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Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à cette 33e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. En vertu du paragraphe 108(2) du Règlement et de la motion adoptée le mardi 1er février, le Comité reprend son étude sur la santé mentale des jeunes femmes et des filles.
La réunion d'aujourd'hui se tient selon le format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres y participent en personne, dans la salle, et à distance, à l'aide de l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques commentaires pour le bien des témoins et des membres.
Veuillez s'il vous plaît attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer, et le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole. Les participants qui utilisent l'application Zoom ont accès à l'interprétation et ont le choix, au bas de leur écran, entre le son du parquet, l'anglais et le français. Les participants qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser leur oreillette et choisir la langue de leur choix.
Je demande aux membres du Comité qui se trouvent dans la salle de bien vouloir lever la main lorsqu'ils souhaitent prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par Zoom peuvent utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi allons gérer l'ordre des interventions du mieux que nous le pouvons; nous vous remercions pour votre patience.
Nous en sommes déjà à mi‑chemin dans notre étude sur la santé mentale des jeunes femmes et des filles. Nous avions préalablement convenu que la quatrième étude du Comité porterait sur la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre à des fins d'exploitation sexuelle au Canada. Nous demandons à tous les membres de nous transmettre une liste de témoins potentiels, classés en ordre de priorité d'ici le vendredi 28 octobre. Je vois que vous faites signe de la tête; il semble que tout le monde soit au courant.
Je vous rappelle que nous entendrons des témoins aujourd'hui, et j'aimerais faire une mise en garde à ce sujet: l'étude sera difficile. Nous allons traiter d'expériences en santé mentale, qui pourraient être des éléments déclencheurs pour certains téléspectateurs, députés ou membres du Comité qui ont vécu des expériences similaires. Si vous êtes en détresse, veuillez en aviser la greffière.
Nous accueillons donc Abrar Mechmechia, des Services de traumatologie et de santé mentale ABRAR.
Allez‑y.
Nous recevons également la professeure Tracie O. Afifi, qui témoigne à titre personnel; Jennifer Coelho, qui est psychologue au Programme provincial spécialisé en troubles de l'alimentation du BC Children’s Hospital; et Sarah Kennell, qui est directrice nationale des politiques publiques à l'Association canadienne pour la santé mentale-National. De plus, nous recevons les représentants de la Commission de la santé mentale du Canada: le président, Michel Rodrigue; la directrice en matière de politique, Mary Bartram; et la directrice générale d'Eating Disorders Nova Scotia, Shaleen Jones.
Chaque groupe disposera de cinq minutes. Si plus d'un représentant souhaite prendre la parole, vous devrez diviser votre intervention. Nous allons d'abord entendre Mme Abrar Mechmechia.
Madame Mechmechia, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
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Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Abrar Mechmechia. Je suis une conseillère en santé mentale canado-syrienne spécialisée en traumatologie, et j'exerce mon métier depuis 2014. J'ai travaillé en Syrie et au Canada. À l'heure actuelle, je suis la directrice générale d'une organisation dont la mission est d'offrir du soutien abordable en matière de traumatologie et de santé mentale fondé sur les arts, dans le respect de la culture, pour les nouveaux arrivants et les immigrants. Nos services sont offerts par des professionnels qui ont une expérience vécue et par des intervenants qui parlent la langue maternelle de nos clients. Nous aidons surtout les femmes et les jeunes.
Je vous parle aujourd'hui de mon expérience professionnelle et personnelle, en tant que jeune femme qui doit composer avec divers traumatismes tout en tentant de gagner sa vie et de bâtir son avenir sans grand soutien. Je ne suis pas la seule dans cette situation.
Comme il est indiqué dans notre rapport intitulé Ensemble sur la voie du rétablissement, pendant la pandémie, mon équipe a mené une campagne visant à comprendre les obstacles qui empêchent les jeunes marginalisés d'avoir accès au soutien et aux services en santé mentale dont ils ont besoin. Nous avons entrepris une recherche visant à déterminer l'impact de la COVID sur les jeunes, surtout ceux qui appartiennent aux communautés sous-représentées. La majorité des 308 participants à la recherche étaient des femmes.
Notre recherche a montré que le principal obstacle qui empêchait les jeunes d'avoir accès au soutien en santé mentale était l'inaccessibilité. Bon nombre d'entre eux ne savaient pas où aller pour obtenir du soutien à long terme. Même lorsqu'ils savaient à quelle porte frapper, ils étaient découragés par les temps d'attente déraisonnables, ce qui se rapporte à l'inaccessibilité géographique et surtout financière des services. Ceux qui avaient réussi à y accéder jugeaient souvent que les services offerts étaient d'ordre générique. Ils n'avaient pas le sentiment d'être compris. Ils avaient l'impression que les fournisseurs de soins n'avaient pas les compétences culturelles requises pour les aider, et qu'ils n'arrivaient pas à comprendre leur identité de genre, leur expérience, les traumatismes qu'ils portaient et le contexte dans lequel ils vivaient.
Dans le cadre d'une conversation que j'ai eue avec une jeune fille, elle m'a dit que sa thérapeute lui avait suggéré de se détendre un peu si elle voulait s'intégrer et se sentir incluse. Elle faisait référence à son hijab et à son habillement. C'était très déchirant de voir une si jeune femme — de 17 ou 18 ans — faire face à ce type de discrimination dans le secteur de la santé.
Les femmes — particulièrement les immigrantes — subissent la discrimination et le racisme de façon disproportionnée au quotidien. Ainsi, elles sont plus susceptibles de souffrir d'anxiété, de dépression, d'une mauvaise estime de soi, de problèmes d'image corporelle, d'isolement et de la pression de devoir s'intégrer, tout cela en plus des divers traumatismes qu'elles ont subis. Or, très peu de services s'offrent à elles.
Ces constatations ont orienté notre vision en vue d'offrir aux populations marginalisées — surtout les femmes et les filles nouvellement arrivées ou immigrantes — des services qui respectent la culture et tiennent compte des traumatismes. Au cours des deux dernières années, en plus de notre campagne In This Together, nous avons lancé trois projets qui se centraient sur les interventions rapides fondées sur les besoins des nouvelles arrivantes et des immigrantes.
Par exemple, nous avons créé le groupe de soutien Brave Space pour appuyer les femmes musulmanes après l'attaque islamophobe qui s'est produite à London, en Ontario. L'objectif du projet était d'aider les femmes qui se sentaient menacées après les événements. Nous avons mis à l'essai le projet à Hamilton, en Ontario, avec l'appui d'organismes communautaires comme le HCCI et SACHA, de même qu'avec l'appui de la conseillère municipale Nrinder Nann. Nous espérons lancer à nouveau le projet avec un certain soutien.
Nous avons aussi mis sur pied notre premier groupe de soutien virtuel, Friends & Coffee, en partenariat avec la Syrian Canadian Foundation, qui a offert 12 séances aux femmes arabophones au cours des premiers mois de la pandémie.
Enfin, nous avons lancé ce mois‑ci le projet Dil Ba Dil, avec l'appui de nombreuses femmes, de la Commission de la santé mentale du Canada — dont les représentants sont présents ici aujourd'hui; merci beaucoup — et de la Future Ready Initiative.
Je crois que je n'ai presque plus de temps.
Ce que nous souhaitons, c'est que les femmes et les jeunes filles marginalisées — surtout les nouvelles arrivantes et les immigrantes qui ont vécu de nombreux traumatismes et doivent encore faire face à la discrimination aujourd'hui — aient accès à des services d'aide en santé mentale qui soient gratuits, qui tiennent compte des traumatismes et qui soient culturellement adaptés. Le Canada est un pays d'immigrants, et nous n'avons pas suffisamment de services qui comprennent les traumatismes associés à la migration et la marginalisation dont ils sont victimes.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire entendre les nombreuses voix dont je suis la porte-parole. C'est une lourde responsabilité.
Merci de m'avoir écoutée.
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Je m'appelle Tracie Afifi et suis professeure à l'Université du Manitoba en sciences de la santé communautaire de même qu'en psychiatrie. J'occupe également une chaire de recherche du Canada de niveau 1.
Nous savons que les troubles de santé mentale sont courants chez les femmes et les filles au Canada. Quand quelqu'un commence à éprouver des problèmes de santé mentale, cela peut grandement réduire son mieux-être et sa qualité de vie. Les problèmes de santé mentale peuvent durer toute une vie en plus d'entraîner un fardeau important pour la société. Au fil du temps, les problèmes de santé mentale peuvent s'aggraver et mener à des troubles mentaux, à des problèmes de toxicomanie, à des pensées suicidaires et à une tentative de suicide. Les troubles mentaux peuvent être difficiles à traiter et les temps d'attente pour obtenir un traitement peuvent être longs. Globalement, l'accès aux soins en santé mentale au Canada est limité et souvent inéquitable.
