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Je déclare ouverte la séance n
o 116 du Comité permanent des finances.
D'après l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 13 juin 2012, nous poursuivons notre étude de l'inégalité des revenus au Canada.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les témoins ici présents, de même qu'au témoin qui se trouve au Royaume-Uni. Je vous remercie infiniment de participer ce matin à notre très importante étude. Je vais nommer toutes les personnes qui nous présenteront un exposé aujourd'hui.
Tout d'abord, M. Robin Boadway, de l'Université Queen's.
Bienvenue.
Nous accueillons M. Miles Corak, de l'Université d'Ottawa; M. Ian Lee, de l'Université Carleton; M. Michael Holden, économiste principal, Canada West Foundation, et Mme Anna Reid, présidente, Association médicale canadienne.
Je vous souhaite à tous la bienvenue à la réunion du comité.
Nous entendrons aussi M. Daniel Muzyka, président et chef de la direction, Conference Board du Canada, et M. Benjamin Eisen, analyste principal en matière de politiques, Frontier Centre for Public Policy.
Bienvenue à vous également.
Enfin, nous accueillons M. Richard Wilkinson, du Royaume-Uni.
Monsieur Wilkinson, m'entendez-vous bien?
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Merci beaucoup de votre invitation. J'ai déposé un mémoire que vous pourrez consulter. J'utiliserai les cinq minutes qui me sont accordées pour faire ressortir ses principaux éléments.
J'avancerai que le système de transferts fiscaux est devenu moins redistributif, que l'inégalité a augmenté et qu'il n'y a pas suffisamment de ciblage au sein du système. Un trop grand nombre de dépenses fiscales bénéficient aux mieux lotis. À mesure que la fédération se décentralise, les groupes de personnes qui relèvent des provinces ont perdu du terrain et reçoivent peu de soutien du gouvernement fédéral. De façon plus générale, les déséquilibres horizontaux au sein de la fédération mettent en péril le tissu social canadien.
J'ai formulé plusieurs propositions spécifiques, qui sont décrites de façon plus détaillée dans mon mémoire. Je vais les passer en revue très rapidement. Elles visent à rendre le système de transferts fiscaux plus équitable et à faire en sorte qu'il résiste mieux aux chocs économiques, sans pour autant compromettre l'efficience et les recettes fiscales.
Voici ma liste de souhaits. J'aimerais que tous les crédits d'impôt soient remboursables, y compris ceux qui sont actuellement non remboursables. Bon nombre d'entre eux devraient être assujettis au revenu, comme c'est le cas pour le crédit pour la TPS. J'aimerais que l'on augmente le crédit d'impôt pour personnes handicapées, et rendre tous les bénéficiaires de prestations d'invalidité des provinces admissibles à ce crédit d'impôt. Je souhaite que l'on renforce le lien entre l'assurance-emploi et l'aide sociale de manière à ce que le passage de l'une à l'autre se fasse plus en douceur.
Une réforme de vaste envergure consisterait à faire de l'assurance-emploi un programme à deux volets à l'échelon fédéral. Le premier volet offrirait pendant une certaine période un remplacement du revenu d'emploi, comme c'est le cas dans le régime actuel. Le deuxième volet s'adresserait aux personnes en chômage pendant une période un peu plus longue, et les prestations seraient établies en fonction des besoins. Une fois ces prestations épuisées, les personnes passeraient au régime d'aide sociale de leur province. Tous les travailleurs devraient avoir accès à des services de formation et d'emploi, qu'ils touchent des prestations d'assurance-emploi ou non. Le régime d'assurance-emploi devrait être financé à même les recettes générales plutôt qu'au moyen des régressives retenues sur la paie, comme c'est le cas actuellement.
En ce qui concerne le revenu sur le capital, j'éliminerais le crédit d'impôt pour dividendes et j'uniformiserais l'imposition des dividendes, des gains en capital et des intérêts. Je simplifierais l'impôt sur le revenu des entreprises de manière à ce qu'il ne crée plus de distorsions et le transformerais en taxe sur les super bénéfices, ou taxe sur les prétendues rentes.
Pour ce qui est de la division de la marge fiscale entre le gouvernement fédéral et les provinces, je ferais tout en mon pouvoir pour prévenir l'érosion de la part de la marge fiscale détenue par le gouvernement fédéral. Le calcul de la péréquation devrait revenir à un calcul reposant sur une formule. Je m'assurerais que les transferts sociaux aux provinces augmentent en fonction du taux de croissance moyen des dépenses de programmes de chaque province, et je les assujettirais aux capacités fiscales des provinces de manière à renforcer le système de péréquation.
En ce qui a trait à l'égalité des chances, je dirai que les actuels programmes fédéraux d'études postsecondaires servent très bien les personnes à revenu moyen ou élevé. Les personnes à faible revenu seraient mieux servies si les avantages fiscaux étaient plus ciblés, si le montant du Bon d'études canadien était plus élevé et si les programmes canadiens de bourses aux étudiants étaient bonifiés. À l'heure actuelle, le système d'éducation postsecondaire canadien est en crise, et j'envisagerais la création d'une bourse d'études postsecondaires parallèle au TCS — le Transfert canadien en matière de santé — et au TCPS — le Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
Voilà les souhaits que j'avais à formuler durant les cinq minutes qui m'étaient accordées.
Merci.
[Traduction]
Le mémoire que j'ai déposé est axé sur des mesures stratégiques concrètes qui visent à donner suite au cinquième objectif mentionné dans le cadre de référence du comité, à savoir « formuler des recommandations sur les meilleurs moyens d’améliorer l’égalité des chances et la prospérité pour tous les Canadiens ».
À mes yeux, l'égalité des chances signifie la possibilité pour tout enfant de devenir ce qu'il souhaite devenir, peu importe ses antécédents familiaux. Plus particulièrement, le sort réservé aux adultes, par exemple en ce qui a trait au revenu, doit être la conséquence de leurs talents et des efforts qu'ils ont déployés, et non pas de leur situation ou de privilèges dont ils ont bénéficié. Les parents jouent un rôle central au moment d'établir les chances d'épanouissement de leurs enfants en leur consacrant du temps de qualité et les ressources financières dont ils disposent. L'argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue.
Les recommandations que je soumets à votre attention visent à soutenir le rôle de principaux responsables que jouent les familles. Ces recommandations ont pour but d'offrir une assurance contre les inégalités sur les plans financier et non financier, et à fournir un soutien adéquat aux personnes défavorisées.
Tout d'abord, le comité devrait envisager une hausse notable du montant de la Prestation fiscale pour le revenu de travail, la PFRT. La conception de ce programme constitue une pratique exemplaire en matière de soutien du revenu. Il devrait être le principal instrument à utiliser pour empêcher que les inégalités à l'extrémité inférieure de l'échelle des revenus devienne trop grande. Le comité devrait examiner les répercussions sur les dépenses et les mesures d'incitation au travail d'une hausse du niveau de prestation de manière à ce que la plupart des travailleurs canadiens puissent toucher à peu près la moitié du revenu médian. Il devrait également envisager d'abaisser le taux de réduction progressive de la PFRT afin de la rendre accessible aux familles à revenu faible ou moyen.
De plus, le comité devrait envisager de procéder en même temps à une réforme du régime d'assurance-emploi de manière à en transformer une partie en assurance salaire, plus particulièrement pour les travailleurs de longue date ayant fait l'objet d'une mise à pied permanente. Une telle mesure se traduirait par le versement de prestations selon un modèle inspiré de la PFRT. Cela encouragerait les travailleurs mis à pied à accepter un nouvel emploi moins bien rémunéré, vu que ces travailleurs sauraient qu'une part importante de l'écart de salaire serait comblée par des prestations.
En outre, si les politiques en matière d'impôt et de transferts fiscaux ont pour but d'encourager un plus grand nombre de parents à entrer sur le marché du travail afin de toucher un revenu leur permettant de subvenir aux besoins de leurs enfants, on doit également reconnaître que les familles éprouvent de plus en plus de stress lié au temps. Les parents se heurtent non seulement aux risques du marché du travail, mais également à une gamme de risques démographiques liés aux perturbations matrimoniales, aux maladies infantiles, aux premiers signes d'invalidité ou à des activités non rémunérées. Le comité devrait songer à renforcer et à généraliser les changements apportés récemment au programme d'assurance-emploi en autorisant les parents à prendre des congés tout au long de leur vie active pour des raisons qu'ils jugent importantes pour leur famille.
