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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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PROCÈS-VERBAL

Séance no 60

Le mardi 13 avril 1999

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se réunit aujourd'hui à huis clos, à 11 h 09, dans la salle 112-N de l'édifice du Centre, sous la présidence de Peter Adams, président.

Membres du Comité présents : Peter Adams, Roy Bailey, Stéphane Bergeron, Yvon Charbonneau, Madeleine Dalphond-Guiral, Joe Fontana, André Harvey, Bob Kilger, Gar Knutson, Lynn Myers, John Richardson, John Solomon, Chuck Strahl et Randy White.

Membres substituts présents : Raymond Bonin pour Marlene Catterall; Rey Pagtakhan pour Joe Fontana; Hec Clouthier pour George Baker; Grant McNally pour Roy Bailey.

Aussi présent : De la Bibliothèque du Parlement : James Robertson, attaché de recherche.

Ordres de renvoi de la Chambre des communes du mercredi 17 février 1999 et du jeudi 18 février 1999 concernant M. Pankiw (Saskatoon - Humboldt) qui a été malmené, et concernant l'incident causé par les piquets de grève établis pour interdire l'accès aux édifices de la Cité parlementaire.

Avant d'examiner son ordre du jour, le Comité suspend ses travaux pendant une minute à la mémoire de Jacques Girard, le directeur général des élections du Québec et ancien conseiller juridique pour Élections Canada.

À 11 h 10, le Comité reprend l'examen de son ébauche de rapport.

À 11 h 54, la séance est suspendue.

À 11 h 56, la séance reprend.

Il est convenu, - Que l'ébauche de rapport modifiée soit adoptée en tant que rapport du Comité à la Chambre et que le président présente le rapport à la Chambre.

Il est convenu, - Que la documentation additionnelle fournie par Diane Davidson, avocat général de la Chambre des communes, soit annexée au procès-verbal de ce jour en tant qu'Annexe PRHA-02.

À 12 h 26, le Comité s'ajourne jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.


La greffière du Comité

Carol Chafe

 

ANNEXE PRHA-02

NOTE D'INFORMATION DE L'AVOCAT GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

objet:

A.F.P.C., piquetage dans les environs ou sur la colline parlementaire

BUT

Suite à ma présentation devant le Comité Permanent de la procédure et des Affaires de la Chambre le 9 mars 1999, et à la présentation faite par A.F.P.C., voici quelques clarifications.

CONTEXTE

Le 17 février 1999, alors qu'ils étaient légalement en grève, des employés du Conseil du Trésor membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada ont fait du piquetage devant l'édifice Wellington et certaines entrées de la colline parlementaire. En agissant ainsi, ils auraient empêché des députés, des employés de la Chambre et d'autres à avoir accès aux immeubles.

Ces gestes des syndiqués de l'Alliance ont soulevé plusieurs questions de droit interdépendantes relevant du privilège parlementaire, du droit administratif et du droit du travail. Au cours des séances de comité tenues par les députés pour régler les questions de privilège, un certain nombre de problèmes de droit du travail se sont posé au sujet des piquets de grève. La présente note tente de répondre de façon générale à certaines de ces questions de droit du travail.

La lecture de la note doit se faire à la lumière des faits suivants:

Les membres du personnel de la Chambre des communes sont des employés non pas du Conseil du Trésor mais de la Chambre des communes elle-même et leurs relations de travail sont régies par la Loi sur les relations de travail au Parlement;

Les employés qui dressent des piquets de grève sont des employés du Conseil du Trésor;

Les piquets de grève sont visés par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique;

L'Alliance est légalement en grève aux termes de cette loi; et comme le ministère fédéral des Travaux publics et des Services gouvernementaux est responsable des installations des édifices du Parlement, un certain nombre d'employés dudit ministère y travaillent. Ce sont des employés du Conseil du Trésor et ils sont "en grève".

QUI EST L'EMPLOYEUR?

Comme les questions entourant le piquetage découlent de la relation employeur-employé, il importe de comprendre qui est l'employeur de qui.

