NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 16 mars 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood (Nipissing, Lib)): Nous sommes prêts à commencer notre séance de la soirée.
Laissez-moi vous expliquer comment les choses se présentent. Certaines personnes ont présenté des mémoires en bonne et due forme et nous allons les entendre dans un moment. Vous avez le choix de parler dans la langue que vous préférez, à condition que ce soit le français ou l'anglais, parce qu'il y a un service d'interprétation. Si c'est une autre langue, ce sera plus problématique.
Ne vous laissez pas intimider par ce qui se passe autour de vous; c'est que toutes vos paroles sont enregistrées directement à Ottawa. Nous voulons que vous soyez très francs avec nous. La réunion de cet après-midi a été fructueuse parce que les témoins ont justement été sincères. Nous vous encourageons à prendre la parole.
Nous avons une liste des personnes qui vont présenter des exposés. Nous entendrons d'abord ceux qui se sont présentés cet après-midi et qui n'ont pas eu le temps de passer; ensuite, nous allons entendre le plus grand nombre possible de ceux qui veulent présenter un exposé. Si ça nous oblige à rester là jusqu'à 23 h 00 ou minuit, nous le ferons.
Nous allons commencer la soirée avec Peggy Davidson. Peggy est-elle là?
Je vous demanderais aussi de rester à vos micros après avoir présenté votre exposé, pour répondre aux questions de mes collègues: David Price qui représente le Parti conservateur, et David Pratt et Judi Longfield du Parti libéral.
Peggy, nous vous écoutons.
Mme Peggy Davidson (témoigne à titre personnel): Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous ce soir.
J'ai déjà été membre d'un comité, mais c'est la première fois que je comparais comme témoin. Je vous prie d'avance d'excuser ma nervosité.
Je suis l'épouse d'un membre actif des Forces armées canadiennes. Je ne suis pas militaire moi-même. Pour moi et pour les autres épouses qui sont ici ce soir, je suis certaine que ça fait toute la différence. Ce soir, je veux moi aussi parler des équipements et des clubs récréatifs et de leur influence sur la qualité de la vie des épouses et des familles qui vivent dans les bases militaires.
Dernièrement, dans le Whig-Standard de Kingston, on pouvait lire en gros titre que la qualité de la vie n'était plus ce qu'elle était. Dans certains cas, ça vaut mieux ainsi. Il y a longtemps, 29 ans pour être précise, quand je me suis mariée, mon mari a été affecté en Allemagne. D'après l'entente avec les États qui font partie de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN, les épouses des militaires actifs des Forces armées canadiennes étaient considérées comme des «épouses à charge».
Je vous assure que si vous connaissiez certaines des épouses qui sont ici ce soir, vous découvriez qu'elles ne sont à la charge de personne, au contraire. Nous avons accepté cette étiquette parce que pour être autorisées à accompagner nos époux en Allemagne, il fallait que les mots «à la charge de» soient marqués dans notre passeport.
Dès qu'un logement jugé convenable pour le grade de notre mari était disponible, nous y étions escortées. On nous escortait aussi à notre départ de l'Allemagne. Durant notre séjour au pays des fêtes de la bière et des orchestres à flonflon, nous étions soumises à la loi militaire et traduites devant la cour martiale si nous commettions une infraction. Un avocat de l'armée était nommé pour nous représenter et nous comparaissions devant un juge militaire. Nous magasinions au CANEX, un magasin administré par l'armée, et nos enfants allaient à des écoles administrées par le ministère de la Défense nationale. Dès le départ, nous étions soumises à tout ce qui était militaire. Comme le faisaient dans le temps les civils qui gravitaient autour de l'armée, il fallait plier bagages et suivre les troupes.
Les choses ont un peu changé depuis ce temps. Les épouses des militaires actifs ne sont plus considérées comme des épouses à charge, sinon ça va aller mal.
Le centre des ressources familiales a été mis sur pied pour épauler et renseigner les familles. On a ouvert des garderies qui s'occupent bien de nos enfants et qui contribuent à réduire la pression sur les membres actifs, lorsque la responsabilité de la garde des enfants s'ajoute à la pression quotidienne des fonctions militaires.
À la cérémonie de passation du commandement, à tous les dîners en l'honneur d'un retraité et à tout bout de champ, on remercie les épouses et les familles pour leur appui. En même temps, on nous encourage en déclarant qu'on fait partie intégrante de la famille militaire, qu'on entretient la chaleur du foyer, qu'on est le pivot de la famille régimentaire et que c'est grâce à nous que nos soldats continuent de servir.
En me voyant comparaître ce soir devant le comité permanent, beaucoup penseront probablement que j'enfreins une règle tacite de l'armée voulant que les épouses des militaires se contentent de paraître. Il ne faut pas créer des difficultés administratives à nos époux en uniforme, car ça pourrait nuire à leur carrière.
Nous avons toutes entendu des histoires d'horreur sur la femme qui pose une question embarrassante lors d'un breffage. Son mari est convoqué devant son commandant pour se faire dire en des termes on ne peut plus clairs qu'il doit prendre sa femme en main. Bon nombre d'épouses ont la hantise de faire une telle gaffe.
J'ai énormément de chance. Mon mari aura cette année l'âge de la retraite obligatoire et il a atteint le sommet de sa carrière. Je n'ai plus peur de faire une erreur ni de nuire à sa carrière. En outre, il y a des années qu'il n'essaie plus de me mettre au pas.
D'après mon expérience personnelle, je trouve qu'il y a deux choses qui influent sur la qualité de la vie dans les bases militaires: la participation à la prise des décisions concernant les clubs récréatifs et le financement de ces clubs.
Au sujet de la première, la participation à la prise des décisions concernant les clubs récréatifs, les épouses et les enfants des membres des Forces armées canadiennes forment une majorité silencieuse qui peuple les bases militaires de tout le Canada. Ils n'ont pas voix au chapitre dans les décisions qui touchent leur vie.
Par exemple, il y a entre autres un club de poterie et un club de céramique. Il arrive que je suis la présidente du club de poterie de la base. À la base de Kingston, le club a été forcé récemment de cesser ses activités. Les membres des clubs en font partie pour se détendre. Quand son époux part pour sa deuxième ou sa troisième affectation en Bosnie, on tire beaucoup de satisfaction à écraser une boule d'argile sur une table. C'est bien mieux que d'engueuler ses enfants ou de donner des coups de pied au chien parce qu'on s'ennuie et qu'on est frustré.
• 1915
Deuxièmement, ça permet de se changer les idées après les
cours. Les étudiants du CMR trouvent qu'aller au club leur aide à
faire le vide et à mieux comprendre ensuite les détails de la
quantique et de la composition moléculaire de l'ADN—je ne
comprends toujours pas ce que c'est—et les raisons subtiles pour
lesquelles Blücher et non Wellington est le véritable héros de la
bataille de Waterloo.
Les clubs servent aussi à apprendre quelque chose. La poterie et la céramique sont deux activités qui pourraient être utiles après la retraite.
Pour en revenir à la fermeture de ces clubs, le médecin-chef de la base a recommandé des mesures correctives après avoir fait une inspection préventive des clubs. Les clubs en question n'ont pas pu donner suite aux recommandations puisqu'ils ne figuraient pas sur la liste de diffusion des recommandations et que les personnes qui les avaient reçues ne les ont pas transmises aux clubs concernés.
Comprenez-moi bien. Les clubs ne font de reproche à personne en particulier. C'est le système qu'il faut blâmer parce qu'il n'a pas marché.
Nous ne sommes pas des militaires. Nous n'avons pas le grade de notre mari. Notre club n'a pas d'acronyme. Il semble que ce soit obligatoire pour figurer sur la liste de diffusion des circulaires militaires. On aurait pu au moins avoir la courtoisie de nous inscrire sur la liste de diffusion des mesures à prendre à la suite du rapport du médecin-chef. Parce qu'on ne figurait pas sur la liste, on n'a pas été informé et on n'a pas pu donner suite.
Les clubs de poterie et de céramique approuvent sans réserve le commandant de la base qui a décidé de fermer les clubs. Étant donné les conclusions et les recommandations du médecin-chef, il n'avait pas le choix. À cause de la chaîne de commandement particulière à tout système militaire, il faut procéder d'une certaine façon. Comme les clubs ne s'intègrent pas toujours parfaitement dans cette structure, il faut compter sur les autres pour veiller à leurs intérêts. Le régime militaire ne permet pas la représentation selon la population.
Je recommande que les clubs récréatifs, surtout ceux fréquentés principalement par les épouses et les enfants des militaires actifs, aient un représentant qui veille à leurs intérêts. Ce représentant ne serait pas rémunéré et ne devrait pas être un ancien militaire. Il devrait être au courant de ce qui contribue à la qualité de la vie à l'intérieur de la base militaire et avoir accès directement au commandant.
La deuxième chose, c'est le financement des clubs récréatifs. Le commandant de la base dispose d'un budget global qui doit lui servir à assumer tous les frais de sa base. Depuis cinq ans, BFC Kingston a subi des compressions budgétaires de l'ordre de 42 p. 100. Je n'arrive même pas à imaginer comment notre commandant a réussi à exécuter toutes les tâches opérationnelles qui lui ont été assignées, malgré ces compressions.
Chacun sait qu'on est en train de fermer des bases au Canada. Comme toute la population de Kingston craignait vraiment que celle de Kingston soit fermée, un groupe de travail a été formé. Le groupe de travail BFC Kingston, qui regroupe des représentants de la base, de la ville de Kingston et du canton de Pittsburgh, a été formé pour assurer la viabilité de la base. Il a fait un travail fabuleux en suggérant des mesures de réduction des coûts qu'il a ensuite mises en application.
Selon le ministre de la Défense nationale, Art Eggleton,
-
BFC Kingston est entre bonnes mains. Elle a subi bien des
modifications et des compressions. Nous espérons la conserver.
C'est une base qui est fort susceptible de survivre. Mais il faut
rester sur le qui-vive et faire de notre mieux pour minimiser les
coûts, parce qu'il y a d'autres compressions à venir [...] celles
annoncées dans les budgets d'il y a deux ans.
Je n'arrive pas à comprendre ce qui sous-tend le choix entre fonds non publics et fonds publics, entre dépenses de fonctionnement et dépenses pour la qualité de la vie. Tout ce que je sais, c'est qu'au bout du compte, il est injuste de demander au commandant de notre base d'exécuter ses tâches opérationnelles, de réduire les coûts de fonctionnement de BFC Kingston et d'améliorer la qualité de la vie de ses soldats et de leurs familles, à même un seul budget.
Je recommande de créer à BFC Kingston un fonds pour la qualité de la vie, afin d'aider les militaires et leurs familles à dissiper le stress journalier de la vie militaire. Ce fonds serait indépendant du budget de fonctionnement de la base et servirait à créer et entretenir un centre récréatif qui fournirait aux clubs de loisirs un local où tenir leurs activités sans craindre la fermeture.
• 1920
Comme l'a déclaré le chef d'état-major de la Défense dans son
allocution devant le comité permanent l'automne dernier, et je
cite:
-
Nous faisons vraiment face à des pressions budgétaires. Nous devons
maintenir un équilibre précaire entre le financement des programmes
de soutien nécessaires à nos militaires et à leurs familles et un
financement suffisant pour fournir du matériel moderne et la
formation [...] nous aurons besoin de votre aide pour trouver des
solutions nouvelles, novatrices et abordables si vous décidez de
recommander de nouveaux programmes de soutien.
Quand il est venu à Kingston le vendredi 28 février, le ministre de la Défense Art Eggleton a dit: «Je pense qu'il y a beaucoup d'espoir pour les Forces canadiennes». Je suis heureuse que quelqu'un le croie. Il a dit aussi qu'améliorer la qualité de la vie des soldats et de leurs familles était l'une de ses quatre priorités.
Quand vous avez fait la tournée des bases du Canada, je suis certaine que vous avez reçu bien des recommandations et des demandes pour améliorer la qualité de la vie des membres actifs des Forces armées canadiennes et de leurs familles. Tout le monde, avec ou sans uniforme, aime avoir son mot à dire sur la façon dont sa vie est dirigée.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné la parole ce soir et de m'avoir permis de dire ce que j'avais à dire.
Outre mon exposé de ce soir, je voudrais vous présenter Dianne Anthony. Dianne est la présidente de notre club de céramique et elle voudrait ajouter quelques observations à mon exposé, si le comité n'y voit pas d'objection.
Le président: Nous vous écoutons.
Mme Dianne Anthony (témoigne à titre personnel): Aujourd'hui, je veux vous parler en tant que membre de la collectivité militaire. Mon rôle à moi a toujours été d'épauler mon mari, mes enfants, sa carrière et la collectivité militaire où je me trouve.
Le bénévolat a occupé une place de choix sur ma liste d'activités dans chacune des bases où j'ai été affectée. C'est un rôle très stimulant qui permet d'affronter des tas d'obstacles, l'inconnu et des jeux politiques, sans grand avantage pourtant. Depuis 24 ans, j'ai vu l'établissement de bien des bureaucraties pour aider les soldats et enrichir leur vie et celle des membres de leur famille.
Nombre de ces comités partent dans une direction tout à fait différente de celle empruntée par les systèmes déjà en place. Ils devraient plutôt examiner ce qui existe déjà pour tenter de l'améliorer.
Quand on regarde les clubs récréatifs dans les bases, on constate qu'ils sont administrés entièrement par des bénévoles qui cherchent à offrir un service au meilleur prix possible. Ils n'ont aucune arrière-pensée et leur seul objectif est de permettre aux familles des soldats de décompresser et de s'amuser.
Les clubs dans les bases servent d'exutoire aux familles qui s'attendent à les retrouver d'une base à l'autre. Ils permettent à un membre de participer à des activités plusieurs fois par semaine, toutes les semaines, et non pas seulement de temps en temps ou encore lorsque les maris sont en mission à l'extérieur de la base. Des amitiés se créent, on s'entraide et c'est souvent le seul refuge pour l'épouse et les enfants d'un militaire.
La base elle-même organise énormément d'activités pour les soldats afin de favoriser la camaraderie et leur donner une période d'inactivité lorsque les temps sont durs, mais pour les épouses et leurs enfants, il n'y a que les clubs dans la base pour leur permettre de se détendre. Ces clubs devraient se multiplier et prendre de l'expansion au lieu d'être victimes des compressions quand les temps sont difficiles. C'est à ce moment qu'on en a le plus besoin.
Les clubs récréatifs ne devraient pas avoir à disputer des locaux à des organisations formées pour améliorer la qualité de la vie. Il est difficile de voir ce qui est amélioré lorsqu'on remarque immédiatement les inconvénients d'une organisation qui s'installe; lorsque les friperies, les clubs et les activités communautaires, surtout les petites, passent après les locaux à bureaux.
Les bureaux devraient se trouver dans les immeubles de l'administration. Les clubs ont des besoins spéciaux et devraient être centralisés dans le quartier résidentiel pour maximiser leur utilisation. Les enfants et les autres dans la base qui n'ont pas de véhicule devraient pouvoir s'y rendre facilement à pied. Un centre communautaire devrait jouer son rôle et déborder d'activités communautaires. Les locaux à bureaux et autres services comparables devraient occuper une surface restreinte ou se trouver dans les immeubles administratifs.
Comme Peggy l'a dit, les commandants des unités nous remercient souvent dans les dîners pour notre appui indéfectible et pour le rôle équilibrant que nous jouons dans la vie de nos époux. Je voudrais que ces mots se traduisent par des actions concrètes pour aider les clubs. Bien des clubs de la base sont actuellement dans une situation critique; il n'y a pas que le club de céramique et de poterie qui se trouvent dans une situation critique, il y en a bien d'autres. Il y a le garage coopératif et le club de menuiserie qui sont en difficulté, pour ne nommer que ces deux-là. Il y a une pénurie de locaux dans la base et on sait bien pourquoi. On démolit tout sans rien construire.
C'est difficile de justifier l'utilisation d'un immeuble à des fins communautaires quand on a besoin de locaux pour administrer la base. La base fait de son mieux, mais ce n'est pas facile quand les immeubles sont démolis les uns après les autres. De nombreux clubs ont besoin d'une aide financière immédiate pour poursuivre leurs activités. Ces clubs jouent un rôle primordial dans les loisirs et les rapports sociaux de beaucoup de monde.
• 1925
Si on veut améliorer la qualité de la vie des soldats et de
leurs familles, il faut nous donner un endroit où l'on s'attendra
de pouvoir aller régulièrement pour s'épanouir, tisser des liens et
s'entraider, sans compter mettre à profit nos talents. On a besoin
d'un endroit à soi où l'on peut se sentir à l'aise et bien
accueilli.
Les clubs de poterie et de céramique ont été fermés temporairement, comme l'a dit Peggy, en attendant de trouver d'autres locaux. Nous en sommes à la quatrième semaine d'interruption des activités—les clubs ne sont pas vraiment fermés mais on ne peut rien y faire—et nos membres continuent de se réunir toutes les semaines uniquement pour parler et se retrouver. C'est vous montrer à quel point c'est important pour les membres des clubs. Ils s'y rendent même s'ils ne peuvent pas pratiquer leur passe-temps.
Si vous entendez nos supplications pour une aide financière ne provenant pas nécessairement du budget de la base, mais d'un fonds à part, alors les clubs s'en tireront peut-être. Les bases ont subi de telles compressions qu'on ne taille plus dans le gras. Les bases elles-mêmes ne peuvent plus nous aider. Nous avons besoin d'une autre source de financement ayant pour mandat la qualité de la vie et non l'administration d'une base.
Je crois que nous avons encore des chances de nous en tirer. Pour moi, la qualité de la vie nourrit l'âme et l'esprit. En ce moment, notre moral est bas et il faut régler absolument ces problèmes pour assurer notre équilibre mental.
Des voix: Bravo.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, Dianne.
Si Dianne et Peggy veulent bien rester un moment, je suis certain qu'on va leur poser des questions et David Price sera le premier.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.
Comme vous, je trouve que les loisirs et les activités culturelles tendent vraiment à bâtir une communauté. Cela se fait habituellement par les organisations bénévoles.
J'ai bien aimé votre présentation. Au moins, vous avez prévu des recommandations. C'est bien. Ça nous aide énormément.
Pourquoi ces deux clubs ont-ils été fermés? Vous ne l'avez pas expliqué. Peut-être pourriez-vous nous donner plus de détails.
Mme Peggy Davidson: En 1994, l'immeuble qui abritait la garderie dans la base a été condamné; on a donc déménagé la garderie au centre communautaire. À l'époque, nous avons manifesté notre inquiétude de voir une garderie installée dans un centre communautaire où il y a un club de poterie et de céramique.
M. David Price: À cause de la ventilation?
Mme Peggy Davidson: Oui, et aussi à cause de la silice libre dans l'air, etc. Nous, nous savons à quoi nous en tenir quand nous entreprenons une telle activité, mais pas les enfants; donc, ce n'était pas bien de leur faire subir ça.
À cause de la demande pour des locaux dans le centre communautaire, la halte-garderie pour les jeunes enfants a été installée à notre étage, juste à côté de la pièce où se trouve notre four. Le médecin-chef a fait un rapport et recommandé de fermer notre club. Nous sommes tout à fait d'accord. On avait déjà recommandé que la garderie ne soit pas installée dans notre centre communautaire.
M. David Price: Ces deux clubs ont été fermés pour une raison précise. Vous avez dit que d'autres cessaient graduellement leurs activités.
Mme Dianne Anthony: Les clubs n'ont pas fermé, mais on ne peut rien faire.
M. David Price: C'est toujours une question de locaux.
Mme Dianne Anthony: Foncièrement.
Mme Peggy Davidson: C'est une question d'espace.
Mme Dianne Anthony: Il y a beaucoup de clubs dans la même situation.
M. David Price: Il manque donc maintenant d'activités communautaires parce que bon nombre de ces clubs ne fonctionnent pas vraiment.
Mme Peggy Davidson: L'un des autres immeubles qui ont été condamnés puis démolis abritait le club de menuiserie qui a dû déménager. Il a été averti à la dernière minute que l'immeuble allait être démoli et qu'il fallait déménager. On lui a trouvé d'autres locaux, mais je crois que c'est au tour du garage coopératif d'être maintenant compromis.
M. David Price: Est-ce que ces clubs permettent de côtoyer des résidents de l'endroit ou les civils qui travaillent à la base?
Mme Dianne Anthony: Oui. Une partie de nos membres sont de l'extérieur.
M. David Price: C'est donc toute la collectivité qui y participe, pas seulement les gens de la base.
Mme Peggy Davidson: C'est exact, mais la majorité des membres sont des épouses de militaires ou des militaires actifs.
M. David Price: Bien. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): David Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Peggy Davidson. Peggy, vous arrivez au bout de votre vie d'épouse de militaire.
Mme Peggy Davidson: Si j'arrive à lui faire retirer son uniforme, oui.
M. David Pratt: Si vous aviez l'occasion de parler à l'épouse d'une recrue, quelle sorte de conseils lui donneriez-vous?
Mme Peggy Davidson: Il ne faut pas s'engager si on n'apprécie pas les plaisanteries. Il faut avoir un excellent sens de l'humour pour rester l'épouse d'un militaire. Il nous arrive des taux de choses tout à fait indépendantes de notre volonté. Il faut préserver son autonomie. Ce serait mon principal sujet de discussion avec quiconque songe épouser un militaire: rester autonome. Il faut être individualiste.
M. David Pratt: Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup.
Le caporal Huddleston est le suivant.
Le caporal Mason Huddleston (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis le caporal Mason Huddleston et je suis affecté au Service de logistique intégrée à BFC Kingston.
Je veux vous remercier de nous permettre de vous faire part de nos préoccupations et de nos points de vue sur certains éléments qui nous semblent importants et qui devraient être changés. Avant votre arrivée, nous nous sommes réunis pour essayer de choisir les problèmes les plus critiques qu'il fallait vous présenter ce soir. Comme vous pouvez voir—vous avez chacun une copie de notre mémoire sous les yeux—nous avons décidé de vous exposer les problèmes, le contexte et une solution.
Le vice-président (M. Bob Wood): Pour notre gouverne, c'est qui ça «nous»?
Cpl Mason Huddleston: Nous, c'est tous ceux du Service de logistique intégrée. Nous avons eu des réunions avant de venir ici.
Le vice-président (M. Bob Wood): Très bien. J'ai compris.
Cpl Mason Huddleston: Ça évite à 15 autres de comparaître. Je suis certain que vous l'apprécierez.
Le vice-président (M. Bob Wood): Certainement.
Cpl Mason Huddleston: Je veux commencer par vous parler des augmentations salariales. Les augmentations ne sont pas justes ni équitables. Les hauts fonctionnaires ont reçu des augmentations allant jusqu'à 19 p. 100. On envisage aussi d'accorder aux officiers supérieurs des augmentations considérables pouvant elles aussi aller jusqu'à 19 p. 100. Je prétends que les officiers et sous-officiers sous le grade de colonel ne sont pas traités également. Le niveau de vie des militaires du rang et des officiers d'un grade inférieur à celui de colonel a diminué en moyenne de 14,4 p. 100 depuis 1991, tandis que certains officiers supérieurs ont reçu des augmentations pouvant atteindre 19 p. 100 depuis 1991, sans compter les primes.
Ces pourcentages d'augmentation répondent tout juste aux besoins de nos officiers supérieurs. Nous demandons d'être traités non pas mieux qu'eux, mais de la même façon. Peut-être qu'il serait préférable d'accorder une augmentation universelle en dollars plutôt qu'en pourcentage.
L'élément suivant, c'est la caisse de retraite. À l'heure actuelle, nous n'avons aucun choix en ce qui concerne la gestion de nos cotisations de retraite. Il y a environ 20 milliards de dollars dans notre caisse de retraite qu'on envisage maintenant de débourser. Les régimes devraient être établis pour offrir un plus grand choix de placements aux cotisants. Ainsi, on aura un certain contrôle sur notre situation financière dans l'avenir.
Le loyer des LF ne reflète pas le niveau des services fournis. Les augmentations de loyer, le retrait des appareils ménagers et des normes d'entretien qui périclitent ne constituent que quelques-uns des problèmes dont on entend parler. Nous avons tenté à plusieurs reprises de communiquer avec la SCHL afin d'obtenir des renseignements sur les hausses de loyer prévues et sur le calendrier de l'entretien, mais en vain. Cela augure mal pour l'avenir.
Il faudrait mettre en place un mécanisme efficace pour aider les locataires des LF à régler leurs problèmes d'entretien dans des délais raisonnables. Il faudrait aussi étudier les loyers et les plafonner selon la qualité du logement fourni.
Les cotisations au mess ne sont pas déductibles. Or, elles sont obligatoires aux termes des ordonnances et règlements royaux. L'article 27-1, paragraphe 10 déclare que tous les membres doivent faire partie d'un mess. Il y aurait peut-être lieu de convenir avec Revenu Canada que ces frais soient inclus dans les cotisations syndicales et professionnelles. Si c'est impossible, il faudrait abolir carrément ces cotisations.
En ce moment, les indemnités d'affectation sont imposables et fixées en fonction du grade. Il faudrait convenir avec Revenu Canada de ne pas imposer cette indemnité dont le montant serait fixe pour tous les membres quel que soit leur grade.
• 1935
Au sujet du rachat d'années de service, le calendrier de la
période de remboursement et les montants en dollars ne sont pas
clairement définis pour les membres. Dans notre seule unité, il y
a deux membres qui vont être transférés de la Force de réserve à la
Force régulière, de leur propre gré il va sans dire. On ne leur a
pas indiqué clairement les montants ni la durée de la période de
remboursement et ils continuent de payer sans avoir aucune idée des
montants visés. Le rachat d'années de service devrait se faire
selon des paramètres clairement définis, avant qu'on commence les
retenues à la source qui s'ajoutent aux cotisations de base.
Au sujet des rendez-vous chez le médecin, il faut attendre longtemps pour obtenir un rendez-vous avez un spécialiste. Peut-être faudrait-il déléguer aux médecins militaires sur place le droit de décider s'il est préférable d'envoyer un patient à des ressources locales ou régionales afin de faciliter le diagnostic ou d'accélérer le rétablissement. Ça ne peut être qu'avantageux pour nos membres.
Le dernier élément et non le moindre, c'est celui du moral. Tous les aspects que je viens de mentionner nuisent énormément au moral au MDN. Pour garder le moral, il faut de plus en plus compter sur les membres de la famille qui ont déjà bien du mal à faire plus avec moins. À cause des réductions d'effectifs, le personnel est débordé et n'a pas d'encouragements monétaires à cause du gel des salaires. Quant aux possibilités d'avancement, elles sont très limitées. Vous savez tous que les problèmes liés au stress sont attribuables directement à notre milieu de travail. Les exposés qui vous ont été présentés reflètent nettement le désespoir qui hante le coeur et l'esprit des membres.
Enfin, en ce qui concerne les démarches du comité, que fera le comité des renseignements que les membres lui auront fournis? Parmi les résultats possibles, y a-t-il la rédaction d'un livre blanc, la formation d'un comité d'action au sein des FC ou la création d'autres mécanismes pour la mise en oeuvre des solutions?
En terminant, je veux vous remercier de nous avoir fait profiter de cette occasion. Nous espérons que nos préoccupations vous seront utiles et qu'on réglera les problèmes.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, caporal.
Je peux répondre à deux de vos questions. Au sujet de la dernière—que fera le comité des renseignements que vous avez fournis—il est évident que nous enregistrons tout et que nous tiendrons compte de tout. Ces deux messieurs qui prennent des notes sont nos attachés de recherche et, bien entendu, nous allons tenir compte de vos propos dans nos recommandations.
Ce pourrait-il qu'on rédige un livre blanc? Personnellement, je ne crois pas que nous ayons besoin d'un autre livre blanc. Il faut maintenir agir et donc viser plutôt la présentation à la Chambre des communes d'un document d'action afin d'avoir à coup sûr l'assentiment de tous les partis. Au train où vont les choses, je crois que ça ne posera pas de problèmes. C'est probablement la première fois depuis longtemps que le comité est unanime à vouloir faire quelque chose.
Cpl Mason Huddleston: J'espère que votre optimisme est contagieux.
Le vice-président (M. Bob Wood): Moi aussi.
Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Price.
M. David Price: Je n'ai qu'une question. Pourriez-vous nous en dire plus long sur la rémunération, nous transmettre d'autres observations sur le système de rémunération, parce qu'on en a entendu parler ailleurs sans que jamais personne n'insiste sur la question.
