Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Nous sommes de retour pour la deuxième partie de la séance. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi...
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 1er février, le Comité reprend son étude sur la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
J'aimerais faire quelques observations. Je rappelle à tous qu'il s'agit d'un sujet très délicat. Si vous ressentez un malaise, faites‑le-nous savoir. Des services d'interprétation sont à votre disposition si vous êtes sur Zoom. Vous avez le choix entre la transmission du parquet, l'anglais ou le français. Veuillez mettre votre microphone en sourdine si ce n'est pas à vous de parler.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tout le monde. Les tests de son ont été effectués avec succès. Je sais que nous devons nous mettre au travail, alors je vais sans plus tarder présenter les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Nous accueillons parmi nous, en personne, Kate Price, directrice exécutive de l'Action Coalition on Human Trafficking Alberta Association; Angela Wu, directrice générale, SWAN Vancouver, de l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe; Rosel Kim, avocate principale du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes; Jessica Stone, cheffe de projet au Conseil de la condition féminine du Yukon.
Vous aurez droit à cinq minutes chacune, et nous allons commencer par Mme Price.
Si vous me voyez lever la main, cela signifie qu'il est temps pour vous de conclure.
Madame Larouche, allez‑y avec votre rappel au Règlement.
Pouvez-vous me confirmer que c'est bien la représentante du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada qui ne participera pas à la réunion, le test de son n'étant pas concluant?
Effectivement, le test de son du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada n'a malheureusement pas été concluant. Nous avons bien reçu leur mémoire, mais le casque d'écoute de leur représentante ne fonctionne pas très bien aujourd'hui.
Allez‑y, madame Vandenbeld. Avez-vous une question?
Je me demande s'il est possible de fixer une nouvelle date de réunion avec ce groupe jeudi prochain ou une autre journée, car nous n'avons pas encore consulté de groupes de femmes handicapées sur le sujet qui nous intéresse.
Bonjour madame la présidente et chers membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue aujourd'hui sur l'enjeu de la traite des personnes au Canada.
Je m'appelle Kate Price et je suis directrice exécutive d'ACT Alberta, l'acronyme pour l'Action Coalition on Human Trafficking Alberta Association.
Dans un esprit de réconciliation, je reconnais respectueusement les territoires traditionnels des divers peuples autochtones sur lesquels nous nous réunissons aujourd'hui.
ACT Alberta est un organisme caritatif non gouvernemental et sans but lucratif qui mène des activités dans l'ensemble de l'Alberta. Nous assurons la gestion d'une unité communautaire de services d'aide aux victimes. Nous suivons un modèle de réduction des méfaits afin de fournir une gestion de cas spécialisés aux victimes de la traite de personnes à des fins sexuelles et de travail. Nous offrons également à la population des séminaires gratuits de sensibilisation à la traite des personnes, ainsi que des programmes de formation adaptés à plusieurs secteurs, notamment les forces de l'ordre, les soins de santé et les transports. Nous avons mis en place une coalition pour renforcer les réseaux d'orientation, les partenariats entre diverses agences et projets de recherche, dans l'objectif d'améliorer la capacité de nos collectivités à lutter contre la traite des personnes.
Aujourd'hui, je souhaite attirer votre attention sur trois grandes considérations qui font ressortir les nuances nécessaires entourant l'enjeu du soutien aux victimes de violence sexuelle.
En premier lieu, le fait de verser dans le sensationnalisme quand on aborde la question de la traite des personnes nuit aux victimes elles-mêmes. Le sensationnalisme peut créer un préjugé inconscient ou un stéréotype nuisible, ou encore perpétuer l'idée qu'il existe une sorte de victime parfaite. Selon un rapport présenté par la Fondation canadienne des femmes, 62 % des victimes de la traite au Canada ont été manipulées par un partenaire intime ou par un proche. En cherchant des chaînes, des barreaux aux fenêtres ou d'autres images sensationnelles de ce genre, nous risquons de ne pas voir des formes plus subtiles de violation des droits de la personne qui se déroulent pourtant sous nos yeux. Par ailleurs, le fait de dramatiser ce type de crimes peut donner à la victime l'impression que son expérience n'est pas suffisamment traumatisante pour qu'elle la dénonce. La victime risque alors de minimiser la gravité de sa propre expérience parce qu'elle ne correspond pas aux images véhiculées dans les médias.
ACT Alberta a eu le privilège d'offrir ses services à des centaines de victimes de violence sexuelle. Bien que l'on observe certaines tendances statistiques, chaque victime a vécu une expérience qui lui est propre. N'importe qui peut être victime de la traite des personnes. La coercition et la manipulation sont des techniques plus souvent utilisées que la contrainte, et c'est pourquoi les initiatives de sensibilisation doivent être conçues de manière réfléchie afin de mieux représenter toute la diversité des expériences vécues par les victimes.
En deuxième lieu, je rappelle que nous ne devons jamais dicter les opinions des victimes de violence sexuelle. Qu'un organisme soit favorable à l'arrêt de la demande de services sexuels, à la décriminalisation du travail du sexe ou qu'il préfère demeurer neutre dans ce débat, nous devons toujours prioriser l'autonomisation des victimes. Selon Statistique Canada, près de la moitié des Canadiens qui sont en processus de se rétablir d'une dépendance sont confrontés à la stigmatisation sociale, ce qui entrave l'accès à des services de soutien et à des traitements. Qu'une victime souhaite retrouver la sobriété, quitter l'industrie du sexe ou y demeurer, ou dénoncer son agresseur, il s'agit d'une décision qui lui appartient et qui ne doit pas être jugée.
Il est important de se rappeler que le traumatisme subi par une victime peut avoir commencé bien avant qu'elle ne se retrouve prise dans la traite de personne. Une étude réalisée par le projet Polaris montre que sur les 457 victimes interrogées, 96 % d'entre elles avaient subi de la violence dans leur enfance, qu'elle soit de nature physique, psychologique ou sexuelle. Les soins adaptés au traumatisme permettent de remplacer la question « Qu'est‑ce qui ne va pas chez toi? » par l'interrogation « Que t'est‑il arrivé ?». Nous devons prendre conscience du fait que les victimes sont des partenaires égaux dans la planification, l'élaboration et le suivi des soins. La victime doit demeurer au centre des décisions qui la concerne et être considérée comme une experte...
Nous devons prendre conscience du fait que les victimes sont des partenaires égaux dans la planification, l'élaboration et le suivi des soins. La victime doit demeurer au centre des décisions qui la concerne et être considérée comme une experte apte à collaborer avec les professionnels afin d'obtenir le meilleur résultat possible.
En troisième lieu, la traite de personne est un problème très répandu. Même si je suis consciente que votre étude porte spécifiquement sur l'exploitation sexuelle, il est très important de ne pas négliger la traite à des fins de travail forcé. Il s'agit d'un crime qui prend racine dans la déshumanisation de l'autre et qui est souvent lié à l'exploitation sexuelle. Les trafiquants ont tendance à cibler les personnes racisées et marginalisées dont le statut au Canada est précaire. En 2022, 55 % des clients ayant fait appel aux services de notre organisme ont été victimes de la traite des personnes, et 100 % des victimes de la traite à des fins de travail forcé étaient d'origine étrangère.
D'après notre expérience de première ligne et celle de nos partenaires, nous estimons que les statistiques officielles sur la prévalence de la traite des personnes ne dépeignent pas fidèlement la réalité. Il est essentiel d'investir dans la recherche et dans les services offerts aux victimes de la traite des personnes. Il est tout aussi important de s'attaquer au racisme systémique et culturel qui contribue à minimiser l'urgence de cet enjeu.
Dans le cadre de votre étude, je vous invite à prendre compte de l'approche des soins centrés sur la personne, dans toutes ses nuances, et de continuer à prioriser la diversité des points de vue.
Je tiens à vous remercier pour le temps que vous m'avez accordé aujourd'hui, ainsi que pour tout le travail que vous avez accompli pour lutter contre la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
On vient de m'informer que Mme Rosel Kim, avocate principale au Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, est disponible jusqu'à 12 h 15. Je lui demanderais donc d'entamer sa présentation de cinq minutes dès maintenant. Les membres du Comité devront tenir compte de cette limite de temps lorsque viendra le moment de poser leurs questions.
Madame Kim, je vous cède la parole pour les cinq prochaines minutes.
Bonjour à tous. Je m'appelle Rosel Kim, et je suis avocate principale au Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, également connu sous l'acronyme FAEJ. Je suis heureuse de comparaître depuis la ville que l'on appelle aujourd'hui Toronto, qui se trouve sur les territoires traditionnels des Mississaugas de Credit, des Wendats et des autres nations anishinabes et haudenosaunis.
Fondé en 1985, le FAEJ est un organisme caritatif national dont la mission est de défendre l'égalité réelle de toutes les femmes, filles, personnes trans et non binaires par l'entremise de moyens juridiques, de réformes législatives et de l'éducation juridique de la population dans une perspective féministe et intersectionnelle. En tant qu'organisme ayant pour objectif de faire progresser l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, le FAEJ s'engage à mettre fin à l'exploitation sexuelle des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
Je vous remercie d'avoir invité le FAEJ à participer à cette importante étude. Je voudrais aborder trois points principaux dans mes remarques préliminaires aujourd'hui.
