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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 143 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 décembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 143e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre groupe de témoins. En personne, nous accueillons la Dre Erin Knight, professeure agrégée, Départements de psychiatrie et de médecine familiale, à l'Université du Manitoba. En ligne, nous recevons Lorraine Brett, éditrice adjointe au New Westminster Times, et le Dr Daniel Vigo, professeur agrégé à l'Université de la Colombie-Britannique.
    Merci à tous d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Comme vous en avez été informés, je le suppose, vous aurez jusqu'à cinq minutes pour présenter vos déclarations liminaires.
    Nous allons commencer par vous, madame Brett. Bienvenue au Comité. La parole est à vous.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion d'être ici.
    Je m'appelle Lorraine Brett. Depuis 1994, je vis à New Westminster, en Colombie-Britannique, où j'ai élevé trois enfants avec mon époux, David. Je suis ici pour aborder la crise dévastatrice de maladie mentale, de surdoses et d'itinérance qui frappe notre pays.
    Pendant près de 20 ans, mon fils Jordan, maintenant âgé de 40 ans, a vécu dans les rues de New Westminster et du Downtown Eastside de Vancouver. Il était toxicomane, itinérant et aux prises avec une maladie mentale. Ces 20 années ont été un enfer.
    Il a survécu à 12 surdoses. Il était transporté d'urgence au Royal Columbian Hospital de New Westminster, pour être relâché dans les rues quelque temps après.
    Lorsque les toxicomanes affrontent la mort, ils ont souvent un moment de clarté. Ils veulent mettre fin au cauchemar. Je n'oublierai jamais la douleur atroce que j'ai ressentie au moment d'entendre mon fils à l'extérieur de l'urgence du RCH dire à travers ses larmes: « Je ne veux pas mourir. »
    Pour obtenir un lit de rétablissement en Colombie-Britannique, vous devez d'abord subir une cure de désintoxication, mais pour cela, il faut généralement attendre au moins deux à trois semaines, et les clients doivent appeler chaque jour, ce qui est difficile à faire si vous n'avez pas de téléphone. Jordan a fait une surdose et a été ranimé deux fois pendant qu'il était sur cette liste d'attente.
    Il y a une illusion souvent alimentée par les campagnes trompeuses de relations publiques du gouvernement selon lesquelles ces soins pour les dépendances sont offerts à ceux qui le veulent quand ils le veulent. Eh bien, ce n'est pas vrai.
    J'ai vu une terrible calamité s'abattre sur nos rues au cours de la COVID quand les toxicomanes sans abri se sont tout d'un coup discrètement vu offrir un approvisionnement sûr en drogues comme s'il s'agissait d'une attraction foraine minable. À cause de la consommation sans fin de drogues, des êtres humains comme mon fils sont devenus des animaux en raison de leur consommation excessive. Pire encore, la COVID a réduit le nombre de lits de rétablissement, de lits de désintoxication et de lits de refuge. Les personnes dans la rue qui étaient atteintes d'une maladie mentale, qui sont les plus vulnérables et sont impuissantes, se retrouvaient vraiment devant une impasse horrible, sans personne pour défendre leur dignité et leur intention de cesser de consommer de la drogue.
    L'approvisionnement sûr et la légalisation des drogues dures créent une descente aux enfers. C'est un cercle de l'enfer encore plus profond, qui traque, emprisonne et incinère des vies.
    Notre fils va beaucoup mieux. Comment est‑ce possible?
    Voici ce qui n'a pas du tout aidé notre fils: des campagnes de marketing mielleuses du gouvernement sur la fin de la stigmatisation, l'approvisionnement sûr, la décriminalisation et des militants de la justice sociale réclamant le démantèlement des systèmes d'oppression.
    Voici ce qui a fonctionné: un traitement imposé dans des établissements fermés, des médicaments antipsychotiques appropriés dans un environnement contrôlé, des psychiatres prêts à utiliser la loi qui régit la santé mentale en Colombie-Britannique pour faire interner les personnes souffrant de psychose et de dépendance, et la disponibilité d'un lit dans un établissement approprié.
    En 2006, j'ai aidé à fonder la Homelessness Coalition Society de New Westminster. J'ai passé cinq ans là‑bas, où j'ai contribué à lancer un projet pilote de services toujours actifs aujourd'hui, comme des services intégrés pour les personnes les plus difficiles à loger.
    De nombreuses personnes fantastiques travaillent sur la ligne de front de cette crise, mais j'ai passé assez de temps dans le système pour connaître la différence entre une campagne de relations médiatiques coûteuse et professionnelle et des résultats concrets.
    Par exemple, en Colombie-Britannique, un nouvel établissement de rétablissement et de psychiatrie appelé Red Fish a ouvert ses portes sur les terres de Riverview. Ces rubans ont été coupés, et le gouvernement a alimenté la fanfare médiatique et s'est targué de l'excellente presse qu'il a reçue. Malheureusement, le public n'est généralement pas conscient du fait que Red Fish ne faisait que remplacer l'établissement de santé mentale et de toxicomanie vieillissant de Burnaby, où notre fils a passé trois mois. Aucun nouveau lit n'a été créé.
    Où sont tous les nouveaux lits? Il en faut des milliers de plus, pas quelques centaines répartis un peu partout au pays, ici et là.
    Voici ma demande pour vous tous. Arrêtez d'essayer de changer de sujet en encourageant inutilement des campagnes coûteuses de lutte contre la stigmatisation et la rhétorique de l'approvisionnement sûr. La stigmatisation n'a rien à voir avec la crise des surdoses. Ce n'est qu'une stratégie cynique de relations publiques pour amener le public à penser qu'il est la cause des décès par surdose à cause de la manière dont il pense et parle des toxicomanes, et c'est un non-sens.
    L'approvisionnement sûr n'existe pas. La stigmatisation ne tue pas. Les drogues, si.
    Le mythe est que si ce n'était de la stigmatisation, les toxicomanes se précipiteraient pour accéder aux soins dont ils ont besoin et aux drogues sûres. C'est une pure invention. Il n'y a pas assez de soins offerts aux personnes qui les demandent déjà activement.
    Jordan était un enfant innocent et heureux qui faisait la fierté de sa mère. C'était une star de football, un athlète remarquable complet et un étudiant travaillant et concentré, puis tout a dégringolé.
(1110)
    L'alcool a conduit à la marijuana, la marijuana au crack, puis aux méthamphétamines, qui ont ensuite été mélangées au fentanyl. Jordan ne veut pas être un consommateur de drogues. Il travaille très fort pour se tenir loin des drogues. Il vient juste de célébrer une année de sobriété.
    Voici quelques recommandations concrètes pour vous.
    On doit accorder la priorité aux personnes qui souffrent simultanément d'une dépendance et d'une psychose. Il faut élargir de manière radicale l'utilisation des lois sur la santé mentale pour incarcérer et traiter les personnes qui ont un diagnostic double. On doit accélérer de manière spectaculaire la création de milliers de places dans les établissements sécurisés. C'est une urgence. Voyez‑le comme une urgence. Trouvez ces établissements. Obtenez les terres. Faites en sorte que la construction se fasse.
    Pour les personnes dépendantes qui ne sont pas psychotiques, mais qui présentent des symptômes psychotiques comme la paranoïa, renvoyez-les d'office dans un établissement de soins. Si le comportement psychotique disparaît, dans ce cas, transférez-les dans des établissements de traitement volontaire.
    Bien sûr, il faut décupler le nombre de lits de désintoxication et le nombre de lits de traitement au Canada.
    Merci beaucoup de m'avoir écoutée aujourd'hui.
    Merci, madame Brett.
    Nous avons ensuite la Dre Erin Knight, qui est avec nous dans la salle. Elle est professeure agrégée des Départements de psychiatrie et de médecine familiale à l'Université du Manitoba.
    Bienvenue au Comité, docteure Knight. La parole est à vous.
    Comme on l'a mentionné, je suis professeure agrégée aux Départements de psychiatrie et de médecine familiale. Je suis la responsable médicale des cliniques provinciales d'accès rapide à des médicaments contre la toxicomanie au Manitoba, et j'occupe plusieurs autres rôles de leadership en plus de pratiquer la médecine de la dépendance clinique et la médecine familiale.
    Bien que je m'adresse à vous aujourd'hui à titre personnel, je suis également présidente de la Société médicale canadienne sur l'addiction. Certains de mes commentaires s'inspirent du mémoire soumis par la SMCA.
    Je tiens à souligner que toute réponse à cette crise complexe devra être à facettes multiples et répondre aux besoins de toutes les personnes consommatrices de drogue. Cependant, mes recommandations se concentreront sur les personnes aux prises avec un trouble lié à la toxicomanie.
    Je vais commencer par raconter une histoire qui, même si elle est fictive, est une compilation d'événements réels. Angela est une mère célibataire. Son conjoint, Alex, a été incarcéré pour des accusations liées à la drogue à un moment où ils consommaient tous les deux du fentanyl. Alex a subi des symptômes sévères de sevrage des opioïdes et s'est vu refuser un traitement. Angela a demandé de l'aide et a commencé à prendre de la buprénorphine et de la naloxone. Elle se portait bien et se réjouissait à l'idée de progresser avec sa famille. Malheureusement, Alex est mort d'un empoisonnement aux drogues quelques semaines après sa libération, à cause d'une perte de tolérance aux opioïdes pendant sa détention et de son trouble non traité lié à la consommation d'opioïdes.
    Angela est restée stable, mais lors de notre dernière visite, elle m'a dit qu'elle avait besoin de diminuer ses médicaments. Elle sent qu'elle peut mieux soutenir ses enfants en travaillant qu'avec l'aide sociale. Cependant, lorsqu'elle commencera à gagner un revenu, elle perdra son assurance-médicaments, et elle n'a pas les moyens de payer pour cela. Malheureusement, ses chances de réussite à long terme sont faibles, et je crains qu'elle ne se joigne aux plus de 47 000 Canadiens qui sont déjà morts d'un empoisonnement aux drogues depuis 2016, laissant ainsi ses enfants perdre deux parents à cause de l'épidémie d'opioïdes.
    Ma première recommandation est que le gouvernement fédéral soutienne la décriminalisation nationale des drogues à des fins personnelles. Bien que les résultats des projets pilotes de l'Oregon et de Vancouver aient été mauvais et que ces projets aient déjà commencé à réduire leur portée, en plus de l'escalade des demandes de traitement imposé, il importe de ne pas rejeter l'idée de la décriminalisation à cause de politiques erronées.
    Un élément essentiel d'une décriminalisation réussie, comme on le voit au Portugal, est l'évaluation et l'aiguillage vers un traitement des personnes aux prises avec une consommation problématique. Cet élément de dissuasion a été absent des efforts de l'Amérique du Nord et doit être combiné à l'augmentation du traitement à la demande fondé sur des preuves avant le déploiement.
    Au lieu de passer d'une décriminalisation sans aucun incitatif au changement à la mise en œuvre du traitement imposé, nous devrions nous concentrer sur un compromis en utilisant une politique de décriminalisation bien ficelée pour encourager l'utilisation volontaire ou minimalement coercitive d'un traitement accessible fondé sur des preuves. Si Alex s'était vu offrir un traitement plutôt que l'incarcération, il serait peut-être en vie aujourd'hui pour voir ses enfants grandir.
    Ma deuxième recommandation est que le gouvernement fédéral établisse un groupe de travail pour élaborer et mettre en œuvre un plan d'action national visant à lutter contre les méfaits liés aux substances. Il y a beaucoup trop de variabilité dans l'accès à des soins fondés sur les preuves dans l'ensemble des régions, y compris entre les provinces et entre les milieux urbains et les milieux ruraux ou éloignés. C'est tout particulièrement le cas dans les régions où les questions de compétence entre les services financés par le gouvernement fédéral et par les provinces entraînent des écarts dans les soins, dont ceux offerts aux personnes incarcérées et aux collectivités autochtones.
    Pour revenir à notre histoire, si Alex avait été incarcéré en Alberta plutôt qu'au Manitoba, il aurait probablement reçu un traitement à cause des différences dans les politiques correctionnelles provinciales.
    La troisième recommandation, et la plus directe, réclame la couverture universelle de médicaments pour traiter le trouble lié à la consommation d'opioïdes, qui permettra non seulement de sauver la vie de personnes comme Angela, mais aussi de les aider à travailler, avec moins d'obstacles. En particulier, les produits de buprénorphine et la méthadone, qui sont les traitements de première ligne pour les troubles liés à la consommation d'opioïdes, devraient être inclus immédiatement en priorité dans un formulaire de régime national d'assurance-médicaments, et il faut prendre en considération des agents de rechange. De plus, la naltrexone injectable devrait être proposée en priorité pour être approuvée par Santé Canada et incluse dans le formulaire d'assurance-médicaments lorsqu'il sera disponible.
    En conclusion, une réponse efficace à l'épidémie d'opioïdes et à la crise de drogues toxiques sera forcément à facettes multiples et doit comprendre un soutien accru des personnes aux prises avec un trouble lié à la consommation de substances comme un élément. Pour élaborer cette réponse urgente, nous devons également lutter délibérément contre la stigmatisation et la division, reconnaissant que les personnes qui consomment de la drogue sont notre famille, nos amis et les membres de notre communauté, et qu'elles méritent de recevoir des soins.
    Je vous remercie de votre attention. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
(1115)
    Merci, docteure Knight.
    Enfin, le Dr Daniel Vigo de l'Université de la Colombie-Britannique se présente à nous par vidéoconférence.
    Bienvenue au Comité, docteur Vigo. Vous avez la parole.
    Mme Brett et l'intervenante précédente ont décrit la situation dans laquelle nous nous trouvons au Canada et en Colombie-Britannique. La question est de savoir pourquoi. Comment aller de l'avant pour améliorer ces résultats?
    En 2013, le chef de police et le maire de Vancouver ont convoqué une conférence de presse pour déclarer une crise de santé mentale. Il y avait environ 300 personnes souffrant d'une maladie mentale grave, de troubles liés à la polytoxicomanie et de lésions cérébrales acquises qui affichaient certains des comportements qui accablent maintenant nos collectivités. Le chef de police et le maire ont demandé au système de santé de bien vouloir s'en occuper: « Nous ne sommes pas en mesure de le faire. Nous sommes des policiers. »
    Comment se fait‑il que, au cours des 10 dernières années à Vancouver, nous soyons passés de 300 personnes à 10 fois ce chiffre, et à 100 fois ce chiffre pour les personnes à risque de souffrir de ces maladies graves?
    Il y a trois causes principales. La première a été la fermeture en 2012 de l'hôpital Riverview, sans remplacement. On aurait dû le remplacer par des services communautaires suffisants et des lits d'hospitalisation suffisants afin d'offrir un traitement, principalement volontaire, mais parfois imposé, au besoin.
    La deuxième raison, c'est que la révolution technologique a eu lieu. Comme avec chaque révolution technologique, la société a été prise de court. Cette révolution technologique a été la production en arrière-cour d'opiacés synthétiques bon marché et à grande échelle, avec des précurseurs impossibles à freiner et peu coûteux à obtenir. Ils permettent à quiconque qui a l'instinct entrepreneurial et n'a aucune limite éthique de transformer 1 000 $ en 1 million de dollars et ainsi créer la tragédie que nous connaissons.
    Des conséquences comme celles‑là de révolutions technologiques se sont produites dans de nombreux domaines de l'expérience humaine. La loi de Moore pour les microprocesseurs a prédit que, tous les deux ans, la puissance des puces informatiques doublerait. Eh bien, dans les mains de ces entrepreneurs, la morphine s'est transformée en fentanyl 100 fois plus puissant et en carfentanil 10 000 fois plus puissant. Quand cela arrive, la nature est transformée par ces molécules. Nos cerveaux sont transformés. La capacité de ces drogues de créer une dépendance tout en endommageant le cerveau et en empêchant les gens de guérir et de participer volontairement à un traitement a été énorme.
