est le problème? Pourquoi sont-ils assis sur tout cet argent alors que nous mourons dans les rues?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie, mesdames, d'être là cet après-midi.
C'est très intéressant de vous écouter, mais, en même temps, c'est lourd de vous entendre parler de toute cette violence et des circonstances auxquelles vous êtes confrontées.
Je suis une éternelle optimiste. C'est aussi la raison pour laquelle on est là aujourd'hui: on pense que les choses peuvent aller plus rondement et qu'elles peuvent s'améliorer.
Je disais lors d'un autre Comité, et vous l'avez évoqué aussi, il me semble que ce serait facile d'avancer, de rassembler autour d'une table la police pour qu'elle puisse aussi changer d'attitude, pour accompagner les femmes afin qu'elles puissent davantage dénoncer les agressions dont elles sont victimes; la communauté devrait être là aussi, pour qu'elle puisse également accompagner ces femmes, être proactive dans le fait de trouver des solutions, des pistes d'atterrissage; et l'entreprise devrait y être aussi afin de devenir une bonne entreprise citoyenne.
Je suis une ancienne ministre du Travail. J'ai vu à mettre en place une obligation pour les entreprises de se doter d'une politique contre le harcèlement psychologique et sexuel. Je connais l'importance de cela ainsi que l'importance de permettre aux femmes de s'exprimer et de pouvoir travailler dans un milieu sécuritaire. Avant d'arriver à cela, il faut reconnaître les problèmes, il faut reconnaître la situation. C'est cela, je pense, qui va permettre de se mobiliser. En effet, il faut mobiliser ces personnes. Vous parlez d'aller chercher des sous, et il faut plus de ressources.
Madame Saunders, je vous ai bien entendue. Mesdames, je vous ai toutes entendues, mais le fait d'avoir de l'argent sur la table va-t-il mobiliser les gens? Cela va-t-il les faire travailler ensemble? Va-t-on changer les mentalités, les cultures, les façons de faire? Va-t-on permettre aux femmes de faire de la dénonciation? Va-t-on les convaincre d'en faire davantage? Ce ne sont pas des questions, ce sont des commentaires.
Je crois qu'il ne faut pas mettre en opposition les différents acteurs sur le terrain. Il faut chercher des points de convergence communs pour chacun et chacune sur ces territoires.
Je vous fais part de ma réflexion, qui est un peu une interrogation. Il me semble que ce serait simple d'asseoir tout le monde autour d'une table, de dire qu'on change la façon de faire les choses.
Qu'en pensez-vous? Suis-je jovialiste?
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier nos témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui pour répondre à nos questions, ainsi que de leurs excellents témoignages.
Ma première question porte sur la sécurité des communautés autochtones, des femmes et des filles. Elle s'adresse à Mme Anderson‑Pyrz.
Je sais que le budget de 2021 prévoyait beaucoup d'argent — des millions de dollars — pour soutenir des services de police et de sécurité communautaire adaptés à la culture des communautés autochtones. Je sais que ce financement devait s'étaler sur cinq ans. Il y avait 861 millions de dollars sur cinq ans.
Je me demande si vous pouvez me dire ce que vous avez pu tirer de ce financement au cours des deux dernières années. Si vous n'en avez rien tiré, alors je vais regarder moi-même où il est allé. Je sais que l'argent était prévu à compter de 2021 et qu'il était réparti sur cinq ans. Pourriez-vous nous dire ce qui en a été fait, à votre avis?
Nous avons vu ce qui s'est malheureusement passé avec les pensionnats autochtones, lorsque cela a été mis en lumière. La découverte de tombes non marquées a fait la une des journaux et cette nouvelle a touché les écoles de tout le Canada. De nombreux élèves de ma circonscription m'ont écrit, parce que leurs professeurs leur avaient demandé d'écrire à leur député.
C'était magnifique, vraiment, de voir à quel point ils étaient passionnés. Ils étaient en colère contre moi, parce qu'ils me voient évidemment comme une politicienne et comme leur représentante, et ils étaient bouleversés, pensant que c'était ma faute et que je devais faire mieux. C'étaient des élèves du primaire, et leurs lettres exprimaient une si grande passion. C'était beau à lire, et j'en ai été vraiment heureuse.
J'aimerais savoir le rôle que l'éducation pourrait jouer pour ouvrir les yeux de nos jeunes, selon nos témoins. Il est évident qu'il y a un mouvement des populations plus jeunes. C'est ce que je constate. Un grand nombre des personnes qui m'écrivent au sujet des questions autochtones sont des jeunes de ma circonscription. Même si ma circonscription n'a pas une population autochtone importante, ce sont toujours des questions sur lesquelles beaucoup de jeunes m'écrivent. Que pouvez-vous me dire à ce sujet?
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Je pense que l'une des choses auxquelles nous devons nous attaquer, c'est l'éléphant dans la pièce, à savoir les gouvernements corrompus, les organismes corrompus qui viennent dans nos communautés et menacent la sécurité et le bien-être de nos concitoyens. Nous devons mettre en œuvre le consentement libre, préalable et éclairé.