Tout d'abord, pour lutter de manière efficace contre l'exploitation des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre, nous devons mettre en place des mécanismes visant à contrer toutes les formes d'oppression systémiques, notamment le colonialisme, le racisme et la transphobie. Une approche systémique pour mettre fin à l'exploitation nécessite également de reconnaître les répercussions négatives de certaines mesures prises par l'État. Par exemple, Mme Elene Lam, de l'organisme Butterfly, a souligné que les forces policières peuvent représenter une source de violence pour les travailleuses du sexe noires, autochtones et racisées. Certaines interactions avec les forces policières peuvent mener à des conséquences négatives pour les travailleuses du sexe migrantes, telles que la détention et l'expulsion.
Compte tenu de ces éléments, les mesures visant à lutter contre l'exploitation doivent s'inscrire dans un combat plus large contre l'oppression, et respecter l'autonomie et l'autodétermination de toutes les personnes concernées. Comme l'a fait remarquer devant le Comité Mme Krystal Snider, de l'organisme WomenatthecentrE, le syndrome du sauveur et le discours entourant la victimisation utilisé par les organismes et les forces de l'ordre qui luttent contre la traite des personnes peuvent entraîner un traumatisme et une revictimisation chez les victimes qui se manifestent.
Ensuite, je tiens à rappeler que la traite des personnes et le travail du sexe ne sont pas synonymes et ne doivent pas être confondus. La décriminalisation du travail du sexe est une étape importante du processus visant à mettre fin à l'amalgame souvent fait entre le travail du sexe et la traite des personnes. Comme l'a fait remarquer ici Mme Sandra Wesley, de l'organisme Stella, le terme « traite » est fréquemment employé pour faire référence à plusieurs concepts, tels que l'exploitation physique, l'exploitation sexuelle, la traite à des fins de travail forcé, et l'exploitation sexuelle des enfants. Cet amalgame a pour effet d'occulter les sources de marginalisation et de vulnérabilité dont j'ai parlé précédemment.
Cet amalgame a également des conséquences néfastes pour les travailleuses du sexe. En effet, les mesures de lutte contre la traite des personnes qui reposent sur le maintien de l'ordre et sur les sanctions pénales ne s'attaquent pas aux sources de marginalisation et d'inégalités auxquelles sont confrontées les personnes vulnérables à l'exploitation. Au contraire, elles aggravent souvent la situation, en particulier pour les travailleuses du sexe qui se retrouvent ciblées et soumises à des pressions dans le cadre de ce genre d'initiatives.
Des groupes comme l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe et la Sex Workers of Winnipeg Action Coalition ont expliqué au Comité de quelle manière l'amalgame fait entre le travail du sexe et la traite des personnes a mené à du harcèlement et à une surveillance sélective des travailleuses du sexe par les forces de l'ordre et les services de lutte contre la traite des personnes. Ces formes de préjudices sont aggravées par les lois pénales actuellement en vigueur qui criminalisent le travail du sexe. Le fait de criminaliser et de qualifier d'exploitation toute forme de travail du sexe complique l'identification des cas réels d'exploitation sexuelle. Cela empêche également les travailleuses du sexe d'avoir accès à des mesures de protection contre l'exploitation et le travail forcé dont bénéficient les autres travailleurs en vertu des lois sur l'emploi et le travail.
Enfin, il est important de mettre en place de véritables mesures de soutien social et économique aux personnes vulnérables à l'exploitation. Ces mesures comprennent des soutiens au revenu, des logements abordables, des services sociaux et des services en santé accessibles et exempts d'obstacles. Ces mesures d'aides sociales et économiques doivent être accompagnées de modifications législatives visant à mettre fin aux diverses formes de vulnérabilités auxquelles sont confrontés les travailleurs migrants. Par exemple, le FAEJ a demandé l'abrogation de certains règlements en matière d'immigration qui empêchent les travailleuses du sexe migrantes d'entrer au Canada et d'y obtenir un statut.
En résumé, pour mettre fin aux diverses formes d'exploitation, nous devons adopter une approche systémique fondée sur la lutte contre l'oppression, distinguer clairement la traite des personnes du travail du sexe, et mettre en place des mesures concrètes pour éliminer les sources de marginalisation.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je m'appelle Angela Wu et je suis la directrice générale de SWAN Vancouver, une organisation membre de l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.
Je vous parle aujourd'hui depuis les territoires traditionnels non cédés des Premières Nations des Squamish, des Tsleil-Waututh et de Musqueam.
Depuis 20 ans, SWAN apporte son soutien aux nouvelles arrivantes, aux migrantes et aux immigrantes qui sont travailleuses du sexe dans des établissements. Nous nous employons à protéger la santé, les droits et la sécurité de ces femmes en leur offrant des services de première ligne et en nous portant systématiquement à la défense de leurs intérêts.
SWAN est également l'une des quelque 80 organisations membres de l'Alliance mondiale contre la traite des femmes. À ce titre, nous connaissons très bien les enjeux liés aussi bien au travail du sexe qu'à la traite des personnes.
La défense des droits des travailleuses du sexe et la lutte contre la traite des personnes ne sont pas des activités s'excluant mutuellement pour notre organisation. Comme d'autres témoins vous ont déjà parlé de l'amalgame dangereux entre la traite des personnes et l'échange consensuel de services sexuels, je ne vais pas m'attarder sur ce point. Je vais me contenter de vous rappeler que le travail du sexe et la traite des personnes sont des enjeux complexes dont l'amalgamation résulte en une simplification grossière qui peut mener à l'adoption d'initiatives, de politiques et de lois bien intentionnées, mais inefficaces, voire préjudiciables. Ce sont les travailleuses du sexe qui font les frais de ces politiques et de ces lois, surtout lorsqu'elles font partie de groupes marginalisés en quête d'équité.
J'aimerais maintenant vous entretenir de deux recommandations que j'ai entendu de nombreux témoins formuler devant ce comité afin de mieux contrer la traite des personnes au Canada. Ainsi, plusieurs préconisent, premièrement, une intensification des campagnes de formation et de sensibilisation publique quant aux réalités de la traite des personnes et, deuxièmement, une augmentation des ressources consacrées à l'application de la loi pour régler ce problème. Bien que je convienne de l'importance de la sensibilisation publique pour s'attaquer aux problèmes sociaux, la plupart des initiatives de lutte contre la traite des personnes menées actuellement ne font que contribuer à diffuser les mêmes fausses informations, ce qui est préjudiciable autant pour les victimes de la traite elles-mêmes que pour les autres groupes marginalisés. Les programmes de sensibilisation à la traite des personnes continuent d'avoir recours à des signaux d'alarme vagues, trop généraux et franchement souvent racistes pour la mise au jour des cas de traite. Ces signaux peuvent s'appliquer à de nombreuses situations ne relevant pas de la traite des personnes, si bien qu'il arrive souvent que des gens voient de la traite là où il n'y en a pas, et qu'en fin de compte, des ressources soient gaspillées.
À titre d'exemple, on dit souvent qu'il y a tout lieu de s'inquiéter lorsqu'un individu empêche totalement ou partiellement sa présumée victime de s'exprimer en public, ou lorsque quelqu'un parle à la place de celle‑ci, alors qu'en réalité, bon nombre des femmes auxquelles Swann vient en aide ne parlent pas l'anglais, et qu'il est tout à fait normal qu'une nouvelle arrivante s'en remette à un proche ou à un intervenant qui lui sert d'interprète.
En outre, il faut tenir compte de l'interaction complexe entre le genre, la race, l'ethnicité, la langue et la culture et du rôle non reconnu que jouent tous ces facteurs dans l'établissement des signaux d'alarme en question. Par exemple, en présence d'un groupe de travailleuses du sexe non blanches, et particulièrement asiatiques, qui parlent anglais avec un fort accent, on aura tendance à assimiler leur situation de travail à un cas de traite des personnes, alors qu'on n'en arrivera pas nécessairement à la même conclusion pour un groupe de travailleuses du sexe de race blanche nées au Canada.
Bien que Swan intervienne auprès de femmes souvent perçues comme étant des victimes de la traite des personnes, il est important de noter que nous voyons très rarement des cas présentant les marques distinctives de la traite, comme le travail forcé. Nous constatons plutôt que ces femmes sont exposées dans le cadre de leur travail à différentes formes d'exploitation ou de violence, lesquelles sont la plupart du temps le résultat direct de la stigmatisation et de la criminalisation dont elles sont victimes.
Concernant la deuxième recommandation, la plupart des initiatives de lutte contre la traite des personnes s'appuient sur l'idée que l'application de la loi fait partie de la solution. Les femmes nous répètent pourtant sans cesse qu'elles craignent davantage la police que leurs prédateurs. Cette crainte fait en sorte que certaines des femmes les plus marginalisées et systématiquement vulnérables ne signalent pas la violence ou l'exploitation dont elles sont victimes. Nos lois et nos politiques actuelles pour lutter contre la traite des personnes sont intrinsèquement contradictoires. Comment pouvons-nous espérer que les forces de l'ordre protègent ces mêmes personnes qui sont criminalisées par les lois dont elles doivent assurer l'application?
