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Le sous-comité se réunit immédiatement après cette séance.
Merci.
Mesdames et messieurs, nous sommes ravis d'accueillir à nouveau au Comité des finances le gouverneur de la Banque du Canada, M. Mark Carney, il s'agit de sa dernière comparution ici.
Bienvenue à nouveau, monsieur Carney.
Nous sommes également ravis de revoir son premier sous-gouverneur, M. Tiff Macklem.
Bienvenue à vous deux, messieurs. Merci beaucoup d'être ici avec nous ce matin.
Monsieur Carney, je sais que vous allez faire une déclaration préliminaire et des observations en comité avant de passer aux questions des députés.
Veuillez débuter votre déclaration maintenant.
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Merci beaucoup monsieur le président.
Tiff et moi sommes heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui pour discuter du Rapport sur la politique monétaire d'avril, que nous avons publié la semaine dernière.
Il me faut dire dès le départ, que des séances telles que celle-ci jouent un rôle important pour la banque qui est redevable au Parlement et, à travers le Parlement, aux Canadiens. Nous apprécions grandement que les députés prennent le temps et l'attention d'aller dans les détails sur nos points de vue concernant l'économie canadienne et les prévisions pour les économies mondiales et canadiennes.
Dans le rapport nous soulignons que la croissance de l'économie mondiale a évolué essentiellement comme la banque l'avait prévu en janvier. Aux États-Unis, l'expansion se poursuit à un rythme modeste, le renforcement graduel de la demande privée étant contrebalancé en partie par l'accélération de l'assainissement budgétaire.
[Français]
Les autorités ont procédé à un important assouplissement des politiques au Japon.
Par contre, l'Europe demeure en récession, l'activité économique étant bridée par l'austérité budgétaire, le bas niveau de la confiance et les conditions du crédit restrictives.
Après s'être redressée pour s'établir à un rythme très vigoureux au second semestre de 2012, la croissance a ralenti en Chine.
Les prix des produits de base touchés par les producteurs canadiens restent à des niveaux historiquement élevés, et malgré la volatilité affichée récemment, ils ont, dans l'ensemble, peu varié depuis janvier.
[Traduction]
La banque prévoit que le rythme de progression de l'économie mondiale sera modeste en 2013, avant de s'accroître au cours des deux années suivantes. Après la faiblesse affichée au second semestre de 2012, la croissance économique au Canada devrait reprendre de la vigueur tout au long de 2013 à la faveur d'un redressement des exportations nettes et d'un retour à un rythme d'expansion plus solide des investissements des entreprises.
Les dépenses de consommation devraient progresser à une cadence modérée au cours de la période de projection, alors que l'investissement résidentiel devrait diminuer encore par rapport aux niveaux historiquement élevés atteints précédemment. La croissance de l'ensemble des crédits aux ménages a ralenti, et la banque continue de s'attendre à ce que le ratio de la dette au revenu des ménages se stabilise près des niveaux actuels.
Malgré la reprise projetée des exportations, celles-ci resteront probablement en deçà de leur sommet d'avant la récession jusqu'au second semestre de 2014, en raison de la demande étrangère contenue et des défis qui subsistent sur le plan de la compétitivité, y compris la vigueur persistante du dollar canadien.
Sur une base trimestrielle, la croissance devrait se redresser au Canada pour se chiffrer à environ 2,5 p. 100 au second semestre de 2013. Malgré ce redressement attendu, étant donné la faiblesse enregistrée au deuxième semestre de 2012, la banque prévoit maintenant que la croissance s'établira à 1,5 p. 100 en moyenne annuelle en 2013.
L'économie devrait ensuite progresser de 2,8 p. 100 en 2014 et de 2,7 p. 100 en 2015 et atteindre son plein potentiel au milieu de 2015, soit plus tard que prévu en janvier.
L'inflation mesurée par l'IPC global et l'inflation mesurée par l'indice de référence sont demeurées faibles au cours des derniers mois, ce qui correspond généralement à nos attentes formulées en janvier. Le faible rythme d'accroissement de l'indice de référence reflète l'offre excédentaire notable au sein de l'économie, les pressions concurrentielles accrues chez les détaillants et certains facteurs spéciaux.
L'inflation mesurée par l'IPC global a été limitée par le bas niveau de l'inflation mesurée par l'indice de référence et par la baisse des coûts d'intérêts hypothécaires, qui ont été en partie compensés par le renchérissement de l'essence.
L'inflation mesurée par l'IPC global et celle mesurée par l'indice de référence devraient demeurer modérées au cours des prochains trimestres avant de remonter graduellement à 2 p. 100 d'ici le milieu de 2015, alors que l'économie retourne à son plein potentiel, que les facteurs spéciaux se dissipent et que les attentes d'inflation restent bien ancrées.
[Français]
Des risques à la hausse et à la baisse semblables à ceux énoncés en janvier pèsent sur les perspectives d'inflation au Canada.
Les trois principaux risques à la hausse ont trait à la possibilité que la croissance de l'économie aux États-Unis et dans le reste du monde soit plus forte que prévu, que la reprise des exportations canadiennes soit plus vive qu'anticipé et que l'investissement résidentiel au Canada affiche une dynamisme renouvelé.
Les trois principaux risques à la baisse sont liés à la crise européenne, à une faiblesse prolongée des investissements des entreprises et des exportations canadiennes, et à la possibilité que la progression des dépenses des ménages canadiens soit plus faible.
Dans l'ensemble, la Banque du Canada estime que les risques sont relativement équilibrés au cours de la période de projection.
[Traduction]
Compte tenu de tous ces facteurs, le 17 avril, la banque a maintenu le taux cible du financement à un jour à 1 p. 100. Comme l'économie canadienne continue d'afficher les capacités inutilisées, que les perspectives en matière d'inflation sont modérées et que l'évolution des déséquilibres dans le secteur des ménages est constructive, la détente monétaire considérable en place actuellement demeurera probablement appropriée pendant un certain temps, après quoi une réduction modeste sera probablement nécessaire de façon à atteindre la cible d'inflation de 2 p. 100.
Sur ce, Tiff et moi serons heureux de répondre à vos questions.
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Il y a deux facteurs qui ont une influence sur la politique monétaire. Premièrement, nous sommes liés à la cible d'inflation, alors nous essayons de déterminer le meilleur moyen de ramener l'économie canadienne et l'inflation au Canada à cette cible d'inflation de 2 p. 100. Notre prévision actuelle est que dans environ neur trimestres — donc dans un peu plus de deux ans — l'économie reviendra à pleine capacité et l'inflation atteindra cette cible de 2 p. 100.
