Comme Marion l'a dit, je résumerai très rapidement le travail que nous avons effectué pour le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord. Ce travail s'est déroulé en 2008. Je m'en tiendrai à la situation qui existait à cette époque, même si des changements risquent de s'être produits depuis.
Mon exposé porte sur le document intitulé Protection de l'environnement: Défis et perspectives pour les Premières nations en vertu de la LGTPN, c'est-à-dire la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Je décrirai l'écart dans la gestion de l'environnement auquel les Premières nations doivent faire face ainsi que les possibilités qu'elles ont de combler cet écart en vertu de la loi.
D'abord, l'écart dans la gestion de l'environnement découle de l'interprétation et de l'application des lois fédérales et provinciales sur l'environnement dans les réserves. Comme vous le savez très bien, la protection de l'environnement relève en partie de l'État fédéral et en partie de chaque province. On parle ici d'un ensemble complexe de lois et de règlements. Le paragraphe 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 précise que le gouvernement fédéral détient l'autorité législative concernant les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. De ce fait, les lois provinciales se rapportant aux terres et à leur utilisation ne peuvent pas s'appliquer de plein droit aux terres de réserve.
L'article 88 de la Loi sur les Indiens dispose que toutes les lois d'application générale et en vigueur dans une province sont applicables aux Indiens qui s'y trouvent et à leur égard. Cependant, les tribunaux ont statué que les lois provinciales d'application générale visant les terres de réserve et leur utilisation n'entraient pas dans le cadre de l'article 88. D'où l'écart dans l'interprétation de l'applicabilité des lois.
En ce qui concerne la portée de ce dont il est question ici, nous parlons des déchets et de la protection de l'environnement, c'est-à-dire de l'air, de l'eau et des terres, de la gestion des ressources, de l'utilisation des terres et du zonage, de l'utilisation de l'eau, de la protection des sources et de l'utilisation des ressources naturelles. Nous parlons de l'évaluation environnementale et, enfin, de santé, de salubrité et de transport, y compris les traversiers, ce qui implique l'eau. Cela touche un vaste domaine qui peut devoir être réglementé. La plupart de ces questions, faut-il le préciser, sont de compétence provinciale, mais, dans certains cas, le gouvernement fédéral peut aussi exercer la sienne.
Parmi les lois fédérales applicables, mentionnons la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur les pêches — qui, notamment, porte sur les substances délétères — la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les Indiens et les règlements sous son régime concernant notamment l'élimination des déchets, le bois de construction des Indiens et l'exploitation minière et, bien sûr, la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes.
Cela dit, il subsiste beaucoup d'écarts qui peuvent s'appliquer aux Premières nations. Je sais que le gouvernement s'efforce de corriger certaines situations. Au moment de la rédaction du document, c'était principalement les eaux résiduaires et des problèmes tels que les réservoirs de carburant. Je pense que, dans ce cas, le règlement est maintenant en vigueur. Il y a donc du travail qui se fait.
Il subsiste néanmoins d'importants écarts en ce qui concerne les eaux résiduaires, la protection des eaux de source, les ressources naturelles — à l'exception de l'habitat du poisson ainsi que du pétrole et du gaz, qui sont visés par des règlements — et l'évaluation environnementale, particulièrement lorsqu'il n'y a pas de déclencheur fédéral. Sur les terres de réserve, donc, s'il y a du financement fédéral, il y a une évaluation environnementale. C'est une exigence. Cependant, si le projet de mise en valeur est privé, ce n'est pas une exigence. Il y a ensuite d'autres écarts en ce qui concerne la santé, la salubrité et les transports — y compris, notamment, les traversiers et les quais —, la sécurité incendie, les routes et les ponts.
La Loi sur la gestion des terres des premières nations permet aux Premières nations de conclure des accords qui leur permettent de combler les principaux éléments du vide en matière de gestion environnementale, mais il ne faut pas sous-estimer les défis que posent l'élaboration et l'exécution d'un régime de réglementation efficace, lequel est, bien sûr, un volet indispensable à tout régime de gestion.
La loi accorde un certain nombre de pouvoirs législatifs. Le paragraphe 20(1) autorise à prendre des textes législatifs en ce qui touche les intérêts et les permis relatifs aux terres des Premières nations, la mise en valeur, la conservation, la protection, la gestion, l'utilisation et la possession de ces terres et toute question qui découle de l'exercice de ces pouvoirs ou qui y est accessoire.
