PRHA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 19 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): La séance est ouverte.
Notre ordre du jour a trait à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du 10 mars 1998, lequel énonce que des déclarations attribuées à certains députés publiées à la page 7 du cahier du 8 mars 1998 du Ottawa Sun et pouvant mettre en cause l'intégrité de la Chambre des communes et de son serviteur, le Président, soient renvoyées dans les plus brefs délais au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Dans le cadre de cette réunion, nous nous penchons aujourd'hui sur ce que constitue le privilège parlementaire et ce qui constitue une atteinte à ce privilège. La réunion vise donc à nous permettre d'en savoir davantage sur cette question.
Au cours de la présente législature, le comité n'a pas étudié la question du privilège parlementaire et voilà pourquoi nous devons d'abord nous renseigner sur le sujet. À mon avis, la façon la plus utile de le faire serait d'entendre un témoin qui est spécialiste de ces questions. Nous pourrions ensuite lui demander des précisions sur le caractère du privilège.
Notre témoin d'aujourd'hui est M. Joseph Maingot, c.r., ancien légiste et conseiller parlementaire à la Chambre des communes et auteur d'un livre qui en est maintenant à sa deuxième édition et qui s'intitule Le privilège parlementaire au Canada.
Permettez-moi d'abord de vous remercier, monsieur Maingot, d'avoir bien voulu accepter de comparaître devant le comité. Nous vous en sommes fort reconnaissants. Je vous prierais dans un moment de bien vouloir faire une brève déclaration préliminaire.
[Français]
Monsieur Bellehumeur.
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le président, je sais que vous avez votre façon de procéder dans cette étude, mais est-ce qu'on ne doit pas s'entendre au préalable sur la signification de notre ordre de renvoi? Quelles en sont les balises? Quel est notre mandat? Est-ce qu'on ne doit pas s'entendre sur cela avant de commencer à entendre des témoins?
Comme je le disais tout à l'heure à la greffière, je me demande pourquoi M. Maingot témoigne immédiatement, avant même qu'on détermine l'étendue de notre mandat. Vous avez lu l'ordre de renvoi, mais est-ce que tout le monde le comprend de la même façon? Quel est l'objectif de tout cela? On doit d'abord déterminer cela et ensuite se demander si M. Maingot est le premier témoin qu'on doit entendre. Je ne sais pas qui a pris cette décision-là. Moi, je n'ai pas été consulté là-dessus et je pense que mon whip non plus ne l'a pas été.
J'ai l'expérience de l'affaire Jacob en 1995, et je vois que d'autres membres du comité ont également siégé lors de l'affaire Jacob. Avant de commencer, on s'était entendus sur l'ordre de renvoi. On s'était entendus sur ce que nous recherchions. On s'était entendus sur les balises. On s'était entendus sur la liste de témoins. Par la suite, on s'était demandé si on avait besoin d'un expert pendant 10 jours. C'était le cas, et M. Maingot nous a été très utile comme expert.
• 1115
Ce matin, il n'y a rien de cela.
On reçoit tout de suite M. Maingot. Il va
témoigner.
S'il est témoin, s'il n'est
pas expert pour le compte de la Chambre, est-ce qu'il pourra nous
aider à rédiger le rapport? Je n'en suis pas certain. En
tout cas, ce serait bien une des premières fois
qu'un témoin nous aiderait à rédiger un rapport final,
parce qu'on fera rapport à la
Chambre.
Je trouve qu'on précipite un peu les choses. Il faut peut-être aider les députés qui n'ont peut-être pas l'expérience de l'affaire Jacob. On en a discuté pendant des semaines. Qu'est-ce qu'un privilège? Qu'est-ce qu'un outrage? Qu'est-ce qu'on peut considérer comme un outrage à la Chambre ou pas? À cette étape-ci, monsieur le président, c'est trop tôt. Il faut d'abord qu'on s'entende sur l'ordre de renvoi.
Nous devons savoir clairement quel mandat nous avons devant nous. Je pense que même les réformistes avaient des arguments très importants à faire valoir lors de l'affaire Jacob. J'imagine qu'ils vont vouloir que cela se fasse aujourd'hui selon les mêmes règles qu'en 1995-1996. Il y a un précédent.
Aujourd'hui, monsieur le président, je réaffirme que je trouve qu'on part trop vite, qu'on ne part pas correctement et que cela va nous suivre pendant tout le temps des auditions. Je pense qu'il faut prendre le temps nécessaire. S'il faut perdre une séance, on va la perdre; c'est-à-dire qu'on ne la perdra pas parce qu'on va préciser les choses. Je pense qu'on sera gagnants à la longue si on précise bien les choses au départ.
À l'heure actuelle, je pense qu'on va trop vite avec M. Maingot. Je ne sais pas ce que les autres députés en pensent, mais...
[Traduction]
Le président: J'aimerais être le premier à intervenir sur cette question. Comme j'ai essayé de l'expliquer, monsieur Bellehumeur, de nombreux députés n'étaient pas là au moment de l'affaire Jacob. Je sais que nous avons des renseignements concernant cette affaire. J'ai cependant pensé qu'il serait très utile de d'abord nous renseigner de façon générale sur la question du privilège parlementaire.
Notre témoin d'aujourd'hui est en mesure de nous renseigner sur la portée générale du privilège parlementaire et sur ce qui peut être considéré comme une atteinte à ce privilège, en particulier compte tenu de notre ordre de renvoi. J'ai pensé qu'il valait mieux d'abord nous renseigner à fond sur la question avant de concevoir une stratégie.
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir là-dessus? Chuck Strahl.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire et en particulier avec le libellé de la motion provenant de la Chambre. Cette motion est vraiment très générale. Il y est question d'une certaine déclaration pouvant mettre en cause l'intégrité de la Chambre des communes et de son serviteur, le Président.
Notre témoin pourra nous dire exactement ce qu'il en est au sujet de l'intégrité de la Chambre des communes et sur ce qui peut la mettre en cause, le cas échéant. Je crois qu'il convient effectivement de nous renseigner d'abord de façon générale sur la question.
Je crois que nous pourrions même discuter aujourd'hui du sens à donner à l'ordre de renvoi. Notre témoin pourra aussi nous éclairer là-dessus. Je propose donc que nous entendions maintenant le témoin.
Le président: Stéphane Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): D'entrée de jeu, monsieur le président, je dirai que je n'ai aucune raison de contester...
[Traduction]
M. Chuck Strahl: Excusez-moi. Je propose que nous entendions le témoin.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, vous m'aviez donné la parole.
[Traduction]
Le président: Je regrette, Stéphane, mais quelqu'un avait proposé une motion. Cela m'a échappé.
M. Chuck Strahl: Je propose que nous entendions maintenant le témoin. C'est le seul point à l'ordre du jour. J'aimerais d'ailleurs entendre ce qu'il a à nous dire.
Le président: Quelqu'un veut-il intervenir sur la motion? Stéphane Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, puisque la motion porte sur l'essence même de l'intervention de mon collègue, je vais faire l'intervention que j'avais prévu faire de toute façon.
Je n'ai aucune raison de mettre en doute la bonne foi qui, pour des motifs tout à fait légitimes et valables, vous a amené à prendre sur une base unilatérale la décision de convoquer M. Maingot pour informer les membres de ce comité de la nature même de la notion de privilège et de la notion d'outrage.
Cependant, un des arguments que vous invoquez pour justifier votre décision, c'est de dire que plusieurs des députés ici présents n'ont pas été impliqués directement dans l'affaire Jacob. Vous me corrigerez ou mes collègues me corrigeront si je fais erreur, mais je pense que dans le cas de l'affaire Jacob, avant même qu'une réunion comme celle que nous avons aujourd'hui ait lieu, il y avait d'abord eu ces réunions auxquelles faisait allusion mon collègue, ces réunions qui avaient permis de déterminer les paramètres à l'intérieur desquels nous avions l'intention d'opérer avant de convoquer quelque témoin que ce soit.
• 1120
Je joins ma voix à celle de mon collègue de
Berthier—Montcalm pour dire que quelque part, on me
précisera ce qu'il en est au niveau du droit
parlementaire,
mais est-ce qu'on peut
légitimement, sans craindre de perdre la face, demander
ultérieurement à quelqu'un qui est venu devant ce
comité à titre de
témoin de servir d'expert pour le
comité? Peut-être aurions-nous dû justement nous entendre
sur les paramètres qui nous auraient amenés
éventuellement à requérir les services de M. Maingot à
titre d'expert pour le comité avant
de le convoquer comme témoin dans un premier temps.