Le comité devrait se pencher sur l'instauration au sein du régime d'assurance-emploi d'un système de comptes personnalisés desquels les familles pourraient retirer des fonds, selon l'ampleur de leur excédent. Les règles qui régissent le programme pourraient être assouplies, et les familles à faible revenu pourraient bénéficier de ce qui s'apparente davantage à une subvention publique dans le cadre de ces comptes. Toutes les personnes auraient la possibilité d'utiliser leur excédent pour financer un congé qu'elles souhaitent prendre à tel ou tel moment ou pour telle ou telle raison.
Enfin, le comité doit savoir qu'il y a eu des hausses considérables de la part du revenu total que touche une faible minorité de la population. Cela a accru en partie l'inégalité des revenus, mais à long terme, cela influera également sur l'inégalité de la richesse, et donc sur l'égalité des chances.
L'inégalité de la richesse est également à la hausse au Canada, mais à ce jour, elle est suscitée par l'accroissement de la valeur nette des logements et des avoirs de retraite. Les héritages ont joué un rôle réel, mais mineur. Cela pourrait très bien changer dans l'avenir puisque la hausse de la proportion de ceux qui touchent les plus hauts revenus est une tendance qui se maintiendra probablement. À un moment donné, cette concentration des revenus se fera sentir sur la richesse, et ultérieurement, sur les legs. Au sein du régime d'imposition fédéral, cela créera un écart notable qui accentuera les inégalités, notamment l'inégalité des chances.
Par conséquent, le comité devrait envisager une imposition plus complète de toutes les sources de revenu, y compris l'ensemble des sources de revenu du capital. Il pourrait également se pencher, comme l'a fait, entre autres, l'OCDE, sur l'instauration d'une taxe sur les héritages et sur l'effet dissuasif qu'elle peut avoir.
Merci, monsieur le président.
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Merci de votre invitation.
J'avais préparé ce qui me semblait être un document raffiné constitué de diapos contenant des données empiriques. Toutefois, le comité a décidé de doubler la durée de la réunion. C'est de bonne guerre, et je crois que bien d'autres témoins sont susceptibles de présenter d'excellentes données empiriques. J'ai donc complètement remanié mon exposé. Mais diapos serviront à mettre mes propos en contexte.
J'ai un profond intérêt pour les questions liées à l'inégalité, aux hiérarchies sociales et aux obstacles puisqu'en 1971, à l'âge de 18 ans, j'ai abandonné mes études. J'étais à l'école secondaire, en 12e année. Cependant, j'aimerais dire à ceux qui jettent le blâme sur la société que, à mon avis, ils ont tort. J'ai abandonné mes études secondaires, et la société n'a pas pu assister à mes cours ni faire mes devoirs à ma place. La véritable raison de mon décrochage, c'est que, à l'âge de 18 ans, je croyais que la vie était une grande fête, et je voulais faire la fête le plus souvent possible. Je n'ai pas abandonné l'école parce que j'ai grandi dans une famille à faible revenu ou que j'ai été victime de l'inégalité des revenus. Cela revient à prendre l'effet pour la cause. En fait, c'est parce que j'ai abandonné mes études secondaires que je n'ai pas acquis les compétences requises pour occuper un emploi bien rémunéré, et que j'ai donc touché par la suite un faible revenu et que je me suis retrouvé dans le quintile inférieur.
Toutefois, après deux ans passés à faire la fête, je me suis rendu compte que cette vie ne me satisfaisait pas. Le fait d'être un laissé-pour-compte et de me retrouver au bas de l'échelle m'a motivé et m'a poussé à changer le cours des choses. J'ai proposé mes services à une kyrielle d'entreprises et, après que j'ai essuyé de multiples refus, une société américaine, Avco, m'a embauché à un poste situé tout au bas de l'échelle. On m'a fourni une formation, et je tiens à insister sur le mot « formation ». En fait, on m'a non pas formé, mais transformé. À l'âge de 24 ans, j'étais devenu directeur de succursale.
Ce qui est beaucoup plus important aux fins de la présente réunion, c'est que l'entreprise m'a offert de me rembourser mes droits de scolarité si je menais à bien des études universitaires à temps partiel en tant qu'étudiant adulte. C'est ce que j'ai fait. J'ai commencé mes études à l'âge de 20 ans, et j'ai obtenu mon diplôme à l'âge de 30 ans, au bout de 10 années d'études à temps partiel. Par la suite, grâce, entre autres, à la formation que j'avais reçue et aux études que j'avais menées, la Banque de Montréal m'a recruté, et je suis devenu gestionnaire des services hypothécaires.
Ce que je veux dire, c'est que l'éducation est le moteur d'émancipation le plus fondamental du monde, vu qu'elle concerne le perfectionnement et l'éducation de l'actif le plus précieux qui soit, à savoir l'esprit humain. Grâce à l'éducation, une personne qui a abandonné ses études secondaires peut devenir un gestionnaire des services hypothécaires au sein d'une grande banque ou un professeur qui se présente devant le Comité des finances de la Chambre des communes pour discuter de son expérience personnelle en ce qui a trait aux inégalités.
Parlons donc de l'inégalité. Comme nous l'a enseigné la philosophe Hannah Arendt, l'égalité est une absence de différence — dix égale dix —, alors que l'inégalité est la présence d'une différence — cinq n'est pas égal à dix. En d'autres termes, nous vivons dans un monde caractérisé par la pluralité, la diversité et l'hétérogénéité, mots qui sont tous synonymes d'inégalité ou de différence.
Le milieu universitaire illustre très bien les inégalités sociétales contemporaines. Les professeurs titulaires — comme certaines personnes présentes ici aujourd'hui — touchent un salaire beaucoup plus élevé que celui des professeurs agrégés, lesquels touchent un salaire beaucoup plus élevé que celui des professeurs adjoints. De surcroît, bien souvent, les professeurs titulaires n'ont absolument aucune charge d'enseignement à assumer, tandis que les professeurs agrégés et les professeurs adjoints doivent dispenser quatre, cinq ou six cours.
Cela dit, je ne suis pas en train d'avancer que le système universitaire est injuste ou abusif, ni que les professeurs titulaires ne devraient pas profiter des avantages et des privilèges substantiels que leur confère leur titre. Ainsi, j'affirme vigoureusement qu'ils méritent leur salaire considérablement plus élevé que celui des autres, leur statut et leur charge d'enseignement notablement réduite. Bien que l'université crée des inégalités non négligeables, elle n'est pas injuste ni illégitime. L'université est un microcosme de la société entière, qui est composée d'entreprises, d'ONG, du secteur privé et d'organisations du secteur de la politique, du sport et du divertissement, et chacun de ces secteurs comporte ses propres hiérarchies et ses propres inégalités.
Toutefois, comme Mme Deirdre McCloskey — anciennement Donald McCloskey, avant son changement de sexe —, économiste et historienne à l'Université de l'Illinois, l'a fait valoir dans plus de 400 articles évalués par un comité de lecture et 18 livres, l'économie de marché a généré beaucoup plus d'avantages que tout autre système au cours de l'histoire. Elle attire l'attention sur ce qu'elle appelle « le fait essentiel ». Après des milliers d'années où, partout dans le monde, on vivait avec un dollar par jour, après 1800, presque du jour au lendemain, on a commencé à toucher 150 $ par jour en dollars d'aujourd'hui, c'est-à-dire entre 16 et 100 fois plus d'argent.
Elle soutient que le résultat de ce fait essentiel, c'est que ce sont les pauvres qui ont le plus profité de l'économie de marché. Elle fait valoir que nous devrions faciliter et favoriser l'innovation, la destruction créatrice et la croissance — ce qu'elle a appelé la « croissance de Schumpeter » plutôt que le protectionnisme, qui engendre des inégalités en favorisant le capitalisme de copinage — il n'y a qu'à penser à la pernicieuse gestion de l'offre.