Les employés du gouvernement fédéral sont des employés de Sa Majesté par suite de leur nomination à divers postes sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Leurs conditions d'emploi sont fixées par le Conseil du Trésor1 et leurs relations de travail sont régies par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cette dernière autorise les fonctionnaires à faire la grève et réglemente certaines dimensions de la grève. Elle est muette sur les piquets de grève.

Les employés de la Chambre des communes ne sont pas des fonctionnaires de la fonction publique. Ils sont employés non pas par le gouvernement mais directement par la Chambre. Au milieu des années 80, à l'occasion de tentatives de syndicalisation des employés de la Chambre des communes, la Cour fédérale a reconnu le statut bien particulier de ces employés 2.

À la suite de cette décision de la Cour fédérale, la Loi sur les relations de travail au Parlement a été adoptée. Elle énonce un régime de relations de travail distinct pour les employés de la Chambre et renferme plusieurs dispositions importantes: la qualité d'employeur de la Chambre est confirmée3; l'arbitrage est le mode de règlement en cas d'échec de la négociation collective4; il est interdit aux employés de faire la grève5; il est interdit à une organisation syndicale d'autoriser une grève qui a ou aurait pour effet de placer les employés de la Chambre en grève6.

Bref, les employés en grève n'ont pas le même employeur que le personnel de la Chambre, leurs relations de travail sont régies par une loi différente et ils ont des droits sensiblement différents en ce qui concerne la capacité de faire la grève.

QUESTION EN LITIGE

Vu cette dichotomie, comment faut-il considérer les gestes posés le 17 février 1999 du point de vue du droit du travail?

GRÈVE ET PIQUETAGE

Tout d'abord, il faut faire la distinction entre grève et piquetage. Les deux mots ne sont pas interchangeables. Le droit de grève n'englobe pas nécessairement le droit de faire du piquetage sans restrictions. Bien que les deux s'entrecroisent, ils ne sont pas perçus de la même façon en droit.

Tant dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique que dans la Loi sur les relations de travail au Parlement, le terme "grève" est définie comme suit:

"grève"

S'entend notamment d'un arrêt de travail ou du refus de travailler, par des employés agissant conjointement, de concert ou de connivence; lui sont assimilés le ralentissement du travail ou toute autre activité concertée, de la part des employés, ayant pour objet la diminution ou la limitation du rendement.

Contrairement à certaines lois provinciales du travail, ni l'une ni l'autre des lois ne renferment des dispositions qui définissent, autorisent ou limitent les piquets de grève. En conséquence, les restrictions du piquetage sont déterminées, à mon avis, en vertu de la common law et aussi probablement en vertu de la Charte, étant donné que les employeurs en cause sont du secteur public.

Le rapport entre la grève et le piquetage est toutefois indéniable. La Cour suprême a déclaré que7:

Le piquetage est une forme essentielle d'action collective dans le domaine des relations du travail. Une ligne de piquetage a pour but de sensibiliser le public au conflit de travail dans lequel se trouvent plongés les grévistes et de démontrer leur solidarité. Cela représente un élément primordial d'un système de relations du travail fondé sur le droit de négocier collectivement et de prendre des mesures collectives. Elle constitue, dans les conflits de travail modernes, un mode d'expression très important qui est maintenant reconnu par la Constitution. Tout cela est incontestable. Dans l'arrêt Harrison c. Carswell, [1976] 2 R.C.S. 200, cette Cour à la majorité a dit, à la p. 219:

La société reconnaît depuis longtemps qu'il est dans l'intérêt public de permettre aux syndiqués d'exercer une pression économique sur leurs employeurs en faisant du piquetage pacifique; toutefois, l'exercice de ce droit a été permis dans certains endroits et interdit dans d'autres...