En outre, le paragraphe 20(2) prévoit des pouvoirs particuliers, notamment la réglementation, le contrôle ou l'interdiction de l'utilisation et de la mise en valeur des terres, y compris le zonage ou le lotissement et, sous réserve des autres articles, l'acquisition et l'attribution d'intérêts ou de permis relatifs à ces terres — et les interdictions à ce sujet —, l'évaluation environnementale et la protection de l'environnement, la prestation de services locaux relativement aux terres des Premières nations et la fixation de droits équitables à cet égard. Cela est intéressant, parce que, d'habitude, on n'accorde pas ce pouvoir aux Premières nations, mais si on examine la question dans un contexte canadien plus général, l'imposition de droits aux utilisateurs est un élément important de financement de ces services par l'État.
Enfin, la fourniture de services pour le règlement des différends relatif aux terres des Premières nations est, bien sûr, un autre élément clé de la gouvernance. Il faut qu'il y ait une sorte de mécanisme de recours.
D'autres éléments essentiels de la loi et des accords obligent à une délégation de pouvoirs, de sorte qu'une Première nation peut déléguer ses pouvoirs de gestion de ses terres. Elle dispose d'un certain nombre d'options dont je vous parlerai dans un moment.
Les mesures de contrôle d'application doivent être compatibles avec les lois fédérales, notamment en matière de visite, de perquisition, de saisie ainsi que de prise obligatoire d'échantillons et d'examen ou la communication de renseignements. Bien sûr, il y a aussi la protection de l'environnement.
Les ententes en matière de gestion de l'environnement encouragent la participation des provinces, laquelle n'est cependant pas obligatoire. Ces ententes sont des plans énonçant la façon dont la Première nation peut adopter des textes législatifs relatifs à la protection de l'environnement, notamment les exigences en matière d'échéancier, de ressources, d'inspection et de contrôle d'application. Elles précisent également les sujets essentiels pour chaque Première nation. Il s'agit du traitement des déchets solides, des réservoirs de stockage de carburants et de leur gestion, le rejet et le traitement des eaux usées, les situations d'urgence en matière d'environnement. Il y a aussi place pour d'autres sujets propres à chaque Première nation, auxquels elle pourra aussi s'attaquer, dans des circonstances particulières.
Chaque plan doit comprendre des dispositions prévoyant sa révision et sa mise à jour périodiques, et il est prévu que, en cas d'incompatibilité avec les textes législatifs des Premières nations, les lois fédérales l'emportent.
Parlons rapidement des règlements, un sujet que, j'en suis convaincue, vous connaissez bien. Ils soulèvent un certain nombre de questions qui exigent beaucoup de jugement, une saine gestion et de véritables capacités. La première question est de savoir où affecter des ressources d'inspection limitées. L'enjeu est continuellement la gestion des risques. On ne dispose jamais de suffisamment de ressources pour assurer un risque nul dans tous les domaines. Il faut toujours prendre une décision sur l'endroit où on affectera les ressources limitées, sur les modalités de gestion du risque en jeu.
Viennent ensuite l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie d'observation et d'exécution qui consiste à déterminer à quel moment on utilisera tel outil d'application. Si, après une série d'avertissements, on applique des sanctions, quelle est leur gradation? Cette sorte de chose exige toujours beaucoup de jugement, de constance et de bonne gestion. Il faut éviter ce qu'on appelle l'emprise réglementaire, tout en maintenant des relations de coopération avec les organismes réglementés... Cela, bien sûr, devient un problème dans toute petite collectivité.
L'obtention des moyens scientifiques, techniques, stratégiques et juridiques nécessaires et leur gestion posent encore une fois des difficultés de taille dans les petites collectivités, tout comme la nécessité d'éviter l'ingérence politique. Beaucoup de ces difficultés ne sont pas propres aux Premières nations. Elles se posent dans toutes les collectivités, mais elles constituent de bons sujets de réflexion, dans le contexte d'un régime réglementaire.
Bien sûr, la loi pose des problèmes supplémentaires. En réduisant d'abord la marge de manoeuvre, elle oblige à un certain formalisme, ce qui comporte des avantages, mais, parfois, des inconvénients. La mise en place d'une loi prend beaucoup de temps et cela ne contribue pas rapidement à la résolution des problèmes, loin de là. La mise en oeuvre d'un régime réglementaire global est coûteuse.
Tous ces renseignements visent principalement à vous doter de certaines possibilités concernant les Premières nations sous le régime de la loi. C'était notre principal propos, quand nous avons rédigé ce document. La principale raison d'être de la Loi sur la gestion des terres des premières nations est de répondre aux besoins des Premières nations en matière d'environnement. Nous avons examiné au moins six options pour l'exercice de leurs responsabilités de nature réglementaire, si les Premières nations choisissent de travailler sous le régime de la loi.