    La troisième cause est que, comme les intervenants précédents l'ont souligné, un groupe de patients était particulièrement vulnérable; il s'agissait de patients aux prises avec une maladie mentale grave qui étaient exposés systématiquement à ces drogues synthétiques. En passant, ce ne sont pas que les opioïdes; ce sont également les stimulants synthétiques, la méthamphétamine en cristaux de ce monde et les nouvelles combinaisons de chaque drogue qui contamine maintenant l'approvisionnement en drogues illicites. Pour les personnes atteintes d'une maladie mentale grave, l'exposition systématique à ces drogues génère des lésions cérébrales acquises. Ces lésions ont généré une nouvelle triade de symptômes cliniques, qui est maintenant la norme dans nos villes. Nous n'y étions pas préparés, parce qu'elles n'existaient pas dans la mesure, la gravité et la complexité que nous observons.
    Je suis psychiatre au sein d'une équipe de traitement communautaire dynamique. Nos équipes interdisciplinaires traitent ces patients dans la communauté, en les trouvant là où ils sont; en trouvant un logement aux itinérants; en leur trouvant un lit d'hospitalisation adéquat lorsqu'ils en ont besoin, et en leur permettant des visites au service d'urgence juste pour le moment où ils en ont besoin; en leur fournissant ces soins imposés lorsqu'ils ne sont pas en mesure de les demander eux-mêmes; et en les sortant des soins imposés la minute où ils sont en mesure de récupérer leur capacité de participer et que l'affaiblissement mental est traité au moyen d'une combinaison adéquate de médicaments psychiatriques et de traitement communautaire dynamique.
(1120)
    Ces trois choses ont créé un angle mort dans la plupart de nos sociétés et de nos collectivités.
    Comment régler le problème? Depuis juin dernier, je suis conseiller scientifique en chef pour la psychiatrie, les drogues toxiques et les troubles concomitants, et selon une décision d'élaborer et de mettre en œuvre une politique axée sur les données probantes, nous disposons d'un accès à toutes les données provinciales. Nous connaissons le nombre de lits, d'équivalents temps plein, de psychiatres, d'omnipraticiens, d'infirmières et de travailleurs sociaux nécessaires, et nos recommandations sont liées à bon nombre des aspects que les deux intervenants précédents ont mentionnés. Il y a un fil conducteur dans nos trois témoignages que j'aimerais souligner.
    Nous devons rationaliser l'accès à des produits pharmaceutiques qui sauvent la vie, y compris ceux qui ont été mentionnés juste avant moi, comme la naltrexone retard et la naloxone, mais nous devons aussi simplifier l'utilisation de la clozapine, un médicament qui sauve la vie de ces patients, et il y a beaucoup de formalités administratives entourant son utilisation.
    Docteur Vigo, puis‑je vous demander de conclure? Vous aurez beaucoup d'occasions de nous en dire plus dans la période de questions et de réponses. Si vous pouviez simplement conclure, nous vous en serions reconnaissants. Merci.
    La conclusion est que, pour améliorer les résultats de cette crise, nous devons élargir les services communautaires et services aux patients hospitalisés qui peuvent fournir des services volontaires et imposés, au besoin, et nous devons transformer les services existants afin qu'ils puissent offrir un traitement aux personnes atteintes d'une maladie mentale grave, d'un trouble lié à la consommation de substances ou de lésions cérébrales acquises.
    Merci, docteur Vigo.
    Nous commençons maintenant nos périodes de questions, en commençant par les conservateurs et Mme Goodridge pour six minutes.
(1125)
    Je vais commencer par vous, docteur Vigo.
    L'acceptation par la police était un aspect principal justifiant la décision du gouvernement de lancer le projet pilote sur la décriminalisation, qui légalisait les drogues dures en Colombie-Britannique. La semaine dernière, l'association des chefs de police de la Colombie-Britannique et l'Association canadienne des chefs de police ont toutes deux retiré leur soutien. Elles ont cité un taux élevé continu de décès par surdose, de consommation de drogue en public et de crimes liés à la drogue depuis le début du projet pilote.
    Avez-vous conseillé ou conseillerez-vous le gouvernement pour qu'il mette fin à l'expérience ratée?
    Les recommandations que j'ai présentées s'alignent sur ce que nous faisons maintenant en Colombie-Britannique, soit que l'utilisation de drogues, la consommation des drogues elle-même, ne devrait jamais être criminalisée; cependant, dans nos sociétés, nous disposons de règles et de règlements que tous les citoyens doivent respecter, et, dans ce contexte, la situation actuelle est que les drogues ne sont pas criminalisées, mais le reste des règles qui réglementent nos interactions sont appliquées.
    Vous ne recommanderez pas d'annuler ce projet pilote irresponsable.
    Pour revenir à mon expertise, qui est la psychiatrie, la santé mentale et la santé publique, ce que je peux dire, c'est que les consommateurs de drogues ne devraient pas être criminalisés et que les lois qui réglementent l'espace public...
    Très bien, merci. Mon temps est limité. Je vais changer de sujet.
    Votre temps est limité, mais je suis un témoin...
    Je vous ai fourni le même temps qu'il m'a fallu pour poser la question, ce qui est la procédure au Comité.
    Madame Brett, merci beaucoup d'être venue ici et de nous avoir fait part du parcours de votre fils et de votre expérience de mère. Pensez-vous que le NPD et les libéraux ont banalisé la consommation de drogues au pays?
    Oui.
    Une mère d'Ottawa est venue témoigner devant le Comité, disant que le gouvernement agit comme un baron de la drogue. Êtes-vous du même avis?
    Essentiellement, c'est vrai. J'ai vu son témoignage. Oui, c'est quelque chose qui vient d'en haut. Le gouvernement fédéral a mis en place des lois pour soutenir un approvisionnement sûr, qui a été assuré à des clients qui le détournent, et de jeunes enfants en meurent. C'est du trafic de drogues.
    À votre avis, ce projet pilote dangereux infligé à la Colombie-Britannique devrait‑il se poursuivre?
    Absolument pas, et dès qu'un enfant avait subi des conséquences négatives, on aurait dû y mettre fin. Beaucoup des personnes qui se sont présentées devant le groupe ont utilisé les mots « dignité » et « respect », mais je prétends qu'il y a une obligation morale et éthique de la part du gouvernement de respecter la vie humaine et celle des innocents. Les enfants qui se retrouvent eux-mêmes à interagir avec des drogues détournées... C'est le début de la fin. On doit y mettre fin.
    Je comprends vraiment. Je pense que c'est ce qui est effrayant: le gouvernement continue d'entendre des témoignages qu'il n'aime pas, alors il décide que ce ne sont pas des données probantes et il poursuit sur sa lancée parce que, de toute évidence: « C'est simplement que nous ne l'avons pas fait comme il faut. »
    Docteure Knight, j'ai trouvé très intéressant que vous ayez dit que les résultats sont mauvais en Oregon et en Colombie-Britannique, mais que vous pensiez que nous devrions continuer d'essayer ce qui s'est révélé être une expérience ratée. Puis, à la suite de votre déclaration, vous avez dit que l'Alberta, qui apporte des changements radicalement différents dans le système de soins axés sur la guérison... que le modèle de l'Alberta pourrait se révéler une meilleure solution pour la personne fictive dans votre histoire. Comment les deux choses peuvent-elles être vraies? Je suis très confuse.
    Je pense que, intentionnellement ou non, vous avez pris mes commentaires hors contexte. Ce que j'ai comparé entre l'Alberta et le Manitoba est une différence dans les politiques correctionnelles provinciales liées au traitement par agonistes opioïdes. Je n'ai pas parlé précisément du modèle de soins de l'Alberta.
    D'accord. Merci.
    Vous êtes favorable à l'utilisation par l'Alberta du traitement par agonistes opioïdes. Je suis sûre que vous savez que l'Alberta est dotée d'un programme très novateur — le programme virtuel de dépendance aux opioïdes, ou VODP — qui permet un accès 24 heures sur 24, sept jours sur sept à des thérapies par agonistes opioïdes. Selon vous, est‑ce quelque chose que nous devrions déployer dans l'ensemble du pays?
(1130)
    Je pense qu'il y a des éléments du programme VODP qui sont très réussis, et il y a aussi des éléments qui n'atteignent pas les populations à risque. C'est une chose, dans le cadre d'un élargissement du service à facettes multiples, que nous devrions examiner. Je m'inquiète du fait que cela soit entièrement virtuel, et il est nécessaire de voir les gens en personne et d'établir des relations avec eux.
    Très rapidement, vous avez mentionné une chose qui, selon moi, est un échec de Santé Canada, soit le fait que la naltrexone injectable soit absente de la liste. J'ai plaidé auprès du ministre de la Santé et de la ministre de la Santé mentale et des Dépendances à ce sujet particulier, mais c'est tombé dans l'oreille d'un sourd.
    Vous disposez maintenant d'une plateforme. Pourquoi est‑ce important à votre avis?
    Il est important d'élargir la disponibilité des options de traitement axées sur les données probantes. En ce moment, nous disposons de nos options de traitement de première ligne. Nous avons aussi, dans certaines régions...
    Oui, en particulier la naltrexone, car c'est quelque chose qui n'est pas offert actuellement.
    C'est quelque chose qui n'est pas offert actuellement, et nous, en tant que médecins des dépendances, plaidons pour sa disponibilité depuis de nombreuses années. Certains obstacles ont été érigés par l'entremise de Santé Canada, et nous demandons le soutien du gouvernement fédéral pour les réduire afin de pouvoir proposer cette option de traitement.
    Merci, docteure Knight.
    Merci, madame Goodridge.
    Le suivant est M. Powlowski, s'il vous plaît, pour six minutes.
    Je suis heureux de vous voir tous ici, mais mes questions s'adressent au Dr Vigo. Je pense que certaines d'entre elles se trouvaient dans vos commentaires. Je ne suis pas sûr s'il s'agit seulement de vos commentaires, mais je crois comprendre que vous êtes le conseiller scientifique en chef pour la psychiatrie et les drogues toxiques en Colombie-Britannique, et il est certain que, dans la presse populaire, le message est ressorti que la Colombie-Britannique envisageait un plus grand nombre de traitements imposés aux patients. Je me demande si vous pouvez expliquer vos idées au sujet du traitement imposé. Selon ma compréhension, et c'est pour une population de... vous avez déjà parlé de la triade, des gens ayant un trouble lié à la consommation de substances, des problèmes de santé mentale et des lésions cérébrales acquises combinées. Certes, ma compréhension est que, en vertu des lois actuelles sur la psychiatrie, il est possible d'imposer l'admission et le traitement de personnes qui ont besoin d'antipsychotiques à long terme. Est‑ce ce que vous envisagez d'utiliser davantage en Colombie-Britannique?
    L'autre élément, c'est que je pense que vous voulez clarifier la question de l'utilisation du traitement par agonistes opioïdes, comme le sublocade, pour les personnes qui recevraient également des antipsychotiques à long terme. Peut-être pourriez-vous clarifier pour nous toute la question du traitement imposé, en nous disant qui devrait le recevoir et si cela devait être élargi.
    La nécessité de fournir un traitement imposé est une chose à laquelle tout médecin fait face assez fréquemment, et pas seulement dans les domaines de la santé mentale…
    Docteur Vigo, nous avons du mal à vous entendre. Est‑il possible que vous ayez déplacé votre micro depuis votre dernière intervention?
    M'entendez-vous maintenant?
    Je pense que c'est mieux. Pouvez-vous placer votre micro entre votre nez et votre lèvre supérieure, s'il vous plaît?
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous rencontrons des personnes à qui nous devons fournir un traitement imposé dans plusieurs situations. J'ai été médecin du service d'urgence pendant quelques années, et si nous avions quelqu'un qui avait subi une commotion cérébrale avec perte de connaissance et qu'en l'évaluant, nous voyions qu'il était confus et disait: « Non, je vais rentrer chez moi et dormir », nous ne pouvions pas permettre que cela se produise. On peut le faire au titre d'une loi différente de la loi sur la santé mentale — la Mental Health Act —, mais c'est le même type de situation.
    Restons plus près de chez nous... Vous avez un patient qui a un épisode maniaque et qui vous dit qu'il veut prendre un avion pour Las Vegas et ainsi de suite, et si vous voyez qu'il est dans un épisode de psychose et d'agitation, encore une fois, vous ne pouvez pas le laisser partir comme il le veut. Vous devez le traiter, car il existe un traitement pour cela.
    De la même manière, nous savons que dans cette triade de symptômes cliniques, l'effet des opioïdes synthétiques sur le cerveau diminue le volume du cerveau. Plus le cerveau est endommagé, plus le risque de surdose est élevé, ce qui crée un cercle vicieux qui finira par mener à un trouble cognitif, un peu comme celui que nous observons en raison d'une maladie vasculaire ou d'autres formes de démence.
    En Colombie-Britannique, notre loi sur la santé mentale nous permet de traiter les personnes qui présentent un état de déficience mentale répondant à certains critères rigoureux, et nous y oblige même. Cet état de déficience mentale est quelque chose que nous constatons très fréquemment chez les personnes qui sont gravement touchées par la combinaison d'une maladie mentale grave et d'un trouble lié à l'utilisation de substances ou d'un trouble neurocognitif résultant d'une lésion cérébrale acquise.
     Cela signifie‑t‑il que nous souhaitons élargir le recours aux soins imposés? Non. Nous voulons accroître les possibilités de soins volontaires, qui n'ont pas été suffisamment élargies jusqu'à présent, et à mesure que nous les élargissons, nous pourrons utiliser les soins imposés de manière plus ciblée pour les personnes qui en ont réellement besoin.
    Pour y parvenir, nous devons créer des services qui n'existent pas encore. Parmi ceux‑ci, toujours selon la loi sur la santé mentale, nous pouvons créer des « maisons approuvées ». Il s'agit de maisons sécurisées dans la collectivité où les personnes les plus gravement atteintes, qui ont besoin de services au titre de la loi sur la santé mentale pendant de longues périodes, peuvent être hébergées dans un environnement sûr et humain avec une réadaptation individuelle.
    Comme l'a dit la Dre Knight, nous créons également des unités dans les centres correctionnels — en détention provisoire à Surrey, par exemple, où nos patients se retrouvent souvent en raison de leur comportement perturbé dû à cette triade de symptômes cliniques. En raison de la loi sur la santé mentale, ils ne peuvent pas recevoir de soins imposés pendant leur incarcération; ils sont donc placés en isolement jusqu'à ce qu'un lit se libère dans un hôpital médico-légal. Nous avons maintenant créé une unité de santé mentale dans les centres correctionnels où ils peuvent recevoir un traitement dès qu'ils en ont besoin. Il faudra quelques mois pour la mettre en place, mais c'est décidé.
    Voilà le genre de choses que nous essayons de faire. Nous essayons de permettre le traitement des personnes qui ont absolument besoin de soins imposés et de créer des services qui peuvent fournir des soins volontaires et imposés, selon les besoins. Ainsi, le recours général à la loi sur la santé mentale diminuera, mais le nombre de personnes qui ont besoin de soins et qui n'en reçoivent pas diminuera également, car elles les recevront au moment où elles en auront besoin.
    Vous avez souligné l'importance de l'emploi de la buprénorphine et d'autres psychotropes au titre de la loi sur la santé mentale. La loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique ne prévoit aucune restriction quant à la décision d'un psychiatre concernant la combinaison pharmacologique appropriée pour une personne qui en a besoin. Nous devons fournir des soins psychiatriques holistiques, et cela comprend très souvent, chez ces types de patients, un antipsychotique retard ou du clonazépam et de la buprénorphine retard, en raison des répercussions que la psychose a sur le comportement si elle est traitée uniquement avec des antipsychotiques.
(1135)
    Merci, docteur Vigo.
    Merci, monsieur Powlowski.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Cette crise est complexe. La majorité des témoins entendus au Comité nous ont parlé de solutions multiples.
    Docteure Knight, d'entrée de jeu, vous avez dit qu'il fallait des réponses multiformes. Pourriez-vous nous dire quel rôle joue la stigmatisation dans le processus de dépendance et de son traitement? Il y a un aspect social à cela, mais il y a aussi un aspect psychique. Mme Brett n'a pas parlé de l'aspect psychique.