Si nous voulons faire des gains substantiels en santé mentale chez les femmes et les filles au pays, nous devons axer nos efforts sur la prévention et la compréhension du rôle que joue la violence dans notre piètre santé mentale. Il est crucial de prévenir la violence pour améliorer la santé mentale chez les femmes et les filles au Canada.
Certains enfants sont exposés pour la première fois à la violence à la maison. Nous n'avons pas de données fiables au pays sur le nombre de parents qui frappent leurs enfants ou leur donnent la fessée. Toutefois, nous savons que frapper les enfants est une forme de punition physique courante. Nous savons également que des preuves concluantes, qui couvrent des décennies de même que des milliers d'études, montrent que la fessée donne de piètres résultats, y compris des troubles mentaux, des problèmes de toxicomanie, de même que des pensées suicidaires et des tentatives de suicide durant l'enfance et le reste de la vie. Les enfants qui reçoivent la fessée sont aussi plus susceptibles de connaître de grandes violences physiques, sexuelles et émotionnelles, en plus d'être exposés à de la violence conjugale.
Notre équipe a analysé des données tirées d'échantillons représentatifs d'adultes canadiens qui ont fait part rétrospectivement de leurs expériences durant l'enfance. Nous avons constaté que, chez les femmes, 21 % avaient connu de la violence physique, 14 % avaient connu de la violence sexuelle et 9 % avaient été exposées à de la violence conjugale. Globalement, 30 % des femmes au Canada ont connu de la violence physique, de la violence sexuelle ou ont été exposées à de la violence conjugale.
On a relevé des différences entre les sexes, les femmes étant moins susceptibles de subir de la violence physique que les hommes, mais plus susceptibles de subir de la violence sexuelle et d'être exposées à de la violence conjugale. La violence fondée sur le genre est un aspect important à prendre en compte quand on veut comprendre la santé mentale des femmes et des filles.
Nous avons analysé plus à fond les données et constaté que les personnes qui ont vécu de la violence physique ou de la violence sexuelle et qui sont exposées à de la violence conjugale sont plus susceptibles d'être atteintes de dépression, de bipolarité, d'anxiété généralisée, d'un trouble obsessionnel compulsif, d'un trouble panique, de névrose traumatique, de phobies, d'un trouble du déficit de l'attention, d'un trouble de l'alimentation, de consommation excessive d'alcool et de dépendance ou de consommation abusive de drogues et de dépendance, en plus d'avoir des pensées suicidaires et de faire une tentative de suicide.
Il est important de noter que d'autres recherches montrent que les personnes qui vivent de la violence pendant l'enfance sont aussi plus susceptibles de vivre des relations où il y a de la violence conjugale à l'adolescence et au cours de leur vie adulte. Dans certains cas, la violence peut s'étendre sur des générations, les enfants qui en sont victimes reproduisant à l'âge adulte le même modèle avec leurs enfants.
Nous savons que la violence n'est pas la seule cause des troubles mentaux. La génétique, l'environnement et d'autres expériences sont des facteurs importants des troubles mentaux. Toutefois, notre équipe de recherche a postulé que l'adversité vécue à l'enfance joue un rôle important quand on veut établir qui est plus susceptible d'être atteint d'un trouble mental.
Afin de tester cette hypothèse, notre équipe s'est appuyée sur des données américaines et a créé des modèles statistiques conçus pour estimer la proportion des troubles mentaux et des comportements suicidaires au sein de la population en général qui pourrait être attribuée à la violence vécue à l'enfance. Autrement dit, la modélisation statistique a permis d'estimer à quel point l'importance des troubles mentaux et des comportements suicidaires pouvait être réduite dans la population en général s'il n'y avait pas de violence faite aux enfants.
Nous avons constaté que, s'il était possible d'éliminer la violence physique et sexuelle et l'exposition à la violence conjugale, les troubles mentaux chez les femmes pourraient être réduits de 22 à 32 % environ au sein de la population générale. Les pensées suicidaires pourraient être réduites de 16 % environ chez les femmes, tandis que les tentatives de suicide chez les femmes pourraient être réduites de 50 % environ au sein de la population générale. Même si nous ne pouvions pas prévenir toute la violence faite aux enfants, des gains à cet égard pourraient probablement correspondre à des baisses marquées des troubles mentaux au Canada au fil du temps.
Évidemment, nous ne pouvons pas nous concentrer seulement sur la prévention. Nous devons également investir dans les traitements fondés sur des données probantes pour les troubles mentaux, les problèmes de toxicomanie et les pensées suicidaires et tentatives de suicide. Nous devons réduire les temps d'attente pour les soins et fournir un meilleur accès aux traitements à tous les Canadiens. Ce qu'il faut, c'est une approche améliorée et ciblée qui allie intervention et prévention.
Si nous voulons des améliorations importantes en santé mentale, nous devons œuvrer à la réduction de tous les types de violence faite aux enfants, y compris la fessée. Il est difficile, mais possible de prévenir la violence faite aux enfants, ce qui est crucial pour de meilleurs résultats en santé mentale chez les femmes et les filles au Canada.
Merci.
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Je vous remercie énormément, madame la présidente, ainsi que les membres du Comité, pour votre invitation.
Je vous parle de Vancouver, qui est un territoire traditionnel non cédé des Premières Nations de Musqueam, des Squamish et des Tsleil-Waututh. Je représente en outre le Programme provincial spécialisé en troubles de l'alimentation du BC Children's Hospital et suis la présidente élue de l'Association des troubles alimentaires du Canada.
En 2014, le Comité permanent de la condition féminine publiait un rapport sur les troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes au Canada, dans lequel on affirme que les services de traitement des troubles de l'alimentation sont en crise. La pandémie a vraiment exacerbé la crise et provoqué la pire des conjonctures, ce qui a mené à une augmentation des diagnostics de troubles de l'alimentation partout au pays, mais aussi partout ailleurs dans le monde.
Nous savons que des facteurs biologiques et génétiques interagissent avec des difficultés psychosociales dans le développement des troubles de l'alimentation. On estime que la montée des troubles de l'alimentation est en partie due aux difficultés psychosociales dans le contexte de la pandémie, y compris les perturbations de la routine quotidienne, la réduction des occasions de faire de l'activité physique et l'utilisation accrue des médias sociaux.
Quant aux détails de cette montée, un rapport publié par l'Institut canadien d'information sur la santé précise que l'hospitalisation des jeunes filles et femmes âgées de 10 à 17 ans qui ont des troubles de l'alimentation a augmenté de près de 60 % pendant la pandémie. Les données tirées de divers programmes canadiens sur les troubles de l'alimentation indiquent des augmentations semblables, voire supérieures.
Bien que l'étude porte actuellement sur la santé mentale chez les filles et les femmes, je tiens à souligner que les troubles de l'alimentation sont diagnostiqués chez les personnes de tous les genres, de toutes les races et de tous les groupes ethniques, peu importe leur morphologie et leur poids, ainsi que leurs antécédents socioéconomiques. Les troubles de l'alimentation constituent une crise sanitaire qui peut être fatale et qui, en fait, présente l'un des taux de mortalité les plus élevés parmi tous les diagnostics en santé mentale. Une intervention est donc absolument cruciale si nous voulons prévenir des conséquences fatales.
Les gens qui ont un trouble de l'alimentation rencontrent beaucoup d'obstacles quand ils veulent accéder à des services. Ces obstacles peuvent comprendre les critères d'exclusion applicables à l'aiguillage ou les difficultés à trouver des professionnels de la santé qui offrent les services correspondant à certains diagnostics de trouble de l'alimentation. Par exemple, les services pour le trouble de restriction/évitement de l'ingestion d'aliments, un diagnostic récemment reconnu de trouble de l'alimentation, varient selon l'endroit où la personne vit et sont habituellement axés sur les services pédiatriques. Les personnes atteintes de ce trouble peuvent être dans divers établissements de santé mentale hors du réseau des services spécialisés en troubles de l'alimentation. Les recherches de notre groupe montrent que les professionnels de la santé, surtout ceux qui ne se spécialisent pas dans les troubles de l'alimentation, disent être très peu confiants dans l'offre de soins cliniques aux personnes atteintes du trouble de restriction/évitement de l'ingestion d'aliments.