La première est de confier la responsabilité réglementaire à chaque nation, individuellement.
La deuxième est la création d'un regroupement de Premières nations, dans un but particulier, l'efficacité d'opérations techniques particulières ou un conseil tribal — quelque chose comme cela.
La troisième pourrait être la passation d'un marché avec la province ou même avec une collectivité régionale. Cela permet d'accéder à d'autres ressources. On pourrait conclure un marché avec une province, mais, par un accord négocié, on pourrait constituer un organe spécial de Premières nations au sein de l'administration, qui pourrait devenir son propre organe directeur. Il y a donc des façons de se doter de capacités au sein de l'administration des provinces. Bien sûr, on pourrait également ne rien faire, et attendre que le gouvernement fédéral comble les diverses lacunes. Comme je l'ai dit, il y travaille, mais, d'un point de vue tout à fait réaliste, nous proposons une combinaison de toutes les options qui précèdent, selon l'objet du ou des règlements.
Nous avons également élaboré une liste de critères pour l'évaluation de ces options: quelle est la meilleure pour un sujet particulier, les eaux usées, les traversiers, le zonage?
Bien sûr, le premier critère est la capacité de refléter les valeurs des Premières nations. D'une certaine manière, les valeurs, quand il s'agit de réglementation, sont très constantes. Il est certain que les Premières nations s'attendent au même niveau de normes que tous les Canadiens. En même temps, elles peuvent s'attaquer à certains problèmes d'une façon tout à fait différente, peut-être, par un mécanisme de recours ou, encore, par des sanctions différentes. Il faut pouvoir refléter les valeurs des Premières nations.
Ensuite, il y a la mesure dans laquelle l'approche établit la capacité de gouvernance des Premières nations ou soutient de futures initiatives d'autonomie gouvernementale. Cet élément doit être présent.
Ensuite — et c'est essentiel — il faut séparer l'organisme de réglementation et celui qui est chargé des opérations. L'autoréglementation n'est jamais une bonne idée en matière de santé et de salubrité publiques ou d'environnement. Il faut séparer ceux qui supervisent de ceux qui appliquent la loi ou de ceux qui fournissent le service.
Il y a les économies d'échelle. Bien sûr, les compétences scientifiques, juridiques, etc., coûtent cher. Les économies d'échelle sont d'autant plus à rechercher.
Un autre critère est l'harmonie avec les compétences voisines. Telle Première nation s'est dotée d'un ensemble de règles qui diffère légèrement de celui qu'ont adopté toutes ses voisines. Cela peut compliquer les choses.
Il y a aussi le fait qu'il est également plus difficile d'obtenir des ressources par contrat si elles sont assujetties à un régime réglementaire différent. Une certaine uniformité est vraiment importante. Pour les Premières nations, la responsabilité de l'autorité réglementaire est certainement une question très importante, ou pour quiconque prend en charge un système réglementaire: où se situe cette responsabilité?
Enfin, à quelle vitesse peut-on combler l'écart? On ne veut pas attendre 10 ou 20 ans pour certaines réalisations. On tient à les concrétiser davantage sur le terrain. D'autres peuvent être moins prioritaires.
À partir de ces critères, nous avons examiné toutes les options s'appliquant aux divers sujets. Par exemple, pour l'eau résiduaire, vu le haut niveau de compétence exigé, la nécessité de séparer la réglementation des opérations, l'importance des économies d'échelle et celle de combler rapidement l'écart, pour les besoins de l'environnement, la province pourrait avoir un rôle. La décision reste à prendre, mais c'était le cheminement de notre réflexion.
Pour le zonage, par exemple, comme la Première nation peut être l'organisme de réglementation, mais qu'elle réglemente des entreprises et des choses de ce genre, on maintient la séparation, et la prise en charge peut se faire au niveau local. La Première nation peut se doter d'une capacité rapidement.
Notre document analyse les différentes options et il applique ces critères pour déterminer celui qui fonctionne le mieux dans telle situation, en reconnaissant toujours que chaque Première nation diffère un peu des autres et qu'il n'y a pas de solution unique pour tout le monde.
Telle était la prémisse de notre document que nous avons présenté aux chefs, lors d'une conférence tenue en Colombie-Britannique, il y a un certain nombre d'années. Notre utilisation du document s'est essentiellement borné à cela.
Merci.
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.Merci, monsieur le président.
Il s'agit vraiment d'examens très rapides. Je n'ai que sept minutes; alors, je vais, en fait, vous posez certaines questions qui sont reliées ensemble. Elles ne sont pas terriblement difficiles, et si vous avez besoin d'un rappel, ce n'est pas un problème. C'est simplement plus facile et ensuite, vous pouvez y répondre en bloc.