En conclusion, je ne remets pas en question les statistiques qui vous seront présentées aujourd'hui selon lesquelles il existe une corrélation entre les pathologies sociales — ou, en bon français, les mauvaises décisions ou les mauvais comportements — et les faibles revenus ou l'inégalité des revenus. Cependant, je suis en profond désaccord avec ceux qui affirment que l'inégalité des revenus est à l'origine des mauvaises décisions ou des mauvais comportements — ce sont eux qui sont à l'origine de l'inégalité imputable au décrochage scolaire.
L'une de mes diapos fournit une information cruciale, à savoir que les Canadiens et les Américains faisant partie des deux quintiles inférieurs sont ceux qui ont les plus faibles degrés de scolarité. C'est la raison pour laquelle les gouvernements doivent encourager beaucoup plus vigoureusement les adultes canadiens qui ne possèdent pas de diplôme d'études postsecondaires — à savoir 45 p. 100 des adultes du pays — à retourner sur les bancs d'école et à se « remettre à niveau », comme le préconisent le Forum des politiques publiques, le réseau canadien pour l'alphabétisation et l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada. À cette fin, ils devraient assujettir le bénéfice des prestations de l'assurance-emploi, de l'État social et des autres programmes d'aide gouvernementale à la rééducation et au perfectionnement professionnel. D'aucuns feront peut-être valoir que certaines des personnes qui touchent ces prestations ne sont pas en mesure de faire cela, mais j'estime qu'il s'agit d'une supposition inexacte.
Si nous voulons vraiment aplanir les inégalités au Canada, nous devons le faire au moyen d'un programme de mise à niveau, car l'obtention d'un diplôme d'études postsecondaires est le moyen le plus radical et le plus efficace d'atténuer les inégalités. Je le sais par expérience personnelle.
Merci.
Je vais commencer mon exposé par quelques brèves observations concernant les tendances canadiennes au chapitre de l'inégalité des revenus, et je formulerai ensuite quelques suggestions à propos des mesures stratégiques fédérales qui pourraient être les plus avantageuses.
L'inégalité des revenus est un sujet qui cause de multiples difficultés. Il s'agit d'un sujet qui est délicat sur le plan politique et qui crée un clivage sur le plan idéologique. La plupart d'entre nous s'entendront probablement pour dire qu'une trop grande inégalité est une mauvaise chose. Cela débouche sur l'exclusion sociale, la criminalité et la désaffection à l'égard de la politique. Cela dit, qu'est-ce qu'une trop grande inégalité? La réponse à cette question est subjective, ce qui rend très difficile une étude pénétrante et impartiale de la question de l'inégalité. En outre, il est très facile de faire une interprétation tendancieuse des données sur l'inégalité des revenus, ce qui ne fait qu'aggraver les choses. Quiconque défend un programme de gauche ou de droite peut aisément donner l'impression qu'il ne présente que les statistiques qui appuient son point de vue.
Par exemple, des témoins vous ont peut-être dit que les inégalités au Canada sont plus grandes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a 20 ou 30 ans. Quelqu'un vous a peut-être dit que les inégalités sont demeurées stables depuis la fin des années 1990. Au cours des dix dernières années, les revenus après impôt qui ont connu la croissance la plus rapide sont ceux des Canadiens du quintile inférieur. Au cours de la même période, les Canadiens du quintile supérieur ont accaparé une proportion de 46 p. 100 de l'ensemble de la croissance des revenus. En fait, tout cela est vrai. Comment est-ce possible? Comment certaines personnes peuvent-elles affirmer que les riches s'enrichissent, et d'autres, que l'inégalité est demeurée stable depuis la fin des années 1990? Tout se résume à une interprétation sélective des chiffres.
Je vais vous donner un exemple. Supposons que nous sommes en présence de deux personnes, dont l'une touche un revenu annuel de 100 000 $, et l'autre, un revenu annuel de 10 000 $, et que chacune d'entre elles se voit accorder une augmentation de 10 p. 100. A-t-on accru l'inégalité? D'aucuns soutiendront que non, vu que les deux personnes touchent à présent un revenu de 10 p. 100 plus élevé. Auparavant, la première touchait un revenu 10 fois supérieur à celui de l'autre, et après l'augmentation, le revenu le plus élevé est toujours dix fois supérieur au revenu le plus faible. Rien n'a changé. D'autres soutiendront que, en fait, les choses se sont aggravées — l'écart était auparavant de 90 000 $, et à présent, il est de 99 000 $. La personne la plus riche a touché une proportion de 91 p. 100 du salaire total versé à ces deux personnes. L'écart entre elles est plus grand que jamais. Il s'agit là de deux interprétations d'une même situation, et elles laissent des impressions très différentes.
Je conseille au comité de faire preuve de prudence, en règle générale, au moment d'examiner les statistiques qui lui sont présentées si elles s'appuient fortement sur des montants d'argent. Au moment de comparer les riches et les pauvres, ce qui importe, ce sont les pourcentages, la croissance relative et les ratios.
Pour illustrer cela, je vais vous donner un exemple plus extrême. Reprenons les deux personnes de l'exemple précédent. Supposons qu'elles touchent respectivement un salaire de 1 $ et de 2 $ par année, et que, à la suite d'une augmentation, leurs salaires passent respectivement à 98 $ et à 100 $. Dans ce cas de figure, a-t-on aplani l'inégalité? Je suis certain que la plupart des gens répondraient que oui, mais si vous pensiez que, dans le premier exemple que j'ai fourni, l'inégalité s'était accrue parce que la personne la plus riche avait accaparé la majeure partie des gains salariaux, vous devriez logiquement soutenir que cela vaut également dans le deuxième exemple. En effet, au départ, l'écart salarial était de 1 $, et après l'augmentation, il est de 2 $.
Mon but n'est pas de jeter le doute sur l'existence de l'inégalité des revenus ni sur son importance sur le plan des politiques publiques, mais plutôt de vous faire prendre conscience du fait que l'on s'éloigne de la véritable question lorsqu'on s'empêtre dans des discussions à propos de l'interprétation sélective des chiffres. De surcroît, j'avancerais que l'égalité des chances et la réduction de la pauvreté sont des questions beaucoup plus importantes que celles de l'égalité des revenus.
Ainsi, que devons-nous faire pour accroître l'égalité des chances et endiguer l'inégalité des revenus? À ce propos, j'aimerais attirer votre attention sur quatre éléments spécifiques.
Premièrement, le gouvernement fédéral doit améliorer les perspectives économiques des Autochtones du Canada. Il s'agit là d'un enjeu qui revêt une importance particulière dans l'Ouest du pays. Le gouvernement fédéral doit mieux favoriser le développement économique dans les réserves autochtones. Il doit accroître énormément la qualité de l'éducation de la maternelle à la douzième année dans ces réserves, améliorer la formation axée sur les compétences dispensée aux Autochtones et augmenter leur participation sur le marché du travail.
Deuxièmement, les politiques de lutte contre l'inégalité des revenus ne doivent pas nuire à la mobilité de la main-d'œuvre. En fait, le gouvernement fédéral doit non seulement supprimer les obstacles, mais également encourager la mobilité de la main-d'œuvre. Les travailleurs font cruellement défaut dans l'Ouest du pays, surtout en Saskatchewan. Dans cette province, le taux de chômage est actuellement de 3,9 p. 100, et les pénuries de main-d'œuvre propre à l'industrie nuisent déjà à la croissance. Pendant ce temps, ailleurs au pays, il y a un surplus de main-d'œuvre. Il est insensé d'investir dans des politiques et des programmes pour donner un coup de fouet au développement économique dans des régions en difficulté si cela empêche d'autres régions du pays de croître de façon optimale.
Troisièmement, nous devons mettre fortement l'accent sur l'éducation et la formation axée sur les compétences. À ce chapitre, je soulignerai qu'il existe un décalage entre les compétences que les étudiants acquièrent et celles qu'exigent les employeurs. Le tenace parti pris social à la faveur duquel on favorise les universités au détriment des écoles de formation technique doit disparaître, et nous devons nous assurer que la hausse des droits de scolarité ne nuise pas à l'accessibilité aux études des étudiants plus pauvres.