Dans notre quête d'une voie à suivre, nous pouvons observer le travail de nos collègues étrangers qui ont conçu des modèles de service novateurs adaptables à notre réalité. Par exemple, l'Australie a fondé un institut national de recherche, de transposition et d'excellence clinique en matière de troubles de l'alimentation. En 2021, cet organe a publié une stratégie nationale de recherche et de transposition relative aux troubles de l'alimentation. Je vous dirais que l'élaboration de telles ressources nationales a favorisé des modèles de service novateurs, y compris des modèles axés sur l'intervention précoce.
Dans la même veine, au Royaume-Uni, il y a une nouvelle intervention appelée le modèle d'intervention précoce pour premier épisode de trouble de l'alimentation, ou FREED, qui met l'accent sur l'intervention rapide auprès des cas aiguillés en s'appuyant sur des éléments de référence pour la prestation des services, y compris un triage téléphonique dans les 48 heures de l'aiguillage et une évaluation moins de deux semaines après celui‑ci.
Puisque le Comité se penche sur la voie à suivre, j'aimerais souligner l'existence de la Stratégie canadienne en matière de troubles de l'alimentation, publiée en 2019. Il s'agit d'une stratégie de 10 ans fournissant 50 recommandations qui visent à améliorer les résultats pour les personnes qui vivent avec un trouble de l'alimentation. Ces recommandations sont toujours pertinentes aujourd'hui. Elles ont été élaborées en collaboration avec les quatre organismes nationaux voués aux troubles de l'alimentation et d'après la rétroaction des intervenants.
Merci énormément.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Distingués collègues, bonjour.
L'Association canadienne pour la santé mentale, ou ACSM, est l'organisme communautaire du secteur de la santé mentale le plus vaste et le mieux établi au Canada. Elle œuvre à la défense des droits et offre des programmes et des ressources qui contribuent à prévenir les problèmes de santé mentale et les maladies mentales, en plus de soutenir le rétablissement. Présente dans 330 collectivités à l'échelle des provinces et du Yukon, l'ACSM peut compter sur 11 000 bénévoles et emploie plus de 7 000 personnes.
L'âge et le genre sont des déterminants majeurs dans l'accès aux ressources en santé mentale. Selon Recherche en santé mentale Canada, les femmes de moins de 25 ans sont surreprésentées chez les personnes qui vivent de l'anxiété, du stress ou une dépression, en plus d'être moins susceptibles de demander de l'aide en santé mentale, affirmant ne pas pouvoir payer pour des services ou ne pas avoir une assurance leur permettant de surmonter cet obstacle.
Au cours de la dernière décennie, le taux de suicide chez les femmes a dépassé celui chez les hommes pour la fourchette des 10 à 14 ans. Les filles sont six fois plus susceptibles que les garçons de développer un trouble d'anxiété généralisée, et il y a une hausse marquée d'épisodes de dépression grave chez les filles de plus de 13 ans comparativement aux garçons.
Les iniquités structurelles de notre système de santé mentale viennent exacerber ces iniquités fondées sur le genre. Le système de santé universel canadien n'est pas du tout universel. Pour que les services soient couverts, ils doivent être jugés médicalement nécessaires au titre de la Loi canadienne sur la santé. La santé mentale et les services de santé liés à la consommation de substances offerts à l'extérieur des hôpitaux et par les médecins ne sont pas jugés médicalement nécessaires, ce qui signifie que les services comme le counseling, la psychothérapie et les traitements pour la consommation de substances, par exemple, sont exclus de notre système de santé public, obligeant les personnes à se rabattre sur des prestations d'assurance limitées ou à payer de leur poche les soins dont ils ont besoin.
Beaucoup se tournent vers les organismes sans but lucratif pour accéder à ces services. Les longues listes d'attente, les obstacles géographiques, les problèmes d'orientation dans le système, les coûts prohibitifs des soins et le manque d'accès à du soutien communautaire interagissent et s'amplifient, tout comme le genre et le groupe d'âge.
D'après des conversations que nous avons eues avec de jeunes femmes qui savent ce que c'est que de vivre avec une maladie mentale, ainsi qu'avec des fournisseurs de soins de santé en première ligne qui leur apportent du soutien, nous savons que les jeunes femmes et filles éprouvent des difficultés particulières à s'orienter dans le système. Elles peuvent ressentir de l'impuissance, un manque d'intervention, et le rétablissement dépend du temps et des revenus dont on dispose. Pour ce qui est de leurs interactions avec le système des soins intensifs de courte durée en tant que jeunes femmes, elles disent devoir être en crise ou assez gravement malades pour obtenir les soins dont elles ont besoin, et qu'elles doivent se débrouiller pour s'orienter dans le système, sans accéder au moindre soutien communautaire une fois qu'elles obtiennent leur congé.
Les jeux de pouvoir ancrés dans le patriarcat perpétuent des stéréotypes néfastes en matière de genre, stéréotypes dont le système de soins en santé mentale est imprégné. Quand elles tentent d'obtenir de l'aide en santé mentale, les jeunes femmes peuvent être vues comme « mélodramatiques », ce qui les empêche d'accéder à des soins. Une femme a mentionné la façon genrée dont les médecins peuvent porter jugement et exercer des pressions pour que l'on suive les plans de traitement, précisant qu'ils privilégient la médication plutôt que des traitements thérapeutiques, et ce, malgré les préoccupations soulevées quant aux risques associés à ce genre de médicaments, y compris les idées de suicide. En ce qui a trait plus particulièrement aux traitements pour les troubles de l'alimentation, nous avons entendu parler de traitements interrompus si les jeunes femmes ne respectent pas les règles ou si elles n'atteignent pas les objectifs du traitement.
Au sujet du suicide chez les jeunes femmes et la stigmatisation fondée sur le genre, les recherches montrent qu'elles « cherchent à attirer l'attention » ou qu'elles sont « manipulatrices », et qu'elles ne sont pas prises au sérieux. Les réactions actuelles à la suicidalité, faute de créer un milieu qui les soutient afin de vraiment répondre aux besoins des jeunes femmes quand elles demandent de l'aide, les laissent souvent tomber.
Les initiatives en amont de promotion de la santé mentale offertes par des organismes communautaires, par exemple l'apprentissage social et émotionnel, les connaissances en matière de santé mentale et une éducation sexuelle complète, mènent à des relations plus saines, à une réduction de l'intimidation et à une estime de soi améliorée en remédiant à la masculinité toxique et aux stéréotypes néfastes en matière de genre. Ces programmes sont vitaux pour les plus vulnérables de nos collectivités et les rendements du capital qui y est investi sont excellents. L'établissement de liens, une aide intégrée, du suivi et des soins adéquats en fonction du genre et de l'âge sont tout aussi importants.
L'offre actuelle de tels programmes ne peut pas répondre à la demande croissante, mais le gouvernement fédéral peut agir. Il pourrait en effet établir le Transfert canadien en matière de santé mentale qu'il a promis, ce qui est fondamental. L'ACSM demande l'équivalent de 12 % des dépenses provinciales et territoriales en santé, soit 5,3 milliards de dollars chaque année, la moitié de cette somme étant affectée aux services communautaires, ainsi qu'une loi canadienne sur la santé mentale et la santé liée à la consommation de substances afin d'assurer la permanence de ce transfert et la reddition de comptes connexe.
Adopter une approche intersectionnelle fondée sur le genre en santé mentale nous aide à mieux comprendre les besoins différents des femmes, des filles, des femmes trans et des personnes non binaires, ainsi que la meilleure façon d'y répondre. S'ils ne sont pas traités, les problèmes en santé mentale vécus à un jeune âge peuvent entraîner de graves problèmes ultérieurement, à l'âge adulte.
En tant que pays, nous avons négligé d'investir dans la santé mentale et la santé liée à la consommation de substances, et cela paraît. L'ACSM espère obtenir le soutien de ce comité pour faire de la santé mentale une priorité dès maintenant.
Merci.
:
Je vous remercie encore du temps que vous consacrez à ce dossier critique. Je suis honoré de pouvoir comparaître devant vous pour discuter d'un sujet si important, soit la santé mentale des jeunes femmes et des filles.
La Commission de la santé mentale du Canada est responsable de la conception et de la diffusion de programmes et d'outils novateurs qui favorisent la santé mentale et le bien-être de la population au Canada.