Cpl Mason Huddleston: Je tiens à rappeler que personne ne nie que les officiers méritent une augmentation salariale ou plutôt, devrais-je dire, un redressement de solde. Je conviens qu'ils ont besoin d'un redressement. Mais 3 p. 100 pour un officier qui gagne 155 000 $ par année, c'est drôlement mieux que 3 p. 100 pour celui qui en gagne 35 672 $.
M. David Price: Caporal, ce n'est pas de ça dont je voulais entendre parler.
Cpl Mason Huddleston: Je m'excuse, mais il fallait que je le dise.
M. David Price: Vous êtes loin d'être le seul à en parler. Je voulais plutôt que vous m'expliquiez comment vous touchez votre paye et quels sont les problèmes du système de paye même—est-ce que vous recevez votre paye à temps, y a-t-il des erreurs dans les retenues à la source, etc.?
Cpl Mason Huddleston: Notre système de paye a beaucoup évolué depuis mon engagement en 1981. Personnellement, je n'ai jamais eu de problèmes de paye, sauf qu'elle n'est pas assez élevée.
M. David Price: C'est ce qui revient constamment.
Cpl Mason Huddleston: Je crois que la mise hors service d'un système de paye informatisé a beaucoup aidé les gens des finances et de l'administration. Quand on a un problème de paye aujourd'hui, c'est beaucoup plus facile à régler.
M. David Price: D'accord. Il n'y a donc pas vraiment de problèmes de paye en ce moment.
Cpl Mason Huddleston: Aucun.
M. David Price: Bien.
Le vice-président (M. Bob Wood): Monsieur Pratt.
M. David Pratt: Toujours au sujet de la paye, vous, vous êtes payé une fois par mois, n'est-ce pas?
Cpl Mason Huddleston: Non, deux fois par mois.
M. David Pratt: Deux fois par mois, d'accord.
Certains ont recommandé que les Forces canadiennes aient le même calendrier de paye que la fonction publique, ce qui donne une ou deux payes de plus par année.
Cpl Mason Huddleston: Je ne me suis pas demandé si ce serait avantageux. Je suis sûr que si certains vous en ont parlé, c'est que ce serait avantageux pour nous. Je serais donc d'accord avec eux. Ils ont dû étudier la question mieux que moi.
M. David Pratt: D'accord.
Le vice-président (M. Bob Wood): Pouvez-vous m'expliquer quelque chose? Vous venez d'effleurer le sujet. Je devais être en train de noter quelque chose quand vous l'avez dit. Vous avez commencé par parler d'avoir vos augmentations salariales en dollars plutôt qu'en pourcentage. J'ai entendu seulement la fin. Pourriez-vous étoffer un peu votre propos?
Cpl Mason Huddleston: Au lieu d'accorder à un officier une augmentation de 4 700 $ par année, il serait peut-être préférable d'augmenter tout le monde de 2 200 $ par année. Ainsi, on n'accorde pas à certains une augmentation supérieure. Ma dernière augmentation salariale—ça ne me fait rien de le dire publiquement—a été de 30 $ par mois. C'est assez insignifiant quand on sait que certains reçoivent 3 500 $.
Le vice-président (M. Bob Wood): D'accord. Je voulais aussi vous poser une brève question sur les indemnités d'affectation qui ne devraient pas être imposables ni calculées en fonction du grade.
Cpl Mason Huddleston: C'est exact. À l'heure actuelle, pour inciter les militaires à accepter des affectations, on leur accorde un mois de salaire. C'est censé être un incitatif. Je peux franchement dire que j'ai eu plusieurs affectations et qu'à la fin de l'année, après avoir payé mon impôt, il ne me reste plus grand-chose de cet argent. L'indemnité devrait donc ne pas être imposable et être fixe. Ça profiterait à tous les militaires.
Le vice-président (M. Bob Wood): Ce n'est pas un montant fixe alors?
Cpl Mason Huddleston: Non, le montant est calculé sur la paye, sur le net évidemment.
Le vice-président (M. Bob Wood): Il dépend aussi du grade?
Cpl Mason Huddleston: Oui, c'est l'équivalent d'un mois de salaire.
Le vice-président (M. Bob Wood): Oui, on nous l'a dit cet après-midi. Je crois que quelqu'un s'en inquiétait.
Cpl Mason Huddleston: Et c'est de deux semaines pour les célibataires. Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci. Merci beaucoup caporal, je vous suis très reconnaissant. Merci.
Gladys Maguire est la suivante.
Mme Gladys Maguire (deuxième vice-présidente, Union des employés de la Défense nationale, section 641): Bonsoir monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis venue ce soir vous parler au nom des civils. Je représente la section locale 641 de l'UEDN. Je veux vous parler de la qualité de la vie des civils.
Les membres civils répondent aux besoins en services d'exploitation de BFC Kingston et des unités hébergées. Les réalisations d'une organisation représentent la somme des efforts conjugués de chacun. La productivité dépend des gens. Les civils apportent des talents, des procédés, de la culture, de l'expérience, de la continuité et l'esprit d'équipe.
Sommes-nous traités comme des égaux de nos homologues militaires? Les salaires sont bloqués depuis 1987. Statistique Canada confirme que le coût de la vie a augmenté de 34 p. 100 entre 1987 et 1997. La rémunération est inférieure de 15 à 18 p. 100 à celle des militaires exécutant les mêmes fonctions dans leur emploi. Les familles, y compris les familles monoparentales, se démènent pour se maintenir au-dessus du seuil de la pauvreté. La réalité, c'est que nous sommes 34 p. 100 plus pauvres qu'il y a dix ans.
Considérez les civils comme des épouses de militaires. Ils sont l'épine dorsale de chaque militaire. Ils ont comme principale préoccupation l'instruction de leurs enfants, les chances d'avancement et la perte d'habiletés à cause des progrès technologiques.
Ces épouses de militaires sont seules pour s'occuper des enfants et faire la discipline parce qu'elles se retrouvent seules lorsque leur époux est en mission à l'extérieur. Il leur arrive de se sentir seules et isolées. Les longues absences de leur amour causent du stress et souvent l'échec du mariage parce que les familles se détachent.
Le MDN devrait financer le lobbying auprès du gouvernement fédéral pour uniformiser l'enseignement dans les provinces. Une femme a dit que quand elle est allée à Terre-Neuve, son enfant a dû reprendre une année à l'école.
Le MDN devrait subventionner le perfectionnement et offrir une indemnité forfaitaire pour permettre aux familles de se retrouver au retour de mission.
Ces mesures amélioreraient le moral et la qualité de la vie familiale.
• 1945
Les différents modes de prestation des services ou DMPS est
l'une de nos expressions favorites. Est-ce que la privatisation—ou
la sous-traitance—est une réaction aux compressions budgétaires et
un moyen de comparer les diverses possibilités? Selon les
estimations, les DMPS représenteraient 25 p. 100 du coût total du
projet. Ce sont des coûts ponctuels devant être récupérés en deux
ans. Les économies nettes seront réalisées la cinquième année. Si
l'on tient compte de la valeur du dollar dans l'avenir, de
l'inexpérience de l'entrepreneur et des inconnues, on ne réalisera
aucune économie importante.
Le MDN devrait décentraliser les opérations à l'interne, privilégier l'action plutôt que la prise de décisions au bout de cycles d'analyses et de rapports de comités, calculer précisément le total des coûts opérationnels réels selon la comptabilité par activité afin de réduire les dépenses totales, et comprimer la bureaucratie afin de diminuer les frais occultes.
Les civils craignent le manque de sécurité d'emploi. Ils ont peur de perdre la capacité de subvenir aux besoins de leur famille. La crainte de l'inconnu est stressante. Le stress engendre la frustration, les malaises et la maladie, et il alourdit la charge des programmes sociaux.
En conclusion, les quelque 60 000 militaires et 20 000 civils qui composent les effectifs du MDN sont une ressource précieuse. N'oublions pas qu'ils sont aussi des contribuables et qu'ils devraient avoir leur mot à dire sur les dépenses gouvernementales.
La direction a perdu le contact avec les subordonnés. Le sens des responsabilités est une caractéristique des gestionnaires professionnels. Le gouvernement doit proposer des gestionnaires compétents dont les actions sont justes et éthiques.
Les gens sont des ressources. Les civils devraient être non pas sacrifiables mais traités avec une certaine dignité. Le MDN devrait optimiser ses ressources. Les civils possèdent un savoir-faire. Le MDN devrait être convaincu que la meilleure personne pour faire un travail, c'est celle qui l'exécute, pas un entrepreneur externe qui a pour objectif d'accroître sa marge bénéficiaire.
Il faut en revenir aux sources et avoir un parti pris pour les gens, améliorer le moral, adopter la gestion par objectifs, intégrer les valeurs et pratiques de l'organisation et résoudre le dilemme de la direction.
Les chefs doivent croire en leurs subordonnés qui sont des êtres humains, pas seulement des employés. Conservons les emplois productifs et je vous demande d'améliorer la qualité de notre vie.
Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci. Je vous demanderais de rester un moment parce qu'on pourrait vous poser des questions.
Judi.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Gladys, au sujet des DMPS, vous avez proposé un certain nombre de recommandations. Je me demande si vous ne pourriez pas les étoffer.
Mme Gladys Maguire: Eh bien, les DMPS coûtent quelque chose au contribuable. Personne ne sait combien au juste. Qu'on pense à ce qui est arrivé aux civils et aux employés à Goose Bay. La situation crée de la misère, du stress et ne mène à rien. C'est vraiment l'impasse.
Nous avons l'expertise voulue au sein du MDN pour faire des changements. Le problème, c'est les règles, règlements, politiques et procédures militaires qui datent d'il y a 20 ans. On peut comprimer le temps et les dépenses, mais il y a un tel roulement continuel des sous-officiers qu'ils veulent tous appliquer les règles à la lettre. On peut faire du bon travail si on nous laisse le faire. Les civils doivent se sentir libres de faire des suggestions et de prendre des initiatives.
Mme Judi Longfield: Je vous remercie. Et quand vous parlez de décentraliser les opérations à l'interne, pouvez-vous me donner des détails ou des exemples?
Mme Gladys Maguire: Eh bien, chaque base a un budget, par exemple. Suivant la chaîne de commandement, un commandant doit s'adresser à un sergent, un sergent à un adjudant, un adjudant à un capitaine, un capitaine à un major qui, parfois, doit demander une réponse à Ottawa. Un mois plus tard, le pauvre gars au bas de la pyramide attend toujours sa réponse. Si les décisions pouvaient se prendre à l'interne, on abrégerait la chaîne de commandement, on réduirait la bureaucratie et donc les coûts.
Mme Judi Longfield: Donc, on vous donne votre budget et vous l'employez de votre mieux.
Mme Gladys Maguire: Exactement.
Mme Judi Longfield: D'accord. Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): David Pratt.
M. David Pratt: J'ai une question au sujet d'un de vos commentaires dans votre conclusion. Vous dites que la direction a perdu contact avec ses subordonnés. Voulez-vous parler de la direction de la base ou de la direction du MDN?
Mme Gladys Maguire: Je parle de la direction dans son ensemble parce que la bureaucratie est trop lourde et il faut qu'elle nous écoute.
Les DMPS sont un exemple parfait. On est capable de réduire les coûts et de faire un meilleur boulot qu'un entrepreneur, c'est sans conteste. Pourquoi augmenter la marge bénéficiaire d'un entrepreneur? Il n'a pas d'expérience. Nous, nous disons que les DMPS nous coûtent quelque chose, c'est certain.
M. David Pratt: Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): J'ai deux questions. Pouvez-vous donner des détails au sujet de votre affirmation que la rémunération des civils est de 15 à 18 p. 100 inférieure à celle des militaires qui exécutent les mêmes fonctions liées à l'emploi? C'est évidemment...
Mme Gladys Maguire: C'est vrai. Contrairement à ce que les militaires croient, c'est vrai.
Un caporal fait essentiellement le même travail qu'un CR-3. Dans mon département, c'est le cas. Un caporal touche 10 000 $ de plus qu'un CR-3 et pourtant, les deux exécutent les mêmes fonctions.
Le vice-président (M. Bob Wood): D'accord.
Vous avez une idée intéressante: fournir une indemnité forfaitaire pour permettre aux familles de renouer au retour de mission. Pouvez-vous expliquer un peu votre idée? C'est intéressant.
Mme Gladys Maguire: En fait, les épouses sont au foyer et lorsque les maris sont en mission, elles sont au fond chef d'une famille monoparentale. Lorsque l'époux rentre de mission, c'est très stressant. Il a encore l'esprit en Bosnie ou alors il repense à certaines choses qu'il a vues. La femme s'occupe de sa famille à la maison et a peut-être besoin de meubles neufs. Quand le mari revient, il ne veut pas en entendre parler, mais alors pas du tout.
Pour permettre aux époux de reprendre contact, qu'on leur verse une indemnité forfaitaire pour leur permettre de s'en aller quelque part en tête-à-tête pour refaire connaissance.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): C'est une bonne idée. Combien d'argent croyez-vous que ça coûterai?
Mme Gladys Maguire: Eh bien, j'ai entendu dire que les militaires en mission à l'étranger, par exemple en Bosnie, ont droit à environ 1 200 $ pour aller chez eux. S'ils ne se prévalent pas du voyage, ils perdent ces 1 200 $. Leurs épouses disent: «Donnez-nous les 1 200 $ pour que nous puissions reprendre contact». Ce n'est pas de l'argent en plus; les fonds sont déjà disponibles.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je vois. D'accord. Bien. Bonne idée. Merci. Je vous remercie beaucoup.
C'était le dernier des exposés magistraux. Nous allons maintenant revenir à des personnes qui attendent depuis assez longtemps le moment de présenter leur exposé. Ils n'ont pas pu avoir leur tour cet après-midi. Nous allons commencer par le capitaine Jim Elwood, si Jim est revenu.
Le capitaine Jim Elwood (témoigne à titre personnel): Je remercie les membres du comité. Je suis le capitaine Jim Elwood et si vous avez plus tard des questions à poser sur les finances, je suis un officier des finances. Comme je suis à la base depuis cinq ans, j'ai été témoin de ce qui s'est passé: les fonds non publics, les DMPS, les compressions budgétaires, etc.
Monsieur Wood, je vous ai passé une partie de mes notes. Je présume que vous avez eu le temps de les parcourir. Je n'ai pas l'intention de les lire.
Le vice-président (M. Bob Wood): Pourriez-vous prendre quelques minutes pour les résumer?
Capt Jim Elwood: Certainement.
Confiance: les militaires en général ne font plus confiance à certaines des orientations de principe provenant d'Ottawa.
La paye: comme les taux de rémunération sont standardisés pour tous les lieux d'affectation, les militaires, surtout ceux des grades inférieurs, se retrouvent à des endroits où le coût de la vie est élevé et ils sont obligés soit de trouver un second emploi, soit de demander l'aide sociale pour arriver à vivoter avec leur famille. À mon avis, c'est un problème systémique qui existe depuis au moins 30 ans. Ça ne date pas d'hier.
• 1955
La rémunération au mérite: le système de paye de l'armée est
conçu pour récompenser la promotion. La seule façon d'être
récompensé, c'est d'obtenir une promotion. Les militaires qui sont
forts en technique mais qui n'ont pas l'étoffe d'un chef ont aussi
droit à des promotions. L'armée a étudié le système de rémunération
au mérite. On m'a dit qu'elle avait conclu de ce qui lui avait été
présenté au QG que le système était inapplicable. Pour quelle
raison? Je l'ignore.
Les futures augmentations salariales: on ne peut rien faire contre les politiques passées du gouvernement fédéral et les augmentations salariales perdues pendant toutes ces années. Je demande seulement qu'à l'avenir, les hausses accordées soient équitables et que les taux de rémunération des officiers supérieurs soient revus étant donné la délégation de responsabilités aux subordonnés depuis quelques années. Les responsabilités sont déléguées aux grades inférieurs.
Les logements familiaux: la qualité des logements familiaux varie énormément dans les Forces. Dans certains LF de Kingston, si on laisse tomber une feuille de papier le long du mur, on va la retrouver au milieu de la pièce. C'est bien aéré.
Le système de l'armée est conçu pour aider les militaires à payer leur loyer—que ce soit un logement familial ou un logement au centre-ville. Ceux qui achètent une maison ont droit à une certaine aide. Au moment de la retraite, le militaire qui a acheté une maison aura assez de sa pension pour vivre. Un militaire que j'ai interviewé a eu un choc en découvrant qu'après 33 ans de carrière, ses 5 000 $ en banque ne lui suffiraient pas pour vivre.
La responsabilisation manifeste: il y a eu des rumeurs—et quelques situations confirmées—que des officiers supérieurs n'avaient pas été tenus responsables de leurs actions alors que les officiers inférieurs avaient été punis. C'est tout à fait patent. Quand des hauts gradés sont impliqués, ils peuvent prendre leur retraite sans perdre leur pension ni leur grade et on ne dit rien.
S'occuper des blessés: J'ai constaté qu'à cause de la compression des effectifs militaires, il y a de moins en moins de monde pour s'occuper des blessés qui pourraient passer entre les mailles du filet. Certaines unités ont un système régimentaire, c'est-à-dire que le régiment s'occupe des blessés. Mais bon nombre de militaires ne font pas partie d'un régiment et n'ont pas de parrain pour s'assurer qu'on s'occupe d'eux. C'est une conséquence réelle de la compression des effectifs.
Un grand nombre d'activités dans les bases sont financées en partie par l'État et par le secteur privé. Étant donné la réduction des fonds publics il faut de plus en plus assumer intégralement le coût des services non publics qui, autrement, sont annulés.
• 2000
Personnellement, je recommande que dans le cas de ces
activités, on attribue une fraction des fonds pour les grades les
plus élevés, sinon il faudra s'attendre qu'il n'y en ait plus pour
les grades inférieurs. Ça presse.
Pour les unités qui ne sont pas dans les garnisons, une foule de petites unités et de détachements sont loin d'une garnison. Les garnisons sont censées avoir l'obligation de fournir à leurs membres des services pour leur assurer une qualité de vie. Mais d'après le système actuel, les garnisons n'ont pas à aider les unités qui n'en font pas partie. C'est comme ça depuis de nombreuses années. Ça ne date pas d'hier.
Dans le cadre des FNP et des PSP, les mess sont conçus un peu différemment. Les unités de réserve ont des mess à l'intérieur de leur immeuble. Leur existence est donc assurée jusqu'à ce que l'unité disparaisse. Les mess des unités de la Force régulière se trouvent dans d'autres immeubles qui peuvent être démolis.
À quoi servent les mess? Au perfectionnement et à certaines soirées. Un problème important est né dans les Forces et continue de se développer. À Petawawa, par exemple, le mess des officiers n'est ouvert que pour des cérémonies ou réceptions internes. C'est l'effet des changements.
Exception faite des mess, les réservistes sont les parents pauvres pour ce qui est des PSP ou programmes de soutien du personnel. À bien des égards, ils ne peuvent pas se prévaloir de cette aide.
Au sujet de l'information des familles, nombre d'épouses se chargent d'organiser les activités familiales. À cause de la diffusion de l'information par courrier électronique, de l'avalanche d'informations et du personnel moins nombreux dans les bureaux, une partie des informations n'est pas diffusée. Cela nuit à la qualité de la vie des familles.
Au sujet de la fréquence des déménagements, les épouses qui suivent leur mari dans ses affectations ne peuvent pas choisir n'importe quel type d'emploi. Les déménagements ont aussi un effet sur les enfants. La situation est comparable dans certaines entreprises civiles qui mutent très fréquemment leurs employés, mais ça affecte énormément nos membres, leurs familles et leurs épouses.
Voilà un bref résumé de mes notes.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, capitaine.
Y a-t-il des questions? David Price.
M. David Price: Vous avez parlé du système régimentaire en disant que ceux qui ne font pas partie d'un régiment n'ont personne pour s'occuper d'eux. Vous avez aussi parlé d'un appui aux unités qui ne sont pas dans une garnison. Je voudrais que vous précisiez ces deux choses.
Capt Jim Elwood: On commence à appeler les bases des garnisons.
M. David Price: Donc il s'agit d'une unité établie comme ici, à Kingston.
Capt Jim Elwood: BFC London a été fermée et depuis, elle est devenue une unité d'appui aux garnisons. Cette unité peut être de taille variée.
BFC Toronto a aussi été fermée et est devenue une garnison. Il est question de fermer BFC Kingston et d'en faire une unité d'appui aux garnisons, donc une...
M. David Price: Et le régiment?
Capt Jim Elwood: Certaines unités comme le PPCLI ont une association régimentaire pour leurs trois unités.
M. David Price: Le régiment est divisé et se trouve dans trois bases ou garnisons différentes. Est-ce que vous les appeler des garnisons?
Capt Jim Elwood: Les trois brigades différentes sont situées dans une garnison.
M. David Price: D'accord.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci.
• 2005
Je voulais revenir sur une chose. Nous cherchons évidemment un
moyen d'accorder plus d'argent aux gens. Évidemment, nous allons
examiner différents moyens. Pouvez-vous expliquer de façon plus
détaillée la rémunération au mérite.
Capt Jim Elwood: Il y a la promotion à un autre grade et l'augmentation salariale au mérite. On peut avoir droit à une augmentation au mérite si son commandant trouve qu'on a fait du bon travail. On passe alors à l'échelon salarial supérieur. Quand on a atteint un certain niveau de formation technique, on passe à l'échelon suivant. Dès qu'on a atteint le dernier échelon du grade pour la valeur technique, on est considéré comme un expert dans ce domaine.
Ça ne veut pas dire qu'on a des aptitudes au commandement. Il se peut même qu'on ne veuille pas de fonctions de commandement. Je connais certains caporaux dans le secteur des transports qui n'aspirent à rien d'autre qu'à conduire des camions. Ils ne veulent pas devenir des gratte-papier, ils veulent conduire des camions. Un caporal à qui j'ai parlé a pris sa retraite. Pour faire quoi? Conduire un camion. Il n'a jamais voulu rien faire d'autre.
Le vice-président (M. Bob Wood): Très bien. Je vous remercie d'être revenu ce soir. C'est très apprécié.
Au tour de Steve Waller.
M. Steve Waller (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs. Mon exposé est plutôt improvisé, pas très structuré. Cet après-midi, j'étais assis dans la salle et, après avoir écouté tout le monde, je me suis senti obligé de prendre la parole à mon tour. Je réalise qu'au cours de votre tournée, vous avez essuyé une pluie de critiques personnelles et professionnelles au sujet de la crédibilité et de la nature de votre comité, mais je suis convaincu que vous oeuvrez dans notre intérêt et que vous allez nous aider à améliorer la qualité de notre vie. Je vous en remercie.
Je voudrais vous entretenir de trois sujets: l'éducation, la paye et le logement. Au sujet de l'éducation, je crains que les Forces armées canadiennes ne mettent l'accent surtout sur l'éducation des officiers. Les possibilités sont assez restreintes pour les sous-officiers.
Il y a essentiellement trois programmes pour le perfectionnement au niveau universitaire. Ce sont le programme de passage à l'université pour les sous-officiers, le programme de passage à l'université pour les officiers et enfin, le remboursement des frais divers selon l'OAFC.
Le programme universitaire pour les sous-officiers est en fait un programme de développement d'officiers. Chaque année, il y a un concours ouvert aux sous-officiers pour certains groupes professionnels donnés. Quand on est intéressé par un de ces groupes et qu'on remplit les conditions, on peut s'inscrire. Si on est accepté, on quitte son emploi actuel et on entreprend une nouvelle vie dans les Forces armées canadiennes.
Malheureusement, on abandonne alors tout ce pour quoi on a travaillé depuis neuf ans. Si le métier qui nous intéresse n'est plus disponible dans le cadre du programme, on perd cette chance d'acquérir une formation universitaire subventionnée. Le seul autre moyen, c'est le programme de remboursement de l'OAFC: on s'inscrit à un cours, on paie ses frais de scolarité et ses manuels et, une fois le cours terminé, on apporte son relevé de notes au bureau de sélection et on présente une demande de remboursement. On n'en entend plus parler pendant trois mois et au bout de cette période, on trouve un montant forfaitaire sur son chèque de paye. Comme ce montant est taxé, il reste environ 200 $ sur les 1 000 $ accordés.
Par la suite, sur le T4, le revenu imposable brut pour l'année est plus élevé parce que le montant du remboursement y a été ajouté. Plus on suit de cours... ça fait augmenter le revenu imposable et on est imposé à la fin de l'année. Toutefois, on peut récupérer l'impôt payé au moment de la déclaration.
• 2010
La route à parcourir pour obtenir un diplôme universitaire est
épuisante, sans compter qu'on doit continuer à travailler à plein
temps, alors que les autres programmes permettent de laisser son
emploi et d'étudier à plein temps à l'université. C'est donc très
difficile.
Mon principal souci, c'est le fait qu'il n'existe pas de programme visant expressément les sous-officiers. Pourquoi est-ce que je ne peux pas rester sous-officier et continuer d'occuper le même poste même si j'obtiens un diplôme universitaire, comme les officiers peuvent le faire? Ils sont déjà des officiers commissionnés ayant un métier précis. Ils profitent du programme de passage à l'université pour les officiers. Remarquez qu'on a dit cet après-midi que la sélection était très rigoureuse. Néanmoins, les officiers vont à l'université, obtiennent leur diplôme et reviennent occuper l'emploi qu'ils avaient avant.
Si j'ai dix ans d'ancienneté à mon emploi actuel et que je veux poursuivre mes études, je dois faire une croix sur ces dix années pour aller à l'université. Cela dit, pourquoi quelqu'un comme moi et de nombreux autres qui font des études universitaires resteraient dans les Forces armées canadiennes si aucune promotion ni augmentation salariale ne les attend et si les possibilités d'autovalorisation sont très restreintes?
Si les Forces établissent certains programmes permettant à suffisamment de sous-officiers d'obtenir un diplôme tout en conservant leur poste actuel, ça améliorerait et favoriserait l'entente réciproque entre les Forces et ses membres. Les Forces investiraient donc dans un produit de qualité, dans des membres de qualité en vue de l'avenir. Et si dans trois ou quatre ans, un poste d'officier se libère, la personne qui détient déjà un diplôme universitaire aura une longueur d'avance.
Si un sous-officier gravit les échelons et atteint le plafond de son grade, il continue de jouer un rôle de commandement pour lequel des études universitaires sont assez avantageuses. Donc, même si c'est un caporal qui fait des études universitaires à ce moment-là, il se peut qu'un jour des postes de commandement soient libres.
Si j'obtiens un diplôme à mes frais et pendant mes heures de loisir, sans perspective de promotion ou d'augmentation de salaire, le monde extérieur devient très attrayant. Aujourd'hui, en 1998, je regrette, mais un diplôme universitaire est essentiel si, pour une raison ou pour une autre, les réductions et compressions se poursuivent et je me retrouve obligé de chercher un emploi dans la vie civile à 30 ou 35 ans.
Au train où vont les choses, j'aurai droit à la retraite dans 11 ans, à l'âge de 41 ans. Au moins, si j'ai un diplôme, je pourrai encore me trouver quelque chose à 41 ans. Si j'ai un diplôme, je pourrai réintégrer la société et entreprendre une deuxième carrière. En ce moment, il n'y a pratiquement pas de promotion dans mon groupe professionnel, alors dans 11 ans... Une pension suffisante et un forfait de retraite équitable sont hors de portée parce qu'il me reste seulement 11 ans pour gravir deux échelons—si j'ai de la chance—et comme la pension est calculée sur les six revenus annuels les plus élevés, mon avenir n'est pas très rose de ce point de vue.
En ce qui concerne le logement, quand je suis arrivé ici j'étais célibataire et j'avais un chien...
Des voix: Oh, oh!
M. Steve Waller: ... pas marié, pas d'enfants, mais je n'avais pas tellement le choix de mon logement. Comme j'étais célibataire, je n'avais pas droit à un LF à l'époque, et parce que j'avais un chien, je n'avais pas droit à un logement pour célibataire. Remarquez que je n'aurais pas voulu y vivre de toute façon parce que j'en avais assez et que d'y retourner après avoir vécu dans une maison... selon moi, ce n'est pas un logement convenable.