Je joins ma voix à celle de nombreux autres témoins pour exhorter le gouvernement du Canada à décriminaliser complètement le travail du sexe en abrogeant la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation (LPCPVE) ainsi que les dispositions du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) qui interdisent aux migrants de s'adonner au travail du sexe. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a déjà recommandé l'abrogation de ces dispositions du RIPR. Nous exhortons les membres de votre comité à réitérer cette recommandation et à s'assurer que le Parlement du Canada y donne suite pour que l'on se débarrasse de ces dispositions réglementaires qui placent en fait les migrantes s'adonnant au travail du sexe dans des situations précaires d'exploitation.
J'invite le Comité à entreprendre une réflexion critique sur le problème de la traite des personnes en reconnaissant le fait que la nécessité absolue de trouver des solutions ne devrait pas nous amener à mettre en péril la vie des travailleuses du sexe pour arriver à nos fins. Il ne sert à rien d'affirmer que nous comprenons la distinction entre le travail du sexe et la traite des personnes, si nous déployons en définitive des solutions dans l'objectif principal est de lutter contre le travail du sexe, et qui ont en fait pour effet de mettre en danger les travailleuses de cette industrie. Si l'approche du Canada pour contrer la traite des personnes demeure axée sur la lutte contre le travail du sexe, les personnes les plus marginalisées au sein de cette industrie demeureront grandement exposées à la violence et à l'exploitation.
Merci beaucoup pour le temps que vous m'avez consacré.
Je serai ravie de répondre à toutes vos questions.
Un grand merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je vais d'abord me présenter. Je m'appelle Jessica Stone. Je travaille pour le Conseil de la condition féminine du Yukon, et je dirige le Projet d'appui pour l'autonomie des travailleurs et travailleuses du Yukon (SWAPY). Nous nous trouvons sur les territoires traditionnels de la Première Nation des Kwanlin Dun et du Conseil des Ta'an Kwäch'än.
Nous offrons directement des services aux travailleurs et travailleuses du sexe du Yukon. Notre clientèle est constituée principalement de femmes autochtones dont les expériences informent et guident nos interventions.
Je vais vous parler aujourd'hui des torts pouvant être causés lorsque notre compréhension des enjeux, nos cadres d'intervention, nos systèmes, nos politiques et nos lois sont établis en fonction de données non fiables ou sans pouvoir s'appuyer sur quelque donnée que ce soit.
De nombreux témoins ont fait valoir devant ce comité que nos décideurs doivent pouvoir faire la distinction entre le travail du sexe et la traite des personnes. Lorsque les données sur la violence fondée sur le genre sont produites dans le cadre de mécanismes amalgamant travail du sexe et traite des personnes, le travail du sexe est systématiquement assimilé à une forme de violence et défini comme tel.
Je voudrais qu'une chose soit bien claire. Nous ne sommes pas en train de dire que nos lois sur la traite des personnes devraient être modifiées. Nous demandons simplement que l'on cesse d'utiliser la terminologie associée à la traite des personnes dans les études visant à mieux comprendre un large éventail de comportements violents. Un tel amalgame n'est pas seulement symbolique. En assimilant autant de formes différentes de la violence à la « traite des personnes », on embrouille les réalités de ces différents types de violence. En adoptant une approche semblable, on ne tient pas compte de la violence complexe que peuvent expérimenter à plusieurs niveaux les travailleuses du sexe, violence qui n'a rien à voir dans la plupart des cas avec la traite des personnes. On cause ainsi des préjudices à bien des égards.
Premièrement, l'inefficacité des pratiques de collecte des données se trouve amplifiée. Il y a une différence fondamentale entre le travail du sexe à proprement parler et les actes de violence dont peuvent être victimes les travailleuses du sexe. Deuxièmement, en exigeant des travailleuses du sexe qu'elles se disent victimes de la traite des personnes pour pouvoir obtenir du soutien, on fausse les données. C'est ainsi que le nombre de victimes de la traite des personnes est gonflé artificiellement. On occulte par le fait même les autres réalités associées à la traite des personnes, si bien que l'on finance davantage les initiatives de lutte contre la traite et les interventions policières à cet égard, ce qui ne fait que perpétuer ce cercle vicieux.
Il est essentiel que le Comité en tienne compte dans ses recommandations. La traite des personnes ne peut pas servir de cadre pour englober un si large éventail d'expériences de violence.
Les femmes peuvent s'adonner de plein gré au travail du sexe, et celui‑ci peut les exposer à de la violence. Il faut abroger les lois régissant le travail du sexe de manière à réduire la violence à l'encontre de ces travailleuses. C'est ce que nous recommandons vivement à votre comité. On fait systématiquement fi de l'autonomie et du libre arbitre dans le contexte du travail du sexe, créant ainsi un cadre d'hypocrisie qui dissuade les personnes vendant des services sexuels de se prévaloir des mesures de protection existantes. Elles sont aussi moins portées à signaler les cas de violence fondée sur le genre. En outre, des fonds publics continuent ainsi d'être dilapidés dans des systèmes pour une bonne part inefficaces.
Enfin, les argumentaires utilisés pour dénoncer la traite des personnes, non seulement devant ce comité, mais dans l'ensemble des politiques et des pratiques en usage, sont ancrés dans un discours et des idéologies racistes et infantilisants. Si l'on ne rectifie pas ces politiques s'inspirant de principes coloniaux et patriarcaux, ce sont les travailleurs et les travailleuses autochtones, noirs, migrants et racisés qui vont continuer d'en souffrir de façon disproportionnée.
Les communautés autochtones ont été très claires à ce sujet. Elles ont besoin qu'on les aide directement, plutôt que l'on investisse dans la formation des policiers.
En conclusion, lorsque toutes les formes de violence dont sont victimes les travailleuses du sexe sont mal cataloguées et assimilées à la traite des personnes, nous présentons une version déformée de la réalité et nous perpétuons les préjudices.
Je vais vous résumer le tout très simplement. Aussi bien dans la loi que dans le cadre de la lutte contre la traite des personnes, on confond traite et travail du sexe. Cet amalgame permet le maintien de mauvaises méthodes de collecte des données qui sont à l'origine de pratiques et de politiques préjudiciables. C'est une véritable spirale qui ne cesse de s'accentuer. Comme le système fonctionne en vase clos, ce processus déficient ne fait que gagner en vigueur.
D'un point de vue logique, cela ne tient pas la route. Dans une perspective méthodologique, c'est inefficace. L'amalgame entre travail du sexe et traite des personnes nous prive d'une information exacte et fiable sur les différentes expériences vécues, l'élément essentiel pour pouvoir créer des systèmes, des politiques et des programmes contribuant véritablement à réduire les préjudices. Nous pouvons souvent observer dans le Nord un phénomène un peu semblable alors que l'accès insuffisant à des données de qualité fait en sorte que l'on continue de mettre en place des systèmes déficients ou inefficaces.
Si nous ne pouvons pas compter sur un portrait fidèle de la violence dont les travailleuses du sexe sont victimes, nous allons demeurer incapables de déployer des solutions efficaces. Ces travailleuses font valoir sans cesse qu'il faut arrêter de confondre travail du sexe et traite des personnes. Elles nous indiquent clairement comment se manifeste la violence à leur endroit et d'où elle tire son origine. Si le gouvernement et les forces de l'ordre sont désignés comme étant des instigateurs de cette violence, il faut que les différents responsables aient des comptes à rendre et que l'on consulte véritablement les travailleuses du sexe pour concevoir des politiques, des lois et des mesures de soutien contribuant vraiment à réduire les préjudices, et non à en créer de nouveaux.
Je vous remercie et je serai heureuse de pouvoir répondre à vos questions.
Je remercie chacune des témoins de se joindre à nous aujourd'hui pour nous parler de la traite des femmes et des filles.
C'est un sujet très difficile. Nous trouvons cela extrêmement difficile. Après avoir entendu vos témoignages ce matin, j'ai un peu de difficulté à m'y retrouver. Au Comité, nous entendons beaucoup de choses depuis un certain temps.
Madame Stone, considérez-vous qu'il peut y avoir, à partir du travail du sexe consensuel, une voie vers la traite des femmes et des filles? Cela existe-t-il?
Vous êtes plusieurs ce matin à faire une grande distinction entre le travail du sexe et la traite des femmes et des filles.
Un lien peut-il s'établir entre ces deux réalités?
Dans toutes les industries, y compris celle du sexe, il y a un risque d'exploitation et de traite des personnes. Si l'on veut vraiment contrer la traite des personnes, comme plusieurs l'ont indiqué aujourd'hui, il faut éliminer les inégalités entre les différents secteurs de telle sorte que ceux et celles qui travaillent dans l'industrie du sexe profitent des mêmes mesures de protection et de réglementation que tous les autres travailleurs. C'est ainsi que ces gens‑là deviendront moins vulnérables à l'exploitation et à la traite des personnes.
C'est encore une fois une question de… Il peut y avoir de l'exploitation et de la traite des personnes dans toutes les industries, y compris bien sûr celle du sexe. Nous devons toutefois nous assurer que les travailleuses du sexe ont accès à ces mesures de protection et de réglementation de telle sorte qu'elles aient des recours si elles deviennent victimes d'exploitation.