[Traduction]
En ce qui a trait à l'étude de votre comité, les chercheurs de la Commission ont relevé un paradoxe des genres, puisque les hommes sont plus susceptibles de mourir par suicide, mais les femmes sont quant à elles plus susceptibles de tenter de se suicider. Pour nous, c'est une excellente occasion de soutenir les femmes et les filles dès leur jeune âge afin qu'elles disposent des outils nécessaires à leur bien-être mental durant toute leur vie.
En 2023, la Commission entamera des efforts de prévention du suicide auprès des femmes et des hommes. Nous serions heureux de revenir devant ce comité pour lui transmettre certaines de nos conclusions.
Je suis tellement heureux de voir un représentant des Services de traumatologie et de santé mentale ABRAR ici aujourd'hui. La Commission de la santé mentale du Canada a eu le plaisir de collaborer récemment avec eux dans le cadre de Dil Ba Dil, un programme pour les nouvelles arrivantes afghanes.
Je cède maintenant la parole à ma collègue, Mary Bartram. Il y a également Shaleen Jones, en ligne, qui fait partie du groupe couloir de la Commission. Ce groupe est composé de personnes qui ont été ou sont aux prises avec une maladie mentale. Elle est aussi directrice générale d'Eating Disorders Nova Scotia.
Je vous en prie, madame Bartram.
:
Merci, monsieur Rodrigue.
Bonjour, tout le monde.
[Traduction]
Je suis heureuse d'être ici pour vous fournir des renseignements complémentaires sur les recherches et les programmes de la Commission de la santé mentale du Canada.
Les résultats du sondage que nous avons effectué avec le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances durant la COVID sont très clairs et préoccupants. Les préoccupations relatives à la santé mentale et à la consommation de substances étaient plus prononcées chez les jeunes en général et différaient considérablement en fonction du genre. Nous déposerons bientôt un rapport plus détaillé, mais voici quelques points saillants.
La moitié des jeunes femmes âgées de 16 à 24 ans et un tiers des jeunes hommes appartenant à la même tranche d'âge ont signalé des symptômes d'anxiété modérés ou graves. Encore une fois, il s'agit de la moitié des jeunes femmes et d'un tiers des jeunes hommes sur la durée de la pandémie.
En ce qui concerne la santé et la consommation de substances, deux jeunes femmes sur cinq et trois jeunes hommes sur cinq qui consomment du cannabis ont déclaré que leur consommation était problématique. Ces effets sont aggravés chez les jeunes qui s'identifient comme membres de la communauté 2SLGBTQ+, qui déclarent avoir de faibles revenus et qui sont issus de communautés ethnoracisées.
La Commission de la santé mentale du Canada élabore une optique pour les politiques et les programmes de santé mentale qui intègre le sexe et le genre ainsi que l'intersectionnalité, la lutte contre le racisme et la décolonisation, pour ne citer que quelques exemples. Encore une fois, nous serions heureux de revenir pour communiquer plus de renseignements au Comité à mesure que ces travaux avancent, car ils pourraient l'intéresser.
Nous offrons également de plusieurs programmes qui font une différence pour les jeunes, notamment les jeunes femmes et les filles. Par exemple, au cours de l'année écoulée, plus de 800 adolescentes ont participé à nos sommets de lutte contre la stigmatisation La tête haute. Nous offrons également une formation en premiers soins en santé mentale auprès des jeunes, et nous collaborons avec des campus de tout le pays pour adopter et mettre en œuvre la norme nationale sur la santé mentale et le bien-être des étudiants de niveau postsecondaire.
J'ai maintenant le plaisir de céder la parole à Mme Shaleen Jones, qui va nous parler d'une priorité importante en matière de santé mentale, à savoir les troubles de l'alimentation.
Merci.
:
Merci beaucoup à vous tous de nous avoir invités ici pour parler de cette question très importante.
Je veux me faire l'écho de ce que de nombreux intervenants nous ont dit. Je suis une survivante d'un trouble de l'alimentation, et nous savons que les troubles de l'alimentation sont des maladies complexes, courantes et graves, dont le taux de mortalité est le plus élevé parmi toutes les maladies mentales. Cela fait 20 ans que la communauté de la santé mentale tire la sonnette d'alarme relativement aux troubles de l'alimentation, et la situation est grave. En effet, nous sommes maintenant en situation de crise. Nous savons qu'avec un accès rapide à une intervention précoce, à un traitement et à du soutien, les personnes peuvent mener une vie épanouissante et se rétablir complètement de cette maladie, mais trop de gens n'ont pas la possibilité de se rétablir.
Je souhaite faire appel à toutes les composantes de notre communauté pour mettre en œuvre plusieurs recommandations qui, encore une fois, s'inspirent du travail effectué par les groupes nationaux sur les troubles de l'alimentation. Nous devons permettre un accès rapide à un soutien libre d'obstacles, y compris un soutien par les pairs, un soutien aux familles, une formation offerte aux cliniciens, une formation en matière d'intervention précoce destinée aux fournisseurs de soins de santé primaires, et enfin, un financement aux organismes communautaires, qui assument un fardeau incroyable en soutenant les personnes qui souffrent de troubles de l'alimentation.
Au sein de mon organisme, Eating Disorders Nova Scotia, nous offrons depuis 20 ans un soutien par les pairs aux habitants de la Nouvelle-Écosse. Nous étendons maintenant ce service à l'ensemble du Canada, car la demande est très élevée.
J'ai hâte de continuer de travailler sur cette question avec vous tous. Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins. C'est agréable de voir ici des visages familiers.
Si vous le permettez, je vais adresser cette question à deux groupes, ce qui permettra à une personne d'y réfléchir pendant que l'autre personne répondra.
Madame Kennell, puis‑je m'adresser à vous?
Monsieur Rodrigue, puis‑je m'adresser à vous?
Je vais commencer par vous, madame Kennel. Je pense que nous avons fait de grands progrès pour convaincre les gens de ne pas avoir peur de demander de l'aide. Un plus grand nombre de personnes ont surmonté cette difficulté et sont prêtes à demander de l'aide, en particulier des enfants ou des parents d'enfants. Ils sont prêts à demander de l'aide. Ils font ce pas courageux, et quand ils font leur demande, aucune aide n'est disponible.
Quelle est la première mesure que nous pouvons prendre, en tant que gouvernement fédéral, pour combler les lacunes en matière d'accès aux soins de santé mentale?
Je suis d'accord sur la nécessité de mettre l'accent sur la prévention, comme cela a déjà été mentionné ici. Quand les enfants ont des difficultés, plus vite ils ont accès aux soins, mieux c'est. Encore une fois, comme d'autres personnes l'ont dit ici, nous ne devons pas attendre qu'une personne — qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte — soit en situation de crise pour lui fournir des soins. Nous devons donc éduquer les gens et leur apprendre à parler de leur santé mentale, et donner des ressources tant aux parents qu'aux enfants.
Pour que l'on puisse aider l'enfant, le parent et l'enfant doivent former une unité. Nous ne pouvons pas nous contenter d'enseigner des compétences à l'enfant. Le parent peut également avoir besoin d'acquérir des compétences, afin d'être en mesure de gérer son propre stress et ses propres préoccupations pour peut-être pouvoir ensuite aider son enfant.
Nous devons veiller à ce que l'accès aux soins survienne tôt. Nous ne pouvons pas attendre qu'un enfant ait 12 ans ou qu'il soit adulte, à 18 ans. Nous devons commencer très tôt. Ensuite, lorsque les gens ont des problèmes de santé mentale et qu'ils se manifestent, ces services doivent être mis en place dans tout le pays et dans tous les lieux, car lorsque vous avez un problème de santé mentale et qu'on vous dit que vous devez attendre six ou douze mois, c'est la pire nouvelle que vous puissiez entendre, en tant que parent ou en tant qu'enfant. Quand on a besoin d'aide, on a besoin d'une aide immédiate.
Nous devons être en mesure de garantir que, lorsque les gens demandent de l'aide, ces services sont en place pour tous les citoyens.
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Voilà une excellente question.
Il faut les appuyer par une intervention précoce et un soutien en matière de santé mentale adapté, par exemple, aux traumatismes qu'ils ont subis et à la culture dont ils sont issus, surtout maintenant que nous sommes ouverts à diverses cultures, comme la culture syrienne, afghane, moyen-orientale, etc.
Premièrement, il faut fournir ce genre de soutien. De plus, il faut créer davantage d'espaces sûrs. Le premier soutien consisterait à fournir une intervention précoce et un soutien par les pairs...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie énormément les témoins qui sont ici ce matin.
Si j'ai bien compris, les lignes directrices sont la prévention, c'est-à-dire le travail fait en amont, et la sensibilisation, surtout auprès des jeunes filles et des enfants.