Je n'avais d'autre choix que d'acheter ou de louer une maison et comme j'estimais avoir payé plus que ma part de loyer depuis des années, je me suis jeté à l'eau et j'ai acheté une maison. Malheureusement, quand on additionne le versement hypothécaire, le prêt auto, les frais de scolarité pour l'université, le coût de la vie, les taxes, impôts et tout le reste, la paye de 35 000 $ par année fond à vue d'oeil et il en reste bien peu pour les urgences comme les pannes de voiture, le toit ou la fournaise à réparer, etc. Le budget est très serré.
• 2015
À ce sujet, quand on a un seul revenu—je suis certain que
vous êtes tous des propriétaires—le montant hypothécaire auquel on
a droit quand on gagne un revenu brut de 30 000 $ à 35 000 $
plafonne rapidement. On se trouve forcé d'acheter une maison qu'on
n'aime pas vraiment parce que c'est la seule qu'on a les moyens de
s'offrir et ensuite, on est pris pour essayer de la revendre trois,
quatre ou cinq ans plus tard.
C'est vrai que 35 000 $ par année, c'est le salaire moyen d'un caporal, selon les primes d'encouragement, la paye de spécialiste et le reste. Je sais que ça suffit pour vivre. Il y a des gens qui arrivent avec cette somme et il y en aura toujours qui arriveront à joindre les deux bouts.
Prenez par exemple la soldes des simples soldats; quand on a gravi les échelons en passant graduellement de 20 000 $ à 22 000 $ puis à 25 000 $, on attend avec impatience la grande promotion au grade de caporal parce qu'on gagnera enfin un salaire suffisant et non plus un salaire de misère. Il est ridicule qu'en 1998, des gens ne gagnent que 23 000 $ par année, surtout quand ils font carrière. Ils ne travaillent pas à temps partiel et n'étudient pas. C'est leur carrière et ils ne gagnent que 23 000 $ par année et leur salaire augmente lentement.
Nous faisons partie du gouvernement fédéral comme de nombreux autres organismes fédéraux. Il y a la GRC, le Service correctionnel du Canada, les Douanes et j'en passe. Nous sommes de loin les fonctionnaires fédéraux les moins bien payés à cette échelle. Évidemment, si on fait la moyenne entre le salaire du soldat au bas de l'échelle et celui du général au sommet, elle sera peut-être comparable et n'aura pas l'air si mal sur papier, mais la réalité est tout autre.
Je sais pertinemment que nous n'avons pas droit aux heures supplémentaires. On nous indemnise parfois en nous accordant des congés ou certains autres extras, mais on ne calcule pas le nombre d'heures supplémentaires effectuées en vue d'une indemnisation monétaire.
Je ne connais pas d'autres groupes de fonctionnaires dans tout le gouvernement fédéral qui tolérerait une telle chose. Quand ils font dix heures supplémentaires, ils sont payés à taux double, et c'est avantageux parce que, de toute façon, ils gagnent de 10 000 $ à 20 000 $ de plus que nous. Ça vaut surtout pour les emplois directement comparables dans les Forces armées canadiennes, la GRC, le Service correctionnel et d'autres secteurs comme les opérateurs de machinerie lourde, etc. Pour eux, ce serait intolérable. Ils ont des syndicats qui veillent à ce qu'ils reçoivent une rémunération et un traitement équitable par rapport aux autres. Ça devrait être la même chose pour nous.
Ayant examiné d'autres ministères et organismes, je dirais que le traitement de base devrait être de 32 000 $ par année dans les Forces armées canadiennes, ce qui correspond au salaire moyen d'un caporal, pour les soldats qui commencent; il faudrait une fourchette de 32 000 $ à 42 000 $ depuis le soldat jusqu'au caporal-chef et de 42 000 $ à 52 000 $ depuis le sergent jusqu'à l'adjudant-chef. Je trouve que c'est un niveau de rémunération équitable, avec la rémunération au rendement, des augmentations dans le temps et des promotions. Ce serait un niveau comparable au grade d'officier au point de vue poste et commandement, un adjudant-chef gagnant un montant équivalant au traitement d'un capitaine alors que les deux grades sont équivalents du point de vue commandement, ancienneté et tout le bazar.
J'ai choisi de faire carrière dans ce milieu. J'y ai consacré un temps fou et je tire une grande fierté de mon travail. Mais j'ai peur d'avoir une famille en ce moment parce que je n'en ai pas les moyens. Ça crée des tensions chez moi parce que ma douce moitié veut un enfant et elle ne comprend pas mon point de vue de soutien de famille qui refuse parce que nous n'en avons pas les moyens. Les charges financières créent une grande tension dans un foyer. Si on y ajoute un bébé, ça ne peut qu'empirer les choses. Je suis certain que bien des gens ici le savent.
• 2020
Finalement, tout ça revient à la façon dont on se sent comme
être humain. Si on est content de son travail, on sera heureux à la
maison. Si on travaille fort, on devrait recevoir une juste
rémunération. Ça doit paraître qu'on est apprécié au travail.
Je ne demande pas la lune: ne nous demandez pas de faire ce que vous ne feriez pas vous-mêmes. Ne nous faites pas vivre dans des maisons où vous-mêmes vous n'habiteriez pas. Ne nous faites pas faire un travail à un salaire que vous n'accepteriez pas vous-mêmes. La formule éprouvée quoi.
Je ne suis absolument pas un super-héros. Je suis un gars ordinaire qui a choisi une carrière. Je fais mon chemin au fur et à mesure et j'essaie d'en tirer parti. J'ai pourtant l'impression d'en recevoir plein le visage et de reculer chaque fois que j'essaie d'avancer. Je frappe un mur après l'autre. Je ne trouve plus d'encouragement à continuer et je commence à me demander pourquoi m'entêter. Mais ce n'est pas mon genre. J'ai l'intention d'aller jusqu'au bout et je veux en tirer le meilleur parti possible.
Je crois que ceux qui sont tout au bas de l'échelle salariale devraient être capables de vivre à l'aise, pas au jour le jour. C'est mon principal souci.
J'ai entendu beaucoup de choses aux informations et je sais que les médias exagèrent, qu'ils ont des partis pris et sont partisans de hausses salariales toujours populaires pour les hauts gradés. C'est la vie, je le sais, parce que ces officiers ont commencé au bas de l'échelle et ont gravi les échelons un à un. Bien entendu, il y a quelqu'un qui prend ces décisions. Néanmoins, c'est très décourageant pour les gens comme moi au bas de l'échelle qui ont du mal à joindre les deux bouts et qui entendent parler de ces primes astronomiques. Si on pouvait m'en donner une aux cinq ans, j'en serais ravi alors imaginez à chaque année ou aux deux ans. Je ne sais plus à quel intervalle eux les reçoivent.
Je ne sais pas si c'est pertinent, mais il y a autre chose que j'ai entendu récemment. Les titulaires de certains postes dans l'armée vont recevoir une augmentation de 30 000 $ pour les encourager à ne pas quitter l'armée.
Une voix: ...
[Note de la rédaction: Inaudible] ...
M. Steve Waller: Ce n'est pas moi qui le dit.
Des voix: Oh, oh!
M. Steve Waller: À mon avis, ça ne peut que creuser le fossé entre les sous-officiers, qui gagnent 30 000 $ ou 32 000 $ et des poussières par année, mais aussi entre les officiers, puisque des officiers du même grade font... On ne peut pas comparer les particularités des emplois parce qu'elles sont évidemment différentes et que les exigences varient donc pour chaque emploi. Néanmoins, quand un capitaine gagne 52 000 $ par année et un autre, 82 000 $ par année, uniquement parce qu'on veut retenir le gars mieux payé dans l'armée, ça ne peut que nuire au moral. Surtout que le grand problème, c'est l'argent, toujours l'argent: «Les gars, on n'a pas d'argent pour vous accorder des augmentations, mais on est prêt à vous verser une prime de 30 000 $ à 70 000 $ pour que vous n'abandonniez pas l'armée.»
Je n'ai pas l'intention d'élever des obstacles, de faire des distinctions, de diviser les rangs ni d'accuser qui que ce soit. S'il y a de l'argent, il faudrait le répartir entre ceux qui gagnent le moins cher, surtout ceux qui en ont besoin uniquement pour joindre les deux bouts, pas pour vivre luxueusement dans une maison de 200 000 $ et changer de voiture aux deux ans. Il y en a qui vivent dans des appartements de 500 $ parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire le versement initial à l'achat d'une maison. C'est un cercle vicieux.
Donc, vous connaissez aussi bien que moi le moyen d'améliorer le moral. Il faut commencer par bien rémunérer les soldats et tout s'enchaîne ensuite. On est bien payé, on est heureux, on travaille fort et, à longue échéance, on demeure le meilleur pays au monde selon l'ONU.
Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, Steve.
On va vous poser des questions, je pense. Commençons par David Price.
M. David Price: Je vous remercie pour cet exposé.
Je voudrais revenir sur l'éducation. Vous avez parlé surtout de l'université.
En passant, puis-je savoir ce que vous faites dans les Forces en ce moment?
Cpl Steve Waller: Est-ce que ça a de l'importance?
M. David Price: Non, pas vraiment.
Cpl Steve Waller: Je suis un caporal dans l'armée. Quel que soit mon emploi, je suis un caporal.
M. David Price: D'accord. Vous allez voir où je veux en venir.
Supposons que vous êtes actuellement dans les métiers. Vous voulez continuer de vous perfectionner dans votre spécialité au lieu d'aller à l'université. Que font les Forces en ce moment pour vous aider à réaliser ce projet?
Cpl Steve Waller: Si c'est un programme d'un collège communautaire, je n'ai d'autre choix que de demander un remboursement des frais et de suivre le cours en plus de mon travail habituel. À ma connaissance, il n'existe pas de programme ni de mécanisme qui me permette d'étudier à temps plein pour obtenir un permis de mécanicien classe A pour reprendre ensuite dans l'armée un poste de...
M. David Price: D'accord. Je me pose la question parce que l'armée offre elle-même beaucoup de cours. Prenons les électriciens, par exemple, parce que je les connais bien. Un électricien qui a été formé par les Forces sans jamais suivre de cours en dehors de l'armée ne pourra pas se trouver un travail s'il quitte l'armée parce que sa compétence ne sera pas reconnue.
Cpl Steve Waller: Je le crois.
M. David Price: Je sais pertinemment que c'est ce qui se passe. L'électricien doit donc recommencer sa formation.
Si quelqu'un veut obtenir sa formation au sein de l'armée et suivre ensuite des cours à l'extérieur en vue de se placer éventuellement sur le marché du travail, est-ce qu'on va lui rembourser ses cours?
Cpl Steve Waller: Mais il faut le faire...
M. David Price: Pendant vos heures de loisir.
Cpl Steve Waller: Il faut aussi payer d'abord et être remboursé ensuite. Il faut donc avoir l'argent nécessaire.
On peut obtenir des prêts de la CAPFC, la Caisse d'assistance au personnel des Forces canadiennes, jusqu'à concurrence de 2 500 $...
M. David Price: Mais pouvez-vous suivre ces cours pendant vos heures de travail?
Cpl Steve Waller: D'après mon expérience, quand on a l'appui de ses commandants, ils le permettent habituellement, à la condition que ça ne nuise pas aux tâches qu'on a à faire. Si on a un cours à 13 h 00 et qu'une tâche est attribuée à midi et qu'on est le seul pour la faire, il faut oublier le cours. On n'a pas le choix.
Le vice-président (M. Bob Wood): Steven, merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants.
Caporal Carl Homer.
Le caporal Carl Homer (témoigne à titre personnel): Merci.
Madame et messieurs les membres du comité, je veux vous remercier de me permettre de traiter deux questions qui n'ont pas encore été soulevées à ma connaissance à vos réunions précédentes, du moins d'après ce que j'ai lu. À mes yeux à moi, elles constituent quelque chose de très important. La première, c'est la qualité du travail. La seconde, c'est la mission des Forces canadiennes à l'avenir.
Au sujet de la première question, quand je me suis présenté dans un centre de recrutement, on ne m'a pas promis mers et mondes, si bien que quand je me suis engagé, je m'attendais exactement au salaire et au logement que j'ai obtenus. Ce qu'on m'a promis toutefois, c'est une vie occupée et stimulante.
À cause du mode de vie que j'ai choisi, je vis très bien en ce moment. Je me contente du salaire de base de caporal et je ne trouve absolument rien à redire au montant que je gagne.
Le problème, c'est la promesse qu'on m'a faite, cette vie occupée et stimulante qu'on m'a promise. J'ai lu le compte rendu de vos réunions à Edmonton et à Valcartier et j'ai vu que les gens se plaignaient du rythme trépident des opérations dans les Forces canadiennes, ce qui est stressant pour les familles et pour les militaires eux-mêmes. Moi, depuis que je me suis engagé dans les Forces, je réclame à cor et à cri des périodes de service à l'étranger. On dirait qu'il y a des postes disponibles, mais qu'on ne fait pas toujours appel à ceux qui se meurent d'envie d'y aller. Les ressources sont disponibles. Beaucoup de monde, surtout là où je travaille, meurt d'envie de participer à une mission; pourtant, on envoie à la place des réservistes qui touchent tout d'un coup plus que d'habitude alors que les gens comme moi continuent de recevoir leur solde ordinaire en balayant le plancher et en s'occupant de la maintenance des véhicules.
En ce moment, comme je vous l'ai dit, ma solde me suffit et mon travail me laisse beaucoup de temps libre. Le problème, c'est que j'appartiens à une unité de campagne depuis presque deux ans déjà et je n'ai encore jamais fait de campagne. Ce serait, semble-t-il parce qu'il n'y a pas assez d'argent pour payer les indemnités prévues. Alors, mon temps et l'argent qu'on me paie servent à faire des travaux d'entretien sur place.
• 2030
J'ai terminé mon cours de parachutisme l'an dernier seulement
et on me dit que je ne peux plus sauter parce qu'on n'a pas
d'argent pour me verser une indemnité de parachutiste occasionnel,
même si je suis tout à fait disposé à m'en passer pour qu'on me
permette de me balancer encore une fois au bout d'un parachute.
Alors, tout l'argent investi dans mon entraînement est gaspillé.
Comme je vous l'ai dit, j'ai fait personnellement des choix; je ne m'attends pas que d'autres membres des Forces fassent le même choix que moi. Chacun a un choix qui lui est propre à faire. Moi, je vois plein de ressources inexploitées dont on pourrait se servir.
Bien du monde a soulevé toutes sortes de questions relativement bonnes concernant la qualité de la vie et je suis entièrement d'accord. Je crains seulement qu'on considère les tâches opérationnelles à part des questions de qualité de la vie, alors que pour un soldat, elles forment un tout; les unes ne vont pas sans les autres.
J'ai peur que vos recommandations n'entraînent un ralentissement général de la cadence des opérations et du rythme de l'entraînement alors que, pour certains d'entre nous, la qualité de notre vie en dépend.
Je veux pouvoir travailler fort et être fier de la tâche accomplie, mais j'ai peur maintenant que ça n'arrive pas.
La deuxième question que je voudrais soulever se rapporte à la mission des Forces canadiennes. D'après le livre blanc de 1994, les Forces canadiennes ont pour mission de fournir une armée apte au combat et capable d'assumer des rôles multiples. En particulier, les forces terrestres dont je fais partie doivent être polyvalentes et aptes au combat.
Il est évident que nous ne sommes pas à la hauteur. Par exemple, quand la guerre du Golfe a été déclenchée—je sais bien que c'était avant la publication du livre blanc—nous n'avions pas la capacité voulue pour former une force de combat efficace, pour aller participer à une guerre terrestre. Nous savons que nous pouvons jouer un rôle comme alliés, mais notre participation est limitée parce que nous ne sommes pas à la hauteur d'une mission apte au combat.
Quand on a envoyé des troupes récemment vers l'Iraq, ma mère m'a téléphoné pour me demander si j'allais courir des risques, si j'allais envahir l'Iraq. J'ai pu lui répondre avec assurance que non, je n'allais pas participer à l'invasion de l'Iraq, parce que les Forces canadiennes n'avaient pas le potentiel de combat nécessaire.
Selon moi, le problème c'est que nous n'agissons pas pour changer la situation. Après la guerre du Vietnam, l'armée américaine se trouvait dans une situation désespérée. Le moral était à zéro et elle n'était pas préparée pour mener une guerre moderne. Ça ressemble à la situation dans laquelle se trouvent en ce moment les Forces canadiennes.
Les Américains ont entrepris un profond remaniement qui a non seulement remonté le moral des troupes, mais qui leur a donné une vision à long terme. L'armée a été restructurée pour être capable de s'adapter à une guerre éventuelle.
Nous avons besoin de quelqu'un qui se chargera de la planification. Il faut se demander quel rôle les Forces canadiennes seront appelées à jouer dans l'avenir au lieu d'essayer de rattraper le livre blanc de 1994.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Des questions? David.
M. David Pratt: Très rapidement, il semble évident que vous avez cessé de croire que le gouvernement a l'intention de remplir les engagements énoncés dans le livre blanc, n'est-ce pas?
Cpl Carl Homer: Ce n'est pas que j'ai cessé d'y croire, c'est simplement qu'il ne suffit plus d'essayer de rattraper le livre blanc. Est-ce que le rôle énoncé dans le livre blanc correspond à la mission qu'auront les Forces canadiennes dans l'avenir? Sommes-nous déterminés à avoir une force apte au combat si, par ailleurs, on démantèle les régiments blindés? Mais sans des régiments blindés et une artillerie entretenue, comment peut-on jamais espérer être apte au combat?
Donc, si le gouvernement est prêt à remplir ses engagements, je l'approuve sans réserve. Mais si l'on n'est pas disposé à mettre en application le livre blanc, alors il faut envisager un autre rôle que nous pourrons effectivement jouer et il faut pouvoir planifier l'avenir en conséquence.
M. David Pratt: Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): J'ai une seule question à vous poser, caporal. Dans la première partie de votre exposé, vous avez dit craindre que nos recommandations ralentissent le processus. Pourriez-vous étoffer un peu? Qu'est-ce que vous voulez dire?
Cpl Carl Homer: C'est ce que moi je crains. Quand on parle de qualité de la vie, si l'on sépare les problèmes de qualité de la vie de la cadence de nos opérations et de l'entraînement, et qu'ensuite vos recommandations sont mises en pratique alors qu'elles portent expressément sur les problèmes de qualité de la vie, le gouvernement pourrait décider de consacrer une plus grande part du budget de la défense aux activités concernant la qualité de la vie. Ça signifie diminuer notre budget d'entraînement et les dépenses d'investissement, ce qui nuira aux Forces canadiennes et minera beaucoup plus notre moral à long terme que si on s'en tient au statu quo et qu'on améliore les forces en vue de leur mission future.
Le vice-président (M. Bob Wood): D'accord, merci.
Mme Judi Longfield: On nous a dit exactement la même chose à Edmonton. On doit faire très attention de ne pas réduire notre potentiel.
M. David Pratt: Je trouve que vous avez soulevé des points vraiment importants dans toute la discussion. Il est important que nous insistions sur le rôle que les Forces doivent jouer et vérifier si on ne prend pas à Pierre pour donner à Paul. Ce n'est l'objectif de personne ici, mais je suis bien content que vous ayez fait cette remarque.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci d'être revenu ce soir; je pense que vous étiez sur la liste cet après-midi.
Le suivant est le caporal Rob Bulger.
Le caporal Rob Bulger (témoigne à titre personnel): Bonsoir, mesdames et messieurs.
J'ai servi le pays pendant dix ans—deux années dans la Réserve et huit années dans les Forces régulières. Vous voudrez bien m'excuser si je ne suis pas très orthodoxe. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour rédiger un mémoire. J'étais ici cet après-midi et j'ai pensé vous exposer mon point de vue. Avec votre indulgence, je vais tenter de présenter mon opinion le plus clairement et le plus succinctement possible. Je vais faire certaines observations générales sur les Forces puis certaines remarques plus personnelles.
Depuis la Somalie, nos soldats des escadrons et des régiments ont vu tellement de propagande du QGDN—c'est presque incroyable par moment—sur la façon d'être un bon soldat, sur ce qu'est l'esprit d'initiative, et sur de nouvelles définitions pour nous indiquer clairement la voie à suivre. Le problème, c'est justement que les personnes à l'origine des difficultés sont celles qui établissent ces définitions pour nous.
Je vous félicite de nous appuyer et de nous avoir promis d'essayer de faire quelque chose. C'est très important. Mais pendant que le comité est assis autour d'une table et parcourt le pays, la Loi sur la défense nationale qui nous réglemente a été modifiée. Les pouvoirs de répression à l'endroit des sous-officiers ont été accrus. On peut maintenant m'imposer une amende jusqu'à hauteur de 60 p. 100 de ma solde si je commets une infraction aussi mineure qu'arriver en retard au travail ou si quelqu'un décide que mes cheveux sont trop longs.
Le caporal-chef, notre premier modèle de chef, est celui pour lequel il faut avoir du respect parce qu'il est le pont entre les caporaux et soldats d'une part, et les grades supérieurs d'autre part. C'est lui qui coupe court aux chinoiseries administratives que des sous-officiers supérieurs et les officiers provoquent parfois. Ces personnes peuvent maintenant se faire imposer devant nous des tâches et du drill supplémentaires. Elles nous représentent. Ce sont elles que nous nous efforçons d'imiter, alors quand on leur fait effectuer devant nous des drills, des tâches et du travail supplémentaires, on rabaisse le grade.
On a entendu dire à plusieurs reprises qu'Ottawa songeait à abolir ce grade et à revenir au système des caporaux suppléants utilisés autrefois. Des centaines de rumeurs circulent dans les rangs. C'est dix fois mieux que de restreindre le pouvoir de ce grade. Quand on n'aime pas un grade, il est préférable de le supprimer carrément. Il ne faut pas le dégrader ni dévaloriser ceux qui le détiennent.
• 2040
Je voudrais aussi vous parler de l'impôt. Depuis que je suis
dans les Forces, chaque fois que je remplis ma déclaration d'impôt,
j'ai l'impression de me faire fourrer et pas seulement de la même
façon que le Canadien moyen.
Si je ne me fais pas couper les cheveux, j'ai des ennuis. Ce n'est pas compliqué. Je suis obligé de le faire. Je reçois une indemnité d'entretien de l'habillement de 17 $ par mois. Il paraît que c'est pour mes coupes de cheveux, le cirage à bottes, bref tout ce dont j'ai besoin. Eh bien, je regrette, mais je me fais couper les cheveux une fois par semaine et ce n'est pas encore assez. Ça coûte huit dollars à chaque fois, alors même pour quelqu'un comme moi qui n'a qu'une 11e année, le calcul est vite fait. En plus, il y a les frais de nettoyage à sec.
Ensuite, on ajoute les taxes. On ne nous explique pas clairement ce qu'on peut déduire de notre revenu. Leur système est conçu au sein de la bureaucratie militaire—quand je dis «leur» je veux parler de l'armée elle-même—pour nous confondre. Quand on remplit la déclaration d'impôt, il y a une rubrique «dépenses d'emploi». Certains y inscrivent 600 $ ou un montant qu'ils jugent raisonnable et ça passe. Personne ne conteste le montant. Moi, j'ai essayé une fois et on m'a donné un formulaire à remplir et à faire signer par mon patron. Sans signature, je n'avais pas droit à la déduction.
Je vous assure qu'il faut chercher longtemps avant de trouver un patron qui signera ce formulaire.
Des voix: Oh, oh!
Cpl Rob Bulger: Je veux maintenant vous parler de la consommation d'alcool dans l'armée. Ça fait problème. Oui, on a su qu'à Chypre, en 1992—j'y étais—on a un peu perdu les pédales. Quand on y repense maintenant, on comprend pourquoi certaines de ces mesures ont été adoptées. Mais depuis quelque temps, cette politique interdisant la consommation d'alcool quand on est en mission à l'étranger ou quand on fait quoi que ce soit, c'est tout à fait ridicule.
On me prive de mes droits de citoyen canadien. C'est justifiable dans certaines circonstances. Quand je me trouve dans une zone de combat très stressante et que je dois performer à un niveau plus élevé que la moyenne, alors c'est compréhensible. Mais quand j'ai une période libre et que c'est le temps de décompresser, je devrais pouvoir prendre une bière et déblatérer contre mon chef si j'en ai envie, comme le fait Monsieur Tout-le-monde.
Je veux maintenant vous parler de quelque chose de plus personnel. En 1995, j'étais affecté à Shilo, au Manitoba. On se préparait à aller en Yougoslavie.
Pendant des années, quand je faisais mon entraînement ici, à Kingston, j'avais une épaule qui se disloquait parfois pendant les parties de soccer entre militaires. En 1995, donc, on se préparait à partir—on n'y est pas allé finalement, mais ce n'est pas pertinent—j'étais en train de monter une tente à l'arrière d'un des véhicules à chenilles. J'avais les bras en l'air et le poteau est tombé. Je me suis tassé rapidement et mon épaule s'est disloquée, ce qui se produisait de temps en temps. Pendant que l'épaule était disloquée, le poteau est tombé sur la coiffe des rotateurs et l'a fendue en deux. J'ai deux vis dans le bras droit. Je fais de la physiothérapie et ça m'aide beaucoup. Mon épaule est presque normale maintenant. Je réussis à faire mes tâches.
• 2045
J'ai eu un accident ici même, à Kingston, il y a environ un an
et demi, pendant que nous étions sur le terrain. Quelqu'un avait
branché une bouilloire derrière moi. La bouilloire s'est renversée
et l'eau m'a coulé dans le dos. L'équipage avec lequel j'étais
était chargé de s'assurer que personne ne fait bouillir de l'eau
dans les camions. Il faisait froid, on a voulu faire vite et c'est
moi qui ai écopé. Je ne m'attends absolument pas que les
contribuables en fassent les frais et je n'espère aucune
indemnisation.
Je porte les conséquences de cette erreur. J'en ai gardé des marques parce que toutes les tâches de rousseur d'un côté de mon dos ont brûlé. C'est un rappel perpétuel de ne pas faire bouillir de l'eau dans le camion.
En ce qui concerne mon épaule, j'ai donné mon bras pour le pays. C'est un accident qui n'était pas du tout prévu. J'ai envoyé une demande de pension au MAC à Charlottetown et voici la réponse que j'ai reçue. C'était une première demande d'un jeune caporal. J'ai pensé que quelqu'un s'occupait de moi et que ça irait bien. J'ai présenté la demande, mais on m'a répondu que la documentation n'était pas complète. Il manquait un papier pour confirmer que j'étais en service au moment de l'incident. Demande refusée. Pourtant, j'avais envoyé avec ma demande un récit sommaire de ce qui était arrivé, en expliquant que j'étais en train de monter une tente-rallonge à l'arrière d'un véhicule à chenilles, etc.
La personne qui a lu mon dossier ne devait pas avoir la moindre idée de ce qui se passe dans l'armée. Qu'est-ce qu'elle croit? Que je viens la fin de semaine pour monter des tentes à l'arrière des véhicules à chenilles? Je suis dévoué, mais je regrette, pas à ce point-là.
J'ai abandonné. J'ai laissé tomber. J'ai rouspété, je me suis plaint. Je ne suis plus le même soldat qu'avant. J'ai lutté pour m'en sortir et je suis ici aujourd'hui, mais je peux vous dire que je suis à cinq minutes de demander ma démobilisation parce que je n'en peux plus physiquement et mentalement.
Avant de poursuivre, je voudrais faire une demande vraiment bizarre au comité. J'ai une camisole sur le dos. Je voudrais l'ôter pour vous faire voir de quoi je parle. Est-ce que j'ai votre permission?
Le vice-président (M. Bob Wood): Pourquoi pas?
Cpl Rob Bulger: Vous remarquerez en même temps, mesdames et messieurs, que j'ai un drapeau canadien sur le bras gauche.
Le vice-président (M. Bob Wood): J'avais remarqué.
Cpl Rob Bulger: Mon frère était dans les Forces. Aujourd'hui, il reste chez lui, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il a été démobilisé en avril dernier. Il était caporal-chef dans le régiment aéroporté au moment du terrible incident en Somalie. Mon frère était le chauffeur du colonel Mathieu en Somalie et les horreurs qu'il a vécues, il les aura en mémoire toute sa vie.
Mon père et ma mère ont un de leurs fils qui est rentré invalide et qui reçoit une pension d'invalidité parce que l'armée a fait une erreur en décidant de lui enlever une partie de sa clavicule; on pensait atténuer la pression qu'il ressentait dans son bras. Les médecins ne savaient pas à quoi c'était dû. Je ne veux pas insister là-dessus parce que c'est une autre histoire et que ça s'est réglé à son avantage puisqu'il reçoit une pension d'invalidité.