RESTRICTIONS GÉNÉRALES DU PIQUETAGE

Abstraction faite de l'importance du piquetage dans une grève, les syndicats ne peuvent pas se livrer à une activité illégale, ni criminelle ni civile. En général, le piquetage est soumis aux règles de la common law concernant les délits civils tels que la violation du droit de propriété, la nuisance (entrave à la jouissance d'un bien-fonds) et la protection des gens contre un préjudice tel que des voies de fait. De plus, lorsque le piquetage met en cause des employés qui ne sont pas en grève parce qu'il est fait, par exemple, à un autre établissement du même employeur ou chez des fournisseurs dans l'espoir que d'autres se joignent à la grève ou refusent de travailler, les tribunaux ont statué que les piquets de grève ont commis le délit d'ingérence délibérée dans les relations contractuelles. On ne peut pas entraîner autrui à violer un contrat, en l'occurrence une convention collective ou un contrat de travail.

En outre, le piquetage ne peut pas servir à commettre un acte criminel.

Ces derniers temps, surtout dans des causes concernant les gouvernements ou des personnages gouvernementaux, les tribunaux ont traité des aspects liés à la liberté d'expression garantie par la Charte. Le piquetage est intrinsèquement une forme d'expression qui est protégée par la Constitution et qui ne peut être restreinte que dans des limites raisonnables en conformité avec l'article premier. Par conséquent, l'application des restrictions générales exposées ci-dessus doit se faire dans le respect de la Constitution.

Une situation provoque souvent des malentendus; c'est celle où des employés qui n'ont pas légalement le droit de déclarer la grève refusent de franchir les piquets de grève. Le "droit" de respecter une ligne de piquetage n'existe pas. Hormis les cas où la convention collective d'un employé comporte une clause expresse, toute action prise par les employés pour éviter de franchir les piquets de grève et donnant l'impression qu'ils agissent conjointement, de concert ou de connivence constitue une grève illégale. Les gestes des piquets de grève pour encourager une telle action concertée seront considérés comme une incitation à la grève illégale et pourraient même être perçus comme une tentative pour inciter d'autres employés à violer leur contrat.

Dans le cas de la Chambre des communes, la Loi sur les relations de travail au Parlement prévoit d'autres contraintes à ses articles 73 et 74 qui interdisent aux employés de la Chambre de participer à une grève et qui prohibent certaines actions des organisations syndicales, susceptibles d'avoir pour effet de faire participer les employés à une grève. Encourager les employés à respecter les piquets de grève ou faire en sorte qu'ils le fassent sont deux actions qui pourraient être considérées comme des infractions à ces articles8.

Dans le cas de la fonction publique, la même question peut se poser concernant les employés désignés. Aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, les employés désignés occupent des postes dont l'exercice des fonctions est nécessaire à la sécurité et à la protection du public et il leur est interdit de faire la grève, même s'ils font partie de l'unité de négociation et qu'ils sont peut-être même membres du syndicat. L'exécution de leurs attributions ne peut pas être entravée par les grévistes. Dans une cause antérieure, le premier président de la Commission des relations de travail de la fonction publique:

Les dispositions de la Loi qui interdisent aux employés désignés de participer à une grève forment donc la clef de voûte de la négociation collective dans la fonction publique fédérale et elles doivent impérativement être respectées si l'on veut préserver l'intégrité du régime actuel9.

PIQUETAGE SECONDAIRE

La question du piquetage secondaire a fait l'objet d'une énorme confusion dans les discussions au Comité. Le piquetage secondaire classique, c'est le cas où les employés en grève vont dresser des piquets sur des lieux autres que ceux de leur employeur pour tenter de convaincre des clients de ne plus faire affaire avec un tiers qui lui-même fait affaire avec leur employeur. Il s'agit essentiellement d'essayer d'exercer des pressions économiques sur le tiers afin qu'il fasse pression sur l'employeur à son tour. Le piquetage secondaire est illégal et est interdit par voie d'injonction10.

En l'occurrence, la position de l'Alliance, c'est que les piquets de grève devant les divers édifices du Parlement ne constituent pas du piquetage secondaire puisqu'un petit nombre d'employés syndiqués y travaillent. L'Alliance avance donc l'argument que les édifices sont un lieu de travail de leur employeur et donc qu'il est possible d'y faire la grève et du piquetage.

