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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 106 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 février 2013

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Il s'agit de la 106e séance du Comité permanent des finances. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement — en passant, la séance est télévisée —, nous poursuivons notre étude sur la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux.
    Nous recevons aujourd'hui six témoins. Nous avons une longue liste d'invités, et deux d'entre eux comparaissent par vidéoconférence; ce sera donc tout un défi du point de vue technologique. Je ferai de mon mieux, à titre de président, pour m'assurer que les interventions se font dans les limites du temps alloué et que chaque témoin et collègue a droit à un temps de parole approprié.
    Nous accueillons aujourd'hui, tout d'abord, M. Walid Hejazi de la Rotman School of Management de l'Université de Toronto.
    Nous sommes heureux de vous revoir ici.
    Ensuite, il y a M. Robert Kepes, avocat-procureur.
    Bienvenue à vous aussi.
    Nous recevons également M. Claude Vaillancourt, président de l'Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens.
     Bienvenue à ce comité.
    Nous accueillons aussi Son Excellence Luis Carlos Delgado Murillo, ambassadeur de la République du Costa Rica au Canada.
    Bienvenue au comité. Merci infiniment d'être des nôtres.
    Nous allons également entendre deux témoins par vidéoconférence. D'abord, de Kuala Lumpur, en Malaisie, il y a M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales pour le Comité d'aide au développement de l'OCDE.
    Bienvenue à ce comité.
    Ensuite, du Royaume-Uni, il y a M. Paul Collier, professeur d'économie et de politique publique à l'Université d'Oxford.
    Bienvenue à notre comité.
    Nous allons commencer dans l'ordre où je vous ai présentés. Chacun de vous aura, tout au plus, cinq minutes pour faire ses observations préliminaires. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.
    Commençons donc par M. Hejazi, s'il vous plaît.
    Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier pour l'occasion qui m'est donnée de faire part au comité de mes vues sur le rôle que jouent les centres financiers extraterritoriaux au sein de l'économie canadienne. Il s'agit d'une question très importante pour la compétitivité mondiale et la prospérité du Canada. Voilà pourquoi j'estime que la population et les décideurs doivent bien comprendre cette question afin de prendre les bonnes décisions stratégiques.
    Comme vous l'avez dit, je suis professeur à la Rotman School de l'Université de Toronto. J'y enseigne depuis 1995. J'ai à mon actif de nombreux écrits sur la compétitivité canadienne et le rôle du commerce international et des investissements étrangers directs, ainsi que des centres financiers extraterritoriaux.
    J'ai publié, en novembre 2012, un article dans la revue The Banker sur l'importance des centres financiers extraterritoriaux pour l'économie mondiale. Je crois que les membres du comité en ont reçu une copie. Comme le démontrent mes recherches, il y a d'importantes et de vastes retombées économiques pour le Canada lorsque des multinationales canadiennes entreprennent des projets d'expansion internationale par l'entremise de centres financiers extraterritoriaux. Les entreprises canadiennes continuent de prendre de l'expansion à l'étranger à un rythme qui dépasse celui de l'implantation au Canada d'entreprises étrangères. À l'heure actuelle, il y a plus d'investissements canadiens à l'étranger qu'il n'y a d'investissements étrangers au Canada.
    Les preuves empiriques sont claires: aussi bien les investissements à l'intérieur du pays que les investissements à l'étranger procurent des avantages considérables à l'économie canadienne. Je peux parler de ces deux types d'investissements, mais permettez-moi de m'attarder sur les investissements à l'étranger.
    Tout comme les investissements effectués par des entreprises étrangères au Canada, ceux effectués par des entreprises canadiennes à l'étranger génèrent d'importants avantages économiques pour l'économie canadienne. Il y a notamment un accroissement des activités internationales menées dans les sièges sociaux des entreprises canadiennes, une augmentation des exportations canadiennes et, par conséquent, une croissance de l'emploi et de la formation de capital au Canada. Tous ces effets supplémentaires contribuent à la création d'emplois au Canada et augmentent les recettes fiscales du gouvernement du Canada.
    La question qu'on pourrait se poser tout naturellement est la suivante: quand une entreprise canadienne déploie une stratégie mondiale et se sert d'un pays intermédiaire comme la Barbade, ces avantages sont-ils maintenus? La réponse à cette question est oui, et mes recherches le confirment. D'ailleurs, non seulement ces avantages sont maintenus, mais ils sont rehaussés. Autrement dit, lorsqu'une multinationale canadienne accède directement à un marché étranger, les avantages pour le Canada sont moins élevés que si elle s'y implante par l'entremise d'un centre financier extraterritorial. Beaucoup de travaux théoriques appuient ce résultat empirique, et je pourrai entrer dans les détails, si cela vous intéresse.
    Le tout signifie que si les multinationales canadiennes n'ont plus le droit de recourir à ces pays pour accéder à l'économie mondiale, cela nuira à leur compétitivité mondiale et, par le fait même, à la compétitivité de l'économie canadienne. J'irai même jusqu'à dire que toute manoeuvre de la part du gouvernement du Canada pour limiter le recours à ces territoires n'aura pas pour effet — et j'insiste là-dessus — d'accroître les recettes fiscales. Ce serait une politique contre-productive qui réduirait la compétitivité canadienne et, en même temps, les recettes fiscales du gouvernement du Canada.
    Je comprends que le comité souhaite s'attaquer à l'abus fiscal. C'est là une initiative que tout bon citoyen canadien et toute bonne entreprise canadienne applaudissent, mais soyons clairs: il y a plus d'abus fiscal dans des établissements au pays que dans les centres financiers extraterritoriaux.
    Je tiens également à souligner le point suivant. Mes recherches m'ont permis de conclure que le recours à des centres financiers extraterritoriaux a aidé les entreprises canadiennes à prendre de l'expansion à l'étranger, surtout dans les régions qu'on connaît moins et qui présentent plus de risques, comme Mark Carney, le gouverneur de la Banque du Canada, l'a soutenu à maintes reprises. Les entreprises canadiennes doivent se concentrer davantage sur des marchés nouveaux qui affichent des taux de croissance supérieurs à ceux des économies développées, mais qui présentent aussi plus de risques. Il faut encourager les entreprises canadiennes à investir, à prendre de l'expansion à l'étranger et à devenir des chefs de file mondiaux. Restreindre le recours aux centres financiers extraterritoriaux qui existent dans ces pays nuira à la capacité des entreprises canadiennes de livrer concurrence sur ces nouveaux marchés.
    Par conséquent, je crois qu'on aurait tort de restreindre le recours aux centres financiers extraterritoriaux. Une telle mesure ne contribuera pas à la prospérité du Canada. Au contraire, elle nuira à la prospérité du Canada.
    Merci.
(0850)
    Merci beaucoup de votre exposé.
    C'est maintenant au tour de M. Kepes de nous faire son exposé de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à témoigner aujourd'hui pour vous aider dans votre étude sur la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux. Je suis fiscaliste à Toronto depuis plus de 25 ans. Nos clients sont principalement des sociétés privées, des entrepreneurs, des entreprises indépendantes, des professionnels ou des familles ou personnes fortunées.
    Notre cabinet n'offre que trois types de services juridiques: la planification fiscale et successorale, le litige et le règlement de différends fiscaux, ainsi que la défense de causes de fraude fiscale au criminel et d'autres infractions financières ou réglementaires. L'évasion fiscale est très différente des stratégies légitimes d'évitement fiscal ou de réduction de l'impôt minimum. Essentiellement, l'évasion fiscale est une fraude. L'intention du fraudeur est de tromper la Couronne en ne déclarant pas des revenus ou en déclarant de fausses dépenses afin de réduire ses revenus. La loi exige que la Couronne prouve au-delà d'un doute raisonnable qu'il y avait de l'impôt à payer et que l'accusé le savait et a délibérément éludé le paiement. Les cas les plus graves de fraude fiscale, lorsque les montants de l'impôt éludé dépassent 250 000 $, font l'objet de poursuite par acte d'accusation en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ou par acte d'accusation de fraude en vertu du Code criminel. L'infraction de fraude prévue par le Code criminel est souvent l'accusation criminelle préférée dans les grandes poursuites fiscales complexes. Dans mon mémoire, j'explique en détail certaines des raisons pour lesquelles la Couronne pourrait préférer invoquer le Code criminel plutôt que la Loi de l'impôt sur le revenu. En général, il est un peu plus facile de prouver une fraude que de prouver une évasion fiscale.
    Parce que la fraude fiscale est un acte criminel, les enquêtes et les mesures d'exécution de la loi touchent aux droits de l'accusé prévus par la Charte, par exemple ceux énoncés à l'article 7 de la Charte, ainsi que le droit à la non-incrimination, le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, le droit d'avoir recours à un avocat et le droit d'être présumé innocent.
    Le comité a déjà entendu que, contrairement à la fraude fiscale, l'évitement fiscal n'est pas un acte criminel. C'est vrai. Mais l'Agence du revenu du Canada adopte le vaste point de vue que l'évitement fiscal « consiste à réduire l'impôt minimum en contrevenant à l'objet et à l'esprit des lois fiscales canadiennes, mais non à la lettre de la loi. » Je dois dire que je n'appuie pas cette affirmation. Premièrement, la législation fiscale du Canada ne prévoit pas de critère concernant « l'objet et l'esprit ». Deuxièmement, l'ARC laisse croire que l'évitement fiscal est une zone un peu plus grise que la fraude. Ce n'est pas le cas. L'écart entre l'évitement fiscal et la fraude fiscale est plus large que le canal Rideau. N'en déplaise à l'ARC et au ministère des Finances, l'évitement fiscal, même agressif, est légal. Il n'y a pas d'actifs cachés, pas de déductions de fausses dépenses, pas de demandes de remboursement non justifiées, ni de faux documents. De fait, d'après mon expérience, toutes les opérations d'évitement fiscal sont déclarées correctement dans les états financiers et les déclarations de revenus aux autorités fiscales concernées.
    Je porte à votre attention ces différences entre l'évitement fiscal et la fraude fiscale parce qu'il ne suffit pas de comprendre la distinction légale entre les deux concepts. Il importe aussi de comprendre les pouvoirs de l'ARC et les limites de ces pouvoirs, selon qu'il s'agit de trouver des opérations d'évitement ou d'enquêter sur la fraude fiscale. Le contribuable doit se soumettre à une vérification dans le cas d'un évitement, alors qu'il a le droit au silence en vertu de la Charte dans le cas d'une fraude fiscale.
    Parlons maintenant un peu des paradis fiscaux et des comptes à l'étranger. Le comité a obtenu diverses estimations du montant détenu à l'étranger par des particuliers et des sociétés du Canada dans des comptes ouverts à l'étranger. S'il faut en croire ces chiffres, il s'agit de milliards de dollars. Mais personne ne semble savoir quel pourcentage de ces milliards constitue des placements probablement légitimes. Quoi qu'il en soit, supposons que le nombre soit élevé. Il est évident qu'il faut mener des enquêtes et intenter des poursuites relatives à la fraude fiscale. Toutefois, on ne peut pas gérer ce qu'on ne peut pas mesurer. En plus, on ne peut pas mesurer le produit total de la fraude fiscale parce que, par définition, le fraudeur fiscal le cache délibérément. Or, le gouvernement devrait pouvoir mesurer les efforts et les résultats de l'ARC dans la lutte contre les fraudeurs fiscaux.
    À cette fin, j'ai mené une enquête non scientifique en effectuant une recherche à partir de l'expression « tax evasion » dans la base de données sur la jurisprudence de l'Institut canadien d'information juridique. La recherche a donné 670 résultats. Autrement dit, depuis 1900, 670 arrêts des tribunaux canadiens ont employé l'expression « tax evasion ». J'ai ensuite fait une recherche avancée en ajoutant le mot « offshore » et je n'ai obtenu que 21 résultats. C'est, me semble-t-il, très peu élevé. Ensuite, j'ai consulté le site Web de l'ARC parce que l'agence publie souvent des communiqués sur les condamnations pour fraude fiscale. Au cours des trois derniers mois, il y a eu 24 condamnations, mais aucune ne portait sur des comptes à l'étranger non déclarés.
(0855)
    Permettez-moi de passer en revue quelques-unes des recommandations. Entre autres, le comité ou le vérificateur général doivent vérifier tous les ans les progrès de l'ARC dans la lutte contre la fraude fiscale.
    S'il n'y a aucun cas de fraude fiscale à l'étranger, alors de deux choses l'une: ou bien les Canadiens respectent davantage la loi qu'on le pensait, auquel cas les millions de dollars cachés à l'étranger sont une fiction, ou bien, selon ma théorie, nos lois sur la fraude fiscale ne sont pas examinées ou appliquées vigoureusement. Sans enquêtes et sans poursuites, il ne peut pas y avoir de condamnations et, par conséquent, pas de dissuasion.
    À cette fin, je demande au comité d'envisager de créer peut-être une loi semblable à la FATCA aux États-Unis. Cette loi a suscité des critiques puisqu'il s'agit, au fond, d'une application extraterritoriale de la loi américaine. Toutefois, si on ne peut pas communiquer des renseignements de gouvernement à gouvernement, on peut faire ce que les États-Unis ont fait — à savoir, essayer d'obtenir des renseignements directement auprès des institutions financières.
    Je me suis également demandé si l'ARC pouvait établir et encourager un programme de dénonciation semblable à celui de l'IRS, qui offre des récompenses à ceux qui lui fournissent des renseignements précis et crédibles si ces renseignements permettent de percevoir des impôts, des pénalités ou d'autres montants auprès des contribuables qui ne respectent pas la loi. La récompense peut représenter de 15 à 30 % du montant perçu.
    Faute de temps, je vais m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre à vos questions ou d'entendre vos observations.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre exposé.