• 2050
J'ai l'impression que je vais faire comme lui. J'essaie de
m'accrocher, mais le système ne me protège pas. Le système
militaire actuel n'est pas conçu pour aider les membres blessés à
se rétablir. On leur dit: «Tu es blessé, marche ou crève». Je
marche encore, mais sur les genoux.
Je n'ai demandé qu'une chose à l'armée depuis que j'en fais partie, c'est de suivre un cours de français. Je n'ai jamais rien demandé d'autre. J'ai aussi demandé qu'on me laisse le temps de guérir avant de m'affecter à une autre mission. Je suis un radio et je passe la journée à sauter en bas des camions, à installer des antennes, à soulever des radios et ainsi de suite. C'est mon travail. Je ne m'en plains pas, mais tout de même, il y a des emplois moins durs pour le corps. Quand on arrive à un moment de sa carrière où on a besoin de repos, il faut que quelqu'un s'en occupe pour qu'on obtienne absolument le repos nécessaire. Ça n'est pas arrivé.
Quand j'en ai parlé au gestionnaire de carrières, le premier déjà m'avait dit que je suivrais un cours de français, mais il me mentait en pleine face parce que je n'en ai pas eu... de toute façon, je lui ai donc demandé et il m'a répondu: «Vous savez, caporal, c'est bizarre»—c'était dit plutôt en confidence—«mais il n'y a rien de prévu pour quelqu'un qui veut suivre le cours pour les raisons que vous invoquez.» Il y a toutes sortes de cours offerts pour ceux qui ont des motifs politiques, qui veulent monter en grade, etc... mais il n'y a rien de prévu pour quelqu'un qui veut apprendre le français uniquement pour pouvoir discuter avec un copain qui est du Québec, à moins que ce soit pour l'avancement.
Quand il m'a demandé pourquoi j'y tenais à ce point, je lui ai expliqué que d'après moi, les Québécois méritent que je leur dise dans leur propre langue que je suis contre la séparation. Ils devraient être capables d'apprendre que je comprends leur point de vue.
Des voix: Bravo.
Cpl Rob Bulger: Cet après-midi, l'un des députés a demandé: «Qu'est-ce qui adviendra du comité selon vous?» Malheureusement, malgré les meilleures intentions, je sais... J'ai peur que le gouvernement ne tente un coup comme celui qu'a essayé de faire Ralph Klein en Alberta aux déficients mentaux et handicapés qui ont été stérilisés il y a des années. Le gouvernement a tenté d'invoquer la disposition dérogatoire contre eux, sous prétexte que ce n'était pas lui le responsable et qu'il ne pouvait pas faire plus. J'ai peur que le gouvernement fédéral fasse la même chose. J'ai peur qu'il dise: «Les gars sont affamés en ce moment alors, si on leur donne 5 p. 100, ils vont se taire.» C'est ce que je crains.
Je suis tanné de faire semblant de rien. Je ne suis plus capable. Je n'en ai plus la force. Avant, j'avais une place dans l'armée. J'avais une place quand je me suis engagé. L'armée cherchait un jeune qui ne disait pas nécessairement oui à tout et à tout le monde.
Mais maintenant, on parle de punir les chefs devant nos yeux et de toutes sortes de choses; qu'est-ce que ça veut dire? On veut des inconditionnels. On veut des gens sans opinions divergentes, qui refusent de dire ce qu'ils pensent par crainte de représailles.
Avant, je pouvais lever la main pour expliquer que je n'étais pas d'accord pour telle et telle raison. Je le faisais avec le plus de tact possible. Ça fait trop longtemps maintenant qu'on me néglige; pour moi, ce n'est plus la peine.
Est-ce que je veux être indemnisé pour mon épaule? Je crois avoir droit à quelque chose, pas à un million, mais j'ai quand même droit à autre chose qu'à des simples remerciements.
Quand on me demande ce que vous pourriez faire pour m'aider, je ne sais pas quoi répondre. Trouvez-moi un autre emploi peut-être pour que je puisse travailler après avoir quitté l'armée. Si je continue, l'armée va me détruire. Il n'y a rien de prévu pour protéger quelqu'un comme moi qui fait de son mieux mais qui a un handicap physique.
• 2055
Merci du fond du coeur.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, caporal. Vous avez été très bien.
Je crois que nous avons des questions à vous poser, à commencer, par David Price.
M. David Price: En fait, ce n'est pas une question. C'est une observation concernant le système de justice militaire dont vous avez parlé au début. Il arrive que cet après-midi à la Chambre, on a entrepris l'étude du projet de loi C-25 sur le système de justice militaire. Il nous sera renvoyé pour qu'on l'étudie. Il renferme aussi des dispositions sur une foule d'autres sujets. Vous verrez que ça vous aidera. Il ne renferme pas toutes les dispositions qu'on souhaitait, mais on y retrouve beaucoup de suggestions découlant de l'enquête sur la Somalie.
Cpl Rob Bulger: Oui, monsieur. Le problème, c'est qu'on va le confier à un comité...
M. David Price: Notre comité.
Cpl Rob Bulger: ... d'accord, votre comité—qui décidera. Je suis certain qu'il va arriver quelque chose et qu'on va s'en occuper, mais si on le donne au chef d'état-major de la Défense, il ne se passera rien.
M. David Price: Nombre des recommandations viennent du chef d'état-major de la Défense.
C'est vrai que, personnellement, j'aurais préféré qu'il soit plus complet, mais c'est quand même un bon début.
Cpl Rob Bulger: Monsieur, ce que beaucoup de monde cet après-midi a essayé de vous dire, c'est qu'on a remarqué que nos chefs ont trouvé un système pour donner l'impression qu'ils font quelque chose alors qu'ils ne font rien. Si vous leur posez la question, ils vont vous répondre qu'on les aime, mais ils vont nous faire transmettre à nous le message qu'on ne peut rien dire à leur sujet.
Mais comme on m'a donné...
M. David Price: Vous êtes justement en train de parler d'eux et nous, nous vous écoutons.
Cpl Rob Bulger: La seule raison pour laquelle je le fais, monsieur, c'est parce que mon commandant m'a dit l'autre jour que je pouvais le faire sans crainte de représailles. C'est pour ça que je suis venu.
M. David Price: C'est pourquoi nous sommes venus aussi et nous sommes contents de vous rencontrer. Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Y a-t-il d'autres questions? David?
Cpl Rob Bulger: Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je vous remercie.
Lory Allen.
Mme Lory Allen (témoigne à titre personnel): Mesdames et messieurs, je suis venue ce soir à titre non seulement d'épouse mais aussi de mère inquiète.
Au sujet des loyers, je trouve qu'on devrait payer le même loyer partout au Canada. La solde de mon mari ne varie pas selon l'endroit où il est affecté et je crois que le loyer ne devrait pas varier non plus.
En ce qui concerne les LF, par où commencer? Ma famille n'a jamais été aussi souvent chez le médecin que depuis notre arrivée ici. Mes enfants sont constamment malades; ils ont des rhumes, des otites, etc. La liste est longue.
Les pompiers sont venus parce que ça sentait le brûlé. Après avoir couru après les responsables du logement pendant des mois, on a découvert un problème de câblage dans l'interrupteur de ma chambre.
Il y avait dans notre cour un trou béant d'un pied de profondeur qui s'était rempli d'eau. Mon fils, qui avait un an et demi, est resté coincé dedans. Il aurait pu se noyer mais, heureusement, il a gardé sa tête hors de l'eau. La cavité a finalement été remplie après que plusieurs voisins se soient plaints pendant environ deux mois. Chaque fois qu'on téléphonait aux responsables, on se faisait répondre qu'ils étaient au courant du problème et qu'ils s'en occuperaient dès que possible. Qu'est-ce que ça veut dire «dès que possible», quand quelqu'un se noiera ou mourra?
Personnellement, je trouve que ça allait mieux quand c'était des militaires qui s'occupaient des logements et non des civils qui rentrent dans leurs maisons chaudes et sûres après le travail et qui n'ont pas la moindre idée de ce que c'est que vivre dans des LF.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, Lory.
Nous sommes ici depuis deux heures déjà. Je propose qu'on fasse une pause de dix minutes avant de poursuivre pour entendre ceux qui restent.
Le vice-président (M. Bob Wood): Il semble qu'on ait oublié une dame. On s'en excuse. Nous allons écouter Michelle Foreman.
Veuillez nous excuser, Michelle.
Mme Michelle Foreman (témoigne à titre personnel): Vous êtes tout excusés. C'est réglé.
Je suis épouse de militaire, mère et phytothérapeute, dans cet ordre. Je suis certainement d'abord et avant tout épouse de militaire. Je veux faire deux ou trois observations en tant que phytothérapeute. Je vais aussi ajouter quelques petites remarques parce que j'ai passé la journée ici à écouter ce qui se disait.
Le MDN a lancé un programme en mai 1995 pour fortifier les Forces. Toutefois, à BFC Kingston, on l'utilise rarement. C'est une campagne pour promouvoir une vie active, la forme physique, la nutrition, un poids-santé, la gestion du stress, la prévention et l'abandon du tabagisme, de la consommation d'alcool et d'autres drogues, la sexualité sans risque, et la prévention du suicide. Les informations sont transmises par le commandant de la base aux commandants de toutes les unités. Ensuite, c'est aux commandants d'organiser ou non des conférences sur ces sujets.
On se targue d'avoir l'une des meilleures armées au monde et d'ailleurs, en mission, bon nombre de pays estiment que l'armée canadienne a les meilleurs RIC; malheureusement, on semble se préoccuper davantage du goût que de la valeur nutritive. L'agent des vivres à BFC Kingston n'est pas diététiste. Quand on compare la valeur nutritive des rations avec la nourriture au CMR dont l'agent des vivres est diététiste, on constate une grande différence entre ce qui est offert aux cadets et ce qui est offert aux membres. Si on veut des militaires en santé, il faut commencer par l'alimentation. Hippocrate a bien dit qu'il fallait bien manger pour être en bonne santé.
Les mess de BFC Kingston sont réputés pour leur choix d'aliments. Pourtant, la blague qui y circule, c'est que si ce n'est pas frit, il n'y en aura pas au mess. Je ne crois pas que ce soit à ce point-là. Toutefois, mon mari et moi sommes allés au mess vendredi soir pour la Saint-Patrick. On nous a servi de la poutine qui se compose de frites, de sauce brune et de fromage; des ailes de poulet frites avec plein de trucs dessus; une salade césar qui baignait dans la vinaigrette; une chaudrée de palourdes crémeuse; et pour dessert, un plateau de pâtisseries et de carrés. Je n'ai pas vu un seul fruit. Il n'y avait rien de nutritif et je n'avais pas le choix.
La nourriture servie au mess dépend de plus en plus du goût. Au lieu d'être créatifs et de trouver des aliments qui sont nutritifs en plus d'être délicieux, on préfère offrir ce que tout le monde va aimer.
• 2120
Il n'est plus obligatoire que l'agent des vivres de la base
soit diététiste, je le répète et ça fait partie du problème:
formation insuffisante et peu d'intérêt pour revenir à des choix
plus sains. On réduit constamment les effectifs sans se demander
quel effet ça peut avoir sur les membres. Nous allons en pâtir si
on réduit le nombre de diététistes, parce que nos soldats et nos
officiers sont privés de certains éléments nutritifs fondamentaux.
D'ailleurs, on trouve de plus en plus de maladies aiguës et
chroniques chez les membres des Forces.
Est-ce qu'on veut une armée forte et en santé dont on peut être fier ou est-ce qu'on va se contenter d'une alimentation médiocre à cause des contraintes budgétaires?
On dirait qu'on se concentre sur les capricieux et ça me trouble un peu. J'ai deux jeunes fils et s'ils décidaient de ne manger rien d'autre que des aliments vides, croyez-vous que moi, leur mère, je les laisserais faire? Non. C'est à moi de leur montrer à choisir des goûters bons pour la santé et à savoir comment avoir une alimentation équilibrée. L'armée a l'air de céder aux demandes des capricieux sans tenir compte des importants problèmes que causent de tels choix alimentaires.
J'ai deux amis assis là-bas qui sont végétariens et dans les repas préparés d'avance pour végétariens qu'on leur sert, on trouve habituellement du saumon ou du pepperoni. À ma connaissance, ce sont des aliments que les végétariens ne mangent pas.
C'est tout ce que j'avais à dire sur le sujet. Si on ne commence pas à choisir mieux et si on ne propose pas des aliments plus sains aux militaires en leur expliquant ce qu'est un aliment sain, on aura à long terme des problèmes assez importants.
J'ai deux autres remarques que je vais faire brièvement.
Une de mes amies est aussi épouse de militaire. Il y a deux semaines, elle a rencontré le ministre, mais elle n'a pas pu parler. Ils ont calculé que son mari avait été parti huit mois en tout cette année. Ils n'ont reçu aucune indemnité. S'il avait été envoyé six mois en Somalie, il aurait reçu une indemnité financière quelconque. Malheureusement, il n'en a pas eu et maintenant ils ont de graves problèmes conjugaux parce qu'ils ne sont plus sur la même longueur d'onde.
C'est assez courant. Nos maris n'en peuvent plus parce qu'ils ont double, triple ou même quadruple tâche. C'est incroyable.
Je me sers de lui comme exemple parce que ce sont de bons amis à moi. Il est devenu tellement spécialisé et, à cause des compressions, il y a si peu de militaires qui peuvent faire la même chose que lui que, quand il part faire une présentation, on lui fait savoir qu'il ne passera que 12 heures à la maison avant de repartir ailleurs. Qu'est-ce qu'on fait des périodes de repos?
Pendant la tempête de verglas, bien des militaires ont obtenu un congé. En tout cas mon mari, lui, en a eu un. Le problème, c'est quand va-t-il le prendre son congé? Quand pourra-t-il s'absenter? On leur impose constamment différentes tâches supplémentaires parce qu'on manque de militaires et ceux qui restent ne peuvent même pas prendre les congés auxquels ils ont droit parce qu'ils n'ont pas le temps.
J'ai une autre bête noire. Après que mon mari se soit engagé dans l'armé, son vote—et je crois que ça vous touchera tous... Il a le choix de voter dans la circonscription où il se trouve, où il habite, ou de voter dans sa circonscription d'origine. Je suis une épouse. Je possède même un terrain au Nouveau-Brunswick. Je préfère voter pour des gens au Nouveau-Brunswick qui vont réaliser des choses à l'endroit où je prendrai ma retraite. Mais on ne me donne pas le choix. Je suis obligée de voter à Kingston. Ce n'est peut-être pas dans mon intérêt, mais je n'ai pas le choix. Je trouve que c'est injuste.
Je suis phytothérapeute; j'ai donc une carrière. Peut-être d'autres ont-ils abordé la question, mais je vais vous en dire deux mots. Chaque fois que nous sommes affectés ailleurs, mon entreprise en prend un coup, parce que j'ai ma propre entreprise. Je dois trouver de nouvelles idées de publicité et de l'argent aussi chaque fois qu'on déménage. Mon entreprise accuse un important manque à gagner. Je sais bien que c'est moi qui ai choisi d'avoir une entreprise, mais c'est ça ou rien et chacun sait qu'être militaire ce n'est pas tellement payant en ce moment. J'ai donc choisi d'avoir une entreprise afin de pouvoir rester au foyer avec mes enfants parce que c'est important pour moi.
Ce serait vraiment bien si on pouvait me défrayer d'une partie de ma publicité. J'en fais la recommandation. Je ne connais pas toutes les solutions, mais ce serait une petite recommandation pour ceux qui ont leur propre entreprise à domicile.
• 2125
Tout à l'heure, quelqu'un a parlé de l'indemnité de transport
en congé. Je veux vous en parler un peu car ça m'a semblé un peu
confus.
L'indemnité de transport en congé est accordée aux militaires en mission outre-mer. Par exemple, supposons que mon mari est envoyé en Yougoslavie. Pendant qu'il est en Yougoslavie, lui ou moi avons droit à un congé, de deux semaines je crois. Le gouvernement va payer les frais si je vais là-bas ou si lui vient ici, jusqu'à hauteur du tarif en classe économique pour un vol transcontinental. En ce moment, le prix est de 1 200 $. Ça explique le chiffre mentionné tantôt.
Mais ma belle-soeur qui vit à Petawawa et dont le mari se trouve en Yougoslavie doit payer elle-même les 700 $ de plus que ça coûterait pour aller voir son mari. L'armée ne paiera pas la différence.
Il est en service actif là-bas. L'argent est prévu déjà au budget. Pendant qu'il est là-bas, il a droit à un certain montant.
Tout à l'heure, la dame a dit que l'argent était déjà prévu. Moi, mon mari a passé six mois outre-mer. Je pense que je préfère qu'il ne revienne pas à la maison avant la fin de sa mission parce que je vous dirai franchement que ce serait deux semaines à se chicaner. Personne ici ne me contredira si je vous dis qu'on ne peut pas renouer en deux semaines. Ça prend beaucoup plus de temps. Il a la tête ailleurs. Je préférerais probablement ne pas voir mon mari pendant sa mission parce que ça perturbe la vie à la maison au lieu de l'améliorer.
Je pense que l'argent prévu au départ devrait être versé à la famille pour qu'elle décide ce qu'il faudrait faire au retour du mari—prendre un congé, aller chez des amis, refaire connaissance. Il est difficile de reprendre contact. C'est pourquoi il y a tant de divorces et de séparations chez les militaires.
J'ai beaucoup d'amies en ce moment qui semblent être en train de perdre contact avec leur mari parce qu'il est absent.
C'est tout.
Des voix: Bravo.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, Michelle.
Mme Michelle Foreman: J'ai ici un exemplaire de Strengthening of the Forces. Je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler.
Le vice-président (M. Bob Wood): Oui, laissez-nous-le. Donnez-le à Michel, notre attaché de recherche. Merci.
David, des questions?
M. David Price: Oui, une brève question sur l'alimentation.
Pourtant, durant notre tournée, tout le monde a dit qu'il n'y avait pas de problèmes de nourriture.
Mme Michelle Foreman: La nourriture ne fait pas problème parce que ça goûte bon et ça a l'air bon.
M. David Price: Oui, c'est ça.
Mme Michelle Foreman: C'est de la nourriture de cafétéria.
M. David Price: Ce n'est pas bon.
Mme Michelle Foreman: C'est bon. Ça goûte bon.
M. David Price: C'est bon mais c'est mauvais pour la santé.
Mme Michelle Foreman: Exactement.
M. David Price: C'est ce que vous voulez dire.
Mme Michelle Foreman: C'est ce que je veux dire.
M. David Price: Vous avez été dans d'autres bases.
Mme Michelle Foreman: Certainement.
M. David Price: Avez-vous constaté la même chose?
Mme Michelle Foreman: Oui et non. Ça dépend vraiment si l'agent des vivres de la base est diététiste ou non. Ça se résume vraiment à ça.
M. David Price: Ça se résume à ça.
Mme Michelle Foreman: Oui.
M. David Price: C'est intéressant. Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): David Pratt.
M. David Pratt: Dites-moi, croyez-vous que les membres des Forces se plaindraient si la nourriture était plus nourrissante?
Mme Michelle Foreman: Vous savez de quoi ça dépend en fait? Du goût. Croyez-moi, j'ai deux capricieux à la maison et on peut donner bon goût à des carottes. Ça ne prend pas un diplôme en microbiologie pour s'en rendre compte. C'est une question de présentation.
De plus, les militaires ne sont pas renseignés. Je ne veux pas porter de jugement—et malheureusement ce sont des stéréotypes—mais beaucoup de militaires quittent leur mère pour entrer dans l'armée. On ne leur a jamais rien appris sur la nutrition. Le programme pour fortifier les Forces permet d'enseigner aux militaires pourquoi la nutrition a de l'importance—et elle en a.
Je pense qu'il faut juste un peu d'éducation. Oui, on continuera d'offrir quelques aliments vides, mais ce serait bien qu'on offre à côté des aliments très bons pour la santé. C'est très difficile de trouver de bons aliments sains en campagne. Je comprends ça. Ce n'est pas facile d'avoir des fruits et des légumes frais sur le terrain, mais au moins on devrait pouvoir prendre soin de nos hommes dans les garnisons.
M. David Pratt: Je trouve que vous faites des remarques très pertinentes du point de vue de la santé en général plus qu'autrement.
J'ai une autre question au sujet du vote. Laissez-moi vérifier si j'ai bien compris: vous devez voter dans la circonscription où se trouve la base?
Mme Michelle Foreman: Oui. Je dois voter là où je vis. Je n'ai pas le choix.
M. David Pratt: Alors, vous n'avez pas droit au même traitement que votre mari.
Mme Michelle Foreman: Pas du tout. Mon mari a le choix de voter ici ou là-bas. C'est logique.
En ce moment, je vis en Ontario, mais nous avons déménagé trois fois en trois ans. Je suis du Nouveau-Brunswick et j'adorerais voter aux élections provinciales du Nouveau-Brunswick. J'y ai un terrain. J'ai une raison de vouloir que les choses aillent bien au Nouveau-Brunswick. L'Ontario me laisse indifférente. Je regrette, mais je ne serai pas ici assez longtemps.
M. David Pratt: Je crois qu'on porte atteinte à vos droits démocratiques.
Mme Michelle Foreman: Moi aussi.
M. David Pratt: Je pense que c'est incontestable.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, Michelle.
Le capitaine Gil Pierog.
Le capitaine Gil Pierog (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité et de l'armée, après 37 ans et demi de vie militaire, je vais prendre ma retraite dans quatre mois, à l'âge de 55 ans. Je travaille pour la milice depuis neuf ans et demi, depuis que j'ai pris ma retraite de la Force régulière en 1988. J'avais alors atteint le grade d'adjudant-maître. J'ai gravi tous les échelons depuis simple soldat jusqu'à caporal en commençant ici.
J'ai écouté tout le monde qui a parlé depuis 14 h 00. On a parlé des LF à Kingston. J'ai vécu sur Normandy Crescent de 1969 à 1971 à mon retour d'Allemagne. Je suis certain que si j'allais à mon logement aujourd'hui, je le trouverais probablement dans le même état que je l'ai laissé en 1972.
En ce moment, j'habite sur Lundy's Lane et je vous assure que c'est pareil. J'occupe ce logement depuis 1993 et les seules réparations qui ont été faites dans mon LF, c'est le changement du chauffe-eau, qui fonctionne maintenant au gaz, et l'installation de nouvelles fenêtres l'an dernier, mais elles ne sont pas plus étanches qu'avant. Alors, comme l'a dit le monsieur, quand on laisse tomber une feuille de papier on ne la retrouve pas au milieu de la pièce mais à l'étage.
Si j'ai voulu prendre la parole ce soir, c'est parce que je suis ce que l'armée appelle un rentier, c'est-à-dire un ancien membre de la Force régulière qui travaille à temps plein pour la Réserve. En 1992 ou 1993, la règle c'était que les anciens militaires travaillent pour la Réserve pendant 330 jours puis prennent de 30 jours de congé—pour ne pas perdre leur pension—avant de reprendre le travail pour la Réserve. Je veux parler de la Première réserve.
Il y a deux ou trois ans, on a modifié la politique pour que les rentiers, les anciens membres de la Force régulière, qui veulent travailler pour la Réserve, ne puissent plus travailler que 365 jours suivis d'un congé de 185 jours, sinon ils sont réputés s'être réenrôlés aux fins de la pension. Ils peuvent aussi alterner entre 180 jours de travail et 180 jours de congé. Pendant cette période de 180 jours, ils ne peuvent travailler que trois jours par semaine pour la Réserve; le reste du temps, ils touchent des prestations d'assurance-emploi.
Vous savez qu'un membre de la Force régulière cotise pendant 20 ans à l'assurance-emploi... Moi, j'ai cotisé pendant 27 ans mais je n'ai jamais pu toucher de prestations après avoir quitté la Force régulière parce que j'ai obtenu une indemnité de départ.
Mon problème, c'est que quelqu'un qui fait partie du CIC, c'est le Cadre des instructeurs des cadets, une autre composante de la Force de réserve, peut travailler 330 jours et prendre 30 jours de congé, puis retourner travailler au CIC jusqu'à l'âge de 65 ans. Un retraité de la Force régulière qui travaille pour la première réserve ne peut pas dépasser l'âge de 55 ans et, s'il veut conserver sa pension, il ne peut pas travailler 330 jours puis prendre 30 jours de congé. Il doit régulièrement prendre 185 ou 180 jours de congé.
Les réservistes font de plus en plus partie intégrante du concept de la force totale.
Je suis le capitaine-adjudant du Princess of Wales' Own Regiment à Kingston depuis 1993. Je suis un administrateur de profession. J'étais commis d'administration, PSPT ADM, après avoir été commissionné.
En ce moment, la Réserve est tellement débordée qu'on fonctionne presque comme une unité de la Force régulière même si la majorité des membres travaillent à temps partiel. Mon commandant est un policier de Kingston. Le commandant adjoint est le substitut du procureur général pour la région de Napanee. L'un de nos majors est médecin. Eux ne sont pas là tout le temps parce qu'ils travaillent à temps plein.
Nous avons quatre membres de la Force régulière: un capitaine d'infanterie, un adjudant d'infanterie, un caporal d'infanterie et un sergent commis SGD parce que, maintenant, les finances et l'administration sont deux secteurs combinés. Ce sont les quatre seuls militaires affectés.
• 2135
Nous avons des postes dits de classe BA là où je travaille; ce
sont des postes à temps plein, rémunérés au taux de la milice qui
est très intéressant depuis deux ans. On vient en effet de le
porter à 85 p. 100 de la solde de la Force régulière.
Les réservistes ont maintenant droit à une gratification qui ressemble à l'indemnité de départ pour la Force régulière—sept jours de paye pour chaque année de service au-delà de dix ans—et de plus, ceux de classe A obtiennent un congé payé. Ce sont les réservistes qui travaillent à temps partiel, du lundi au jeudi en soirée, plus une fin de semaine par mois. Ils reçoivent une paye de vacance de 9 p. 100, ce qui doit être supérieur à ce que reçoivent les civils puisque ma femme travaille à Kingston et je sais qu'elle ne touche que 4 p. 100.
Tout de même, l'administration de la Réserve et son obligation d'épauler la Force régulière constitue une tâche si lourde en ce moment que toutes ces personnes qui vont prendre leur retraite dans cinq, dix ou 15 ans et qui espèrent avoir un emploi dans la Réserve, qui veulent rester en contact avec les Forces armées canadiennes comme je l'ai fait à ma retraite, qui voudront un emploi de quatre ou cinq ans, qui ne veulent vraiment pas quitter les Forces, qui veulent s'établir dans une région et ne pas être affectés à Wainwright en Alberta—ces militaires ne peuvent plus se joindre à la Réserve et se chercher un emploi à temps plein parce qu'à titre de rentiers, on les en empêche puisqu'ils reçoivent une pension de la Force régulière.
Si j'avais travaillé comme fonctionnaire au MDN, on ne m'enlèverait pas ma pension au bout de l'année. Si j'avais travaillé pour la GRC, on ne le ferait pas et si j'avais travaillé pour la General Electric, on ne me priverait pas non plus de ma pension au bout d'un an.
Les rentiers, les anciens membres de la Force régulière, sont pénalisés parce qu'ils travaillent pour la Première réserve et je trouve que ce n'est pas juste. Ce n'est vraiment pas bien.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Ça dure depuis combien de temps, capitaine? Depuis longtemps?
Capt Gil Pierog: Je me suis joint à la Réserve en 1989; c'était une mutation directe depuis la Force régulière. J'étais à Petawawa à l'époque. Je suis retourné à Ottawa où j'ai été en poste pendant neuf ans.
À l'époque, la règle voulait qu'on alterne entre 330 jours de travail et 30 jours de congé pour conserver notre pension. C'était bien. Tous les rentiers adoraient ça. Vous comprenez, quand on touche un salaire plus une pension, on travaille fort.
La solde des réservistes était bien inférieure à celle des membres de la Force régulière. À l'époque, je crois qu'un capitaine touchait 85 $ par jour s'il travaillait à plein temps. Maintenant, c'est 110 $ par jour quand on travaille à plein temps. Les primes de rendement ont changé. Nous avons maintenant les mêmes que la Force régulière. Les capitaines ont obtenu une hausse de 10 p. 100, les autres grades une augmentation allant jusqu'à 4 p. 100, et ainsi de suite, mais le taux n'est que de 85 p. 100.