Vous avez mentionné, madame Stone, que vous aviez peu de données dans le Nord. Je peux vous confirmer, avec l'appui de mes collègues, que plusieurs intervenants sont venus nous dire qu'il y a un manque de données partout au pays et que c'est difficile de mettre le doigt exactement sur ce qu'est la traite, où elle se produit, qui en est responsable, et ainsi de suite, et de faire le suivi avec les victimes.
Madame Price, j'ai cru comprendre, d'après ce que vous avez dit sur le « sensationnalisme » — et je m'exprime dans mes mots, et non dans ceux que vous avez utilisés exactement — que le stigmatisme est plus dommageable que l'offense elle-même, soit la traite à proprement parler, par exemple.
Ai-je bien résumé votre pensée?
J'ai peut-être mal compris votre notion du « sensationnalisme » et la façon dont il nous faut réagir à cet égard.
Je suis désolée, mais le passage d'une langue à l'autre a un peu semé la confusion dans mon esprit.
Je ne crois certes pas, et c'est aussi l'avis d'ACT Alberta, que le sensationnalisme pouvant entourer un crime est pire que le crime lui-même. Je ne faisais que vous rapporter une préoccupation exprimée par des survivantes et des clientes qui nous ont indiqué avoir hésité à demander de l'aide parce qu'elles jugeaient que leur expérience n'était pas suffisamment épouvantable pour justifier qu'on leur offre des services ou qu'elles courent le risque d'être expulsées du pays ou de devoir composer avec la crainte que leur inspirent différentes composantes de notre système.
C'est ce que je voulais dire en faisant valoir que le sensationnalisme pouvait aggraver un crime déjà horrible.
Je veux dire au Canada. Quand on parle de traite, j'ai l'impression que c'est une situation dont plusieurs personnes parlent sans avoir nécessairement les mêmes valeurs de référence.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne veux pas parler au nom de mes collègues, mais je les ai entendues également s'exprimer dans le même sens.
Très souvent, on définit ou on perçoit la traite des personnes d'une manière qui ne correspond aucunement à ce que nous sommes à même d'observer en première ligne. Il ne fait aucun doute que la version des travailleuses se livrant à l'échange consensuel de services sexuels est totalement différente de celle que nous présentent nos clientes qui ont été victimes d'exploitation sexuelle.
Je conviens, ou je pourrais confirmer avec une certaine conviction, qu'il est plutôt rare que les gens comprennent en quoi consiste exactement la « traite des personnes » et quelles formes elle peut prendre.
Madame Wu, vous dites que les victimes craignent davantage la police que leurs prédateurs. Cette affirmation est importante, et ce n'est pas très rassurant.
Les femmes que nous aidons à SWAN nous indiquent effectivement très souvent qu'elles craignent davantage la police que leurs prédateurs. Cette attitude est attribuable aux dispositions du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés qui interdisent le travail du sexe. Elles n'ont pas accès à la justice aussi facilement que le reste d'entre nous, car elles craignent d'être arrêtées, détenues et expulsées si l'on découvre qu'elles s'adonnent au travail du sexe à titre de résidentes temporaires au Canada.
Cela dit, je crois que c'est en fait un sentiment assez répandu parmi l'ensemble des travailleuses du sexe. En définitive, le travail du sexe est criminalisé au Canada, et…
Merci beaucoup à tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. J'ai une question pour vous quatre, mais je veux d'abord revenir à un commentaire de Mme Stone. Dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes notamment intéressés à la question des données en constatant à quel point il pouvait être difficile d'avoir accès à des données précises permettant d'éclairer nos décisions stratégiques.
Vous avez mis le doigt sur une difficulté encore plus grande en notant que l'inclusion de toutes ces formes de violence sous l'étiquette de la traite des personnes nous empêche en fait de compiler des données sur ce qui se passe vraiment. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire plus long à ce sujet en nous suggérant certaines pistes de solution.
Bien sûr. Merci beaucoup pour votre question. Il faut certes reconnaître qu'il y a des vides à combler au chapitre des données, surtout dans les secteurs ruraux et les régions nordiques éloignées comme le Yukon.
Je crois qu'il faut d'abord et avant tout investir dans des mesures d'inspiration communautaire. À cette fin, il faut offrir un financement de base à long terme aux organismes sans but lucratif. Ceux‑ci pourront ainsi se doter de moyens plus conséquents, ce qui leur permettra d'améliorer leurs politiques et leurs façons de faire, notamment pour ce qui est de la collecte de données.
Grâce à ce financement leur permettant d'améliorer leur capacité pour la collecte, la conservation et l'analyse des données, surtout dans le Nord, les organismes sans but lucratif pourront générer des données plus fiables. Comme nous le savons, le niveau de confiance existant à cet égard entre les organismes sans but lucratif est souvent très différent de celui qui lie les plus grandes organisations qui compilent généralement des données, comme les gouvernements ou les autres institutions officielles.
Grâce à ces données fiables qui pourront être générées si nous permettons à ces organismes de se donner de nouveaux moyens, nous aurons une image plus précise de la situation. Nous pourrons ainsi mettre en place de façon plus éclairée les services, les politiques et les pratiques répondant aux besoins de la collectivité.
Il suffirait donc d'offrir un financement adéquat à ces organisations de plus petite taille de telle sorte qu'elles puissent recueillir des données présentant un portrait plus fidèle de la situation dans les différentes collectivités. C'est ainsi que nous saurons vraiment à quoi nous en tenir quant aux solutions à envisager.
Merci beaucoup. C'est une excellente recommandation.
J'ai une question à laquelle je vous invite à répondre toutes les quatre, peut-être dans l'ordre de vos exposés. D'autres témoins nous ont parlé, et cela a certes été confirmé aujourd'hui, de la nécessité de s'en remettre à un cadre axé sur la victime survivante pour analyser cette problématique. Il a notamment été question à ce titre d'autonomie, de libre arbitre et d'habilitation.
Madame Price, vous avez fait valoir qu'il s'agit d'un enjeu lié aux droits de la personne, ce qui nous change des commentaires entendus à quelques reprises concernant les victimes et les cadres colonialistes.
Madame Price et madame Wu, vous avez parlé toutes les deux de la stigmatisation, aussi bien du point de vue de la perception que nous avons de celles qui sont exposées à l'exploitation que dans la perspective des préjugés sociaux avec lesquels elles pourraient devoir composer une fois affranchies de leur situation actuelle.
Je sais que ce n'est pas une question facile, mais je demanderais à chacune d'entre vous de prendre 30 secondes pour nous dire comment nous pouvons nous assurer, au moment de formuler nos recommandations, de considérer les choses du point de vue des survivantes, plutôt que dans l'optique des préjugés et des fausses perceptions que peut nourrir la société.
Je voudrais d'abord vous entendre à ce sujet, madame Price.
Répondre à cette question en 30 secondes est un défi.
Je crois que quelqu'un d'autre a utilisé le mot « infantilisant ». Il s'agit selon moi d'un terme très juste pour désigner quelque chose qui met immédiatement en position de faiblesse une personne qui exerce son libre arbitre et son autonomie, une personne à part entière qui a vécu quelque chose de terrible. Je pense qu'en infantilisant les personnes survivantes, on ajoute à la stigmatisation. C'est simplement une personne qui a vécu une expérience terrible. Elle a besoin de soutien et on doit s'attaquer à ce crime.
La personne n'est pas brisée. C'est une personne pleinement autonome qui peut déterminer ce dont elle a besoin et ce que devrait être son plan de soins, avec le soutien d'autres professionnels. Je crois que cela contribuerait à réduire la stigmatisation.
J'ajouterais qu'à mon avis, il nous faut des solutions qui visent à aider les personnes qui se manifestent et qui n'ont pas l'effet de les punir. Donner le pouvoir d'action à une personne survivante signifie lui offrir des options, lui donner le temps de choisir une option qui lui convient et s'assurer que cette option ne lui fait pas subir des mesures punitives supplémentaires, comme de se retrouver coincée dans un système où elle pourrait devoir s'identifier d'une manière qu'elle ne souhaite pas — comme une victime. Au contraire, elle est capable d'obtenir le soutien dont elle a besoin comme elle l'entend.
J'ajouterais que cela nous ramène à l'idée selon laquelle le terme « traite des personnes » est utilisé pour qualifier tant de réalités différentes. Les femmes que nous aidons sont confrontées à toutes sortes de types d'exploitation dont la traite est peut-être le plus extrême... Lorsqu'elles cherchent de l'aide et qu'on leur demande si elles sont des victimes de la traite des personnes, elles ne sont pas en mesure de répondre à cette question. Selon notre expérience, si elles le font et qu'elles répondent honnêtement qu'elles ont choisi de faire ce travail, mais qu'on les exploite, souvent, on considère qu'elles ne sont plus des victimes. Cette situation fait souvent en sorte qu'on impose des mesures punitives contre elles.
Je pense que la stigmatisation est présente dans les mots et le cadre que nous utilisons. Le cadre de lutte contre la traite des personnes isole certaines personnes et les empêche d'accéder aux services d'aide. Je suis d'accord avec Mme Price. Il faut utiliser une approche axée sur les droits de la personne. C'est beaucoup plus efficace qu'un cadre de lutte contre la traite des personnes.