[Français]

    Monsieur Vaillancourt, vous avez la parole.
    ATTAC-Québec, l'Association québécoise pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité permanent des finances. ATTAC est une association non partisane présente dans une vingtaine de pays. Formée en l'an 2000, ATTAC-Québec s'applique à faire connaître les enjeux qui accompagnent la mondialisation financière, particulièrement ceux entourant la taxation des transactions financières, les paradis fiscaux et le libre-échange.
    Nous nous réjouissons de l'attention portée à la fraude fiscale et aux paradis fiscaux par le gouvernement du Canada. Depuis sa création, notre association considère qu'il s'agit d'un problème majeur créant toujours plus d'injustices et provoquant d'importantes difficultés budgétaires que doivent compenser les citoyens et citoyennes qui paient honnêtement leurs impôts.
    Nous nous permettons de souligner l'existence du rapport de l'OCDE intitulé Lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices. Ce rapport démontre à quel point les fuites fiscales affaiblissent le bon fonctionnement des États et, par conséquent, de la démocratie.
    Plusieurs enquêtes en Europe ont révélé que de grandes entreprises multinationales tel que Google, Apple, Amazon, Microsoft et Starbucks ne payaient pas leur juste part d'impôts grâce à des montages financiers complexes et au recours aux paradis fiscaux.
    Rien ne permet de dire que le Canada échappe à de telles pratiques parce qu'il a signé des conventions fiscales semblables à celles conclues par les Européens. ATTAC-Québec a dénoncé à plusieurs reprises la convention de double imposition signée entre le Canada et la Barbade qui fait que les investissements canadiens directs dans ce pays sont de l'ordre de 53,3 milliards de dollars. Cette convention favorise, entre autres, les transferts de prix. Elle permet à des compagnies d'enregistrer leurs profits à la Barbade et de rapatrier ces montants sans payer d'impôt au gouvernement canadien.
    Une convention semblable conclue l'automne dernier avec Hong-Kong permet dorénavant d'effectuer les mêmes manoeuvres en Asie. Connaissant l'importance des échanges commerciaux avec ce continent, tout nous porte à croire qu'une pareille entente favorisera le même type de manipulations financières qui nuiront aux intérêts des Canadiennes et des Canadiens.
    Nous nous inquiétons aussi des accords d'échange de renseignements fiscaux conclus avec la Suisse et de nombreux pays des Caraïbes. Ces ententes peuvent sembler attrayantes, mais elles demeurent inefficaces et en viennent paradoxalement à faciliter l'évitement fiscal. Les conditions pour obtenir des renseignements sont d'abord trop exigeantes. Les renseignements sont donnés uniquement si on les demande dans un contexte où les exceptions sont trop étendues et nombreuses, ce qui permet aisément de refuser les demandes d'information.
    Pour obtenir des conventions si peu fonctionnelles, le Canada a cédé beaucoup trop. En échange, les compagnies canadiennes implantées dans ces paradis fiscaux profitent d'une exemption d'imposition sur les revenus. D'autres pays comme les États-Unis et l'Australie n'ont pas conclu ce genre d'entente. Il nous semble évident que les conventions fiscales signées par le Canada contribuent à accentuer d'une façon significative les fuites fiscales.
    Les propositions d'ATTAC-Québec sont les suivantes. Le gouvernement du Canada doit prioriser la lutte contre la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux. Il doit financer des études pour chiffrer les montants de l'évasion et de l'évitement fiscaux et pour mettre à jour les pratiques comptables qui permettent des fuites fiscales. Il doit aussi investir dans l'Agence du revenu du Canada afin que celle-ci puisse entreprendre des enquêtes nécessaires contre les fraudeurs et les planifications fiscales dommageables.
    Le gouvernement du Canada doit mettre fin à toute négociation de convention fiscale selon le modèle actuel et il doit, de plus, réviser en profondeur les conventions actuelles pour qu'elles ne favorisent plus les fuites fiscales. Le gouvernement du Canada doit soutenir fermement la lutte fiscale contre les paradis fiscaux dans sa politique étrangère.
     Il doit s'associer aux autres pays qui entreprennent une pareille lutte. Il doit appuyer en priorité le Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale à l'ONU.
     Finalement, le gouvernement du Canada doit redistribuer les montants éventuellement récupérés grâce à la lutte contre les fuites fiscales dans les services publics et les programmes sociaux qui ont été les principales victimes des baisses de revenus de l'État.
    Je vous remercie de votre attention.
(0900)
    Merci beaucoup de votre présentation.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre l'ambassadeur Murillo.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes dans le cadre de cette séance consacrée à l'étude sur la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux.
    Aujourd'hui, j'ai l'occasion de vous montrer comment un petit pays a su élaborer une orientation stratégique qui lui donne à présent les atouts nécessaires pour promouvoir sa candidature à l'OCDE et ce, en toute confiance à l'égard d'un système financier solide, éthique et transparent. C'est ce qui a permis au Costa Rica d'attirer des milliards de dollars en investissements étrangers destinés au développement.
    Au cours des 10 dernières années, le pays a connu une croissance constante des investissements étrangers directs, si bien que ces derniers sont devenus un complément important à l'épargne intérieure. Depuis 2000, le total des investissements étrangers directs qui entrent au pays augmente, en moyenne, de 10 % chaque année. À l'heure actuelle, ils représentent 5 % du PIB.
    Par ailleurs, le pays a réussi à attirer des entreprises étrangères dans des industries innovatrices comme les services, la fabrication de pointe et les dispositifs médicaux. Par conséquent, l'investissement étranger contribue largement au développement du Costa Rica puisqu'il contribue à la diversification des exportations, à la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité ainsi qu'à l'accroissement des occasions d'affaires.
    Au cours des 30 dernières années, le Costa Rica a connu une croissance constante de ses exportations. On observe également une diversification accrue des produits exportés et de leurs destinations. Les exportations augmentent à un taux annuel moyen de 8 % depuis 2001. Nous avons des accords de libre-échange avec presque tous nos partenaires commerciaux pertinents, y compris le Canada.
    À l'heure actuelle, le Costa Rica exporte plus de 4 000 produits vers 153 destinations. En raison de son engagement à l'égard de l'inclusion sociale, le Costa Rica est considéré comme un pays qui possède un des meilleurs bilans en matière de développement humain. Nos systèmes universels de santé et d'éducation sont, à coup sûr, les piliers de notre stabilité nationale. L'éducation est obligatoire depuis 100 ans, et nous investissons 8 % de notre PIB dans ce secteur. En même temps, nous consacrons presque 11 % de notre PIB aux soins de santé, d'où l'universalité du système.
    Il y a, au Costa Rica, une tradition bien ancrée de démocratie et de respect des droits de la personne, et l'engagement solide du pays envers ces deux valeurs est reconnu à l'échelle mondiale. Le Costa Rica est l'une des démocraties les plus stables parmi les pays développés; en effet, il n'y a eu aucun effondrement depuis 1949, année à laquelle l'armée a été abolie. Ainsi, nous avons pu libérer des ressources afin de les investir dans l'éducation, les soins de santé, l'infrastructure, les routes et les télécommunications, renforçant ainsi notre démocratie et les libertés fondamentales. En outre, le Costa Rica démontre un engagement ferme à l'égard de la protection de l'environnement; à ce titre, il est résolu à renforcer l'innovation et à mettre en place des stratégies de croissance qui tiennent compte de l'environnement.
    Grâce à ses richesses naturelles et à sa bonne intendance de l'environnement, le pays est l'une des principales destinations du monde, surtout pour l'écotourisme. Chaque année, nous recevons plus de 120 000 touristes canadiens; d'ailleurs, à cause de la qualité de vie élevée qu'on trouve au Costa Rica, plus de 13 000 Canadiens ont décidé de s'y établir.
    Notre développement est viable et inclusif. Durant la grande crise financière de 2008, nous avons connu une courte période de récession, suivie d'une forte relance. Pourquoi avons-nous si bien réussi? Parce que notre système financier repose sur une réglementation prudente et efficace. Même avant le début de la crise financière, nous avons décidé de fixer nos normes réglementaires financières au-dessus des exigences minimales internationales.
    En conséquence, nous avons une solide infrastructure institutionnelle qui supervise et surveille le système financier. Durant la crise financière, aucune banque n'a fait faillite ou n'a eu besoin d'être sauvée, et notre système financier a continué de prêter de l'argent aux ménages et aux entreprises. De plus, nous avons déployé un important plan de relance financière afin de stimuler l'économie.
    Comme on peut le voir dans le graphique, le PIB a reculé en 2008, mais il a connu une reprise vigoureuse. On s'attend maintenant à ce qu'il augmente de 4 % au cours des deux prochaines années.
(0905)
    Il vous reste une minute.
    Comme vous pouvez le constater dans le graphique suivant, au cours de la crise économique mondiale, les dépenses du gouvernement ont augmenté et ses revenus ont chuté, ce qui a entraîné un déficit équivalent à 5 % du PIB. Compte tenu de la situation, le gouvernement cherche en priorité à rétablir sa capacité de réagir de façon semblable à tout choc économique futur et de protéger ainsi sa viabilité financière. En outre, nous craignons que des déficits budgétaires élevés nuisent à notre stabilité économique.
    En l’absence de l’approbation de la réforme fiscale, le gouvernement a déployé de grands efforts pour réduire considérablement le taux de croissance de ses dépenses, ce qui a entraîné une réduction du déficit budgétaire. Nous reconnaissons que nous avons encore de nombreux défis à relever, mais nous croyons avoir les antécédents nécessaires pour mettre en valeur notre candidature à l’adhésion à l’OCDE, adhésion qui pourrait servir de catalyseur de la promotion et de l’adoption de certaines réformes que le pays doit entreprendre. L’OCDE deviendra ainsi le partenaire du Costa Rica dans son cheminement vers le développement.
    Au cours de la dernière année, le Costa Rica a accru sa participation à l’initiative étrangère des organes de l’OCDE. Nous intervenons dans des domaines, comme les finances, qui mettent en valeur le Costa Rica auprès des membres de l’OCDE, des domaines où nous pouvons apporter une bonne contribution.
    Le Costa Rica communiquera à l’OCDE des points de vue qui ne sont pas représentés au sein de l’organisation à l’heure actuelle, soit ceux d’un petit pays en développement, unique en son genre, qui met en oeuvre des politiques judicieuses et obtient de bons résultats. De plus, notre pays a prouvé qu’il était résolu à prendre des mesures pour se conformer aux normes de l’OCDE, comme celles liées à la transparence fiscale et à la gestion des affaires publiques.
    En 2012, le Parlement a approuvé des mesures législatives visant à réformer la structure fiscale afin d’y intégrer tous les éléments exigés par la communauté internationale et de permettre à celle-ci d’accéder aux renseignements financiers qu’elle désire. Ces mesures législatives sont la loi sur la conformité aux normes en matière de transparence fiscale et la loi sur le renforcement des procédures d’administration fiscale.
    De plus, le Costa Rica a négocié 15 accords d’échange de renseignements à des fins fiscales avec divers pays, dont le Canada. Pour diverses raisons, nous aimerions demander que le Canada nous apporte son soutien continu lors des délibérations du Conseil de l’OCDE.
    En outre, le Costa Rica pourrait représenter un excellent exemple de la façon dont on peut propager de meilleures pratiques et promouvoir la transparence auprès des petits et moyens…
    Monsieur l’ambassadeur, pourriez-vous conclure? Nous avons dépassé le temps qui nous était imparti.
    Cette initiative ouvrira une porte à un pays à revenu intermédiaire qui est touché par l’affectation de l’aide. Les pays en développement en bénéficieront de deux façons. Premièrement, cela contribuera à réduire l’écart entre les impôts prélevés dans des pays développés et ceux prélevés dans les pays en voie de développement. Deuxièmement, cela favorisera l’adoption de meilleures pratiques dans les pays en développement en vue de régler le problème des paradis fiscaux et de la fraude fiscale à l’étranger.
(0910)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Delgado, de votre exposé.
    Ensuite, nous allons passer…

[Français]