Si la proportion n'est que de 85 p. 100 pour un réserviste, c'est parce qu'il n'est pas obligé de participer aux missions de l'ONU. Il n'a pas non plus à défiler tous les soirs. D'après l'ORFC, il n'a à défiler que 50 p. 100 du temps pour être efficace au régiment ou dans son unité.
Mais ça a duré des années et soudain, quelqu'un a dit: «Ah, les rentiers cumulent deux avantages. Ils touchent deux salaires du même employeur.»
J'ai un ami qui vient de prendre sa retraite de la fonction publique à 65 ans. J'ai travaillé pour lui quand il était adjudant ici au bureau d'administration du côté de Vimy à mon retour d'Allemagne, en 1968. J'étais alors caporal. Il a pris sa retraite de la Force régulière et est entré dans la fonction publique. Il administrait le DCDA à BFC Kingston jusqu'à sa retraite il y a un an et demi. Il travaillait pour le MDN et touchait une rémunération de la Force régulière et cotisait au régime de retraite de la fonction publique. Maintenant, il reçoit une pension de la Force régulière, une pension de la fonction publique et tout le reste. Si ça ce n'est pas le cumul de deux avantages, qu'est-ce que c'est?
Le vice-président (M. Bob Wood): C'est probablement le cumul de trois avantages.
Capt Gil Pierog: Vous avez raison.
Mais il me semble que les rentiers, les anciens membres de la Force régulière, sont les seuls à être visés par cette politique. Il n'y a personne d'autre. Ça touche... Il y a tellement de monde qui veut se joindre à la Réserve.
Je m'occupe des séminaires SCAN pour la base. Je viens parler de la Réserve, des postes disponibles, de ce que les gens devraient faire. Devraient-ils s'en aller? Devraient-ils s'inscrire à la RSA—la Réserve supplémentaire d'attente? Je leur dis qu'il y a des débouchés dans la Réserve, mais ça décourage beaucoup de monde.
La Réserve perd les connaissances, le professionnalisme et le dévouement dont on aurait pourtant besoin maintenant parce qu'on a du monde en Bosnie. J'ai deux membres de notre régiment là-bas en ce moment. J'en ai quatre autres à Petawawa à l'entraînement en prévision de leur départ à l'automne. Nous avons besoin de gens qui peuvent être là en tout temps et qui ont de l'expérience parce que notre administration est la même que celle de la Force régulière. Nous faisons les mêmes affaires—HAZMAT, WHIMS. Le nouveau système de rapport d'appréciation du personnel s'applique à la Réserve. Tout ce que la Force régulière fait, que ce soit d'ordre administratif ou opérationnel, nous devons le faire aussi.
Le vice-président (M. Bob Wood): Voulez-vous dire que vous préféreriez revenir à l'ancien système?
Capt Gil Pierog: Je voudrais que, comme avant, si un rentier ou un ancien membre de la Force régulière veut se joindre à la Réserve, il puisse travailler 330 jours et prendre 30 jours de congé sans travailler du tout—c'était impossible de faire autrement, c'était la règle—puis retourner au travail. On bénéficierait alors de toutes les compétences des membres de la Force régulière qui aideraient les unités de Réserve. Et la Réserve en a énormément besoin en ce moment.
Les réservistes eux-mêmes, les gens en ville ici, sont surtout de passage, ou alors ce sont des étudiants de l'université ou des collèges, ou des élèves du secondaire qui partent s'ils ne vont pas à l'Université Queen's ou à St. Lawrence. En général, un réserviste ne reste pas plus de 18 mois. Donc, on leur donne un entraînement pour les amener au NQ4 et peut-être au grade de caporal si on a de la chance, puis ils s'en vont et on se retrouve avec une quarantaine de nouvelles recrues.
On ne peut donc pas entraîner les officiers. Et dans notre unité au Princess of Wales' Own Regiment, ce sont les commis d'administration, les commis aux finances ou les techniciens en approvisionnement qui assurent le soutien. Ils travaillent tous ici pour la base parce que la base n'a pas les ressources nécessaires pour avoir ses propres services.
J'ai un capitaine et quatre techniciens en approvisionnement qui travaillent au SLI et j'ai un seul adjudant qui est un ancien membre de la Force régulière et qui peut travailler seulement jusqu'à la fin de mai. Ensuite, s'il ne prend pas son congé de 185 jours, il se fait fourrer. Et nous devrons nous passer de lui alors que nous avons des tas d'engagements. Comment mon commandant ou n'importe quel commandant d'une unité de Réserve peut-il faire marcher son unité comme ça? C'est impossible.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup.
Caporal Dave Taylor. David est-il présent?
Le caporal Dave Taylor (témoigne à titre personnel): Je serai bref. Mon exposé est aussi improvisé. Je suis de ceux qui n'ont pas été entendus cet après-midi.
On entend beaucoup parler des épouses et familles de militaires, de la famille régimentaire, etc. Personne ne parle jamais vraiment des autres membres de la famille militaire—c'est-à-dire, ceux d'entre nous qui n'ont pas de conjoint et ceux qui sont célibataires. J'ai pensé qu'il était temps que quelqu'un raconte au comité la vie des célibataires qui n'est pas rose non plus. Ça peut avoir l'air beau, mais si on fait partie du personnel, qu'on est célibataire et qu'on vit à la base, ce n'est pas le paradis.
Je défie quiconque au comité d'aller faire une marche dans le bout des LC de la base pour y jeter un coup d'oeil. À côté de ça, les LF ont l'air de vrais palaces. Nos chambres font environ huit pieds sur 10 à 12 en moyenne. À peu près la dimension d'une cellule moyenne. Elles ont été conçues pour des gens de passage et certainement pas pour un soldat ou un caporal d'une unité de campagne qui doit transporter avec lui environ 400 livres d'équipement et qui est stationné ici pendant cinq ans. On peut toujours s'habituer aux dimensions, mais en plus, on subit les mêmes problèmes que les locataires des LF: des toits qui coulent, de la neige sur le plancher parce que les fenêtres ne sont pas étanches, des plafonds qui coulent, de l'eau qui coule des luminaires sous tension et des prises de courant, des bestioles comme coquerelles et lépismes, des toilettes qui coulent.
Bref, c'est un endroit non seulement dangereux, mais insalubre et malsain. Et rien à la base ni ailleurs... J'ai lu le compte rendu de vos réunions ailleurs et je pense que personne n'a abordé cette question. Pourtant, la situation doit être la même partout au pays.
J'aimerais vraiment que votre comité se donne au moins la peine d'indiquer que le personnel célibataire a un travail à faire comme tout le monde et qu'il aimerait être écouté, remarqué et pas négligé lorsqu'on allouera de l'argent aux bases pour faire des améliorations.
Vous avez peut-être remarqué que depuis deux ou trois jours, on effectue des réparations sur les immeubles là-bas. Malheureusement, elles ne sont que d'ordre esthétique; on ne retouche que l'extérieur pour que ça ait l'air beau de la rue. C'est moins joli à l'intérieur.
• 2145
Je pourrais aussi vous parler des affectations, des indemnités
et des tâches. Quand on est célibataire, on est toujours le premier
à y passer. Immanquablement, quand il y a un travail désagréable à
faire pendant la fin de semaine, qui choisit-on? Les deux
catastrophes en sont des exemples parfaits.
Quand je m'absente, il n'y a personne pour s'occuper de mes affaires. Je n'ai pas d'épouse pour s'occuper de mes finances. Je n'ai personne pour réchauffer le moteur de ma voiture tous les jours. Je n'ai personne pour s'assurer que mes tuyaux ne vont pas éclater. Je dois partir quand même.
Je suis allé à Winnipeg et aussi à Montréal. J'ai travaillé le vendredi, je suis allé quatre heures chez moi, j'ai fait mes bagages dans l'obscurité, je suis parti passer deux jours à un endroit ici où il y avait un générateur, je suis retourné chez moi pendant six heures puis je suis parti pour Montréal. Comment puis-je avoir le temps de mettre de l'ordre dans mes affaires quand on me dit que je serai peut-être parti un mois, deux mois, quatre mois—qui sait? N'ai-je pas droit à la même considération que les autres?
Nous aimerions avoir voix au chapitre dans les décisions prises à la base au sujet de nos logements et salles à manger. Actuellement, on les prend derrière notre dos. Ça vaut non seulement pour les gens qui sont stationnés ici mais pour les réservistes qui vivent ici eux aussi. Ça vaut pour les membres du personnel qui se sont fait imposer des restrictions et dont les épouses sont ailleurs. Ils vivent ici. On mérite tous d'être traités comme il faut. On voudrait qu'on s'occupe bien de nous, comme les autres. On n'en demande pas plus.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci de votre patience. Nous vous sommes reconnaissants de vous être donné la peine d'attendre.
Vous avez raison, nous n'avons pas entendu beaucoup de célibataires dans les bases. C'est bien que vous ayez attiré notre attention sur ces problèmes.
Judi Longfield a une question.
Mme Judi Longfield: Je vous remercie d'avoir soulevé la question des logements pour célibataires.
Ce que la lecture des comptes rendus ne vous révèle pas, c'est ce que nous faisons entre deux réunions. M. Price et moi discutions justement de ça après le souper. Presque partout où nous sommes allés, nous avons visité des LF mais nous avons aussi vu des logements pour célibataires et je comprends ce que vous racontez. J'en ai vu qui étaient dans un état lamentable et je ne voudrais pas que quelqu'un que je connais ou que j'aime y vive.
Cpl Dave Taylor: Disons-le franchement, madame, la résidence pour étudiants où j'ai habité pendant mes quatre années à l'université était cent fois mieux et je ne gagnais même pas ma vie.
Mme Judi Longfield: C'est vrai. Je comprends. À l'université, vous n'aviez probablement pas ces bestioles indésirables qu'on trouve dans certains des logements où vous vivez.
Ce qui ne transparaît pas non plus dans les comptes rendus, c'est que partout où nous allons, nous avons l'occasion d'aller manger avec des gens pour discuter. On a tenu pas mal les mêmes propos que vous à ces occasions. C'est bien qu'enfin quelqu'un en parle au comité pour que nos collègues qui n'ont pas pu nous accompagner partout puissent en lire la transcription. Je vous remercie encore une fois.
Cpl Dave Taylor: Je suis content que vous ayez pu le voir par vous-mêmes. Malheureusement, je ne vous ai pas vus parce que je dormais chez ma copine pour ne pas mourir de froid.
Mme Judi Longfield: Nous n'avons pas vu les logements ici, mais nous en avons visité dans d'autres bases. D'après ce que vous dites, je présume que les logements d'ici sont pareils.
Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Manifestement, vous avez bien fait.
M. David Price: Vous avez dit n'avoir personne pour s'occuper de vos finances quand vous êtes absent. Qu'est-ce que vous faites alors?
Cpl Dave Taylor: Ça dépend de l'endroit où on travaille. Quand je suis allé à Winnipeg, j'en ai parlé à un de mes supérieurs qui m'a suggéré de donner ma carte bancaire à un ami pour qu'il s'occupe de mes affaires pendant mon absence. Ça vous donne une idée de la mentalité. Étant célibataire, c'est comme si je n'avais pas d'existence.
M. David Price: Donc, vous êtes mal pris. En particulier pendant la tempête de verglas, vous ne pouviez peut-être même pas téléphoner aux gens. Supposons que vous ayez un prêt-auto à rembourser, si vous n'avez pas des retraits automatiques, la banque ne doit pas tarder à vous faire des reproches.
Cpl Dave Taylor: Oui, les célibataires partent fréquemment et on est censé avoir pris des dispositions avec les agents de la paye ou d'autres, mais si une erreur survient pendant une absence de six mois, au retour, on retrouve un commandant de troupe ou d'escadron très en colère ou alors un agent de recouvrement très fâché qui veut savoir pourquoi on n'a pas payé les factures ou encore qui menace de nous reprendre la voiture. Ce n'est pas rare du tout.
M. David Price: D'accord, merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, Dave.
Cpl Dave Taylor: Merci.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Le capitaine Brian Farkes.
Le capitaine Brian Farkes (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je veux vous remercier de prendre le temps de m'écouter. La soirée avance et je vous remercie de prendre la peine de nous entendre tous.
J'ai appris d'un monsieur qui a fait partie d'un comité semblable en 1950, qu'avec un peu de ténacité et de conviction, un comité comme le vôtre peut faire bouger les choses. J'espère sincèrement que vous êtes comme ça et que vous ferez bouger les choses.
Je vous donne mes antécédents en deux mots. Je suis le capitaine Brian Farkes et j'ai été 16 ans dans les Forces canadiennes. Ensuite, je me suis joint à la Force de réserve où je suis toujours. Pendant un peu moins de la moitié du temps que j'ai passé dans la Réserve, j'y effectuais le travail normal à temps partiel; le reste du temps, je le faisais à plein temps. J'ai occupé plusieurs postes différents, en fait toute la gamme depuis le quartier général de la Défense nationale jusqu'à des postes en campagne en passant par des postes d'état-major ici. J'ai travaillé dans sept des dix provinces.
Je suis actuellement l'adjudant de notre division des communications et de l'électronique. Je traite avec probablement 7 000 personnes en général. Je suis donc assez bien placé pour me faire des opinions fondées.
Je voudrais commencer par vous parler d'une idée qui me semble constructive—je l'ai déjà mentionnée à un ou deux députés—et que j'ai découverte alors que j'étais en congé il y a quelques semaines à peine. Je discutais alors avec un capitaine d'aviation de la Royal Australian Air Force; ce grade équivaut aux capitaines de notre armée. Il m'a parlé d'une de ses idées qui pourrait très bien améliorer la qualité de la vie dans l'armée: un congé pour longs services.
Dans l'armée australienne, ce congé est accordé après chaque période de dix années de services méritoires, c'est-à-dire après 10, 20, 30 ans, et ainsi de suite. C'est un congé payé de trois mois qui s'ajoute aux congés annuels habituels. C'est un agréable congé sabbatique qui améliore grandement la qualité de leur vie en occasionnant des dépenses relativement minimes au budget de la défense. On peut le conjuguer à d'autres types de congés, mais il faut s'en prévaloir à l'intérieur d'une période donnée—de trois à cinq ans—afin de l'utiliser au moment opportun. Cette latitude signifie que le congé peut être coordonné à la vie professionnelle du militaire, à ses affectations au début ou à la fin d'une série d'opérations ou d'un déploiement de l'armée, à des temps forts de sa vie familiale, etc.
L'armée australienne a aussi un moyen assez comparable de récompenser ses militaires pour leurs longs états de service. Il y a la déclaration pour longs services méritoires, qui équivaut à la Décoration des Forces canadiennes, sauf qu'elle est attribuée après 15 années de service au lieu de 12 pour nous. Mais je crois qu'un congé pour longs services serait un avantage rentable pour les membres des Forces canadiennes.
Étant donné les sacrifices constants qu'exige la vie militaire normale du personnel et des familles, sans compter le fardeau supplémentaire des déploiements opérationnels depuis quelques années, un congé pour longs services améliorerait grandement la qualité de la vie dans les Forces, tout en étant différent et complémentaire des hausses de la rémunération et des indemnités. Ce n'est ni l'un ni l'autre et ça les compléterait bien. Ce serait une reconnaissance des sacrifices et des épreuves vécus non seulement par les membres de l'armée mais aussi par leurs familles. C'est important et ça les indemniserait en même temps.
En ce qui concerne la Force de réserve, je trouve aussi qu'au sein des Forces, un congé pour longs services devrait être accordé aux réservistes. L'application pourrait être un peu différente en étant adaptée aux différentes périodes de service dans la Réserve. Par exemple, les réservistes à temps partiel ou ceux de classe A pourraient prévoir trois mois loin de leur unité militaire à temps partiel sans être considérés indisponibles ou sans avoir à ponctuer leur service d'un congé en bonne et due forme. La rémunération pourrait être proportionnée au montant qu'ils auraient normalement reçu pour leurs services à temps partiel pendant cette période.
• 2155
Les réservistes à temps plein, ayant une fonction de classe B
ou C, auraient droit à un congé pour longs services entièrement
payé comme la Force régulière, ou encore on pourrait calculer la
rémunération selon la proportion du service à plein temps et à
temps partiel au cours des dix années précédentes.
Bref, je crois que c'est éminemment réalisable. Ce serait très bien accueilli et le congé pourrait être accordé équitablement à la Force de réserve et à la Force régulière, selon la période de service.
J'aimerais aussi aborder rapidement d'autres avantages à court terme du service que vous voudrez peut-être envisager ou recommander.
Dans l'armée canadienne, contrairement à l'armée de nombreux autres pays, on est rémunéré en fonction de la durée du service. Autrement dit, on sert pendant tant de semaines ou de mois ou d'années et on reçoit un salaire en échange. On n'offre pas vraiment d'avantages d'ordre pécuniaire ou scolaire pour encourager le réenrôlement, la poursuite du service ou le transfert de la Réserve à la Force régulière. Il y en a qui restent uniquement parce qu'ils ont besoin d'argent ou parce qu'ils pensent que ceux qui obtiennent une période de service supplémentaire ne sont pas vraiment récompensés.
Je voudrais prendre quelques minutes pour traiter expressément de ce qui préoccupe la Réserve. Comme j'étais en congé depuis un certain temps, je n'ai pas pu produire un vrai mémoire. J'ai l'intention de le faire d'ici 48 heures.
Pour la gouverne de ceux qui écoutent, je voudrais mentionner deux documents de référence que je vais utiliser. En 1981, le gouvernement du Canada a déposé un document intitulé Action for Reserves. La plupart des recommandations n'ont pas été mises en application. Puis, il y a un an ou deux, en 1995 ou 1996, il y a eu le rapport de la Commission spéciale de la restructuration de la Réserve. Nombre de ses recommandations ont été mises en application ou sont en voie de l'être. Nous en sommes extrêmement heureux mais pour beaucoup d'entre nous, voir c'est croire.
Maintenant, voici un livre sur les Forces de réserve de l'OTAN intitulé NATO's Reserve Forces qui permet de comparer les Forces de réserve de divers pays qui partagent les mêmes idées.
Vous savez probablement—et plusieurs personnes l'ont mentionné depuis tout à l'heure—que jusqu'à tout récemment, la paye et la rémunération constituaient la principale pomme de discorde au sein des Forces de réserve. Il n'y avait aucun moyen, semblait-il, de comparer la rémunération de la Force régulière à celle de la Réserve—que ce soit l'établissement des niveaux ou le nombre de primes d'encouragement pour les membres de même grade. Le dernier rapport sur la restructuration de la Réserve a recommandé que la solde des réservistes soit fixée au moins à 85 p. 100 de celle de leurs homologues de la Force régulière et que pour un même grade, le nombre des encouragements soit le même. Je pense que ce sera très bien accueilli.
Je vais vous donner un exemple de ce qui se passait avant et de la situation à laquelle bon nombre de réservistes sont encore habitués. Je vais utiliser le niveau de rémunération d'un caporal parce qu'on l'a fait plusieurs fois aujourd'hui. Il est en gros de 35 000 $ à 37 000 $. Un sergent de la Réserve qui travaille à plein temps ou même quotidiennement gagnerait en gros—jusqu'à ce qu'il y ait un changement—entre 28 000 $ et 30 000 $ par année. Un adjudant de la Réserve gagnerait un peu plus, environ 33 000 $ à 35 000 $ et un capitaine atteindrait le plafond invisible de 36 200 $.
Bien des gens—et j'en connais personnellement un bon nombre—ont travaillé longtemps et fort, à temps partiel ou à plein temps, effectuant les mêmes tâches au côté de leurs homologues de la Force régulière. C'est vraiment une importante source de discorde et de graves difficultés financières, surtout pour ceux qui ont des familles et même pour les célibataires qui voudraient bien avoir les moyens de fonder une famille ou de former un couple.
Je trouve que ce régime de rémunération sera bien reçu. Je demanderais seulement au comité de contrôler les soldes, la rémunération et les autres avantages pour vérifier si la politique est suivie.
• 2200
Le régime comprend aussi une indemnité de départ comparable à
celle offerte dans la fonction publique. La seule pomme de discorde
pour nous, c'est qu'il a fallu attendre la fin du gel des salaires
pour que ça s'applique à nous, alors que les fonctionnaires l'ont
obtenue il y a plusieurs années, en pleine période de salaires
bloqués. Ils ont aussi réussi à changer certains éléments de leur
régime de rémunération. Il nous a donc fallu attendre un peu plus
longtemps que nos homologues civils.
Je voudrais répéter ce que deux ou trois personnes ont déjà mentionné. Depuis dix ans, la Force de réserve a demandé de plus en plus souvent la participation de volontaires à différentes opérations, que ce soit au Canada, pour l'ONU ou pour des opérations près de zones de guerre; il y en a même eu à la guerre du Golfe. Les PSP, les programmes de soutien du personnel, laissent beaucoup à désirer.
Je n'ai pas l'intention de donner beaucoup de détails, mais si vous avez des questions, je pourrai y répondre.
Le reste de mes remarques porte plutôt, dans un contexte plus général—et ça concerne tant la Force régulière que la Réserve— sur le moral et la confiance. Sans ces deux éléments, on ne peut pas vraiment parler de la qualité de la vie dans les Forces, vous en conviendrez.
Je crois qu'au Canada, l'absence de service militaire et nos relations avec la population font problème depuis les années 60 au moins, pour plusieurs raisons. Très brièvement, notre pays est grand et notre armée petite. Il est logique d'établir nos bases loin du public parce que nous pouvons y faire un entraînement efficace. Le problème c'est qu'avec le temps, les Canadiens nous ont perdus de vue jusqu'à ce qu'on fasse les manchettes avec nos bons coups et nos mauvais coups.
Je peux vous donner des exemples personnels. Dans les années 80, alors que je portais mon uniforme, on m'a pris pour un conducteur d'autobus, un pompiste—voyons—un commissaire de bord sur un traversier de la Colombie-Britannique, et un soldat américain. Je trouve que ce dernier cas a le pompon. C'était au centre-ville de Vancouver. Un soir, après mon service, j'étais en uniforme. Les gens me disent: «Vous portez un uniforme à Vancouver?»
De toute façon, j'engage la conversation avec une jeune femme qui fréquente l'université. Elle me demande de quelle région des États-Unis je viens. Je lui montre du doigt mon insigne d'épaule où c'est écrit «Canada» en lui répondant que je fais partie de l'armée canadienne. Elle me répond en toute franchise qu'elle ignorait qu'il y avait une armée canadienne.
Même ici à Kingston—et je suis dans les Forces depuis 1982—où on est relativement intégré à la population civile qu'on nous côtoie, il subsiste une division. C'était peut-être pire dans les années 80 qu'aujourd'hui, mais la plupart des gens conviendront qu'il y a d'un côté les citadins et de l'autre l'armée. Il fut un temps où, certains jours, on n'allait pas en ville ou alors on ne portait pas son uniforme parce qu'on était susceptible d'être impliqué dans une bagarre.
C'est moins pire maintenant, mais il est arrivé quelque chose il y a deux ans. Le Royal Canadian Horse Artillery, qui a formé les premières unités militaires entièrement canadiennes ici même, à Kingston, il y a 125 ans, avait été invité à monter une exposition et à participer aux cérémonies commémoratives. Quand on a appris qu'une partie de son armement allait être exposé là où les gens et surtout les enfants pourraient les voir, le conseil municipal l'a interdit. Il a fini par faire volte-face après avoir réalisé son erreur, mais ça vous donne une idée de la dissension qui régnait.
Ce qui est préoccupant entre autres pour les militaires, c'est la façon dont le public les perçoit. Il y a des moyens très simples de régler ce problème sans avoir à imiter bon nombre de pays européens qui ont instauré le service militaire obligatoire. Au Canada, c'est sûr que ça ne passerait pas, mais on peut mener en permanence une discrète campagne de recrutement afin d'être constamment dans la mire du public.
Notre armée est petite et nous sommes en train de réduire ses effectifs. On a probablement fini de recruter en se contentant d'accepter quiconque manifeste de l'intérêt, sans jamais faire de publicité. On commence à en faire un peu maintenant, surtout parce qu'on veut augmenter le nombre de femmes dans les armes de combat. Il faudrait le faire en permanence—pas de la propagande, mais une publicité discrète pour montrer qu'on existe.
Du côté de la Réserve, il faut surmonter un obstacle supplémentaire parce que, faute d'une loi garantissant la sécurité d'emploi, on ne peut pas obliger les intéressés à s'engager pour une période déterminée. On a vraiment du mal à les retenir. Comme j'ai moi-même fait du recrutement et que j'ai été officier de troupe et d'escadron, je peux l'attester.
• 2205
Il faut donc cibler précisément le recrutement. On a aussi
besoin d'une campagne semblable à celle que j'ai pu voir aux États-Unis
ces deux dernières semaines et qui vise les employeurs et les
entreprises. Que ce soit une bande-annonce projetée dans les
cinémas ou un petit message publicitaire qui passe à une heure
normale à la télévision, ça montrerait qui sont les réservistes et
ce qu'ils font.
Je ne peux pas dire que nous sommes plus ou moins dévoués que la Force régulière. Notre engagement est différent parce que nous menons souvent deux ou trois carrières principales de front.
L'armée américaine a une publicité pour la Garde nationale, l'une des composantes de sa Réserve. L'annonce comporte des scènes de la tempête de verglas qui a frappé le nord de l'État de New York et le Vermont, etc. Pendant que les images défilaient, quelqu'un disait: «Voici ce que font vos concitoyens à l'entraînement. Voici la raison pour laquelle ils s'entraînent et voici ce qu'ils font pour vous. Alors, quand ils demandent un congé, ne leur compliquez pas les choses. Quand ils demandent un congé ou qu'ils essaient de vous expliquer ce qu'ils font pour vous, s'il vous plaît écoutez-les.»
Je pense qu'un message comme celui-là, que tout le public peut voir et qui s'ajoute à ce que fait en ce moment le Conseil de liaison des Forces canadiennes auprès des entreprises, contribuera vraiment à améliorer l'image du MDN, des Forces canadiennes, et de chaque soldat, marin et aviateur.
Au sujet du moral et de la confiance, on vous a parlé déjà des différents modes de prestation des services. La réduction des effectifs, le transfert de tâches à des civils et la bureaucratisation de nombreuses composantes présentes à la base, à Ottawa et ailleurs sont des mesures tout à fait improductives à mon avis. Nous économisons peut-être quelques dollars, mais est-ce que ce sont des économies de bouts de chandelle?
On a envisagé de transférer tout le système médical des Forces à des civils. Qu'arrivera-t-il s'il y a autre chose que la paix—une urgence nationale ou un conflit de faible intensité? Est-ce qu'on fait venir des consultants de Kingston ou d'Ottawa pour les déployer sur le terrain? Je ne crois pas. Si les Forces canadiennes n'ont pas dans leurs rangs un chirurgien orthopédiste—je ne suis pas certain de leur nombre, mais on m'a dit qu'il en restait peut-être une dizaine—et les chirurgiens ne sont plus tellement nombreux dans les Forces canadiennes en ce moment, qu'est-ce qu'on fait? Peut-on y faire quelque chose? Nous avons l'artillerie et l'infanterie pour attaquer, mais qu'arrive-t-il si on se fait mal, si on est mutilé ou blessé?
Vous avez entendu des histoires sur les déploiements en Bosnie et sur les blessures subies au cours de l'opération visant à rétablir le courant après la tempête de verglas.
Au sujet de la qualité du service dans les bases, l'une de mes autres tâches—pour laquelle je me suis porté volontaire—c'est d'être le membre résident pour le mess des officiers. La plupart des jeunes officiers qui sont célibataires préfèrent vivre dans les petits logements pour célibataires à la base même. La plupart des chambres font neuf pieds sur 18. Nous payons un petit montant mais certains qui font partie comme moi de la Force de réserve et qui, encore dernièrement, gagnaient 20 000 $ de moins que leurs homologues de la Force régulière, n'ont pas les moyens de vivre ailleurs.
Nous avons eu aussi des problèmes de perce-oreilles, lépismes, coquerelles, et autres problèmes. Le niveau de service a été réduit à plusieurs reprises. Étant membre résident, je suis censé en être averti mais 95 p. 100 des fois où ça s'est produit depuis 18 mois, je n'ai été avisé qu'après coup. Ce n'est pas bien. Quand l'avis prend la forme d'une note manuscrite du préposé au ménage me disant: «Voici ce qu'on a fait et votre loyer va augmenter», c'est mauvais.