Depuis les années 1970, le Québec est précurseur en matière de prévention et il est fier de son modèle communautaire. La pédiatrie sociale s'y est beaucoup développée et il en existe des centres un peu partout.
Ce matin, j'ai reçu un appel du Centre de pédiatrie sociale en communauté Main dans la main, qui prépare actuellement sa guignolée annuelle, prévue pour décembre. En effet, le Centre est obligé de recueillir des fonds pour financer tous les services qu'il offre. Je rappelle que ces intervenants font de la prévention auprès des familles plus démunies, où il y a de la violence. Ils font un travail exceptionnel.
De plus, cet été, j'ai eu une discussion avec un centre de prévention du suicide dans ma circonscription. Ce centre a déjà un programme de prévention en milieu de travail et à différents endroits et il fait de la prévention en matière de santé mentale et de suicide. Les gens à qui j'ai parlé m'ont fait part du problème de main-d'œuvre auquel ils font face, et ils n'ont pas les moyens de payer adéquatement le personnel.
Ce sont là quelques exemples de projets et de programmes pour lesquels le gouvernement du Québec aimerait donner davantage de financement, afin d'aider encore plus ces groupes communautaires. Au Québec, cela passe notamment par le ministère de la Santé et par les transferts.
Madame Kennell, vous avez parlé de l'importance d'avoir les moyens de donner des ressources financières aux organismes. Au-delà de ce qui se fait dans notre système de santé, tout le réseau communautaire travaille sur le terrain, tous les jours, pour faire de la prévention et, souvent, pour répondre aux situations d'urgence, palliant les manques pour ces gens qui ne savent pas où aller.
J'aimerais donc revenir sur l'importance de ces transferts. Comme je l'ai dit, il existe déjà des projets. Pouvez-vous nous parler de l'importance d'éviter les dédoublements qui se produisent quand le gouvernement fédéral essaie d'imposer des conditions alors que des programmes sont déjà en place? Pouvez-vous aussi nous parler davantage de l'importance des moyens financiers?
:
Merci beaucoup, madame Larouche.
[Traduction]
Je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'il faut soutenir et développer les initiatives existantes dont nous savons qu'elles sont fondées sur des données probantes et qu'elles obtiennent les résultats que nous souhaitons.
Je vais formuler des observations à propos de deux aspects. Le premier aspect est la question de l'équité salariale.
[Français]
L'équité salariale est vraiment une priorité extrême partout au Canada. On ne paie pas assez les travailleuses et les travailleurs sociaux.
[Traduction]
Nous devons instaurer l'équité salariale dans tous les établissements de soins de santé, qu'ils soient ou non hospitaliers et que les soins prodigués soient actifs ou non.
L'autre problème que nous rencontrons, c'est que non seulement nos travailleurs de première ligne en santé mentale qui travaillent dans la collectivité touchent un salaire réduit, mais ils connaissent également des niveaux plus élevés d'épuisement et de stress. Ils quittent la profession souvent afin de se diriger vers le secteur privé, et privent les organisations communautaires du personnel dont elles ont besoin pour soutenir l'élargissement de leurs programmes et assurer leur durabilité.
En ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé mentale, nous devons voir, comme je l'ai indiqué, 50 % des fonds affectés aux soins communautaires. Nous savons que les hôpitaux et les médecins bénéficient déjà d'investissements par l'intermédiaire de la Loi canadienne sur la santé. Le Transfert canadien en matière de santé mentale permet de rediriger des ressources vers le secteur qui est privé de ressources depuis des décennies. C'est un problème qui a été créé par la Loi canadienne sur la santé.
En créant un transfert canadien en matière de santé mentale, des ressources peuvent affluer vers ces organisations.
[Français]
Comme vous l'avez mentionné, madame Larouche, ces organisations ont besoin d'argent et de moyens pour soutenir adéquatement leurs programmes de prévention.
Madame Kennell, quand nous vous avons demandé ce qui se passait avec les 4,5 milliards de dollars de l'investissement initial du Transfert canadien en matière de santé mentale, vous nous avez répondu de poser la question à la .
Personnellement, quand j'entends parler de transferts et de conditions, j'entends souvent que c'est du financement offert par projet, sous certaines menaces. Or, ce que les organismes communautaires, le Québec et les provinces demandent, ce sont des sommes stables, permanentes et prévisibles.
Ce montant de 4,5 milliards de dollars, c'est bon, mais cela s'apparente plutôt à un montant ponctuel, par projet. Cela ne correspond pas aux demandes faites par les groupes communautaires sur le terrain et par le Québec, qui veulent plutôt prévoir le financement à long terme de leur système de santé et savoir quelle partie du financement réserver à la santé mentale.
J'aimerais en savoir plus sur l'importance d'avoir des transferts stables, récurrents et prévisibles ainsi que sur leur hausse substantielle. En ce moment, les transferts fédéraux en santé équivalent à peine à 21 % des coûts totaux du système, alors qu'on veut qu'ils correspondent à 35 %. Ce matin, nous avons entendu plusieurs chiffres. Selon vous, à quel point est-il important de réinvestir massivement dans le système de santé?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'adresse ma première question à Abrar Mechmechia.
Vous avez parlé un peu de l'un des obstacles, à savoir la compétence culturelle des thérapeutes qui prodiguent les soins. Vous avez donné l'exemple des attaques islamophobes qui ont eu lieu en Ontario, et de leur impact sur la santé mentale.
Ma circonscription, Winnipeg Centre, compte une riche diversité, mais je suis d'accord avec vous pour dire que nous manquons de soins appropriés, de soins culturellement compétents, en particulier pour les jeunes et les femmes adultes nouvellement arrivés, qui ont souvent vécu des expériences comme des traumatismes de guerre.
Je souhaite que vous en parliez, mais comme je n'ai pas beaucoup de temps, je veux aussi que vous parliez de la thérapie par l'art. Nous avons un programme appelé Artbeat, qui offre des stages aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale.
Pourriez-vous parler de l'importance de l'art en tant que thérapie?
J'adresse ma prochaine question à Mary Bartram.
Vous avez parlé un peu de la consommation d'alcool et de drogues. Notre parti, le NPD, a présenté un projet de loi concernant une approche de la toxicomanie fondée sur la santé. Malheureusement, il a été rejeté.
Le British Columbia Centre on Substance Abuse a déclaré ce qui suit:
De même, nous devons mettre fin au racisme et au sexisme à l'égard des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones, comme le décrit le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues. En 2020, les femmes représentaient 32 % des décès attribuables aux drogues toxiques parmi les membres des Premières Nations de la Colombie-Britannique, soit deux fois plus que dans la population générale.
Dans un autre article, on peut lire que « Le service des coroners de la Colombie-Britannique soutient qu'un plus grand nombre de femmes meurent de la consommation de drogues illicites ». Je vous fais part de cette citation parce que je trouve qu'en tant qu'élus, au lieu d'adopter une approche axée sur la santé publique face à la consommation de drogues toxiques, qui touche certains groupes d'une façon plus marquée que d'autres...
Pourquoi est-il important d'adopter une approche de la toxicomanie fondée sur la santé, plutôt qu'une approche fondée sur la stigmatisation?
:
Je vous remercie de vos réponses.
La dernière question que j'ai à vous poser...
Nous parlons de jeunes enfants. Nous parlons de statistiques et du fait que ces troubles alimentaires touchent, en général, les jeunes enfants. J'ai récemment rencontré un groupe de personnes âgées. Je n'ai pas été étonnée d'entendre certaines de ces personnes âgées dire — et je ne sais pas si vous appelleriez cela un trouble de l'alimentation — que, compte tenu du coût de l'inflation, elles ont été forcées de réduire, disons, le nombre de leurs repas sains pour s'assurer d'avoir assez d'argent à la fin du mois pour subvenir à leurs besoins.
Existe-t-il un programme ou avons-nous des statistiques sur les personnes âgées? Dans de nombreuses résidences, un grand nombre de femmes — soyons honnêtes, les femmes vivent plus longtemps que les hommes et, sans vouloir offenser les hommes, nous connaissons tous les statistiques à ce sujet — voient leur pension ou leurs revenus diminuer après le décès de leur conjoint.
Existe-t-il des programmes ou des chiffres pour se renseigner à ce sujet?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour à tous. Je remercie sincèrement tous les témoins qui se sont joints à nous aujourd'hui du témoignage qu'ils ont apporté et aussi du travail incroyablement important qu'ils accomplissent chaque jour.
J'adresse ma première question à M. Mechmechia.