Je remercie les témoins qui sont avec nous en mode virtuel. J'aurai sûrement l'occasion de leur poser des questions, mais je vais commencer par vous, madame Price, qui êtes parmi nous. Merci beaucoup de vous être déplacée.
Tous les témoignages sont intéressants, aujourd'hui. Il y a des points de vue qui peuvent être différents, mais qui nous présentent des éléments que nous avons peut-être moins entendus ici, au Comité. Je pense notamment à votre réponse à une question posée par Mme Vandenbeld un peu plus tôt au sujet de la stigmatisation.
Vous n'avez pas eu le temps d'en parler beaucoup. Aujourd'hui, c'est la première fois qu'on me parle autant de la façon sensationnaliste dont on parle de la traite des personnes, que ce soit dans les publicités ou dans l'information. Cela crée une distorsion entre les chiffres dont nous disposons et la réalité que vous observez chez vous, en Alberta.
J'aimerais avoir plus de précisions là-dessus. Je vous laisse l'occasion d'aller un peu plus loin et de compléter votre réponse à la question posée par Mme Vandenbeld.
Je pense qu'il y aura toujours des différences entre les données statistiques, qui — comme bon nombre de personnes l'ont mentionné aujourd'hui — sont malheureusement très imparfaites, un décalage entre les données statistiques et l'expérience vécue et le témoignage des personnes survivantes. La stigmatisation que des gens subissent lorsqu'ils essaient de dire que quelque chose leur est arrivé et qu'on les a exploités de différentes manières... Il y a une stigmatisation culturelle, mais il y a aussi de la stigmatisation parce qu'il y a littéralement des répercussions punitives, comme le fait que ces personnes sont très à risque d'être expulsées du pays pour avoir simplement voulu dénoncer leur agresseur ou pour être entrées dans le système de quelque manière que ce soit.
Lorsque nous parlons de stigmatisation... Oui, il existe une stigmatisation culturelle importante — en particulier concernant l'exploitation sexuelle, l'échange consensuel de services sexuels et le trafic sexuel — qui est fortement enracinée dans la société canadienne. Cependant, il y a également une stigmatisation à l'égard des personnes qui ont été victimes de la traite de travailleurs. Les gens se demandent pourquoi ces personnes ne pouvaient pas simplement partir. C'est une question que, je suppose, de nombreuses personnes ont soulevée devant votre comité — soit la question de savoir pourquoi ces personnes ne sont pas simplement parties. Le fait que cette question soit encore posée indique que la stigmatisation est grandement présente.
Oui, vous y avez bien répondu. Nous pourrons y revenir de toute façon, parce que je vais poursuivre dans le même ordre d'idées.
Certains témoins nous ont dit que les victimes, les personnes survivantes, craignaient de faire un signalement à la police parce qu'elles croyaient que c'était dangereux — cela va jusque là. Elles ont peur d'être blâmées ou humiliées. C'est un peu ce dont vous parlez, soit la stigmatisation.
On estime que 80 % des cas de traite de personnes ne sont pas signalés aux forces de l'ordre. Certaines survivantes ont également exprimé des inquiétudes quant à la capacité des policiers de les sortir de situations de traite de personnes, en raison des déplacements entre plusieurs territoires et de possibles préjugés à l'interne. Elles craignent d'être jugées lorsqu'elles demandent de l'aide, et elles s'inquiètent pour leur sécurité, et même pour celle de leurs proches.
Comment ce manque de confiance dans le système mine-t-il l'aide que l'on peut apporter aux victimes de la traite et l'approche que l'on peut avoir à l'égard de celles-ci?
Je voudrais dire tout d'abord que je sais que les forces de l'ordre ont de bonnes intentions et qu'elles essaient de faire le meilleur travail possible. C'est un système imparfait.
Lorsque nous parlons de créer une formation sur la lutte contre la traite des personnes, cela doit également inclure une formation nuancée permettant aux forces de l'ordre de comprendre la différence entre l'échange consensuel de services sexuels et le trafic sexuel, et de comprendre en quoi consiste une réponse qui tient compte des traumatismes — c'est‑à‑dire comment parler à une personne qui a vécu des traumatismes extrêmes et qui se trouve en situation de crise. Sans ce type de formation, je pense que la plupart des organismes de première ligne... et c'est certainement quelque chose dont nous avons fait l'expérience, à ACT Alberta. Nous faisons de notre mieux pour sélectionner les agents d'application de la loi qui collaboreront avec les personnes survivantes. Nous avons la chance d'avoir des partenaires incroyables en qui nous avons confiance, mais nous les sélectionnons parce que les soins tenant compte des traumatismes ne font pas partie de la formation obligatoire de la GRC, à ma connaissance.
La réponse culturelle est un élément. D'autre part, les systèmes et les lois en place, ainsi que la manière dont nous traitons les personnes au statut précaire au Canada, sont tels que le fait de s'adresser aux forces de l'ordre risque d'aggraver leur traumatisme dès le départ. Ces personnes peuvent être littéralement expulsées du pays avant même d'avoir accès à des services.
Je pense que de nombreux éléments ont été couverts au cours de la présente réunion. Mme Stone a soulevé d'excellents points sur les aspects et la structure juridiques. Je suis désolée, c'était plutôt Mme Kim. Nous devons nous pencher sur les pratiques culturelles et la formation, mais aussi sur les structures juridiques qui ont un effet immédiat sur les personnes qui veulent obtenir de l'aide.
Je ne suis pas certaine d'avoir complètement répondu à votre question. Est‑ce le cas?
Il y a aussi la question de la confiance, c'est le mot qui me vient en tête. Les victimes doivent pouvoir se dire qu'il y a des lois en place et une bonne concertation entre tous les intervenants. Elles doivent aussi pouvoir se dire que l'on se fie à des données basées sur la science, et non sur des stéréotypes ou des idées reçues. C'est un peu ce que je comprends.
J'encouragerais les gens à approfondir les choses quant à la façon dont nous définissons « traite » dans le cadre d'une formation, mais aussi dans la loi et d'être très précis quant à la façon dont ces termes sont utilisés. La qualité des données s'en trouvera améliorée si nous sommes capables de mieux exprimer ce qu'est la traite et ce qu'elle n'est pas.
Je remercie tous les témoins de leur présence. C'est très intéressant.
Madame Wu, j'ai aimé que vous disiez qu'il faut examiner les choses dans le cadre des droits de la personne. Vous avez dit qu'il fallait abroger les dispositions du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou du RIPR. Je dis depuis longtemps que lorsqu'on rend une personne illégale, on la met en danger. Entre autres choses, on a mentionné que si une personne est mêlée à une affaire de trafic sexuel, la première chose à faire est de lui accorder la résidence permanente afin qu'elle ne craigne pas d'être expulsée. Je défends ardemment l'idée d'un statut pour tous, mais c'est certainement l'une des recommandations qui a été faite au Comité.
Voici ma question, en fait. En quoi le maintien en place du RIPR porte‑t‑il atteinte aux droits de la personne des travailleuses du sexe migrantes et également de personnes qui peuvent être victimes de trafic sexuel?
Pour l'essentiel, l'interdiction du travail du sexe prévue par le RIPR empêche les personnes migrantes de choisir librement leur activité professionnelle au Canada. Lorsqu'elles choisissent de travailler dans l'industrie du sexe, elles risquent automatiquement d'être arrêtées, détenues et expulsées. C'est ce qui s'est passé à plusieurs reprises dans le cas des femmes que nous aidons.
Souvent, elles retiennent l'attention de la police parce qu'elles ont décidé de signaler des actes de violence ou d'exploitation. Malheureusement, presque chaque fois, les femmes finissent par être expulsées du pays. Il s'agit vraiment d'un règlement rétrograde, car je crois que la disposition a été ajoutée au RIPR pour lutter contre la traite des personnes. Il s'agissait, je crois, d'un résultat à atteindre dans le cadre du plan d'action national d'il y a quelques années. D'une certaine manière, c'était considéré comme un moyen de lutter contre la traite, mais nous avons constaté qu'en fait, cela pousse les travailleuses du sexe migrantes à travailler encore plus dans l'ombre et limite leur accès à la justice.
Cela dit, pour en revenir à lapolice, je dirais qu'il y a une tonne d'exemples de racisme systémique au sein des services policiers, qui touchent certainement les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur. Je sais que dans le cas des communautés autochtones, les relations sont très houleuses, en tout cas c'est vrai dans la ville de Winnipeg. Un autre rapport a été publié pour dénoncer le racisme de la police de la ville de Winnipeg concernant les sites d'enfouissement et le caractère carrément raciste de ce qui s'est passé. C'était en fin de semaine.
À votre avis, de quelle manière le gouvernement fédéral peut‑il contribuer à améliorer le processus de signalement? Le système est‑il à ce point entaché par le racisme que nous devons envisager d'autres moyens de dénoncer que le signalement à la police pour assurer la protection des travailleuses du sexe et des victimes du trafic sexuel?
Je pense que l'élément essentiel dans cette question, c'est que puisque nos lois actuelles criminalisent le travail du sexe, comment les personnes qui sont victimes d'exploitation dans l'industrie du sexe — ce qui est, si j'ai bien compris, la principale préoccupation de ce comité — ont-elles accès à la justice si la police est censée faire respecter ces lois? Elles n'ont pas vraiment accès à la justice.