En conclusion, je dirai quelques mots sur les taxes. Notre régime fiscal progressif atténue déjà partiellement l'inégalité des revenus. Il pourrait probablement le faire davantage, mais nous devons y aller doucement au moment de modifier les politiques fiscales. À l'heure actuelle, les recettes du gouvernement dépendent déjà fortement de la contribution des plus riches. Une proportion de10 p. 100 des personnes les plus riches touche 35 p. 100 des revenus et verse 55 p. 100 des impôts. Il s'agit aussi des Canadiens les plus mobiles. Nous pourrions régler très rapidement le problème de l'inégalité des revenus en expulsant les riches du pays, mais nos recettes fiscales se dissiperaient, et nous ne serions donc plus capables de mettre en œuvre des programmes et des politiques pour aider les pauvres. Cela signifie non pas qu'il faille écarter absolument l'idée d'augmenter le taux d'imposition des plus riches Canadiens, mais qu'il serait plus utile de mettre l'accent sur des mesures qui viennent en aide aux personnes qui touchent les revenus les plus faibles et qui contribuent à réduire la pauvreté plutôt que sur le fait de pénaliser indûment les mieux nantis.
Merci de m'avoir accordé de votre temps.
Je suis très heureuse de venir présenter au comité le point de vue de l'Association médicale canadienne — l'AMC — sur l'inégalité des revenus.
Vous vous demandez peut-être pourquoi l'inégalité des revenus préoccupe l'AMC, qui représente plus de 78 000 membres médecins. Comme nous le savons, tous les jours, nos cliniques et hôpitaux accueillent des patients atteints de maladies de toutes sortes. Les interventions du système de santé comptent pour 25 p. 100 de l'état de santé de ces patients, et la constitution biologique ou le bagage génétique, pour une autre tranche de 25 p. 100.
Toutefois, des facteurs comme l'état du logement d'une personne, la suffisance de son alimentation, son niveau d'instruction et le type d'expérience qu'elle a vécue au cours de sa petite enfance ont énormément plus d'effet sur sa santé. Ces déterminants sociaux de la santé comptent en réalité pour 50 p. 100 de l'état de santé d'une personne.
Le déterminant qui a le plus d'effet est le revenu. Nous savons que, au Canada, les personnes riches sont en meilleure santé que les pauvres. Les personnes qui vivent dans la pauvreté ont des taux plus élevés de suicide, de maladies mentales, d'invalidité, de cancer, de maladies du cœur et de maladies chroniques comme le diabète. Nous savons que les personnes pauvres sont 1,9 fois plus susceptibles d'être hospitalisées. Elles sont trois fois moins susceptibles de faire remplir leurs ordonnances, et 60 p. 100 moins capables d'obtenir les examens dont elles ont besoin à cause du coût dont ils s'assortissent. Les pauvres vivent moins longtemps. La pauvreté au cours de l'enfance peut être un prédicteur plus important de maladies cardiovasculaires et de diabète que les circonstances de la vie et les choix de comportements ultérieurs chez les adultes.
Cette pauvreté et cette disparité entre riches et pauvres a un coût. Les personnes vivant dans la pauvreté ont tendance à consommer plus de services de santé que celles dont la situation socioéconomique est meilleure. Selon une estimation, il est possible d'attribuer environ 20 p. 100 du total des dépenses de santé aux seules disparités des revenus. Une étude réalisée par le Saskatoon Poverty Reduction Partnership en 2011 a révélé que, au cours d'une année, les personnes à faible revenu avaient consommé 179 millions de dollars de soins de santé de plus que les personnes de revenu moyen.
Les éléments économiques sont importants, mais l'équité, la dignité et la compassion le sont aussi. Les médecins du Canada craignent que notre pays ne fasse pas suffisamment d'efforts pour s'attaquer à ces facteurs.
L'AMC recommande notamment que, lorsque les ministères fédéraux élaborent de nouvelles politiques, ils les soumettent à une évaluation des incidences sur la santé afin de déterminer les répercussions qu'elles pourraient avoir sur la santé de la population canadienne. Dans le contexte d'un tel processus, on aurait pu scruter de plus près les changements de l'âge de l'admissibilité à la sécurité de la vieillesse et les nouvelles règles de l'assurance-emploi, deux facteurs qui auront de très importantes répercussions sur le revenu de certaines personnes. Toute intervention ayant un effet négatif sur la santé alourdira ultérieurement les coûts imposés à la société.
Ce n'est toutefois pas seulement une question de ce que pensent les médecins. L'AMC a mené une série d'assemblées publiques locales pour demander aux Canadiens d'expliquer l'effet sur leur santé des conditions sociales et économiques de leur collectivité. De Calgary à Charlottetown en passant par Hamilton, de même qu'en ligne, les Canadiens nous disent combien les faibles revenus minent leur santé.
Cette réaction du public n'est vraiment pas étonnante. Selon le Conference Board du Canada, plus d'un enfant sur sept au Canada vit dans la pauvreté. Il n'y a aucun doute: cette pauvreté limitera la capacité de ces enfants de vivre aussi longtemps et d'être en aussi bonne santé que les enfants des familles plus riches. Le succès des interventions d'atténuation de la pauvreté des personnes âgées est reconnu comme une des grandes réalisations stratégiques des dernières décennies au Canada. En s'appuyant sur cette réussite, le gouvernement fédéral devrait étudier et créer des programmes visant à éliminer la pauvreté pour tous les Canadiens.
En terminant, l'AMC félicite le comité d'étudier cette question très importante. L'inégalité des revenus importe pour les médecins parce qu'elle entraîne des inégalités en santé, ce qui va à l'encontre de toutes nos convictions de médecins et de ce que nous tentons de réaliser.
Il convient de souligner que les pays où l'état de santé de la population est le meilleur sont ceux où l'égalité des revenus est la plus grande, et non ceux où la richesse est la plus grande. Le Canada est un pays nanti, et rien ne l'empêche d'instaurer aussi une plus grande égalité des revenus.
Une plus grande égalité des revenus peut alléger le fardeau imposé par la maladie au Canada, atténuer la pression qui s'exerce sur notre système de santé et permettre d'assurer que chaque Canadien a la chance d'être un membre productif de la société qui apporte sa contribution et est en bonne santé. Les médecins du Canada croient que tous les Canadiens méritent une chance de vivre en santé, et je suis d'avis que la mesure dans laquelle nous pourrons instaurer l'équité en santé pour la population devrait constituer l'aune à laquelle mesurer l'humanité et l'âme de notre pays.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre invitation.
Nous sommes d'avis qu'il est important d'examiner et de surveiller la question de l'inégalité, et de créer une politique publique qui l'encadre. Les observations que je vais formuler et les données qui les sous-tendent peuvent être consultées sur notre site Web, dans la section « Les performances du Canada ».
Comment mesure-t-on l'inégalité? Il existe trois façons de le faire.
La première consiste à utiliser le coefficient de Gini, dont vous avez assurément entendu parler. Il s'agit d'une échelle qui varie de zéro à un, et où zéro signifie une répartition parfaitement égale des revenus. Selon l'indice de Gini, sur 17 pays comparables, le Canada se classe au 12e rang, et le Danemark, au premier rang. Le pire rendement est celui enregistré aux États-Unis, lesquels se classent au 17e rang. Depuis le milieu des années 1990, 12 des 17 pays comparables — dont le Canada — ont enregistré une augmentation de leur rendement selon le coefficient de Gini. Les pays où régnait la plus grande égalité au cours de cette période — la Suède, et maintenant le Danemark — ont mis en œuvre des mesures pour accroître leur rendement sur l'échelle de Gini ou envisagent de le faire.
La deuxième façon de mesurer l'inégalité consiste à diviser la population en quintiles selon les revenus. La réalité, c'est que les gains les plus importants ont été enregistrés au sein du quintile supérieur — phénomène qui avait été observé auparavant —, et que les augmentations les plus faibles ont été enregistrées au sein du quintile médian, le troisième. La classe moyenne se trouve véritablement dans une position intenable.