Nous nous attendons à cela car les conditions financières, dues en grande partie à la politique monétaire mais aussi à d'autres facteurs — l'influence des conditions financières mondiales — ont un effet très stimulant au Canada, alors les taux d'emprunt pour les entreprises canadiennes sont à des niveaux historiquement bas, les taux d'emprunt pour les ménages canadiens sont très intéressants, et la valeur du dollar canadien a diminué un peu, ce qui offre un peu plus de stimulation de l'économie canadienne. Alors ces facteurs, ensemble, auront un effet de stimulation important qui, d'après nous, ramènera l'économie sur une voie raisonnable pour atteindre la cible dans un délai raisonnable. De plus, si vous me le permettez, nous nous attendons qu'au milieu de cette année, l'économie canadienne croisse à un taux plus élevé que son potentiel.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question — je serai bref — concernant le secteur de l'immobilier et l'évolution des déséquilibres pour les ménages, nous tenons compte de ce qui se passe pour les ménages, et cela a un certain effet sur la politique qui sera un peu plus restrictive, si vous me permettez l'expression, qu'elle le serait autrement.
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Vous touchez un facteur clé de l'économie canadienne et un élément qui a beaucoup d'influence sur les prévisions. Bien sûr, comme vous le savez bien, le niveau d'endettement des ménages a beaucoup augmenté. La majeure partie de cet endettement est adossée à des actifs, une augmentation de la valeur immobilière. Nous tous — et en particulier la banque — devons être conscients de la possibilité d'un effet négatif sur les dépenses des ménages si, pour une quelconque raison, il y a une correction plus marquée au marché immobilier que ce que nous prévoyons. Cela pourrait être à cause d'une crise à l'étranger. Cela pourrait être à cause d'autres facteurs. S'il y avait une correction plus marquée, étant donné le niveau d'endettement de nombreux ménages, cela pourrait mener à une contraction plus marquée des dépenses des ménages, ou, à tout le moins, à un plus faible taux de croissance des dépenses des ménages.
Évidemment, étant donné que la consommation représente plus de 55 p. 100 du PIB, elle a un grand effet d'entraînement sur les perspectives économiques. Nous sommes très attentifs à cela. Comme vous le dites — vous avez parlé « d'épée à double tranchant » — c'est un équilibre fragile pour les mesures correctrices prises par le gouvernement et la SCHL au sujet des règles d'assurance hypothécaire; prises par le BSIF, en ce qui concerne sa supervision des institutions financières, la qualité des normes de souscription; et bien sûr, l'équilibre recherché par la banque dans le contexte de sa cible d'inflation, pour atteindre cette cible, lorsqu'elle fixe la politique monétaire, afin qu'il y ait, comme nous l'avons décrit, une évolution constructive de la situation financière des ménages.
Je dirais qu'aujourd'hui, nous sommes encouragés par le fait que le taux d'accumulation de l'endettement a ralenti. Nous voyons la possibilité d'une stabilisation cette année du ratio de la dette par rapport au revenu. Nous sommes encouragés par le fait que le niveau de mises en chantier a commencé à diminuer juste sous la demande démographique, comme c'est le cas actuellement. Il reste encore des corrections à faire. Nous sommes encouragés par l'évolution des prix immobiliers dans un certain nombre de marchés.
Nous sommes sur la voie d'une évolution équilibrée du secteur immobilier. Nous devons tous continuer à surveiller les risques des deux côtés, le risque d'un nouvel emballement qui créerait d'autres déséquilibres, d'autres vulnérabilités pour l'avenir, et ce risque à la baisse que vous avez mentionné.
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Voilà une question importante. Je commencerai par énoncer une évidence, mais il est important de le faire. Les institutions financières au Canada protégées par l'assurance-dépôts — l'assurance-dépôts de la SADC — sont nombreuses, et cette assurance-dépôts reçoit l'appui total du gouvernement canadien. Quiconque se demande si son institution est protégée, peut le vérifier au www.CDIC.ca ou au www.SADC.ca. Il y a une couverture de 100 000 $ par compte et par institution. Il y a plusieurs catégories de comptes: personnels, conjoints, CELI et REER sont des comptes distincts, et il y a aussi des fiducies. Il y a une assurance-dépôts vaste et complète au Canada. Et la vaste majorité des Canadiens sont protégés par l'assurance de la SADC, alors le problème se règle ainsi.
Au sujet du deuxième point, la situation à Chypre, ce qui s'est passé là-bas, c'est qu'il n'y a que les banques qui étaient financées par les dépôts. C'est le premier point. Deuxièmement, le gouvernement de Chypre n'avait pas les ressources et la protection d'un cadre d'assurance-dépôts que le gouvernement canadien, un gouvernement qui a une notation triple A possède. Les dépôts non assurés à Chypre ont été « recapitalisés », alors les déposants sans assurance à Chypre subissaient des pertes. Le gouvernement du Canada, par l'entremise du porte-parole du ministre des Finances, a dit que tous les dépôts des consommateurs ne feront pas l'objet de recapitalisation. Je laisserai le gouvernement fournir, en temps utile, plus de détails sur ce régime. Le gouvernement a signalé son intention d'aller dans cette direction; il pourra fournir plus de détails.
Si vous me le permettez, je ferai une observation générale, d'un point de vue global, sur le travail que M. Macklem et moi faisons au CSF. En général, dans les économies avancées, les banques sont financées par des dépôts assurés qui sont solides comme le roc, comme je viens de le décrire. Puis il y a certains dépôts sans assurance, et chaque pays peut prendre des décisions différentes pour savoir s'il y a un « dépôt ou une préférence » pour ceux-là. Pour présenter les choses simplement, il y a des dettes sans garantie et il y a des créances. La créance, si une banque se trouve en difficulté, devient évidemment la première réponse. Dans certains pays, la dette sans garantie serait recapitalisée si une banque est en situation difficile. Elle deviendrait détentrice de créances; elle subirait des pertes. Différents pays font les choses différemment. Ce qui est absolument essentiel, c'est que les choses soient claires, à l'avance, concernant la hiérarchie des créanciers et dans quel ordre les différentes catégories de bailleurs de fonds des banques sont recapitalisées.
Il est également utile de revenir sur le double objectif derrière tout ça. Premièrement, il s'agit de réduire le risque inhérent au système. Cela garantit la clarté, comme je l'ai dit, et des ressources suffisantes. Si la banque fait des erreurs, subit de grandes pertes, se trouve en difficulté, les actionnaires et les créanciers privés — les détenteurs de dettes, pas les déposants — feraient les frais de ces pertes, et la gestion également, bien sûr.
Le deuxième aspect, c'est que, ce faisant, on instaure de la discipline dans le système. On amène le capitalisme au coeur du capitalisme, si je puis dire, dans le système bancaire. On ne se fie pas aux contribuables pour appuyer l'institution, comme on l'a vu plusieurs fois à l'aube de la crise financière.
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Je voudrais répondre à votre première question. Je laisserai M. Macklem répondre à la deuxième.
Selon moi, mes commentaires ont été exactement les mêmes. Il y a plusieurs facteurs qui influencent la tendance de la politique monétaire de la Banque du Canada. S'il faut en choisir trois, je dirais qu'il y a tout d'abord la masse des capacités inutilisées, c'est-à-dire l'offre excédentaire au Canada qui demeure notable à ce moment-ci. Deuxièmement, il y a la tendance de l'inflation ici, au Canada. Troisièmement, il y a l'évolution des dettes des ménages et la situation dans les secteurs de l'hypothèque et du logement ici, au Canada.