Mon collègue de Berthier—Montcalm soulevait une interrogation à laquelle je m'empresse de répondre immédiatement. Nous avons été informés, bien sûr, de la tenue de cette rencontre, mais nous n'avons jamais été consultés, ni informellement ni formellement, sur la tenue d'une rencontre du Sous-comité du programme et de la procédure de ce Comité de la procédure et des affaires de la Chambre pour déterminer le programme des travaux de ce comité quant à l'ordre renvoi que nous avons sous les yeux actuellement.
D'une certaine façon, monsieur le président, je dois souscrire à l'ensemble de l'argumentation de mon collègue et dire, sans remettre d'aucune façon en question la bonne volonté et la bonne foi des arguments que vous avez évoqués, que la réunion de ce matin est peut-être un petit peu prématurée, effectivement.
[Traduction]
Le président: Nous sommes saisis d'une motion.
(La motion est adoptée)
Le président: L'objet de la réunion d'aujourd'hui est d'établir le cadre dans lequel se dérouleront notre discussion aujourd'hui ainsi que nos séances futures.
Monsieur Maingot, je vous remercie d'être venu et je vous prie de bien vouloir faire une brève déclaration préliminaire.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aurais simplement une question à vous soumettre dans le sens de l'intervention que j'ai faite il y a quelques secondes. Est-ce qu'on peut m'éclairer quant à la possibilité pour ce comité de requérir les services d'un expert pour les besoins du comité, non seulement pour la durée de l'événement mais également pour la rédaction du rapport, si cet expert a déjà été convoqué par le comité à titre de témoin devant le comité?
[Traduction]
Le président: Nous pourrions peut-être discuter de cette question un peu plus tard. Tout ce que je dirai, c'est que nous pouvons entendre d'autres témoins. Nous jouissons de toute la latitude voulue à cet égard.
Monsieur Maingot, je vous prie de bien vouloir commencer.
M. J.P. Joseph Maingot, c.p.r. (ancien légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes; auteur de Le privilège parlementaire au Canada): Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis honoré de comparaître devant ce comité de la Chambre des communes. Je veux d'abord faire une brève déclaration préliminaire et je répondrai ensuite à vos questions.
J'attire d'abord votre attention sur quelque chose que vous savez sans doute déjà. Les Chambres du Parlement, chacune des dix assemblées législatives provinciales et des deux territoires ainsi que leurs membres jouissent de certains privilèges et immunités parlementaires qui leur permettent de s'acquitter de leur devoir constitutionnel.
Le privilège parlementaire est une loi qui fait partie du droit public général du Canada. Le privilège parlementaire est l'immunité nécessaire que la loi reconnaît aux députés fédéraux ainsi qu'aux députés des assemblées législatives des provinces et des territoires. Cette immunité est également accordée à toutes personnes qui, comme moi à titre de témoin, participent aux délibérations du Parlement fédéral et des assemblées législatives des provinces et des territoires. En outre, cette immunité constitue le droit, le pouvoir et l'autorité de chaque Chambre du Parlement de s'acquitter de leurs fonctions constitutionnelles. Enfin, c'est ce qui autorise chaque Chambre à protéger son intégrité et son immunité.
Les membres de ces corps législatifs et ces corps eux-mêmes ont besoin de cette protection pour s'acquitter de leurs fonctions et pour défendre leur autorité, leur intégrité ainsi que leur dignité. Ils jouissent de ces droits parce que les corps législatifs ne pourraient pas fonctionner sans leur participation. Cette immunité ne doit pas être restreinte. Voilà pourquoi l'immunité ne s'applique pas aux déclarations qui sont faites. Parmi leurs privilèges personnels, les députés jouissent du privilège de venir en aide au Parlement et ce privilège ne peut pas être entravé. S'il est entravé, cela constitue une atteinte au privilège.
Les privilèges des députés sont assez bien définis. Ils ne sont pas tellement nombreux. Le principal d'entre eux, que vous connaissez évidemment tous, est la liberté de parole durant le débat.
• 1125
Votre ordre de renvoi dont j'ai un exemplaire fait mention de
déclaration attribuée à certains députés, «... pouvant mettre en
cause l'intégrité de la Chambre des communes et de son serviteur,
le Président...».
Les interventions en question ne mettraient pas en cause l'un des privilèges des députés, mais plutôt la dignité et l'intégrité de la Chambre des communes et de son Président. Ces interventions constitueraient donc un outrage au Parlement.
Le peu souvent, lorsqu'il est question d'outrage, on veut parler d'outrage au tribunal. On définit comme étant un outrage toute conduite qui tend à jeter le discrédit sur l'autorité et l'administration de la justice. Un tribunal ne peut pas fonctionner si son autorité et son intégrité ne sont pas reconnues. La même chose vaut pour la Chambre. Elle peut considérer avoir fait l'objet d'un outrage si on n'a pas respecté ses ordres ou si on a manqué de respect à son endroit.
On peut donc définir l'outrage comme une atteinte à l'autorité de la Chambre et notamment à son autorité d'édicter des ordres légitimes et à son autorité de se protéger contre tout manquement à ses ordres.
On voit donc qu'il est possible de définir l'atteinte au privilège, puisqu'on sait ce que c'est, mais on ne peut pas véritablement définir quel genre d'interventions ou d'omissions constituent un outrage, car c'est la Chambre qui décide de ce qui constitue un outrage.
Le comité peut trancher cette affaire comme il le juge bon, sous réserve du respect des traditions, de la procédure et de la jurisprudence.
Dans un cas comme celui-ci, lorsqu'il est question de déclarations faites à l'extérieur, la procédure normale veut qu'on donne à son auteur l'occasion de s'exprimer. Le comité pourra ensuite décider de la gravité de ces observations et juger les explications données par l'auteur.
Il y aura alors un débat. Parfois, la discussion se tient à huis clos au moment de la décision. Finalement, le rapport dépendra des mesures que vous recommanderez, le cas échéant.
Voilà ce qu'on peut en dire en quelques mots.
[Français]
Si vous voulez me poser des questions, cela me fera plaisir d'y répondre.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il des questions, chers collègues?
Je crois que vous avez tous reçu le renvoi. Est-ce que quelqu'un a un exemplaire de l'article mentionné dans le renvoi?
Rey Pagtakhan.
M. Rey Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé, monsieur Maingot.
Je voudrais revenir sur la définition de la conduite. Tout d'abord, peut-on en appeler de la décision du Président, et dans ce cas, comment faut-il procéder?
M. Joseph Maingot: Je ne sais pas si c'est pertinent en l'espèce, mais les décisions du Président ont été... L'appel a été suspendu il y a un certain nombre d'années, au cours des années 60 ou 70, je crois.
M. Rey Pagtakhan: Je voudrais essayer de montrer en quoi c'est pertinent, monsieur le président.
Vous avez dit que c'est la Chambre qui décide de ce qui constitue un outrage. Si la décision est contestée, le Président de la Chambre devra en rendre une autre. Mais s'il participe à la décision sur la question dont le comité est saisi et qu'il est ensuite amené à rendre une décision non susceptible d'appel, comment pourra-t-on résoudre le conflit d'intérêt qui peut apparaître dans un tel scénario?
M. Joseph Maingot: Tout d'abord, je remarque certaines choses dans l'article, on demande que M. Parent soit démis de ses fonctions de Président, on dit qu'il y aura de graves conséquences s'il ne décide pas en faveur de la présence des drapeaux, mais on signale à deux reprises que le Président avait un mandat.
À mon avis, votre ordre de renvoi vous invite à étudier ces affirmations, car jusqu'à maintenant, la procédure exigeait que la question soit tout d'abord soulevée à la Chambre. Le rôle du Président était de déterminer s'il y avait à première vue un cas d'atteinte au privilège. Dans l'affirmative, sa décision était envoyée au comité.
Votre mission actuelle consiste à étudier ces affirmations pour déterminer si, dans l'optique des députés, elles constituent véritablement un outrage. Est-ce qu'elles sont une marque de mépris? Est-ce qu'elles constituent un manque de respect envers la Chambre, son Président et sa fonction? S'agit-il d'intimidation ou est-ce une plaisanterie? Est-ce autre chose?
• 1130
Voilà ce que vous devez faire, voilà votre tâche. Une fois que
ce sera fait, vous présenterez un rapport à la Chambre. Vous
entendrez les témoins et les auteurs de ces déclarations—comme je
l'ai dit, c'est la procédure normale—et vous verrez s'ils ont une
explication à donner, s'ils regrettent ce qui s'est passé, puis
l'affaire suivra son cours.
Ensuite, vous prendrez votre décision. Quelle mesure faut-il prendre? Quelle est la gravité de cette affaire? Y a-t-il des suites à donner? Est-il préférable d'économiser le temps de travail de la Chambre? Vous allez devoir considérer tous ces éléments avant de prendre votre décision finale et de l'énoncer dans votre rapport.