J'en ai parlé au nouveau G1, le major Belovich, et il a pris plusieurs mesures pour corriger la situation. Il est quand même arrivé à deux ou trois reprises que des gens aillent dans nos chambres ou qu'ils effectuent des réparations sans préavis, alors que c'est notre chez-nous.
On est en train de fermer les mess qui nous servent aussi de chez-nous. C'est là que nous allons prendre un verre. On s'y installe confortablement pour regarder la télévision. On se détend. Les caporaux et soldats veulent être loin des sous-officiers et des officiers quand ils le font, et vice versa. Les sous-officiers ne veulent pas être toujours en train de s'occuper des caporaux et soldats. Ils ne veulent certainement pas être avec nous quand ils décompressent. Ils veulent se détendre entre eux.
Maintenant, tout le monde se retrouve dans la même salle à manger. Et j'avoue que si les caporaux et soldats mangent cette nourriture depuis cinq ans, je les plains. Les repas servis au mess des officiers étaient bien meilleurs et plus nourrissants, mais on l'a fermé en novembre et depuis, nous partageons la même salle à manger. On mange tous ensemble des choses trop grasses ou bouillies. Le moral périclite parce qu'on fait des économies de bouts de chandelle.
• 2210
Enfin, je vous raconte la dernière—et je dois me renseigner
pour savoir ce qui se passe au juste. On parle de fermer les mess
individuels à la base pour les regrouper à un seul endroit.
Pourquoi ne pas faire de nous tous des civils tant qu'à y être,
parce que si ces mess sont fermés, on devra aller dans les bars en
ville. Aussi bien partir carrément d'ici parce que...
C'est difficile à expliquer, mais ce sont toutes ces petites choses qui comptent. La qualité de la vie et la confiance diminuent à mesure qu'on nous les enlève, tout comme la conviction que nos supérieurs vont s'occuper de nous et préserver nos traditions—des traditions qui nous servent bien. Je n'en dirai pas plus sur le sujet.
Enfin, je voudrais aborder une question un peu délicate d'ordre politique, parce que je pense que c'est l'endroit pour le faire. Je vais dire les choses plus franchement que d'autres ne l'ont fait, sans mettre des gants.
Le commandement fait problème à bien des égards—je dirais que c'est à cause de certaines personnes dans la hiérarchie. Je ne nommerai personne parce que je ne connais pas tous ceux qui sont concernés. Je travaille avec bien des hauts gradés dans ma division et je les respecte presque tous. Dans ma propre division, j'ai appris à les connaître très bien à cause du poste clé que j'occupe.
Du temps que j'étais à Ottawa, j'ai vu des hommes qui avaient d'extraordinaires qualités de chef. J'en ai vu d'autres—je ne dirais pas les pires, mais presque. J'ai vu des gens travailler essentiellement les politiciens. J'en ai vu qui travaillaient les fonctionnaires. J'en ai vu qui se moquaient éperdument des soldats et j'en ai vu beaucoup d'autres qui s'en soucient mais qui se sentent coincés pour plusieurs raisons.
Vous êtes des députés et les conversations que j'ai eues avec vous jusqu'à présent me poussent à vous faire confiance à vous, personnellement. Je dirais que, dans l'armée, tous les partis politiques nous laissent sceptiques—les chefs, les politiques, leurs décisions—pour différentes raisons. Les deux plus gros partis qui ont été au pouvoir depuis 35 ans—les libéraux et les progressistes-conservateurs—on trouve qu'ils ne pensent pas à nous. Je ne mâche pas mes mots, mais on trouve que vos décisions sont prises pour servir vos intérêts politiques et ce, au moins depuis le milieu des années 60.
Comment est-ce que je peux vous expliquer? J'ai pu discuter avec assez de monde pour me rendre compte que vous avez un passé fort varié et c'est très bien. En discutant avec des gens d'autres pays... J'ai eu la possibilité de voyager et je parle plusieurs langues et le Canada est le seul pays du monde occidental où, à ma connaissance, le service militaire quel qu'il soit est considéré comme une entrave à la vie politique ou un préjudice pour elle—c'est l'impression véhiculée; ce n'est peut-être pas conforme à la réalité, mais parfois, les impressions se substituent à la réalité. Nombre des décisions prises au sujet des Forces canadiennes, du moins depuis les années 60, si on ne tient pas compte de l'Avro Arrow dans les années 50, sont prises sans réfléchir aux aspects stratégiques ou militaires, sans penser au long terme plutôt qu'aux intérêts politiques à court terme du genre: «Combien de voix cette décision me permettra-t-elle de gagner? Combien d'emplois vais-je créer si on achète ce produit ou ce matériel?»
Quelqu'un a lancé l'idée des lunettes de combat. Elles sont conçues spécifiquement pour les gens qui n'ont pas une vision parfaite. Moi, je porte des verres de contact. Quand je pars en campagne, je dois porter des lunettes. Si je devais aller en campagne demain, j'irais simplement chercher un catalogue américain ou britannique de matériel militaire excédentaire pour commander mes lunettes de combat parce qu'il n'y en a pas au Canada. L'armée n'en tient plus depuis deux ans.
S'il n'y en a plus, comme certains ont voulu le savoir, c'est parce que c'est inutile puisqu'en cas de guerre, on pourra s'en procurer à l'étranger. Mais on ne les a pas pour l'entraînement, ce qui nous permettrait de nous y habituer. Le principal problème en ce moment, c'est de trouver un producteur canadien.
• 2215
Au cas où on serait déployé dans le Golfe maintenant, certains
ont reçu un vaccin anticharbonneux. Pas moi. J'ai entraîné
plusieurs personnes qui vont être déployées, mais je n'ai pas eu le
temps. Quand on m'envoie des militaires après leur avoir donné un
vaccin anticharbonneux emprunté aux États-Unis et qu'il faut
emprunter toutes sortes de pièces d'équipement essentielles,
comment peut-on avoir confiance?
Dans l'armée, je crois... et je vais vous donner un exemple sur l'armée. J'avertis mes collègues de l'infanterie que je ne leur en veux pas particulièrement, pas plus que je ne m'attaque à un régiment quelconque, mais parmi les changements réalisés depuis les années 60, il y a la réduction des effectifs, la tribalisation et je vais prendre les unités d'infanterie comme exemple tout simplement parce que leur situation est facile à comprendre.
Dans la Force régulière, il y a seulement trois régiments d'infanterie et on utilise le système régimentaire britannique qui repose énormément sur la tradition. Chaque régiment a ses propres liens très forts et son identité très marquée se compose des honneurs de guerre, de l'histoire, des traditions, etc. C'est un climat très famille-famille.
Il reste plusieurs dizaines de ces régiments différents en Grande-Bretagne et quand ils sont assez nombreux, ils peuvent s'entraider; mais s'il n'y en a pas beaucoup, ça devient tribal. Nous avons deux régiments anglophones, un pour l'ouest du Canada, le Princess Patricia's Canadian Light Infantry, et l'autre pour l'Ontario et le reste du Canada anglais, le Royal Canadian Regiment. On a une unité d'infanterie francophone dans la Force régulière, le Royal 22e Régiment. Les trois ont de grands honneurs de guerre et une histoire réputée.
Jusqu'aux années 60, les unités de la Force régulière étaient bien plus nombreuses. Le problème maintenant, c'est que si quelque chose ne va pas au Royal 22e, c'est la seule unité francophone et ça prend une tournure politique.
Il me semble qu'ils auraient tendance à se regrouper ou que les autres en profiteraient pour critiquer ou pour marquer des points politiques, alors qu'idéalement, s'il y avait trois régiments francophones, chacun ayant deux bataillons au lieu de trois, s'il y avait un pépin dans l'un des bataillons, l'un des régiments, ça ne prendrait pas tout d'un coup une couleur politique.
C'est la même chose du côté des anglophones. S'il y avait quatre ou cinq régiments, ce ne serait pas polarisé comme ça peut l'être parfois dans certains segments du corps des officiers. Il y aurait aussi sept ou huit régiments différents travaillant ensemble comme notre système est censé fonctionner.
Quand j'étais à Ottawa, j'ai vu... Je répète que les impressions deviennent la réalité. Quand il y a beaucoup de généraux provenant d'un des régiments, qu'on le veuille ou non, ça donne l'impression qu'il y a du favoritisme. Quand il y a de nombreux régiments, ça ne peut pas se produire. La confiance est plus susceptible de régner parce qu'il n'y a pas d'impression de favoritisme et qu'on est donc moins tenté d'en favoriser certains.
Enfin, à cause de ce qui s'est passé en Somalie, les militaires et ceux qui ont servi ont une double réputation. Encore une fois, ça vise les hauts gradés. J'ai travaillé avec le régiment aéroporté. Je connais des tas de gens qui ont servi là-bas. Je pense que nos dirigeants politiques nous ont déçus, surtout à cause de la façon dont ils ont procédé. Très rapidement, on a identifié et châtié les gens des grades inférieurs et on les a offerts en spectacle. Une peine collective a été imposée au régiment même; il a été dissout ignominieusement, du jamais vu, et dans certains cas, on a délibérément évité d'imputer une responsabilité aux hauts gradés.
L'exemple le plus flagrant de l'irresponsabilité des individus ou des dirigeants, c'est la dissolution de la Commission d'enquête sur la Somalie avant les élections. Personnellement, je crois comme d'autres qu'il aurait fallu laisser la Commission terminer son enquête et laver tout le linge sale. Il aurait fallu faire comme les Américains après la débâcle au Vietnam parce qu'ils sont ensuite revenus plus forts. Ça va nous nuire. Ça va nuire au gouvernement et ça va nous nuire à nous. Ce n'est pas que j'aime ça. Je n'aime pas que tout ça s'étale devant la nation jour après jour, mais je pense que c'est incontournable.
• 2220
En résumé, je suis optimiste de nature. Je pense que les
problèmes peuvent être réglés. Si vous présentez de bonnes
recommandations fortes et motivées et que vous les présentez bien
au Cabinet... Ceux d'entre vous qui sont dans l'opposition doivent
demander des comptes au gouvernement. Faites-nous connaître à vos
électeurs. Dites-leur que nous sommes comme eux et que nous sommes
à leur service. Nous faisons de notre mieux. Voilà ce que nous
avons raison d'attendre de vous.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, capitaine.
C'est au tour du caporal Kelly Watters.
Le caporal Kelly Watters (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je voudrais faire une comparaison avec les missions de l'ONU.
Lorsqu'on est envoyé à l'étranger, c'est pour une période de six mois. Lorsqu'on est envoyé à Alert, c'est également pour une période de six mois. Quand on est à l'étranger, on a un laissez-passer de 48 heures, pas à Alert. On peut rentrer chez soi pour un congé de deux semaines; pas quand on va dans le Nord. Quand on travaille à l'étranger, les jours et les nuits se succèdent normalement, comme ici; dans le Nord, on a six mois d'obscurité et six mois de clarté ou plutôt trois mois d'obscurité et trois de clarté.
On reçoit une indemnité d'isolement et une indemnité de séparation, si l'on est marié. Après déduction de l'impôt, il reste en tout 385 $ par mois. On est toujours séparé de sa famille, on est toujours soumis à la tension que cela cause. En outre, on ne peut pas sortir, à moins que cela vous intéresse de geler. Quand on participe à des missions, on revient dans sa famille et on a du temps libre. On peut sortir; on peut acheter des cadeaux à sa famille et les ramener. Quand on va à Alert, on ne peut pas faire cela. Il y a une petite localité où l'on peut vous conduire en avion si vous avez un peu de temps libre et où tout coûte deux fois plus cher.
On peut faire deux appels par semaine chez soi—un pendant la semaine, d'une durée de dix minutes et un pendant la fin de semaine, d'une durée de vingt minutes... pour autant que les lignes fonctionnent, ce qui n'est généralement pas le cas.
Même si l'on envisage un roulement tous les trois mois—trois mois là-bas et trois mois de congé et que l'on retourne pour terminer ses trois mois—on utilise le même nombre de personnes. Cela ne fait pas plus de personnes.
Si la prime que l'on reçoit pour être là-bas n'était pas imposable, cela ferait du bien, parce que tout coûte plus cher. Heureusement, je ne bois pas et je n'ai donc pas à m'en faire parce que la boisson coûte deux fois plus cher, mais je fume et cela me coûte une somme rondelette.
Une autre question qu'il serait peut-être bon d'examiner est celle du congé de maternité. J'ai pris un congé de maternité il y a trois ans. Je me suis inscrite à l'assurance-chômage pendant trois mois et les forces armées ont ajouté la différence à concurrence de 85 p. 100 de mon salaire. J'ai de la chance, parce que mon mari est également militaire. Je connaissais trois autres personnes qui étaient en congé de maternité pendant la même période et qui étaient célibataires.
On ne reçoit pas immédiatement les prestations de chômage et par conséquent on ne touche que le supplément. Ces femmes-là recevaient le supplément du bureau de paye. Au moment où elles ont recommencé à travailler, au bout de trois mois, elles avaient du retard dans le paiement de leurs factures. Actuellement, elles doivent de l'argent aux forces armées et elles n'ont toujours pas reçu les prestations de chômage à cause de certains problèmes administratifs.
J'ai pris trois mois de plus, c'est-à-dire un congé parental, qui n'est pas payé. On touche uniquement les prestations de chômage.
• 2225
Ensuite, quand j'ai eu le plaisir de retourner au travail, il
a fallu attendre huit mois pour que tous les problèmes de paye
soient réglés. Et si je n'avais pas eu d'autres revenus pour payer
les factures? Je connais deux mères seules; l'une devait emprunter
de l'argent pour pouvoir acheter du lait pour son bébé. Il faudrait
peut-être prévoir un meilleur régime de rémunération ou un système
de crédit pour régler ce genre de problème. En ce qui concerne
notre rémunération, le bureau de la paye a fait des erreurs mais
cela ne va pas trop mal avec les ordinateurs.
Je vais vous raconter une anecdote assez spéciale au sujet de mon logement. On m'a remplacé mes fenêtres. C'est bien. Elles ont été remplacées en un jour. Les ouvriers ont placé les boiseries des fenêtres à l'intérieur. Ils sont partis le soir. Il a plu un jour sur deux pendant deux mois et les ouvriers n'avaient pas terminé le travail du côté extérieur. Mon mari était parti en campagne et je travaillais. Un jour, je suis rentrée du travail et ma maison était inondée, en haut et en bas. Les chiens marchaient dans l'eau. Mon fils a enlevé ses bottes et tout était mouillé.
Le service du logement n'a plus aucun contrôle, parce que le travail a été donné en sous-traitance. J'appelais tous les jours pour dire que je voulais que l'on arrange mes fenêtres. J'habite un duplex et mes voisins avaient le même problème. J'ai fini par cesser d'appeler le bureau de logement. J'appelais directement les entrepreneurs. Je les priais de venir arranger mes fenêtres. Ils me répondaient qu'ils ne pouvaient rien faire, que je devais appeler le siège de la société, à Toronto.
La bonne nouvelle est qu'ils m'ont arrangé mes fenêtres dans les deux mois, lorsque je leur ai envoyé une facture pour le nettoyage de mes tapis et de tout ce qui avait dû être nettoyé depuis deux mois. Ils ont fait la finition à l'extérieur, sans calfeutrer. Toute l'année suivante, j'ai encore dû ramasser de l'eau. La bonne nouvelle, c'est qu'ils sont venus la semaine dernière et ont enfin placé le calfeutrage.
Si l'on veut donner le travail en sous-traitance, comme le font les forces armées, n'y a-t-il pas un moyen de s'assurer que le travail est bien fait? On pourrait envoyer des inspecteurs des forces armées pour vérifier le travail. Quand les ouvriers ont fait la finition de mes fenêtres, ils n'ont pas remplacé l'isolant et par conséquent, l'isolant rose en fibre de verre était trempé et avait rétréci. J'ai mis du calfeutrage tout autour de la fenêtre à l'intérieur, parce que je voyais des feuilles de papier circuler dans ma maison.
Je me rends bien compte que les logements familiaux sont vétustes et froids mais si l'on donne les travaux en sous-traitance, il devrait être possible d'instaurer un système d'inspection.
La fenêtre de mon voisin ne fonctionnait pas. Il était ici cet après-midi mais il n'a pas pu revenir ce soir parce qu'il a un deuxième emploi. Deux jours après que la fenêtre ait été posée, elle s'est brisée en morceaux. Sa fenêtre est toujours couverte de ruban adhésif et il attend toujours qu'on la répare.
Quand la fenêtre d'un sergent qui habite de l'autre côté de la rue s'est brisée, elle était réparée deux jours plus tard. Quand mon voisin s'est plaint, on lui a dit de s'arranger pour obtenir une promotion. Ce serait déjà bien si le premier arrivé était le premier servi.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci. Le témoin suivant est le caporal-chef Donald MacPherson.
Le caporal-chef Donald MacPherson (témoigne à titre personnel): Bonsoir, mesdames et messieurs.
Je voudrais vous parler de rémunération et d'avantages sociaux, mais je crois que l'on en a déjà assez parlé et je m'abstiendrai de m'étendre sur le sujet. Je souhaiterais également parler longuement du problème du leadership dans les forces armées et citer certains cas de chefs qui ne pourraient pas décider par eux-mêmes de retenir leur respiration s'ils avaient la tête sous l'eau, mais je m'abstiendrai de le faire. J'aborderai un sujet et un seul, sans plus tarder. Je suis instructeur. C'est comme ça.
• 2230
Je voudrais vous parler de reconnaissance des mérites dans les
forces armées. Les militaires qui font du bon travail ne manquent
pas ici. Mais, étant donné que l'on n'accorde plus de promotions,
il ne reste malheureusement plus aucun moyen de reconnaître leurs
mérites.
À l'heure actuelle, on peut tout au plus leur tapoter l'épaule. S'ils font du bon travail, on peut leur dire: «Bravo, c'est du bon travail!». S'ils font de l'excellent travail, on peut leur dire: «Bravo, c'est de l'excellent travail!». S'ils atteignent la perfection à laquelle tout le monde aspire, je peux leur tapoter l'épaule deux fois. Cela ne leur donne rien. C'est facile de féliciter; cependant, les récompenses faciles donnent de piètres résultats.
Comme travailleur et comme surveillant, je me réjouissais de pouvoir accorder une promotion à mes subalternes et de leur dire: «Je vous ferai un bon rapport d'appréciation du rendement, une bonne évaluation annuelle». On travaillait dur et on était récompensé. Cela voulait dire que l'on faisait des progrès dans sa carrière mais ce n'est plus le cas.
Du fait que ce sont des experts du dégraissage des effectifs des forces armées qui gèrent notre carrière, Paul Bernardo a peut-être plus de chances d'obtenir une libération conditionnelle que j'en ai de devenir sergent.
Des voix: Oh, oh!
Cplc Donald MacPherson: Une promotion était la dernière chose que l'on pouvait accorder. Il ne reste rien d'autre. Les possibilités sont très restreintes. C'était tout ce que nous pouvions offrir.
Le système des promotions comportait des injustices. Nous le savions tous. Quand j'ai débuté dans les forces armées, j'étais un petit rat de caserne. Je le savais. J'ai fait des mauvais choix de carrière. Je suis allé dans les forces armées. Je suis allé en Europe. Je suis allé au Commandement des communications. Je suis venu à ce collège. J'ai passé des années de ma vie à l'étranger. J'ai participé à 15 missions dans des zones de guerre où j'ai passé mon temps à attendre. Je suis allé dans des endroits où il était théoriquement impossible de se rendre; j'ai fait des réparations impossibles à faire, d'après ce que l'on me disait, parce qu'il fallait des pièces que je ne pourrais me procurer et des compétences que je ne possédais pas, à ce qu'il paraît. Pourtant, la plupart du temps, j'arrivais à faire les réparations. Ce n'est pas grand-chose mais c'est mon métier et je le faisais bien.
Ce n'est pas le bon moyen d'obtenir une promotion. Je l'ai toujours su. Pour avoir des chances d'obtenir une promotion quand on est technicien, il faut se trouver une station radar pour sept ou huit ans, puis suivre des cours. On arrive alors à devenir sergent puis adjudant, voire adjudant-maître. On réussit très bien. Si l'on reste au même endroit assez longtemps, on obtient une promotion. C'est inévitable. Il faut avoir sa petite promotion chaque année. C'est ainsi que cela va.
Quand on change d'endroit et que l'on est actif, que l'on acquiert de l'expérience, que l'on fait partie du monde, cela ne mène à rien.
C'est le choix que j'ai fait. Je m'en fiche. J'ai atterri dans un bon endroit. Grâce à toute l'expérience que j'ai acquise dans le monde, je suis arrivé ici et je m'occupe principalement d'une photocopieuse. Je le fais très bien.
Des voix: Oh, oh!
Cplc Donald MacPherson: J'ai un seul employé sous mes ordres. Je fais des livres. Je rédige des livres. J'imprime des livres. Je fais la correction d'épreuve. J'édite des livres. Je suis arrivé à faire économiser plus de 75 000 $ au collège, sur son budget d'imprimerie; je l'ai réduit de 60 p. 100 en moins d'un an. C'est bien pour quelqu'un qui s'occupe de la photocopieuse, mais ce n'est pas cela non plus qui me vaudra une promotion. Je m'en fiche encore une fois, mais je n'ai rien à offrir à mes subalternes.
On pourrait avoir recours à toutes sortes d'autres moyens que les promotions, mais on ne le fait pas. Pas de promotion, pas d'augmentation. Il est impossible d'obtenir une augmentation sans promotion. Il n'y a aucun espoir. Il n'y a pas d'argent. Vous savez ce que c'est. Vous avez déjà entendu souvent cette excuse.
Les primes de rendement? J'ai fait économiser 75 000 $ et tout ce que j'ai reçu, ce sont des remerciements. Je n'ai pas reçu de prime. Je ne suis pas colonel ni général. Eux ont apparemment besoin de primes d'encouragement.
J'ai évidemment vu les CANFORGEN. On continue à accorder des promotions aux colonels et aux généraux. Certaines personnes prétendent que c'est une motivation. Je ne sais pas.
Que diriez-vous d'un cadeau? Si vous travaillez vraiment beaucoup, nous vous donnerons un petit cadeau de votre unité, quelque chose qui est payé par la caisse de l'unité. Nous n'enverrons pas deux ou trois officiers de plus à un tournoi de golf cette année; nous économiserons cet argent et nous vous remettrons un petit cadeau parce que vous avez travaillé très dur et que vous nous avez fait économiser beaucoup d'argent ou encore parce que votre rendement a augmenté, par exemple. Ce serait formidable. Mais cela n'arrivera pas.
On ne nous offrira pas un voyage à Las Vegas ou à Toronto pour aller à un salon de l'informatique par exemple, même si cela a un rapport avec notre travail. On ne nous offrira pas une petite prime—un stéréo ou un combiné radio-cassette. On ne nous offrira même pas des chèques-cadeaux pour un repas en ville ni même un repas au restaurant du coin. Même chez McDonald et Taco Bell, il y a un employé du mois. Cela n'existe pas chez nous.
Des voix: Oh, oh!
Cplc Donald MacPherson: L'administration de ce genre de programme exige apparemment trop de travail. Il faut créer des comités qui doivent trouver des fonds, déterminer quels prix on donnera et en distribuer une certaine proportion aux personnes qui ont un rendement déplorable, pour respecter certains principes qui restent obscurs.
Des voix: Oh, oh!
Cplc Donald MacPherson: Que pensez-vous de cours de perfectionnement dans notre domaine? J'ai été technicien. Je n'ai plus fait la moindre réparation depuis 1993, depuis que l'on s'est rendu compte que je m'y connaissais en informatique. Si je m'y connaissais, c'est parce que j'ai appris moi-même. Tout seul. Je n'ai jamais reçu de cours dans les forces armées. On n'a jamais dépensé un sou pour ma formation en informatique. On n'a rien dépensé du tout pour ma formation depuis 1992; c'est la dernière fois que j'ai été envoyé quelque part aux frais des forces armées.
Ce n'est pas un problème. Maintenant je prépare des cours d'informatique. Je prépare des livres pour les cours. Je veille à ce que les étudiants aient un manuel qu'ils peuvent emporter à la maison, un manuel avec lequel ils puissent travailler, des fichiers qui soient prêts; je veille à ce que les instructeurs aient un manuel pour qu'ils sachent ce qu'ils doivent enseigner et dans quel ordre et je veille à ce que tout soit fait dans les règles et toujours de la même façon. Voilà ce que je fais, et je fais assez bien mon travail. C'est un assez bon investissement pour les forces armées: je ne reçois pas un sou de plus pour tout cela. C'est une bonne affaire pour les forces armées.
Si je m'en tire bien, on m'enverra peut-être suivre un cours d'informatique, dans un domaine que je ne connais pas ou dans lequel je voudrais avoir des qualifications, parce que je ne peux même pas faire reconnaître les cours à domicile sur le RAR. Il faut que j'obtienne un certificat du Collège Saint-Laurent. Je peux enseigner certains des cours qu'on y donne mais je ne suis pas vraiment intéressé à les suivre. En réalité, nous donnerons bientôt ces cours ici. Cela devrait être amusant.
Un peu de formation ferait du bien. Il arrive que l'on nous offre un cours mais dans ce cas, la hiérarchie militaire intervient et «fait ce qu'il faut». Un caporal de notre troupe a préparé le site Internet de l'école et il y a beaucoup travaillé. C'est sa tâche principale, malgré ce qui est indiqué dans son exposé de fonctions. Il a travaillé très dur, il y a consacré beaucoup de temps et il a établi un système très bien organisé alors qu'au départ, c'était lamentable. Lorsqu'un cours de formation sur l'Intranet a été annoncé, on a envoyé un officier qui attendait son congé d'invalidité. Elle est bien bonne. Il va attendre sa retraite, puis il partira. C'est lui qu'on a envoyé. Cela ne sert absolument à rien.
Il ne reste plus aucune possibilité. Un petit compliment ne suffit pas. On ne peut pas récompenser un militaire en promettant une vie meilleure dans l'au-delà en échange de la misère d'aujourd'hui, comme le fait la religion. Ce n'est rien qu'une promesse. On a beau promettre aux militaires qu'ils s'en tireront bien dans la vie civile, grâce à l'expérience professionnelle et à la formation qu'ils auront acquises dans les forces armées. On a beau leur garantir qu'ils arriveront à trouver un bon emploi bien rémunéré et que tout ira pour le mieux. Cela ne sert à rien.
Tous les prédicateurs du monde font le même sermon. Ils se contentent de modifier quelques passages du texte. Cela ne fonctionne pas pour les militaires. Il faut une récompense concrète pour leur montrer qu'on les apprécie à leur juste valeur et qu'on ne se contente pas de simples remerciements, ou d'une simple promotion.
Le grade n'est pas un signe de leadership. Il indique combien de temps on est resté à tel endroit et si l'on a réussi ou non à jouer le jeu. Le grade n'est pas une garantie de leadership. On peut être de rang inférieur et être un bon chef. Cela arrive, et même souvent. À vrai dire, lorsqu'il y a du grabuge dans le monde, il y a peu de chances que ce soient de hauts gradés qui soient sur place. Par conséquent, le leadership se manifeste à un échelon inférieur.
Je suis technicien; je suis un fana de l'informatique. Je ne fais rien de dangereux. Et pourtant, je me suis trouvé en mauvaise posture face à un Contra du Nicaragua, à un Khmer Rouge et à un Serbe chrétien de 14 ans, qui s'était saoulé au slivovitz et qui ne parlait pas un mot d'anglais, de français, d'allemand ou d'une autre langue dans laquelle j'aurais pu baragouiner quelques mots, qui se fichait pas mal de moi mais qui voulait tout simplement profiter de mon véhicule pour se faire reconduire chez lui. Voilà le genre de situation que je dois supporter. Et en fin de compte, j'ai une aventure intéressante à raconter.
Dans les forces armées, on n'a absolument aucune possibilité de reconnaître réellement les mérites de ceux qui ont fait du bon travail et je voudrais que cela change.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Y a-t-il des questions ou des commentaires?
M. David Price: Vous avez fait du bon travail.
Des voix: Oh, oh!
M. David Price: C'est le mieux que nous puissions faire pour l'instant.
Cplc Donald MacPherson: C'est ce que j'ai eu de mieux jusqu'à présent, monsieur.