monsieur Saint-Amans. Vous pouvez débuter votre présentation, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, pour des raisons techniques, je vais m’exprimer en anglais, puisque mes propos seront traduits par les interprètes de toute manière. Je m’en excuse auprès de vos collègues francophones. Ils vont devoir tolérer mon mauvais anglais.
    Je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux de pouvoir vous communiquer ce que l’OCDE fait en ce moment. C’est un honneur d’être parmi vous sinon physiquement, du moins virtuellement. Je me trouve actuellement en Malaisie pour assister à une réunion du groupe de révision par les pairs. La réunion porte précisément sur ce dont vous discutez en ce moment. Le groupe de révision par les pairs du Forum mondial est chargé de vérifier la transparence dont les pays font preuve et la façon dont ils mettent en oeuvre les normes de l’OCDE en matière de transparence et d’échange de renseignements.
    Si vous me le permettez, j’aimerais commencer par dire quelques mots sur le travail que l’OCDE accomplit relativement aux enjeux fiscaux. Je suis directeur du Centre de politique et d’administration fiscales. Au centre, nous élaborons certaines politiques fiscales, des politiques qui favorisent la croissance et l’emploi afin de réduire les inégalités, etc.
    Nous favorisons également les investissements transfrontaliers en éliminant la double imposition. Je pense que l’OCDE est célèbre pour son modèle de convention fiscale qui a fourni un cadre pour l’élimination de la double imposition et engendré de nombreuses conventions bilatérales. J’estime qu’environ 3 000 conventions fiscales reposent sur le modèle de convention fiscale de l’OCDE.
    En ce qui concerne le domaine sur lequel vous enquêtez, j’aimerais faire valoir deux principaux arguments.
    Le premier concerne la fraude fiscale, le manque de transparence et la nécessité d'échanger des renseignements. On dit que la fraude fiscale est une question de fraude. Selon moi, elle consiste à omettre de rendre compte de certains de ses revenus, à les cacher dans des pays où les impôts sont faibles et la transparence, inexistante.
    Je ne sais pas vraiment en quoi consiste un « paradis fiscal ». Tous les gens définissent ce terme à leur façon. Il s'agit parfois d'une petite île éloignée, dotée de palmiers, ou d'un petit pays aux nombreux lacs perdus dans les montagnes. Tout dépend de son point de vue, mais celui-ci n'a jamais un caractère juridique. Ce qui importe, c'est le consensus atteint au sein de l'OCDE dans les années 1990, selon lequel, par « paradis fiscal », on entend un État qui ne perçoit aucun impôt, ne fait preuve d'aucune transparence, n'échange aucun renseignement et n'exerce aucune activité réelle. C'est la seule définition offerte par une organisation internationale. Mais, encore une fois, cela importe peu.
    Ce qui importe, c'est le fait que nous soyons tous d'accord pour dire — et par « nous », j'entends les pays membres de l'OCDE ainsi que la communauté internationale maintenant — qu'un manque de transparence est problématique, parce qu'il permet de cacher de l'argent dans un pays où l’on ne réside pas, afin d'éviter de rendre compte de certains revenus réalisés dans des pays où l'on réside. C'est à ce moment-là qu'un problème de fraude fiscale survient.
    Depuis 2008, l'attention de la communauté internationale et, en particulier, des pays membres du G20 et de l'OCDE se porte précisément sur la lutte pour obtenir une plus grande transparence et un meilleur échange de renseignements. Le 2 avril 2009, au cours du sommet du G20, les pays membres se sont entendus pour établir une liste des pays qui coopéraient ainsi qu'une liste de ceux qui refusaient de le faire. Par « coopération », ils entendaient l'échange de renseignements sur demande. Si un partenaire vous demande de lui fournir des renseignements, vous devez obtempérer, même s'il s'agit de renseignements bancaires.
    Depuis, des progrès importants ont été réalisés. Plus de 800 accords bilatéraux d'échange de renseignements à des fins fiscales ont été signés. De plus, une convention multilatérale sur l'assistance mutuelle a été signée par plus de 50 pays, dont le Canada qui doit encore ratifier cet instrument. Je vous le mentionne parce que vous êtes des députés. Toutefois, des progrès majeurs ont été accomplis dans ce domaine. Il y a cinq ans, le secret bancaire était pratiquement la norme dans de nombreux pays. Maintenant, il s'agit d'une exception. Aucun pays n'appuie le secret bancaire.
    Ce qui est intéressant et ce qui a été mentionné par l'un de mes prédécesseurs au sein du groupe d'experts, c'est qu’un certain nombre de pays s'emploient à négocier des accords bilatéraux afin de mettre en oeuvre un échange automatique de renseignements, surtout en raison de la FATCA, la mesure législative adoptée par les Américains.
    J'aimerais parler très rapidement du second pilier qui concerne le nouveau problème que nous avons surnommé « la double exonération d'impôt ». Les règlements de l'OCDE ont été établis pour éliminer la double imposition. En effet, une entreprise ne devrait pas voir ses mêmes revenus imposés deux fois, parce qu'elle est établie dans deux différents pays.
(0915)
    Toutefois, les règlements que nous avons établis — le modèle de convention fiscale, les directives sur les prix de transfert et les autres normes — ne devraient pas permettre à des entreprises de ne payer aucun impôt où que ce soit, de verser des impôts dans des pays où les impôts perçus sont faibles, comme ceux que nous avons mentionnés, grâce à des intermédiaires, d'autres entreprises ou d'autres mécanismes leur permettant de réaliser des profits à un endroit différent de celui où leurs activités véritables se sont déroulées. Par exemple, si leurs activités véritables étaient exercées au Canada et que leur argent était investi en Europe, il ne serait pas acceptable que tous leurs profits soient réalisés aux Bermudes, à la Barbade ou dans d'autres États de ce genre, et que les inventions appartiennent à ces États.
    Dernièrement, l'OCDE a lancé une initiative, dont vous avez peut-être entendu parler dans le contexte du G20, qui vise à signaler ce qu'on appelle « l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices » et à lutter contre ces problèmes. Cette lutte a pour objet de rétablir au moins l'une des impositions. Nous devons éliminer la double imposition, tout comme la double exonération d'impôt. Pourquoi est-ce nécessaire? Je vais conclure en abordant cette question.
    En fait, il s’agit d’un enjeu budgétaire. Comme vous le savez, de nombreux pays d'Europe et d'ailleurs sont aux prises avec des déficits budgétaires et doivent percevoir l'argent qui leur est dû. Deuxièmement, c'est un enjeu économique, parce que, si l'on privilégie certains types d'investisseurs par rapport aux investisseurs purement nationaux, les petites et moyennes entreprises canadiennes qui n'effectuent pas de transactions internationales seront soumises à un taux d'imposition effectif plus élevé que celui des sociétés multinationales. Une telle situation serait dénaturée et nuirait aux investissements.
    Enfin, il s’agit d’un enjeu politique. En raison des contraintes budgétaires, les gouvernements haussent les taxes à peu près sur tout, et on ne peut expliquer aux gens que la TVA ou les taxes de vente augmentent, que l'impôt sur le revenu des particuliers augmente et que l'impôt sur le revenu des sociétés pourrait augmenter, alors que certains acteurs ne versent pratiquement aucun impôt grâce à des stratagèmes d'évitement fiscal, qui sont reconnus comme étant une planification fiscale abusive s'appuyant sur des cadres légaux.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant entendre M. Collier.
    En ce qui concerne mes propres antécédents, je suis professeur d’économie à l’Université d’Oxford. Je me spécialise dans les enjeux économiques internationaux, en particulier ceux des pays les plus pauvres. Le premier ministre Cameron m’a demandé de jouer le rôle de conseiller en matière de questions fiscales dans le cadre du sommet du G8 qui aura lieu en Grande-Bretagne. Celle-ci est l'hôte du G8 cette année. En fait, l'OCDE m'a invité à parler de ces mêmes questions vendredi.
    Soit dit en passant, je vous recommande de consulter le numéro de la semaine dernière de la revue The Economist qui contient un article de 12 pages traitant de cette même question. Au cas où vous l'auriez manqué, je tiens à préciser que cet article vous donne une vue d'ensemble assez complète des paradis fiscaux et de leur importance.
    L'article traite de l'évitement fiscal ainsi que de la fraude fiscale. L'évitement fiscal découle de l'emploi abusif de la loi, alors que la fraude fiscale est le résultat d'une dissimulation. Tout comme les autres pays de l'OCDE, le Canada est maintenant victime de ces deux phénomènes.
    La plupart de mes travaux portent sur les pays pauvres, qui sont aux prises avec ces problèmes depuis très longtemps. En fait, ils en souffrent depuis beaucoup plus longtemps que nous. Il est rare qu'en réglant nos problèmes et en mettant de l'ordre dans nos affaires, nous ayons également l'occasion de rendre service aux pays les plus pauvres de la planète. Ces questions sont encore plus problématiques pour eux que pour nous. Par conséquent, je félicite le comité de se pencher sur ces questions.
    Je vais commencer par formuler quelques observations concernant l'évitement fiscal. Les lois ont bien entendu une raison d'être, des objectifs, ainsi qu’un libellé. Il s’ensuit que les brillants avocats de l'autre camp trouveront des façons de respecter la lettre de la loi, mais non son esprit. Il s'agit là d'un processus continu que les tables d'impôt illustrent. En effet, des avocats très intelligents et grassement rémunérés ont réussi à devancer considérablement l'esprit de la loi. Il est maintenant important que nous rattrapions notre retard.
    Aucune solution ne peut régler à tout jamais le problème. C'est comme un corps humain qui lutte contre la maladie. Il faut modifier constamment les verrous à mesure que les microbes évoluent et que le corps se défend. Voilà ce qu'un système juridique doit faire pour essayer de contrer ces brillants avocats qui font preuve d’innovation.
    Sur la scène internationale, l'évitement fiscal prend surtout la forme d'un détournement d'une activité économique de manière à ce que, sur papier, elle semble relever d'un endroit où aucun impôt n'est prélevé, alors que l'activité a, en réalité, lieu à un autre endroit. Certes, cela se produit très fréquemment en Grande-Bretagne, comme le prouve le cas récemment découvert de Starbucks. Jusqu'à maintenant, cette entreprise n'a versé pratiquement aucun impôt en Grande-Bretagne. Elle semble fonctionner comme un organisme de bienfaisance qui, toutefois, verse des sommes substantielles à une filiale établie dans les Antilles néerlandaises, un endroit où les entreprises ne font l'objet d'aucune imposition.
    La société Starbucks verse des impôts sur les activités qu'elle exerce en Grande-Bretagne dans un pays qui ne perçoit aucun impôt. Starbucks a volontairement offert de payer davantage d'impôt au cours du prochain exercice financier en dépit du fait ou, plutôt, en raison du fait qu'elle a vendu moins de café. Le fait qu'elle offre de verser davantage d'impôt sur une quantité inférieure de café vendu démontre le peu de liens qui existent entre les profits que réalise une société et ses véritables activités. Pour les entreprises internationales, les profits pourraient devenir une activité facultative.
    Comme le témoin précédent l'a déclaré, les sociétés comme Starbucks entrent en concurrence avec des entreprises locales qui, comme Costa Coffee, en Grande-Bretagne, ne bénéficient pas de ces avantages. Les tables d'impôt apportent un élément déloyal à la concurrence.
    Il y a plus de 700 pays sur la planète qui sont indépendants sur le plan fiscal. La plupart de ces endroits ne sont pas en mesure d'engendrer d'importantes activités économiques. Le fait que de nombreuses activités semblent s’y dérouler démontre simplement que des sociétés abusent de la loi afin d'éviter de payer des impôts.
(0920)
    Passons maintenant de l'évitement fiscal à la fraude fiscale. La fraude fiscale se fonde sur la dissimulation, et cette dissimulation repose surtout sur l'établissement d'entreprises dont la propriété bénéficiaire, c'est-à-dire les véritables propriétaires, ne peut être déterminée. Ce phénomène relativement récent a pris des proportions spectaculaires. Il tourne autour d'avocats qui exercent leurs activités dans des pays avancés, mais qui collaborent avec des succursales établies dans des paradis fiscaux.
    Dans le cadre d'une étude menée récemment, une université britannique établie en Australie a envoyé 7 000 courriels à des fournisseurs de services juridiques, c'est-à-dire des organisations qui sont en mesure d'établir des entreprises légales. Ces 7 000 courriels demandaient à des cabinets d'avocats du monde entier d'établir des entreprises dont la propriété bénéficiaire ne pourrait être vérifiée, et ces courriels contenaient divers nombres de renseignements compromettants. Par exemple, certains d'entre eux indiquaient que le client était prêt à payer des frais supplémentaires pour que la transaction soit gardée complètement secrète. Le taux de réussite de ces courriels, c'est-à-dire le pourcentage de réponses affirmatives reçues, s'élevait à 40 % et dépassait ce pourcentage lorsque les courriels indiquaient que le client était disposé à payer davantage pour bénéficier du secret le plus absolu. Par conséquent, le problème est très grave. Il est extraordinairement facile d'établir ces sociétés fictives, qui peuvent ensuite ouvrir des comptes bancaires où des fonds peuvent être cachés…
    Monsieur Collier, pourrais-je vous demander de conclure votre exposé rapidement? Nous allons passer sous peu aux séries de questions.
(0925)
    Oui.
    Donc, il existe à la fois des problèmes d'évitement fiscal et des problèmes de fraude fiscale. Quelles mesures pouvons-nous prendre à cet égard?
    J'approuve l'idée des dénonciateurs. Je crois que les cabinets d'avocat qui constituent ces entreprises devraient assumer une responsabilité plus lourde quant à l’établissement de la propriété bénéficiaire. J’estime que nous devons passer à un processus d’échange automatique de renseignements entre les États, car il est clair que le système d’échange de renseignements sur demande ne fonctionne pas. Par conséquent, cet échange doit être automatique, et les systèmes doivent être normalisés et compatibles. Enfin, les administrations fiscales doivent coordonner leurs efforts. Le sommet du G8, qui aura lieu en Grande-Bretagne, représente une occasion rare et réelle de réaliser cette coordination. Le Canada ne sera pas désavantagé dans la mesure où il travaillera de concert avec les autres membres du G8.
    Merci de votre exposé.
    Nous passons maintenant aux questions des députés et nous commencerons par Mme Nash pour un tour de cinq minutes. Je demanderai simplement à mes collègues d'adresser leur question à un témoin en particulier. Cela sera fort utile.
    Mme Nash.
    Merci, M. le président.
    Bonjour et bienvenue à tous nos témoins. Merci de votre présence.
    Je suis la porte-parole en matière de finances de l'opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique. Nous demandons cette étude sur la fraude fiscale et les paradis fiscaux depuis un certain temps, car nous sommes engagés à protéger l'intégrité de notre système fiscal et à veiller au grain en ce qui concerne les impôts qui ne sont pas perçus à juste titre par notre pays.
    Manifestement, nous sommes conscients qu'il existe des raisons légitimes d'investir à l'étranger. M. Hejazi et l'ambassadeur Delgado Murillo nous en ont fait la démonstration et nous leur en sommes reconnaissants. Mais, de mon point de vue, il est difficile d'imposer ce qu'on ne peut pas mesurer et nous savons qu'un quart de tous les investissements directs des Canadiens à l'étranger va vers des paradis fiscaux ou des pays offrant des refuges fiscaux.
     En 2011 seulement, les Canadiens ont investi 53,3 milliards de dollars aux Barbades, 25,8 milliards de dollars aux îles Caïman et 23 milliards de dollars en Irlande, pour ne donner que quelques exemples, et les services bancaires et financiers représentent aujourd'hui 51 % des investissements directs du Canada à l'étranger. Les fonctionnaires du ministère des Finances et de l'Agence du revenu du Canada nous ont qu'ils ne mesurent pas l'écart fiscal international, à la différence des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie.
    Ma question s'adresse à M. Collier et à M. Saint-Amans. Le Canada devrait-il mesurer l'écart fiscal afin de nous aider à contrer l'évasion fiscale et les refuges fiscaux de manière aussi efficace que possible?
    Commençons par M. Collier, s'il vous plaît.
    Oui, je crois que prendre conscience que nous perdons beaucoup d'argent stimulerait la réflexion. Mon propre travail porte en grande partie sur les pays plus pauvres et, bien sûr, je préconise d'investir dans ces pays pauvres, mais de manière à générer des activités réelles.
    Ce qu'on voit aux îles Caïman et aux Barbades, ce ne sont pas de vrais investissements dans des emplois réels pour de vraies personnes, mais simplement des stratégies pour se soustraire aux lois canadiennes.
    Merci.
    M. Saint-Amans, s'il vous plaît.
    Merci, M. le président.
    Je ne suis pas sûr qu'il faut le mesurer pour l'imposer. Je crois qu'on peut l'imposer sans le mesurer.
    Dans le rapport que nous venons de publier, Lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, nous reconnaissons ou admettons que nous ne connaissons pas les montants et que leur calcul est presque impossible. Dans le cas de la fraude fiscale, on dispose de certaines méthodes qui vous en donneront une idée. Vous avez indiqué que les États-Unis ou le Royaume-Uni calculent l'écart fiscal, mais c'est par rapport à la fraude fiscale. En ce qui concerne l'évasion fiscale, je crois qu'il est presque impossible d'en arriver à un chiffre et c'est pourquoi nous conseillons de l'imposer, puis de mesurer ce que vous imposez. C'est ainsi que vous obtiendrez l'écart.
    Donc, pour tenter de résumer, je crois que calculer l'écart fiscal est une piste que vous pouvez explorer, et l'OCDE n'a pas d'opinion tranchée sur le mérite ou non de cette option, mais je peux vous dire que vous pouvez l'imposer même si vous ne le mesurez pas et que vous devez l'imposer. Je vous renvoie au rapport sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices qui pourra vous fournir d'autres indicateurs pour mesurer. Par exemple, en ce qui a trait aux investissements étrangers directs, vous pouvez constater que certains très petits pays comptent pour plus de 25 % des investissements en Inde; c'est le cas de Maurice ou des îles Vierges britanniques, qui sont parmi les dix plus importants investisseurs en Russie ou en Chine. On se rend compte que quelque chose ne va pas et il faut remonter la piste au moyen d'une analyse.
(0930)
    M. Saint-Amans, pour clarifier, vous dites qu'il est difficile de mesurer l'évitement fiscal, mais qu'il serait possible de mesurer l'écart relatif à l'évasion fiscale et à l'utilisation de refuges fiscaux. Est-ce bien ce que vous vouliez dire ou vous ai-je compris de travers?
    Non, j'ai personnellement beaucoup de difficultés avec la notion de mesurer les écarts. Ce qu'on peut faire pour mesurer l'écart fiscal, ce que font les États-Unis et le Royaume-Uni, ce n'est pas de viser l'économie internationale, mais l'économie nationale, l'économie clandestine et ainsi de suite. C'est ce qui permet de mesurer l'écart fiscal; pas seulement l'activité internationale, mais l'ensemble.
    En ce qui a trait à l'activité internationale seulement, je ne suis pas certain qu'on puisse arriver à un chiffre, y compris pour la fraude, pour l'évasion, précisément parce qu'on ne connaît pas les sommes cachées ailleurs. Il faut donc faire des hypothèses, des postulats très audacieux pour mesurer un écart fiscal. Il s'agit d'une avenue intéressante, parsemée d'embûches encore une fois, mais vous n'avez pas à l'emprunter afin de trouver et de prendre des mesures, des actions appropriées pour mettre un terme au phénomène.
    Merci. Merci, Mme Nash.
    Nous passerons à M. Van Kesteren, s'il vous plaît.
    Merci, M. le président.
    Merci à tous de votre présence. Il s'agit d'un débat très intéressant.
    Si je venais d'arriver, j'aurais l'impression que nous sommes devant un énorme problème mondial de fraude des entreprises à l'égard des gouvernements. Un de nos témoins a estimé la semaine dernière qu'il s'agissait au Canada d'un montant allant de cinq à sept milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent bien sûr, mais si nous comparons ce montant à notre budget global, ou à quelque chose comme les ventes de tabac, par exemple, un revenu que nous avons perdu en grande partie en raison du prix élevé du tabac ou de la taxation élevée, c'est à peu près du même ordre. Je crois que les ventes de tabac s'élèvent à environ quatre milliards de dollars.
    Je veux garder ce comité sur la bonne voie et je veux m'assurer que, en tant que comité en général, nous conservons le sens de la proportion des choses. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas ou ne devrions pas coïncer les fraudeurs du fisc, et je crois que plusieurs d'entre vous l'ont dit très clairement, mais je me demande...
    Je suppose que je veux poser ma première question à M. Saint-Amans. Du point de vue de l'OCAE, tout d'abord, existe-t-il une estimation des impôts perdus à l'échelle mondiale en raison de l'évasion fiscale? A-t-on effectué des études pour établir quels pays étaient les plus efficaces? Enfin, a-t-on mené des études pour vérifier s'il existait une corrélation entre ce phénomène et ce qui se produit quand on hausse les impôts?
    Dans notre pays, nous avons diminué l'impôt des entreprises et je crois que la plupart des entreprises, et encore là certains des témoignages que nous avons entendus le confirment, comprennent qu'elles doivent payer de l'impôt. Y a-t-il une corrélation entre le fait que les pays haussent leurs impôts et le fait que les gens fraudent davantage?
    Tout d'abord, à l'OCAE.
    C'est l'OCDE.
    Oui, l'OCDE.
    M. Saint-Amans, s'il vous plaît. Pouvez-vous répondre à cela?
    Merci beaucoup pour ces questions. Tout d'abord, nous n'avons pas d'estimations. La seule estimation dont nous disposons est fondée sur des microdonnées. Nous avons signalé dans notre rapport au G-20 l'an dernier que les progrès au plan de la transparence avaient rapporté 15 milliards d'euros au cours des trois dernières années à certains pays du G-20. Il ne s'agit pas d'une estimation approximative parce qu'elle provient des agences, mais c'est assez modeste bien sûr par rapport aux chiffres qu'on peut trouver ici et là. Comme vous l'avez dit, ce qui sous-tend tout ça, ce n'est pas seulement l'argent perçu, mais l'équité dont fait montre le système fiscal. Si certains peuvent se cacher sans courir aucun risque et éviter ou frauder l'impôt, cela a alors une incidence sur le degré d'observation dans le pays. Il est question d'équité et d'amenuisement de la confiance à l'égard de l'équité du système fiscal.
    Enfin, y a-t-il des preuves de corrélation entre la hausse des taux d'imposition ou l'assiette fiscale et l'évasion fiscale? La réponse est non. Il n'y en a aucune, à l'exception de preuves empiriques peut-être du côté de l'impôt indirect, sur la TVA. Il est généralement reconnu, quoique je ne peux pas citer une étude en particulier, qu'un taux de TVA de 22, 23 ou 24 % a une incidence massive sur la rectitude fiscale. Manifestement, plus on en demande au contribuable, plus il est susceptible de chercher à se soustraire à l'impôt. Il faut mettre cela en contexte avec l'efficience du gouvernement et de ce qu'on obtient en échange de l'impôt versé. C'est ainsi qu'on peut expliquer que le degré d'observation dans certains pays ou l'impôt est élevé, dans les pays nordiques d'Europe par exemple, est beaucoup plus grand que dans d'autres pays où le niveau d'imposition est plus bas.
(0935)
    J'aurai simplement une question rapide alors. Nous avons baissé l'impôt des entreprises. Nous avons aussi embauché plus d'inspecteurs pour effectuer le travail requis. D'après vous, est-ce qu'il s'agit des deux meilleurs choses à faire en tant que pays pour lutter contre ce problème?
    Ce dont je peux parler, c'est de la tendance, et la tendance est effectivement de baisser le taux d'imposition des entreprises. C'est aussi une recommandation de l'OCDE. Afin de stimuler l'investissement, vous devez conserver des taux raisonnablement bas d'imposition des entreprises, mais il faut également veiller à la perception des impôts. C'est pourquoi nous, les pays membres de l'OCDE, avons lancé cette initiative. Le Royaume-Uni, avec l'appui de l'Allemagne, de la France, du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de plusieurs autres pays de l'OCDE, mène le projet de lutte contre la double non-imposition parce que nous craignons que cela menace l'existence même de l'impôt sur le revenu des entreprises et que cela crée une distorsion entre sociétés nationales et sociétés internationales. Il est préférable d'avoir des taux d'imposition bas et de s'assurer que le taux d'imposition réel est comparable à celui prévu par la loi.
    Merci, M. Van Kesteren.
    Nous passons à M. Brison, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, M. le président. Merci à chacun de vous de s'être joint à nous aujourd'hui.
    Plus tôt dans la journée, on a mentionné le rapport de The Economist intitulé Tax havens: The missing $20 trillion. Ce rapport contient un article intéressant intitulé The OFCs’ economic role: The good, the bad and the Ugland. Havens serve clean as well as dirty money. J'apprécie vos conseils à ce propos parce que les investissements à l'étranger du Canada sont une importante source d'influence économique et politique pour notre pays et il est vraiment important que nous, à titre de législateurs, comprenions comment faire la différence entre, par exemple, les transactions qui visent à atteindre la neutralité fiscale et celles qui visent la fraude fiscale.
    Votre Excellence, les investissements dans des endroits tels que le Costa Rica, l'Amérique latine et les Caraïbes sont très importants pour le développement, la diversification et la croissance de ces économies.
    En décembre 2011, la Chine a investi 900 millions de dollars dans la modernisation d'une seule raffinerie de pétrole. On assiste à une croissance des investissements chinois à travers l'Amérique latine et les Caraïbes dans plusieurs de ces pays réputés être des centres financiers extraterritoriaux. Il est important que nous puissions distinguer ce qui est un investissement canadien légitime effectué pour les bonnes raisons, c.-à-d. développer une économie et constituer un bon placement pour les investisseurs canadiens, et ne pas y nuire ou créer des obstacles qui pourraient effectivement réduire notre influence et notre rôle dans ces économies en développement très importantes, laissant peut-être la place à d'autres investisseurs qui pourraient être moins transparents que les nôtres en fin de compte. Je mentionne les Chinois comme faisant possiblement partie de cette catégorie.
    Votre Excellence.
(0940)
    Personnellement, je crois que l'un des outils à ma disposition pour mesurer l'efficacité des investissements étrangers, c'est combien d'emplois, de nouveaux emplois, ils génèrent dans l'économie. C'est peut-être une des raisons d'investir, parce que votre pays comme le mien font de leur mieux pour faire croître l'économie, pas seulement pour l'économie mais aussi pour créer plus d'emplois. Donc, et c'est peut-être davantage mon opinion personnelle, ma réponse est que je me sens rassuré si je peux mesurer l'efficacité de ces activités par le nombre de nouveaux emplois que créent ces investissements.
    Mais, plus particulièrement, comment pouvons-nous faire la distinction entre un investissement légitime, même s'il est conçu pour obtenir une neutralité fiscale dans un centre financier extraterritorial, et un investissement frauduleux à la base?
    Comment faire la distinction? Parce que je crois qu'il s'agit d'une question très importante pour déterminer nos orientations futures.
    C'est une question très importante et je crois qu'elle se résume en fait à toute la question de la transparence et de la divulgation de l'information. Il faut penser aux incidences du déploiement de ces stratégies mondiales sur l'activité économique réelle; j'ai étudié ces incidences sur le Canada dans les travaux que j'ai menés. Les faits démontrent clairement que, lorsque des multinationales canadiennes se servent de ces juridictions étrangères pour déployer des stratégies mondiale, les incidences sur le Canada sont positives.
    Pour en venir directement à votre question, il s'agit d'une distinction très difficile à effectuer. La question est de savoir si les incidences favorables seront les mêmes dans un contexte où la transparence est réduite et dans un contexte où règne plus de transparence, etc. Les faits tendent à indiquer que, dans un contexte de transparence accrue, la motivation est d'utiliser ces centre financiers extraterritoriaux à des fins légitimes de déploiement de stratégies internationales.
    Alors est-ce que le FATCA est ce qu'il y a de mieux en ce qui a trait à.... Sans vouloir faire du mieux l'ennemi du bien, est-ce là-dessus que nous devrions porter nos efforts? Est-ce la meilleure façon?
    Vous avez 30 secondes.
    Je crois que les États-Unis sont dans une position particulière parce que l'imposition se fait en fonction de la citoyenneté. Un citoyen des É.-U. vivant aux Bahamas doit quand même remplir une déclaration de revenus aux É.-U. Le Canada impose la même obligation.
    Le problème avec le FATCA, c'est qu'il s'agit essentiellement d'une application extraterritoriale des lois des États-Unis. En d'autres mots, le Canada laisse les É.-U. obtenir de l'information sur un résident canadien directement des institutions financières canadiennes. Mais, à part cela, il faudrait un FATCA multilatéral afin d'y arriver et d'obtenir les résultats et l'information dont le gouvernement aurait besoin pour agir—
    Le G-20 pourrait y jouer un rôle.
    Oui, mais la situation deviendrait ingérable. Même si vous promulguez un FATCA pour le G-20, il peut y avoir hors du G-20 un 21e ou un 23e pays qui ne se conformerait pas au FATCA. Certaines institutions financières ne se conforment probablement pas au FATCA parce qu'elles n'ont pas l'intention de mener des activités aux É.-U.
    Les banques canadiennes font des affaires aux États-Unis et la pénalité en cas d'inobservation du FATCA est grave.
    D'accord, merci.
    Merci, M. Brison.
     M. Wallace, s'il vous plaît.
    Merci, M. le président. Il me fait plaisir d'être de retour au Comité permanent des finances. J'ai un peu une impression de déjà vu, parce que je me rappelle que le comité, lorsque j'y siégeais avant les dernières élections, étudiait déjà les programmes d'évasion fiscale. Je trouve intéressant que le comité les étudie encore, mais peu importe, j'apprécie les exposés d'aujourd'hui.
    J'ai quelques questions. Je commencerai par notre ami l'avocat. Il s'agit d'une question que j'ai posée précédemment. À mon sens, lorsqu'on parle d'évitement fiscal, on parle d'acheter un REER pour éviter techniquement de payer de l'impôt en le reportant au moment de la retraite. Je suis donc plus intéressé par ce qui a rapport avec l'évasion fiscale. Votre profession a toutefois été quelque peu critiquée par un professeur d'Oxford. À titre d'avocat-fiscaliste et de taxateur, quelles sont vos responsabilités réelles à l'endroit des Canadiens? Si quelqu'un se présente à votre bureau et vous dit « Nous aimerions faire cela », quelle est votre responsabilité légale en ce qui a trait aux conseils que vous donnez à vos clients? Je ne veux pas de précisions, mais des généralités si vous le pouvez.
    Parmi les obligations que les avocats ont envers leurs clients, il y a tout d'abord et principalement celle de les défendre dans les litiges ou les affaires pénales. Nous avons l'obligation d'être francs envers nos clients et de leur fournir des conseils juridiques; en d'autres mots d'interpréter la loi, par exemple.
    Les avocats ont un devoir moral à l'égard de l'État; nous avons des obligations relativement aux tribunaux. Nous sommes réputés être des officiers de justice. Nous ne pouvons pas induire en erreur un tribunal ou un juge. C'est essentiellement notre obligation à l'égard de l'État.
    Cependant, le privilège du secret professionnel et la confidentialité empêcheraient l'avocat de signaler à l'ARC un client venu au bureau. Nous ne pouvons manifestement pas conseiller un client sur la manière d'enfreindre la loi; nous devons dire au client « Ceci est la loi ». Mais je n'ai pas l'obligation à l'égard de l'État de m'assurer que le client remplit sa déclaration d'impôt ou déclare ses revenus.
    C'est la même chose lorsque quelqu'un demande si on peut boire et conduire. Je peux dire aux gens quelles sont les pénalités prévues pour la conduite en état d'ébriété et je peux leur déconseiller de le faire, mais je ne peux pas empêcher quelqu'un de conduire après avoir bu.
    C'est pareil pour l'évitement fiscal. Je peux légitimement concevoir un plan pour un client et conseiller le client en ce qui a trait à la légalité du plan, mais je ne peux pas contribuer à une fraude ou à une évasion fiscale ou me laisser duper par un client.
(0945)
    Le professeur a mentionné les réponses à une étude effectuée en Australie, je crois, qui avait été envoyée à plusieurs cabinets d'avocats; êtes-vous surpris par les réponses obtenues, c'est-à-dire que l'était payé davantage si on restait muet, etc.?
    D'emblée, je me suis rappelé cette scène de la seconde partie de la pièce Henry VI , de Shakespeare, où Dick le boucher dit à Smith le tisserand que s'il était roi, il tuerait tous les avocats. Ma réaction initiale a été de penser que l'on dit toujours: « Blâmez les avocats ».
    Des voix: Oh, oh!
    M. Robert Kepes: La pièce s'est un peu réchauffée.
    Cela ne m'étonne pas, car il existe un dilemme existentiel entre un système d'autodéclaration et un système d'autocotisation, et il y a une économie de marché et de la concurrence entre les cabinets d'avocats et de comptables pour attirer et retenir les clients.
    Le fait est que si ces cabinets d'avocats enfreignent une loi sur l'éthique ou aident un client à commettre une fraude fiscale, cela constitue un crime en soi, sur lequel je ne fermerais certainement pas les yeux.
    Je ne suis pas étonné qu'il y ait un concours de beauté parmi les avocats ou les firmes comptables multinationales afin d'offrir aux clients les structures les plus fiscalement avantageuses. Ce n'est qu'une fonction de l'économie de marché et de la concurrence parmi ces firmes.
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    Je voudrais demander à M. Hejazi ou à M. Collier, d'Oxford — vous êtes de deux écoles très réputées et reconnues dans le monde —, s'il serait juste de dire, d'après vos deux exposés, que vous n'êtes pas du même avis, en tant que professeurs?
    Si je me trompe, dites-le moi, mais si j'ai raison, qu'est-ce qui est différent, selon vous?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît.
    Nous examinons cette question de points de vue différents. Le principe de Starbucks est que c'est attrayant, et tout à coup on parle d'équité fiscale.
    Dans la recherche dont je parle, je crois que cela peut s'appliquer à n'importe quel pays de l'OCDE, mais quand une entreprise canadienne adopte une stratégie mondiale par l'entremise d'un pays comme la Barbade, cela fait augmenter l'assiette fiscale au Canada. Le simple fait qu'une entreprise canadienne peut rapatrier au Canada, à l'abri de l'impôt, ses revenus générés à l'étranger ne signifie pas qu'il n'y a aucune incidence fiscale. Quand l'une de nos institutions financières exerce des activités en Amérique latine ou en Asie et que les fonds sont rapatriés via la Barbade, les dividendes sont tout à coup plus élevés, les fonctions liées au siège social au Canada sont supérieures — l'assiette fiscale est beaucoup plus importante.
    La plupart des gens qui parlent de l'exemple de Starbucks ont une perspective très étroite de la question et ne la considèrent pas dans son ensemble.
    Merci.
    Merci, monsieur Wallace.