La troisième manière consiste à mesurer l'écart entre le revenu moyen des personnes, disons, du quintile supérieur, et celui des personnes du quintile inférieur. Comme c'est le cas dans la plupart des pays semblables au nôtre, l'écart s'agrandit au Canada. Cela est attribuable pour une bonne part à la technologie et à la mondialisation, mais également aux politiques fiscales.
L'inégalité des revenus peut être interprétée de façons différentes selon la manière que l'on emploie pour la mesurer. Cependant, peu importe la méthode que l'on utilise, il est évident que l'inégalité s'est accrue au cours des années 1990 au Canada et dans la plupart des pays semblables au nôtre. L'inégalité est plus profonde qu'elle l'était auparavant au Canada, mais notre pays se trouve quelque part au milieu du groupe des pays comparables, et la situation ne s'aggrave pas. Nous ne sommes pas non plus aux prises avec des problèmes d'équité de l'ampleur de ceux auxquels nos voisins sont en butte.
Il y a deux autres facteurs qui sont souvent soulevés durant les discussions touchant l'inégalité des revenus et qui viennent compliquer les choses. En premier lieu, il y a la mobilité du revenu. Durant les discussions sur l'inégalité, on soulève souvent la question de la capacité de passer d'une catégorie de revenu à une autre. En second lieu, il y a la question du revenu absolu par opposition au revenu relatif, qui mène généralement à une discussion sur la question de savoir si la marée qui monte entraîne tous les bateaux.
L'inégalité des revenus en général est-elle véritablement un problème? L'expérience et les recherches objectives nous indiquent qu'elle peut l'être si elle est trop importante, mais qu'une certaine inégalité est nécessaire pour que les marchés puissent fonctionner et pour inciter les gens à déployer des efforts et à investir.
Parmi les répercussions négatives d'une inégalité criante, mentionnons une dégradation de la cohésion sociale, une augmentation de l'instabilité politique, une diminution consécutive des investissements étrangers et intérieurs, une diminution du potentiel de croissance économique — une étude récente du FMI révèle cela — et une perte de potentiel humain. Si l'on restreint l'accès des personnes à faible revenu à l'éducation, à la formation axée sur les compétences et à l'emploi, on n'utilisera pas de façon optimale les compétences et les aptitudes de l'ensemble de nos citoyens. La capacité plus limitée des personnes des catégories de revenu inférieures d'utiliser leurs compétences pour saisir des occasions d'entrepreneuriat constitue un autre problème. Enfin, il y a le fait que la capacité du gouvernement de composer avec les chocs de l'économie en augmentant les impôts ou réduisant les dépenses est restreinte.
En outre, d'aucuns font valoir qu'une inégalité profonde favorise l'efficience économique, l'innovation et l'entrepreneuriat. Est-ce que cela veut dire que nous ne devons pas nous soucier de l'inégalité? Non. Nous voulons conserver une bonne mobilité, et nous voulons nous préoccuper de l'inégalité structurale, car tout le monde n'a pas les moyens de passer d'une catégorie de revenu à une autre. Toutefois, la mobilité ne fait pas disparaître tous les autres effets négatifs d'une profonde inégalité, y compris les effets sur le potentiel de croissance et l'utilisation des compétences.
Sommes-nous satisfaits de la situation actuelle? Devrions-nous nous pencher activement sur ce problème? Nous devrions probablement le faire. Tout bien pesé, nous pouvons faire un peu mieux. Cela dit, comme la plupart des économistes, j'ai une deuxième opinion. Nous devons agir en adoptant une perspective à long terme plutôt qu'en effectuant des changements structuraux dans l'immédiat. Le fait d'agir à la hâte comporte plus d'inconvénients que d'avantages. Le FMI a signalé, à juste titre, que des initiatives mal conçues visant à aplanir l'inégalité peuvent dénaturer les mesures incitatives et compromettre la croissance. Nous avons besoin d'une politique avantageuse pour tous qui sera mise en œuvre au fil du temps.
Comment pourrions-nous nous y prendre? Existe-t-il des moyens d'action? On en a mentionné un certain nombre aujourd'hui. Il faut investir dans l'éducation: l'éducation de la petite enfance, l'éducation primaire, l'éducation secondaire et l'éducation postsecondaire. On doit prendre tout cela en considération. Il faut investir dans le développement de la petite enfance. Des recherches récentes tendent fortement à indiquer que de tels investissements sont extrêmement rentables. Il faut mettre en œuvre des mesures actives visant le marché du travail afin de donner un coup de fouet à l'emploi. Il faut accroître l'accès au capital pour les personnes à faible revenu — on peut recourir, par exemple, au microfinancement. Il faut supprimer le piège de l'aide sociale intégré au régime fiscal, éliminer les distorsions et accroître l'efficience du régime d'imposition.
Quelles sont les conclusions? D'après tous les indicateurs, l'inégalité s'est accrue au Canada au cours des années 1990. Nous sommes plus haut qu'avant. Encore une fois, nous sommes quelque part au milieu du peloton, et notre situation n'empire pas. C'est une question qui doit être examinée de près. L'inégalité peut miner le rendement économique du Canada et empêcher les gens de réaliser leur plein potentiel. Bon nombre de leviers stratégiques existent et peuvent être améliorés pour attaquer le problème de front.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. Le fait même que vous meniez une étude sur le sujet montre que l'idée selon laquelle l'évaluation du rendement économique d'un pays ne devrait pas être fondée exclusivement sur des indicateurs de croissance globale du produit intérieur brut fait de plus en plus consensus dans le monde. Nous devrions également tenir compte de la mesure dans laquelle les retombées positives de la croissance profitent à tous, sans égard au revenu. C'est une nouveauté qui est accueillie favorablement.
Au Canada, comme dans bien des pays riches, le groupe des mieux nantis a profité d'une grande part de l'augmentation globale des revenus au cours des dernières décennies, tandis que la croissance du revenu réel a été passablement plus lente dans les autres tranches de revenus. Cette croissance lente du revenu des personnes à revenu faible et moyen sur plusieurs décennies devrait certainement être envisagée avec sérieux. Il y a des façons d'intervenir efficacement en adoptant des politiques, ce dont je vais parler plus tard et que j'aborde en détail dans mon mémoire.
Le comité devrait toutefois garder à l'esprit que des facteurs économiques et démographiques puissants entraînent une forte croissance du revenu des personnes ayant le revenu le plus élevé et que ces facteurs continueront sans doute de creuser l'inégalité des revenus à l'avenir.
Premièrement, la population canadienne vieillit. De façon générale, l'inégalité des revenus est plus grande chez les travailleurs âgés que chez les jeunes. Les traitements et salaires des travailleurs hautement qualifiés augmentent habituellement plus vite que ceux des travailleurs peu spécialisés, de sorte que l'écart des revenus est plus grand à la fin qu'au début de la carrière. C'est pour cette raison que l'économiste américain Tyler Cowen va jusqu'à affirmer que l'inégalité des revenus dont nous avons été témoins est attribuable en grande partie à l'évolution du profil démographique. C'est peut-être un peu exagéré, mais c'est un facteur très important qui a contribué à la croissance de l'inégalité des revenus en Amérique du Nord.
Deuxièmement, il y a des facteurs liés à l'évolution de la technologie et à la mondialisation au sein d'un marché économique mondial qui font continuellement augmenter la demande de main-d'oeuvre hautement spécialisée. L'augmentation de la demande en main-d'oeuvre hautement spécialisée va probablement se poursuivre et entraîner des gains de revenus importants pour les personnes ayant un revenu élevé. Il y a de nombreuses solutions liées aux politiques pour accroître le revenu après impôt des familles à revenu faible et moyen. Le comité devrait étudier ces réformes et les mettre en place, tout en reconnaissant que les revenus des bien nantis continueront probablement de croître. L'objectif devrait être de trouver des solutions permettant d'obtenir d'importants gains de revenu pour les familles des autres tranches de revenu aussi.