M. David Price: Nous essaierons de faire mieux.
Cplc Donald MacPherson: C'est ce que j'ai reçu de mieux depuis un bon bout de temps.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, caporal-chef.
Le témoin suivant est le caporal-chef Scott Byers. Pardon, c'est Beverly Thibault.
Mme Beverly Thibault (témoigne à titre personnel): Bonsoir. Je suis une des épouses de militaires qui témoignent aujourd'hui.
Avant de faire les commentaires que j'ai à faire, je voudrais répondre à la question de David Pratt concernant les conseils que je donnerais à l'épouse d'une nouvelle recrue. Il y a deux choses que je ferais. Mon premier conseil est plutôt d'ordre pragmatique. Je recommanderais d'exploiter à fond les aptitudes que l'on a, parce qu'il faut avoir l'esprit d'entreprise. J'ai déménagé cinq fois en cinq ans et, étant donné que je suis consultante, j'ai dû me refaire une clientèle chaque fois. À peine j'avais eu le temps de me réinstaller et je pensais décrocher un nouveau contrat que je déménageais.
C'est mon choix. J'ai un bon époux. Je l'aime beaucoup et je ne voudrais pas le laisser seul aussi longtemps parce que je me le ferais probablement «piquer». J'ai fait un choix de vie et j'ai décidé d'être un membre des forces armées ou d'être associée à quelqu'un qui l'est. Mais je suis une ex-civile et je vais dire quelque chose qui ne m'attirera certainement pas les sympathies de mes camarades ici présents.
J'ai été fonctionnaire et j'ai aussi travaillé dans le secteur privé, et je dois dire que le milieu militaire est celui que je préfère. Comme vous pouvez le constater, c'est une déclaration très lyrique. Nous connaissons bien des frustrations. Il y a bien des choses qui sont difficiles à accepter, c'est incontestable. Par contre, c'est un milieu où l'on rencontre beaucoup de personnes formidables, ce qui compense ces inconvénients.
La recommandation que j'aurais à vous faire ce soir, c'est d'aller dans votre circonscription et d'essayer de parler des militaires à vos électeurs. De nombreux préjugés circulent au sujet de leur mode de vie et de celui de leurs familles. Je crois que si les Canadiens étaient un peu plus conscients du fait que la vie militaire est semblable à la leur tout en étant différente, on pourrait peut-être trouver une partie de l'appui politique qui serait nécessaire pour obtenir tout l'argent qu'il faudrait pour donner suite à toutes les requêtes qui ont été faites ce soir.
Le budget de la défense n'augmentera pas sans appui politique. Et, s'il n'augmente pas, la qualité de vie ne s'améliorera pas. Le moral ne s'améliorera pas. Si l'on adopte des solutions à court terme, on ne pourra apporter un changement durable et si ce n'est pas durable, nous nous retrouverons ici d'ici cinq à dix ans pour un débat tout aussi fervent et passionné. Mais ce sera vraiment irritant pour les caporaux ici présents qui seront probablement devenus adjudants d'ici là, s'ils ont un peu de chance. Sinon, c'est qu'ils auront été laissés pour compte et qu'ils auront échoué.
Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci. Le témoin suivant est le lieutenant Alice Aiken.
La lieutenante Alice Aiken (témoigne à titre personnel): Bonsoir.
La plupart des sujets que je voudrais aborder l'ont déjà été. Je m'abstiendrai donc de répéter ce qui a déjà été dit. Les témoins se sont vidé le coeur et vous ont parlé des problèmes qu'ils jugent réellement importants. J'aimerais beaucoup que vous puissiez faire quelque chose.
Pendant que je lisais les comptes rendus des audiences que vous avez tenues à Edmonton et à Valcartier, j'ai lu dans le journal que les colonels et les plus haut gradés ont l'intention de s'octroyer une augmentation de 19 p. 100. Ils n'ont probablement pas la moindre idée du problème du moral des troupes ou de la gestion des ressources humaines. Ils ne peuvent pas faire cela. Autrefois, les soldats passaient avant leurs supérieurs. Lorsque je suis entrée dans les forces armées, il y a 14 ans, on donnait d'abord à manger aux hommes. Les indemnités de campagne étaient d'abord versées aux soldats, puis aux caporaux, aux caporaux-chefs, et ainsi de suite en montant l'échelle. Tant pis s'il ne restait plus d'argent lorsqu'on arrivait aux majors. Cela n'arrive plus. Tout le monde doit se serrer la ceinture, mais les colonels envisagent de s'accorder une augmentation de 19 p. 100. Ce n'est pas possible. C'est tout.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci. Nous écouterons ensuite le caporal Alan McDonald.
Le caporal Alan McDonald (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président. Bonsoir, mesdames et messieurs. Ce n'est pas une mince tâche de prendre la relève.
Je voulais aborder trois sujets. L'un est le mess. On en a parlé à deux ou trois reprises mais je voudrais ajouter quelques commentaires à ce sujet.
La pièce dans laquelle nous nous trouvons pour l'instant est le mess des caporaux et des soldats, ou du moins le salon. C'est un endroit où les caporaux et les soldats peuvent se retrouver. Il existe également un mess des officiers, un mess des sous-officiers ou des sergents et un mess des adjudants.
• 2245
La tradition veut que, lorsqu'on entre au mess, on enlève son
couvre-chef. Cet après-midi, pendant que nous étions ici, j'ai
demandé à deux militaires ayant le grade de major ou l'équivalent,
d'enlever leurs bérets. Un des deux l'a fait immédiatement et
l'autre sans se presser. Il s'agissait, je pense, d'un major de
l'armée de terre qui m'a dit que s'il était dans son mess et qu'il
m'avait demandé d'enlever mon béret, j'aurais été conduit chez mon
commandant dès le lendemain par mon sergent-major, et je serais
probablement accusé d'insubordination, si j'avais eu la même
réaction que lui.
La tradition veut que l'on ôte son couvre-chef en entrant dans un mess. Ce militaire se fichait manifestement pas mal qu'on doive lui rappeler de l'enlever à l'intérieur du mess, même s'il était sur le point de sortir.
Le deuxième sujet que je voudrais aborder est celui du leadership. J'ai une autre anecdote à vous raconter au sujet des mess. Les caporaux et les soldats avaient invité leurs supérieurs à venir passer la soirée ou la fin de l'après-midi ici. Les officiers avaient apparemment une réunion dans leur mess le même jour. C'est un des officiers qui est venu au mess des caporaux et des soldats au beau milieu de leur réunion qui me l'a raconté. Elle avait essayé de convaincre ses collègues de lever la séance pour aller discuter avec leurs subalternes, mais ils ont refusé catégoriquement.
Cela laisse un arrière-goût amer quand les cadres supérieurs déclinent une invitation à venir rencontrer leurs subalternes pendant un après-midi ou une partie de l'après-midi. Cela laisse un arrière-goût très amer dans la bouche des caporaux et des soldats.
Je m'efforce d'être bref. Le dernier sujet que je voudrais aborder est celui de l'acquisition de matériel. Plusieurs appels d'offre concernant des contrats importants ont été lancés au cours des 12 ou 14 dernières années, notamment en ce qui concerne les frégates, les CF-18 et maintenant les hélicoptères de recherche et de sauvetage.
Le gouvernement semble se donner beaucoup de mal pour acheter du matériel à une entreprise qui dépense un montant équivalant au prix d'achat au Canada. En plus, je ne pense pas qu'elle le fasse vraiment.
Par ailleurs, cette exigence fait probablement augmenter le prix du contrat. Si au lieu d'avoir ces exigences, le gouvernement achetait tout simplement le matériel—et dans le cas de l'avion de chasse, je crois qu'il s'agissait d'un contrat de 5,2 milliards de dollars—il aurait pu économiser, à mon avis, entre 500 millions de dollars et 1,5 milliard de dollars. Je ne peux pas le prouver au moyen de chiffres, mais je pense que le prix a été gonflé artificiellement par les contrats compensatoires.
Dans le cas du programme des frégates, le gouvernement a décidé qu'elles devraient être construites au Canada, après un arrêt d'une vingtaine d'années. Par conséquent, il a dû former une équipe de conception, construire les usines et les neuf chantiers navals nécessaires avec l'argent des contribuables.
En fin de compte, lorsque la 12e frégate a été construite, il n'y avait plus d'autre contrat si bien que le gouvernement a en fait jeté l'argent des contribuables par les fenêtres pour construire ces infrastructures et créer cette équipe de conception. Celle-ci est probablement en train de plier bagages pour s'en aller ailleurs. Elle ne sera plus là lorsque le gouvernement décidera de faire construire d'autres navires si bien qu'il devra recommencer à zéro.
Voilà toutes les doléances que j'avais à faire pour le moment.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci. Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez consacré.
• 2250
Le témoin suivant est le lieutenant-colonel Dave Pentney.
Le lieutenant-colonel Dave Pentney (témoigne à titre personnel): Bonsoir. J'ai deux types de commentaires à faire.
Je pense que bien des sujets ont été abordés ce soir mais il est une question à laquelle je ne cesse de penser, à savoir la nécessité de cesser d'appliquer le même système de rémunération aux forces armées qu'à la fonction publique. Si je dis cela, c'est à cause de la perception que la situation actuelle a créée.
Les avantages qui sont paraît-il offerts aux colonels et aux généraux et que l'on signale sans cesse dans les journaux sont rendus publics parce ces gradés sont soumis au même régime que les fonctionnaires. Cela n'a rien à voir avec leurs compétences. Sont-ils en mesure de refuser? C'est une situation sur laquelle ils n'ont aucun contrôle. Par contre, cela ne nous donne rien, à nous.
Il en est de même en ce qui concerne les loyers pour les logements familiaux. Ce n'est pas le ministère qui les fixe. Ils sont fixés par quelqu'un d'autre. Par contre, la perception est que personne ne se soucie de nous, personne ne se décarcasse pour nous. Cette perception a été renforcée il y a quatre ans lorsque le général Reay, commandant de la force terrestre, a dit que cela devait cesser, a écrit une lettre ouverte et l'a envoyée à Ottawa. Celle-ci a été publiée dans tous les ordres courants, dans tous les services des forces armées: il faut que cela cesse; il faut cesser d'accorder des augmentations salariales; il faut que cessent les hausses de loyer pour les LF et pour les logements pour célibataires.
Que s'est-il passé l'année suivante? Dans toutes les bases, les militaires ont trouvé dans leur boîte aux lettres un avis d'augmentation de loyer et la chaîne de commandement n'était même pas au courant. Les militaires se demandent pourquoi celle-ci ne s'occupe pas de leur bien-être mais c'est parce que le système sape sa capacité de le faire.
Puisque vous voulez que l'on vous fasse des recommandations ou des suggestions auxquelles vous pourrez réfléchir, je vais vous soumettre l'idée de l'indemnité de vie chère. C'est courant lorsqu'on est à l'étranger et cela s'est déjà fait. Par exemple, lorsqu'on travaille au Siège de l'OTAN, à Bruxelles, les règlements du service extérieur, qui s'appliquent également aux membres des forces armées, fixent un indice de poste pour Bruxelles. Ainsi, il existe deux indices de poste différents: un pour Mons, qui se trouve à 200 kilomètres de Bruxelles—les deux localités sont situées en Belgique—et un pour Bruxelles. Cela signifie que l'on applique à la rémunération des militaires un certain facteur qui est lié au coût de la vie dans une de ces deux localités.
Les distances sont bien plus grandes au Canada qu'en Belgique. Il suffit de comparer le coût de la vie à Toronto et à Moose Jaw, le coût de la vie sur la côte Ouest et sur la côte Est, pour s'en rendre compte. Le loyer, l'assurance, la voiture et le logement coûtent deux fois plus cher à Toronto qu'à Kingston. Il faut également tenir compte de toutes sortes d'autres activités. Rien que pour l'immatriculation de la voiture, cela coûte 20 $ de plus.
Nous avons manqué le coche d'une façon ou d'une autre, sans compter que les frais d'entretien des logements pour célibataires et des logements familiaux sont loin d'être uniformes et varient d'une base à l'autre. Je voudrais que vous envisagiez de recommander dans votre rapport le versement d'une indemnité de vie chère qui serait calculée en fonction de l'indice mensuel des prix à la consommation établi par Statistique Canada. Il suffit d'adopter un facteur de base, quel qu'il soit, et de l'appliquer uniformément dans tout le pays. Cela aplanirait la plupart des inégalités qui existent entre les diverses régions du pays.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci pour ces idées, colonel.
Je donne maintenant la parole au sergent Jeff Wilson.
Le sergent Jeff Wilson (témoigne à titre personnel): Je tiens tout d'abord à féliciter le caporal Taylor, qui a témoigné un peu plus tôt, pour sa franchise. Je suis chef de la conciergerie et je vous assure qu'il a fait des réflexions absolument pertinentes au sujet des logements pour célibataires.
À ce titre, je suis en mesure de confirmer que nous sommes très en retard dans l'entretien de ces logements. On s'attend à ce que les occupants de ces logements supportent des problèmes comme des fuites dans les douches, aux toitures, aux fenêtres, aux portes et aux puits de lumière. Je crois que cela vous donne une idée générale de la situation.
Nous avons connu par ailleurs de graves pénuries de personnel l'été dernier, du fait que nous avons perdu six de nos gérants de casernes. À cause de cela, le personnel civil qui assure le nettoyage des casernes est davantage sollicité puisqu'il doit assumer des tâches qui étaient exécutées par ces gérants et que la conséquence de tout cela est que le nettoyage et l'entretien laissent généralement à désirer.
Bien que je m'empresse d'admettre que notre personnel de nettoyage a été largement à la hauteur de la situation, on peut rapidement en déduire que cette situation sera et a été certainement à la source de certaines lacunes. Comme je l'ai déjà signalé, pour les raisons qui précèdent, nous n'avons pas suffisamment de fonds ni d'aide pour les logements pour célibataires.
• 2255
Par conséquent, mes recommandations sont de deux ordres:
premièrement, je recommande avant tout que l'on prévoie des fonds
supplémentaires suffisants pour financer la BFC Kingston et
deuxièmement, étant donné que les logements sont directement liés
à la qualité de la vie, au moral et au bien-être, je voudrais que
l'on mette en oeuvre un système administratif obligeant les
commandants locaux à consacrer une certaine somme au financement
des logements pour célibataires, au lieu de leur laisser la
possibilité de dépenser cet argent à d'autres fins.
J'estime que c'est capital étant donné que, à cause de la récente délégation des responsabilités financières, de nombreux défauts de construction ou projets sont en suspens depuis trop longtemps ou sont assujettis à un code financier spécial. Autrement dit, si ce sont les lacunes qui existent au niveau de l'entretien et non les défauts de construction qui sont ma priorité à titre de chef, je dois aller puiser l'argent nécessaire dans mon maigre budget.
Pour terminer, je tiens à vous remercier de nous écouter et je me réjouis d'avance de l'aide que vous pourrez éventuellement nous offrir, que ce soit à moi personnellement ou à quelqu'un d'autre qui a eu le courage et la conviction nécessaires pour venir témoigner. Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, sergent.
Le témoin suivant est le lieutenant-colonel Steve Hill.
Le lieutenant-colonel Steven Hill (témoigne à titre personnel): Bonsoir.
Je suis un des militaires qui viennent de rentrer de Bruxelles. Je viens de quitter les Forces armées canadiennes, ayant décidé de prendre ma retraite un an plus tôt que prévu. Je signale au collègue qui a parlé de ce qui se passe à Bruxelles, et qui a notamment recommandé une indemnité de vie chère, que je connais très bien ce problème.
Je voudrais faire une remarque liminaire puis je préciserai ce que l'on pourrait faire pour apporter certaines améliorations au système.
Je voudrais tout d'abord recommander la création d'une fédération de militaires de carrière canadiens, d'un nouvel organisme analogue à un syndicat, qui n'existe pas encore vraiment. Il existe un organisme de ce genre à la GRC et dans les Forces armées allemandes. C'est un organisme qui est totalement indépendant de la chaîne de commandement et qui peut faire comprendre clairement aux hauts gradés que leurs subalternes sont très déçus de leurs chefs.
Les Forces armées canadiennes ont à mon avis désespérément besoin d'un tel organisme. On y nommerait des personnes capables de parler avec franchise et fermeté aux hauts gradés lorsqu'ils refusent de se mouiller pour leurs hommes; quelqu'un a d'ailleurs dit précédemment qu'il devait se contenter de tapoter ses subalternes sur l'épaule pour les remercier pour leurs bons services. C'est nécessaire de temps en temps. Nous avons besoin de savoir que nous sommes sous les ordres d'un général qui est prêt à s'affirmer au lieu de faire preuve de lâcheté lorsque l'on est confronté à de graves problèmes aux échelons inférieurs de la hiérarchie des Forces armées canadiennes.
Revenons à notre sujet. Si les Forces armées allemandes jugent que cela peut être efficace, c'est bon signe. À Bruxelles, j'avais un subalterne qui était membre de l'équipe en question et celle-ci transmettait très bien certains messages aux parlementaires et à leurs dirigeants militaires... Je crois que c'est parce que les rouages n'étaient pas bien huilés que toutes sortes de changements tels que la diversification des modes de prestation de service se sont produits et il faut faire savoir à ces hauts gradés que tous ces changements ne font pas l'affaire de leurs subalternes.
Ce système est efficace en Allemagne et je crois qu'il l'est également pour la GRC. Cet organisme n'est pas sous l'influence des dirigeants et il peut représenter comme il se doit les personnes qu'il est censé représenter. Je crois que ce système pourrait être efficace également pour les Forces armées canadiennes.
J'arrive à la fin d'une carrière de 32 ans dans les forces armées, précédée d'un passage dans la milice et chez les cadets, et je crois qu'aucun d'entre nous ne s'est engagé dans les forces armées sans avoir une idée précise du genre de sacrifice que nous acceptions de faire pour notre pays—qui peut même aller jusqu'au sacrifice de notre vie.
Deuxièmement, je ne crois pas que nous nous soyons engagés dans les forces armées sans savoir que nous renoncions à la plupart des droits et privilèges dont jouissent les citoyens ordinaires. Nous le savions en nous engageant dans les forces armées et je crois que nos conjoints le savaient également. Nous n'avons pas la liberté de décider de nos allées et venues ni de renoncer à sortir à cause d'une tempête de pluie verglaçante, par exemple. Nous avons choisi les forces armées pour bien représenter notre pays. Ayant été voir les tombes dans les cimetières militaires en Europe, et ayant été témoin de la gratitude des Belges, des Hollandais et des Français à l'égard des Canadiens, je peux vous assurer que l'on nous tient en très haute estime.
Nous avons donc eu une réaction en retour du choix que nous avons fait de nous sacrifier pour notre pays et de renoncer aux droits et privilèges dont bénéficient les citoyens canadiens ordinaires. Par contre, il faut que ceux et celles qui sont aux échelons supérieurs de la hiérarchie des Forces canadiennes gagnent notre loyauté, car la loyauté est un sentiment réciproque. À partir du moment où l'on a l'impression que nos dirigeants cherchent à s'attirer des faveurs personnelles, c'est signe qu'un changement est nécessaire et j'estime qu'il est temps d'y voir.
• 2300
J'ai lu toute une série de livres de Farley Mowat dans
lesquels il parle de toutes les manigances qui se sont produites au
cours de la Seconde Guerre mondiale; il raconte notamment que les
militaires n'étaient pas suffisamment appuyés par leurs politiciens
et qu'on les obligeait par exemple à se lancer à l'attaque
d'objectifs impossibles à atteindre, sans même avoir l'artillerie
et les munitions nécessaires, avec des effectifs réduits. Par
conséquent, j'ai appris ce qui s'était passé à cette époque.
J'aurais tendance à vous féliciter, voyant que vous êtes disposés
à nous écouter et à provoquer des changements.
Je crois que vous pourriez y arriver notamment en créant un mécanisme indépendant de la chaîne de commandement de façon à permettre la transmission des messages au niveau de commandement auquel ils sont destinés et ce, au moment opportun. Cela nous permettrait par exemple de dire: «Général, vous nous décevez en permettant aux autorités de démanteler une unité comme le Régiment aéroporté du Canada et de punir tout le groupe pour les bêtises de deux ou trois de ses membres». Un tel organisme peut passer ce genre de message et mettre un terme à certaines aberrations.
Pour parler d'un sujet en particulier, j'estime que la diversification des modes de prestation de service ne sert pas les intérêts des soldats. Il faut que quelqu'un dise aux hauts gradés qui prennent ce genre de décisions que nous en rejetons la responsabilité sur les politiciens, sur le Conseil du Trésor. Je ne crois pas que la décision vienne des hauts gradés. Ceux-ci pourront peut-être me dire si je me trompe. Je crois que les dirigeants militaires prennent ces décisions pour économiser et ce faisant, ils «fourrent» leurs troupes. Que devient le cuisinier quand il a besoin d'un congé pour essayer de régler le problème de son adolescent qui a fait des conneries? Où est le poste de cuisinier de garnison auquel on peut l'affecter pour une période de trois ans pour lui permettre de régler ses problèmes familiaux? Il a disparu à cause de la diversification des modes de prestation de service.
Il faut réexaminer la situation. Si nos effectifs ne sont plus que de 60 000, il est peut-être nécessaire de les faire remonter à 70 000. S'il faut donner 1,10 $ pour payer le salaire d'un militaire quand on peut avoir un civil pour un 1 $, il faut décider de payer le prix le plus élevé parce qu'il faut que vous gagniez notre loyauté. Si cela coûte 1,10 $ pour permettre à un militaire d'avoir un poste dans une garnison, ou pour conserver un certain pourcentage de postes administratifs dans la marine, par exemple... Mettez-vous à la place de quelqu'un qui est affecté à une unité de campagne et qui y passe sa carrière—32 ans, si vous restez aussi longtemps que moi. Il y reste parce qu'à cause de la DMPS, il est devenu impossible de trouver une place dans une garnison. Réveillez-vous, messieurs les généraux; vous «fourrez» vos propres troupes.
Si ce sont les politiciens qui sont responsables de cette situation, que les généraux se mettent à se mouiller pour leurs hommes, parce qu'il faut faire passer le message. Il faut que les forces armées soient en mesure de jouer le rôle d'arbitre de la suprématie de la loi lorsque les autorités policières, les pompiers et toutes les autres institutions flanchent. Vous pouvez ordonner à un soldat d'aller à tel ou tel endroit, même si cela lui coûte la vie. Si vous voulez obtenir ce genre de loyauté de notre part, vous avez intérêt à la gagner. Par conséquent, n'hésitez pas à payer 1,10 $ au lieu de 1 $ pour une source de prestation de service meilleur marché.
Excusez-moi. Je me suis emporté légèrement.
En ce qui concerne le leadership, il faut que nos dirigeants sachent ce que c'est que d'être au bas de l'échelle. À la suite des incidents qui se sont produits en Somalie, on se demandait comment nous allions faire un nettoyage à la tête des Forces canadiennes. On a dit que l'on allait insister pour que tous les hauts gradés aient une instruction universitaire. Depuis quand une telle instruction permet-elle d'avoir une bonne éthique professionnelle et un bon comportement? Si vous voulez des dirigeants qui sachent ce qui se passe au bas de l'échelle, il faut insister pour qu'ils soient soldats pendant deux ans et je ne parle pas de n'importe quel soldat mais d'un combattant ou d'un marin en service actif, mais pas d'un aviateur; je crois que les soldats qui sont dans l'aviation passent généralement trop de temps au sol. Il faut les faire ramper dans la boue et leur apprendre ce que c'est d'être soldat. Au bout de deux ans, s'ils ont fait leur métier de soldat honorablement, on pourrait leur permettre de mener une vie un peu plus facile ou de poursuivre d'autres ambitions.
Souhaitons-nous les avoir pour dirigeants s'ils ne sont pas disposés à sacrifier deux années de leur carrière pour apprendre le métier de soldat? C'est le genre de types qui veulent être affectés tout de suite à Ottawa pour devenir fonctionnaires pour le reste de leur carrière militaire et qui sont bardés de galons. Qu'ils aillent se faire foutre! Ils n'ont pas besoin d'affectation à Ottawa. Qu'on les sorte de là, qu'on les oblige à ramper dans la boue et à mériter le privilège d'être au sommet de la hiérarchie des Forces canadiennes. C'est cela qu'il faut faire. Tout le reste, c'est de la foutaise.
Un autre domaine dans lequel les militaires se font «fourrer» actuellement est celui des congés. Si vous n'avez pas pris tous vos congés, vous vous faites avoir. On devrait avoir un certain pourcentage de congés chaque année pour s'occuper de notre famille. Si j'ai droit à cinq semaines de congé, il faudrait que je puisse passer au moins trois semaines avec ma famille, si j'en ai une. Si ce n'est pas possible, n'obligez pas mon général ou quelqu'un d'autre, ou ne m'obligez pas moi-même à fournir toutes sortes d'explications. Si je n'ai pas pu passer trois semaines avec ma famille, avec laquelle je devrais être, eh bien qu'on me donne de l'argent. Qu'on me permette au moins d'emmener ma famille trois jours à Disneyland si je n'ai pas pu prendre mes congés avec elle.
• 2305
Pour l'instant, nous avons droit à cinq semaines de congé mais
si les congés ne sont pas épuisés à la fin de l'année, on se fait
«fourrer». La plupart du temps, on ne nous donne même pas la
possibilité de se les faire payer. Si on veut se les faire payer,
il faut écrire une lettre justificative qui doit remonter la
filière jusqu'à ce que tel ou tel général accepte ou refuse.
Si vous croyez vraiment dans la famille, si vous avez vraiment confiance dans les militaires, cessez de nous piquer nos congés. Permettez-nous de les accumuler ou remboursez-nous ceux que nous n'avons pas pris à la fin de l'année pour que nous puissions au moins dépenser cet argent avec notre famille à Noël et au Nouvel an, où que nous soyons, ou pour nous permettre de l'emmener en Californie et à Disneyland, par exemple.
Il est ridicule de nous obliger à prendre nos congés sous peine de les perdre. Le petit génie qui a pondu ce système en ce qui concerne les congés annuels auxquels nous avons droit ferait bien d'aller se faire soigner.
C'est probablement assez, mais je voudrais signaler une dernière chose. Si vous voulez trouver une solution rapide à un problème, surtout s'il est lié au fait que l'Ontario est le nombril des Forces canadiennes, faites le nécessaire pour que le bureau de poste des Forces canadiennes soit efficace. Lorsque j'étais en Bosnie et que je voulais envoyer un colis à ma famille, en Colombie-Britannique, cela me coûtait deux fois plus cher qu'au collègue dont la famille se trouve à Trenton.
Je ne sais pas pourquoi le gouvernement du Canada ou l'organisme que l'on appelle les Postes permettent ce genre de chose mais à mon avis, les frais d'affranchissement d'un colis destiné à la famille devraient être les mêmes pour tous, quelle que soit la destination, et ce devrait même être la même chose lorsque la famille veut nous envoyer des colis. Si ma famille habite Victoria et qu'elle veut m'envoyer un colis en Bosnie, cela lui coûtera trois fois plus cher que si elle était à Kingston, parce qu'il faut d'abord payer les frais d'envoi à Belleville, d'où il me sera expédié.
Réglez donc ce problème et les habitants des autres régions du Canada sauront que l'Ontario n'est pas le nombril du Canada. Ce sera un signe que l'on reconnaît qu'il existe d'autres provinces. Surprise, surprise!
Des voix: Bravo!
Lcol Steven Hill: J'ai parlé de sacrifice, de renonciation à nos droits et de toutes sortes d'autres sujets. Je crois qu'en ce qui concerne la rémunération... J'ai observé ce qui se passait. Je suis maintenant lieutenant-colonel et je suis grassement rémunéré. Je suis sur le point de prendre ma retraite et de renoncer à ce gros salaire qui a été dans une certaine mesure une source d'embarras pour moi, pendant la deuxième moitié de ma carrière. Les augmentations de salaire en pourcentages creusent progressivement l'écart entre les rangs inférieurs et les rangs supérieurs. Cela n'aurait jamais dû arriver dans les forces armées.
Je sais que l'on fait toute une histoire au sujet de l'équivalence salariale entre autres choses, mais il reste que cela n'aurait jamais dû arriver. Il faut rétablir l'équilibre. S'il faut bloquer notre salaire—et mes collègues qui ont le grade d'officier n'apprécieront peut-être pas ce que je dis—pour réduire cet écart, qu'on le fasse. Qu'on le bloque pour les dix prochaines années, si cela doit prendre aussi longtemps pour réduire le gouffre qui existe entre les rangs inférieurs et les rangs supérieurs sur le plan salarial.