S'il n'y avait pas sur place des fonctionnaires qui sont membres de l'Alliance et qui ont le droit de grève, ce serait du piquetage secondaire puisque la Chambre n'est pas l'employeur en cause. Les édifices du Parlement ne seraient pas un lieu de travail ciblé.

L'existence d'une poignée à peine de fonctionnaires suffit pour annuler toute possibilité de piquetage secondaire. Toutefois, toute mesure prise en vue de restreindre les piquets de grève pourrait être établie en tenant compte du petit nombre d'employés concernés sur place. Les tribunaux prennent en considération plusieurs facteurs pour soupeser les intérêts en cause. Dans une telle situation, ils vont probablement apprécier l'effet préjudiciable de l'injonction sur la capacité des grévistes de porter un coup à leur employeur11.

SITUATION PARTICULIÈRE DU PARLEMENT

Étant donné que, pour faire la part des intérêts, il faut examiner le préjudice que peut subir "l'entreprise" touchée ou "l'entreprise" visée par les piquets de grève, la nature de l'activité qui est perturbée peut devenir un facteur déterminant. Dans le cas de la Chambre des communes, la nature unique de l'institution joue un rôle déterminant dans toutes les mesures prises au sujet des injonctions ou restrictions.

Dans un certain nombre de causes, les tribunaux ont décidé que les piquets de grève dressés devant les palais de justice par leurs propres employés en grève et leurs syndicats pouvaient faire l'objet d'injonctions12. Les décisions se fondent sur le fait que les affaires des tribunaux sont une composante constitutionnelle fondamentale d'une société démocratique. Les tribunaux sont des institutions qui permettent l'administration de la justice et dont l'une des raisons d'être est de définir et d'appliquer les droits constitutionnels et juridiques de la population. Ils font partie du processus constitutionnel, et refuser à des personnes l'accès aux tribunaux, c'est leur refuser les droits que leur garantit la Charte.

Dans les causes concernant les palais de justice, une interdiction absolue des piquets de grève a été accordée. En rendant ces décisions, les tribunaux ont précisé que, même s'il n'y avait aucun obstacle réel, la seule présence de piquets de grève pouvait être considérée comme une entrave parce qu'ils pouvaient être perçus comme une intimidation13.

En 1996, le raisonnement tenu par la Cour suprême dans les affaires concernant les palais de justice a été repris pour interdire les piquets de grève devant une assemblée législative, les tribunaux faisant ressortir une analogie entre l'accès aux tribunaux et le privilège parlementaire des députés, qui doivent être en mesure d'entrer à l'assemblée législative sans entrave et d'en sortir sans entraves. Le jugement conclut: "Les retards et obstructions à l'entrée des députés et du personnel essentiel de l'Assemblée législative et à leur sortie sont une attaque faite au cœur même de notre société et ils sont donc inacceptables (traduction)14."

Outre l'entrée et la sortie des députés, qui relève du privilège parlementaire, on peut aussi soutenir de façon convaincante que la nature du Parlement et de la Chambre situe leurs activités à un niveau constitutionnel au moins aussi élevé, sinon plus élevé, que celles des tribunaux. Le Parlement est reconnu à l'article 17 de la Loi constitutionnelle de 1867, et les tribunaux ont eux aussi reconnu la nature constitutionnelle de la Chambre et de ses activités, notamment en ce qui concerne ses privilèges15. La Constitution parle de la règle du droit et de la capacité du Parlement de légiférer et de limiter les droits (au besoin) d'une manière raisonnable et dont on peut montrer qu'elle se justifie dans une société libre et démocratique. Permettre que les activités du Parlement soient entravées, c'est permettre la négation d'un aspect fondamental de la démocratie canadienne.