[Traduction]

    Je pense que la stigmatisation joue un rôle dans l'accessibilité au traitement et dans la volonté des gens de se faire soigner. Je pense qu'elle joue un rôle dans la façon dont nous parlons de la consommation de substances dans la collectivité. Elle joue également un rôle dans notre système de soins de santé.
    En fait, la médecine de la dépendance est une spécialité relativement nouvelle, et l'intégration du traitement des troubles liés à l'utilisation de substances dans le système de soins de santé est relativement nouvelle. Même parmi les prestataires de soins de santé, les infirmières, les médecins et les autres fournisseurs, tant dans les milieux hospitaliers que dans les collectivités, il est nécessaire d'accroître la formation et les compétences pour travailler auprès des personnes qui consomment des drogues.
    En renforçant ces compétences et en continuant à travailler sur les questions de stigmatisation grâce à l'utilisation appropriée du langage et à des approches adaptées et centrées sur la personne à l'endroit des personnes qui consomment des drogues, nous pouvons accroître leur sentiment d'aise pour demander des soins lorsqu'elles sont prêtes à le faire.
(1140)

[Français]

     Docteur Vigo, votre expérience...

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre.
    Est‑ce que quelqu'un pourrait m'aider? L'interprétation ne fonctionne pas.

[Français]

     Elle doit choisir le bon canal.

[Traduction]

    Voyez-vous au bas de votre écran où vous avez trois options: audio anglais, audio français ou audio parquet? C'est comme un petit globe.
    Si vous réglez cette option sur audio anglais, c'est ce que vous entendrez dans votre casque.

[Français]

    Je parle français en ce moment. Entendez-vous l'interprétation anglaise?
    Oui? D'accord.

[Traduction]

    Je n'ai pas cette option non plus, ou je ne la vois pas.
    Au bas de votre écran, voyez-vous un globe, docteur Vigo?
    Oui. Merci beaucoup.
    D'accord.

[Français]

     Monsieur Thériault, il vous reste trois minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Docteur Vigo, selon votre expérience, quel frein la stigmatisation représente-t-elle dans le processus de guérison lorsque le regard de l'autre est intériorisé par le patient? L'intériorisation de cette stigmatisation n'est-elle pas un frein fondamental au processus de guérison?

[Traduction]

    Docteur Vigo, la parole est à vous.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Je pense que la question de la stigmatisation est importante. Comme vous l'avez souligné, il y a l'autostigmatisation, puis il y a la stigmatisation structurelle et la stigmatisation dans les sociétés.
    Je pense que nous tendons tous vers une approche plus inclusive qui cherche à garantir que la stigmatisation ne contribue pas à empêcher des personnes d'obtenir des soins, c'est donc un élément important de cette démarche.
    Comme l'ont dit d'autres témoins auparavant, je pense également que le problème urgent est l'effet des drogues toxiques sur le cerveau; c'est pourquoi nous devrions consacrer la majeure partie de notre attention et de notre financement à l'élargissement des services disponibles.

[Français]

     La stigmatisation ne conduit-elle pas à une perte d'estime de soi? Si une personne n'a pas une image positive d'elle-même, cela pourrait effectivement freiner le processus de guérison ou de traitement.

[Traduction]

    Il s'agit sans aucun doute d'un élément clé du traitement et du processus de rétablissement des personnes aux prises avec des problèmes de dépendance et de santé mentale. C'est pourquoi il est si important que le traitement des personnes concernées soit holistique…
(1145)

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    … et comprenne la prestation non seulement de services de psychopharmacologie, mais de psychothérapie également.

[Français]

    La stigmatisation n'est donc pas seulement un outil politique entre les mains de ceux qui veulent plus de libéralisation pour lutter contre la crise des drogues toxiques.

[Traduction]

    La stigmatisation est un concept et un phénomène social. Qu'on l'utilise pour une raison ou une autre, c'est la responsabilité de celui qui l'utilise, mais c'est en fait quelque chose qui, comme vous l'avez souligné, peut empêcher les gens d'obtenir des soins. C'est quelque chose qui, dans certains milieux, peut exclure des gens des soins. Bien sûr, tous les systèmes de santé que je connais essaient de s'assurer a) qu'ils ne stigmatisent pas les personnes qui consomment des drogues ou qui ont une maladie mentale et b) que les personnes qui souffrent de l'autostigmatisation que vous décrivez peuvent se rétablir grâce à la psychothérapie et à diverses formes d'interventions qui permettent de surmonter cette stigmatisation.
    Merci, docteur Vigo.

[Français]