[Français]

    Monsieur Caron, vous avez la parole.
    Je vous remercie tous de vos présentations. Ce sujet est très intéressant, mais très complexe.
    Ma première question s'adresse à M. Saint-Amans.
    Lors de votre présentation, vous avez mentionné qu'un élément primordial en ce qui a trait à l'évitement fiscal, l'évasion fiscale et les paradis fiscaux était la question de la transparence. Cependant, quand des mesures comme la Foreign Account Tax Compliance Act ou encore d'autres mesures de mécanismes automatiques d'échange d'information sont mentionnées, de nombreux cris s'élèvent car on dit qu'il s'agit là d'une intrusion dans la vie privée.
    Selon vous, où établit-on la barrière entre le besoin de transparence et le besoin de protéger la vie privée?
(0950)

[Traduction]

    Monsieur Saint-Amans?
    Je vous remercie de cette question. Encore une fois, pardonnez-moi de répondre en anglais, mais j'ai entendu la question en anglais grâce à l'interprétation.
    J'ai quelques observations à formuler. Nous avons fait des progrès considérables en ce qui a trait à une meilleure transparence grâce à l'échange de renseignements sur demande, qui protège très bien la vie privée et la confidentialité, puisque l'une des conditions pour échanger des renseignements est de s'assurer que la confidentialité sera protégée par la partie requérante.
    Contrairement à ce qu'a indiqué M. Colier, l'échange de renseignements sur demande fonctionne. Les preuves l'indiquent. Je suis ici en Malaisie pour en évaluer l'efficacité, et nous avons publié des rapports à ce chapitre. Les preuves sont là.
    Pour ce qui est des autres formes d'échange de renseignements, comme l'échange automatique de renseignements — et c'est ce que prévoit la FATCA —, les États-Unis ont pu convaincre des dizaines de pays d'accepter un échange automatique de renseignements avec eux, ou quelque chose d'équivalent. Il est à noter que le G20 s'oriente actuellement dans cette direction.
    Au sein de l'OCDE, nous nous employons à élaborer une plateforme afin de faciliter l'échange automatique de renseignements entre les pays. L'un des défis consiste à nous assurer qu'un pays qui reçoit automatiquement des renseignements respectera la confidentialité de ces renseignements. Nous travaillons à établir des normes afin de pouvoir vérifier la capacité d'un pays de respecter cette confidentialité.
    Mais la vie privée est respectée. L'échange de renseignements se limite à des fins fiscales, et les renseignements demeureront au sein de l'administration fiscale — ou bien ils pourraient être envoyés, si les deux pays sont d'accord, à d'autres organismes d'application, mais sans être divulgués publiquement.

[Français]

    J'aimerais m'assurer que j'ai bien compris. Selon vous, un mécanisme, une philosophie ou une direction comme celle de la Foreign Account Tax Compliance Act est acceptable à la condition que ce ne soit pas unilatéral mais que ce soit multilatéral comme, par exemple, dans le cadre du G20. Est-ce exact?

[Traduction]

    La FATCA est une mesure législative unilatérale qui a été mise en oeuvre en grande partie dans le cadre d'accords bilatéraux. Lorsqu'un pays veut négocier un accord avec les États-Unis, cet accord peut être réciproque ou non réciproque. En ce qui concerne la question de la confidentialité, lorsqu'on choisit l'échange automatique de renseignements, il est fortement recommandé de s'assurer que le partenaire qui recevra automatiquement les renseignements sera en mesure de les protéger.

[Français]

    J'ai une question brève à poser. J'aimerais obtenir une réponse brève de la part de M. Saint-Amans, de M. Hejazi et de M. Vaillancourt.
     C'est notre quatrième et dernière rencontre sur la question des paradis fiscaux, de l'évasion fiscale, de la planification agressive et également des prix de transfert. Ce sont des questions importantes et complexes. Pourtant, on n'aura qu'un seul rapport au terme de quatre rencontres. Pensez-vous que le comité devrait étudier chacun de ces éléments de façon séparée et rédiger des rapports distincts sur ces questions?

[Traduction]

    Cette question s'adresse à...?

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Saint-Amans, M. Hejazi et M. Vaillancourt. Je voudrais une réponse brève.
    D'accord.
    Monsieur Saint-Amans, vous avez la parole.

[Traduction]

    La question du prix de transfert est différente de celle de la transparence.
    La transparence peut aider à améliorer la mise en oeuvre des règles relatives au prix de transfert, car si des entreprises effectuent des transactions avec un pays opaque, on peut perdre la trace de la transaction et ne pas avoir de transactions comparables; par conséquent, on ne sera pas en mesure d'appliquer le prix de transfert.
    Le prix de transfert soulève une question beaucoup plus vaste, à savoir comment établir le prix et déterminer le profit dans un pays où il n'y a pas de présence physique ni d'activité réelle. On en parle dans le rapport sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices dont j'ai parlé.
    Notre temps est écoulé.
    Vous pouvez peut-être ajouter un commentaire très bref, monsieur...

[Français]

    Je suis tout à fait d'accord avec M. Caron. La question des transferts de prix est une question fondamentale. C'est probablement là où les montants sont les plus élevés et les plus considérables. Ce n'est pas une question abordée très souvent. Ne serait-ce que pour cette question, le rapport sera tout à fait valable.
(0955)

[Traduction]

    Monsieur Hejazi, avez-vous quelque chose à ajouter, rapidement?
    Pour respecter le temps du comité, je m'en tiendrai à cela.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Hoback.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d'être avec nous ce matin.
    Monsieur Saint-Amans, vos observations au sujet des études sont très intéressantes. Je suis d'accord avec vous à bien des égards. Je suis producteur de grains. Quand je vais examiner mon champ, en août, j'aimerais bien savoir quelle quantité de blé s'y trouve. Mais je vais consacrer mon temps et mes efforts à la récolte plutôt qu'à l'étude de mon champ.
    Je crois qu'il est très important que nous reconnaissions que la meilleure chose à faire, comme vous l'avez dit, c'est de continuer l'imposition et de poursuivre ceux qui commettent des fraudes fiscales, au lieu de consacrer trop d'efforts à tenter de cerner la nature du problème. Les deux sont importants, mais je pense que celui qui l'est davantage, c'est d'obtenir des résultats.
    Êtes-vous d'accord sur ce point, monsieur Saint-Amans?
    Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut commencer par une mise en oeuvre et une application adéquates de la loi. Nous entretenons des rapports très étroits avec l'ARC, l'Agence du revenu du Canada, qui participe au forum sur l'administration fiscale où les commissaires fiscaux discutent des pratiques exemplaires et de la meilleure façon de mettre en oeuvre et d'appliquer la loi.
    Tout commence par la conformité, qui nécessite de bons services de vérification et de bonnes mesures d'application. Mais cela n'empêche pas les gouvernements de cerner les problèmes. L'évitement fiscal peut créer des problèmes et, bien sûr, on doit en déterminer les causes. Si une chose est légale, mais qu'on ne l'aime pas, que doit-on faire? On doit changer les règles. Quand on a des mélanges hybrides, par exemple, on bénéficie dans un pays d'une admissibilité qui s'ajoute à celle accordée dans un autre pays, ce qui se traduit par une double exonération. Ce n'est pas voulu. C'est un problème qui déplaît, car c'est une perte de revenu; il faudra alors prendre des mesures. C'est aussi ce que nous faisons.
    Très bien.
    Je vais profiter de la présence de l’ambassadeur Delgado, car je sais que le Canada vient de conclure un accord d’échange de renseignements fiscaux avec le Costa Rica, en août dernier, je crois. Vous avez des accords fiscaux avec d’autres pays. Comment les trouvez-vous? Comment sont-ils mis en oeuvre au Costa Rica? À quels défis êtes-vous confrontés en tant qu’économie moyenne? Que pourrions-nous faire pour vous aider à respecter ou à faciliter ces accords?
    Peut-être que ce que nous cherchons, c’est une plus grande coopération entre des pays comme le Canada et le nôtre, car en ce sens, si nous améliorons les mécanismes dans les deux pays, je suis sûr que nous pourrons réduire les intentions exprimées par ces intérêts financiers de déménager ailleurs… Ils voudront peut-être encore déménager, mais selon moi, si nous travaillons ensemble, s’il y a davantage de transparence entre les pays, je suis sûr que ces conséquences seront réduites à long terme.
    Les accords d’échange de renseignements que vous avez conclus avec le Canada et les États-Unis, par exemple, fonctionnent-ils tous de façon assez semblable?
    Oui, ils sont très semblables.
    À quels obstacles sont confrontés les pays développés pouvant être considérés comme des paradis fiscaux ou des lieux propices à l’évasion fiscale — l’évitement fiscal est un tout autre sujet, mais nous parlons ici de l’évasion fiscale —, selon vous? Les petits pays développés ont-ils la capacité de lutter contre ce type de problème et les compétences techniques pour le faire?
    Je vous demande pardon?
    Dans les petits pays qui ont une économie de petite taille et qui sont considérés comme des paradis fiscaux ou des endroits propices à l’évasion fiscale, peut-on même compter sur les ressources nécessaires pour lutter contre ce type de problème?
    Peut-être. Ce que nous cherchons à faire, évidemment, c’est inciter ces intérêts à venir dans notre pays afin de réduire les asymétries entre les économies. En ce sens, nous pouvons utiliser ces ressources dans les secteurs appropriés; vous savez lesquels — matériels médicaux, industries de haute technologie. Ces industries jouent un rôle très important dans notre économie.
(1000)
    Je crois que je vais m’arrêter là, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Hoback.
     Nous allons poursuivre.
     Monsieur Côté, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être présents parmi nous et d'être disponibles pour répondre à nos questions. Ma première question va s'adresser à Son Excellence.
    Je vous remercie de venir nous présenter la situation au Costa Rica. Ma question porte sur les démarches entreprises par le Parlement du Costa Rica.
    Il y a quelques années, l'OCDE établissait que le Costa Rica faisait partie des pays qui maintenaient un secret bancaire très important. Il était même question que dans le cas de la violation de ce secret bancaire, la peine de mort pouvait éventuellement s'appliquer. Parmi les mesures qui ont été prises, est-ce que celle d'une éventuelle application de la peine de mort a été abandonnée et est-ce que le code criminel a été modifié? À moins que mes informations ne soient incorrectes.

[Traduction]

    Je n’ai pas très bien compris la question.

[Français]

    Il y a quelques années, un employé qui violait le secret bancaire dans votre pays était susceptible de subir la peine capitale.
    Est-ce que cela fait partie des mesures qui ont été changées, en plus de ce qui a été adopté par le Parlement?

[Traduction]

    Je ne suis pas au courant de cette situation.

[Français]

    D'accord. Je vous remercie.
    Monsieur Saint-Amans, dans le cadre d'une séance de ce comité, des élus américains ont dit qu'étant donné que le Canada a beaucoup baissé les impôts des entreprises, ce dernier était devenu une sorte de paradis fiscal. Évidemment, c'est leur interprétation.
    Quant au chantier que l'OCDE entreprend en vue de mettre sur pied une collaboration multilatérale pour contrer le phénomène, pensez-vous que c'est inquiétant en termes de collaboration compte tenu que des négociations multilatérales ont échoué à divers égards?

[Traduction]

    Monsieur Saint-Amans, s’il vous plaît.
    Avant de répondre à votre question, je dirai que le Costa Rica n’a pas voté cette loi. Je n’étais pas au courant. Le Costa Rica respecte entièrement toutes les normes, maintenant, et il a évidemment mis un terme au secret bancaire; il n’y a donc pas de peine de mort pour cela. Je ne suis même pas certain que la peine de mort existe en général au Costa Rica.
     Cela dit, il est clair que le Canada n’est pas du tout un paradis fiscal. Au contraire, le Canada tente d’améliorer sa compétitivité, ce qui constitue une bonne politique, selon moi, tout en s’assurant que les entreprises et les particuliers respectent les lois. Le Canada appuie également le travail que nous faisons pour améliorer les normes, afin que les impôts sur les bénéfices soient payés lorsque les bénéfices s’accumulent.