L'OCDE a mené une étude approfondie sur les stratégies en matière de politiques visant à atténuer la croissance de l'inégalité des revenus. Son étude mérite que les décideurs canadiens y prêtent une attention particulière. Selon cette étude, certaines solutions constituent un compromis entre les objectifs de réduction de l'inégalité de revenu et de promotion de la croissance économique. Les exemples clés qui y sont cités sont l'augmentation de l'impôt des particuliers et des sociétés, dont l'OCDE affirme qu'elle réduirait probablement l'inégalité des revenus, vu le caractère progressif de ces impôts, mais nuirait aussi probablement à la croissance économique en raison de l'incidence négative sur le recours à la main-d'oeuvre, la productivité et l'accumulation du capital.
Toutefois, l'étude de l'OCDE présente également un certain nombre de stratégies qui ne supposent pas de compromis de cet ordre. En effet, il y a d'autres stratégies qui sont susceptibles d'entraîner ce que l'OCDE appelle un double avantage et d'aplanir les inégalités tout en contribuant à la croissance. Je suggère au comité de se concentrer sur cette deuxième catégorie d'interventions stratégiques. Une forte croissance économique est absolument essentielle pour permettre au Canada de réduire la pauvreté et de s'assurer qu'il génère des revenus suffisants. Les interventions stratégiques touchant l'inégalité effectuées au détriment de la croissance sont susceptibles d'aller à l'encontre de leur but propre.
L'OCDE décrit plusieurs grandes stratégies en matière de politique susceptibles d'engendrer ce double avantage dont j'ai parlé. L'organisme conseille notamment d'accroître la qualité et la portée de l'enseignement. Nous avons entendu plusieurs suggestions de cet ordre aujourd'hui. Il conseille également de favoriser l'intégration économique des immigrants. En 2012, le Frontier Centre for Public Policy a publié un livre électronique de Bryan Schwartz, professeur de droit de l'Université du Manitoba, dans lequel celui-ci présente des mesures bien précises pour faire tomber des obstacles à l'exercice de leur profession par les nouveaux Canadiens, qui ont souvent de la difficulté à faire reconnaître leurs titres de compétence. Les mesures que nous pouvons prendre pour favoriser leur intégration économique entraîneront le double avantage de réduire l'inégalité des revenus entre les immigrants et les Canadiens d'origine tout en favorisant la croissance du revenu national.
Enfin, au sujet de l'amélioration des politiques fiscales permettant d'accroître le revenu après impôt des familles à revenu faible et moyen, l'amélioration de la Prestation fiscale pour le revenu de travail est un exemple qui vient immédiatement à l'esprit, et il s'agit d'une politique dont le coût d'adoption pourrait être assumé grâce à la suppression des déductions dont profitent les gens riches. Toutes ces mesures peuvent être prises dans le contexte canadien, et j'en parle plus en détail et les assortis de recommandations précises dans mon mémoire.
Il y a de nombreuses stratégies en matière de politiques qui peuvent favoriser une forte croissance du revenu dans toutes les tranches de revenu, et bon nombre de ces stratégies peuvent améliorer le rendement économique global du pays. Il n'est pas nécessaire de faire un compromis entre l'atténuation de l'inégalité et la promotion de la croissance. En proposant des stratégies de ce genre, le comité peut améliorer les perspectives économiques de tous les Canadiens tout en contribuant à la prospérité du pays pour les années à venir.
Merci.
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J'aimerais profiter de l'occasion pour d'abord insister sur le genre de dommage que l'inégalité cause à une société. Nous avons examiné tout un éventail de résultats concernant la santé, le bien-être des enfants, la santé mentale, le taux d'homicide, le taux d'emprisonnement, le taux de grossesse chez les adolescentes, la consommation de drogues, les notes des élèves dans les domaines des mathématiques et de la langue et la mobilité sociale dans les pays industrialisés et riches, et nous avons constaté que ces indicateurs sont tous moins bons dans les pays où les inégalités sont les plus marquées.
Je crois que les gens ont été surpris d'apprendre que l'inégalité du revenu peut avoir une incidence sur autant de résultats différents. L'explication, c'est que... essentiellement, ce que nous disons, c'est que les problèmes liés au statut social — en ce sens que tous ces problèmes sont plus courants au bas de l'échelle sociale — empirent avec l'accroissement des différences de statut social au sein d'une société. Ils n'empirent pas juste un peu; ils peuvent devenir deux fois plus courants, et même dix fois plus courants. Comme ils ont tendance à tous empirer ensemble au sein d'une société, les États-Unis ont des résultats moins bons que tous les autres pays industrialisés ou presque par rapport au taux d'homicide, au taux d'obésité, à la maladie, à la consommation de drogues et aux grossesses chez les adolescentes. L'espérance de vie y est la plus faible du monde industrialisé. Tous ces problèmes sont moins graves dans les pays où l'égalité est plus grande — les pays scandinaves et le Japon.
Nous n'avons pas le temps d'aborder en détail les mécanismes qui régissent ce phénomène, mais, essentiellement, l'inégalité des revenus vient accentuer tout ce que la classe sociale et le statut nous imposent au cours de notre vie. Les différences de rendement entre les sociétés plus ou moins égalitaires sont à ce point importantes — comme je le disais, l'écart peut être 10 fois plus important par rapport à certains des résultats en question — parce que, même si les problèmes sont les plus graves dans les basses couches de la société, l'accroissement de l'inégalité touche tout le tissu social, et les problèmes empirent pour la vaste majorité des gens.
Il ne s'agit pas simplement de problèmes de pauvreté. Michael Marmot, qui est peut-être le plus grand spécialiste mondial des inégalités en santé, dit souvent qu'on peut supprimer tous les problèmes de mauvaise santé et pauvreté et quand même avoir la plupart des problèmes d'inégalité en santé. Des inégalités en santé sont un gradient qui touche l'ensemble de la société, ce qui fait que même les gens qui appartiennent au groupe situé juste en dessous de celui des plus riches sont en moins bonne santé que les mieux nantis. Ce n'est pas un problème qu'on peut comprendre en envisageant seulement le chômage, l'itinérance et des choses de ce genre. Nous faisons tous partie de ce tableau des inégalités en santé ainsi que des gradients concernant les autres problèmes que j'ai mentionnés.
La raison pour laquelle le Canada s'en tire mieux que les États-Unis par rapport à beaucoup des résultats en question semble très clairement être le fait qu'il s'agit d'un pays plus égalitaire. L'analyse des taux d'homicide et des taux de décès attribuables à toute cause place les provinces canadiennes très près de ce qu'on penserait, c'est-à-dire proche des États américains les plus égalitaires.
Je pense que les gens s'imaginent parfois — et des critiques formulées par l'extrême droite le laissent entendre — que nous avons trafiqué les données en les sélectionnant, entre autres. Nous ne sélectionnons jamais les données que nous utilisons. Nous ne décidons jamais des données qui sont comparables. Nous téléchargeons simplement les données à partir des sites de l'OMS ou de l'OCDE, ou encore du site de développement humain de l'ONU, et nous utilisons l'ensemble des données que ces organismes fournissent pour les pays que nous examinons. Nous ne faisons absolument aucune sélection. Pourtant, nous relevons une tendance constante, une tendance à la détérioration des résultats pour l'ensemble de la société dans les pays où les inégalités sont les plus marquées.
Les méthodes que nous avons utilisées pour la rédaction de notre livre intitulé L'égalité c'est la santé sont très simples, parce que nous essayons de brosser le portrait de la situation pour un public vaste. Mais dans les revues médicales, et en particulier les revues d'épidémiologie, on trouve des analyses beaucoup plus poussées. Des collègues de la Harvard School of Public Health, par exemple, ont fait une analyse de modèles à plusieurs niveaux et ils ont examiné les effets de l'inégalité des revenus sur la santé en isolant les variables du revenu personnel et souvent du degré de scolarité également.
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Je voudrais d'abord dire que je suis d'accord avec vous. Lorsque j'ai parlé d'enseignement postsecondaire, je parlais des universités, des collèges et des écoles de métiers.
Je ne pense pas que tout le monde doive fréquenter l'université. Les dernières statistiques publiées par RHDCC montrent qu'environ 22 p. 100 des gens font des études postsecondaires. Je ne me rappelle pas le chiffre — M. Corak le connaît probablement —, mais le nombre de gens qui fréquentent un collège est un peu plus élevé. Bien entendu, les métiers viennent en troisième place. C'est la première chose que je voulais dire.