Je sais que l'un de vos projets, qui est en cours d'exécution — je crois qu'il s'appelle « Brave Space » —, contribue à soutenir les femmes musulmanes, en particulier à la suite des récents incidents islamophobes qui sont survenus dans notre pays. Je me demande si vous pourriez nous parler un peu de l'incidence de l'islamophobie sur la santé mentale des jeunes femmes de la communauté.
Deuxièmement, je pense aux événements mondiaux auxquels nous assistons, comme la mort tragique de Mahsa Amini, le tollé qu'elle a provoqué et la défense des droits des femmes dans d'autres parties du monde. Je me demande si vous pourriez également parler de ces sujets.
Merci.
:
Je vous remercie beaucoup de votre question, madame Sudds.
Lorsque nous parlons de l'incidence de l'islamophobie, nous parlons du fait que vous affrontez quotidiennement la discrimination et le racisme. Cela vous amène absolument à vous sentir... Premièrement, vous avez peur de marcher dans la rue. Les participants au projet pilote ont déclaré qu'ils ne se sentaient pas en sécurité lorsqu'ils sortaient seuls le soir, qu'ils ne se sentaient pas en sécurité lorsqu'ils prenaient l'autobus seuls ou qu'ils devaient informer, par exemple, leur ami ou leur conjoint qu'ils se trouvaient à cet endroit. Surtout après l'incident, je n'ai personnellement pas autorisé ma mère à se promener seule, parce qu'elle porte un niqab. Je ne voulais pas prendre ce risque.
Le fait d'avoir peur ou d'être effrayé vous conduit absolument à vous sentir déprimé et à avoir un niveau élevé d'anxiété et probablement un trouble de stress post-traumatique, car c'est le traumatisme qui conduit à... Vous êtes témoin du traumatisme.
De toute façon, il y a aussi le fait de se sentir lésé parce que peu de soutien est offert et qu'on a l'impression d'être ciblé.
Je peux parler longuement de l'effet sur la santé mentale que vivent les femmes, surtout après avoir été témoins d'événements comme ceux qui arrivent à d'autres femmes en Iran, par exemple. Il y a quelques jours, j'ai discuté avec une Iranienne et certains des professionnels de l'équipe. Je voulais savoir comment ils se sentaient. Elles se sentent anéanties. Elles se demandent quel soutien... De même, les personnes qui vivent au Canada et qui ont des membres de leur famille ici ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir du soutien, pour parler de leurs expériences et pour examiner ce sentiment dévastateur qu'elles éprouvent.
Lorsque nous avons lancé le projet pilote, nous avons organisé quatre séances. Aujourd'hui, nous avons prolongé le programme qui compte maintenant huit séances, et nous avons demandé un soutien supplémentaire à Islamic Relief Canada. Les femmes voulaient suivre une formation d'autodéfense, ce qui était surprenant. Il ne s'agit pas seulement de l'aspect mental. Elles ne se sentent pas en sécurité, même au Canada.
Je ne sais pas si je dispose de plus de temps pour parler du sujet, mais je vous remercie infiniment de votre question. J'espère vous avoir donné quelques idées. I don't know if I have more time to talk, but thank you so much for your question. I hope I gave you some insights.
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Merci, madame la présidente.
Professeure Afifi, dans vos remarques d'ouverture, vous avez parlé de l'importance et de l'incidence de la violence familiale sur les problèmes de santé mentale, ainsi que de l'importance de la prévention pour réduire la violence que peuvent vivre certaines femmes et certaines familles. Comme nous le savons, ce ne sont pas que les femmes qui sont touchées, mais les enfants aussi.
Le Québec a produit un rapport intitulé « Rebâtir la confiance », qui contient plus d'une centaine de recommandations pour cibler précisément la violence entre partenaires intimes et les formes de violence qui ont nécessairement des répercussions sur les familles.
Je pense aussi à toute la question d'investir dans les groupes qui accueillent des femmes victimes de violence.
J'ai parlé plus tôt du fait qu'on tente parfois de compliquer les choses ou qu'il peut y avoir des dédoublements de services. Durant la pandémie, des transferts ont été faits aux refuges pour les femmes victimes de violence. Il est important d'investir davantage dans ces groupes communautaires qui travaillent sur le terrain, et ce, rapidement, car ils ont besoin de ressources pour accueillir ces femmes. Il y a un lien entre ces ressources financières et l'aide qui peut être apportée aux femmes victimes de violence.
Professeure Afifi, avez-vous entendu ma question?
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Ma question s'adresse à Sarah Kennell.
Pour revenir à ma dernière question, le Manitoba parle de soutien par les pairs, et c'est un problème. Au cours de la dernière année, il y a eu dans cette province plus de décès par surdose que je n'en ai jamais vu. Je pense qu'il y en a eu plus de 500, ce qui est considérable pour une ville de la taille de Winnipeg.
Serait‑il utile de décriminaliser l'aide? Je pose la question, car si les gens pensent qu'ils auront des ennuis s'ils demandent de l'aide et se montrent ouverts à propos de leurs problèmes... La décriminalisation aiderait-elle les gens à obtenir de l'aide? Je pense notamment aux femmes, car en Colombie-Britannique, le bureau du coroner a indiqué que les femmes sont plus nombreuses à mourir à cause de la consommation de drogues illicites. Il a ajouté que même si les hommes représentaient près de 80 % des décès par le passé, plus de 26 % des personnes décédées en avril étaient des femmes. La tendance qui s'est amorcée plus tôt se poursuit donc.
Nous savons que le taux de mortalité parmi les femmes et les jeunes femmes augmente. La décriminalisation les aiderait-elle?
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie grandement les témoins. Cinq ou six minutes, ce n'est pas beaucoup de temps pour poser des questions.
Monsieur Rodrigue, vous avez parlé des écoles primaires et secondaires, dont l'importance a également été soulignée par des intervenants de la Colombie‑Britannique. Le gouvernement fédéral est d'ailleurs en train de négocier une entente bilatérale avec la province. Il y a aussi les 4,5 milliards de dollars du Transfert canadien en matière de santé mentale dont on a déjà parlé.
Quelles recommandations avez-vous pour le gouvernement fédéral, compte tenu du fait que les écoles primaires et secondaires sont de compétence provinciale? Puisqu'il est très important de s'occuper des jeunes, quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer de façon à collaborer avec les provinces pour qu'on se concentre sur les jeunes?
:
Merci de votre question, monsieur Serré.
Il est essentiel de bien cerner le rôle du gouvernement fédéral. En tant qu'élus, vous pouvez mettre en place un transfert consacré à la santé mentale, ce qui est particulièrement important.
Nous savons que les provinces ont des problèmes majeurs dans le domaine de la santé et que c'est trop souvent à cause de la stigmatisation de la santé mentale. Quand des choix budgétaires difficiles s'imposent, la santé mentale est laissée pour compte.
Je recommande donc fortement de mettre de l'avant des transferts consacrés à la santé mentale pour permettre aux provinces de déterminer les investissements qu'elles jugent les plus importants. J'espère que la prévention dans les écoles primaires et secondaires, ainsi qu'au niveau postsecondaire, feront partie de ces priorités.
:
Je vous remercie de la question.
Nous avons une occasion en or de recueillir des données au pays grâce à Statistique Canada, mais nous n'en profitons pas. De nombreuses enquêtes sont réalisées dans le domaine de la santé, dont certaines portent sur les enfants et leur santé. Nous pourrions aisément y intégrer des indicateurs de violence et d'expériences néfastes que les enfants pourraient vivre. Nous pouvons le faire pour les enquêtes sur les adultes également. Ce n'est pas quelque chose de nouveau à proposer.
Statistique Canada compte certaines mesures dans des études, mais elles sont très limitées. Quand l'étude est refaite, ce sont souvent les premières mesures à disparaître, et parfois, tout un débat d'élève pour savoir pourquoi ces mesures sont nécessaires.
L'infrastructure est en place pour recueillir facilement ces données. Nous devons en comprendre l'importance et admettre que des pays du monde entier recueillent des données de haute qualité de manière très sécuritaire. Le Canada tire donc de l'arrière à cet égard. Il faut que nous recueillions plus de données au pays pour pouvoir prendre des décisions fondées sur les données probantes.
:
C'est bon, je vous remercie.
Sarah Kennell, je vous remercie beaucoup du travail que vous accomplissez. Pat MacDonald, de l'Association canadienne pour la santé mentale à Sudbury, et son équipe du Grand Sudbury font également un travail formidable.