[Français]

    Le président m'indique qu'il me reste une minute.
    Monsieur Kepes, vous avez dit que la loi devait être appliquée très clairement. De toute manière, cette interprétation émane des tribunaux étant donné que la législation fiscale ne prévoit pas le critère de l'objet et de l'esprit.
    Je pense que vous avez eu l'occasion d'étudier l'affaire Antle, c'est-à-dire le cas d'un couple canadien qui avait établi une stratégie d'évitement fiscal à l'aide d'une fiducie à la Barbade. Dans ce cas, la cour a conclu que leur stratagème était très loin de l'esprit de la loi.
    Voulez-vous formuler des commentaires à ce sujet?
(1005)

[Traduction]

    Je pense qu’il y a une différence fondamentale entre l’objet et l’esprit ou l’intention de la loi dont parle l’Agence du revenu du Canada et la lettre de la loi. Le Canada a mis en vigueur ce que l’on appelle la règle générale anti-évitement.
     Je suis au courant du cas dont vous parlez. Cette situation mettait en cause une personne qui voulait créer une fiducie résidante à l’étranger à la Barbade. Cette affaire a introduit un tout nouveau concept dans le droit fiscal canadien, à savoir qu’une société est résidante soit là où elle est incorporée, soit là où se situe son centre de direction et de gestion. Dans l’affaire Garron, on a décidé qu’une fiducie peut être résidante là où se situe son centre de direction et de gestion. Je ne crois pas que le tribunal ait examiné l’objet et l’esprit de la loi. Je pense que l’on a pris un concept en vertu de la loi sur l’impôt des sociétés et qu’on l’a appliqué à une fiducie.
     Le Canada a mis en vigueur la règle générale anti-évitement selon laquelle une transaction peut être qualifiée différemment par le ministre du Revenu national afin d’obtenir un résultat fiscal justifié dans les circonstances si la transaction d’évitement entraînait un abus dans l'application des dispositions de la loi. La RGAÉ date probablement de 10 ou 15 ans, et certains cas actuellement devant la Cour suprême se penchent précisément sur la définition d’abus.
    Très bien, merci.
     Merci, monsieur Côté.
     Votre Excellence, je crois comprendre que vous avez une très brève réponse pour M. Côté.
    Oui. Je suis désolé de la réponse, mais chez nous, la peine a été abolie en 1870, alors…

[Français]

    Très bien.

[Traduction]