M. Rey Pagtakhan: Quelle que soit la décision du comité—et je ne veux pas en préjuger—sera-t-elle obligatoire pour le Président de la Chambre et pour la Chambre? Le Président aura-t-il la possibilité d'annuler cette décision et de la remplacer par sa propre interprétation de l'outrage, s'il est question d'outrage?
M. Joseph Maingot: Non. Le rapport sera présenté à la Chambre, qui aura le loisir de l'adopter ou de le rejeter. Le rapport peut aussi être mis aux voix. Le Président de la Chambre ne participe au vote qu'en cas d'égalité des voix.
M. Rey Pagtakhan: Finalement, si le député poursuit sa démarche, qu'il réfute l'accusation d'outrage et qu'il demande au Président de la Chambre de rendre sa propre décision, pourra-t-il le faire, et deuxièmement le Président sera-t-il obligé de rendre une décision? Dans ce cas-là, comment résoudre le conflit que je signalais tout à l'heure, à savoir que le Président est partie prenante dans cette affaire, comme l'ont dit les médias.
M. Joseph Maingot: Si un député veut réfuter une accusation d'outrage, il devra étayer son intervention sur des faits; sinon, le Président de la Chambre la considérera comme nulle. La seule autre possibilité de contester l'accusation d'outrage consiste, pour le député en question, à présenter un avis de motion indiquant qu'il veut parler de cette question.
M. Rey Pagtakhan: Merci.
Le président: Chuck Strahl, Michel Bellehumeur puis Bill Blaikie.
M. Chuck Strahl: Je vous remercie encore de votre présence, monsieur Maingot. J'apprécie beaucoup votre avis. Je sais que Peter Goldring aurait beaucoup aimé pouvoir assister à nos délibérations. Il a d'autres obligations, mais je suis certain que le déroulement de nos travaux sera pour lui du plus grand intérêt.
Je voudrais faire quelques commentaires puis poser quelques questions sur l'opportunité de relever des commentaires publics pour tenter de les qualifier d'atteintes au privilège. Je voudrais citer quelques passages. Le premier est tiré de la deuxième édition de votre Privilège parlementaire au Canada. C'est à la page 238. On y lit ceci:
-
[...] toutes les entraves au privilège de la liberté de parole des
députés, comme la publication d'articles et autres formes de
déclarations publiques, ne constituent pas des atteintes au
privilège, bien qu'elles puissent infléchir l'attitude des députés
dans leur travail parlementaire. Tous les actes émanant d'un
organisme extérieur et susceptibles d'infléchir l'activité
parlementaire ne doivent donc pas être considérés comme des
atteintes au privilège, même s'ils visent à faire pression sur le
député pour qu'il intervienne dans le sens souhaité. Cependant,
toute manoeuvre visant à infléchir l'action parlementaire par des
moyens déplacés constitue une atteinte au privilège.
Je pense aux manchettes de ce matin: le Parti réformiste essaie par tous les moyens d'infléchir le premier ministre pour qu'il s'abstienne de procéder aux nominations au Sénat en fonction de certaines considérations. Nous insistons beaucoup sur cette question. Nous essayons d'infléchir le premier personnage du pays dans sa décision, et nous utilisons différents moyens à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre. Les médias en parlent. Un grand nombre de personnes—et pas uniquement nous—exercent des pressions considérables pour essayer d'infléchir les ministres et le premier ministre.
Compte tenu de ce passage où vous dites que les entraves au privilège de la liberté de parole des députés ne constituent pas des atteintes aux privilèges, même lorsqu'elles visent à infléchir l'attitude des députés dans leur travail parlementaire, est-ce qu'on fait un cas particulier pour le Président de la Chambre? Ou s'agit-il simplement ce à quoi tout député doit s'attendre, à savoir que chacun essaie, par ses commentaires, d'infléchir la volonté des autres à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre? Le Président fait-il l'objet d'un cas particulier ou l'outrage est-il le même pour tous les députés?
M. Joseph Maingot: Je suppose que le Président fait l'objet d'un cas particulier, au même titre que le président d'un comité. On ne conteste pas la décision d'un député, car le député ordinaire ne prend pas de décision, sauf lorsqu'il vote à la Chambre. On peut essayer de l'intimider avant un vote par des moyens déplacés, par des éditoriaux, des lettres ou des discours, en disant qu'il serait bien stupide de voter de telle ou telle façon.
• 1135
Ça devient répréhensible si l'on essaie d'influencer à mauvais
escient un député. Et ce qui est répréhensible pour vous pourrait
ne pas l'être pour quelqu'un d'autre; il faut que ce soit
répréhensible dans votre esprit à vous. C'est vous qui allez
déterminer ce qui est répréhensible. Pour ce qui est du Président
de la Chambre ou du président d'un comité, si vous essayez de les
influencer d'une manière telle qu'ils prendront une décision... Ça
dépend comment vous essayez de les influencer: en rédigeant un
éditorial, des lettres, en défilant devant le Parlement. Mais si
c'est un moyen répréhensible...
M. Chuck Strahl: S'il y a coercition ou menace.
M. Joseph Maingot: C'est exact. S'il y a menace, intimidation, ou coercition d'une manière quelconque—et bien sûr, il vous faut déterminer si c'est répréhensible ou non—cela constituerait alors un outrage.
M. Chuck Strahl: D'accord. Je pense que c'est le coeur de la question que nous essayons de régler ici—ce qui constitue des propos répréhensibles ou menaçants. Quand les députés se portent candidats à la présidence de la Chambre... Ils n'étaient pas candidats parce qu'il ne s'agit pas de ça; il s'agissait de personnes que l'on pouvait élire comme Président de la Chambre. Nous les avons invités à rencontrer notre caucus. Nous leur avons dit qu'il y avait certaines choses que nous attendions du Président de la Chambre, et que s'ils n'agissaient pas dans le sens que nous voulions, nous n'allions pas voter pour eux. Nous leur avons dit que nous tenions à une certaine façon de procéder et à certaines libertés, et nous leur avons dit quel genre de personne nous voulions comme Président de la Chambre. Allez-vous faire ça, oui ou non, leur avons-nous demandé? Nous leur avons demandé de répondre, et certains ont répondu à la question et d'autres pas.
Est-ce là un acte de coercition? Y a-t-il coercition si l'on dit à quelqu'un que l'on veut telle ou telle chose? Pour ce qui est de la menace—comme lorsqu'on dit à quelqu'un qu'il a intérêt à regarder sous sa voiture demain parce qu'il aura des ennuis—ça, c'est de la coercition, c'est une menace.
Si vous dites à quelqu'un que vous n'accepterez pas telle ou telle décision et que vous allez vous battre jusqu'au bout si la personne prend cette décision... Est-ce à nous qu'il appartient de décider?
M. Joseph Maingot: En droit, devant un tribunal pénal, il y a certaines règles qui définissent ce qui constitue ou non un acte d'intimidation—il faut savoir ce que la personne pensait au moment où les propos ont été tenus et il faut convaincre le jury. Dans un sens, c'est vous le jury d'ici. Vous allez examiner ce qui s'est passé et décider si ce qui a été dit constitue un acte d'intimidation dans votre esprit. C'est vous, mesdames et messieurs, qui établissez les règles en la matière. Vous pouvez consulter les dictionnaires et prendre connaissance des événements qui se sont produits ailleurs, mais c'est vraiment à vous qu'il appartient de déterminer ce qui est répréhensible et ce qui ne l'est pas.
Par exemple, dans le cas du Président que vous avez, quelqu'un pourrait faire valoir que dans ce cas-là, la procédure parlementaire n'intervenait pas, il n'y a donc pas de problème.
M. Chuck Strahl: D'accord.
Ce que j'essaie de savoir, c'est quand s'applique le privilège qu'ont tous les députés fédéraux de dire ce qu'ils pensent et de participer au processus démocratique...? Et même l'élection du Président de la Chambre fait désormais partie du processus démocratique. On peut dire ce que l'on attend du Président de la Chambre... Disons que la prochaine fois qu'il y aura élection à la présidence de la Chambre, je dis que je veux un gars qui ne veut plus siéger le vendredi. C'est ce que je veux, et s'il ne me donne pas ça, je ne voterai pas pour lui. Je le lui dis tout de suite, il est aussi bien qu'il le sache dès maintenant. Et M. le Président a intérêt à le savoir aussi parce que son poste est en jeu. Je ne voterai pas pour lui s'il ne me donne pas congé le vendredi.
N'ai-je pas le droit, en ma qualité de député fédéral, de lui dire que je ne voterai pas pour lui parce que la démocratie me donne le droit d'agir comme je veux, et tant pis pour lui si ça ne lui plaît pas. S'il décide dans le sens contraire, je devrai me conformer à sa décision, mais ça ne me plaît pas et je ne voterai plus jamais pour lui.