Vous avez proposé comme condition que 50 % du financement du gouvernement fédéral destiné aux provinces doit aller aux organismes communautaires. Si nous examinons... Nous avons parlé de la décriminalisation et nous nous intéressons à la Colombie‑Britannique, province avec laquelle nous avons une entente. À Sudbury, par exemple, un centre de consommation sécuritaire vient d'être établi avec les fonds du gouvernement fédéral et de la Ville. La province n'a pas voulu contribuer.
Que se passe‑t‑il quand des provinces ne s'intéressent pas aux organismes communautaires, à certaines des conditions et aux centres de consommation sécuritaire? Que recommanderiez-vous au gouvernement fédéral de faire devant cette situation?
:
Merci de votre question, monsieur Serré.
[Traduction]
Le fait est que des services communautaires sont actuellement offerts au pays sur les plans de la santé mentale et de la consommation de substance. Ce sont des organisations comme celle de mon collègue Abrar Mechmechia qui créent des services pour combler les besoins en raison de la demande.
L'ennui, c'est que ces organisations fonctionnent avec des budgets réduits et, souvent, ne reçoivent pas de financement fiable des gouvernements provinciaux ou territoriaux pour pouvoir améliorer et élargir la prestation de services afin de satisfaire la demande croissante. La demande existait avant la pandémie, à dire vrai.
Je recommanderais au gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces et les territoires afin de répertorier les pratiques exemplaires et les organisations qui se démarquent, et d'intégrer ces organisations aux mécanismes de financement provinciaux et territoriaux, qui sont souvent là. Il se trouve en Ontario et en Colombie‑Britannique d'excellents modèles de financement des soins communautaires.
En ce qui concerne la consommation et l'approvisionnement sécuritaires, des programmes se créent aux quatre coins du pays. Nous savons qu'il y a des initiatives de soutien par les pairs et des autobus à Winnipeg. Il existe des exemples d'excellent travail déjà à l'œuvre. Les services de police sont de formidables alliés, tout comme l'est le personnel paramédical. Alliez-vous à ces organisations qui font déjà le travail. Elles sont aux premières lignes.
:
Bien sûr, je peux en parler.
Le paradoxe entre les sexes est très bien établi en ce qui concerne les suicides réussis et les idées suicidaires. Nous savons que les femmes, les jeunes femmes et les filles sont plus susceptibles de présenter des symptômes de dépression et d'anxiété, lesquels sont aussi étroitement liés aux pensées suicidaires. La socialisation selon le sexe joue manifestement un rôle expliquant pourquoi les femmes et les filles sont plus sujettes à ces expressions de détresse. Les hommes et les garçons tendent toujours à manifester ce genre de sentiments avec un taux supérieur de consommation problématique de substance, un phénomène également observé pendant la pandémie. Ce sont des statistiques qui reviennent encore et encore.
Étonnamment, les femmes sont plus susceptibles d'exprimer des pensées suicidaires, alors que les hommes tendent à mourir par suicide. L'accès aux moyens et la connaissance des moyens sont plus présents chez les hommes que chez les femmes. Comme M. Rodrigue l'a indiqué, il importe de mieux comprendre l'expérience des femmes et des filles, et nous entendons nous pencher sur la question l'an prochain. Nous venons de terminer une étude sur la santé mentale et la prévention du suicide chez les hommes. Nous voulons élargir notre champ d'étude aux questions qui concernent les femmes. Nous pensons que les rôles attribués à chaque sexe et certaines des questions que Mme Kennell a soulevées sur la manière dont ces rôles façonnent les comportements des gens dans notre société jouent un rôle important à cet égard.
:
Oui. Je vous remercie beaucoup.
Je veux parler des troubles de l'alimentation. Jennifer Coelho a fait une déclaration, tout comme Shaleen Jones, de la Commission de la santé mentale. Parmi les facteurs dont nous savons qu'ils contribuent à la distorsion corporelle figure l'hypersexualisation des jeunes femmes et des filles. Nous savons que c'est un problème. Or, j'apprends de nos témoins aujourd'hui que ce facteur n'est qu'un élément de l'équation. J'entends très nettement qu'il faut offrir du soutien facile d'accès au chapitre des soins.
Sarah Kennell, vous avez parlé du soutien en matière de santé mentale en relation avec le revenu et le temps, et je dirais du lieu de résidence également.
Je me demande si les trois d'entre vous pourriez peut-être parler de ces soins faciles d'accès et du fait qu'il ne faut pas mettre l'accent sur un seul élément qui pourrait constituer un facteur causant les troubles de l'alimentation, puis ensuite parler de l'accès aux soins en expliquant en quoi consistent les soins faciles d'accès.
Nous commencerons par vous, madame Coelho, puis entendrons ensuite Mme Kennell et Mme Jones.
Je vous remercie.
L'accessibilité représente un enjeu primordial qui me passionne énormément. Nos efforts en Nouvelle-Écosse portent précisément sur l'accessibilité. Nous examinons comment éliminer les obstacles entravant l'accès aux soins de santé pour les personnes souffrant de troubles de l'alimentation. Nous avons constaté que, dans notre province, la solution gagnante consiste en un éventail de programmes faciles d'accès et peu complexes qui s'inscrivent dans le modèle des soins subaigus. Au niveau local, nous offrons l'accès à des clavardages par messages textes; des clavardages sur Zoom; des programmes d'entraide par les pairs, y compris du mentorat individuel; des groupes animés par des professionnels; des groupes animés par des pairs; et de l'appui clinique de thérapeutes et de diététiciens. Nous trouvons que cette formule facilite grandement la communication avec les patients là où ils se trouvent. Ils ne sont peut-être pas prêts à consulter un thérapeute, mais nous voulons répondre à leurs besoins actuels. Lorsqu'ils demandent de l'aide, nous voulons qu'ils sachent que du soutien est à leur disposition. Il n'y a pas de listes d'attente. Les services sont accessibles sur-le-champ. Aucun diagnostic n'est nécessaire.
Nous essayons avec acharnement d'éliminer les obstacles. Notre programme a connu un succès tellement retentissant en Nouvelle-Écosse que nous le lançons maintenant à l'échelle nationale. Les Canadiens de partout au pays ont accès à toute une gamme de programmes d'aide par les pairs pour obtenir du soutien immédiat et facilement accessible. Au besoin, nous pouvons ensuite les aider à recevoir d'autres traitements accélérés.
:
Il ne reste plus de temps.
Je dois surveiller Mme Gazan de près. Elle me connaît bien et sait qu'elle peut habituellement prolonger son temps de parole d'une minute ou deux. Nous devons être sur nos gardes.
Nous allons maintenant entamer la prochaine série de questions. Les membres disposeront respectivement de cinq minutes, cinq minutes, puis de deux minutes et deux minutes. Nous terminerons ensuite par une question de la part de M. Long et de Mme Ferreri.
Je donne la parole à Mme Roberts.
Madame Roberts, nous vous écoutons pendant cinq minutes.
:
Merci de cette réponse.
Je ne sais pas si Mme Afifi ou Mme Coelho pourront répondre à ma prochaine question.
En décembre dernier, grâce à l'aide des communautés locales, un regroupement de jeunes a décidé de recueillir des fonds pour l'achat de couvertures, de serviettes et d'équipement ainsi que pour faire des dons servant à nourrir les itinérants. Le récit dont je m'apprête à vous faire part est très bouleversant, alors je vous présente tout de suite mes excuses si quelqu'un s'en trouve ébranlé. Bien que ces types d'événements soient gratifiants, ils sont aussi très déprimants. J'y ai rencontré un jeune garçon de 10 ans vivant dans la rue.
On a parlé de violence et, plus tôt, quelqu'un a affirmé que les parents représentent les meilleures ressources pour leurs enfants. Bien que je souscrive à cette position, il m'arrive de penser que ce n'est pas toujours le cas. Ce jeune garçon a vécu dans différentes familles d'accueil d'où il s'enfuyait constamment. Sa seule façon de survivre et de subvenir à ses besoins de base était en revendant de la drogue pour le narcotrafiquant de son quartier. Son récit m'a grandement attristée. Il souffre de toxicomanie. Il l'a admis. Il est dépendant à ses drogues de prédilection, mais il n'a aucun autre choix.
Comment sensibiliser les travailleurs sociaux à ces situations et comment les aider à les repérer afin qu'il n'y ait plus d'itinérants de 10 ans?
Je ne sais pas qui veut répondre à la question.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais poser quelques questions. La première s'adresse à Mme Kennell.