Lors d'une autre séance, j'ai entendu une personne dire qu'elle savait que certains policiers n'appliquaient pas les lois, en fait. Ils savent qu'il s'agit d'un échange consensuel de services sexuels et se gardent d'intervenir. Il n'en demeure pas moins que le travail du sexe est criminalisé. Le fait que certains policiers disent qu'ils n'appliqueront pas la loi ne change pas vraiment la façon dont ces femmes vivent et agissent. Elles doivent toujours travailler dans l'ombre tant que le travail du sexe est criminalisé.
À ce sujet, vous avez plaidé en faveur de la décriminalisation. Encore une fois, je pense que lorsqu'on rend quelqu'un illégal ou qu'on le criminalise, on met sa sécurité en péril.
La décriminalisation est-elle un élément essentiel pour assurer leur sécurité?
En ce qui concerne les options et les droits de la personne — je vous ai posé toutes les questions ce tour‑ci et je les poserai à d'autres personnes —, il y a la question du revenu de base garanti. C'est un projet de loi que je défends parce que nous parlons de choix, mais nous ne donnons pas de véritable choix aux gens. Nous n'avons pas de logements accessibles et abordables dont le loyer est proportionné au revenu. Nous n'avons pas de revenu de base garanti suffisant.
Si nous voulons nous attaquer à ce problème de façon concrète et systémique, pensez-vous que l'un des moyens d'y parvenir est de mettre en place un revenu de base garanti suffisant?
Oui, absolument. Je pense que c'est un élément important.
Comme vous l'avez dit, il s'agit des choix que nous avons en tant que personnes qui vivent dans une société et dans un monde capitaliste. Je crois que la mise en place d'un revenu universel de base aurait une incidence importante sur les gens. Toutefois, je dirais qu'elle doit s'accompagner d'une décriminalisation et d'une déstigmatisation des personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe, car certaines personnes pourraient encore choisir de le faire.
Je veux seulement signaler à tout le monde qu'il y aura un vote à 13 h 2 et que la sonnerie se fera donc entendre dans un instant. Je vous le dis, car nous devrons décider comment nous voulons procéder pour la suite. Nous pouvons continuer et voter en ligne à l'aide de l'application. Mme Vandenbeld m'a montré comment nous pouvons le faire. C'est aux membres du Comité de décider, mais puisque la sonnerie va retentir très bientôt, nous pourrons soit nous arrêter pour aller voter, soit poursuivre la réunion encore quelques minutes.
Nous allons toutefois commencer le deuxième tour. Je vais céder la parole à Michelle Ferreri.
Madame Ferreri, vous disposez de cinq minutes, ou était‑ce Mme Roberts?
Je n'en ai pas. Je pense en fait être la personne la moins qualifiée du groupe pour répondre à cette question. J'encouragerais l'une des autres personnes qui travaillent plus directement auprès des travailleurs et des travailleuses du sexe à y répondre.
Je n'ai pas de statistiques à ce sujet. Les personnes que SWAN soutient sont principalement des femmes qui s'identifient comme telles, et nous n'aidons donc pas des hommes, en fait.
Je n'ai pas de statistiques à ce sujet. Je répète que SWAN travaille auprès de cette population depuis plus de 20 ans. Il est très rare que nous tombions sur des personnes victimes de la traite des personnes. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Nous avons entendu le témoignage de Timea Nagy. Je ne sais pas combien d'entre vous savent de qui il s'agit. Elle a été victime de la traite des personnes. Elle a aidé de nombreuses jeunes personnes à sortir de ce milieu. Elle sera d'ailleurs à Toronto demain pour faire un exposé, avec l'ASFC. Elle est également hautement recommandée par le service de police de Peel en raison de la façon dont elle a travaillé avec les membres de son personnel pour les sensibiliser.
Je suis également en train de lire son livre, qui est très sombre — en toute honnêteté. L'une des choses qu'elle m'a dites, c'est que tout commence par la traite des personnes et que ces femmes deviennent tellement en colère qu'elles finissent par se lancer dans le commerce du sexe puisqu'elles n'ont pas d'autre choix parce qu'elles se sentent rabaissées, parce qu'elles sont démoralisées. Ces agresseurs les ont démoralisées, de sorte qu'elles se sentent moins que femmes.
Je vais vous poser ma question. En tant que femme, je pense que j'ai beaucoup à offrir. Je pense que dans la société d'aujourd'hui, les femmes ont la possibilité d'aller à l'école, de s'instruire, de s'améliorer. Je sais que Timea Nagy est le parfait exemple d'une personne qui s'est sortie de cette situation, qui est retournée aux études, qui s'instruit et qui instruit d'autres femmes.
Je vais commencer par Mme Price.
Pensez-vous qu'en tant que femmes, nous pouvons faire mieux que de vendre notre corps?
Je ne suis pas en accord ou en désaccord avec quoi que ce soit. Ce que je veux dire — et la raison principale de ma présence ici —, c'est qu'il appartient à chaque personne de décider pour elle-même de la façon dont elle veut vivre sa vie et d'avoir la capacité de le faire. C'est à nous d'essayer de résoudre les problèmes systémiques qui limitent leur capacité à y parvenir.
Je suis tout à fait d'accord avec Mme Price pour dire que nous devons garder à l'esprit que nous n'avons pas à décider pour chacune de ces personnes. Elles peuvent décider pour elles-mêmes. Comme l'a dit Mme Price, tout le monde mérite d'être en sécurité, quelle que soit sa profession.
Madame la présidente, je vous demande la parole pour 30 secondes.
J'aimerais clarifier la procédure. Le vote aura lieu vers 13 h 3. De toute façon, notre réunion est censée être terminée avant cela. J'essaie de comprendre quel est le problème. On peut laisser la sonnerie se faire entendre pendant 30 minutes et terminer notre réunion.
Je propose que nous poursuivions après la sonnerie et que nous mettions fin à la réunion lorsqu'il restera 10 minutes au temps imparti. C'est seulement une suggestion.
Je remercie les témoins de comparaître dans le cadre de l'étude sur la traite des personnes.
Mes premières questions s'adressent à Mme Wu.
Madame Wu, quelles sont les idées fausses sur le travail du sexe qui, selon vous, sont néfastes et contribuent au problème de la traite des personnes?
Je pense que l'idée principale, c'est que le travail du sexe est intrinsèquement une forme d'exploitation. Mais ce n'est pas le cas. Bien qu'il y ait des gens qui exploitent et des gens qui sont exploités, l'acte de travailler dans le commerce du sexe n'est pas en soi une forme d'exploitation. Je pense qu'il s'agit d'une idée fausse qui sous-tend toutes les lois et politiques canadiennes. Nos lois sur le travail du sexe… Le préambule de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation part du principe que le travail du sexe est intrinsèquement une forme d'exploitation.
Lorsqu'on considère que le travail du sexe est intrinsèquement une forme d'exploitation, cela va dans le même sens que ce que d'autres témoins ont dit, à savoir que cela infantilise les personnes qui font ce travail et qui ont choisi de le faire. On donne l'impression qu'elles n'auraient pas pu choisir ce travail pour elles-mêmes, ou qu'elles ont besoin d'être secourues.
Madame Price, Statistique Canada nous apprend que 9 victimes sur 10 de la traite des personnes signalées par la police connaissaient leur trafiquant présumé. On a également dit au Comité que les trafiquants se font souvent passer pour des partenaires romantiques pour recruter des victimes.
Pouvez-vous nous dire si vous avez observé ce phénomène en Alberta et nous faire part de vos recommandations en matière de collecte de données?
Nous avons certainement observé ce phénomène en Alberta. C'est ce qui ressort des témoignages des survivants et des clients avec lesquels nous avons travaillé. Je ne dirais pas que c'est exclusivement le cas, mais c'est certainement un pourcentage plus élevé qu'on ne le pense.
En ce qui concerne la collecte de données… C'est difficile. Il faut que les survivants se sentent suffisamment en sécurité pour fournir ce niveau de détail à une personne qui collecte des données. Ce système est intrinsèquement défectueux, car il exige qu'un survivant raconte un témoignage extrêmement douloureux afin d'améliorer la collecte de données. Je ne sais pas vraiment quelles recommandations formuler, si ce n'est d'investir davantage dans des services d'intervention axés sur la communauté qui sont en mesure d'inspirer confiance et d'avoir une compréhension nuancée des besoins régionaux et culturels de ces personnes. Elles pourraient alors être en mesure d'aider et de contribuer à la collecte de données.
Pour répondre à l'intervention précédente de Mme Stone, les organismes qui collectent ces données et qui n'ont pas la possibilité de pouvoir compter sur un financement pluriannuel — et qui sont donc dans l'incapacité de se payer une personne formée à un ensemble de compétences techniques, comme la qualité et la collecte de données appropriées — continuent d'éprouver des difficultés, même si nous envisageons de donner la priorité aux interventions axées sur la communauté lorsqu'il s'agit des besoins en matière de données.
Nous avons également entendu parler de votre programme d'éducation « First Defense » qui est offert gratuitement et qui passe en revue les signes de la traite des personnes ou ce qu'il faut rechercher pour la détecter. Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que sont ces signes et de la façon dont ce programme fonctionne?