Le président: Monsieur Maingot.
M. Joseph Maingot: Ce que vous me dites là ne m'apparaît pas répréhensible. Pour que ce soit répréhensible, il faut qu'il y ait là un élément que votre conscience réprouve. Ça semble très vague, mais traditionnellement, on fait appel à l'expérience de chaque membre du comité pour définir ce qui est bien ou mal.
Le président: Michel Bellehumeur, Bill Blaikie, suivi de Marlene Catterall.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Monsieur Maingot, procédons par élimination. Est-il exact qu'on ne peut contester une décision du Président que sur une question de fond et qu'on peut le faire seulement à la Chambre des communes?
M. Joseph Maingot: De fait, quand vous contestez...
M. Michel Bellehumeur: Pour contester une décision du Président.
M. Joseph Maingot: Actuellement, on ne peut en appeler de cette décision. En effet, on n'est pas censé remettre en question la décision de la Chambre quand elle a adopté un projet de loi. Vous avez, bien sûr, la liberté de parole, mais seulement en deçà de l'intimidation ou d'autres attitudes incorrectes.
M. Michel Bellehumeur: Non, mais supposons qu'on n'est pas contents d'une décision. Beauchesne dit en parlant du travail du Président:
-
Il n'est pas permis de dénigrer son travail,
même indirectement, [...] si ce n'est par voie
de motion de fond.
C'est par une motion de fond, à la Chambre des communes, qu'on peut contester une décision du Président.
M. Joseph Maingot: En fait, il ne s'agit pas d'une décision du Président, mais de son travail, de sa personne même. On ne peut pas en appeler d'une décision du Président. Si vous n'êtes pas satisfait du Président ou même de la conduite de n'importe quel député et que vous voulez remettre cela en question, qu'il s'agisse du Président, du président d'un comité ou d'un député, il faut présenter une motion de fond.
M. Michel Bellehumeur: Vous connaissez l'article de journal qui fait état de tout cela. Certaines déclarations sont carrément des menaces, d'autres, de la provocation. Enfin, d'autres éléments de la décision éventuelle du Président sont utilisés à des fins politiques.
On s'entend également pour dire que c'est au comité de déterminer s'il s'agit de menaces, de provocation ou d'autre chose. On s'entend là-dessus?
M. Joseph Maingot: Oui, absolument.
M. Michel Bellehumeur: D'accord. Est-ce que les déclarations du genre de celles qui sont rapportées dans l'article peuvent constituer une entrave à l'autorité de la Chambre?
M. Joseph Maingot: Cela a l'air sérieux. On dit que
[Traduction]
il y aura de graves conséquences. «Avertissez Parent, avertissez Parent»,
[Français]
dit-on sans autre explication. C'est sérieux et assez provocateur, peut-on dire.
M. Michel Bellehumeur: Supposons qu'on arrive à la conclusion que certaines déclarations constituent carrément une menace, constituent véritablement de la provocation vis-à-vis du Président, comme «il fait mieux de faire cela, sinon je vais le défier». Selon vous, est-ce que de telles déclarations constituent un outrage à la Chambre?
M. Joseph Maingot: Eh bien, les mots sont des mots.
M. Michel Bellehumeur: Je ne veux pas que vous vous prononciez sur ces déclarations. Toutefois, si le comité, après avoir examiné tout cela, arrivait à la conclusion que telle déclaration constitue carrément une menace envers le Président, ou que telle autre le défie, est-ce que, selon vous, le comité devrait conclure que cela constitue un outrage à la Chambre?
M. Joseph Maingot: Mais vous avez le pouvoir de décision. Cela fait partie de vos fonctions et c'est une des options qui s'offrent à vous.
M. Michel Bellehumeur: D'accord. Mais supposons que le comité, s'étant penché sur ces déclarations, par exemple celle de M. Benoît Serré, et les ayant examinées, en arrive à la conclusion qu'elles constituent carrément de la provocation et, dans un autre cas, des menaces. Ce que je veux savoir, c'est si vous, à titre d'expert, croyez que le comité doit irrémédiablement décider qu'il s'agit d'un outrage à la Chambre.
M. Joseph Maingot: C'est-à-dire un député va dire que comme menace...
M. Michel Bellehumeur: Monsieur Maingot, nous examinons le dossier et, selon notre jugement—en tant que jury, comme vous l'avez dit plus tôt—, le député Untel a carrément adressé une menace au Président. Devons-nous conclure que cela constitue un outrage à la Chambre?
M. Joseph Maingot: C'est à vous de décider si menacer quelqu'un constitue un outrage ou non. Ordinairement, quand il est question de menaces, c'est assez sérieux. Quand on menace quelqu'un, c'est qu'on ne le respecte pas.
M. Michel Bellehumeur: Bon.
M. Joseph Maingot: Alors, l'outrage, c'est de ne pas respecter la Chambre, c'est-à-dire un député ou quelqu'un qui est en fonction.
M. Michel Bellehumeur: D'accord. Menacer le Président, est-ce le respecter?
M. Joseph Maingot: Eh bien, je pense qu'il est déjà arrivé, alors que M. Lloyd Francis était Président de la Chambre, que des gens se soient avancés et l'aient vraiment menacé.
• 1145
Une autre fois, durant le fameux «vendredi noir», en
1956, le président du NPD, M. Coldwell, s'est
avancé vers lui comme ça, parce qu'il était fâché.
Mais tout le monde était fâché.
M. Michel Bellehumeur: Monsieur Maingot, je terminerai là-dessus. Moi, je suis député et, pour moi, l'autorité suprême du Parlement, c'est le Président. Si le Président n'est pas capable de faire respecter son autorité, je pense que ce sera l'anarchie. Ce ne sera plus vivable dans le système parlementaire démocratique que nous connaissons.
Je suis député. Si, alors que je me trouve hors de la Chambre, je déclare que le Président a rendu telle décision qui ne fait pas mon affaire, s'il m'a interdit de porter un drapeau et que je le défie à la première occasion en portant le drapeau sur moi ou en le brandissant, c'est de la provocation. C'est une atteinte à l'autorité du Parlement.
Le président: Monsieur Maingot.
M. Joseph Maingot: C'est à vous de décider quel acte constitue une menace et peut-être un outrage. C'est à vous de le décider. C'est votre fonction.
M. Michel Bellehumeur: Si on arrive à la conclusion que c'est une menace, est-ce aussi un outrage? C'est là ma question.
M. Joseph Maingot: Cela relève de vos fonctions. Certaines gens pourraient vous dire qu'une menace n'est pas... Quel est le degré de la menace? Mais cela pourrait être...
M. Michel Bellehumeur: Alors, si on qualifie un outrage comme ayant été une menace...
[Traduction]
Le président: Bill Blaikie.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le président, M. Maingot a parfaitement raison de refuser de faire le travail du comité en proposant lui-même une conclusion. À mon avis, seul le comité peut parvenir à une conclusion après avoir entendu, non seulement le témoignage de M. Maingot, mais aussi le témoignage des protagonistes, si vous voulez, qui sont nommés dans l'article. J'imagine que nous aurons cette possibilité, ce que M. Maingot a lui-même d'ailleurs proposé.
Les personnes qui sont nommées dans l'article, et qui sont par conséquent préoccupées par la motion dont le comité a été saisi, devraient avoir la possibilité de s'adresser au comité. Nous avons tous une expérience suffisante des médias pour savoir que les articles ne reflètent pas toujours notre pensée exacte. Chose certaine, je pense qu'on doit donner à ces personnes la possibilité de se faire entendre.
Il appartiendra au comité de décider si ces propos étaient menaçants, et si tel est le cas, si ces propos étaient menaçants au point de constituer un outrage ou non. Le comité devra décider. Je pense que M. maingot a fort bien énoncé la tâche qui attend le comité.
Mais je tiens à dire aussi, en réponse aux observations de M. Strahl, qu'il y a une différence... Et je ne dis pas cela pour engager une polémique parce que je sais pas moi-même ce que je vais penser de tout cela; je réserve mon jugement dans l'attente d'une preuve complète. Il y a une différence entre le moment où la Chambre n'a pas de Président, qu'elle en élit un, et le moment où il y a un Président, tout comme je ne jouis pas de tous les privilèges d'un député fédéral lorsque je me présente aux élections. Après avoir été élu, je n'ai pas le même statut que j'avais lorsque j'étais candidat. Je pense qu'on peut en dire autant du Président de la Chambre.