     Merci, monsieur Thériault.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Johns, s'il vous plaît, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de leur important témoignage, en particulier Mme Brett, qui a eu le courage de partager son expérience de mère d'un enfant qui est aux prises avec un trouble lié à l'utilisation de substances.
    Je vais commencer par la Dre Knight.
    Docteure Knight, pouvez-vous nous parler des risques et des préjudices potentiels du traitement imposé?
    Il est un peu difficile de parler des données probantes sur le traitement imposé, car les recherches et les données probantes sont très médiocres de tous côtés. Certaines études montrent que le traitement imposé est utile. D'autres montrent qu'il est préjudiciable, et d'autres encore montrent qu'il ne change rien en réalité.
    Certains de nos témoins ont déjà dit aujourd'hui que le recours au traitement imposé existe déjà dans nos lois sur la santé mentale et peut exister pour les personnes qui souffrent de troubles graves, tant de troubles de santé mentale que de troubles liés à l'utilisation de substances, au point qu'elles ont besoin de soins en raison de l'incapacité de prendre des décisions par elles-mêmes.
    Cependant, chaque fois que nous supprimons l'autonomie d'une personne, nous devons le faire avec beaucoup de prudence. L'autonomie est un élément essentiel des soins médicaux et de l'éthique médicale. Par conséquent, si nous supprimons l'autonomie d'une personne, nous devons veiller à ce que ce soit parce qu'elle en a besoin. De plus, nous devons veiller à ne pas élargir le traitement imposé au détriment du traitement volontaire pour les personnes qui souhaitent accéder aux services.
    Pouvez-vous nous parler du traitement imposé et nous dire s'il est culturellement sûr pour les personnes et les patients autochtones? De plus, peut‑on craindre que le traitement imposé pour les patients autochtones puisse aggraver le traumatisme intergénérationnel découlant des pensionnats et de la colonisation?
    C'est une excellente question. Je dirais que, d'après mon expérience… Pour clarifier un peu mon expérience, je peux vous dire que j'ai suivi une formation en médecine familiale axée sur les populations autochtones, et ma pratique familiale s'adresse particulièrement aux populations autochtones urbaines de Winnipeg. L'une des choses que je constate chez mes patients, c'est que même l'admission volontaire à l'hôpital perpétue parfois le traumatisme intergénérationnel pour diverses raisons. Tout établissement où les gens ont moins de pouvoir sur leurs décisions risque de perpétuer le traumatisme. Ce risque ne ferait qu'augmenter dans le contexte de traitement imposé.
    J'ai eu des patients qui m'ont fait part de leurs inquiétudes concernant leur admission involontaire au titre de la loi sur la santé mentale et de la façon dont cela a perpétué le traumatisme. En même temps, c'est parfois nécessaire. Il est important que lorsque nous examinons le traitement imposé à quelque degré que ce soit, y compris, bien sûr, ce type d'évaluation imposée qui devrait faire partie d'une politique de décriminalisation, nous le fassions d'une manière qui tienne compte des personnes qui consomment des drogues, des personnes autochtones et des groupes minoritaires qui peuvent être plus à risque de subir des préjudices liés à ces politiques.
(1150)
    Je pense que cela suscitera beaucoup plus de questions.
    Bon, en 2023, la Société médicale canadienne sur l'addiction a publié les résultats d'un examen systémique du traitement imposé; on a conclu qu'il fallait davantage de recherches pour éclairer les politiques dans ce domaine.
    Encore une fois, Dre Knight, pouvez-vous nous parler de la manière dont on peut mener davantage de recherches, de manière éthique sur l'efficacité du traitement imposé, compte tenu des risques?
    Je ne pense pas que nous ayons le temps de vraiment parler de l'éthique et du processus d'élaboration d'une étude de recherche. Il est certain que toute recherche dans une optique de santé, en particulier auprès de populations vulnérables, notamment les personnes qui consomment des drogues et les personnes ayant des troubles liés à l'utilisation de substances, fait l'objet d'un examen approfondi visant à en déterminer l'acceptabilité.
    L'un des problèmes que nous avons soulignés dans le document auquel vous faites référence est que la description de ce qui était inclus dans les études sur le traitement imposé est si médiocre que nous ne pouvons même pas tirer des enseignements raisonnables de la plupart des études, car elles ne nous disent pas ce qu'elles ont fait, à part placer les gens dans un endroit où ils ne voulaient pas être. Toute étude qui examine et tente d'analyser le traitement imposé d'une manière scientifique plus rigoureuse et fondée sur des données probantes doit examiner la mise en œuvre de traitements fondés sur des données probantes dans le cadre de ce traitement imposé, afin que nous puissions voir si les résultats sont favorables ou non.
    Merci, monsieur Johns.
    Nous avons ensuite M. Moore; allez‑y, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui ont comparu.
    Madame Brett, merci du témoignage personnel que vous avez donné ici aujourd'hui, et merci de nous avoir fait part de l'histoire de votre fils, Jordan. Je suis très heureux d'entendre que cela fait un an qu'il est sobre. Vous avez certainement ajouté de la valeur à notre réunion d'aujourd'hui.
    Malheureusement, nous avons à présent des données qui remontent à plusieurs années. Nous voyons que l'approche actuelle est simplement un échec prouvé. Elle ne fonctionne pas. En 2016, il y a eu sept décès par surdoses par jour au Canada. Il s'agit là d'une statistique terrible, sauf si vous la comparez avec la statistique actuelle. À l'heure actuelle, nous dépassons 21 décès par jour, soit plus du triple du nombre de décès.
    Lorsqu'on s'intéresse aux mesures que le gouvernement a mises en place, il a présenté le projet de loi C‑5. Ce projet de loi a éliminé la peine de prison obligatoire pour les grands criminels qui produisent et importent les drogues comme le fentanyl, la métamphétamine, la cocaïne et ainsi de suite, les médicaments les plus dangereux — les médicaments classés à l'annexe I — au Canada. Ce projet de loi permet à ces individus d'importer, d'exporter ou de produire ces drogues, comme d'avoir un laboratoire de métamphétamine chez eux. Mais, s'ils se font attraper par la police, ils se font inculper et condamner à purger leur peine dans le confort de leur propre maison. Je pense que cela envoie un message terrible aux Canadiens, car cela permet la revictimisation des personnes les plus vulnérables.
    J'aimerais avoir votre avis sur ce sujet. Selon vous, les personnes qui introduisent des drogues mortelles comme le fentanyl et la métamphétamine au sein des collectivités canadiennes devraient-elles faire face à des conséquences plus sérieuses?
    Absolument. C'est choquant de voir à quel point les personnes sans abri, les personnes en proie à des problèmes de santé mentale et aux dépendances sont vulnérables. Mon fils était constamment victime de violence. Il n'était jamais à l'abri du danger. La grande ironie avec le jargon administratif et les expressions à la mode comme « réduction des méfaits », c'est que lorsqu'il était dans la rue, pendant les décennies où il vivait à l'extérieur, il était la proie d'autres toxicomanes et de narcotrafiquants. Quelqu'un l'a menacé avec un couteau parce qu'il lui devait deux dollars pour de la drogue. Il se faisait constamment menacer. Quelqu'un lui a dit, en ma présence: « Tu sais qu'on pourrait te briser les jambes pour ça. » Enfin, quoi...?
    Nous devons appuyer la police. Nous devons lui fournir tous les outils possibles. Le projet de loi C‑5 devrait être abrogé. Il faut que les vendeurs et les fabricants de drogues reçoivent les peines les plus lourdes qui soient. Nos enfants sont en train de mourir, et ils meurent dans des conditions terribles, dans lesquelles ils sont pris pour cibles.
(1155)
    Merci de cette information.
    Vous avez dit quelque chose dont j'ai pris note. Vous avez dit: « Contrairement à la stigmatisation, les drogues tuent. » Il ne fait aucun doute que les drogues ont causé la mort d'un nombre considérable de personnes. Il s'agit d'une épidémie. C'est la raison pour laquelle ces réunions ont lieu. Nous cherchons des solutions.
    Vous avez énormément critiqué le jargon administratif et les expressions à la mode. Vous dites que nous devons nous concentrer sur ce qui fonctionne vraiment, sur les résultats proprement dits. Pouvez-vous nous expliquer davantage en quoi ce n'est pas la stigmatisation, mais les drogues qui ôtent des vies innocentes?
    Bien sûr.
    Mon fils a essayé de se suicider et est entré en désintoxication 26 fois. Il est entré dans 26 centres de désintoxication différents. À quasiment toutes les occasions, il s'est fait mettre à la porte. Il avait un problème de santé mentale pour lequel il n'avait pas reçu de diagnostic. C'était certains des éléments de preuve. Il a également participé à environ 5 000 réunions des AA et des NA pendant qu'il était ivre, défoncé et sobre. Il a toujours eu l'intention de ne jamais utiliser de drogues, mais, selon nous, la stigmatisation est si intense que ces personnes cherchent à se réfugier dans la sécurité que leur procurent les sites d'injection de drogues.
    C'est un homme qui savait comment son cerveau fonctionnait quand il consommait de la drogue. Il ne voulait et ne veut pas être un consommateur. L'approvisionnement sécuritaire est une campagne de relation publique dispendieuse visant à promouvoir une idée fausse selon laquelle les individus cherchent à maintenir leur consommation de drogues. Il voulait y mettre un terme.
    Ce moment pour lui est arrivé. Cela fait un an qu'il est sobre. C'est donc la preuve que la combinaison du traitement imposé et de la clozapine fait des miracles.
    Merci, madame Brett.
    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Hanley, vous avez cinq minutes.
    Merci à tous les témoins.
    Docteure Knight, je commence par vous.
    Vous avez mentionné que vous avez été formée en Colombie‑Britannique. À présent, vous travaillez au Manitoba. Vous avez souligné les différentes approches dans les différentes administrations, par exemple, le fait que le traitement est accessible à une personne incarcérée en Alberta, mais pas au Manitoba.
    En ce qui concerne ces approches différentes d'une province à l'autre, et comme vous l'avez mentionné dans votre témoignage, pouvez-vous les lier au besoin ou à la recommandation de constituer ou peut-être reconstituer le Comité d'experts?
    Est‑ce que vous voulez dire qu'il faut reconstituer le Comité d'experts que nous avions en 2021, ou est‑ce qu'il s'agit d'une autre façon dont, selon vous, nous pouvons faire appel à une autorité nationale afin qu'elle oriente les meilleures pratiques d'une administration à l'autre?
    C'est une recommandation, que j'ai soulignée dans notre mémoire de la Société médicale canadienne sur l'addiction, d'élargir et de rétablir une équipe de travail chargée de la santé mentale et de la santé liée à une utilisation de substances. Cette équipe de travail aura surtout pour mission de se fonder sur l'avis des experts pour mettre au point un cadre qui établit les attentes concernant l'accès aux soins fondés sur la recherche.
    Voyez‑le sous l'angle de la province. Les personnes qui vivent à proximité de mes cliniques de médecine axée sur la toxicomanie à Winnipeg ont un accès rapide aux traitements fondés sur des données probantes qui diffère beaucoup de celui des personnes qui vivent à Red Sucker Lake, au Manitoba, ou dans l'une de nos communautés isolées où l'on est obligés de se rendre en avion, et qui ont un accès restreint aux soins.
    La situation est similaire lorsque vous regardez les autres provinces et les autres administrations. Il faut que tous les Canadiens, où qu'ils soient, puissent s'attendre à avoir accès aux services.
(1200)
    Merci beaucoup.
    Docteur Vigo, vous avez commencé à décrire la différence entre le fait de criminaliser l'acte de consommer des drogues et le fait de criminaliser ou de rendre d'autres services illégaux. Cette description m'intéressait beaucoup. Je ne suis pas sûr que vous ayez eu le temps de finir vos explications tout à l'heure.
    Pouvez-vous nous parler de la situation actuelle en Colombie‑Britannique? Quel serait l'environnement politique idéal pour garantir l'accès au traitement et aux services pour les personnes qui composent avec la dépendance?
    En d'autres termes, comment faire pour correctement distinguer ce qui devrait être illégal de ce qui ne devrait pas l'être?
    Merci beaucoup, monsieur Hanley.
    Je pense qu'il est très important de viser le juste milieu ici. Selon moi, c'est une courbe mise au point par la Health Officers Council ici en Colombie‑Britannique, qui a ensuite été mise en application par, par exemple, la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, entre autres, qui représente le mieux ce juste milieu. Lorsque vous criminalisez les substances, il s'ensuit de hauts niveaux de préjudices, tant à l'échelle de l'individu qu'à l'échelle de la collectivité, découlant de toutes sortes d'épiphénomènes liés aux marchés noirs et de toutes ces choses, comme les personnes qui se retrouvent dans le système pénal lorsqu'elles consomment de la drogue, ou qu'elles sont en proie à une addiction, et ainsi de suite.
    En revanche, lorsque vous renoncez complètement à tout règlement et que vous permettez à des criminels motivés par le profit de s'en prendre aux personnes qui ont une addiction, vous vous retrouvez avec toutes sortes de grands préjudices sociétaux.
    Le juste milieu se trouve quelque part entre ces deux extrémités. C'est ce qu'on appelle une approche axée sur la réglementation en matière de santé publique, qui consiste à ne pas criminaliser une maladie. Les addictions, les troubles mentaux et les lésions cérébrales acquises sont, bien entendu, des maladies qui devraient être soignées, mais d'un autre côté, les sociétés et les collectivités dans lesquelles nous vivons font que tout le monde doit respecter les lois.
    Il n'y a aucune contradiction entre le fait de rendre les soins accessibles au besoin et le fait d'exiger et d'imposer le respect de ces règles d'interaction. Je pense qu'il s'agit précisément d'un juste milieu que nous devons continuer de viser, où les personnes qui consomment de la drogue ne sont pas criminalisées, mais où les actes que le Code criminel définit comme étant criminels font l'objet d'une sanction et de l'approche sociétale que nous leur réservons.
    Est‑ce que cela répond à la question?
    Merci, oui.
    Merci, monsieur Hanley.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Docteure Knight, vous avez parlé de l'expérience de la Colombie‑Britannique et vous avez dit que la décriminalisation ne suffisait pas.
    Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Qu'aurait-on dû faire avant de décriminaliser les drogues?

[Traduction]

    Il manquait deux éléments clés dans la tentative de décriminalisation de Vancouver. Le premier, c'est l'augmentation de l'accès au traitement sur demande. Les gens croient à tort que les personnes qui veulent un traitement y ont accès. En réalité, il y a souvent de longues listes d'attente, des obstacles de taille pour avoir accès au traitement auquel font face les personnes qui veulent avoir un traitement de désintoxication. Le premier élément, c'est l'augmentation considérable de l'accès au traitement fondé sur les données probantes avant l'application de la décriminalisation.
    Le deuxième élément, c'est le fait que la politique de décriminalisation doit comporter un élément de dissuasion. C'est ce qui a été appliqué au Portugal, où, lorsqu'une personne a un trouble de l'usage de substances, elle doit se présenter devant un comité de dissuasion qui étudie sa situation particulière et le type de substance qu'elle utilise en particulier pour faire des recommandations sur le type d'intervention dont elle fera l'objet. C'est ce qui manquait dans l'expérience de Vancouver, où l'on n'encourageait pas les gens à accéder au traitement et on n'orientait pas les personnes qui utilisaient des substances problématiques vers les services de traitement.
(1205)

[Français]

    L'approvisionnement sécuritaire a-t-il permis ou non de sauver des vies?
    Avez-vous des données à cet égard?