De nombreux aspects démocratiques des activités de la Chambre des communes pourraient être ajoutés à ceux des séances de la Chambre, y compris celles des comités, les rencontres avec des électeurs et des personnes intéressées, les visites de dignitaires étrangers, ainsi que le travail de soutien nécessaire au fonctionnement de la Chambre dans toutes ses manifestations.

Le fait qu'il soit interdit aux employés de la Chambre de faire la grève, ce qui aurait pour effet de perturber ses activités, est directement lié à la nature constitutionnelle de "l'entreprise" de la Chambre et à l'importance du travail qui s'y accomplit.

Une autre considération importante est le fait qu'une grève faite une composante de l'Alliance peut avoir un effet que la composante représentant les employés de la Chambre ne peut obtenir directement.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

Tout au long de son exposé, l'Alliance de la fonction publique a fait grand cas des piquets de grève et de la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Comme il a été dit plus haut, l'état du droit est maintenant clair: le droit de dresser des piquets de grève dans le contexte d'une grève est une forme d'expression qui est garantie par la Constitution. Toutefois, la liberté d'expression n'est pas absolue, pas plus que ne le sont tous les autres droits et libertés. Elle est régie par la loi et assujettie à des limites.

Ces limites peuvent prendre bien des formes. Celle dont il est le plus souvent question se trouve au premier article de la Charte, qui prévoit que "les droits et libertés qui y sont énoncés ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables". En l'absence de "loi" écrite, le caractère raisonnable doit être évalué à la lumière de la common law. Cette approche a été utilisée dans un certain nombre de causes16.

Outre l'équilibre prévu à l'article 1, les tribunaux ont également signalé deux autres limites dont il y aurait lieu de tenir compte dans toute recherche sur les droits garantis par la Charte: les droits ne peuvent être invoqués pour rendre légale une chose qui serait autrement illégale; et un droit garanti par la Charte ne peut servir à abroger d'autres pouvoirs constitutionnels17.

Dans ces circonstances particulières, les activités des syndicats qui font la grève peuvent aller à l'encontre de ces deux considérations. Il pourrait être soutenu que les participants aux piquets de grève ont violé les dispositions de la Loi sur les relations de travail au Parlement en conseillant une grève illégale. En outre, ils entravent l'exercice, par la Chambre, de ses pouvoirs constitutionnels, ce qui a des répercussions sur les privilèges des députés, privilèges reconnus par la Constitution.

Le syndicat a soutenu que les piquets de grève avaient pour seul but d'informer le public. S'il est vrai que les piquets de grève ont un important objectif d'information, une fois qu'on a pu établir que l'objectif ou l'intention va au-delà de l'information pour tomber dans des formes d'intimidation ou de restriction de l'accès afin de perturber les activités de la Chambre plutôt que celles de Travaux publics et services gouvernementaux Canada, la protection de la Charte peut tomber.

La question qui se pose est celle de savoir si les employés de la Chambre, et peut-être même les syndiqués qui ont le droit de grève, peuvent dresser des piquets de grève si cela n'a pas pour effet d'entraver l'accès ou si ce n'est pas leur intention. Tout d'abord, c'est une distinction fort difficile et subtile à faire dans le cas d'une grève où il est reconnu que les piquets de grève ont des objectifs multiples, notamment d'inciter les gens à ne pas passer ou à ne pas se livrer à leurs activités. Il se pose aussi une autre difficulté, soit le fait que les manifestations sur la colline du Parlement sont un moyen accepté et reconnu de permettre l'exercice de la liberté d'expression et de faire connaître au Parlement des préoccupations d'ordre politique. Jusqu'où le Comité souhaite-t-il aller pour faire la part de ces intérêts, voilà une question qui relève des grandes orientations et des considérations de nature politique.