    C’est de l’argent que vous pouvez mettre en banque.
    Je crois que c’est très clair. Merci.
     Monsieur Jean, vous avez maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence aujourd’hui.
     Monsieur Hejazi, la dernière fois que vous êtes venu, il y a peut-être trois ans, pour témoigner au sujet des paradis fiscaux, vous avez notamment recommandé que le Canada continue à réduire son taux d’imposition des sociétés. Maintenant, selon le magazine Forbes, le Canada est le meilleur pays au monde pour faire des affaires et figure au huitième rang des pays dont les impôts des sociétés sont les plus bas dans le monde.
     Êtes-vous satisfait des mesures qu’a prises le gouvernement du Canada relativement à l’impôt des sociétés?
    Tout à fait.
    Par rapport à ce qui a été mentionné plus tôt au sujet de mesurer le produit total de la fraude fiscale — je ne suis pas producteur de grains, mais je pratique la pêche —, c’est un peu comme aller à la pêche et vous dire ce que je vais attraper avant de lancer ma ligne à l’eau. N’êtes-vous pas d’accord?
    Oui. Je pense que vous pourriez en arriver à quelque chose de mieux que de simples suppositions.
    Exactement. En fait, bien des méthodes donneraient un résultat plus précis, mais en vérité, il nous faut être plus précis dans la façon dont nous la combattons et espérer trouver une solution en ce qui concerne le montant global. Pourrions-nous dire cela?
    Absolument. Je crains beaucoup qu’en réponse à des histoires comme celle de Starbucks, entre autres, on mette en place une politique trop agressive pour régler ces problèmes et qu’elle ne tienne pas compte de l’ensemble des avantages que peuvent apporter les centres financiers extraterritoriaux pour un pays comme le Canada, à mesure que nous continuons de prendre de l’expansion à l’étranger.
    Elle pourrait donc nous nuire?
    Je pense en effet que cela pourrait nous causer du tort.
    Donc, nous devons être prudents quant à savoir où l'on établit la limite sur le terrain.
    Oui. Il y a une étude du ministère des Affaires étrangères qui porte sur la présence du Canada dans les économies du BRIC, dans ces marchés émergents, et elle démontre que nous accusons un retard par rapport à d'autres pays de l'OCDE quant à notre pénétration de ces autres marchés. Sur le plan économique, nous sommes trop liés aux États-Unis, à l'Europe et au Japon, et c'est pourquoi Mark Carney a vivement critiqué les entreprises canadiennes; il veut que nous soyons plus présents sur la scène internationale.
    Mes recherches démontrent qu'avoir recours à ces centres financiers à l'étranger nous permet de compenser les risques associés à la pénétration de ces marchés peu familiers.
(1010)
    Très bien.
    Certaines personnes ont dit que l'ARC est incapable de traiter les cas complexes à l'étranger. Je sais qu'en Grande-Bretagne, pour traiter ces dossiers, on a établi un groupe de travail pour une unité chargée des particuliers à valeur nette élevée. En Australie, on a créé des unités pour s'occuper des cas d'évitement fiscal à l'étranger. À votre avis, est-ce quelque chose que le Canada devrait faire, une chose pour laquelle le gouvernement devrait aller de l'avant?
    Je ne veux pas m'aventurer hors de mon champ de recherche, mais de façon précise, tout revenu de sources au Canada devrait être assujetti à l'impôt canadien. Et quiconque utilise n'importe laquelle de ces méthodes pour éviter de payer l'impôt exigible en vertu de la loi au Canada commet une évasion fiscale et devrait être poursuivi.
    Les centres financiers à l'étranger ne devraient pas être utilisés pour mettre à l'abri de l'impôt des revenus gagnés de façon légitime au Canada, qui devraient être assujettis à l'impôt canadien, en toute légitimité. Donc, s'il s'agit d'une entreprise canadienne qui gagne un revenu, elle devrait payer les impôts exigibles en vertu de la loi. Si quelqu'un passe par un centre à l'étranger pour cacher ce fait, cela va trop loin, à mon avis.
    Mais c'est alors que cela devient très compliqué. La question à laquelle je n'ai pas répondu plus tôt était liée au prix de transfert. Le problème, à mon avis, c'est lorsqu'on a affaire à des stratégies d'établissement du prix de transfert très agressives qui permettent aux entreprises de déplacer les profits d'un pays à un autre. Je ne crois pas que le problème est lié aux centres financiers à l'étranger.
    En fait, c'était ma prochaine question. Si on laisse entendre que c'est trop complexe, ne serait-il pas mieux de simplifier le processus lui-même et de faire en sorte que des pays comme les États-Unis et d'autres puissances financières importantes conviennent d'adopter une autre méthode d'imposition?
    Sans trop m'avancer, puisque vous abordez un aspect sur lequel je n'ai pas fait de recherches officielles lorsque je parle du prix de transfert, j'aurais tendance à être d'accord avec vous.
    Vous avez une minute.
    Monsieur Kepes, diriez-vous qu'il serait avantageux pour le Canada d'emprunter cette voie? Entretemps, nous allons de l'avant et nous négocions des accords, nous avons été plutôt dynamiques dans le cadre de ces accords bilatéraux avec d'autres pays et nous continuerons en ce sens. Serait-il à notre avantage d'étudier d'autres options de façon à mettre en place un ensemble de variables plus simples et moins complexes qui pourraient mener à une plus grande efficacité et à une réduction des passe-droits?
    En réalité, l'Agence du revenu du Canada peut avoir recours à bon nombre de lois et de règlements pour les informations dont elle a besoin. S'il y a une transaction qui passe par la Barbade ou l'Irlande — peu importe —, le Canada a un traité de double imposition, il existe des lois sur l'échange de renseignements et le traité comporte des dispositions pour l'obtention de ces renseignements. Ce qui me préoccupe, je dirais — et c'est mon gagne-pain — que c'est que je ne vois tout simplement pas, sur le terrain, les résultats ou les efforts par rapport à l'évasion fiscale. Je sais que l'Agence du revenu du Canada a augmenté le nombre de vérificateurs, par exemple, dans sa division qui s'occupe de l'évitement fiscal, qui compte des centaines de vérificateurs. L'ARC a des centres d'excellence pour l'examen des transactions internationales. Toutefois, je ne sais pas si cela se concrétise au sein de ce qu'on appelle la direction des enquêtes spéciales ou la direction de l'exécution de la loi de l'Agence du revenu du Canada. C'est son service de police interne.
    Par rapport aux années précédentes, nous avons observé une augmentation considérable, une hausse par trois des sommes d'argent que nous avons découvertes ces six dernières années.
    C'est vrai, et sur le site Web de l'Agence du revenu du Canada, il y a une page sur les condamnations, où l'on trouve des données sur les condamnations pour les trois derniers mois. Il s'agit peut-être d'un aspect sur lequel le comité devrait obtenir des informations par rapport aux renvois qui proviennent de la GRC, du CANAFE ou même, sur la page des condamnations de l'ARC, quant à savoir combien de cas sont liés à l'étranger...
    Le problème est peut-être — qu'il s'agisse d'une question de ressources, de formation ou de simple volonté — qu'il est plus facile de s'occuper des cas simples plutôt qu'aux transactions complexes liées à l'évasion fiscale internationale. C'est simplement qu'ils sont très difficiles à trouver. Je compatis avec le comité et aussi avec l'ARC, pour être honnête. Ce n'est pas comparable à une situation où l'on trouve un corps dans une pièce et où il suffit de faire une analyse médico-légale pour savoir qu'un crime a été commis. Par définition, l'évasion fiscale est une supercherie.
    Merci.
    Merci, monsieur Jean.
    Nous passons maintenant à M. Rankin. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui ont comparu.
    Mes questions s'adresseront essentiellement à M. Collier et à M. Kepes; je vais parler un peu plus du prix de transfert.
    Monsieur Collier, vous avez parlé des multinationales qui font des profits sur des activités de bénévolat, si j'ai bien compris. Le magazine The Economist, que vous nous avez recommandé, traite longuement de possibles réformes liées à la manipulation des prix de transfert, et offre deux solutions. La première est ce qu'on appelle l'imposition unitaire, qui viserait à ce que les activités soient assujetties à l'impôt à l'endroit où elles ont lieu, dit-on, et non à l'endroit où un conseiller fiscal les a transférés. Les sociétés produiraient une série de comptes sur leurs profits à l'échelle mondiale et c'est à ce moment-là que les impôts seraient perçus, dans le pays où les activités ont eu lieu. C'est une des idées proposées.
    La deuxième solution sur laquelle j'aimerais avoir votre opinion, c'est l'exigence selon laquelle les multinationales seraient tenues de divulguer le nom, l'emplacement, le rendement financier et les obligations fiscales de chacune de leurs filiales et d'indiquer le rôle joué par les paradis fiscaux.
    Pensez-vous que l'une ou l'autre de ces idées pourrait nous aider à régler la question de la manipulation des prix de transfert?
    J'aimerais d'abord avoir la réponse de M. Collier, puis celle de M. Kepes, s'il vous plaît.
(1015)
    Je pense que le point de départ est en effet la transparence de la présentation de rapports. Je pense que cela nous permettrait de faire de grands progrès.
    Permettez-moi de citer la profession comptable britannique, qui a récemment présenté un rapport à ce sujet. On a conclu qu’en fin de compte, la pratique exemplaire en matière d’application était la transparence, c’est-à-dire que les entreprises ont dû se placer dans une situation où elles pourraient défendre et justifier publiquement ce qu’elles avaient fait, et que si elles ne pouvaient pas le faire, cela signifiait alors qu’elles ne devraient probablement pas agir ainsi. Donc, si l’on étudie la transparence ou des rapports de la société indiquant une correspondance raisonnable entre la répartition des bénéfices déclarés et la répartition de l’activité économique légitime, c’est quelque chose que la transparence en soi pourrait permettre de contrôler.
    Si la transparence ne suffit pas, alors quelle est la solution de rechange? Essentiellement, ce serait un système qui aurait priorité sur l’entreprise quant au choix relatif à la répartition des profits dans divers pays et qui, en fin de compte, permettrait de répartir les profits en fonction d’un autre critère. Y parvenir est très difficile. Obtenir un accord en ce sens est très difficile.
    Là où vous pourriez parvenir à un accord, à mon avis — et c’est là que le G8 et le G-20 sont importants —, c’est en ce qui a trait à cette distinction entre la concurrence fiscale raisonnable entre le Canada et les États-Unis, par exemple, deux centres d’activités économiques réelles, et l’usage abusif des tables d’imposition, qui ne sont pas des normes liées aux activités économiques réelles, mais qui a pour résultat une imposition nulle. L’exonération mutuelle d’impôt est une situation que nous voulons très certainement éviter, tandis que la concurrence relative aux taux d’imposition entre les centres d’activités économiques légitimes est tout à fait légitime et, en fait, saine.
    Je pense que l’approche d'une imposition unitaire complète ne sera pas mise en oeuvre de sitôt. Cependant, je pense qu’il y a peut-être une solution intermédiaire qui, d’une part, permet d’avoir la transparence, permettant un certain contrôle et, d’autre part, en cas d’utilisation abusive flagrante — malgré la transparence —, les principaux centres d’activités économiques réelles auraient un accord selon lequel ils surveillent conjointement l’utilisation abusive du système, où l’on transfère les profits dans des endroits où il n’y a pas d’activités réelles.
    M. Murray Rankin: Merci.
    Il vous reste une minute; vous vouliez que M. Kepes...
    De plus, monsieur Kepes, si vous le pouvez, je sais qu'il y a eu l'an dernier un cas concernant le prix de transfert — le cas de GlaxoSmithKline — et je sais que cela a suscité des réactions. Pourriez-vous aborder ce sujet dans votre réponse?
    Vos questions sont excellentes. L’imposition unitaire nécessiterait une refonte exhaustive des fondements du système fiscal international. Je pense qu’il vaut la peine d’examiner la question, mais que ce serait difficile à mettre en oeuvre. À mon avis, pour pouvoir déterminer la répartition entre les pays plutôt que laisser à chaque pays s’en charger, il faudrait presque avoir une entité internationale de perception des taxes. La Californie a essayé de mettre en place quelque chose du genre pour la taxe de l’État, et permettez-moi de vous dire que cela a provoqué un tollé.
    En ce qui a trait au prix de transfert dans le cas de Glaxo, cette affaire représente deux choses. D’une part, ce fut une perte énorme pour l’Agence du revenu du Canada. D’autre part, cela a fourni aux entreprises canadiennes et aux multinationales une certaine certitude par rapport à la loi canadienne. C’est parce qu’essentiellement, la Cour suprême du Canada a décidé que le ministre du Revenu national ne doit pas compléter ou remplacer le motif d’ordre commercial d'un homme d’affaires pour justifier un prix de transfert ou pour conclure une transaction commerciale par celui de l’Agence du revenu du Canada.
    Autrement dit, le problème fondamental du cas Glaxo, c’est que le Zantac, son médicament contre les maux d’estomac, contenait un adjuvant qu’il était possible d’acheter auprès d’un fabricant de médicaments génériques pour le dixième du prix, disons. L’Agence du revenu du Canada a réévalué le dossier Glaxo et a déclaré que la juste valeur marchande doit être fixée au prix auquel le fabricant de médicaments génériques a vendu le produit. La société Glaxo s’est rendue jusqu’en Cour suprême, qui a déclaré que c’est faux, malgré le fait que le fabricant de médicaments génériques pourrait vendre un adjuvant au prix de 10 ¢ la livre. Le fait est que les sociétés liées de Glaxo ont apporté une valeur ajoutée supplémentaire par rapport à cet adjuvant, ce qui justifiait le prix fixé à la juste valeur marchande. Comme je l’ai dit, c’est une perte pour l’Agence du revenu du Canada, mais cela a fourni une certaine certitude sur la question des prix de transfert.
    En soi, le prix de transfert s’applique seulement aux transactions entre sociétés apparentées, comme, par exemple, une société mère canadienne ou une filiale canadienne d’une société mère américaine, habituellement. Il s’agit d’une décision sur le prix de transfert adéquat. Il y a des mécanismes entre le Canada et les États-Unis pour déterminer ce qui se passe si le Canada décide que le prix devrait être plus élevé et que les États-Unis sont d’avis que le prix devrait plutôt être plus élevé de leur côté. Il existe des mécanismes pour étudier ces questions.
(1020)
    Merci, monsieur Rankin.
    Nous passons à Mme Glover. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue aux témoins.
    Je pense que divers témoins nous en ont assez dit pour que nous puissions contester ce que M. Vaillancourt a proposé, c'est-à-dire de mettre fin à toute négociation liée aux AERF et de s'en tenir au financement d'études pour connaître l'écart fiscal. J'aimerais demander à M. Saint-Amans de nous dire ce qu'il en pense.
    Êtes-vous d'accord avec M. Vaillancourt lorsqu'il dit que nous devrions mettre fin aux négociations liées aux AERF, qu'on y trouve une panoplie d'échappatoires et qu'ils ne fonctionnent pas, de façon à nous en tenir au financement d'études pour connaître l'état fiscal?
    Nous avons élaboré un modèle d’accord d’échange de renseignements fiscaux. Nous sommes en train d’évaluer l’efficacité de l’accord d’échange de renseignements dans le cadre des AERF, par l’intermédiaire des DTC. Donc, nous sommes très favorables aux initiatives qui consistent à négocier des accords d’échange de renseignements fiscaux, au recours aux accords d’échange de renseignements fiscaux, parce que c’est bon d’en avoir un. Il est même préférable de l’utiliser pour afficher les demandes. Nous appuyons aussi les pays qui veulent aller encore plus loin, c’est-à-dire vers l’échange automatique d’information, pour une plus grande transparence.
    Monsieur Saint-Amans, quels sont les problèmes associés au passage à l’échange automatique d’information?
    Les problèmes sont d’abord liés aux pays qui refusent de passer à l’échange automatique d’information parce que certains sont prêts, et aujourd’hui tous sont prêts à conclure des accords d’échange de renseignements fiscaux ou des conventions fiscales. Le forum mondial s’occupe de ces questions; ainsi, si un pays refuse de le faire, on l'identifie, une recommandation est faite et le G20 en est informé. Mais l’échange automatique d’information n’est pas la norme. Ce n’est pas la norme de l’OCDE; son respect est donc volontaire.
    Le deuxième aspect de l’échange automatique d’information consiste à s’assurer de son bon fonctionnement. Là encore, l’OCDE fait beaucoup de travail pour faire en sorte que l’information que vous recevez permet une analyse adéquate et qu’elle correspond aux données réelles, parce qu’on peut avoir deux langues différentes et deux différents systèmes informatiques pour les prendre en charge. Voilà le genre de travail minutieux que nous menons actuellement.
    D'accord. Je vous remercie du travail que vous faites, car il nous aidera à élaborer quelques pratiques exemplaires.
    Je veux maintenant m'adresser à M. Kepes. Vous avez soulevé entre autres deux points aujourd'hui, dont un qui me plaît beaucoup, à savoir la suggestion 5 de votre document qui consiste à encourager la mise en oeuvre d'un programme de dénonciation. J'inciterais le comité à examiner sérieusement votre suggestion, que je trouve bonne. J'ai travaillé dans les services de police et, chaque fois que nous pouvons mettre en place un programme de la sorte, je pense que c'est une bonne chose.
    Je suis néanmoins contre les observations que vous avez faites. Vous avez clairement dit que vous n'êtes pas vraiment convaincu et vous ne savez pas quoi répondre en ce qui concerne les poursuites et les condamnations pour les enquêtes sur des comptes à l'étranger. Comme vous le savez sans doute, le seuil est beaucoup plus élevé pour ce qui est de la preuve nécessaire afin de procéder à une enquête criminelle et à une condamnation. La preuve doit être hors de tout doute raisonnable. D'après les vérifications, c'est selon la prépondérance des probabilités. Le gouvernement actuel a mis de l'avant plusieurs mesures stratégiques pour s'assurer que nous nous attaquons au problème des comptes à l'étranger de différentes façons.
    Ce que vous n'avez pas abordé, et je crois que vous devez en parler, c'est que nous avons un programme de divulgations volontaires. Le nombre de divulgations volontaires a triplé depuis 2007 grâce aux mesures mises de l'avant par le gouvernement. Nous avons également réalisé des vérifications, lesquelles sont menées — pour revenir au seuil — parce que nous confions entre 150 et 200 dossiers au Service des poursuites pénales. Il faut également déterminer s'il y a des motifs raisonnables de procéder à une condamnation.
    Vous ne pouvez donc pas mesurer le succès de l'ARC en fonction du nombre de condamnations. Vous devez prendre en considération — vous en conviendrez sans doute — les divulgations volontaires, les vérifications et le fait que le Service des poursuites pénales décide au bout du compte s'il y a une possibilité d'obtenir une condamnation. J'ai été policière pendant longtemps. Nous savons que des gens commettent des crimes. Le Service des poursuites pénales dit qu'il le sait, mais comme il n'en a pas la preuve, il ne peut pas intenter de poursuites criminelles. Ne convenez vous pas que c'est une façon plus pondérée de mesurer le succès de l'ARC, en tenant compte de tous les facteurs, et non pas seulement des condamnations?
(1025)