La question de savoir qui fait des études postsecondaires ne me préoccupe pas. Ce n'est simplement pas quelque chose qui me préoccupe. Ce qui me préoccupe, c'est qu'environ 45 p. 100 des Canadiens d'âge adulte ne font pas d'études postsecondaires, que ce soit au collège, dans une école de métiers ou à l'université. Le réseau d'alphabétisation évalue le degré d'alphabétisation sur une échelle de 1 à 5, et les emplois offerts aujourd'hui au sein de l'industrie et du gouvernement exigent le niveau 3, au minimum. Les responsables de ce réseau ont constaté — je ne sais pas sur quoi leur méthode est fondée, mais ils travaillent en partenariat avec RHDCC, ainsi qu'avec l'Association des manufacturiers et exportateurs — que 48 p. 100 des adultes n'atteignent pas le niveau 3 d'alphabétisation au Canada. Eh bien, lorsqu'on n'atteint pas le minimum nécessaire pour travailler au gouvernement fédéral, au gouvernement provincial ou à la ville, dans un hôpital, dans une université, dans un collège ou dans le secteur privé, on finit dans les quintiles inférieurs.
Cela n'a rien de sorcier. Les gens qui ne possèdent pas les ensembles de compétences recherchées ne seront pas embauchés, et ils sont exclus. Ils n'obtiennent même pas d'entrevue. Ils ne passent même pas l'étape de la présélection. Il est tout à fait irréaliste de penser que, dans le monde d'aujourd'hui, on peut suivre un programme de formation en gestion avec une dixième année chez IBM, à la Banque de Montréal ou au gouvernement du Canada et devenir un jour vice-président ou sous-ministre.
Il faut assurément que nous nous occupions du décrochage au secondaire. D'après les derniers chiffres, encore une fois ceux de RHDCC, le taux de décrochage au Canada est tout juste inférieur à 10 p. 100, et il a donc passablement diminué. Mais nous devons nous occuper des 45 p. 100 de gens qui n'ont pas fait d'études postsecondaires et des 48 p. 100 qui n'ont pas atteint le niveau 3 des normes d'alphabétisation.
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Je crois comprendre votre question. C'est pourquoi je renvoyais aux travaux de M. McCloskey, de l'Université de l'Illinois, qui a étudié les origines de l'économie de marché et son incidence.
J'aurais dû préciser plus tôt que, presque tout de suite après que je suis devenu professeur en 1988, le mur de Berlin a tombé, et, à partir de mars 1990, j'ai commencé à enseigner dans des pays autrefois gouvernés par le régime communiste. J'ai enseigné dans à peu près tous les pays communistes au monde. J'enseigne en Chine depuis 1997, et j'ai enseigné en Russie et en Bulgarie, entre autres.
On préconisait une égalité complète dans ces pays, mais ils étaient tous complètement pauvres. Je l'ai vu de mes propres yeux, parce que, lorsque le mur est tombé, ces pays ne se sont pas soudainement transformés en pays occidentaux prospères. La chose a pris 10 ans. Certains de ces pays n'ont toujours pas achevé leur transformation. Je parle de pays comme l'Ukraine et la Russie, où règnent toujours une inégalité et une corruption complètes, tandis que la Pologne a achevé sa transformation beaucoup plus rapidement, alors elle a beaucoup mieux réussi.
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Alors ils ont besoin de tous les niveaux de richesse que nous avons accumulés.
Il y a une chose dont on ne tient pas compte, et c'est l'expérience. Vous avez parlé de votre expérience. Je pourrais parler de mon expérience, et je crois que d'autres pourraient probablement en faire autant. Je suis né pauvre. Je connais la pauvreté, alors, lorsque les gens parlent de la pauvreté, voici ce qu'a fait la pauvreté pour moi: elle m'a fait comprendre que je ne voulais pas rester pauvre.
Mais il existait des débouchés à l'époque. C'est la différence que j'observe. Je ne vois pas trop de débouchés. Je me souviens que, lorsque j'étais jeune... Et, écoutez, j'ai terminé ma 12e année. Je suis allé en 13e année et, après une semaine, je me suis dit: « Tant pis, je vais travailler. » Je voyais des débouchés lorsque j'étais jeune homme, et je crois que c'était aussi le cas de toutes les jeunes femmes. Tout le monde voyait des débouchés. Partout, on entendait « Je pourrais me lancer en affaires dans ce secteur-ci » ou « Je pourrais me lancer en affaires dans ce secteur-là ». Ces débouchés sont partis. Êtes-vous de mon avis?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne jouerai pas du violon. Je vais plutôt me concentrer sur les faits et les chiffres.
Mme Reid, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Je dois vous dire que depuis près de 30 ans, un de mes sujets d'étude personnels est celui de la place du système de santé public, de ses impacts et des coûts qui y sont reliés. Parmi les aspects qui m'ont particulièrement intéressé et où j'ai vraiment appris de votre présentation, il y a le fait que lorsqu'on parle de déterminants sociaux de la santé, en réalité, les facteurs comme l'état du logement, la suffisance au chapitre de l'alimentation et ainsi de suite comptent pour 50 % de l'état de santé d'une personne et que c'est le revenu qui a le plus d'effets à cet égard.
Je voudrais vous amener sur un autre terrain et je ne vous cache pas que ma question va être assez difficile.
Convenons qu'actuellement, le système de santé universel au Canada a été victime de beaucoup d'abandons, particulièrement de la part du fédéral. En fait, l'entente initiale des années 1960 prévoyait que le fédéral allait payer 50 % des coûts. Depuis, cela a été beaucoup réduit.
Pourriez-vous faire des commentaires sur le fait que cela ait pu être un facteur affectant la couverture des soins de santé pour les moins nantis et aussi comme étant un facteur d'inégalité entre les provinces, puisque certaines d'entre elles ont beaucoup plus de moyens pour soutenir leur système de santé malgré l'abandon du fédéral.
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Je vous remercie, Mme Reid.
Le comté de , qui est situé dans la ville de Québec, est particulièrement défavorisé. J'ai d'ailleurs un tableau qui provient de la Direction de la santé publique qui relève ces différences. Parfois, en matière de certains facteurs de santé, cela va du simple au double. C'est le cas, notamment, pour la santé mentale. C'est une grosse motivation pour moi, en tant que politicien. D'ailleurs, je vous remercie beaucoup des informations à ce sujet.
Professeur Wilkinson, dans mes observations des trente années ou presque, j'ai été frappé par le fait qu'un système public complet où il y avait une large couverture publique était beaucoup moins coûteux. D'ailleurs, le cas du Royaume-Uni est très intéressant à cet égard. En effet, quand j'ai consulté les données de l'OCDE de 2007 — je ne sais pas s'il y a des données plus récentes —, j'ai pu voir que le Royaume-Uni est particulièrement bien placé avec un système de santé qui coûte nettement moins cher que dans les autres pays du G7, tout en couvrant beaucoup plus la population. C'est le cas par rapport au Canada et, plus particulièrement, par rapport aux États-Unis, qui sont le cas extrême des pays du G7.
Voulez-vous faire un commentaire à ce sujet?
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, permettez-moi de faire un petit historique. Dans notre pays, nous avons un régime d'assurance maladie universel à payeur unique. Nous avons toujours eu de bons programmes sociaux bien financés. Nous avons attaché plus d'importance au volet social que, par exemple, les Américains. Si on remonte aux années 1960, les États-Unis avaient les programmes « New Frontier » et « Great Society », qui avaient pour objectif de mettre les Américains au défi de réduire les taux d'imposition. Ici, au Canada, nous voulions une « société juste », ce qui a entraîné des augmentations d'impôt, lesquelles ont entraîné la création de mécanismes de régulation des salaires et des prix, lesquels ont mené à l'inflation, laquelle a mené à son tour à une augmentation des taux d'intérêt.
Dans quelle mesure l'expérience de la société juste a-t-elle porté fruit, à votre avis? Monsieur Lee, aurions-nous mieux fait de nous diriger vers une « Great Society » plutôt qu'une « société juste »?
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Je vais commencer par poser mes questions à M. Boadway, mais j'invite les autres à intervenir.