À ce moment-ci, il y a une marge de capacités, une offre excédentaire notable. Les pressions inflationnistes ne sont pas majeures. De plus, il y a une évolution constructive dans le secteur des ménages. Par conséquent, la détente monétaire considérable qui existe maintenant au Canada va probablement demeurer pendant une certaine période, c'est clair. Toutefois, après un certain temps, qui n'est pas précisé par la Banque du Canada, il est probable qu'il y aura une augmentation modeste du taux directeur.
Pour ce qui est de la deuxième question, je laisse M. Macklem y répondre.
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Oui, merci. C'est une bonne question.
Jusqu'à maintenant, les mesures prises par le gouvernement, par le BSIF et aussi par nous, par l'entremise de notre biais à la hausse sur nos taux d'intérêt, ont réussi, toutes ensemble, à réduire le taux d'activité dans le secteur des ménages et à réduire le taux de croissance du crédit. Je peux vous donner quelques chiffres importants.
Par exemple, le nombre de mises en chantier était à peu près de 225 000 l'année passée; maintenant, il est un peu en dessous de 185 000, selon notre estimation de la demande démographique. C'est donc juste un peu en dessous, après avoir été nettement élevé pour une période de temps. Pour ce qui est du nombre de reventes, il était de 480 000 l'année passée; il est maintenant de 430 000, soit un peu en dessous de la moyenne des 10 dernières années. Quant au taux de croissance du crédit pour les ménages, il est maintenant d'environ 4 %. L'année passée, il était de 6 %, et avant cela, il était de 10 %. Cela a donc beaucoup diminué.
Comme le gouverneur l'a souligné, toute cette évolution est positive. Elle n'est pas trop rapide, on ne voit pas une accélération. Cependant, il est important de souligner que, selon nous, même si le niveau de dette des ménages par rapport aux revenus va se stabiliser bientôt, il demeure assez haut. Il en va de même pour les prix des maisons. Certains éléments vulnérables sont encore en place. Il est important que cette évolution graduelle se poursuive.
Pour revenir à votre question, je dois dire qu'il est trop tôt pour baisser la garde. Si jamais on voyait une accélération, en effet, on devrait examiner les mesures qui pourraient être prises.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux. J'ai apprécié votre témoignage ainsi que la possibilité d'entendre vos questions au cours des dernières années. J'ai trouvé cela très professionnel de votre part et instructif, c'est pourquoi je veux vous remercier.
Il y a deux questions qui m'intéressent plus particulièrement. Bien sûr, étant donné que je viens de Fort McMurray, le sort des travailleurs et la capacité de maintenir l'économie canadienne au plus haut niveau m'intéressent particulièrement, tout comme le Programme des travailleurs étrangers temporaires et la mobilité de la main-d'oeuvre.
Je vais d'abord commencer par la mobilité, parce que, bien sûr, le Canada dispose d'une main-d'oeuvre très mobile, mais il doit aussi faire face aux coûts des voyages aériens les plus élevés de tous les pays membres de l'OCDE. J'aimerais connaître les possibilités qui surviennent pour accroître la capacité des Canadiens à se déplacer dans un marché qui permet ce genre de mobilité.
Je me rends à Fort McMurray à peu près toutes les fins de semaine. Il existe deux vols directs à partir de St. John's que je peux prendre depuis Toronto. C'est étonnant de voir combien de personnes je rencontre là et qui me disent qu'elles peuvent travailler à Fort McMurray pendant trois ou quatre mois et faire suffisamment d'argent pour leur permettre de rester à la maison les autres mois de l'année; en fait, elles disent que c'est les salaires qu'elles toucheraient chez eux.
La question de la mobilité est par conséquent très très importante. Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions accroître la mobilité des Canadiens pour travailler?
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J'aimerais soulever quelques points. D'abord, il faut signaler que la mobilité des travailleurs canadiens s'est considérablement améliorée au cours des 10 dernières années. La Banque du Canada a fait des recherches dans ce sens et nous pourrions les faire parvenir au comité. Cela a permis d'améliorer grandement l'efficience du marché du travail. Même s'il y a quand même des problèmes quant au jumelage des travailleurs avec les emplois et d'écart de compétences, l'efficience du marché du travail s'est améliorée.
En d'autres mots, pour chaque niveau il y a un point entre les emplois et les postes vacants, et cela évolue de sorte qu'il y a de moins en moins d'emplois pour lesquels il n'y a pas de travailleurs. Et cela découle en grande partie de l'accroissement de la mobilité.
Ce jumelage dépend aussi d'autres éléments. Nous avons déjà parlé des capacités, qui constituent un important élément, c'est-à-dire s'assurer que les travailleurs disposent des compétences requises par les employeurs.
Pour ce qui est d'améliorer encore la mobilité, on a fait des progrès à ce chapitre et il y a place à plus d'amélioration en ce qui touche l'accréditation. Il s'agirait d'avoir un marché du travail pancanadien dans lequel certains travailleurs de métier pourraient se déplacer sans heurts d'une province à l'autre.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie MM. Macklem et Carney d'être parmi nous.
Monsieur Carney, il vous reste assez peu de temps dans vos fonctions. Je vous félicite et vous remercie d'aller faire rayonner le savoir-faire canadien ailleurs dans le monde. Je l'apprécie passablement, même si je déplore le fait de vous perdre pour quelques années. Mais bon, c'est une autre question.
Monsieur le gouverneur, j'ai beaucoup apprécié la remarque que vous avez faite à la fin de votre présentation concernant l'actuelle détente monétaire, qui est considérable. Ce n'est pas peu dire. Je crois que ça rend compte de la situation particulière que nous vivons en ce moment au Canada pour ce qui est des taux d'intérêt et de l'ensemble des facteurs qui influent sur notre économie.
Je voudrais aborder avec vous un sujet particulier, à savoir les niveaux record de liquidités au sein des entreprises canadiennes. L'analyse de janvier 2013 de la Banque Royale du Canada indiquait qu'elles se chiffraient à 574 milliards de dollars à ce moment-là. Elles doivent maintenant être passablement plus élevées. Il est intéressant de voir, dans cette analyse, qu'on explique cet état de fait par des facteurs objectifs. J'apprécie particulièrement ce point, étant donné que je suis en train de lire un essai économique de Mme Esther Duflo. Celle-ci fait partie du groupe qui conseille le président des États-Unis au sujet de la pauvreté. Elle rend compte de comportements individuels pour expliquer certaines conséquences de décisions objectives qui ont été prises.