INJONCTIONS

Comme on l'expliquera, la procédure la plus probable, pour s'attaquer aux éventuels problèmes est la demande d'injonctions interlocutoires. Une injonction sert à déterminer les droits des parties et, dans certains cas, à interdire à l'une des parties de se comporter d'une certaine façon (c'est-à-dire contraire à la loi). Généralement, pour obtenir une injonction, la partie qui fait la demande doit être en mesure d'établir qu'il y a une question de fond sur laquelle il faut se prononcer (question de droit ou de fait), faire ressortir le préjudice appréhendé, l'insuffisance du dédommagement et l'équilibre des contraintes, ainsi que l'effet de l'injonction sur les parties. Le critère qui est souvent appliqué consiste à voir s'il y a risque de préjudice irréparable pour lequel un dédommagement ne saurait être une réparation suffisante. En outre, la partie qui demande l'injonction doit s'engager à payer les dommages que l'autre partie pourrait subir en cas d'échec.

Dans les cas habituels, les tribunaux s'efforceront, avant d'accorder une injonction, d'examiner sérieusement le préjudice éventuel et de voir si une indemnisation monétaire est possible. Cependant, dans les causes concernant les tribunaux et l'Assemblée législative de l'Ontario, les juges n'ont pas eu de mal à établir que le critère était respecté. Voici ce que les tribunaux ont conclu, dans la cause de l'Assemblée législative de l'Ontario:

Barricader les édifices législatifs de Queen's Park de telle sorte que les députés provinciaux et les employés essentiels ne puissent n'y entrer ni en sortir, interrompant ainsi les travaux de l'Assemblée législative, constitue une atteinte au privilège parlementaire et, par conséquent, une violation d'un des principes fondamentaux de notre régime politique. Une solide présomption a été établie.

De la même manière, pareille obstruction à la fonction législative cause un préjudice irréparable, que le versement de dommages ne saurait réparer18.

Dans le contexte des conflits de travail, en Ontario, il existe des procédures spécifiques à suivre.

RECOMMANDATIONS

À mon avis, si l'on veut établir des règles, les règles s'appliquant aux manifestations sur la colline parlementaire devraient s'appliquer aux manifestations syndicales comme à toutes les autres. Cela peut sembler être une limite imposée aux piquets de grève, mais j'estime que cette limite serait probablement jugée raisonnable. En formulant cette recommandation, je tiens compte des décisions rendues dans diverses causes concernant les palais de justice et celle qui a porté sur l'Assemblée législative de l'Ontario. Dans les premières, les tribunaux ont exprimé l'avis que d'exclure un lieu de travail qui est relativement petit, dans le contexte très vaste d'une grève contre le gouvernement, aurait un effet négligeable sur l'efficacité de la grève.

Si le vrai problème est de nature politique, c'est-à-dire s'il faut exercer des pressions sur le Parlement pour qu'il intervienne auprès du gouvernement en place, la grève doit être soumise aux même restrictions que toutes les autres manifestations politiques et traitée de la même façon.

Le comité voudrait peut-être considérer certaines modifications législatives susceptibles d'empêcher que des problèmes semblables ne se reproduisent. Rien ne garantit que les solutions législatives ne seraient pas contestées, ce qui exigerait une réaction législative, mais les propositions suivantes sont soumises à votre examen:

  • Modifier l'article 74 de la Loi sur les relations de travail au Parlement en élargissant la définition des personnes dont les actes violeraient la Loi. Je propose d'ajouter le passage "toute personne ou organisation, y compris toute organisation d'employés...". Cette modification aurait pour effet d'écarter toute argumentation voulant que seules les organisations représentant les employés de la Chambre sont visées par l'interdiction;
  • Modifier l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour exclure de la définition du terme "fonctionnaires" les employés qui occupent des postes dont le travail s'accomplit dans un immeuble ou une partie d'immeuble relevant de l'autorité du Président d'une des deux chambres du Parlement. Cette modification aurait pour effet d'exclure ces employés de la négociation aux termes de la LRTFP ; le gouvernement n'aurait donc aucun employé à l'intérieur de l'enceinte parlementaire, de sorte que les piquets de grève deviendraient secondaires, et donc illégaux.