Que les fonctions de tel ou tel général, qui se trouve à Ottawa, soient comparables à celles d'un EX-12, cela importe peu. S'il veut être général et diriger les troupes, qu'il reste là au niveau réduit et qu'il apprécie son rôle de chef. Je suis autant au service de mes hommes qu'ils ne sont à mon service.
Si je veux entretenir le genre de relation que j'ai eu le plaisir d'avoir tout au long de ma carrière militaire—ou du moins à la fin—je n'aurai pas un salaire faramineux mais plutôt un salaire moyen. C'est un problème qu'il faut résoudre; il faut absolument réduire l'écart salarial.
Nous sommes des militaires. Nous ne sommes pas des civils. Je sais qu'il y a des civils ici, mais ce que je veux dire, c'est que nous ne sommes pas des fonctionnaires fédéraux. Nous sommes des militaires. Nous sommes une entité distincte, si vous me permettez d'utiliser cette expression, et nous pouvons l'accepter. Nous pouvons accepter tout cela pour avoir le genre de relation qui est nécessaire entre les membres des Forces canadiennes, quel que soit leur grade.
C'est tout, monsieur.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, colonel, pour vos commentaires très intéressants et très directs. C'était excellent.
Sergent Bob O'Hara.
Le sergent Bob O'Hara (témoigne à titre personnel): Merci.
Mesdames et messieurs, je voudrais parler de deux ou trois problèmes concernant la santé et l'entraînement.
Il y a environ un an et demi, je suis allé voir le médecin. J'étais alors à la base de Petawawa. J'avais 26 années de service et j'avais l'impression que l'état de mes genoux, qui étaient très solides, se détériorait. Je crois que bien des militaires ici présents ont des problèmes de genoux qui viennent surtout du fait que l'on frappe les pieds au sol.
J'ai donc demandé au médecin d'examiner mes genoux. Il m'a demandé si j'avais réellement des problèmes. Je lui ai dit que non mais que j'étais dans les forces armées depuis 26 ans et que je devrais peut-être me retirer du service actif dans deux ou trois ans, en bonne santé si possible. Je lui ai expliqué que mes genoux commençaient à faiblir. Il a dit qu'il allait les examiner, ce qu'il a fait. Il m'a alors signalé que mes genoux étaient en bon état. Je lui ai dit que c'était précisément pour cela que je les faisais examiner, que je voudrais que les genoux que mes parents m'ont donnés soient encore en bon état quand je prendrais ma retraite.
• 2310
Quoi qu'il en soit, il m'a dit qu'il ne pouvait pas faire
grand-chose. Je lui ai demandé si je pouvais être dispensé de
courir avec mes bottes de combat aux pieds sur les routes en ciment
de Petawawa, qui sont dures. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas me
dispenser. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu que c'était
une obligation militaire, qu'on ne pouvait être dispensé que si
l'on avait des problèmes de genoux. Que devient la médecine
préventive dans tout cela? Je suis technicien radio. Il y a aussi
des techniciens de véhicules. Toutes sortes de gens font
l'entretien préventif du matériel dont ils sont responsables. Le
médecin refusait toutefois de faire de la prévention. Il ne voulait
pas m'accorder cette dispense. Quand je lui ai demandé pourquoi il
ne pouvait pas le faire, il m'a répondu qu'il n'en avait pas le
droit.
Voilà donc ce qui se passe dans les forces armées. On ne s'occupe pas de nous. Il faut d'abord avoir des problèmes de genoux, de dos et d'épaules pour obtenir des dispenses. C'est ainsi. La médecine préventive n'existe pas.
L'autre sujet que je voudrais aborder est l'obligation de faire de la course en bottes de combat. Certains camarades, qui sont entrés dans les forces armées à l'âge de 19 ou 20 ans et qui sont maintenant âgés de 25 ou 30 ans, sont déjà handicapés. Ils ont des problèmes de genoux. Les forces armées ne s'occupent pas d'eux. On les oblige à courir. J'ai entendu certaines personnes affirmer que plusieurs commandants avaient dit qu'ils refuseraient de courir avec le sac au dos sur ces chemins, en bottes de combat, alors que certains adjudants, notamment ceux qui dirigent des unités d'infanterie, insistent pour que les soldats le fassent. Ce n'est pas ce que l'on peut appeler s'occuper de ses soldats.
Le deuxième sujet que je voudrais aborder est celui de l'obligation d'être en service jour et nuit. Pendant que j'étais stationné en Allemagne, je suis allé en pèlerinage à Lourdes, en France. Il s'agissait d'un pèlerinage militaire international et j'ai eu l'occasion de rencontrer deux ou trois membres des forces armées de divers pays. J'ai parlé à un conscrit espagnol qui m'a notamment dit ceci: «Mon gouvernement m'affecte à des postes situés à proximité de chez moi pour éviter de devoir me nourrir tout le temps». Je n'ai pas pu m'empêcher de rire en entendant cela. Je lui ai dit alors ceci: «Au Canada, nous sommes nourris par notre gouvernement avec l'argent des contribuables. Ce qui se passe chez vous est inconcevable chez nous». Eh bien, 20 ans plus tard—c'était en 1977 et nous sommes en 1997—j'étais à Petawawa et dans ce régiment, on avait pour principe d'interdire aux militaires qui habitaient la localité, et qui étaient en service jour et nuit, de manger au mess.
Au XIXe siècle, Napoléon a dit qu'une armée qui avait le ventre creux ne pouvait avancer. Et c'est pourtant ce qui se passe dans les Forces armées canadiennes. On ne donne pas à manger à des militaires qui sont en service jour et nuit. Ils doivent rentrer manger chez eux s'ils habitent Petawawa. Par contre, s'ils habitent de l'autre côté du chemin, juste à l'extérieur de la localité, on leur donnera à manger mais pas s'ils habitent de ce côté-ci du chemin; ils doivent alors rentrer manger chez eux. Ce n'est pas une façon de traiter un soldat.
La paye est un autre problème. Après 28 années de service, comme sergent, je gagnais environ 23 $ de l'heure. J'ai envoyé mon fils au collège à Pembroke. Après un an d'études, il gagne 23 $ de l'heure. Il travaille pour une grosse entreprise, est syndiqué et tout. Il est payé pour le temps supplémentaire qu'il fait et il touche 700 $ nets par semaine sans avoir de responsabilités. Moi, par contre, j'en ai beaucoup.
Droits de la personne. Quand je me suis engagé dans les forces armées, on ne parlait pas de cela. On parlait de redressement des griefs; c'est ainsi que cela fonctionnait dans les forces armées. Maintenant, on est passé d'un extrême à l'autre. On a peur de dire ce qu'on a à dire à une recrue. De toute apparence—n'allez pas répéter mes propos et puis tant pis, vous pouvez le faire— lorsqu'un sergent ou un caporal-chef fait une réprimande à un homme ou prend des mesures disciplinaires, il reçoit un avertissement: «Arrêtez, sergent; arrêtez, caporal-chef. Vous ne pouvez pas me parler ainsi. Cela me traumatise.» Je ne pense pas que ce style soit souhaitable dans les forces armées.
• 2315
Je voudrais parler maintenant du problème de la tenue, qui a
également un rapport avec le leadership. En octobre dernier, nous
n'avions pas encore reçu notre tenue. À ce moment-là, nous portions
notre tenue d'été. Deux semaines avant, nous avions eu la visite de
militaires d'autres bases qui portaient déjà la tenue d'hiver. Ils
ne portaient pas la tenue d'été, qui était la tenue réglementaire.
Quel genre de leadership est-ce là? Tout le monde se demandait ce qui se passait, pourquoi ces militaires portaient la tenue d'hiver. On se demandait si la tenue d'été était toujours réglementaire. Imaginez que nous ayons fait la même chose.
Malgré toutes ces récriminations que nous avons à faire, je suis heureux d'avoir servi dans les forces armées et j'y resterai encore quatre ans et demi. Je sais que mon père a fait la Seconde Guerre mondiale—qui était pire que tout ce que nous avons connu—et j'espère que les Forces canadiennes ne devront jamais riposter à une attaque.
Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, sergent.
Le sergent François Demers est le témoin suivant.
[Français]
Sgt François Demers (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup aux membres du comité. J'ai quelques questions à soulever.
[Traduction]
Je parlerai d'abord de la note de service que j'ai reçue pour annoncer votre venue à Kingston. Elle signalait que le nombre de témoins serait limité au commandant de troupe et à un officier subalterne. Le commandant de troupe a le grade de capitaine ou un grade inférieur. Je constate que c'est plus sérieux que cela. Je suis étonné que nos supérieurs soient venus et qu'ils aient posé des questions assez intéressantes. J'ai trouvé cela très instructif et par conséquent, je suis heureux d'être venu.
À ce propos ainsi qu'à propos du leadership, quelques collègues ont déjà signalé que certains membres des forces armées, certains hauts gradés, qui sont venus au mess ce soir—qui est le mess des caporaux et des soldats—n'avaient pas enlevé leur couvre-chef. J'ai été étonné de voir des gens d'un grade aussi élevé agir ainsi. Cela m'a plutôt choqué.
Mon deuxième commentaire concerne les réservistes. À l'heure actuelle, certains réservistes sont du même grade que moi et avant le mois de décembre, ils touchaient environ 27 000 $ par an. Maintenant, grâce à l'augmentation qu'ils ont reçue, ils touchent dans les 33 000 $ ou 35 000 $. On vient de me dire que même s'ils ont suivi le cours de sous-officier supérieur, s'ils retournaient dans la force régulière, ils auraient le grade de caporal. Quel respect peut-on avoir pour quelqu'un qui est tantôt sergent, tantôt caporal? Comment régler ce problème?
En 1995, j'ai suivi l'instruction pour aller en Yougoslavie, mais la mission a été annulée. Certains caporaux-chefs réservistes sont venus se joindre à nous. Je n'essaie pas de «descendre» les réservistes mais ce qui nous semblait dur, c'est qu'on nous envoyait ces gens-là qui n'avaient aucune formation dans certains domaines alors qu'il y avait parmi nous des caporaux assez qualifiés pour assumer ces fonctions.
À cette époque, il existait ce que l'on appelle un «à ce titre». On n'en a pas tenu compte et pourtant notre branche l'avait demandé. On ne l'a jamais fait et nous nous demandons pourquoi on ne leur a jamais donné cette chance. À la place de cela, on a amené des réservistes qui n'étaient pas aussi qualifiés et cela a causé beaucoup de frictions dont les personnes qui étaient là avec nous et se préparaient à aller en Yougoslavie ont subi les contrecoups.
Comme je l'ai déjà dit, apparemment les hauts gradés... Je parle des officiers supérieurs. Il existe des règles pour les coupes de cheveux et la tenue militaire par exemple. Depuis que je suis sergent au Quartier général et régiment de transmissions de la 1re division du Canada, j'ai vu certains officiers divisionnaires... Un capitaine est venu par exemple chez nous avec une coupe de cheveux carrée et une chevelure assez épaisse. On m'a demandé comment on pouvait tolérer cela. Que puis-je faire, comme sergent? C'est assez difficile pour moi de faire une remarque à cet officier, même s'il ne fait pas partie de la même chaîne de commandement et s'il est venu dans mon atelier pour nous demander un service.
• 2320
C'est le genre de chose que j'ai beaucoup de difficulté à
supporter surtout que quelques jours plus tôt, j'avais dû faire des
remontrances à un de mes hommes qui avait le même style de coupe.
Je lui ai signalé immédiatement que ce n'était pas réglementaire et
qu'il devait se faire arranger les cheveux.
Par contre, je n'ai rien dit au capitaine. J'estimais que c'était à un plus haut gradé que moi de s'occuper de cela. Je voudrais que ce soit l'adjudant-chef qui s'en occupe, par exemple. On ne l'entend pas souvent parler de ce genre de problème ou de tenue vestimentaire.
Comment se fait-il que les forces armées permettent à des officiers d'enfreindre impunément le règlement? Les sergents doivent toujours se plier à ce genre de discipline. Nous avons parfois l'impression qu'on nous laisse tomber.
Beaucoup de collègues ont parlé des promotions. À ce propos, au mois de janvier, je suis passé par un groupe-O. Pendant cette période, j'ai obtenu cinq ou six promotions du grade de lieutenant-colonel à celui de colonel, de brigadier général aux grades suivants. Mon collègue n'était pas dans la même branche que moi. Je suis dans la Branche des transmissions, Communications et Électronique; il fait partie d'une autre branche. Sa promotion a été annulée, faute d'argent.
J'ai éprouvé en quelque sorte un sentiment de trahison en voyant quelqu'un qui était au même niveau que moi, soit sous-officier supérieur—parce qu'il était s/off supérieur—ne pas obtenir la promotion attendue faute de fonds. Pourtant, les officiers supérieurs obtenaient des promotions. C'était assez difficile à accepter.
Je connais également un autre cas de rétrogradation au grade de sergent dû à un refus d'affectation. J'ai de la difficulté à accepter ce genre de chose.
Mon prochain sujet est celui des logements familiaux; tout le monde en parle. Je suis sergent. Lorsque je suis allé examiner mon LF, je n'en était pas particulièrement satisfait. Par conséquent, je suis allé trouver les responsables des services de logement et je leur ai dit que je voudrais en visiter un autre si possible. On m'a dit qu'il n'y en avait plus d'autre. Du fait que j'étais sergent, je me sentais obligé de montrer l'exemple. J'ai donc accepté de prendre le LF qu'on m'offrait en me disant que je verrais s'il y aurait moyen de faire faire les réparations nécessaires pendant le temps que je serais à Kingston.
Le jour de mon déménagement, mon voisin immédiat m'a dit ceci: «Vous avez accepté ce LF?» C'était un caporal. Il m'a dit que lui-même l'avait refusé et qu'il n'accepterait jamais de vivre dans ce LF.
C'est comme au bon vieux temps, je persévère.
Je vais également vous raconter ce qui s'est passé le jour où l'on a amené mon mobilier. Il y a quatre chambres à coucher à l'étage. J'ai acheté un mobilier de chambre à coucher avec un lit queen. Le sommier ne passait pas dans les escaliers. Les déménageurs ont dit qu'il ne passait pas ou très difficilement. Un des déménageurs était sur le point de démolir le mur et m'a demandé s'il pouvait y aller, s'il pouvait faire passer le sommier de force ou s'il devait me demander la permission. J'ai décidé qu'on allait le faire passer de force et que je réparerais le mur moi-même. C'est ce que nous avons fait.
Le travail terminé, je suis allé trouver les responsables des services de logement. Je leur ai dit que je voudrais que le mur soit refait juste comme dans les autres LF, de façon à pouvoir enlever la rampe ou pour qu'un prochain occupant—ou moi-même, quand je partirai—puisse éventuellement sortir le mobilier sans problème. On ne m'a pas permis de le faire. J'ai dû téléphoner à Ottawa moi-même. J'ai téléphoné à l'ingénieur responsable des LF et je lui ai dit ceci: «Nous sommes en 1996, en 1997, et l'an 2000 approche, comment peut-on accepter cela?» Il m'a répondu que ce n'était pas un objectif. Je lui ai dit qu'il fallait faire quelque chose. J'ai insisté et deux semaines ou un mois plus tard, c'était fait.
Je vais vous parler de ma peinture. Mon épouse a suivi un cours de décoration intérieure. Elle a regardé la peinture et a été étonnée du genre de peinture utilisé. Il est impossible de laver les murs. C'est incroyable. C'est une peinture mate.
Tout le monde sait évidemment que les couches de peintures s'accumulent mais on a repeint sur une vieille couche de peinture à l'huile. Étant donné le genre de peinture que l'on a utilisé par-dessus, il suffit de frotter un peu pour qu'elle se détache.
Nous nous sommes évidemment plaints et nous avons eu la chance—je ne sais pas si c'est parce que je suis sergent ou pour une autre raison—que quelqu'un vienne et arrange cela assez rapidement. J'en étais heureux. Est-ce toutefois une situation acceptable?
On m'a remis un document concernant l'aspect technique du logement, un document préparatoire à l'inspection technique (pre-ATI). Certains officiers supérieurs ont participé à sa préparation. On a tenu ensuite une séance d'information et une séance pour voir ce qui se passait. Je ne suis pas allé à la séance d'information. Le commandant a tenu la séance d'information avec certains membres. Comme je ne faisais pas partie de cet escadron, je n'y suis pas allé mais certains membres des forces armées y sont allés. Quelqu'un a demandé pourquoi on faisait ce genre d'inspection technique. L'officier supérieur a avoué lui-même qu'il trouvait que cela ne servait à rien, même si c'était obligatoire.
• 2325
Après avoir entendu ce genre de commentaire, j'ai trouvé
extrêmement pénible de devoir expliquer que cette inspection était
nécessaire, surtout que l'on s'y était soigneusement préparé. C'est
à se demander pourquoi on fait ce genre d'inspection, si les
responsables eux-mêmes jugent que c'est inutile.
Nous parlions tout à l'heure du système PT. Nous avons été très étonnés ici. La DMPS a remplacé l'autre système et tout a changé. D'ex-employés des forces armées se sont mis à faire ce que nous faisions nous-mêmes sous le régime de l'EPTA. C'est évidemment terrible. Nous ne voulons pas nécessairement rétablir l'EPTA tel qu'il était parce que la formation n'était pas suffisante. Pourtant, il est toujours appliqué à certains endroits. Ce n'est pas bien, mais c'est comme ça.
Pourquoi est-ce qu'on laisse le vieux système, l'EPTA... Est-il bon ou mauvais? Quels points de référence utilise-t-on? On prétend qu'il n'a jamais été réellement approuvé alors, que se passe-t-il?
J'ai toutes sortes de questions à poser. J'ai dit que j'allais prendre la parole ce soir et poser des questions au nom de mes collègues.
Pourquoi ne peut-on pas accumuler cinq jours de congé, comme l'a si bien demandé un haut gradé? Pourquoi ne peut-on pas accumuler cinq jours par an pour nous permettre d'avoir un meilleur coussin à notre départ des forces armées? Cela rend la vie plus agréable.
J'ai parlé un petit peu des promotions. Certains membres des forces armées, certains collègues, sont complètement désespérés. Comme je l'ai déjà dit, on annonce parfois une promotion imminente à un militaire qui doit ensuite annoncer à sa femme qu'il n'obtiendra pas cette promotion, que c'était une erreur, qu'il ne sera pas affecté à ce poste. On n'a pas d'argent, donc il reste où il est.
Je voudrais maintenant parler de la consommation de bière en campagne. Bien des gens disent que nous sommes des adultes et que, par conséquent, il faut bien comprendre que certaines erreurs ont été commises et qu'on en commettra d'autres. Pourquoi n'autorise-t-on pas la consommation de deux bières par personne comme c'était le cas autrefois? La question revient sur le tapis de temps à autre. Lorsqu'on part en campagne, il n'est absolument pas question de consommer de la bière. Personnellement, comme s/off supérieur, j'estime qu'il n'y a pas de danger. Nous avons prouvé que nous pouvions être raisonnables et par conséquent je ne vois pas pourquoi on est si strict à ce sujet.
Parlons de la GRC et des indemnités d'affectation. À la GRC, ces indemnités ne sont pas imposables. Elles n'ont aucune influence sur le montant de la rémunération annuelle. Pourquoi n'est-ce pas la même chose dans les forces armées? Il en a déjà été question autrefois. On n'en parle plus maintenant. Je me demande toujours pourquoi ces indemnités sont imposables et pourquoi elles viennent s'ajouter à notre revenu annuel. Cela nous pose toujours des problèmes. Pourquoi?
Les décorations des Forces canadiennes posent un problème également. Un de mes membres refusait de recevoir une décoration. Il a dû passer par une chaîne de commandement extérieure pour arriver à ses fins. Un député lui a dit qu'il pouvait refuser, mais que ce ne serait évidemment pas très bon pour sa carrière militaire.
C'était la première fois que le cas se présentait pour moi. J'avais beaucoup de réticence. Je me contente de vous le signaler. Certains membres des forces armées se sentent déshonorés de recevoir une décoration alors qu'il ont le grade de caporal et qu'ils termineront leur carrière à ce niveau, sans avancement. Certains d'entre eux éprouvent de la honte à l'idée que ce soit tout ce qu'ils ont sur leurs épaules comme preuve de leur fierté.
C'est à peu près tout ce que j'avais à dire pour l'instant. Je ne m'étendrai pas sur la DMPS. On a déjà dit que cela avait apparemment pour but de faire économiser de l'argent. J'ai 17 années de service, dont la plus grande partie dans la force terrestre. Je commence à avoir les os en compote. J'ai demandé une affectation qui me permettrait de me ménager et de récupérer un peu.
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Je crois que la DMPS m'a enlevé tout espoir et que ce système
prendra encore de l'expansion. Cette DMPS représente effectivement
une certaine stabilité pour ceux et celles qui arrangent certaines
choses. Cela leur fait de bonnes références. Par contre, ce système
me prive des possibilités d'affectation qui me donneraient le temps
de guérir lorsque je suis blessé et de réintégrer ensuite mon poste
de campagne.
Merci pour votre collaboration.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, sergent.
Le témoin suivant est l'adjudant Dan Haslip.
L'adjudant Dan Haslip (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'essaierai d'être bref.
Je vous rappelle que la plupart des sujets se présentent sous forme de points.
On a tout dit au sujet de la paye. On vous en a parlé aujourd'hui. Il y a une chose qui me fait mal au coeur: on prétend que notre rémunération et les avantages sociaux sont liés au régime en vigueur dans la fonction publique, mais je voudrais bien savoir à quand remonte la dernière fois qu'un fonctionnaire des Affaires extérieures, de Revenu Canada ou d'un autre organisme fédéral a dû faire une marche de 13 kilomètres avec du vieux matériel, les pieds chaussés de bottes qui mettent les genoux en compote, avec un sac qui blesse le dos et des armes en bandoulière ou a dû quitter sa famille, du jour au lendemain, pour une période pouvant aller jusqu'à six mois, pour des destinations comme Montréal ou la Bosnie? J'en ai dit assez pour l'instant.
Je n'ai plus qu'une chose à ajouter au sujet de la rémunération. Je suis adjudant et j'ai environ 22 personnes sous mes ordres. La dernière fois que je suis allé en congé pour Noël, c'était pour distribuer des coupons de repas à mes soldats. Cela me met dans l'embarras. Cela les met dans l'embarras de devoir recevoir un coupon pour le repas de Noël. On devrait gagner assez pour pouvoir se le payer.
En ce qui concerne le logement, tout a été dit.
Affectations: nous changeons d'endroit tous les deux ou trois ans. C'est un fait. Nos familles en souffrent. Quand ma femme trouve un emploi, nous devons déménager deux ans plus tard. Elle perd cet emploi et doit en trouver un nouveau.
Sécurité: la sécurité est devenue inexistante dans les forces armées.
Retraite: le régime de retraite n'a pas changé depuis que je suis là, c'est-à-dire depuis près de 30 ans. Il faut se contenter des mêmes niveaux de base qu'il y a 30 ans.
Leadership. Tout le monde en a parlé un peu aujourd'hui. Bien des événements sont liés au leadership. Cela ne commence pas à mon niveau. En ce qui concerne les cadres supérieurs, je vous signale que ce n'est pas de la gestion que l'on fait dans les forces armées. On dirige. La haute direction des forces armées laisse à désirer. Les dirigeants n'ont pas été réprimandés pour des événements comme ceux qui se sont produits en Somalie.
En ce qui concerne le matériel militaire, le système d'acquisition, je sais que l'on envisage ou que l'on est sur le point de faire trois achats importants. On achète du matériel qui vaut des millions des dollars et qui ne fonctionne pas.
Il existe aussi de petits problèmes comme celui des bottes de combat. Presque tous ceux et celles qui sont dans les forces armées depuis plus de 20 ans ont des problèmes aux genoux, au dos, à la nuque ou ailleurs. On court avec des chaussures qui causent des problèmes, d'après les physiothérapeutes. Pourtant, on continue à nous imposer ces bottes.
Je vous signale par exemple que si vous avez besoin de bottes de pointure numéro neuf, c'est impossible à obtenir dans les forces armées. On reçoit des bottes de pointure neuf et demi. Ce n'est pas un gros problème mais lorsqu'on doit faire de longues marches ou que l'on doit porter des bottes pendant des heures, quand on doit faire une marche de 13 kilomètres avec des bottes qui ne sont pas de la bonne pointure, les pieds finissent par ressembler à des hamburgers. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est significatif.
Les véhicules: les véhicules de service légers que l'on vient de recevoir ne fonctionnent pas.
Quant aux soins médicaux, ils reflètent probablement très bien la situation. Dans les forces armées, les installations médicales ont été considérablement réduites au cours des sept ou dix dernières années. À cause de cela, les services médicaux ne sont plus en mesure d'offrir des soins de qualité.
En outre, les militaires ont peur d'y avoir recours. Je connais plusieurs personnes qui ont peur de recevoir le traitement médical dont elles auraient besoin parce qu'elles pensent que leur carrière militaire serait terminée. Dernièrement, plusieurs personnes qui étaient allées suivre un traitement parce que leurs genoux étaient fichus ont été mises à la porte.
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Je sais qu'il se fait tard. Je tiens à vous remercier pour
tous vos efforts. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, adjudant.
Chuck Rowsell.
M. Chuck Rowsell (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis un ex-membre des forces armées et je suis le gérant du Junior Ranks Club. Je me demande pourquoi et comment les forces armées peuvent m'enlever ce gagne-pain.
Pour le moment, je gère un club de plus de 1 000 membres. Nous exploitons ici un service de restauration qui n'est pas subventionné par l'État. Les membres des forces armées ne sont pas obligés d'acheter des rations; ils sont tout à fait libres d'aller manger ailleurs. Nous exploitons un restaurant ici, qui n'est pas financé au moyen de fonds publics et qui est ouvert trois jours par semaine. Certains membres viennent manger régulièrement ici. Il est ouvert du mercredi au vendredi. Le lundi et le mardi, il est fermé. Je gagne de 15 à 17 $ par jour sur le temps de midi. Quand le restaurant est ouvert, je gagne 200 $, 300 $, 400 $, voire plus de 500 $ par jour.
Comment ma base peut-elle m'envoyer une lettre me signalant que je ne peux plus offrir ce service à mes membres? Je ne peux plus avoir un traiteur ou quelqu'un qui prépare des repas. Une directive du CED signale que les mess seront subventionnés mais mon commandant de base me dit que je cesserai de recevoir de l'aide de l'État.
J'ai plus de 70 réservations pour des réceptions pour cette année; pour des mariages ou d'autres occasions. J'ai 12 réservations ou plus pour 1999. Ce ne sont pas uniquement les cotisations qui permettent au club de fonctionner mais aussi ces réceptions. On m'a dit que je devais augmenter le prix que je demande à ces clients; on m'a cité un chiffre en l'air, un montant que je dois leur faire payer, alors que je leur avais déjà fait une estimation. Ces clients se sont basés sur le prix que je leur ai indiqué, mais on m'oblige maintenant à leur annoncer que le prix augmentera. Pourquoi?
Je veux savoir pourquoi je ne peux pas exploiter un restaurant dans ce club alors que 90 p. 100 de mon matériel a été payé à même des fonds privés. Pourquoi le commandant de base décrète-t-il qu'on ne pourra plus faire la cuisine dans ces locaux? Pourquoi ne puis-je pas continuer à gagner ma vie grâce à ce club?
C'est tout. Merci.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci.
Nos audiences sont terminées pour aujourd'hui. Cela a été très intéressant et nous tenons à remercier ceux et celles qui sont encore ici d'être restés avec nous.
Si mes calculs sont exacts, nous avons eu l'occasion d'entendre 45 témoins ce soir. Ces audiences ont certainement été utiles. Nous avons pour principe d'entendre toutes les personnes qui veulent parler et de donner à tous et à toutes l'occasion de témoigner.
Nous tenons à vous remercier une fois de plus pour votre présence et pour votre hospitalité. C'était très intéressant. Nous avons eu l'occasion de visiter certains endroits de la base, notamment certains logements. Ce fut par conséquent une journée très instructive. Merci encore.
La séance est levée. Reprise des délibérations demain à 15 h 30, à Ottawa. Merci.