[Traduction]

    La question concernant l'approvisionnement sécuritaire est complexe. Que les choses soient claires, lorsque je parle d'approvisionnement sécuritaire, il y a beaucoup de définitions différentes qui traînent. Je vais définir « approvisionnement sécuritaire » dans votre question, comme un approvisionnement plus sécuritaire qu'on a prescrit. Il s'agit habituellement d'un opioïde pharmaceutique, même s'il peut s'agir d'autres médicaments, pour réduire la dépendance que quelqu'un aurait envers l'approvisionnement en drogues toxiques illégales.
    Certaines des recherches et des preuves indiquent que l'approvisionnement plus sécuritaire comporte des avantages individuels. Nous savons également que la communauté, certains fournisseurs et prescripteurs ont soulevé d'importantes préoccupations concernant les préjudices potentiels sur la santé publique. En réalité, je ne pense pas que nous soyons en mesure d'affirmer que l'approvisionnement plus sécuritaire est bon ou mauvais, compte tenu de l'insuffisance de notre base de données probantes. Nous allons probablement devoir réaliser davantage d'évaluations et de recherches avant d'affirmer si oui ou non l'approvisionnement sécuritaire constitue un élément clé.
    Merci.
    Nous passons à M. Johns, s'il vous plaît, vous avez deux minutes et demie.
    Merci.
    Docteur Vigo, pouvez-vous parler des équipes communautaires de traitement intensif? Je crois comprendre qu'elles fournissent des soins et des traitements globaux pour les personnes vivant dans une communauté, qui ont des problèmes complexes de santé mentale ou qui composent à la fois avec des troubles de santé mentale et des troubles de l'usage de substances. Ces personnes pouvaient ainsi bénéficier d'une approche thérapeutique qui va au‑delà des services standard. S'agit‑il d'un modèle que vous avez étudié?
    Eh bien, il s'agit de l'unique traitement communautaire basé sur des données probantes pour les personnes qui composent avec les formes de troubles mentaux et de troubles de l'usage de substances les plus sévères. Ce modèle a été étudié pendant des dizaines d'années. Le continuum de soins fourni par les équipes communautaires de traitement intensif et leurs variantes, les équipes communautaires de traitement intensif et flexible, réduit les traitements avec hébergement inutiles, les visites aux urgences, et améliore les interactions entre les patients et leur famille, tout comme leur situation du logement. Ce continuum de soins est certainement une approche fondée sur la recherche à ce problème.
    D'ailleurs, je suis psychiatre dans l'une de ces équipes en Colombie‑Britannique, et le chef d'équipe médical pour le traitement communautaire intensif provincial et l'initiative de pratique avancée. Nous avons évalué ce continuum de soins, et avons prouvé qu'il réduit de moitié les jours de traitement avec hébergement par rapport à l'année précédant l'admission, et qu'il continue de réduire ces jours jusqu'aux deux tiers. Cela signifie que les patients n'ont qu'un tiers des jours de traitement avec hébergement en cinq ans. Il en va de même pour les visites aux urgences. Ce qui se passe, c'est qu'il y a une équipe globale qui va chercher le patient là où il est, et qui prend une décision au pied levé. A‑t‑il besoin d'être admis? A‑t‑il besoin de sortir de l'hôpital? La loi sur la santé mentale s'applique‑t‑elle dans son cas, devra‑t‑il prolonger son congé ou le certificat peut‑il être annulé?
    Effectivement, c'est une approche fondée sur les données probantes et qui est rentable. Nous avons prouvé que, pour chaque dollar investi en cinq ans, nous récupérons 2,20 $. Le gouvernement économise de l'argent en utilisant ce modèle. La Colombie‑Britannique compte 34 de ces équipes. Elles font l'objet d'une expansion, et nous devons faire plus. Cependant, il s'agit certainement de l'un des outils fondés sur les données probantes sur lequel nous devons nous appuyer.
    Pensez-vous que le traitement dans la collectivité est une pratique exemplaire que d'autres provinces devraient aussi mettre en œuvre?
(1210)
    Tout à fait. C'est essentiellement la seule pratique qui permet à ces patients de rester dans la collectivité sans certificat inutile, sans traitement en résidence inutile.
    Merci, monsieur Johns.
    C'est maintenant au tour de M. Doherty, qui a cinq minutes; allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être présents.
    Dr Vigo, en répondant à notre collègue, M. Gord Johns, vous avez exposé des statistiques et des faits. Pourriez-vous fournir cette information par écrit à notre comité?
    Oui.
    Merci.
    Madame Brett, selon vous, est‑ce que le Canada priorise le rétablissement de ceux qui ont des problèmes de toxicomanie?
    Pas du tout. Mon fils a vécu l'enfer, tout comme moi et ma famille. Il a essentiellement été victimisé par l'absence de soins appropriés. Nous avons cogné à toutes les portes, or, au bout du compte, son comportement est devenu... Écoutez, il est devenu un animal. Je l'ai retrouvé plié en deux, les yeux fermés; et il ne savait pas qu'il avait les yeux fermés quand il me parlait.
    Nous n'avons tout simplement jamais reçu d'aide utile, pas ce dont nous avions besoin quand nous en avions besoin. C'est le chaos. C'est mal de laisser les gens mourir dans les rues. C'est diabolique. C'est inhumain. C'est l'homme qui agit de manière inhumaine avec un autre homme, et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour changer cela. Nous sommes en état d'urgence. Cela ne fait aucun doute. Nous devons agir, car c'est une crise qui a atteint des proportions immenses et horribles.
    Vous avez dit dans votre déclaration liminaire que vous êtes à New West depuis 1994. Je suis certain que, au cours de toutes ces années, vous avez vu des changements au sein de notre collectivité et de la collectivité de New West en raison de la crise des opioïdes.
    Oui. C'était le chaos dans les rues. Tout le monde le disait. Il y a eu des actes de violence. Des gens ont volé un taxi, provoquant un accident impliquant de nombreux véhicules. À Vancouver, bien entendu, quelqu'un a coupé la main d'un passant innocent. Le chaos ne fait que s'aggraver et les morts continuent de s'accumuler. Nous ne pouvons pas, en toute conscience, maintenir le statu quo. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire.
    Est‑ce qu'un traitement obligatoire aurait aidé votre fils à se sevrer? Est‑ce que cela l'a aidé à se sevrer? Il est sobre depuis un an.
    Oui, il est sobre depuis un an. Il est visé par la Loi sur la santé mentale, et le traitement lui a été imposé. Cela a duré quatre ans. Cela a été tout un processus.
    Il a effectivement consommé à l'occasion durant cette période, avant l'année dernière, mais il y a reçu tellement d'excellents soins personnalisés. La restriction de déplacement et les établissements fermés à clé ont été la solution de départ et continuent de l'être, où c'est nécessaire et quand c'est nécessaire. Il est un miracle des bienfaits des soins en santé mentale, des meilleurs médicaments antipsychotiques, comme la clozapine, et des excellents services thérapeutiques offerts par les psychiatres, là‑bas.
    Nous ne pourrions pas être plus heureux. C'est un cadeau du ciel. C'est un miracle. Il nous en faut plus, et nous en avons besoin maintenant.
    Madame Brett, si aujourd'hui même, vous pouviez parler directement au premier ministre Trudeau, au ministre de la Santé, Mark Holland et à la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Ya'ara Saks, que leur diriez-vous?
    Mon Dieu, n'empêchez pas nos enfants d'accéder à ces soins. Ils en ont désespérément besoin. Des enfants meurent chaque jour, chaque minute. Il faut ouvrir les vannes. Nous avons besoin d'aide. Nous ne pouvons pas vivre ainsi.
(1215)
    Je tiens à vous remercier de votre témoignage qui vient du cœur.
    Comme vous le savez peut-être, mon frère vit aussi dans la rue, depuis le début des années 1990. Il a commencé dans les rues de Surrey et de New Westminster, et était probablement pris dans le même engrenage que votre fils, donc je suis de tout cœur avec vous. Je souhaite le meilleur à votre famille et à vous.
    Merci de votre témoignage.
    Merci, monsieur Doherty.
    C'est maintenant au tour de Mme Sidhu; vous avez cinq minutes, allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins.
    Ma première question s'adresse à la Dre Knight.
    Docteure Knight, vous avez dit qu'il y avait peu de ressources dans les régions rurales et éloignées et que c'était difficile de fournir des médicaments pour traiter la toxicomanie aux gens qui y vivent. Vous avez aussi recommandé que la couverture universelle des médicaments de première ligne pour traiter la toxicomanie, y compris la naloxone.
    Que devons-nous faire pour que ces personnes aient accès aux médicaments, surtout dans les régions éloignées et rurales?
    C'est une situation très complexe, et elle dépend vraiment de l'éloignement de la région.
    Il y a un grand nombre de collectivités dans ma province qui ne sont accessibles que par avion, et souvent, presque toujours, ce sont des collectivités où on ne retrouve pas de pharmacies et où il est impossible de fournir des médicaments. C'est un obstacle majeur à la distribution de médicaments qui doivent être pris devant témoin, à savoir le pharmacien ou le fournisseur de soins de santé qui les distribuent.
    L'arrivée de la buprénorphine injectable à action prolongée a amélioré la capacité d'offrir un traitement pour le trouble de consommation d'opioïdes dans ces collectivités, parce que ce n'est pas un médicament qu'il faut prendre tous les jours. Il serait aussi utile de pouvoir y offrir de la naltrexone injectable à action prolongée, que j'ai mentionnée, comme autre option de traitement aux gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se rendre à la pharmacie régulièrement pour se procurer des médicaments.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Vigo.
    Docteur Vigo, pouvez-vous nous parler de la différence entre un trouble de santé mentale et une psychose? Aussi, pouvez-vous m'expliquer en quoi consistent les soins psychiatriques holistiques?
    Une psychose est un syndrome qui touche la cognition. Elle entraîne par exemple des délires et des hallucinations et est très fréquente dans certains troubles mentaux, comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire de type 1; donc, c'est un syndrome qui fait partie d'une maladie.
    Qu'est‑ce que la psychiatrie holistique? Est‑ce que c'était la deuxième question?
    Oui... les soins psychiatriques holistiques.
    Cela concerne la Loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique, qui prévoit que, quand une personne doit être détenue au titre de l'article 22, elle peut recevoir un traitement prévu à l'article 31. Il doit s'agir d'un traitement psychiatrique.
    À l'heure actuelle, il y a depuis un certain temps beaucoup de confusion et d'hésitations quant à la définition de traitement psychiatrique et à ce qui peut être offert au titre de l'article 31 de la Loi sur la santé mentale.
    Ce que je disais, c'est que, quand quelqu'un répond aux critères établis dans la Loi sur la santé mentale, ce qui veut dire qu'il a un trouble mental qui fait en sorte qu'il ne peut pas prendre soin de lui-même — et qu'il y a une détérioration physique et mentale, et qu'il représente un risque pour lui-même et pour les autres —, et qu'il existe un traitement qui pourrait l'aider, mais qu'il ne peut pas respecter ni s'engager à respecter le traitement, vous pouvez le lui recommander en tant que psychiatre en vertu de l'article 31. Il doit s'agir d'un traitement psychiatrique, ce qui veut dire que vous ne pouvez pas, par exemple, dire que cette personne a un syndrome psychotique parce qu'elle y a une tumeur au cerveau et que vous lui recommandez donc une opération au cerveau au titre de l'article 31. Non, vous devez recommander un traitement qui peut être prescrit dans votre domaine de spécialité, la psychiatrie, ce qui veut dire toute approche psychopharmaceutique, y compris, par exemple, une combinaison d'antipsychotiques et de buprénorphine.
    La distinction, ici, repose sur la buprénorphine ou n'importe quelle approche psychopharmaceutique relevant de la psychiatrie et de ses sous-spécialités, comme la psychiatrie de la dépendance. La distinction est importante parce que nombre de nos patients qui ont une maladie mentale grave et un trouble lié à la consommation de substances ont besoin d'une combinaison des deux approches, d'autres médicaments et d'autres approches psychothérapeutiques. C'est ce que j'appelle un traitement psychiatrique holistique: un traitement qui peut être suivi volontairement 99 % du temps et qui peut être imposé, au besoin, et qui traite de la personne en entier.
    Cela a‑t‑il du sens?
(1220)
    Merci.
    Merci, madame Sidhu, votre temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de M. Ellis, qui a cinq minutes; allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Docteure Knight, j'ai deux ou trois questions à vous poser, si vous me le permettez. Vous avez parlé du traitement fondé sur des données probantes pour le trouble de consommation d'opioïdes, le trouble lié à la consommation de substances, etc. Pouvez-vous nous dire exactement le rôle de l'approvisionnement soi-disant sécuritaire dans tout cela? Quelles sont les données probantes?
    Si vous avez ces données, je pense qu'il est important que vous les communiquiez à notre comité.
    Si j'ai délibérément évité de parler de l'approvisionnement sécuritaire prescrit, dans mes recommandations, et c'est entre autres parce que je crois, après avoir lu les données probantes qui existent à l'heure actuelle, que nous n'avons pas une image claire de son rôle.
    Je veux toutefois souligner que c'est vraiment une intervention qui vise à diminuer le recours à l'approvisionnement en drogues illicites toxiques, et que l'on peut obtenir les mêmes résultats avec d'autres mécanismes, y compris ce dont a parlé le Dr Vigo, la réglementation de l'approvisionnement en drogues.
    C'est votre domaine de spécialité, Dre Knight. C'est votre travail. Si je vous ai bien compris, en réalité, le recours à ce que vous appelez « un approvisionnement sécuritaire prescrit »... Compte tenu des témoignages que nous avons entendus, je ne suis pas certain si on l'offre beaucoup, simplement parce qu'il ne semble pas exister de relation thérapeutique significative entre le médecin et le patient. Cela dit, ce que vous venez de dire à l'instant, c'est qu'il y a très peu d'éléments de preuve scientifiques à cet égard.
    Disons que ce que nous voyons, avec ce soi-disant approvisionnement sécuritaire, c'est une expérience menée auprès d'une population très vulnérable. Voyez-vous cela ainsi?
    Oui, je suis d'accord pour dire que le but était peut-être de sauver des vies, mais il n'y a aucune donnée probante à cet égard, et bien entendu, vous avez mentionné dans l'une de vos déclarations qu'il est important de se servir des meilleures données probantes qui soient.
    J'aimerais seulement préciser une chose: je ne dis pas qu'il n’y a aucune donnée probante sur l'approvisionnement sécuritaire prescrit. Ce que je dis, c'est que les données probantes sont contradictoires. Nous savons que certaines personnes bénéficient de l'approvisionnement sécuritaire prescrit, et nous savons qu'il y a aussi des effets nocifs possibles. Ce qui n'est pas clair, c'est où est le point d'équilibre des risques et des méfaits. Toutes les fois que nous intervenons, c'est la question que nous nous posons; est‑ce qu'il y a plus de bienfaits que d'effets nocifs?
    Je vais vous interrompre, docteure Knight.
    Quand vous regardez ça — encore une fois, vous avez parlé de données probantes —, je pense qu'il est important que les données probantes que vous mentionnez soient communiquées à notre comité. Pourriez-vous faire cela, s'il vous plaît?
    Oui, je peux envoyer les données probantes au Comité, absolument.
    Comme nous l'avons entendu, pas seulement aujourd'hui, mais à de nombreuses reprises de nombreux témoins, c'est une population très vulnérable. Seriez-vous d'accord pour dire cela?
    Je serais d'accord pour dire que de nombreuses personnes qui souffrent d'un trouble de dépendance sont vulnérables dans une certaine mesure. Il y a beaucoup de toxicomanes qui fonctionnent très bien dans nos sociétés aussi. Cela revient à dire que, vraiment, les gens...
    Excusez-moi, docteure Knight, mon temps est limité.
    Dans ce cas, est‑il sensé de mener des expériences sur des populations vulnérables, sans leur consentement, sur des gens dont les facultés pourraient être affaiblies en raison d'une consommation de substances... ou sur quiconque?
    Je l'ai dit plus tôt dans un de mes commentaires. Lorsque nous menons une recherche scientifique, il y a des freins et contrepoids au chapitre de l'éthique et de...
(1225)
    Docteure Knight, il n'y avait pas de freins et de contrepoids associés à ce soi-disant « approvisionnement sécuritaire ».
    Pensez-vous que les gens qui recevaient un soi-disant « approvisionnement sécuritaire » avaient consenti à participer à une expérience?
    Je ne peux pas dire ce qui s'est dit entre le médecin qui a prescrit l'approvisionnement sécuritaire et ses patients, mais la pratique médicale générale veut que les médecins discutent avec leurs patients des risques et des avantages de tout traitement.
    Je pense, docteure Knight, que nous avons déjà établi que de nombreuses personnes qui ont reçu un soi-disant approvisionnement sécuritaire n'avaient même pas de relation avec le médecin qui le leur a prescrit; donc, comment pouvez-vous même penser qu'elles ont donné leur consentement à participer à une expérience?
    Je vous en prie. Après tout, vous êtes une scientifique. Je crois que c'est de la science de base, non?
    Cela nous ramène au besoin d'avoir des recommandations nationales en ce qui concerne les exigences qui doivent être incluses dans une disposition...
    Docteure Knight, cela concerne une expérience scientifique de base qui a mal tourné.
    Merci. Votre temps est écoulé, monsieur Ellis.
    Merci, monsieur.