Monsieur, je crois que, dans le cadre de certains de vos travaux de recherche, vous avez parlé des régimes fiscaux fédéral et provinciaux perdant de leur caractère progressif à la suite de changements qui ont surtout profité aux salariés à revenu élevé, comme la diminution des taux marginaux d'imposition pour les mieux-nantis, la création de crédits d'impôt fédéraux non remboursables, dont vous avez parlé, et la réduction de l'imposition des gains en capital.
Je veux vous demander d'en parler un peu plus, parce que, lorsque vous avez présenté votre liste de souhaits ce matin, vous avez parlé du désir de rendre tous les crédits d'impôt remboursables. J'aimerais que vous parliez un peu plus de ce sujet particulier, et j'invite les autres à en faire autant. Je vous demande, si vous le pouvez, de parler de toute incidence financière qu'aurait un tel changement.
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Je crois que quelqu'un a mentionné que les crédits d'impôt ne lui plaisaient pas — je crois que c'était M. Corak —, et j'ai aussi été sceptique pendant quelques années, mais nous avons connu énormément de succès avec les crédits d'impôt, comme l'augmentation du nombre de passagers après l'introduction du crédit d'impôt pour l'abonnement aux transports en commun. Je voulais mentionner cela, car nous avons des données empiriques à l'appui.
J'aimerais consacrer les deux dernières minutes de mon temps à la question des Canadiens autochtones. Je viens de Fort McMurray. Mes communautés ont connu d'énormes succès. Nous avons cinq bandes qui prennent part aux groupes autochtones qui évoluent dans le secteur des sables bitumineux, et nous avons maintenant Deve Tuccaro, qui est l'Autochtone le plus riche au Canada — je crois que sa fortune personnelle a une valeur de plus de 100 millions de dollars —, et nous avons beaucoup d'Autochtones qui travaillent dans les sables bitumineux à Syncrude et à Suncor. À Syncrude, je crois que la proportion est de 15 ou 14 p. 100, et à Suncor, elle est d'environ 9 p. 100.
Ma question est ouverte. Voyez-vous une relation positive entre la réussite des Canadiens autochtones et le secteur de l'exploitation des ressources? Car c'est le facteur qui semble être à l'origine de la richesse de nombre de Canadiens autochtones et, bien sûr, la plupart des Canadiens autochtones qui résident dans une réserve vivent dans une région isolée où s'observe un boum de l'exploitation des ressources. Alors, selon vous, y a-t-il une relation entre le boum de l'exploitation des ressources et l'amélioration du sort des plus vulnérables?
Monsieur Holden, vous pourriez peut-être répondre?
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Merci, monsieur le président.
Encore une fois, bienvenue à tous les témoins.
Monsieur Holden, je dois dire que la citation que vient de lire M. Jean au sujet de la création d'emplois est un reflet presque parfait de ce que disait l'OCDE et de ce qu'a dit le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría, à savoir que la croissance de l'emploi est la meilleure façon de réduire la pauvreté.
J'entends constamment dire ici qu'il faut former les gens, leur donner les compétences et leur donner l'éducation dont ils ont besoin pour décrocher ces emplois. Nous devons aussi créer des emplois, par contre. Alors, le Canada — Dieu merci — a la meilleure fiche au chapitre de la création d'emplois parmi tous les pays du G7 depuis la reprise économique.
Cela dit, nous devrions aussi parler d'impôts. J'ai lu vos mémoires, et nombre d'entre vous mentionnent l'incidence des impôts sur l'inégalité des revenus, alors je vais commencer par m'adresser au représentant du Frontier Centre for Public Policy, car vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour parler ici. Je vais citer un passage de votre mémoire. Vous dites qu'il ne faut pas pallier l'inégalité en haussant les taux d'imposition des sociétés et des particuliers à revenu élevé, ce qui a pour effet de limiter la croissance.
Pourquoi en est-il ainsi?
Monsieur Holden, pourriez-vous répondre après le représentant du Frontier Centre for Public Policy?
Eh bien, je vais revenir au point de départ et dire que la raison pour laquelle j'ai dit cela, et la raison pour laquelle j'y crois, c'est qu'une bonne croissance économique est absolument essentielle à tout ce que nous essayons de faire pour réduire la pauvreté et pour générer suffisamment de revenus pour payer des programmes sociaux de bonne qualité. Toutes les mesures que nous prenons et qui pourraient avoir des répercussions négatives sur la croissance économique sont donc à éviter.
Je reviens sur les études de l'OCDE dont j'ai déjà parlé pour dire que certaines des mesures fiscales les plus progressives de notre régime — certaines des mesures que l'on voudrait tout naturellement augmenter en pensant que ce serait une stratégie judicieuse ou efficace pour atténuer certaines des inégalités au chapitre du revenu — sont également des mesures qui restreignent la croissance. L'OCDE a dit qu'il s'agissait de mesures fiscales particulièrement inefficaces et particulièrement susceptibles de ralentir la croissance économique.
Donc, si vous haussez les taux d'imposition des particuliers et ceux des sociétés, il y aura des répercussions négatives sur la croissance qui font mal aux gens dans toutes les couches de revenus. Mais cela ne veut pas dire qu'en cherchant à générer des revenus nous ne pouvons pas modifier le régime fiscal dans le but de le rendre au bout du compte plus progressif, mais également plus favorable à la croissance, car je crois que nous pouvons le faire.
Je crois tout simplement que, de manière générale, les hausses d'impôt ne sont pas la bonne façon de faire. Je crois qu'il existe beaucoup de déductions et d'exemptions fiscales qui profitent de manière disproportionnée aux particuliers à revenu élevé. J'ai brossé dans mon mémoire un tableau exhaustif de ces déductions grâce auxquelles on pourrait essayer de simplifier le régime fiscal pour qu'il soit plus favorable à la croissance, et, au bout du compte, cela pourrait réellement avoir des retombées positives sur...
Je voulais poser une question à Mme Reid.
Je crois que le commentaire que vous avez fait au sujet de votre père nous a secoués: 6 000 $ par mois parce qu'il a besoin d'une aide supplémentaire en raison de sa démence. Cela me fait penser à nos transferts aux provinces.
Bien sûr, en dressant sa liste de souhaits, M. Boadway a dit que nous devrions aligner la croissance des transferts sur celle des dépenses en programmes dans les provinces. Eh bien, nous avons augmenté les transferts en santé — de 6 p. 100 chaque année —, et pourtant, quand nous nous sommes retrouvés ici, l'an dernier, nous avons parlé du fait que les provinces ne dépensaient que 3,08 p. 100, mis à part les dépenses de l'Alberta. C'est la seule province dont les dépenses étaient supérieures à 6 p. 100.
J'adorerais voir les provinces dépenser la totalité des 6 p. 100 que nous leur donnons et qu'elles le dépensent dans des initiatives comme celles-là. Mais comment pouvons-nous motiver les provinces, qui reçoivent des niveaux records — 62 milliards de dollars à l'heure actuelle — du gouvernement? Nous n'avons jamais fait des coupures comme l'ont fait les libéraux. Comment allons-nous les motiver à le faire?
[Traduction]
J'aimerais poser ma première question à M. Muzyka.
Je vais parler de l'étude publiée sur votre site Web, l'étude du Conference Board. Vous indiquez sur votre site Web le taux de pauvreté chez les enfants, chez les personnes en âge de travailler et chez les aînés, et, sur le site, on précise que ces taux ont tous augmenté entre le milieu des années 1990 et la fin des années 2000. Pourtant, quand je me rends sur le site de Statistique Canada et que j'examine les taux de faible revenu entre 1976 et 2009 — je les ai ici, et ils figurent également sur un autre graphique, jusqu'en 2012 —, je constate que ces taux étaient de 13 % en 1976 et de 14 % en 1983. Ils n'ont jamais été plus élevés qu'en 1996, à 15,7 %, mais depuis, ils diminuent graduellement. En 2009, ils étaient de 9,6 p. 100, et ils continuent à baisser.
Il est évident que Statistique Canada et le Conference Board n'utilisent pas les mêmes données. Pourriez-vous m'expliquer la différence?