Pour revenir au rapport de la Banque Royale, celui-ci ciblait trois importants facteurs, parmi ceux qui étaient en cause, pour expliquer cette accumulation de liquidités, à savoir les incertitudes liées à la situation internationale, le fait de combler des déficits engendrés par les fonds de pension à prestations déterminées et la mutation, au sein des entreprises, reliée aux avoirs intangibles, soit la propriété intellectuelle. Les entreprises ont beaucoup changé. L'économie du savoir a fortement remplacé la production qui existait auparavant. Dans votre analyse, vous parlez de l'optimisme relatif dont on peut faire preuve face à la demande américaine pour ce qui est d'aider l'économie canadienne à redémarrer. Vous dites que cela pourrait influer sur les incertitudes actuelles, qui expliquent cette accumulation de capitaux.
J'aimerais que nous parlions des déficits des fonds de pension et, notamment, des faibles taux d'intérêt qui, malheureusement, offrent peu d'avantages. Vous avez déjà donné certains indices à ce sujet.
À quel point êtes-vous optimisme pour ce qui est d'une hausse du taux directeur dans un avenir plus ou moins rapproché?
Dans quelle mesure est-ce que cela pourrait aider à combler le déficit des fonds de pension à prestations déterminées?
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Il y a beaucoup d'éléments dans votre question.
En ce qui concerne l'incertitude des entreprises et l'impact de celle-ci sur leur rythme d'investissements, un encadré figurant aux pages 30 et 31 du rapport dévoile les résultats d'une enquête de la Banque du Canada. Dans un certain sens, il y a de bonnes nouvelles. On indique que la situation actuelle est moins une question d'incertitude mondiale. Ça ne l'est pas en Europe. Le gouffre budgétaire aux États-Unis n'est plus en cause non plus. C'était le cas l'été dernier, par contre. Ce sont donc de bonnes nouvelles. De plus, il ne s'agit pas d'inquiétudes concernant le système financier canadien. L'accès au crédit n'est pas la question.
La mauvaise nouvelle est qu'il s'agit plutôt d'une incertitude face à la demande aussi bien canadienne qu'internationale. Il faut donc qu'il y ait de nouveau une période d'accélération de la demande de la part des consommateurs canadiens et américains. Les banques s'attendent à ce que cela se produise.
En ce qui a trait aux fonds de pension, la situation est effectivement difficile pour eux et c'est dû à une réduction des taux d'intérêt partout dans le monde. Dans un certain sens, c'est contrebalancé par l'augmentation d'autres actifs financiers.
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Comme je l'ai dit à M. Côté il y a environ un an et même avant, l'incertitude mondiale causée par les événements en Europe, a entraîné des effets particulièrement négatifs. Il y avait des incertitudes fondamentales relativement à la politique financière des États-Unis et, par conséquent, à la demande américaine, et tout cela avait un effet sur les entreprises canadiennes. En plus de tout cela, il y avait aussi une certaine incertitude générale quant aux politiques, les politiques en Europe, les politiques aux États-Unis et dans une certaine mesure les politiques monétaires des banques centrales mondiales ainsi que des incertitudes quant à l'efficacité des mesures.
Les répercussions sur les Canadiens se sont dissipées grâce aux mesures prises en Europe et — même si ce n'est pas parfait et comme vous le savez des mesures ont aussi été prises aux États-Unis — à l'efficacité relative, surtout en ce qui touche la politique monétaire de la Federal Reserve, qui ont fait leur preuve.
Ainsi, les incertitudes existantes à l'heure actuelle pour les entreprises canadiennes portent sur la demande mondiale. Par contre, deux facteurs canadiens ont aussi une incidence, et ils n'ont rien à voir avec les politiques mais ils font partie des dynamiques de la demande au Canada. Notre croissance a été plus faible que ce que nous et les entreprises avions prévu. De sorte que l'accélérateur dont vous parlez fonctionne, dans le sens que les entreprises tiennent bon — elles ne se retiennent pas totalement, mais jusqu'au moment où elles verront aussi un accroissement de la demande au Canada.
L'autre facteur, qui sera mis en lumière dans le rapport, est l'impact sur le secteur énergétique dans la région de M. Jean. Je pense que c'est à la page 15 en français et également en anglais. Le pétrole brut canadien fait preuve de beaucoup plus de volatilité. Vous êtes au courant; de même que les entreprises. Le niveau est aussi plus faible que pour le WTI. Donc, un niveau plus faible, une plus grande volatilité et l'incertitude touchent les investissements dans un de nos secteurs les plus importants.
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Merci pour cette question, monsieur Rankin.
Si vous le permettez, je répondrai le premier, puis je demanderai à M. Macklem de poursuivre parce qu'il a fait du travail, non pas sur le volet fiscal des États non coopératifs, mais sur la question plus vaste des États non coopératifs, au Conseil de stabilité financière.
Une initiative est en cours au G20. Elle a été mise en lumière à nouveau la fin de semaine dernière à Washington — et cela relève beaucoup du domaine du Comité des finances et du ministre des Finances — pour améliorer le partage d'information. C'est un des éléments clés pour régler ce problème, c'est-à-dire qu'il y ait un partage d'information adéquat, en temps voulu et complet entre les États, afin que certains d'entre eux puissent s'assurer que leurs citoyens et leurs sociétés, ce qui est important, paient une part adéquate et équitable d'impôt.
Le deuxième élément, c'est que l'OCDE est en train d'élaborer un plan d'action pour le G20 — il devrait être déposé en juillet de cette année — pour régler le problème des soi-disant changements de juridiction fiscale, et du prix de transfert qui en découle entre les sociétés. Il s'agit de grandes sociétés multinationales. Ils sont devenus très efficaces pour veiller à ce que les coûts soient inscrits dans des pays comme le Canada et d'autres pays du G7 et que les revenus soient inscrits dans les pays à faible fiscalité, ce qui leur permet de payer des niveaux d'impôt relativement faibles.
C'est une question qui se pose à l'échelle mondiale. Idéalement, les principaux pays aborderont ce problème de façon coordonnée, parce que si un d'entre eux intervient, cela devient alors une question de compétitivité pour ce pays. À l'heure actuelle, je dirais que des progrès encourageants ont été réalisés sur ces deux points, en plus de l'échange de l'information et d'un plan plus exhaustif. C'est une question difficile et, manifestement, je m'en remets beaucoup au comité et au ministre.
M. Macklem peut vous dire un peu ce qui a été fait relativement aux pays non coopératifs.
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J'aimerais dire d'emblée qu'il y a quelques incertitudes concernant le niveau exact de la capacité ou du potentiel de l'économie et du niveau de l'économie. Mais nous réalisons une multitude d'estimations, et ensuite au conseil d'administration — M. Macklem, moi-même et quatre sous-gouverneurs faisons appel à notre jugement en plus d'avoir recours à des techniques statistiques pour évaluer le niveau de potentiel... À l'heure actuelle, nous estimons ce niveau comme étant à 1,25 point de pourcentage au-dessus du niveau auquel fonctionne l'économie canadienne actuellement, par conséquent il existe ce que nous appelons une lacune de production de biens matériels, soit la différence entre le niveau de fonctionnement actuel et celui de l'économie.