[Français]

     Madame Brière, vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Docteure Knight, j'aimerais vous donner l'occasion de nous parler un peu plus de Digital Front Door et de Rapid Access to Addictions Medicine Clinic.

[Traduction]

    Nous avons lancé assez récemment une initiative de services numériques appelée la Digital Front Door, au Manitoba, en nous inspirant de ce qui a été fait à Ottawa, afin d'augmenter l'accessibilité à différents moyens d'avoir accès à un traitement pour une dépendance. Cette initiative vise surtout les gens qui vivent dans des régions où il pourrait être physiquement impossible d'accéder à une clinique de désintoxication ou, pour d'autres raisons, d'accéder à ce service. C'est vraiment une autre porte, à laquelle on accède grâce à un ordinateur ou à un téléphone intelligent pour, essentiellement, obtenir un accès rapide à des services de traitement médical des dépendances; c'est comme si vous passiez physiquement une porte.

[Français]

     Quels sont les résultats obtenus? Voit-on des retombées positives jusqu'à maintenant?

[Traduction]

    Jusqu'à présent, c'est encore assez nouveau pour nous. Nous tentons encore de trouver la bonne façon de promouvoir la plateforme auprès des gens qui ont le plus besoin de soins.
    Nous avons certainement eu de bonnes expériences puisque des gens ont pu accéder à des soins auxquels ils n'auraient pas eu accès autrement. Nous utilisons entre autres les Digital Front Door pour offrir un premier contact aux gens qui habitent dans les communautés éloignées dont j'ai parlé plus tôt, où les gens devraient physiquement prendre l'avion pour se rendre dans une collectivité et aller dans une clinique. Faire ce premier contact et offrir de la formation et une évaluation initiale pour établir un programme pour cette personne avant qu'elle ne doive quitter sa communauté pour se rendre dans un centre urbain a été très utile.

[Français]

    Cela pourrait-il se faire ailleurs au pays?

[Traduction]

    Oui, je crois que c'est quelque chose qui peut être fait ailleurs. Comme je l'ai dit, nous nous sommes inspirés du modèle de l'hôpital Royal, ici, à Ottawa, et l'avons adapté au Manitoba, donc c'est déjà quelque chose qui a été fait.
    J'ai également dit que, lorsque nous discutions du programme virtuel, le VODP, les soins virtuels, en eux‑mêmes, sont problématiques, parce que bien des gens qui ont besoin de soins n'ont pas d'ordinateur ou de téléphone cellulaire, et ne sont pas capables d'y accéder par ces canaux. C'est pourquoi il est essentiel d'offrir des services en personne facilement accessibles. L'un ne va pas sans l'autre, mais il serait pertinent d'offrir plusieurs voies d'accès.

[Français]

    Au cours de cette étude du Comité, qui dure depuis plusieurs réunions, plusieurs témoins nous ont dit que la crise des surdoses était due en grande partie à la toxicité des drogues.
    Par contre, le ministre albertain de la Santé mentale et des Dépendances a déclaré que la crise n'était pas liée aux drogues de plus en plus toxiques, mais plutôt à un problème de dépendance. Il a aussi dit que cela se terminait toujours par une de ces deux façons: par la douleur, la misère et la mort ou par un traitement.
    J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
(1230)

[Traduction]

    Au début de ma déclaration préliminaire, j'ai précisé que mes recommandations visaient les personnes ayant un trouble lié à la consommation de substances. J'ai dit cela parce que, même si bien des personnes touchées par l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques sont des toxicomanes, elles ne le sont pas toutes. Des non-toxicomanes, parfois, sont tués par l'approvisionnement en drogues toxiques, parce qu'ils n'ont pas accès à un approvisionnement réglementé, comme il y en a pour l'alcool et d'autres substances.
    Dans les faits, les magasins d'alcools offrent un accès sécuritaire à des drogues réglementées, et nos bars et restaurants sont des espaces de consommation supervisés.
    Merci, docteure Knight.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Si je comprends bien, la réponse à la question que j'ai posée plus tôt, c'est que l'approvisionnement sécuritaire a permis de sauver des vies.
    À un moment donné, nous avons reçu un témoin qui possédait une clinique et qui soignait des gens. Il nous a dit qu'on devait se tourner vers les molécules qui ont un effet ou une efficacité de longue durée pour ce qui est des produits de substitution.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Existe-t-il de tels produits? Si oui, y a-t-il une différence entre le fait d'être obligé d'en prendre quotidiennement et le fait de prendre un dérivé, un produit de substitution, qui agit pendant un mois, par exemple?
    Mes questions s'adressent à la Dre Knight, mais le Dr Vigo pourra compléter la réponse s'il le souhaite.

[Traduction]

    Je crois que votre question concerne la différence ou les avantages potentiels des médicaments à action prolongée, comme les médicaments injectables, comparativement aux médicaments à prise quotidienne. Ai‑je bien compris? D'accord.
    Il y a des données probantes sur l'utilisation quotidienne des médicaments utilisés dans les traitements par agonistes opioïdes, les TAO, comme la buprénorphine et la méthadone. Il y a également des données probantes sur les médicaments à action prolongée, comme la buprénorphine injectable, un médicament injecté chaque mois.
    Certaines personnes préfèrent éviter la routine de la prise quotidienne d'un médicament, et cette option fait en sorte qu'elles ne sont plus obligées de penser constamment à cela. Le médicament est tout de même dans leur organisme, mais elles n'ont pas besoin de s'en soucier constamment. Nous avons des données probantes sur les deux approches, et je crois que nous devrions offrir plusieurs options de traitement aux personnes concernées, afin de pouvoir personnaliser le traitement selon le patient.

[Français]

     De quoi dépend la disponibilité? Dépend-elle des coûts?

[Traduction]