J'ai toujours dit qu'une société traditionnelle de guerriers dans nos communautés ne doit pas faire appel à la police mais à des gens comme nous. Nous avions une équipe d'intervention d'urgence, une EIU, qui nous protégeait durant la pandémie, qui empêchait les gens qui ne sont pas de la communauté d'y entrer. Je ne veux pas que la situation soit aussi grave, mais il faut comprendre que nous sommes des êtres humains et que, en tant que groupe le plus marginalisé de la société, nous avons besoin d'une protection supplémentaire. Cela signifie que nous devons nous asseoir et en discuter, et changer la mentalité de la société dans son attitude envers les femmes autochtones, afin que nous puissions être en sécurité lorsque nous nous promenons dans nos communautés et que nous puissions être en sécurité sur nos terres, même si c'est dans les parcs.
Nous sommes en 2022. Je fais cela depuis 32 ans. Je me sens plus vulnérable maintenant qu'il y a 32 ans durant la crise qui a sévi dans ma communauté — et cela en dit long — juste parce qu'on a laissé le crime organisé proliférer et s'infiltrer dans notre communauté à cause de la Loi sur les Indiens et du manque de sensibilisation et de volonté politique pour régler le différend territorial vieux de 300 ans dans ma communauté. C'est une question compliquée et une réponse compliquée.
Ma dernière question s'adresse à Ellen Gabriel.
Vous avez parlé d'être humains, et je ne peux m'empêcher de penser à la Loi sur les Indiens, qui définissait une personne, un être humain, comme tout individu autre qu'un Indien. Je pense que les femmes et les filles autochtones et les personnes bispirituelles ont encore du mal à se faire reconnaître comme des êtres humains.
En ce qui concerne la misogynie et le patriarcat dans les décisions qui sont prises, vous avez parlé de la décharge terrestre, de la décharge de déchets toxiques, dans votre communauté. Souvent, ces décisions sont prises sans tenir compte de l'opinion des femmes autochtones et des personnes bispirituelles. C'est ainsi.
La question que j'ai pour vous est la suivante. Quand les gouvernements vont dans les communautés et concluent des accords, à qui devraient-ils s'adresser en tant qu'organisme décisionnel? Devraient-ils s'adresser seulement aux chefs et aux conseils ou doivent-ils vraiment comprendre ce qu'est le consentement préalable, libre et éclairé et mener des consultations adéquates avec la communauté, en particulier avec les femmes et les filles autochtones et les personnes bispirituelles?
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C'est une bonne question. Je pense que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause devrait être le processus initial.
Nous, en tant que peuple haudenosaunee, avons toujours dit que le conseil de bande est un prestataire de services et qu'il n'a pas le droit de négocier sur les terres. Toute négociation sur les terres devrait être soumise au peuple traditionnel Haudenosaunee, un gouvernement qui existait avant l'arrivée des Européens. En vertu de la Grande loi de la paix de la Confédération iroquoise, connue sous le nom de Gayanashagowa, les femmes autochtones sont les titulaires du titre des terres, et je sais que dans d'autres communautés, il y a des constitutions semblables.
Nous avons une approche fondée sur des droits de la personne en vertu de nos lois traditionnelles, et continuer d'évoluer vers de nouvelles formes de colonialisme n'est pas la solution. Nous pourrions au moins respecter les principes de base du consentement libre, préalable et éclairé en organisant des consultations, de vraies consultations, et non pas nous contenter de parler dans une salle vide ou de téléphoner au conseil de bande pour lui demander s'il donne ou non son autorisation. Ils doivent également être tenus responsables, en tant qu'autre ordre de gouvernement.
En vertu de la Loi sur les Indiens, ils ne sont pas responsables, ce qui crée une mentalité de « diviser pour régner » et des moyens coercitifs pour les promoteurs d'obtenir ce qu'ils veulent. Cela nous rend plus vulnérables en tant que femmes autochtones. C'est un manque de respect pour l'autorité et les rôles traditionnels que jouent les femmes autochtones.
Les femmes autochtones doivent absolument être présentes à la table de consultations, quelles qu'elles soient, mais aussi dans le processus de consentement libre, préalable et éclairé. Merci.
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Je suis tout à fait d'accord, surtout étant donné que je suis sur le point de m'excuser pour dire que je dois tous vous interrompre.
Vous avez été un groupe de témoins incroyables. Au nom de tous les membres du comité de la condition féminine, j'aimerais remercier Mmes Saunders, Gabriel et Anderson-Pyrz.
Merci beaucoup d'avoir pris part à cette étude.
Je vais rappeler à tous que nous allons maintenant passer à huis clos. Pour tous ceux qui sont sur Zoom, il y a un lien supplémentaire qui vous a été envoyé pour cette réunion. Je vous demanderais de vous déconnecter de ce lien et de vous connecter immédiatement à l'autre lien. Cela prendra quelques secondes pour faire la transition, si bien que nous allons suspendre la séance jusqu'à ce que nous soyons tous de retour.
Au nom du Comité, merci beaucoup.
La séance est suspendue. Nous vous reverrons dans quelques minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]