Il est aussi très important d'estimer, et nous le faisons une fois par année en octobre, le taux de croissance du potentiel: les Canadiens entrent dans le marché du travail, ils travaillent davantage d'heures et il y a une croissance de la productivité. La somme de ces deux facteurs, la soi-disant croissance du facteur travail et productivité constitue le taux de croissance du potentiel de l'économie.
Encore une fois, c'est une estimation. Différentes personnes peuvent avoir des opinions légèrement divergentes. Mais il est très important pour nous d'établir cette estimation, parce qu'au fil du temps la différence entre le niveau de fonctionnement de l'économie et le potentiel de l'économie a une répercussion sur l'inflation au Canada et nous établissons donc la politique monétaire en conséquence.
À l'heure actuelle, nous constatons qu'il y a environ 1,25 point de pourcentage de différence entre le niveau potentiel et le niveau de fonctionnement de l'économie. Selon notre évaluation, en date de l'an dernier, qui tient toujours, il y a un taux de pourcentage de croissance potentielle de 2,1.
Dans le deuxième trimestre, nous estimons que l'économie canadienne croîtra d'environ 1,8 point de pourcentage, mais à compter des troisième et quatrième trimestres, la moyenne de ces deux facteurs représente environ 2,5 points de pourcentage de croissance. Ainsi, l'écart commencerait à se combler, il s'agit tout simplement de faire les calculs, et nous aurions le niveau d'incidence.
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Cela comporte deux aspects. Je répondrais d'une façon légèrement différente dans le sens qu'il y a un potentiel non utilisé et qu'il s'agit de s'assurer que nous ayons cette demande pour combler cette lacune. La demande peut prendre différentes formes. Ce qui est particulièrement important pour nos projections, c'est une reprise de l'investissement des entreprises ainsi qu'une reprise graduelle des exportations.
J'ai dit plus tôt à M. Adler que selon nous nous avons fait des prévisions conservatrices quant aux exportations canadiennes relativement à la demande mondiale, mais cela se fonde sur des sous-rendements du passé.
Voilà donc les deux facteurs qui reprendraient de la vigueur du côté de la demande. Mais, dans l'atteinte de notre plein potentiel, et je changerais cela légèrement, je pense en fonction de la question qui portait sur un développement accru de notre potentiel.
Nous avons d'immenses défis démographiques au Canada, c'est une question ayant déjà été étudiée par le comité. Nous sommes à une étape où la contribution du facteur travail se situe environ entre 0,7 à 0,8 point de pourcentage du 2,1. Il y a cinq ans, ce facteur était à environ à 1,5 point de pourcentage de croissance, parce que notre population était légèrement plus jeune et que l'augmentation de la participation dans tous les échelons de la société était telle...
Ce dont nous avons besoin, afin de maintenir ce rythme, c'est d'accroître la productivité de l'économie. Pour ce faire, il faudra des investissements. Il faudra développer les compétences. Il faudra compter sur la souplesse du marché du travail canadien.
La contribution de la banque à tout cela est d'assurer la stabilité des prix et de contribuer à maintenir la stabilité financière afin que toutes ces choses se produisent dans un climat de certitude relative.
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C'est une bonne chose. Reste à voir si cela se poursuivra. Manifestement, nous suivons la situation de près, comme d'autres, mais ce facteur est passé de près de 20 p. 100 à un peu moins de 8 p. 100, qui est notre chiffre le plus récent.
Il existe deux facteurs dont un plus important. La marge est influencée par le rajustement de tarifs. La compétitivité s'est accrue dans le secteur de la vente au détail. Un certain nombre d'intrants étrangers ont accru la compétition. Par conséquent, on a connu je pense un ajustement à cet endroit.
Une autre forme de compétition découle du magasinage transfrontalier, qui s'est accru. Je sais que les détaillants canadiens ne voient pas cela d'un bon oeil, mais de façon marginale, ces achats ont aussi rajusté l'écart de prix.
Nous dirions que certains facteurs au Canada font en sorte que nous ne pourrons peut-être jamais combler cet écart de prix, étant donné la géographie, les coûts de distribution, les salaires relativement plus élevés et d'autres facteurs que nous pourrions détailler si vous le souhaitez.
L'un des facteurs prépondérants est le système de distribution au Canada. Les députés connaissent probablement mieux que quiconque l'envergure et l'étendue de notre pays, et la distance entre les divers centres commerciaux du Canada, grands et petits. Pour avoir des centres de distribution concentrés qui puissent couvrir toute l'étendue du pays, il faut se contenter d'économies d'échelle qui seront plus modestes que celles envisageables aux États-Unis.
Deuxième facteur, nos entreprises utilisent davantage de main-d'oeuvre, ce qui augmente nos coûts; en effet, nous sommes moins productifs. Il faut dire aussi que le secteur du détail du Canada, du point de vue de la productivité du détail, n'est qu'une fraction de ce qu'il est aux États-Unis. M. Macklem pourra vous le confirmer, mais je pense que nous sommes à 70 p. 100 de ce qu'il est aux États-Unis.
Donc, à la longue, et avec une augmentation de la compétitivité, on s'attendrait à voir une augmentation de la productivité au détail. Ceci représente des occasions pour les travailleurs d'occuper des emplois mieux payés et hautement spécialisés dont parlait M. Jean. Ce sont des facteurs qui, nous pensons, persisteront.
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D'accord. Ces chiffres sont toujours sujets à révision, mais l'économie canadienne a perdu quelque 430 000 emplois pendant la récession, c'est-à-dire du sommet au creux de l'économie. Nous avons récupéré ces emplois. En fait, non seulement les avons-nous récupérés, mais nous avons créé autant de nouveaux emplois.
En ce qui concerne la qualité de ces emplois, les trois quarts sont créés dans des secteurs industriels qui offrent des salaires supérieurs à la moyenne. Il en est de même pour le secteur privé, et 85 p. 100 de ces emplois, en chiffres actualisés, sont des emplois à temps plein.
Donc, nous avons récupéré tous ces emplois perdus. Par ailleurs, nous avons créé le même nombre d'emplois à temps plein dans le secteur privé, et le tout à des salaires au-dessus de la moyenne.
Comme vous le savez bien, et c'est important du point de vue de la politique monétaire, il persiste une certaine pénurie dans le marché du travail. Il y a un plus grand nombre de Canadiens qui souhaitent travailler. De plus, la reprise du nombre d'heures travaillées n'a pas été aussi forte que celle du nombre d'emplois récupérés. Mieux vaut travailler un peu que pas du tout, mais dans plusieurs secteurs, notamment dans les entreprises, si la demande était au rendez-vous, les travailleurs travailleraient davantage d'heures.
Mme Shelly Glover: Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Carney, je ne sais pas si votre comparution est la dernière au comité, mais je tenais à vous remercier pour votre service aux Canadiens dans votre rôle de gouverneur. Vous avez fait un si bon travail que vous êtes maintenant en demande. Je vous remercie beaucoup de votre travail.