Je vais revenir sur un élément que vous avez mentionné et aussi sur le fait que les recommandations qui découleront de notre étude influenceront fort probablement le nouveau transfert canadien en matière de santé mentale et la structure négociée avec les provinces. Comme vous le savez, ces négociations sont en cours. Vous avez mis l'accent sur le fait que des transferts pour les soins aigus existent déjà et qu'ils doivent vraiment être accessibles dans les communautés.
Vous avez dressé un portrait des plus alarmants de ce que vivent les jeunes filles qui essaient de se retrouver dans le système. Elles doivent être « suffisamment malades. » Elles se rendent à la salle d'urgence. Elles se font traiter comme si elles cherchaient de l'attention, étaient manipulatrices ou démesurément dramatiques, tous des stéréotypes genrés comme on le sait. Je crois que vous avez affirmé qu'elles se font traiter ainsi à cause de la masculinité toxique. On leur donne des médicaments et on les renvoie chez elles, sans qu'aucun suivi soit effectué. Vous avez mentionné certains des médicaments. Certains d'entre eux pourraient entraîner des effets qui aggravent leur condition, mais personne ne fait de suivi pour modifier leurs ordonnances. C'est d'autant plus vrai si elles n'ont pas de médecin de famille. Vous décrivez une situation très préoccupante.
J'aimerais que vous précisiez la recommandation que vous avez formulée pour qu'on se détourne des soins de courte durée. Lors des dernières réunions, nous avons longuement parlé de prévention. Si on prévoit que le transfert canadien en matière de santé mentale mettra l'accent sur les soins dans la communauté, quelle devrait être sa structure, selon vous? De plus, comment cette structure influencerait-elle nos autres programmes et les bonifierait-elle?
:
Je vous remercie énormément de la question, madame Vandenbeld.
Nous savons à quoi sert le transfert canadien en matière de santé. Il est versé aux provinces depuis les coffres du gouvernement fédéral, et l'argent est au bout du compte dépensé pour des services jugés nécessaires sur le plan médical. On parle ici de soins en milieu hospitalier, de psychiatres dans la communauté — mais ici encore, il faut un billet d'un médecin pour consulter un psychiatre — et de médecins de famille. Malheureusement, nous savons que les médecins de famille n'ont ni le temps ni la formation pour fournir des soins complets en santé mentale et pour lutter contre les dépendances aux substances.
Nous voyons dans le transfert canadien en matière de santé mentale une occasion d'orienter des ressources dans des domaines médicaux qui sont sous-financés même si, comme nous le savons, ils sont à tout prix nécessaires. Je fais référence aux mesures de soutien global qui aident les patients à faire la transition après leur congé d'hôpital s'ils ont été traités pour une crise au service d'urgence ou dans un pavillon psychiatrique. L'objectif est vraiment de garantir qu'ils ont les outils nécessaires pour récupérer, peu importe la forme que prend cette période pour chaque patient. Il faut non seulement songer aux interventions préventives en amont, mais aussi à l'appui continu à long terme pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendances aux substances tout au long de leur vie. Nous devons veiller à fournir aux patients les soins dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin, peu importe où ils se trouvent.
:
Il faut tenir compte de deux choses dans ce cas‑ci.
Tout d'abord, il faut offrir un meilleur soutien en matière de santé mentale au personnel du domaine de la santé, y compris les préposés aux bénéficiaires et les personnes qui travaillent dans les soins de longue durée. Il est également important de s'occuper des blessures morales de l'ensemble des membres du personnel de la santé et de leur offrir du soutien psychologique.
En deuxième lieu, nous devons prêter attention aux personnes qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie pour nous assurer que le rôle essentiel qu'elles doivent jouer dans l'amélioration de l'accès aux soins de haute qualité n'est pas négligé dans le cadre des efforts importants qui sont axés sur la santé mentale de la main-d'œuvre de la santé en général.
Ces deux volets sont très importants. Nous ne pouvons pas améliorer l'accès équitable aux services en matière de santé mentale si nous n'avons pas plus d'employés formés et capables de les fournir. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de se doter d'une stratégie globale axée sur la santé mentale de la main-d'œuvre.
:
Merci, madame la présidente.
Le temps s'écoule très rapidement, mais j'aimerais revenir sur la haine et la désinformation en ligne.
Comme je le disais, j'arrive d'une rencontre internationale où j'allais parler d'égalité dans les Parlements et de l'importance d'y améliorer la représentativité des femmes. En tant qu'élue, j'avais décidé d'emmener ma jeune fille et d'afficher sur Facebook ma conviction qu'il est possible d'être mère en politique. Or, mon statut sur Facebook a reçu des commentaires où on allait jusqu'à me dire que le fait d'amener ma fille était tout aussi criminel que les gestes de certains manifestants, et que l'endroit n'était pas approprié pour une enfant. Ces commentaires étaient horribles.
Si on veut parler de santé mentale, on doit donc reconnaître qu'une loi pour contrer la haine en ligne est essentielle. Il ne reste que 30 secondes. Est-ce que chaque personne peut parler en 10 secondes de l'importance cruciale de cette question en 2022?
:
Je vous remercie de votre question.
Oui, je suis d'accord avec vous. Il est plus facile de prévenir un problème que de résoudre les nombreux problèmes qui surviennent lorsque les gens vivent des situations difficiles, comme les traumatismes et le racisme. Si nous pouvons tenter d'empêcher ces choses de se produire en premier lieu, nous n'aurons pas à faire face à un si grand nombre de problèmes de santé mentale par la suite.
Nous devons donc investir dans les mesures de prévention dès le début. Nous devons être en mesure de soutenir les familles, afin que les parents comprennent comment élever leurs enfants sans violence, ce qui signifie notamment qu'il ne faut pas donner la fessée aux enfants. Nous devons aider les parents à gérer leur propre santé mentale, afin qu'ils puissent offrir un bon soutien à leurs enfants. Comme nous l'avons déjà mentionné, s'il ne peut s'agir d'un parent, les recherches ont révélé qu'un fournisseur de soins qui apporte son soutien dans la vie d'une personne fait une différence concrète. Il n'est donc pas nécessaire que ce soit un parent. Il peut s'agir d'un autre membre de la famille ou d'un autre adulte.
Il est donc très important de prévenir les problèmes avant qu'ils ne surviennent.
:
Nous devrions avoir tout réglé d'ici 17 heures aujourd'hui. C'est bien. Deux minutes, c'est amplement suffisant.
Je vous remercie encore une fois.
Pour revenir au sujet de cette étude sur les facteurs contribuant à la diminution de la santé mentale des jeunes femmes, je pense que nous devons absolument nous concentrer sur cet enjeu. Je reviens sans cesse sur le fait que la prévention est absolument essentielle, mais en même temps, la prévention n'aidera pas les personnes qui se trouvent déjà dans cette situation, et c'est la raison pour laquelle nous devons presque avoir une stratégie à deux volets.
Si vous me le permettez, j'aimerais m'adresser à nouveau à Mme Kennell.
Si nous ne nous occupons pas de ces travailleurs de première ligne et si nous ne nous occupons pas d'une mère qui ne sait pas comment prendre soin de sa propre santé mentale… Pour moi, c'est le facteur le plus important qui contribue à la bonne santé mentale d'un jeune enfant. Ce sont les personnes qui l'entourent, comme les enseignants, les fournisseurs de soins et les encadreurs. Si ces personnes sont écrasées par le stress de la vie ou si on ne leur a jamais enseigné de stratégies d'adaptation, comment ces 4,5 milliards de dollars pourraient-ils les aider?
Selon vous, où pourrait‑on apporter les plus grandes améliorations pour aider les parents et les soignants à aider leurs enfants?
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Je vous remercie beaucoup.
Je me ferai l'écho des propos de ma collègue, Mary Bartram, au sujet d'une stratégie nationale axée sur la santé mentale de la main-d'œuvre. Nous devons envisager dès maintenant la situation à long terme lorsqu'il s'agit des soutiens à mettre en place pour garantir non seulement le maintien des travailleurs que nous avons actuellement — et qui sont principalement des travailleurs sociaux dans la collectivité —, mais aussi la planification à long terme. Qu'il s'agisse de la transition vers les soins virtuels, qui sont en plein essor, ou des thérapies de groupe, ce sont toutes des innovations qui émergent principalement de la pandémie.
Que pouvons-nous faire sur le plan des salaires, des avantages sociaux, des changements institutionnels et des questions réglementaires? Que pouvons-nous faire, de manière générale, pour nous assurer de maintenir et de développer cette main-d'œuvre dont nous avons tant besoin?