    Je pense que vous avez raison. Tout d'abord, comme je l'ai dit dans ma déclaration, le Programme des divulgations volontaires donne d'assez bons résultats. Le gouvernement l'a amélioré et l'a resserré.
    Notre cabinet s'occupe d'un cas de divulgation volontaire par semaine. Je sais exactement ce dont vous êtes en train de parler. Je connais le profil des gens qui divulguent des renseignements sur une base volontaire. Vous avez raison. Le Programme de divulgations volontaires pour dénoncer les gens qui fraudent le fisc s'est révélé très fructueux.
    Puisque vous avez fait la suggestion 5, celle qui me plaît, je veux vous donner l'occasion de l'expliquer, pour les auditeurs qui nous écoutent à la maison.
    Certainement. Permettez-moi simplement d'aborder la question de la fraude fiscale et du nombre de poursuites. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il est beaucoup plus difficile pour l'État d'intenter des poursuites fructueuses contre une personne qui a commis une fraude fiscale car la Charte des droits s'applique, le fardeau de la preuve est plus élevé, etc. Or, j'ai été surpris par le faible nombre de causes liées à la fraude fiscale et aux comptes à l'étranger, et j'ai donc...
    Vous avez tort à ce sujet.
    C'est possible.
    Nous allons demander à l'ARC. Je pense avoir raison et nous allons demander à l'ARC de soumettre ces renseignements car, si je me souviens bien, je pense qu'environ 46 des condamnations liées aux comptes à l'étranger étaient... Quoi qu'il en soit, si l'on compare à d'autres pays, je suis persuadée que c'est presque le double... par rapport à l'Australie, notamment.
    Je pense que vous avez raison de demander à des fonctionnaires de l'ARC de venir témoigner.
    Pour répondre à votre autre question au sujet de l'une de mes recommandations, qui est semblable à celle sur le programme de dénonciation de l'IRS, je pense franchement que l'argent est roi. Étant donné que l'information au sujet des comptes à l'étranger est si difficile à obtenir, je pense qu'il est bien de réformer les AERF, d'avoir un programme de divulgations automatiques, etc. Je ne sais tout simplement pas si c'est susceptible de se produire.
    Si l'on ne peut pas mettre en oeuvre un système où les gens peuvent être récompensés pour avoir divulgué de l'information et aidé le gouvernement à percevoir l'impôt ou, du moins, à dépister les criminels... Cette façon de procéder fonctionne bien aux États-Unis apparemment. Un représentant de l'IRS pourrait peut être comparaître pour en parler.
    Je pense que c'est une bonne idée. C'est un peu comme le programme Échec au crime. J'aime bien.
    Voilà.
    Merci, madame Glover.
    Madame McLeod, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier tous les témoins. Je pense que c'est un sujet fascinant. Nous avons entamé l'étude à la dernière législature et tous les partis ont jugé important de continuer de présenter de bonnes recommandations pour régler cet important problème.
    Puisque l'étude porte sur la fraude fiscale et sur le recours aux paradis fiscaux, je vais essayer de me concentrer sur la fraude fiscale, même si je reconnais qu'il existe des problèmes entourant l'évitement fiscal.
    J'aimerais m'adresser tout d'abord à M. Saint-Amans. En 2009, on a dressé une liste des bons et des mauvais pays. Pouvez-vous me dire si vous passez en revue la liste chaque année? Comment la liste des mauvais pays est-elle en train d'évoluer? Des progrès appréciables ont-ils été accomplis concernant cette liste?
(1030)
    La liste de 2009 devait disparaître rapidement. Si l'on veut qu'une liste donne de bons résultats, elle doit disparaître. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
    En 2000, l'OCDE a dressé une liste des paradis fiscaux, c'est-à-dire des pays qui correspondaient aux quatre critères que j'ai mentionnés tout à l'heure. En 2002, l'OCDE a établi la liste des paradis fiscaux non constitués en personne morale, c'est-à-dire ceux qui ne se sont pas engagés à appliquer les normes.
    En 2008, lorsque le scandale de Liechtenstein a éclaté au grand jour, ce qui a relancé les travaux sur les paradis fiscaux, tous les pays s'étaient engagés à appliquer les normes mais, dans la pratique, ils n'ont rien fait. Donc, la liste de 2009 a été conçue pour cerner les pays qui ne s'étaient pas engagés à échanger des renseignements, ce qui était déplorable, ainsi que ceux qui s'étaient engagés à le faire mais qui n'avaient rien fait. Nous avons ensuite fixé un seuil à 12 accords d'échange de renseignements fiscaux, seuil qui était arbitraire mais sur lequel toutes les parties s'étaient entendues et que nous pouvions donc utiliser.
    Or, dans les jours qui ont suivi le Sommet du G20 du 2 avril 2009, les pays qui figuraient sur la prétendue liste noire se sont immédiatement engagés à appliquer les normes. Quant à ceux qui étaient inscrits sur la liste grise, les pays qui s'étaient engagés mais qui comptaient moins de 12 accords, ils ont commencé à négocier des ententes. Si l'on veut qu'il y ait un échange de renseignements, il faut des accords.
    Cette liste s'est révélée très fructueuse. La Suisse a dit qu'il lui faudrait 10 ans pour conclure 12 accords. Elle y est parvenue en six mois. Voilà pourquoi la liste a disparu. Nous avons immédiatement mis sur pied le forum mondial et établi de nouveaux critères.
    Conformément aux nouveaux critères, si vous voulez respecter les normes, vous devez avoir une loi en place, c'est-à-dire un accord non pas avec 12 pays, mais avec tous les pays qui vous demandent de leur fournir des renseignements. Donc, si vous avez 30 accords en place et que le Canada veut conclure un accord avec vous et que vous refusez, vous ne respectez pas les normes.
    Il est bon d'avoir des accords, mais il est préférable de pouvoir les mettre en oeuvre. Pour ce faire, il faut pouvoir accéder aux renseignements. Nous vérifions que l'information sur la propriété, les comptes et les banques est disponible. Si vous avez conclu un accord, mais que vous n'avez pas accès à l'information et que vous êtes l'administration fiscale, il y a alors une lacune. Le forum mondial a mis en place un mécanisme d'examen par les pairs en deux étapes.
    La première étape consiste à vérifier si tous les éléments sont en place et, s'ils ne le sont pas, les pays ne passent pas à la deuxième étape, à laquelle je reviendrai dans un instant. Ce n'est donc pas une liste, mais nous ciblons les pays qui négligent d'échanger des renseignements en vertu de la loi. Si la loi est en place, cela ne veut pas forcément dire que vous réussissez.
    Nous allons vérifier — et c'est ce que nous faisons aujourd'hui en Malaisie — si vous le faites dans la pratique. Nous demandons à tous les partenaires du pays faisant l'objet d'un examen s'ils sont satisfaits de l'échange de renseignements dans la pratique. À la fin de la seconde étape — la vérification —, on accordera une cote globale par pays selon qu'il est très conforme, conforme, partiellement conforme ou non conforme aux normes.
    Vous voyez que si ce n'est pas une liste, cet examen permettra d'évaluer si un pays fait le travail ou non.
    Dans une perspective mondiale, il semble que nos analyses sont beaucoup plus exhaustives et mieux ciblées.
    Je vous demanderais de répondre rapidement à ma prochaine question car je ne pense pas qu'il me reste beaucoup de temps et j'ai une autre question à poser.
    L'un de nos témoins précédents a dit que cet échange automatique devrait être très simple et que les AERF s'appliqueraient par la suite. Donc, l'information échangée viserait uniquement à déterminer si la personne possède un compte dans le pays, puis les AERF s'appliqueraient. Est-ce ainsi que vous percevez l'échange automatique de renseignements? Je ne sais pas si vous pouvez répondre rapidement à cette question.
    Non, je ne peux pas. Mais je dirai très rapidement que ces méthodes d'échange sont complémentaires. Je pense que l'échange de renseignements sur demande est une chose, mais on peut aussi avoir recours à l'échange automatique de renseignements sur les données bancaires, les salaires, les pensions et bien d'autres éléments du revenu.
    Notre temps est limité.
    Voulez-vous poser votre question, madame McLeod?
    J'aimerais proposer que nous fassions une demande auprès de l'ARC car j'ai demandé des renseignements et j'ai été agréablement surprise non seulement par notre taux de condamnation, mais aussi par la façon dont le Canada se compare à d'autres pays au chapitre de la fraude fiscale, des comptes bancaires à l'étranger et des taux de condamnation.
    Pourrions-nous demander à l'ARC de fournir ces renseignements au comité?
    D'accord, nous pourrions certainement en faire la demande au nom du comité. Voulez-vous ajouter quelque chose?
(1035)
    Je vais en rester là. Si l'ARC pouvait soumettre cette information, ce serait très utile, à mon avis.
    Je le ferai certainement au nom du comité.
    Monsieur Rankin, je sais que vous avez une minute pour poser une question, puis le président conclura.
    Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Kepes et porte sur l'application.
    Dans l'une de vos interventions précédentes, vous avez repris ce que l'un de nos témoins précédents a dit concernant une étude publiée par l'ARC en octobre 2010 qui révélait que « les fiscalistes estiment que l'ARC n'en fait pas assez pour arrêter ou poursuivre les fraudeurs ». Je pense que vous avez fait valoir ce point dans vos déclarations. Vous avez présenté plusieurs idées utiles liées à l'application dans votre mémoire et, comme Mme Glover, l'idée du programme de dénonciation me plaît beaucoup, notamment.
    Je veux vous poser deux autres questions rapidement. Premièrement, a-t-on établi la portée, comme c'est le cas dans d'autres domaines de la réglementation, des sanctions administratives pécuniaires — et en droit environnemental, c'est pratiquement tout ce qu'on utilise à l'heure actuelle — pour éviter ce dont vous avez parlé entourant la Vharte et le droit pénal, et toutes ces difficultés?
    Deuxièmement, adhérez-vous à ce que le sénateur Levin aux États-Unis a dit, à savoir qu'il faut infliger des peines sévères aux promoteurs d'abris fiscaux et aux personnes qui facilitent et encouragent la fraude fiscale en augmentant l'amende maximale de 150 % sur tous les gains acquis illégalement? Que pensez-vous d'ajouter cette idée à vos suggestions?
    Monsieur Kepes, s'il vous plaît.
    D'accord. Je vais seulement répondre à la première partie de votre question — et c'est une excellente question.
    Dans l'éventualité où il est difficile de procéder à des poursuites et de trouver l'information, je pense que le gouvernement doit décider s'il veut pourchasser les automobilistes qui roulent à 110 ou 120 kilomètres à l'heure sur l'autoroute ou ceux qui conduisent à 200 kilomètres à l'heure. S'il est difficile d'intenter une poursuite et que le gouvernement décide d'imposer des sanctions pécuniaires, cette décision lui revient.
    Ce que j'en pense, c'est que l'État ne devrait pas se soustraire à sa responsabilité de faire respecter la loi. La fraude fiscale est un crime. Qu'il soit difficile de mettre la main sur les fraudeurs n'est pas une excuse, à mon avis.
    Pour répondre à votre question, des sanctions administratives sont prévues en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il y a donc une sanction pour négligence grave équivalant à 50 % de l'impôt. Pour les revenus non déclarées, l'ARC évaluera le dossier d'une personne qui n'a pas déclaré des revenus.
    Des sanctions sont prévues pour les conseillers, qu'il s'agisse d'un avocat, d'un comptable ou d'un conseiller en planification financière, qui participent ou consentent à la présentation d'une fausse déclaration. C'est donc une façon de coincer les conseillers. Malheureusement pour le gouvernement, la Cour de l'impôt considère cette sanction comme étant de nature criminelle parce qu'il n'y a essentiellement pas de limites. Quoi qu'il en soit, je suis heureux d'en parler. Cette sanction existe, et si elle est appliquée en tant que sanction civile, elle sera très sévère envers les promoteurs d'abris fiscaux et tous ceux qui participent à la production d'une fausse déclaration pour aider essentiellement un contribuable à mentir au sujet de la déclaration de ses revenus.
    Vous pouvez évidemment remettre d'autres documents au comité, monsieur Kepes, cela est également valable pour tous les témoins.
    J'aimerai conclure en soulevant deux points. Monsieur Kepes, je répète que votre sixième recommandation mentionne la FATCA. Je suis sûr que vous êtes au fait des préoccupations qu'ont exprimées des institutions financières canadiennes quant à ce qu'elles doivent divulguer au gouvernement américain. Je vais vous demander peut-être d'en parler. Comment fonctionne l'échange automatique? Je crois que tout le monde hoche la tête et dit que ça semble être une bonne idée jusqu'au moment de sa mise en oeuvre, puis il y a des répercussions que nous devons prendre en compte. Vous pourriez peut-être nous dire un mot à ce sujet.
    Mon deuxième point concerne l'exemple de Starbucks utilisé par le professeur Collier. Il me semble que c'est quelque chose que nous devons considérer sérieusement, peut-être pas sous l'angle de l'évasion fiscale, mais sous celui des politiques publiques. Quand une compagnie utilise un pays exempt de taxes — évidemment pour ne pas payer d'impôts et être plus compétitive —, nous nous devons d'être inquiets du point de vue des politiques publiques. Son Excellence en a certainement parlé à propos des investissements dans un pays comme le Costa Rica plutôt que de choisir d'investir dans un pays en raison de sa situation fiscale. M. Brisson en a aussi parlé.
    Vous pourriez peut-être parler de la question de la FATCA, monsieur Kepes, et un autre témoin — M. Hejazi peut-être — peut, s'il le souhaite, revenir sur l'exemple de Starbucks.
    Monsieur Kepes, je vous en prie.
    J'aimerais juste faire une observation de 10 secondes sur Starbucks. Je suppose que la question qui se pose est de déterminer si la concurrence déloyale est prouvée parce que Starbucks vend une tasse de café à 3 $, est-ce que ce prix porte préjudice au détaillant local? J'aimerais avoir la réponse à cette question avant de critiquer Starbucks pour la façon dont cette compagnie structure ses activités internationales. Si un tel prix entraîne une concurrence déloyale, alors oui ça pose problème.
    Pour ce qui est de l'échange automatique, ce qui se passe sur le terrain, c'est que quelqu'un — un retraité migrateur — entre dans une banque en Floride pour y ouvrir un compte américain, cette banque américaine signalera ce compte à l'I.R.S. qui transmettra l'information à l'ARC. C'est ainsi que fonctionne actuellement l'échange automatique de renseignements entre le Canada et les États-Unis. Et bien sûr, vous attraperez énormément de personnes innocentes dont les renseignements sont communiqués à l'Agence du revenu du Canada puisque tous les retraités migrateurs canadiens qui ouvrent un compte seront signalés. Les deux pays se transmettent une quantité énorme de renseignements. C'est comme cela que fonctionne l'échange automatique.
    Tous les pays qui ont conclu des accords d'échanges de renseignements fiscaux avec le Canada finiront par participer à cet échange automatique de renseignements. Ces accords permettent seulement d'échanger des renseignements sur demande parce qu'il faut faire la distinction entre le fait de ne pas autoriser un gouvernement à lancer une expédition de pêche et les efforts visant à attraper tous les détenteurs de comptes à Miami.
(1040)
    D'accord, je ne vais pas chercher à savoir si la FATCA, sous sa forme actuelle, pourrait être mieux structurée ou mieux appliquée.
    En ma qualité de président de la section de droit fiscal à l'Association du Barreau de l'Ontario, je sais que des membres de notre direction sont des avocats-fiscalistes qui travaillent dans des banques ou qui conseillent des banques. Ils se plaignent fréquemment du fardeau administratif cauchemardesque qu'ils doivent assumer pour se conformer à la FATCA. Ce fardeau administratif et les coûts additionnels ne seront probablement pas assumés par ces institutions financières canadiennes mais par les consommateurs en augmentant soit les taux d'intérêt soit les frais bancaires. Mais ce que je veux dire au sujet de la FATCA, c'est qu'un accord entre deux pays ne suffit pas parce qu'il y aura toujours un troisième pays dans lequel une banque ne respectera pas cette loi parce qu'elle ne fait pas affaire aux États-Unis. C'est pour cela que je disais qu'il fallait une loi multilatérale, si l'on devait utiliser la FATCA, et il faudrait au moins que le G20 entre en jeu.
    Les gens sont nerveux lorsque de grosses sommes d'argent sont impliquées. Comme vous l'avez dit, il est très facile de parler des paradis fiscaux. Le fait est que la plupart des gens ne vont pas remettre un million de dollars à un entregent, sauf les criminels de profession, mais ça c'est une autre histoire. Mais si vous parlez de gens d'affaires qui veulent structurer leurs activités, même s'ils voulaient faire quelque chose lié à l'évasion fiscale, je ne les vois pas remettre des millions de dollars à une banque de troisième ordre qui ne fait pas partie du système d'échange international.
    D'accord. Je regrette de vous interrompre.
    Monsieur Hejazi, avez-vous une petite observation à faire à propos de Starbucks.
    Permettez-moi de donner très rapidement un exemple parallèle. Je vois dans cette salle beaucoup d'appareils de la marque Apple. Si vous regardez à l'arrière, vous verrez qu'ils sont assemblés en Chine mais conçus en Californie. Je vais vous dire pourquoi cela est important. Même avec de la transparence et de la divulgation, la répartition des profits dans différents pays ne se fait pas d'un coup de baguette magique. Donc, quand nous achetons un produit d'Apple pour 1 000 $, quelle part des profits d'Apple doit être répartie à chaque pays? Cette répartition est fonction des impôts à payer, bien évidemment; c'est là qu'entre en jeu le prix de transfert. Mais il est relié à la valeur ajoutée, aux fonctions, aux risques, etc., qui sont associés aux chaînes d'approvisionnement mondiales.
    Donc, à propos de Starbucks, par exemple, il faut penser aux fonctions, que se passe-t-il au Royaume-Uni quand quelqu'un achète un grand café au lait. Il faut penser à tout le travail qu'a fait Starbucks pour créer la marque. Quand on pense à la marque, etc., tout cela n'a pas été financé par les ventes de café au Royaume-Uni. Ce sont des facteurs qu'il faut considérer très attentivement. Par conséquent, pour le transfert de prix, il faut réfléchir très soigneusement à la distribution de la valeur le long de la chaîne d'approvisionnement.
    Ce n'est pas simple à comprendre même dans un environnement où règne la transparence, parce qu'il y a beaucoup d'interprétations, comme le soulignait le cas de Glaxo dont nous venons de parler.
    D'accord. Je suis vraiment désolé, mais il nous reste malheureusement peu de temps.
    Je veux seulement demander un document.
    Je demande que le rapport de l'OCDE Érosion de la base d'imposition et transfert des bénéfices publié la semaine dernière, mentionné par M. Saint-Amans dans son témoignage, soit déposé au comité pour qu'on puisse le consulter. C'est un document très récent et très pertinent à la rédaction duquel le Canada aurait participé.
(1045)
    Ce document est-il public?
    C'est un document public. Je voudrais seulement qu'il soit remis au comité à titre de témoignage pour notre étude.
    D'accord. Les analystes et la greffière le distribueront aux membres du comité.
    Je tiens à vous remercier tous d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Si vous avez quoi que ce soit d'autre à ajouter en réponse aux questions qui ont été posées ou à propos de l'un des sujets et que vous souhaitez remettre au comité dans le cadre de nos délibérations, je vous prie de passer par la greffière. Mais, encore une fois, je vous remercie infiniment.