Donc je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il n'y a aucune différence entre la façon dont l'on traite un candidat à la présidence de la Chambre et la façon dont l'on traite celui qui a été élu. Le candidat qui est élu Président de la Chambre, encore là pour reprendre la métaphore ou la comparaison de M. Maingot, est d'une certaine manière, si l'on se compare à la magistrature, le juge. Nous devons décider si ces propos, s'ils étaient adressés à un juge, seraient considérés comme déplacés. Mais il y a peut-être une différence entre le Président d'un Parlement démocratique et un juge dans le contexte judiciaire. Il se peut qu'il y ait des différences. C'est un autre élément que nous devrons examiner.
Et je pense qu'il y a une différence entre le candidat et le titulaire de la charge lui-même, et nous devons garder cela à l'esprit.
Le président: M. Maingot veut répondre.
M. Joseph Maingot: Ce que M. Blaikie a dit est intéressant. En fait, vos privilèges subsistent après la dissolution des Chambres pendant un certain temps. Tout dépend de la loi, mais les privilèges du député fédéral subsistent pendant une quarantaine de jours. Autrement dit, vous pouvez être protégés contre toute intimidation pour ce que vous avez dit.
M. Bill Blaikie: Si vous êtes candidat—avant même d'avoir été élu député fédéral.
M. Joseph Maingot: Ah oui. Alors vous êtes comme tout le monde.
Le président: Marlene Catterall, suivie de Stéphane Bergeron.
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): J'aimerais que vous m'expliquiez, du mieux que vous pouvez, le rapport qu'il y a entre l'autorité et les privilèges de la Chambre et l'autorité et les privilèges du Président. Sont-ils identiques, ou y a-t-il des différences subtiles?
M. Joseph Maingot: Tout d'abord, le Président est député si bien qu'il a les mêmes privilèges que tout le monde. Et le fait qu'il est Président... Vous élisez un Président, vous lui manifestez votre respect et si vous êtes irrespectueux à son égard en sa capacité de Président, plutôt que d'autre chose...
Mme Marlene Catterall: Je parle de la fonction plutôt que de la personne.
M. Joseph Maingot: De la fonction?
Mme Marlene Catterall: Il s'agit de la présidence. La présidence a-t-elle le même statut que la Chambre? Sinon, quelle est la différence?
M. Joseph Maingot: C'est une question intéressante.
Je crois que c'est comme ridiculiser un député plutôt que de ridiculiser la fonction de Président. Avant qu'il n'y ait privilège, il faut qu'il y ait un lien avec une activité parlementaire. Si quelqu'un dit quelque chose sur un député ou sur le Président qui ne touche pas son rôle à la Chambre, mais par exemple son comportement dans sa circonscription, cela ne constitue pas un privilège ou un outrage. Mais lorsque c'est associé à la fonction, il me semble que si l'on est irrespectueux vis-à-vis de la présidence, c'est en fait le député qui a le privilège.
La Chambre, en tant que corps constitué, a le pouvoir de se protéger mais il s'agit du Président et des actes du Président plutôt que de la présidence.
Je ne me souviens pas que la fonction de Président ait été jamais outragée par des paroles. Je suppose qu'elle l'a probablement été, dans un sens, lorsque le député en question à saisi la masse. La masse symbolise l'autorité de la Chambre et c'était irrespectueux envers la Chambre. Mais lorsqu'il s'agit de la charge de Président, c'est irrespectueux envers le président lui-même et non pas envers sa charge.
J'espère ne pas être trop obscur, madame Catterall.
Mme Marlene Catterall: Un petit peu quand même, ce qui est inhabituel.
Tout ce que je puis faire, c'est comparer cela à un jeu quelconque, dans lequel tout le monde connaît les règles et où il y a un arbitre chargé de faire appliquer ces règles. Sinon, les joueurs s'entre-tueraient sur les terrains de football. Que les règles me plaisent ou non, peu importe, mais je sais que si je joue au hockey et qu'un arbitre m'interpelle et que je décide de le menacer d'une façon ou d'une autre, je ne pourrai pas jouer au hockey très longtemps. Jusqu'où puis-je pousser cette comparaison pour essayer d'en arriver à une conclusion raisonnable?
M. Joseph Maingot: Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de parler de joueurs de hockey et de députés en même temps.
Le président: C'est une question d'argent.
M. Joseph Maingot: Il y a aussi ce problème.
Les députés sont élus. Ils représentent le corps constitué le plus important au Canada et sont élus démocratiquement. Dans un sens, ils représentent le Canada. Si on ne fait pas preuve de respect pour ces gens-là, pour le corps constitué qui légifère pour le pays... je dirais que nous sommes dans une triste situation. De même, on ne contrôle plus les choses si l'on permet de manquer de respect envers le Président, la Chambre des communes ou les autres corps législatifs.
Mme Marlene Catterall: Vous semblez dire que manquer de respect envers le Président c'est exactement comme si on manquait de respect envers la Chambre, qu'il n'est pas simplement un autre député, que c'est quelqu'un de très différent.
M. Joseph Maingot: Non, il n'est pas simplement un autre député. Il est égal, mais un peu plus égal que les autres, parce qu'il est le Président. Vous l'avez nommé pour vous représenter. Il parle en votre nom lorsque la Chambre se prononce.
J'essaie de penser à des occasions où la Chambre elle-même fait l'objet d'un manque de respect. Ce n'est pas tout à fait la même chose, parce que le Président représente la Chambre. Dans ce sens, en manquant de respect au Président, c'est à la Chambre elle- même que vous manquez de respect.
Mme Marlene Catterall: Merci.
Le président: Nous avons maintenant Stéphane Bergeron. S'il n'y a pas d'autres députés qui demandent la parole, nous passerons au deuxième tour.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, la tâche qui est la nôtre n'est pas facile; nous avons en quelque sorte à déterminer ce qui constitue un outrage. Au fond, tout ou rien peut constituer un outrage, en autant que nous en décidions ainsi.
Une affaire qui, dans le passé, a pu constituer un outrage pourrait ne pas être considérée comme tel si le comité en jugeait ainsi. Au contraire, si quelque chose qui n'a pas constitué un outrage par le passé est maintenant jugé par le comité comme en étant un, ce quelque chose doit être considéré comme un outrage. Suis-je dans l'erreur en disant cela?
M. Joseph Maingot: C'est à vous de décider si certains faits constituent un outrage. Toutefois, c'est finalement la Chambre qui prend la décision. Vous autres, vous recommandez qu'on considère ce qui s'est passé comme un outrage. Vous recommandez à la Chambre que certaines...
M. Stéphane Bergeron: Monsieur Maingot, si j'ai bien suivi votre intervention de tout à l'heure, il n'y aurait pas vraiment de jurisprudence dans le domaine. Ce qui s'est passé autrefois concernant les outrages à la Chambre et les privilèges de la Chambre ne doit pas être pris en considération puisque ce comité a toute latitude pour déterminer que ce qui constituait autrefois un outrage peut, dans ce cas-ci, ne pas en constituer un, et ce qui autrefois n'était pas un outrage peut, dans ce cas d'espèce, en constituer un.
M. Joseph Maingot: Eh bien, cela me fait penser à ce que disait Tennyson dans son poème Ulysses: «I am a part of all that I have met». Vous vous servez de votre expérience et de ce qui s'est passé, puis vous mettez de côté le passé pour décider si, dans le cas présent, c'est un outrage ou non. C'est à vous à décider.
M. Stéphane Bergeron: D'accord, dans votre...
M. Joseph Maingot: Ce qui, dans un cas, dans le passé, représentait un outrage à ce moment-là, peut à vos yeux, à ce moment-ci, ne pas en être un.
M. Stéphane Bergeron: D'accord. Donc, tout ou rien peut constituer un outrage selon le jugement que portera ce comité.
Dans la deuxième édition de votre volume Le privilège parlementaire au Canada, vous indiquiez, à la page 13, et je vous cite:
-
Toute atteinte à l'autorité de la Chambre constitue un
outrage.
En réponse à la question de ma collègue, Mme Catterall, il y a quelques minutes, vous sembliez indiquer—et je partage votre point de vue à cet égard—que la présidence, la fonction est l'incarnation même de l'autorité de la Chambre. Donc, toute atteinte à l'autorité de la présidence constitue une atteinte à l'autorité de la Chambre et, conséquemment, constitue un outrage. Est-ce que le fait de menacer ou de chercher à intimider la présidence constitue une atteinte à son autorité?
M. Joseph Maingot: Une menace au Président, une vraie menace, va toujours, je pense, représenter une atteinte à son autorité et un outrage au Parlement parce que le Président est le représentant de la Chambre même. Dans ce cas-là, je dirais donc que vous avez raison: une atteinte ou une menace à la présidence constitue un manque de respect. Vous pouvez certainement recommander à la Chambre de considérer cela comme un outrage.