    Le coût dépend du lieu où habite la personne et de la couverture des médicaments, et c'est pourquoi une de nos recommandations est une couverture élargie qui inclut les médicaments de première ligne pour les TAO.
    Dans ma province, la prise quotidienne de buprénorphine, de naloxone et de méthadone ainsi que les injections de buprénorphine sont couvertes pour les gens inscrits au programme d'aide sociale ou couverts en vertu des traités. Autrement, les gens doivent payer les traitements eux-mêmes, et ils ont plus ou moins le même coût.
(1235)
    Merci, docteure Knight.
    Monsieur Johns, allez‑y, s'il vous plaît, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Le Dr Vigo et Mme Brett ont parlé de la fermeture de l'établissement Riverview, en Colombie‑Britannique. Nous avons perdu des places, et les provinces et les territoires font des pieds et des mains pour être prêts à faire face à la crise, mais moins de 1 % des dépenses fédérales sont destinées à la crise.
    Madame Brett, vous avez dit que la stigmatisation n'était pas un problème, mais c'est ce qu'a fait le gouvernement fédéral en ne dépensant pour cette crise que 1 % de ce qu'il a dépensé pour répondre à la crise de la COVID‑19.
    Dans quelle mesure est‑il important que le gouvernement fédéral augmente le nombre de places de traitement et de désintoxication, comme vous l'avez souligné?
    Je suis enchantée de pouvoir vous dire et vous redire, à vous tous qui êtes dans une position de pouvoir importante, et au premier ministre lui‑même, que nous devons absolument repenser la gestion des crises et des urgences. Dans le cas qui nous occupe — et mon fils est un témoin — les données probantes montrent que le traitement imposé est efficace.
    Le Dr Vigo a proposé une voie à suivre, mais, si nous n'avons pas de places supplémentaires et si nous ne déployons pas d'efforts pour créer plus de places, nous ne pouvons pas traiter ces personnes; nous ne pouvons pas les sortir de la rue, un endroit dangereux, et nous ne pouvons pas les sauver.
    Le premier ministre doit absolument intervenir. Le gouvernement fédéral doit intervenir maintenant et rapidement. Des vies en dépendent chaque jour. Il y a toujours une autre victime, et de nombreuses personnes meurent. Nous devons agir comme si toutes les vies étaient importantes.
    Merci beaucoup, madame Brett. Les libéraux de la Colombie‑Britannique ont fermé l'installation.
    Nous savons, docteur Vigo, que le traitement imposé n'est pas une approche idéale, mais plutôt une approche de dernier recours. Selon vous, que pouvons-nous faire, en amont, pour éviter que les soignants ou les professionnels de la santé n'aient d'autre choix que le traitement imposé, pour garder les gens en sécurité? Y a‑t‑il des initiatives de prévention précoce qui sont efficaces et qui devraient être étendues?
    Oui, nous devons proposer davantage d'options de traitement volontaire, afin que le traitement imposé soit un dernier recours, comme vous l'avez dit. Nous avons également besoin, comme l'a dit Dre Knight, d'un meilleur accès aux médicaments, comme la buprénorphine, et d'un mécanisme simplifié pour prescrire ces médicaments.
    Il y a une autre chose importante. Certains des médicaments que nous utilisons pour traiter ces troubles très difficiles ont toutes sortes d'effets secondaires indésirables. La buprénorphine a très peu d'effets secondaires, et ses bénéfices sont immenses, du moins pour les personnes qui ont aussi un trouble de santé mentale, par rapport aux médicaments à action prolongée.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons absolument simplifier le mécanisme de prescription de la buprénorphine et des autres solutions de rechange, et ce, partout.
    Deuxièmement, si, grâce aux présentes discussions, nous pouvons rendre la naltrexone à action prolongée disponible partout au Canada, cela serait fantastique. Si elle n'est pas offerte, c'est simplement en raison d'un mélange de bureaucratie et de mauvaises décisions d'affaires, et nous pouvons y remédier dans le contexte d'une urgence sanitaire.
    Merci, docteur Vigo.
    Madame Goodridge, allez‑y, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Vigo, merci de faire part de vos préoccupations quant au fait que les bureaucrates de Santé Canada bloquent l'accès à un médicament fondé sur les données probantes, qui est la naltrexone injectable.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi il est important que Santé Canada agisse pour la rendre accessible?
    Nos institutions ont créé de nombreuses mesures de sécurité pour assurer une analyse et une évaluation complètes des différentes options. Pendant une urgence publique sanitaire, nous devons réévaluer l'équilibre des risques et des avantages.
    La naltrexone à action prolongée est une molécule agoniste des récepteurs opioïdes. Elle nous permettrait de traiter, par exemple, comme nous en avons discuté précédemment, les gens qui ne sont pas encore toxicomanes, mais qui en sont au stade initial. Ils s'exposent systématiquement à des surdoses, soit volontairement soit involontairement, parce que l'approvisionnement est contaminé. Il serait avantageux pour eux de bloquer ces récepteurs, parce que, disons‑le comme ça, ils sont jeunes et leur cerveau est en plein développement.
(1240)
    Merci. J'apprécie votre réponse.
    La Dre Bonnie Henry, administratrice en chef de la santé publique de la Colombie‑Britannique, a comparu précédemment devant le Comité et a parlé de la légalisation des drogues dures. Elle a d'ailleurs publié un rapport un peu plus tard, recommandant la création de commerces de détail qui seraient administrés par le gouvernement ou des entités privées, où l'on vendrait des drogues comme l'héroïne, la cocaïne et la méthamphétamine.
    Est‑ce que vous croyez que c'est un projet que devrait entreprendre la Colombie‑Britannique?
    Le premier ministre a clairement dit que le gouvernement n'étendra pas davantage les initiatives visant à faciliter l'accès aux drogues. Les services qui seront étendus sont des services qui s'inscrivent dans le contexte des traitements. Ce sont les centres de traitement et les pratiques axées sur le rétablissement qui assureront l'accès aux opioïdes sous forme d'agonistes, d'agonistes partiels et d'antagonistes.
    Récemment, un grand nombre de super laboratoires ont été démantelés. Le plus récent était dans votre province, la Colombie‑Britannique.
    Est‑ce que le projet pilote de légalisation de la possession de drogues dures comme la cocaïne, la méthamphétamine et le fentanyl a causé des problèmes en favorisant l'augmentation de l'accessibilité des drogues?
    Vous demandez si j'ai vu une augmentation... Pouvez-vous répéter la question?
    Est‑ce que le projet pilote de légalisation de la possession et de la consommation de fentanyl, en Colombie‑Britannique, a facilité l'accès aux drogues dans les rues de la province?
    Il est très facile d'obtenir des précurseurs, ce qui explique l'augmentation de la disponibilité des drogues synthétiques. Les précurseurs, qui venaient précédemment de la Chine, viennent maintenant du Mexique. Ils permettent la production artisanale à grande échelle. C'est ce qui est à l'origine du phénomène.
    Bien sûr, les autorités ont la responsabilité de prévenir la circulation de ces précurseurs et de démanteler les laboratoires, comme vous venez de le dire.
    Croyez-vous que le gouvernement fédéral en fait assez pour interdire ces précurseurs et pour trouver et démanteler les super laboratoires?
    Mon champ d'expertise est la santé mentale, la santé publique et la psychiatrie. Je crois que le volet de l'application de la loi est fondamental, mais c'est hors de mon champ d'expertise.
    D'accord, mais vous traitez des personnes qui souffrent de dépendances, et je suis certaine qu'elles vous transmettent certaines informations.
    Croyez-vous que le gouvernement du Canada déploie suffisamment d'efforts pour trouver les précurseurs qui entrent dans notre pays et qui permettent aux criminels de tirer profit de la crise et de fabriquer du fentanyl?
    Je le dis clairement: tout ce que nous pouvons faire pour empêcher les précurseurs d'entrer au Canada et d'être accessibles à des trafiquants et des fabricants de drogue doit être fait. Il ne faut épargner ni les dépenses ni les efforts, parce que, ultimement, c'est ce qui nous permettra d'enrayer la crise.
    Docteure Knight, qu'en pensez-vous? Croyez-vous que le gouvernement déploie suffisamment d'efforts pour interdire les précurseurs dans le pays?
    L'application de la loi n'est pas mon champ d'expertise, donc je vais m'abstenir de répondre.
    Merci, docteure Knight. Merci, madame Goodridge.
    Monsieur Powlowski, allez‑y, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
    Le Comité essaie de formuler des recommandations. Dans cet esprit, je crois que l'une des choses que nous voulons absolument faire est de réduire le nombre de décès dus à une surdose et d'aider les gens à reprendre leur vie en main.
    Je crois que nous devrions aussi cibler, dans nos recommandations, du problème de la détérioration de nombreux centres-villes, où il y a de plus en plus de personnes en situation d'itinérance, de personnes ayant clairement des problèmes psychiatriques et de toxicomanes.
    Docteure Knight, docteur Vigo, selon vous, serait‑il avantageux de mettre sur pied davantage d'équipes de traitement communautaire dynamique, avec des psychiatres qui pourraient évaluer les personnes et, lorsque c'est approprié, leur prescrire des antipsychotiques à action prolongée? Devons-nous renforcer ces services et traiter les problèmes de santé mentale que nous voyons dans la rue?
    J'aimerais entendre d'abord la Dre Knight, puis le Dr Vigo. S'il vous plaît, soyez brefs, parce que j'ai deux ou trois autres questions.
    D'accord, je vais faire vite.
    Je crois que les équipes de traitement communautaire dynamique ont beaucoup de bon sens. Le Dr Vigo en a parlé. J'ai vu leur excellent travail lorsque j'étais à Vancouver.
    Je crois qu'il est important de souligner que nous parlons souvent de traitement en aval, de traitement sévère. Nous devons aussi penser à la prévention et à l'intervention précoce.
(1245)
    Ma réponse est un oui catégorique. Nous devons multiplier les équipes de traitement communautaire dynamique. Nous devons également augmenter le nombre de places dans les centres de réhabilitation psychiatrique à long terme, et nous devons également offrir plus d'options de logements pour les personnes qui nécessitent des services intensifs. Nous avons besoin du continuum de soins: les équipes de traitement communautaire dynamique, les places dans les hôpitaux et les logements autorisés.
    Cela nous mène naturellement à ce dont je veux parler.
    Quelle est l'importance d'offrir davantage de logements supervisés? Vous avez dit que la fermeture de l'établissement de Riverview avait contribué à l'augmentation du nombre de personnes en situation d'itinérance. Devrions-nous également envisager de rouvrir certaines institutions psychiatriques de soins de longue durée?
    Je sais que les logements supervisés sont probablement une meilleure option, mais, vu le grand nombre de personnes qui ont des problèmes semblables, ne devrions-nous pas envisager d'offrir plus de places en psychiatrie de longue durée?
    Par exemple, à Thunder Bay, l'arrivée des antipsychotiques à action prolongée a entraîné la fermeture des hôpitaux de soins de longue durée.
    Docteur Vigo, vous en avez parlé le premier. Puis, nous aurons peut-être le temps d'entendre rapidement la réponse de la Dre Knight.
    La réponse est un autre oui catégorique.
    Oui, nous devons ouvrir des unités décentralisées pour la réhabilitation psychiatrique à long terme. Elles doivent également s'inscrire dans le continuum des soins, parallèlement aux logements.
    Ce n'est pas sorcier. Je veux dire, c'est la même chose qui est arrivée au Royaume‑Uni. Au Royaume‑Uni, ils ont fermé tous les vieux hôpitaux psychiatriques, et maintenant, ils ont rouvert de nombreuses unités décentralisées qui existaient déjà dans le pays. Ils ont créé des milliers de places, et c'est ce que nous devons faire.
    Docteure Knight, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit le Dr Vigo.
    Ma dernière question concerne le traitement imposé. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, une personne qui a un problème de santé mentale sous-jacent est admissible au traitement imposé. Qu'en est‑il lorsque la personne a — et je ne sais pas quelle est la prévalence — purement et simplement un problème de consommation de substances? Elle n'a pas de problèmes psychiatriques sous-jacents, mais elle consomme des drogues et manifeste clairement son intention de se faire du mal ou son indifférence à se faire du mal.
    Y a‑t‑il une marge de manœuvre à cet égard, et devrions-nous tirer profit des lois sur les soins psychiatriques existantes? Je suis également, et depuis longtemps, un médecin urgentiste. Lorsque quelqu'un est suicidaire, il est de notre devoir de l'amener à l'hôpital pour essayer de l'empêcher de se faire du mal. Devrions-nous appliquer la loi sur les soins psychiatriques existante pour les personnes qui consomment excessivement des drogues et qui soit essaient activement de suicider soit sont indifférentes à leur mort?
    Je vais peut-être commencer par la Dre Knight.
    Merci. C'est un débat permanent entre les fournisseurs de soins de santé. Selon moi, les troubles liés à la consommation de substances sont des troubles mentaux. Ils figurent dans le DSM‑5. Pour quelqu'un qui souffre d'une maladie grave et qui est incapable de prendre des décisions en matière de traitement, je dirais que nos lois sur la santé mentale couvrent la situation. Elles ne sont pas appliquées de cette manière, il faut donc en discuter.
    Encore une fois, en ce qui concerne le traitement imposé, nous savons que la seule façon d'utiliser le traitement imposé de manière appropriée, c'est s'il existe un traitement volontaire pour les personnes qui le souhaitent.
    Merci, docteure Knight.
    Merci, monsieur Powlowski.
    C'est au tour de M. Ellis, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Mes questions s'adressent à Dr Vigo, à la Dre Knight et à Mme Brett, si nous avons encore un peu de temps à la fin.
    Mon collègue a un peu parlé de prévention. C'est assurément une chose incroyablement difficile et dont on ne parle pas beaucoup.
    Dre Knight, en quelques minutes, pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur la prévention des troubles liés à la consommation de substances et sur les difficultés connexes, pour lesquels, en réalité, nous ne dépensons pas un sou, dans notre pays.
    Merci d'avoir posé la question. Nous nous concentrons souvent sur les effets en aval chez les personnes atteintes d'une maladie grave.
    Ailleurs, il existe des outils de prévention fondés sur des données probantes que nous pourrions examiner, et nous en avons présenté quelques-uns dans le mémoire de la Société médicale canadienne sur l'addiction que nous avons soumis.
    En réalité, il s'agit en grande partie de soutenir les déterminants sociaux fondamentaux de la santé, l'accès à un logement, à des activités et à l'éducation, et de soutenir la croissance des personnes — surtout des jeunes — afin qu'elles se développent de manière positive et ne dépendent pas de la consommation de substances au début de leur vie, ce qui les conduirait à développer des troubles liés à la consommation de substances plus tard.
(1250)
    Merci beaucoup, Dre Knight.
    Docteur Vigo, avez-vous des commentaires à ajouter à cela?
    Bien sûr.
    Nous disposons d'interventions fondées sur des données probantes que nous pourrions déployer dans toutes les écoles du Canada moyennant un investissement relativement peu élevé; elles ont été élaborées ici, au Canada, soit dit en passant.
    L'intervention préventive en est un exemple. Elle a montré que, lorsqu'on intervient assez tôt, ce qui peut se faire en une ou deux séances, dans une école, cela a des effets plusieurs années après et réduit le risque de consommation de substances.
    Cela pourrait être mis en œuvre, et devrait l'être, car, comme tout le monde ici l'a dit, le meilleur investissement c'est de prévenir les dommages causés au cerveau des enfants.
    Merci beaucoup, docteur Vigo.
    Madame Brett, puis‑je vous poser quelques questions?
    Nous parlons un peu de prévention, maintenant, de toute évidence. L'une des affirmations que nous avons entendues est que personne ne naît en souhaitant devenir dépendant des drogues plus tard. Pourriez-vous réagir à ces commentaires? Si vous le pouvez, dites-nous ce que vous pensez des avantages du traitement des jeunes enfants.
    Merci.
    Oui. Vous savez, mon fils ne s'est jamais considéré comme un toxicomane. C'était un joueur étoile au football. C'était un athlète extraordinaire à bien des égards. Il consommait également des drogues très jeune, à l'âge de 14 ans; de la marijuana, de l'alcool. Le système scolaire l'a su et l'a inscrit à un programme spécial offert après l'école, qu'il a quitté une fois trop vieux.
    Aujourd'hui, quand il y repense, il affirme que c'était un moyen efficace pour lui de gérer les impulsions qu'il avait à cet âge-là. C'est vraiment dommage qu'il n'y ait pas eu de programme alternatif et continu.
    Pour lui, après 26 engagements de traitement et dont la plupart ont échoué... Nous étions très perplexes, mais le fait que ces centres de traitement existaient lui a donné un répit de la rue, d'une certaine façon, et cela lui a peut-être sauvé la vie. Cela l'a aidé à accumuler des périodes d'abstinence.
    Nous sommes très reconnaissants de ce qui existait au moment où il en avait besoin, mais il n'a jamais reçu de diagnostic de maladie mentale grave, même s'il a régulièrement été pris en charge par les services de santé mentale. C'est un crime en soi. Je ne dis pas que c'est un « crime » à proprement parler. C'est simplement la triste réalité des ressources inefficaces, dans son cas.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
    C'est très bien, madame Brett. J'apprécie votre réponse.
    Il me reste environ 30 secondes.
    Quels conseils donneriez-vous à d'autres parents et familles qui vivent ce que vous avez vécu avec votre fils, Jordan? Quels conseils donneriez-vous aux Canadiens qui nous écoutent?
    N'abandonnez pas vos enfants. Il y a toujours de l'espoir. Quand c'est le plus dur, quand c'est le plus sombre, restez à leurs côtés. Mettez-vous à leur place.
    Marchez à leurs côtés, voyez ce qu'ils voient et sachez ce qu'ils savent. Amenez-les dans n'importe quel établissement et offrez-leur n'importe quel soutien, où il y a un dialogue, un conseiller, une personne qui peut écouter et qui peut trouver les ressources accessibles. C'est le seul moyen.
    Nous devons tambouriner à la porte des services accessibles et amener nos enfants avec nous. Ne les abandonnez pas. Rejoignez‑les dans leur misère, car vous devez en être témoin. Vous devez parler quand ils ne peuvent pas le faire. Dans mon cas, mon fils n'était pas vraiment en mesure de décrire, sauf à moi, en privé, la terreur qu'il vivait. Il ne pouvait pas l'exprimer en public ou dans le cadre d'une quelconque séance de counseling.
    Nous devons être là pour eux, et nous pouvons les aider à aller mieux, avec l'aide de médecins comme le Dr Vigo, et le changement d'intention du gouvernement de la Colombie-Britannique, même si je n'ai aucune preuve que de nouvelles places efficaces seront offertes pour les soins imposés. Si cela arrivait, il y aurait un important changement.
    Je prie pour cela tous les jours. Nous en avons besoin. Nos enfants meurent.
(1255)
    Merci.
    Merci, madame Brett.
    Merci, docteur Ellis.
    C'est au tour de M. Hanley, je vous prie, pour cinq minutes.
    Docteure Knight, parmi les nombreuses fausses idées véhiculées par mes collègues conservateurs, il y a celle selon laquelle notre gouvernement et des dirigeants respectés du secteur de la santé comme la Dre Bonnie Henry poussent à « la légalisation des drogues dures ». Ce que j'entends de la part de nombreux experts comme vous, c'est un plaidoyer en faveur d'un approvisionnement sûr et réglementé des drogues, comme avec l'approche post-prohibition de l'alcool.
    Je me demandais si vous pouviez nous aider à distinguer la soi-disant « légalisation » des drogues dures, que je n'ai jamais vue dans ce pays, de l'accès à un approvisionnement sûr et réglementé comme solution à l'accès généralisé à des drogues toxiques, essentiellement fournies par les réseaux du crime organisé.
    L'une des façons les plus simples d'en parler est peut-être de donner un exemple, car nous avons accès à un approvisionnement sûr en alcool grâce à la réglementation. Il y a des communautés au Canada où l'alcool n'est pas autorisé, et souvent, dans ces communautés, les gens se tournent vers un approvisionnement non sécurisé en alcool, comme de la bière ou de l'alcool « maison », des boissons qui comportent des risques beaucoup plus élevés, car elles font partie d'un approvisionnement non réglementé d'une substance qui est généralement réglementée.
    La Dre Bonnie Henry parlait de réglementation, et le Dr Vigo a également abordé ce sujet: cette courbe, où les dommages les plus faibles sont liés à l'approche de santé publique de réglementation de l'offre de substances créant la dépendance.
    Brièvement, car j'ai deux autres questions pour le Dr Vigo, à quoi cela ressemblerait‑il en pratique? Pourriez-vous me donner un exemple de son application?
    C'est difficile d'être bref à ce sujet. La complexité de la question explique pourquoi je ne l'ai pas abordée dans mes notes. Si nous devions envisager la création d'un approvisionnement réglementé de substances créant la dépendance, plus largement, nous devrions aussi l'envisager sous l'angle de la prévention, en veillant à ce que les règlements ne soient pas trop souples, ce qui augmenterait le risque d'une consommation précoce ainsi que la disponibilité.
    Cependant, pouvoir remplacer l'offre illicite de drogues toxiques par une offre réglementée et plus prévisible permettrait sûrement de réduire les méfaits liés à l'offre actuelle de drogues.
    Merci.
    Docteur Vigo, j'ai quelques questions à vous poser pendant le temps qu'il me reste.
    Premièrement, vous avez mentionné le rôle de la clozapine, et je crois que vous avez laissé entendre qu'elle est sous-utilisée ou qu'elle n'est peut-être pas aussi disponible qu'elle devrait l'être. Cela s'est reflété également dans les commentaires de Mme Brett sur l'utilité de ce médicament pour son fils.
    Je me demandais si vous pourriez nous parler brièvement de ce médicament et de ce que nous devons faire pour en améliorer l'accès.
    Dans nos organisations et nos institutions, selon nos pratiques générales, l'analyse risques-avantages de l'utilisation de certains médicaments conduit à des protocoles de prescription très stricts. La clozapine est l'un de ces médicaments qui exigent, par exemple, des prises de sang hebdomadaires par ponction veineuse pour contrôler les globules blancs, car il y a un effet secondaire très rare, la neutropénie, c'est‑à‑dire la diminution des globules blancs. Si cet effet secondaire n'est pas détecté, certaines personnes peuvent en mourir.
    Parmi les personnes dont nous parlons, aucune ne mourra de neutropénie. Personne ne mourra d'une infection non détectée liée à la neutropénie. Elles mourront d'une surdose. Pour cette sous-population, l'équation risques-avantages doit changer.
    Nous limitons l'accessibilité en exigeant des ponctions veineuses, ce que ces personnes ne peuvent tout simplement pas faire. Nous avons donc mis au point un protocole selon lequel nous renonçons aux ponctions veineuses et nous effectuons des prélèvements, des tests aux points de services, qui peuvent être réalisés très facilement par les équipes communautaires de traitement actif en cas de besoin.
    Alors, nous pouvons élargir l'accès à la clozapine, mais pour cela, il faut une bureaucratie bien disposée, et je parle de bureaucratie dans un sens positif, pas dans un sens négatif. Je parle de bureaucratie dans le sens ancien, c'est‑à‑dire de la manière dont nous organisons nos règles et notre administration. Une bureaucratie bien disposée peut accepter cette équation risques-avantages rajustée. Le Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique l'a acceptée, et elle est maintenant approuvée et en déploiement.
(1300)
    Merci, docteur Vigo et monsieur Hanley.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Vogel et docteure Knight, la semaine dernière, Mme Brière‑Charest, de l'Association pour la santé publique du Québec, nous disait ceci:
[...] les solutions ne suffisent plus à répondre à l'ampleur des besoins et à atténuer cette crise. Nous devons multiplier les actions pour prévenir davantage de décès prématurés et évitables, élargir l'accès au traitement volontaire, rehausser la prévention, assurer un approvisionnement réglementé et réduire le fardeau judiciaire.
    Êtes-vous d'accord là-dessus?