Ce qui n'est pas rare en Alberta et, je présume, au Canada, c'est d'offrir un module individuel sur la traite des personnes qui est suivi pendant l'heure du dîner. Il y a des avantages et des inconvénients, car il y a beaucoup de contexte à fournir. Il est très difficile, en une heure, de présenter une compréhension nuancée de la traite et de ses répercussions sur les différentes communautés, mais c'est ce que nous tentons de faire. À cette fin, nous offrons un webinaire en ligne gratuit et accessible à tous.
Nous proposons également des formations sur mesure pour les industries. Nous travaillons avec des industries ciblées, par exemple dans le domaine des transports. Nous avons travaillé avec l'aéroport international d'Edmonton pour mettre au point un programme de formation à plusieurs niveaux qui tient compte du mode de fonctionnement de l'équipe. Par exemple, en cas de travail par postes, nous ne pouvons pas organiser une séance de formation en personne pour tout le monde, et nous proposons donc des modules en ligne en plus de la formation en personne, que nous filmons. Nous essayons de former les employés à l'identification des indicateurs de la traite des personnes, même si cette phrase est très imparfaite, car les indicateurs sont bien plus complexes que cela. Quels sont les signes de la traite des personnes dans un secteur d'activité précis? Comment intervenir en toute sécurité? Un employé doit‑il s'adresser à quelqu'un dans le cadre de son secteur ou de son emploi? Doit‑il communiquer avec le Centre canadien pour mettre fin à la traite de personnes en vue d'obtenir une recommandation? Doit‑il s'adresser à une ressource communautaire...
Nous entendons maintenant la sonnerie. Cela signifie que nous devrons voter dans une demi-heure. J'ai besoin du consentement unanime pour poursuivre les délibérations. J'aimerais donc savoir qui est d'accord pour poursuivre les délibérations.
Des députés: D'accord.
La présidente: D'accord. Nous terminerons à 13 heures aujourd'hui, ce qui nous donnera un peu de temps. C'est fantastique.
Nous avons terminé cette série de questions. Nous passons maintenant à la série de questions de deux minutes et demie.
Madame Larouche, vous avez la parole. Vous avez deux minutes et demie.
Madame Price, encore une fois, je vous remercie d'avoir répondu à mes premières questions.
Je vais maintenant me tourner vers Mme Rosel Kim ou vers Mme Jessica Stone, qui participent à la réunion à distance.
Comme nous l'avons vu, les témoins sont unanimes quant au fait que le gouvernement fédéral doit absolument travailler en collaboration avec les organismes sur le terrain, les services de police ainsi que les provinces et les territoires, afin de recueillir des données exhaustives sur la traite des personnes. On a déjà parlé du fait que le gouvernement doit travailler en concertation. Je sais que des plans ont été mis en place, notamment par les services de police dans la circonscription que je représente, que ce soit par la Sûreté du Québec ou par la police de Granby.
Madame Stone, vous travaillez au Yukon. Selon vous, comment pouvons-nous nous assurer de travailler davantage en concertation? Quel impact cela pourrait-il avoir?
Madame Stone, je vous demande de répondre en premier, et Mme Kim va pouvoir compléter votre réponse.
Je vous remercie de votre question et je m'excuse d'avoir manqué une partie de la réunion. Malheureusement, Internet ne fonctionne pas très bien au Yukon, surtout à 9 h 30, et je m'excuse donc d'avoir été absente pendant une partie de l'appel.
Comme vous l'avez dit à propos de tous les services uniques, en particulier dans un endroit comme le Yukon, où le nombre des ressources accessibles est limité en raison de la taille de la population, il est impératif de créer rapidement un service de soutien global pour les personnes qui ont subi tous les types de violence fondée sur le sexe et pour les personnes qui travaillent dans le commerce du sexe.
Dans notre cas, cela inclut la police à ce moment‑ci. Toutefois, nous devons être attentifs au fait que nous parlons de violence et que nous devons nommer explicitement cette violence. Nous ne fusionnons pas la violence et le travail du sexe, car c'est ce qu'on a fait historiquement et c'est ce qui a provoqué cette tension entre les travailleurs du sexe et les forces de l'ordre.
Cela dit, étant donné le manque de ressources dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques — et ce n'est pas seulement le cas au Yukon, mais c'est là que se situe mon expérience —, je pense qu'il faut mobiliser tous les intervenants et créer un service de soutien global pour mettre en place des réseaux de soutien officiels et non officiels, afin que les gens puissent avoir de multiples options d'accès à la sécurité.
Madame Rosel Kim, je vous laisse réfléchir à ce que vous aimeriez ajouter à ce sujet. Il y aura peut-être un autre tour de questions, et vous pourrez nous en faire part si l'occasion se présente.
Je vous remercie beaucoup. Ma question s'adresse à Mme Kim.
Madame Kim, vous avez parlé de mesures contre l'oppression. Pourriez-vous expliquer au Comité à quoi ressemblerait un cadre de lutte contre l'oppression pour le travail du sexe et la traite des personnes à des fins sexuelles?
Madame Stone, vous avez parlé d'associer la traite des personnes et le travail du sexe. C'est un point que je soulève souvent au sein du Comité, c'est‑à‑dire que le fait d'associer le travail du sexe, la traite des personnes et, en fait, l'exploitation sexuelle des enfants met les gens en danger. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Lorsque nous qualifions de traite des personnes tous les types de violence subis par les travailleurs du sexe, nous ne pouvons pas nous faire une idée précise de la violence que subissent réellement ces travailleurs. Comme dans les cas qui se trouvent devant les tribunaux, lorsque nous n'utilisons pas la terminologie exacte pour décrire la violence, nous minimisons et cachons souvent l'impact de cette violence. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure d'y remédier à mesure qu'elle se produit.
Il faut que les choses soient claires. Il faut utiliser une définition précise et commune de la traite des personnes, et je ne pense pas que nous l'ayons fait dans cet espace ou dans l'ensemble du pays. Nous devons également reconnaître que les personnes connaissent à fond leurs propres expériences et nous devons leur permettre d'utiliser leurs propres mots pour définir ce qu'elles ont vécu, afin de pouvoir adopter une approche axée sur la personne lorsque nous intervenons dans des situations de violence et d'autres expériences.
Une approche axée sur la personne… Vous avez parlé d'autonomie et de capacité. Nous avons entendu parler de décriminalisation.
À votre avis, la décriminalisation permet-elle de donner à ces personnes l'autonomie nécessaire pour prendre des décisions au sujet de leur propre corps?
Je remercie tout le monde d'être ici. Nous avons entendu des témoignages intéressants aujourd'hui.
Si vous me le permettez, j'aimerais poser une brève question à Mme Price.
Vous avez parlé du sensationnalisme à l'égard de la traite des personnes. J'aimerais savoir ce que vous pensez du rôle des médias sociaux auprès des mineurs, et si vous pensez qu'il faudrait prendre des mesures au sujet des jeunes ou des enfants en général, qui sont très vulnérables lorsqu'ils utilisent les médias sociaux ou lorsqu'ils y sont exposés.
Je veux répondre à cette question, mais je tiens à préciser que l'Action Coalition on Human Trafficking Alberta Association ne s'adresse qu'aux personnes âgées de 18 ans et plus, et que je ne suis donc pas nécessairement spécialiste de ce groupe démographique.
Je dirai cependant que le lien entre l'exploitation sexuelle en ligne et les médias sociaux est très évident et que les risques existent bel et bien. Toutefois, je pense que les médias sociaux ne vont pas disparaître et qu'il faut donc se concentrer sur la sensibilisation et la formation dans les écoles pour s'assurer que les jeunes comprennent ce que cela signifie, jusqu'où les photos peuvent aller et à quel point les gens peuvent être invisibles de l'autre côté de l'écran.
J'aimerais connaître votre opinion personnelle. En tenant compte de ce dont vous êtes témoin, pensez-vous que les jeunes utilisent les médias sociaux à un âge trop précoce?
Je ne peux pas imaginer un scénario dans lequel nous pourrions contrôler cela, et je ne suis donc pas certaine que la question justifierait la prise de mesures supplémentaires. Comprenez-vous ce que je veux dire?
Oui. Je pense qu'il est tout à fait possible de contrôler ce facteur. Si on adopte une loi à cet égard, on peut changer l'âge et les parents seront mieux informés sur ce sujet.
Dans l'une de ses publications d'aujourd'hui, Adam Grant dit ceci:
Plus les enfants sont exposés tôt aux téléphones intelligents, plus leur santé mentale se détériore à l'âge adulte.
Une nouvelle étude menée auprès de plus de 27 000 personnes révèle que posséder un téléphone intelligent à un plus jeune âge prédit une baisse de l'estime de soi, de la motivation et de la résilience — et plus de tristesse, d'anxiété et d'agression — en particulier chez les filles.
Je tiens à ajouter ces renseignements au compte rendu, car je pense que c'est un facteur important dans les discussions actuelles.
J'aimerais maintenant aborder un sujet que ma collègue, Mme Roberts, a tenté d'approfondir. Elle faisait certainement un bon travail, mais ce sont des discussions difficiles et nous devons gratter sous la surface pour avoir une conversation honnête sur un grand nombre de ces enjeux.