M. Stéphane Bergeron: Si je m'en tiens simplement à ce que vous nous indiquiez, à savoir que «toute atteinte à l'autorité de la Chambre constitue un outrage», et si on s'entend sur le fait que la présidence incarne l'autorité de la Chambre, une menace faite au Président dans l'éventualité où il ne rendrait pas telle ou telle décision, est une atteinte à son autorité et donc, par voie de conséquence, à l'autorité de la Chambre. Vous êtes d'accord avec moi pour le dire.
M. Joseph Maingot: Oui, je pense que je suis d'accord sur cela.
M. Stéphane Bergeron: On disait dans le rapport sur l'affaire Jacob:
-
En outre, un acte peut constituer
un outrage qu'il soit commis à l'intérieur ou à
l'extérieur du Parlement.
Alors, manifestement, on a affaire à une chose qui entre dans ces paramètres, un acte qui a été posé à l'extérieur de la Chambre.
Mais j'ai déjà entendu certains de mes collègues, lors du débat qui a eu lieu en Chambre, dire que ce n'était pas tout à fait ce qu'ils voulaient dire, qu'ils avaient été cités hors contexte. Quelle est la valeur d'un texte publié dans un journal par rapport à l'affaire qui nous intéresse actuellement? Est-ce que les députés sont responsables des paroles qui leur sont attribuées dans un média?
M. Joseph Maingot: Vous avez tous été interviewés et vous savez ce qui s'est passé. C'est la raison pour laquelle la pratique est ordinairement d'inviter la personne à venir répéter les propos rapportés dans le journal ou bien à les expliquer.
[Traduction]
Le président: Nous passons à Chuck Strahl, Rey Pagtakhan et Michel Bellehumeur, et il faudra aller un peu plus vite cette fois- ci.
M. Chuck Strahl: Merci, monsieur le président.
Je suis d'accord sur ce qu'a dit quelqu'un tout à l'heure à propos de l'article de journal et du fait que nous allons nous retrouver à parler de citations et non pas de tout ce que l'on a dit à leur sujet, parce qu'on a fait dire à certains des choses qu'ils n'ont pas dites.
Je dirais simplement qu'une des choses que je trouve intéressantes à propos de l'article est qu'avant la décision du Président, Michel Gauthier a dit à ce dernier que ses collègues ne toléreraient pas que les députés chantent. Cela m'intimide. Il dit qu'il ne le tolérera pas et j'ai l'impression que mes droits sont... Je ne sais pas exactement ce qu'il entend par là. Cela me rend nerveux.
En outre, et j'ai même très peur de prendre la parole ici, ce que j'essayais de dire, tout à l'heure, Monsieur Maingot, c'est que je me demande même s'il entre dans les privilèges parlementaires d'un député le droit de proposer une motion de censure contre le Président.
M. Joseph Maingot: Oui.
M. Chuck Strahl: Il y a donc outrage au Parlement quand je déclare que j'exercerai peut-être mes droits démocratiques?
M. Joseph Maingot: Lorsque vous proposez cela, il faut qu'il y ait une sorte d'accusation. Il faut que vous accusiez un député. Il faut qu'il soit reconnu que si l'accusation s'avère, cela pourrait entraîner une mesure disciplinaire contre le député.
M. Chuck Strahl: Si donc vous présentez une motion de censure et qu'elle n'est pas adoptée, vous pourriez être vous-même censuré? Je comprends bien que c'est la Chambre qui en décidera. Mais n'entre-t-il pas dans mes privilèges de partir d'ici dans un quart d'heure et d'aller déclarer à la Chambre que je présente une motion de censure à l'endroit du Président et que je demande que l'on procède à une autre élection?
M. Joseph Maingot: L'objet même de la liberté d'expression est de vous permettre de soulever les questions qui représentent à votre avis des exemples d'abus. De ce fait, un député ne devrait pas être pénalisé s'il présente une motion à cet égard.
M. Chuck Strahl: C'est donc après une décision de la présidence qu'il serait approprié de présenter une motion de censure. Ce n'est pas obligatoire, on peut le faire n'importe quand mais c'est le droit démocratique de tout député.
Le Président a plusieurs fois rendu des décisions contre moi et je continuerai à dire que j'aurais préféré qu'il rende des décisions contraires, mais je respecte ses décisions. Je devais présenter des motions et je l'ai fait. Je ne l'ai pas fait dans l'espoir que ces décisions me soient contraires; j'espérais qu'il me donnerait raison.
M. Joseph Maingot: Tout dépend si vous voulez ou non des précédents. Si ce n'est pas les précédents qui vous intéressent, vous pouvez simplement inscrire votre motion au Feuilleton, ainsi que l'avis de motion. Si vous voulez des précédents, il faut porter une accusation avant que la Chambre ne puisse être prise à parti.
M. Chuck Strahl: Si le Président rend une décision sur une question de privilège ou même sur un rappel au Règlement et qu'après avoir examiné tous les précédents et le reste, il décide qu'il n'y a pas de question de privilège ni de rappel au Règlement, j'ai le droit de bondir et de déclarer que je propose une motion de censure à l'endroit du Président et que je demande qu'il soit démis de ses fonctions?
M. Joseph Maingot: Non, ce n'est pas comme cela que vous vous y prenez.
M. Chuck Strahl: Faut-il inscrire la motion au Feuilleton?
M. Joseph Maingot: Oui, il faut en donner avis.
M. Chuck Strahl: Je pense que je pourrais le faire chaque fois qu'il rend ses décisions.
M. Joseph Maingot: Théoriquement, oui, c'est possible, mais il faut le faire en suivant la procédure voulue.
M. Chuck Strahl: Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse qualifier cela de manque de respect envers la présidence alors que ce que disaient les gens, paraît-il... et c'est là exprimer une opinion. M. Breitkreuz affirme que ce serait assez grave s'il s'associait avec le Bloc, mais je ne vois guère de provocation là-dedans, je ne comprends pas qu'on puisse traiter cela d'outrage. J'ai peut-être tort, et vous voudrez bien alors me rectifier, mais n'a-t-on pas le droit de dire qu'on peut exercer ses privilèges de député, pour proposer une motion? N'est-ce pas là l'un de nos droits, en démocratie?
M. Joseph Maingot: Tout dépend toujours des circonstances. C'était, je l'ai déjà dit vers la fin de la législature, où Lloyd Francis était Président de la Chambre; j'ai oublié les circonstances exactes, mais les députés se sont avancés vers le Président, qui s'est senti intimidé et menacé. Aucune mesure n'a été prise. Une autre fois—c'était en 1956, un Vendredi noir, les députés se sont attroupés autour du Président en agitant les poings, et aucune mesure n'a été prise. Tout dépend donc des circonstances.
Le président: La parole est maintenant à M. Pagtakhan, puis à Michel Bellehumeur.
M. Rey Pagtakhan: Je vous remercie, monsieur le président.
Pour prendre une décision, le Président se laisse guider par les règles, le Règlement de la Chambre et les précédents, le cas échéant. Le Président peut toutefois prendre une décision de novo, même si rien ne prévoit le cas dans la procédure de la Chambre et dans le Règlement, s'il considère que les circonstances exigent une décision improvisée. Autrement dit, il s'agissait de circonstances uniques... Ai-je bien compris la situation?
M. Joseph Maingot: Les choses se présentent un peu différemment: nous nous écartons quelque peu de la notion de privilège. Autrefois les Présidents avaient... Cela s'est passé en Angleterre: les Irlandais prolongeaient le débat et le Président alors, avec l'approbation de deux principaux partis, autorisait la clôture, ce qui n'était pas prévu, à l'époque dans le Règlement. Sa décision était motivée par des circonstances particulières.
Il faudrait des circonstances tout à fait exceptionnelles pour qu'une chose pareille se produise. Normalement, comme nous le savons tous, le Président, dans sa décision, cite les précédents et rappelle les circonstances qui les entouraient; c'est là-dessus qu'il se fonde, lui et également les députés. Vous savez ce qui va se produire, parce que vous connaissez les pratiques et la procédure de la Chambre, ainsi que les précédents.
M. Rey Pagtakhan: Je le sais bien, mais il fut bien une époque où il n'y avait pas de précédents. Autrement dit, les précédents peuvent se créer, ils pourront se créer à l'avenir, dans des circonstances exceptionnelles. Au commencement il n'y avait pas de précédents, ce sont nos prédécesseurs qui un beau jour les ont créés.
M. Joseph Maingot: Mais les règles existent, elles sont fixes, et vous suivez l'usage; quand une situation particulière se présente, on invoque le Règlement et le Président prend une décision en fonction des règles et des précédents actuels. S'il n'existe pas de précédent comparable, il lui incombe de prendre une décision.
M. Rey Pagtakhan: Je voudrais revenir sur la question de ma collègue Marlene: j'ai entendu vos réponses à ses questions, et je me demande si je vous ai bien compris.