Bien entendu, tout le monde se demande qui va vous remplacer, donc j'ai préparé quelques questions.
Monsieur Macklem, vous êtes pressenti comme prochain gouverneur de la Banque du Canada. Vous êtes certainement le favori. J'ai donc deux questions.
La première est de savoir, si on vous propose le poste, l'accepteriez-vous? Ce poste vous intéresse-t-il?
La deuxième est la suivante: quels défis devez-vous relever en emboîtant le pas à M. Carney?
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Pas facile de répondre.
Mme Peggy Nash: Je pensais commencer par une question facile.
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Oui, je crois que la diplomatie est énumérée parmi les qualifications.
Permettez-moi de revenir à la question des tarifs. Le tarif de préférence général ne s'applique, bien sûr, pas uniquement à la Chine, mais à 72 pays, dont le Gabon, la Namibie, la République dominicaine, la Grenade, Guam — et de nombreux autres pays qui ne connaissent pas le même taux de croissance que la Chine.
Je me reporte à un rapport de la Banque du Canada de 2008, dans lequel on discute d'une augmentation des tarifs pour d'autres pays. Il conclut comme suit:
S'agissant des motivations d'ordre politique, nous concluons que les décideurs bienveillants ne céderont pas aux sirènes du protectionnisme en raison de ses conséquences économiques négatives à long terme, tandis que la perspective de gagner rapidement du capital politique pourra séduire les myopes.
Je me demandais si, à la lumière de ce rapport, vous aviez un point de vue sur les récents changements qui auraient pour effet d'augmenter le tarif s'appliquant à 72 pays qui commercent avec le Canada.
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Il s'agit d'un enjeu important. Cela touche plusieurs aspects du système financier. Tout d'abord, j'aimerais parler des répercussions que cela peut avoir à l'échelle internationale en ce qui a trait à l'intégrité du marché. Nous avons vu ce que l'on ne peut décrire autrement qu'un comportement criminel consternant qui a mené à la manipulation d'un des points de repère financiers les plus importants, voire même à la manipulation de plusieurs points de repère financiers, qui sont essentiels aux bons rouages du système financier mondial. Mais nous allons laisser le soin aux tribunaux d'en arriver à ces conclusions. Il s'agit en revanche d'un comportement qui doit être puni, non seulement par les organismes de réglementation des valeurs mobilières, mais également par les tribunaux. Cela touche à l'intégrité du marché et il incombe aux organismes de réglementation des marchés de surveiller ce type de comportement.
Ce qui s'est passé avec les points de repère financiers, et cela diffère selon les pays, c'est que, à de nombreux égards, cette activité n'a pas été réglementée ou une activité a été supervisée directement. Mais il y aurait des changements, car l'Organisation internationale des commissions de valeurs a annoncé, la semaine dernière, une série de recommandations visant à changer la gouvernance et la surveillance des pratiques exemplaires en matière de gouvernance et de surveillance de ces points de repère. C'est le premier point que je voulais soulever.
Deuxièmement, on a soulevé des questions — et le président de la CFTC en a d'ailleurs soulevées à ce sujet hier — à propos de la capacité de ces points de repère qui sont soi-disant fondés sur le jugement de continuer à fournir des indications fiables à propos des coûts sous-jacents des transactions entre les banques.
Le CSF, à la demande du G20, va examiner cet enjeu en se penchant sur trois aspects. Tout d'abord, il faudra veiller à ce que les principes de gouvernance et de surveillance soient établis et qu'ils soient suivis par les pays membres. Cela inclurait notamment le Canada, en ce qui a trait au taux CDOR. Deuxièmement, il faudrait envisager quels points de repère fondés sur les transactions pourraient remplacer les autres points de repère. Il s'agirait donc de trouver des points de repère qui sont fondés sur de véritables transactions plutôt que sur des transactions épisodiques et fondées sur un jugement. Je ne veux pas présumer les résultats de cette analyse. Enfin, ils se pencheront sur les mécanismes de transition et les coûts de transition éventuels qui s'y rattacheraient.
J'aimerais conclure en rajoutant deux points.
Le LIBOR est en soi un point de repère de référence. Il s'agit d'un point de repère important. Il s'agit des coûts que les banques doivent défrayer lorsqu'elles se prêtent de l'argent. Si vous empruntez de l'argent à titre de société, les coûts sont souvent déterminés à partir du taux LIBOR. Parfois, dans certains pays, les hypothèques sont déterminées à partir du LIBOR. Mais le LIBOR en soi, en plus de tout ce que je viens de dire, est le point de repère de référence dans plus de 300 billions de dollars de dérivés. Il est donc essentiel que nous fassions les choses correctement et que la transition se fasse sans heurt. C'est là du moins l'objectif.
Enfin, j'aimerais souligner que le secteur officiel a clairement un rôle à jouer. Nous avons pour rôle de surveiller et de garantir l'intégrité de ces systèmes et nous avons également un rôle de coordination du secteur privé afin de lui permettre d'identifier les prochains points de repères et de veiller à ce que la transition soit efficace.
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Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir donné l'occasion de poser quelques questions supplémentaires.
Monsieur Carney, au sujet du prix du pétrole, vous avez mentionné en passant la différence entre le prix du pétrole Brent de la mer du Nord et celui du Western Canadian Select. Je sais que nous en avons discuté de façon générale auparavant, mais je ne crois pas que les Canadiens se rendent compte, tout d'abord, que notre gouvernement a fait le plus gros investissement en termes d'infrastructure au Canada au cours des dernières cinq ou six années, soit quelque 33 milliards de dollars échelonnés sur une période de cinq ans. Il s'agit d'environ 3 ou 4 milliards de dollars par année. Il est étonnant de constater qu'en raison de la marge l'an dernier, environ 30 milliards de dollars n'ont pas été récupérés par les compagnies pétrolières au Canada, en raison du manque de transport, du manque d'infrastructure pour les oléoducs, de l'incapacité des chemins de fer de transporter ce pétrole à des prix concurrentiels. Ultimement, cette situation a coûté de nombreux emplois canadiens, a réduit les profits de nombreux actionnaires canadiens, et en réalité, a provoqué des pertes considérables en recettes fiscales pour le gouvernement fédéral et les provinces, et ainsi de suite. Le gouvernement fédéral — peu de gens le savent — perçoit environ 52 p. 100 des recettes fiscales provenant des sables pétrolifères.
Quelle est l'importance d'avoir de nouveaux oléoducs pour nous? Il semblerait que même si nous débutions aujourd'hui et que tous les projets étaient approuvés, rien ne se produirait avant 2015, et nous allons continuer à subir cette perte de 30 milliards de dollars par année pour les actionnaires et les entreprises du Canada.
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Il s'agit d'un enjeu important, sans aucun doute.