[Traduction]

    Il y a là un certain nombre de déclarations différentes. Je suis d'accord avec la plupart d'entre elles.
    Je dirais cependant que, pour certaines substances, le niveau de disponibilité approprié pourrait être de zéro. Le carfentanil est 10 000 fois plus puissant que la morphine. Il n'a aucune utilité dans aucun cadre réglementaire que je puisse imaginer. Les nitazènes et le fentanyl sont des drogues pour lesquelles il serait très difficile de trouver un usage approprié en dehors du système médical où elles servent à des fins de traitement, d'opérations chirurgicales, etc.
    C'est la seule de ces déclarations que je retiendrais, dans le sens où, bien sûr, nous devons trouver un point d'équilibre dans la réglementation et, pour certaines substances, il se peut qu'il n'y en ait pas.
    Je suis essentiellement d'accord avec ces déclarations.
    Je suis d'accord avec le Dr Vigo lorsqu'il dit qu'il faut trouver la bonne réglementation pour un approvisionnement réglementé en substances. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'améliorer l'accès et la prévention et de réduire le fardeau juridique associé à la consommation de substances.
    M. Johns commencera le dernier tour de questions pour ce groupe de témoins. Il a deux minutes et demie.
    Docteur Vigo, que peut faire le gouvernement fédéral pour soutenir les provinces et les territoires qui essaient d'augmenter les services de soutien en santé mentale et à la toxicomanie?
    Croyez-vous que le gouvernement devrait fixer un objectif de dépenses en matière de santé mentale et de toxicomanie qui reflète le poids de la maladie?
    Nous savons que de nombreux pays de l'OCDE dépensent beaucoup plus que le Canada pour leurs budgets de la santé; en fait, le double.
    Pourriez-vous peut-être nous en parler?
    Je crois que dans un pays comme le Canada, où le financement des soins de santé est public et où respecter à la fois les règlements et objectifs fédéraux et les décisions des gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral pourrait apporter son aide en...

[Français]

     Excusez-moi, monsieur le président, mais il n'y a pas d'interprétation.

[Traduction]

    Une minute, docteur Vigo, je pense que nous avons un problème avec l'interprétation.

[Français]

    Cela fonctionne maintenant. Merci.

[Traduction]

    C'est réglé. Veuillez continuer, monsieur.
    Je disais que le gouvernement fédéral aurait certainement un rôle à jouer dans la mise en place de mesures incitatives pour que les provinces accordent la priorité aux interventions fondées sur des données probantes qui permettent d'étendre les traitements. Il faudra innover, de la même manière qu'au Royaume-Uni, où des innovations ont permis d'augmenter soudainement le nombre de places par milliers.
    L'origine des fonds de capital et de fonctionnement nécessitera d'importants changements dans notre façon de faire.
    L'autre élément, avec respect, c'est la bureaucratie. Parfois, nous constatons que pour créer 20 places avec une chambre sécurisée, il faut attendre neuf mois. C'est impossible. Nous devons rationaliser nos attentes en matière de permis de construction, de consultations communautaires et d'autres choses du genre, pour réellement augmenter le nombre de places.
(1305)
    J'ai une dernière petite question.
    Que peut‑on faire pour réduire le risque de rechute après un traitement imposé?
    Quels soutiens complémentaires sont nécessaires après un traitement?
    C'est intéressant, car c'est seulement quand le traitement imposé n'est pas approprié que le risque de surdose ou de décès subséquent augmente. Les soins imposés, en vertu de l'article 31, à une personne qui souffre d'un trouble de la consommation de substances ou d'un trouble de la consommation d'opioïdes, ne refuseraient jamais le traitement par agoniste opioïde. Au contraire, il serait fourni sous la forme, par exemple, de buprénorphine en dépôt, ce qui garantirait qu'il n'y a pas de surdose fatale.
    Merci, docteur Vigo et monsieur Johns.
    Merci à tous nos témoins.
    Madame Brett, votre témoignage était extrêmement personnel et puissant. Nous souhaitons à vous ainsi qu'à votre fils beaucoup de succès dans votre parcours vers la guérison.
    Docteur Vigo, docteure Knight, vos exposés ont reflété votre grande patience, votre professionnalisme et votre expertise, et nous vous en sommes reconnaissants.
    Merci à tous d'avoir été là.
    Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
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