Manquer de respect au Président—qui fait partie intégrante de la Chambre dont il est le serviteur, ainsi que le premier dignitaire de la Chambre—revient à manquer de respect envers la Chambre même. On peut toutefois envisager un cas où le manque de respect envers la Chambre—qui représente notre volonté collective à tous, y compris le Président en tant que membre du Parlement, mais non en tant que Président—ne signifierait pas nécessairement un manque de respect envers le Président si l'on ne conteste pas directement le Président et sa fonction. Mon interprétation est- elle correcte?
M. Joseph Maingot: Toute manifestation de menace ou d'intimidation de la Chambre constitue une infraction criminelle.
M. Rey Pagtakhan: Ce serait l'outrage suprême.
M. Joseph Maingot: Oui, cela pourrait être une affaire criminelle. C'est ainsi que dans le Code criminel il n'est pas question, au chapitre des menaces, de menaces contre le Président, parce que la Chambre a le pouvoir de le protéger en entamant un procès pour outrage.
M. Rey Pagtakhan: Supposons donc que mon analyse, dans ce contexte, de rôle du Président de la Chambre est correcte.
Vous avez ensuite mentionné les circonstances. En vous écoutant, je me demandais si je devais me laisser guider par l'article paru dans la presse...? Si je devais prendre une décision sur cet ordre du jour, ai-je raison de penser—je vous demande là votre avis—lorsque je considère comment la déclaration a été...?
Je suis d'accord avec mon collègue M. Strahl: j'écarterai tout ce qui n'est pas une citation exacte. Ce pourrait par exemple être l'oeuvre de l'imagination du journaliste. Si je dois juger une déclaration attribuée à un collègue, devrais-je me limiter uniquement aux termes de la citation? Est-ce là une bonne directive?
M. Joseph Maingot: Je ne vois pas comment vous procéderiez autrement. Vous avez sous les yeux ce que cette personne a dit, et non ce qu'elle n'a pas dit.
M. Rey Pagtakhan: Certes. C'est là la seconde étape, les preuves recueillies...
Mais bien entendu, ce ne sont là que des ouï-dire, transmis par les médias qui citent, autrement dit, ce qu'a dit la personne. Ce n'est qu'en invitant cette dernière et en lui demandant: «confirmez-vous que tels ont bien été vos propos?» que l'on peut commencer à porter un jugement, à décider si cette déclaration elle-même constitue un manque de respect. Si nous ne procédons pas ainsi, nous n'agissons pas, à ma connaissance, conformément aux règles de la preuve, nous n'établissons pas, en toute déférence envers les médias, ce qui a réellement eu lieu.
M. Joseph Maingot: C'est comme je le disais tout à l'heure: la façon traditionnelle de procéder, c'est de demander à la personne même de se justifier et d'expliquer les propos cités qu'on lui attribue.
M. Rey Pagtakhan: D'accord.
Quand j'examine alors cette déclaration et commence à porter un jugement, ce qui a été dit constituait-il une déclaration isolée, cette déclaration a-t-elle été répétée, sur une certaine période, à plusieurs journalistes? Ce facteur pourrait influencer ma décision. Cette déclaration a-t-elle été faite spontanément, dans le feu du débat sur une question particulière? Je devrais également tenir compte de ce facteur, à savoir le caractère, spontané ou non, de la déclaration, à savoir également si celle-ci a été immédiatement suivie d'excuses, sitôt que son auteur s'est rendu compte que cette déclaration risquait d'être traitée comme un outrage à la Chambre.
Est-ce que ce sont là certains éléments qu'il convient d'examiner? Je vous demande de me guider dans mon jugement, si je devais en porter un, sur la question dont nous sommes saisis en tant que Comité.
Le président: Monsieur Maingot, puis monsieur Michel Bellehumeur.
M. Joseph Maingot: Avant de prendre une décision vous devez tout prendre en compte, ce qui est juste et ce qui vous paraît pertinent pour prendre cette décision en tant que comité. C'est là ce que vous devez prendre en compte.
M. Rey Pagtakhan: Une dernière question, monsieur le président.
Le président: Très brièvement.
M. Rey Pagtakhan: Je dois le reconnaître—tant pour le compte rendu du comité que pour celui de la Chambre—que moi aussi j'ai brandi le drapeau, moi aussi j'ai chanté l'hymne national.
M. Stéphane Bergeron: Comment avez-vous pu faire cela?
M. Rey Pagtakhan: C'était une démonstration spontanée de patriotisme. En toute sincérité, je ne me rendais pas compte que cela risquait de troubler l'ordre de la Chambre. Ce n'est qu'après, quand l'enthousiasme est retombé, que je me suis rendu compte, hélas, que nous avions troublé les délibérations de la Chambre. C'est pourquoi j'étais heureux de voir l'intervention du Président.
J'ai cru de mon devoir de faire cette déclaration aux fins du compte rendu.
Le président: Je vous remercie.
Michel Bellehumeur.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: J'ai juste une petite remarque, monsieur le président. Ça me fait rire quand j'entends dire que c'était spontané, alors qu'on sait que ça faisait trois jours que les députés réformistes et libéraux traînaient leur petit drapeau et attendaient que Suzanne Tremblay se lève pour faire leur show. On prétend que c'était spontané, mais ça faisait trois jours qu'on orchestrait le tout.
M. Stéphane Bergeron: C'était spontanément orchestré.
M. Michel Bellehumeur: Monsieur Maingot, pour faire suite aux discussions des députés réformistes et libéraux, je me demande si ce n'est pas un facteur aggravant que de mettre cette affaire en délibéré. C'est une chose que de contester une décision qui a été rendue par le Président, de ne pas être d'accord, de tenter de s'expliquer, de dire qu'il n'a pas rendu la meilleure décision et qu'on va vivre avec cette décision. Mais c'en est une autre, quand cette question est mise en délibéré, que de faire à l'extérieur une provocation, une menace ou quoi que ce soit pour tenter d'intimider, de menacer et de faire changer d'idée le Président. Étant donné que c'est en délibéré, est-ce que ce n'est pas un facteur aggravant qu'on doit examiner?
M. Joseph Maingot: Je ne voudrais pas éviter de répondre à la question, mais cela fait partie des raisons pour lesquelles vous devez rendre une telle décision. Que l'on mette en délibéré la question ou que la décision ait déjà été prise, il y a des moyens de démontrer votre mécontentement, mais il faut respecter la décision du Président. Il y a des moyens, comme le disait M. Strahl. Que ce soit en délibéré ou non, c'est à vous de rendre une décision après avoir pris tout cela en considération et déterminé si c'est un facteur aggravant ou non.
M. Michel Bellehumeur: Il me semble que vous étiez plus précis et plus loquace en 1996, monsieur Maingot. Je ne sais pas, mais il me semble que vous étiez alors plus spontané. Je vais citer les propos que vous teniez le 16 mai 1996 au tout début de votre témoignage devant ce comité-ci au sujet de l'affaire Jacob:
-
Il est question en fait de l'autre aspect du privilège
parlementaire, c'est-à-dire du droit de la Chambre des
communes de déterminer si quelqu'un fait outrage à la
Chambre. Autrement dit, en langage familier, il faut
se demander s'il s'agit du genre d'activité à laquelle
un député ne devrait pas s'adonner parce qu'elle
constitue ou qu'elle tend à constituer un manque de
respect envers l'institution parlementaire, la Chambre
des communes.
À la lumière des propos que vous teniez le 16 mai, que dites-vous au sujet d'un député qui, sachant qu'une cause est présentement en délibéré, dit à l'extérieur de la Chambre que le Président n'a absolument aucun autre choix que celui de décider que le drapeau canadien et l'hymne national canadien ne sont pas inclus quand on parle d'accessoires? S'il en décide autrement, dit-on, je serai des plus offensés et je pense que nous devrons demander l'élection d'un nouveau président.
C'est une chose qu'un député a dite. Un autre disait que le Président n'était pas au-dessus du drapeau canadien et qu'il y aurait de graves conséquences s'il ne décidait pas en faveur du drapeau.
Un autre député affirmait: s'il décide que je ne peux pas le porter, ce drapeau, je le porterai malgré tout.
Monsieur Maingot, est-ce que ce sont des choses auxquelles un député devrait s'adonner? Est-ce que ça devrait devenir une pratique générale? Quand le Président délibère sur une question, est-il acceptable qu'on lui fasse des menaces et qu'on l'intimide à l'extérieur de la Chambre? Monsieur Maingot, à la lumière de la citation que je viens de faire, est-ce que cela constitue un manque de respect envers l'institution parlementaire qu'est la Chambre des communes? Est-ce qu'on devrait s'adonner à ce genre de commentaires? Est-ce qu'on manque ainsi de respect envers la Chambre?