Voici donc ma question. Je vais l'adresser à Mme Price, puisqu'elle est dans la salle. Si une personne a le choix, mais qu'elle ne croit pas qu'elle mérite quelque chose de plus… Je n'ai aucun jugement à porter sur le choix d'être travailleur du sexe, mais pensez-vous que c'est vraiment ce que choisirait une personne en premier lieu si elle avait la possibilité de faire des études ou d'avoir un autre emploi?
Parfois, des personnes choisissent d'occuper un emploi au salaire minimum parce qu'elles n'ont pas d'autre choix. Pensez-vous que le travail du sexe soit un choix?
Je sais que cela rejoint votre commentaire sur le sensationnalisme, mais pensez-vous que des travailleuses du sexe réunies dans une salle affirmeraient que c'était leur premier premier et unique choix et que c'est une passion à laquelle elles souhaitaient consacrer leur vie?
Je peux répondre à la première partie de cette question. Je ne peux pas répondre à la dernière partie, car je ne suis pas une travailleuse du sexe dans une salle avec d'autres travailleuses du sexe.
Je dirais qu'une excellente façon de répondre à cette question serait de fournir ce niveau d'accès à l'éducation, à un logement abordable, à des choix sécuritaires et à un revenu de subsistance raisonnable pour pouvoir ensuite voir ce qui se passe et quelles sont les décisions prises par ces personnes.
On ne connaît pas sa valeur si on ne connaît pas sa valeur. Il s'agit en grande partie d'une intersection entre le revenu, les circonstances et la pauvreté, ce que nous savons. Je vous remercie de votre réponse réfléchie.
Ma dernière question concerne l'autonomisation des survivants. Vous avez abordé ce sujet.
Si vous pouviez recommander une mesure essentielle que nous pourrions mettre en œuvre pour donner aux survivants les moyens de se libérer, quelle serait cette mesure, selon vous?
Il s'agirait de s'assurer que lorsque ces personnes tentent d'obtenir de l'aide, on les écoute, et qu'on accepte la façon dont elles définissent leur expérience telle quelle, sans penser qu'on doit l'interpréter par nos propres systèmes de valeurs, nos préoccupations et nos préjugés. Je pense qu'en veillant à ce que le premier point d'accès — qu'il s'agisse de demander des services, de dénoncer un agresseur ou simplement de chercher un logement sûr — soit conçu de manière à tenir compte des traumatismes et qu'il soit axé sur la personne…
Une fois cette étape franchie, les lois systémiques et les autres forces connexes devraient garantir que la personne ne sera pas pénalisée pour s'être manifestée, par exemple par une déportation.
Ma question s'adresse d'abord à Mme Wu. Nous avons beaucoup parlé de la collecte de données ou de l'absence de ces données, et de l'absence de définition. Pouvez-vous nous aider à mieux cerner la situation, par exemple en ce qui concerne les mauvaises collectes de données et les mesures que peut prendre le gouvernement fédéral pour améliorer les processus de collecte de données, car à l'heure actuelle, les données du gouvernement ne sont pas vraiment adéquates?
Vous avez parlé de la communauté, et c'est une chose que Mme Stone a également mentionnée. Pouvez-vous répondre en premier, madame Wu?
Bien sûr. Je pense que cela nous ramène à la discussion sur les définitions. La définition actuelle de la traite de personnes est si vaste et si ambiguë que nous n'arrivons pas à trouver de solutions vraiment adaptées aux problèmes qui se posent. Il n'y a pas de solution unique qui fonctionnerait pour tous les différents enjeux qu'englobe bien souvent la traite de personnes. Je pense bien que le coeur du problème, c'est la définition, car comment peut‑on obtenir ou recueillir des statistiques fiables si l'on ne comprend pas vraiment ce qu'on étudie?
Madame Stone, vous avez parlé de la définition et des données, et du fait qu'elles orientent bien mal le soutien que nous offrons et le travail que nous faisons. Pouvez-vous nous éclairer sur les recommandations que vous auriez à faire à notre comité fédéral?
Bien sûr. Comme tant d'autres l'ont dit avant nous aujourd'hui, il faut vraiment inclure les personnes qui s'adonnent au travail du sexe et les survivantes de la traite de personnes dans la réflexion pour élaborer une définition de la traite de personnes qui fasse l'unanimité. Comme Mme Wu l'a dit, cette définition trop vaste comprenant de nombreux types de violence mis à part la traite de personnes est celle sur laquelle se fondent nos systèmes actuels, et les données manquent de fiabilité. Il est important que ce problème soit enfin reconnu à l'échelle fédérale.
Dans le plan d'action national et sur le site Web du gouvernement fédéral sur la violence fondée sur le sexe, on peut voir que même le gouvernement fédéral reconnaît maintenant officiellement le manque de données désagrégées ou fiables, surtout dans les communautés rurales, éloignées et nordiques. On peut lire textuellement dans le plan d'action national que « les statistiques [...] brossent le portrait de la situation à l'échelle nationale, mais l'incidence de la [violence fondée sur le sexe] varie d'une région à l'autre du pays. Il existe des défis et des lacunes dans la collecte de données cohérentes et détaillées. Un autre défi est lié à la disponibilité de données pour soutenir l'utilisation d'une approche intersectionnelle qui reconnaît que les personnes subissent souvent de multiples oppressions en raison des effets combinés de la discrimination systémique. »
Le gouvernement a la capacité d'aller plus loin dans sa reconnaissance de ce manque de données et, encore là, d'inclure de multiples partenaires communautaires dans sa démarche pour veiller à recueillir des données plus fiables à l'avenir.
Je vous remercie. Désolé, mais mon temps est limité.
Madame Price, vous avez notamment parlé de la recherche... mais je voudrais vous entendre parler un peu de l'importance d'écouter les survivantes et les organisations communautaires, plutôt que certains gouvernements ou certains ministères qui ne projettent que leurs propres préjugés dans les discussions.
Pouvez-vous nous dire brièvement comment ce manque d'écoute envers les organisations et les survivantes nuit aux discussions?
Je pense que la discussion sur les données en est le parfait exemple. On n'a qu'à penser à une survivante de traite de personnes qui doit vivre l'horrible expérience de raconter son histoire à 2, 5 ou 10 personnes avant d'accéder aux services dont elle a besoin. Avant d'en arriver à parler à une représentante du gouvernement ou d'un organisme de première ligne pour que des données soient recueillies... Supposons qu'une femme ne soit pas victime de traite de personnes, mais qu'elle soit une travailleuse du sexe consensuelle victime d'exploitation. La personne qui recueille les données cochera la case « trafic sexuel », et l'information sera ajoutée à la base de données.
Les préjugés ont un effet très profond sur la façon dont nous recueillons des données. Ils ont un effet tout aussi profond sur nos investissements dans l'application de la loi et l'intervention de première ligne. La formation du personnel des organismes communautaires et de première ligne à la collecte de données pourrait nuancer énormément notre compréhension de ce qu'une personne dit avoir vécu.
Avec la permission du Comité, et puisqu'il ne reste que trois minutes et demie ou quatre minutes, j'aimerais poser une question, à titre de présidente. Je la poserais à tous les témoins, puis je lèverai la séance.
Est‑ce que ça va pour tout le monde? La présidence va poser une question.
Des députés: D'accord.
La présidente: D'accord. Merci à tous.
Je vous remercie toutes et tous beaucoup. Nous avons eu une excellente discussion. Nous essayons de bien comprendre... Nous comprenons que certaines femmes sont des travailleuses du sexe, mais nous savons aussi que bon nombre d'entre elles sont victimes d'exploitation. Je pense en particulier aux jeunes, aux jeunes filles de 12 ans victimes d'exploitation. C'est le genre de chiffres que nous entendons concernant la traite de personnes.
Je m'adresse à vous. Nous parlons d'établir des définitions. Pouvez-vous nous donner une idée de la définition qui pourrait s'appliquer à la catégorie d'âge des moins de 18 ans, en particulier? Je ne pense pas que le travail du sexe serait un concept approprié pour une enfant de 17 ans ou moins. Alors, quelle serait une bonne définition pour l'exploitation sexuelle et la traite de personnes dans le cas d'une enfant de moins de 18 ans?
Commençons par Mme Price, puis nous pourrons entendre Mme Wu et Mme Stone.
Je crois que nous avons effectivement déjà une définition pour ce segment de la population, soit l'exploitation sexuelle des enfants. C'est une définition distincte de la traite de personnes.
Je voulais vraiment vous poser cette question, car il s'agit d'un de nos principaux enjeux à l'heure actuelle. Je vous ai bien entendues aujourd'hui. Surtout lorsqu'il s'agit d'enfants, nous comprenons qu'il est absolument question d'exploitation. Nous savons que des filles de 12 ans sont vendues dans la rue pour accomplir divers actes sexuels. Ces filles sont exploitées, et nous devons donc en savoir plus sur ces segments vulnérables de la population.
En ma qualité de présidente, je vous remercie toutes, encore une fois, de votre présence à titre de témoins au Comité aujourd'hui.
Nous approchons de la fin de cette étude extraordinaire. Nous reprendrons nos travaux jeudi, et nous entendrons la ministre parler du Budget principal des dépenses pendant une heure. La deuxième heure sera consacrée à cette étude.
Puisque tout le monde est d'accord, la séance est levée.