[Français]

    Je vous remercie de vos présentations.

[Traduction]

    Chers collègues, nous avons deux petits points concernant les travaux du comité. Je demande donc aux membres du comité de rester assis et j'invite les témoins à quitter la salle.
    Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.
    Chers collègues, brièvement, nous avons le cinquième rapport du sous-comité. Le seul changement apporté au point numéro 1 est le report au 28 mars, et pas au 28 février, de l'étude article par article du projet de loi.
    J'en fais la proposition...
    La motion est proposée.
    Tous ceux qui sont pour?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Deuxièmement, pour le budget du comité...
    Voulez-vous en faire la proposition?
    Non, mais j'ai un amendement à proposer.
    D'accord.
    Le montant demandé pour le budget s'élève à 36 700 $.
    Un peu de silence, s'il vous plaît.
    M. Mike Wallace: La séance n'a pas été levée, mesdames et messieurs.
    Le président: Qui veut en faire la proposition?
    J'en fais la proposition.
    M. Wallace en fait la proposition.

[Français]

    Monsieur Caron, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Au sujet des gens de Vancouver, j'aimerais proposer qu'on leur offre la possibilité d'avoir recours à la vidéoconférence, s'ils le désirent.
    C'est déjà fait? Très bien. Merci.

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Tous ceux qui sont pour le budget...?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Madame McLeod.
    Je pense vraiment qu'il est important d'utiliser la vidéoconférence chaque fois que c'est possible. Moi qui suis de Colombie-Britannique, je suis sensible au fait que nous ne donnons peut-être pas quelquefois autant de possibilités à d'autres personnes de venir au comité qu'à celles qui habitent Toronto ou Montréal, parce que ces dernières peuvent assister en personne aux séances en raison des coûts moindres. J'espère que nous maintiendrons un équilibre et que ce n'est pas parce que des témoins vivent dans l'Ouest qu'ils doivent s'attendre à ce que nous ne dépensions pas de l'argent pour les faire venir alors que nous ne mettons pas en cause la possibilité de faire venir au comité les témoins qui habitent à Toronto et à Montréal.
    Merci.
    Je pense que votre argument a du poids.
    Monsieur Caron, au sujet...

[Français]

    Je parlais des gens de Vancouver, mais cela pourrait tout aussi bien s'appliquer à des témoins de Toronto, de Montréal ou d'ailleurs. L'idée est de leur donner la possibilité de choisir. S'ils désirent se rendre ici, ils sont libres de le faire, mais nous pouvons aussi leur offrir la possibilité de recourir à la vidéoconférence si le fait de voyager aussi longtemps représente un inconvénient pour eux.

[Traduction]

    D'accord.
    Il y a deux choses que je rappelle au comité, très brièvement.
    J'attends encore que les membres me donnent la liste des articles du projet de loi C-48 qu'ils voudraient voir discuter par les fonctionnaires. Il n'est pas nécessaire qu'ils donnent cette information durant la présente réunion, mais j'aimerais qu'ils le fassent aujourd'hui. Si je comprends bien, le gouvernement a indiqué qu'il acceptera ce que l'opposition aimerait voir discuté par les fonctionnaires. Voilà pour la première chose.
    Deuxièmement, les dépenses. Les dépenses supplémentaires ont été adressées au comité et seront envoyées aujourd'hui aux bureaux des députés. Si vous voulez que le comité tienne une réunion sur les dépenses supplémentaires, je vous prie d'en discuter entre vous et avec vos collègues de vos partis.
    Madame Nash.
    Je sais que vous voulez cette information le plus tôt possible, mais avez-vous fixé une date limite pour le projet de loi C-48 afin que nous en informions notre personnel?
    Disons à 11 heures.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Pouvons-nous dire à 17 heures aujourd'hui? Est-ce que ça vous va?
    Vraiment?
    Je vous ai demandé cette information il y a pas mal de temps.
    Bon, ils sont d'accord.
    Très bien.
    Je me préparais à leur faire un petit boniment.
    J'ai beaucoup de confiance en votre personnel.
    D'accord, disons à 17 heures aujourd'hui.
    Merci. C'était une bonne réunion.
    La séance est levée.
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