Merci de votre examen. Je me suis rendue sur votre site Web pour essayer de trouver des documents et je n'ai pas trouvé celui que vous avez utilisé pour votre exposé; alors, je vais essayer de nouveau. Il semble être très utile.
J'ai fait un examen semblable sur la salubrité de l'eau potable des Premières nations et je suis très au courant des domaines de compétence fédérale en matière de protection de l'environnement sur les terres des Premières nations. Il s'agit d'un problème de longue date en Alberta, particulièrement aux endroits où nous avons du développement pétrolier et gazier sur les terres des Premières nations, et il y a eu beaucoup de tergiversations sur cette question. La commission de l'énergie provinciale procède habituellement aux auditions, mais refuse ensuite de rendre une décision sur les droits des Autochtones. Alors, c'est encore très compliqué.
Plus tôt cette semaine, nous avons entendu un exposé de la Land Claims Agreements Coalition. Une des préoccupations soulevées par les Nisga'a, qui font partie de cette coalition, c'est qu'ils sont frustrés du fait qu'ils n'obtiennent pas les contrats pour renforcer les capacités dans leur propre Première nation.
Ma première question est la suivante: trouvez-vous qu'il est utile de faire participer les Premières nations et de les aider à bâtir la capacité des Premières nations, de manière qu'elles puissent être plus à l'aise? Ou est-ce que vous employez des avocats, des scientifiques, des toxicologues ou des spécialistes de la santé des Premières nations dans votre gouvernance et dans votre renforcement des capacités?
Ma deuxième question, que vous n'avez pas mentionnée, mais qui pourrait très bien être dans votre document, concerne les ententes sur les avantages. Cela semble être une question qui revient assez souvent. À Attawapiskat, nous ne savons pas quelle est l'entente sur les avantages entre eux et De Beers. Mais il s'agit évidemment de quelque chose qui pourrait aider le renforcement des capacités dans votre aménagement des terres, que ce soit dans les réserves ou sur vos terres traditionnelles. Avez-vous déjà travaillé sur la question de fournir des ententes modèles? Savez-vous si ce genre de travail se fait ici au Canada ou dans d'autres pays?
Les options que vous énumérez constituent un bon début, mais je remarque qu'il en manque quelques-unes. L'une d'elles ferait intervenir la partie initiale de votre exposé au sujet du potentiel qui existe dans la loi fédérale. Par exemple, lorsque la Loi canadienne sur la protection de l'environnement a été promulguée au milieu des années 1980, elle comportait, en fait, une partie complète sur les terres fédérales et autochtones. Cette partie figure toujours dans la loi, et il n'y a jamais eu de loi ou de règlement qui a été promulgué pour, dans les faits, réglementer les répercussions environnementales sur les terres autochtones. Alors, il y a certainement cette capacité.
J'ai travaillé au Yukon et je connais les lois du Yukon et un peu celles des Territoires du Nord-Ouest. Ces gouvernements, et c'est tout à leur honneur, permettent des ententes avec les gouvernements des Premières nations comportant des responsabilités. Les lois fédérales ne le font pas. Alors, il s'agirait là d'un mécanisme.
Vous avez dit qu'il pourrait peut-être y avoir une entente. Le problème, c'est qu'en général, les lois fédérales ne leur permettent pas de signer des ententes avec les Premières nations. Dans certains cas, cela est permis dans nos accords définitifs avec les Premières nations. Mais j'ai constaté que dans les accords définitifs avec les Premières nations et dans les accords d'autonomie gouvernementale du Yukon, on ne confère pas de pouvoirs à mettre en application. Vous pourriez être nommé agent fédéral d'exécution de la loi, mais vous n'avez pas dans les faits… Je me demande si vous ne pourriez pas nous parler des limites dans la loi et dans les accords pour ce qui est du transfert de ces tâches.
De plus, ce que j'ai remarqué en discutant avec les Premières nations, c'est qu'elles n'aiment pas que les provinces soient parties au dossier. C'est intéressant; en Colombie-Britannique on semble vouloir examiner ces accords tripartites ou bilatéraux avec les provinces. Si vous allez dans les Prairies, on s'entête très fortement. En fait, ils disent qu'ils ne veulent même pas traiter avec Affaires autochtones; ils veulent simplement faire affaire avec la Couronne. Alors, il y a une partie de cette réticence historique à faire affaire avec d'autres paliers de gouvernement. Je me demande si vous avez rencontré cela.
Cela fait sans doute beaucoup de questions; pouvez-vous essayer d'y répondre.