Au cours de la dernière année, nous avons connu une situation très inusitée au Canada. Le prix mondial du pétrole a augmenté, ce qui entraînerait normalement un effet positif net pour l'économie canadienne. Il y a une période d'ajustement, mais l'effet éventuel, y compris après avoir passé par le gouvernement, signifie normalement que les prix mondiaux plus élevés pour l'énergie ont une incidence nette positive sur l'économie canadienne. Mais dans ces circonstances particulières où les prix Brent sont plus élevés, nous avons constaté des réductions considérables, provoquant des pertes de revenus dans l'Ouest canadien. De plus, puisque le prix Brent est plus pertinent pour déterminer le prix du pétrole dans l'Est du Canada et, dans une certaine mesure, dans le centre du Canada, une perte de revenu disponible en a résulté, parce que les prix plus élevés pour l'essence l'ont l'emporté sur ce qui aurait normalement été avantageux du côté du revenu. Heureusement, la différence a diminué quelque peu, comme vous le savez, au cours des dernières semaines, mais comme je l'ai dit tantôt — et nous avons ajouté les données pour bien vous faire comprendre —, la situation demeure précaire. Le prix varie beaucoup à cause des problèmes d'infrastructure que vous avez soulignés.
Il n'y a aucun doute qu'il existe une grande variété de projets d'infrastructure en matière d'énergie — évidemment, nous n'accordons aucune préférence à un projet ni à une entreprise particulière — dont pourraient bénéficier les producteurs canadiens ainsi que toute la population. Ils pourraient réduire certaines de ces différences à un minimum entre les prix mondiaux élevés pour le pétrole brut et les prix moins élevés que reçoivent les producteurs canadiens afin de pouvoir faire baisser le prix de l'essence dans l'Est du Canada, ce qui pourrait nous permettre d'offrir de l'énergie aux États-Unis de façon fiable. D'après moi, l'un des facteurs — et nous l'avons déjà dit, mais nous le répétons de nouveau —, c'est qu'il y a eu une révolution énergétique aux États-Unis, ce qui est positif pour l'économie américaine, mais la perspective d'assurer la sécurité des approvisionnements énergétiques aux États-Unis demeure bien lointaine. Il y a la sécurité énergétique nord-américaine. Afin d'assurer la sécurité énergétique nord-américaine à long terme, il faut investir davantage dans l'infrastructure, ce qui serait avantageux pour les deux économies, mais surtout pour l'ensemble de l'économie canadienne.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais abordé un sujet dont on n'a pas encore parlé aujourd'hui et dont on n'a pas parlé depuis un bon bout de temps. Il s'agit des produits dérivés. Vous êtes aussi président du Conseil de stabilité financière du G20. Quand je pense au travail que j'effectuais dans le domaine en 2007, 2008 et 2009, j'ai encore en tête les mots
[Traduction]
contrat d'échange sur risque de crédit et papier commercial adossé à des actifs
[Français]
Toutefois, on a l'impression que ce n'est plus une question prioritaire, même si cela a été à l'origine de la crise qu'on a vécue et qu'on vit encore. En premier lieu, où en sont les discussions présentement? Où en est le travail du conseil et des pays du G20 dans ce domaine? Considérez-vous que le gouvernement du Canada, comme l'ensemble des pays du G7, devrait faire un plus gros effort en ce qui a trait à cette question?
Également, j'aimerais que vous me parliez de la situation plus problématique des produits de gré à gré ou des transactions de gré à gré, ou over-the-counter, en anglais. Cela semble être l'une de vos préoccupations si je me fie à un rapport qui a été publié par la Banque de France.
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Merci beaucoup. Vous avez raison, comme d'habitude. Ce sont des enjeux extrêmement importants pour la stabilité financière du monde et du Canada.
En ce qui concerne le papier commercial adossé à des actifs, je crois qu'il y a des réformes au chapitre des normes et des règles de sécurité pour la titrisation. Ces réformes arriveront probablement dans quelques mois sous forme de
[Traduction]
fonds du marché monétaire
[Français]
parce qu'ils représentaient les plus grands investisseurs dans de tels produits. Dans un sens, ce n'est plus un problème pour la stabilité financière. Toutefois, en ce qui concerne les produits dérivés de gré à gré, cela représente encore une grande crise pour le système. Il faut continuer les réformes que nous avons commencées à mettre en oeuvre il y a quelques années.
[Traduction]
Puis-je passer à l'anglais?
Je veux soulever trois points.
Très rapidement, la transparence existe là où beaucoup de progrès ont été réalisés. Le Canada travaille à établir un répertoire des opérations, ce qui favorisera la transparence. Dans mon rôle au CSF, nous avons écrit à tous les membres du CSF pour veiller à ce qu'ils fassent tous la même chose. Voilà le premier point.
Le deuxième point porte sur la compensation de ces produits. Le fonctionnement du système élimine beaucoup de risques au moyen de ce qu'on appelle la contrepartie centrale. Au lieu d'établir directement une relation bilatérale entre deux institutions, la contrepartie centrale permet à une institution de poursuivre ses opérations, même si l'autre fait faillite. Les autorités canadiennes, au fédéral et au provincial, ont décidé de centraliser la compensation des dérivés canadiens à Londres pour effectuer des échanges de taux d'intérêt. Cette décision, qui est extrêmement importante, réduira grandement le risque pour les institutions canadiennes, et ce, de manière très efficace.
Le troisième point porte sur une série de règlements visant les produits dérivés transfrontaliers. Si on effectue une transaction entre une institution à Montréal et une autre en Europe, deux séries de règlements pourraient s'y appliquer. Il faut harmoniser ces règlements pour que ces transactions puissent avoir lieu. Une série de réunions ont été tenues pour y arriver. Les autorités canadiennes...
[Français]
les autorités des marchés financiers et
[Traduction]
ainsi que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ont participé à ces réunions. Grâce au CSF, nous offrons un appui à leurs efforts. Une série de réunions au cours de la fin de semaine dernière avaient pour objectif de réaliser des progrès réels en ce sens. Nous essayons de mettre au point un certain nombre de ces réformes avant le sommet du G20 qui se déroulera à Saint-Pétersbourg, en septembre.
J'affirme que des progrès réels ont été réalisés. J'accueillerais l'intérêt soutenu de votre comité pour la question. Elle est très compliquée, mais il faut mettre en place tous les éléments des réformes pour réduire véritablement de façon substantielle les risques liés à ce marché important.
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Merci, monsieur le président.
Je partagerai mon temps avec M. Hoback.
Surtout en tant qu'invité aujourd'hui, je n'oserais jamais politiser le rôle de la Banque du Canada ni le processus d'embauche pour remplacer le gouverneur. Vous pouvez tous deux vous sentir à l'aise; je n'en parlerai pas.
J'ai une question portant sur la situation aux États-Unis. Il est clair qu'ils doivent assainir leurs finances. C'est bien le moins qu'on puisse dire aujourd'hui. La façon dont ils s'occupent de leurs finances suscite peut-être quelques préoccupations. C'est la séquestration qui me vient à l'esprit. J'étais à Washington il y a quelques semaines, et on ne parlait que de cela. Je sais que vous y étiez récemment aussi, monsieur Carney.
Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. La séquestration est-elle un facteur de risque potentiel pour le Canada et l'économie canadienne? La méthode américaine qui consiste à effectuer des compressions budgétaires à l'aveuglette fait contraste à la méthode prudente du gouvernement canadien, qui vise à limiter les coûts et à réduire la taille du gouvernement.
Pouvez-vous nous en parler?
:
Permettez-moi d'en parler un peu. Cette question est très importante.
Parlons franchement de la séquestration. Elle avait pour but de créer une série de compressions si ridicules que les autorités américaines seraient obligées de s'entendre sur un budget convenable. Eh bien, elles ne se sont pas entendues sur un budget convenable, et maintenant, on met en oeuvre une série de compressions mal avisées qui, à certains égards, sont punitives.
Nous avons à peine commencé à les remarquer. Par exemple, au cours des derniers jours, on a commencé à mettre en oeuvre la réduction du nombre d'heures attribuées au contrôle de la circulation aérienne, et les conséquences se font sentir. Les gardes-frontières et les agents des douanes aux États-Unis font un excellent travail, mais en réduisant leur nombre, les Canadiens pourraient ressentir les conséquences sous forme de retards. Il existe toute une liste de situations semblables.
On estime que l'effet de la séquestration sur l'économie américaine consistera à réduire sa croissance de 1,08 point de pourcentage cette année. C'est l'ensemble des mesures américaines. Je ne devrais pas dire que ce ralentissement est attribuable uniquement à la séquestration; il inclut l'entente budgétaire sur les impôts, les réductions d'impôt de Bush et d'autres facteurs. Voilà donc un freinage fiscal à hauteur de 1,08 p. 100 aux États-Unis cette année.
Somme toute, en 2013, on prévoit une croissance de 2 p. 100 aux États-Unis. Si l'on examine le revers de la médaille, on peut se faire une idée de l'amélioration du secteur privé américain. Si le gouvernement n'avait pas mis en oeuvre ces mesures, la croissance aurait atteint presque quatre points de pourcentage.
D'importants changements financiers se sont produits simultanément aux États-Unis cette année. L'année prochaine, le ralentissement sera de moins d'un point de pourcentage, plus précisément de 0,8 p. 100, ce qui fait en sorte que la croissance sera plus élevée aux États-Unis, soit d'environ 3 p. 100.
Il s'agit d'un enjeu important. Les États-Unis doivent s'adapter. Comme vous le dites, ce pays doit mettre en oeuvre des modifications à long terme, mais les mesures actuelles avaient pour objectif d'être ridicules et de courte durée. En fin de compte, elles n'orientent pas les changements à plus long terme, qui nécessiteront la prise de décisions difficiles sur le transfert de droits, sur d'autres facteurs, peut-être même sur les recettes, comme le sait le gouvernement américain. Il s'agit d'une suite d'événements malheureux.
Cela dit, si l'on tient compte de la vigueur qui sous-tend l'économie américaine, on peut voir la vigueur du secteur privé à l'oeuvre. Cette économie connaît une croissance de 2 p. 100, ce qui stimule la demande de produits et de services canadiens, même s'il existe des coûts liés aux obstacles aux déplacements et aux passages transfrontaliers.
:
J'aimerais vous amener à aborder la question des capacités inutilisées de l'économie canadienne.
En tant que député de Beauport—Limoilou, je suis très fier de représenter une région où il y a une activité économique élevée. Le taux de chômage est de l'ordre de 5 à 6 % alors qu'il y a 20 ans, lorsque je suis sorti de l'université avec mon diplôme en main, le taux de chômage était de l'ordre de 11 ou 12 %. C'était une situation très difficile. La situation actuelle est le résultat d'une mobilisation des pouvoirs publics, parapublics et privés qui ont décidé d'investir dans l'avenir et de soutenir l'innovation.
On a vu de très beaux exemples au gala des Mercuriades, entre autres, avec la compagnie TeraXion qui fait des affaires partout dans le monde. En fait, cette compagnie ne fait pratiquement aucune affaire ici au Canada.
Je ne vous cache pas que le fait de beaucoup compter sur la reprise dans d'autres pays me déplaît d'une certaine manière. Je considère qu'on devrait compter davantage sur nous-mêmes, mais c'est probablement un problème d'orgueil de ma part. Enfin, cela reste à voir.
Pourriez-vous me dire ce que vous pensez, d'abord, de mon problème d'orgueil, et ensuite, de notre utilisation des moyens à mettre en oeuvre pour utiliser cette capacité inutilisée au Canada en faveur de l'économie canadienne?
:
C'est une bonne question. Je vais commencer et par la suite M. Macklem pourra poursuivre.
Le coût pour obtenir un diplôme à l'université au Canada est à peu près de 40 %. La moyenne dans les pays de l'OCDE est d'environ 50 %. Alors, il s'agit d'un aspect de cet enjeu,
[Traduction]
les compétences, le déséquilibre
[Français]
qui existe présentement au Canada.
Il ne s'agit donc pas d'une question d'orgueil, mais il faut faire des réformes au Canada qui seraient bénéfiques pour les Canadiens et les Canadiennes.
Monsieur Macklem, je vous cède la parole.
:
On avait parlé de questions piégées, n'est-ce pas?
Bien entendu, nous n'avons pas d'opinion sur l'enjeu précis dont les députés débattent. D'un point de vue de la politique monétaire, les rajustements aux droits de douane, à la hausse ou à la baisse, dans le contexte d'un régime tel que celui qu'on a au Canada, où il y a une cible crédible en matière d'inflation, donnent lieu à un rajustement ponctuel des prix, à la hausse ou à la baisse, selon le rajustement. Dans bien des cas, c'est plutôt marginal.
Même si c'est un rajustement un peu plus important et notable, cela représente une augmentation temporaire des prix qui ne vient pas s'ajouter au taux d'inflation au fil du temps. Nous prenons donc ces facteurs en considération dans l'établissement d'une politique monétaire. Si les tarifs étaient réduits, nous étudierions la question; nous ne croyons pas que le taux d'inflation continuerait d'être à la baisse en conséquence.
:
Merci beaucoup, monsieur le gouverneur Carney.
Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier chaleureusement du service que vous rendez à votre pays. J'aimerais vous remercier d'avoir toujours tenu des propos respectueux et des échanges de fond lorsque vous avez comparu devant notre comité.
[Français]
Au nom de tous les députés du comité, je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Je tiens à vous remercier de votre service.
À la dernière séance, je vous ai demandé quelle était votre équipe préférée de football. Je ne sais pas si cela vous a mis dans le pétrin.
Au cours de cette dernière réunion, j'aimerais vous donner un cadeau qui provient de votre équipe de hockey préférée, les Oilers d'Edmonton. Je vais lever la séance et je vous donnerai un petit cadeau. Je vous le donne, mais il provient en fait de Patrick LaForge et de Kevin Lowe, qui sont deux de vos très bons amis.
Merci beaucoup, messieurs Carney et Macklem, d'être venus.