CONCLUSION

Pour conclure, je suis d'avis que, si on demandait une injonction pour interdire ou limiter les piquets de grève de fonctionnaires fédéraux à la Chambre des communes ou à l'un des édifices parlementaires, les tribunaux accorderaient cette injonction. J'estime en outre que les restrictions imposées aux piquets de grève sur la colline du Parlement répondraient à la fois au critère des injonctions, à cause du préjudice irréparable que le versement de dommages ne peut compenser, et à tout critère constitutionnel fondé sur des limites raisonnables.

Je suis également d'avis que les efforts visant à limiter les piquets de grève par des moyens législatifs et réglementaires satisferaient également aux dispositions constitutionnelles.

Enfin, en l'absence de loi expresse, il est probable que ces situations se présenteront de nouveau à l'avenir, et la Chambre devrait être prête à prendre les mesures voulues.

J'espère que le tout saura vous être utile.

Diane Davidson







1. Voir la Loi sur la gestion des finances publiques, art. 7 et 11.

2. Chambre des communes c. Conseil canadien des relations du travail, [1986] 2 C.F. 372, dans lequel les parties ont concédé que les lois visant la fonction publique étaient inapplicables. La Cour a statué que l'emploi de personnel est un attribut des privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre (à la p. 376). Sur le même sujet, voir Bibliothèque du Parlement, [1986] F.C.J. n°256. Il faut noter que, dans ces deux arrêts, la Cour d'appel fédérale a cassé la décision du Conseil canadien des relations du travail mentionnée au paragraphe 37 du mémoire présenté au Comité par l'Alliance de la fonction publique du Canada.

3. Art. 3, définition de "employeur" b

4. Art. 50-61

5. Art. 73

6. Art. 74

7. British Columbia Government Employees Union c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1988]2 R.C.S. 214, p. 230.

8. Il importe de relever l'emploi du terme "organisation syndicale" à l'art. 74 au lieu de l'expression "agent négociateur". Les agents de négociation sont des organisations syndicales qui ont été accréditées pour représenter les employés; par conséquent, les organisations syndicales peuvent se trouver en quelque sorte en dehors du champ d'application de la Loi. On pourrait donc soutenir que l'Alliance est une organisation syndicale et que, même si elle ne représente pas les employés de la Chambre en soi, elle doit néanmoins éviter d'enfreindre cet article.

9. Conseil du Trésor c. FIOE, CRTFP 194-2-15 et 194-2-16.

10. Hersees of Woodstock Ltd. v. Goldstein [1963]2 O.R. 81, appliqué dans l'arrêt Maple Leaf Sports & Entertainment Ltd. v. Pomeroy [1999] O.J. no 518

11. OPSEU v. A-G (Ontario) [1996] O.J. No. 1200

12. Voir BCGEU v. A-G (British Columbia), [1988] 2 S.C.R 214 ; la décision complémentaire Newfoudland Association of Public Employees, [1988] 2 S.C.R. 204 ; appliquée et suivie dans Ontario Public Service Employees Union v. A-G (Ontario), [1996] O.J. No. 1200.

13. Ontario Public Service Employees Union v. A-G (Ontario), [1996] O.J. No. 1200.

14. Speaker of the Legislative Assembly of Ontario c. Casselman et al., aucun rapport (aucun numéro de dossier disponible), Cour de l'Ontario (Division générale), 18 mars 1996.

15. New Brunswick Broadcasting Corp. c. Nova Scotia (Speaker), [1993] 1 S.C.R. 318.

16. L'idée que cet équilibre doit être établi dans le contexte de la common law a été tout d'abord énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire RWDSU c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 S.C.R. 573, affaire de droit du travail mettant en présence des simples citoyens qui demandaient une injonction contre un syndicat en vue de limiter les piquets de grève.

17. New Brunswick Broadcasting Corp. c. Nova Scotia (Speaker), [1993] 1 S.C.R. 318.

18. Speaker of the Legislative Assembly of Ontario c. Casselman et Al., aucun rapport (aucun numéro de dossier disponible), Cour de l'Ontario (Division générale), 18 mars 1996.