M. Joseph Maingot: Je pourrais répéter ce que j'ai dit en 1997, mais je ne le ferai pas. J'aimerais simplement vous dire que c'est une question à laquelle il vous revient de répondre: qu'est-ce qui représente un outrage au Parlement? En tout cas, les propos rapportés dans le journal sont clairs et je peux moi aussi lire le journal. Ordinairement, on invite la personne à venir s'expliquer et on lui demande si c'est bien cela qu'elle voulait dire. Ce sont des circonstances que vous serez en mesure d'examiner et de questionner.
M. Michel Bellehumeur: Monsieur Maingot, vous êtes un expert. Vous en avez vu d'autres. Moi, ça ne fait pas longtemps que je suis les affaires du Parlement. Vous êtes un expert ayant acquis beaucoup d'expérience. Vous connaissez des précédents. Vous avez sûrement examiné et comparé ce qui se passe dans tous les pays du Commonwealth qui ont un peu les mêmes pratiques parlementaires que les nôtres. Je pense qu'à titre d'expert et de témoin, vous êtes ici pour nous aider dans l'évaluation de tout cela.
Monsieur Maingot, quand un député avoue avoir dit cela et qu'en plus, des députés répètent en Chambre ce qu'il avait dit au journaliste, et à la lumière des citations que je vous ai lues plus tôt, est-ce que cela constitue selon vous un manque de respect envers l'institution parlementaire qui s'appelle la Chambre des communes? À titre d'expert et de gars d'expérience, j'aimerais connaître votre point de vue. Selon vous, est-ce que cela constitue un manque de respect? Le député a avoué l'avoir dit et on peut déposer le hansard pour démontrer qu'il l'a répété en Chambre.
Le président: Monsieur Maingot et ensuite Stéphane Bergeron.
M. Michel Bellehumeur: C'est un expert. On a le droit de l'interroger.
M. Joseph Maingot: Il est certain qu'on pourrait fouiller dans les précédents dans tout le Commonwealth pour trouver quelque chose de semblable et trouver des cas où on a statué qu'il y avait outrage. Ce que vous faites, c'est me demander mon opinion. Mon rôle ici consiste à vous dire quel est votre pouvoir, ce que vous pouvez faire, et c'est à vous de le faire.
M. Stéphane Bergeron: Alors, vous ne voulez pas répondre à la question.
M. Joseph Maingot: Non, ce n'est pas ça. Je ne suis pas un député.
Le président: Stéphane Bergeron.
M. Stéphane Bergeron: Monsieur Maingot, je vous relis un passage relatif à l'affaire Jacob:
-
En outre, un acte peut constituer un outrage qu'il
soit commis à l'intérieur ou à l'extérieur du
Parlement.
L'ordre de renvoi que nous avons sous les yeux se lit comme suit:
-
Que des déclarations attribuées à certains députés,
publiées à la page 7 du cahier du 8 mars 1998 du Ottawa
Sun et pouvant mettre en cause l'intégrité de la
Chambre des communes et de son serviteur, le Président,
soient renvoyées dans les plus brefs délais au Comité
permanent de la procédure et des affaires de la
Chambre.
En vertu de ce renvoi, monsieur Maingot, est-ce que ce comité a le pouvoir de convoquer des députés qui, à la suite de ce qui a été strictement rapporté dans l'article du Ottawa Sun, ont déclaré la même chose ou, pire encore, l'ont dit à la Chambre des communes lorsque le débat a eu lieu? Est-ce que ce renvoi, par extension, nous autorise à convoquer ces députés qui ont tenu des propos analogues ou qui sont allés plus loin dans leurs déclarations à la Chambre au sujet de la même affaire?
Le président: Monsieur Maingot.
M. Joseph Maingot: Vous avez certainement l'autorité de les inviter à venir témoigner. On dit que l'article contient des déclarations menaçantes. Il faut se demander ce que sont des menaces, parce que leur définition peut varier selon les circonstances. Cela dépend des circonstances dans lesquelles on veut menacer quelqu'un et du caractère approprié ou non de l'intervention. Il faut agir dans un cadre correct et convenable. C'est ainsi qu'il faut aborder et étudier cette question.
Examinez toutes les circonstances, regardez ce que rapporte le journal, écoutez les explications du député. Il vous expliquera peut-être la même chose ou vous dira peut-être quelque chose de pire. C'est à vous de décider, comme membres du comité, ce que vous devez faire de cela. C'est à vous de décider.
M. Stéphane Bergeron: Je dois vous dire que lorsque je dis à quelqu'un qu'il fait mieux de faire telle chose, sinon..., eh bien, «sinon» peut vouloir dire plein de choses. Dans le cas qui nous intéresse, cela peut vouloir dire qu'on va lui casser les deux jambes ou cela peut vouloir dire qu'on va s'arranger pour qu'il perde sa job. Il est clair qu'on essayait d'influencer la décision du Président alors que l'affaire était en délibéré. Normalement, en droit, lorsque l'affaire est en délibéré, elle ne doit pas faire l'objet de déclarations publiques. Alors, dans ce cas-là, on a évidemment contrevenu à ce principe.
Cela dit, j'aimerais revenir à votre réponse. Si je vous ai bien suivi, vous nous dites qu'en vertu de l'ordre de renvoi que nous avons, par extension, nous pouvons convoquer à comparaître, et je dis bien comparaître, devant ce comité des députés qui auraient fait des déclarations analogues ou encore pires sur le même sujet à l'extérieur de cet article de journal, c'est-à-dire des déclarations qui ne sont pas contenues dans l'article du journal, mais qui sont contenues, par exemple, dans le Journal des débats.
Le président: Monsieur Maingot.
M. Joseph Maingot: Comme je le disais, un comité qui reçoit un ordre de renvoi pour examiner ce qui est écrit dans le journal va habituellement demander à la personne qui est citée de venir comparaître devant le comité et d'expliquer ce qu'elle a dit et pourquoi.
M. Stéphane Bergeron: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Maingot, mais je vous parle d'un autre député qui, dans le cadre du débat sur cet ordre de renvoi, se serait levé à la Chambre des communes et aurait dit qu'il était tout à fait d'accord sur ce que ses collègues avaient dit au Ottawa Sun et qu'il pensait lui aussi que si le Président rendait une décision allant à l'encontre du drapeau canadien, ce serait son droit le plus légitime que de remettre en question la présidence. Pouvons-nous convoquer à comparaître devant ce comité un député dont le nom n'a pas été cité dans le Ottawa Sun, en vertu de l'ordre de renvoi que nous avons ici, par extension, pour qu'il puisse expliquer ses propos et nous permettre éventuellement de déterminer si ce qu'il a dit constitue un outrage à la Chambre?
M. Joseph Maingot: Si ce n'est pas précisé dans votre ordre de renvoi, ça n'en fait pas partie. L'ordre de renvoi précise les déclarations attribuées à certains députés dans l'article du journal. On n'y mentionne pas le nom de M. Schmidt d'ailleurs.
M. Stéphane Bergeron: Là, vous vous contredisez, monsieur Maingot. Dans votre réponse à la première question que je vous ai posée, vous m'avez dit que le comité avait le pouvoir de convoquer tous les députés qui ont posé un geste qui pourrait constituer un outrage à la Chambre dans cette affaire-là.
M. Joseph Maingot: Si j'ai dit cela, j'ai erré.
M. Stéphane Bergeron: Vous avez erré.
M. Joseph Maingot: J'ai erré. Il est évident que selon la pratique, un comité ne peut aller plus loin que l'ordre de renvoi qu'a adopté la Chambre, malgré le fait que c'est vous qui allez interpréter l'ordre de renvoi. Mais dans ce cas-ci, vous avez les noms des personnes et on demande habituellement seulement à ces personnes de venir témoigner.
[Traduction]
Le président: La parole est à Chuck Strahl.
M. Chuck Strahl: J'ai deux ou trois observations à faire.
Dans la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne il est dit, au paragraphe 3 de l'article 31: «Les déclarations faites en dehors de la Chambre par un député ne sauraient non plus motiver une question de privilège». Voilà qui est fort intéressant, de même que l'article 69, d'après lequel le Président a rappelé à la Chambre la distinction suivante: «Je signale qu'une réflexion peut être troublante, désagréable, voire choquante, mais qu'il ne peut y avoir matière à question de privilège que si elle empêche les députés de faire leur travail convenablement.» Je crois que c'est ce que vous avez dit, à savoir qu'il n'y a matière à question de privilège que si une réflexion empêche effectivement quelqu'un de faire quelque chose.
La dernière observation que je voulais faire, c'est qu'il est intéressant que dans les cas que vous avez mentionnés dans lesquels le Président était menacé par des gens qui étaient attroupés autour de lui et secouaient le poing, comme en 1956, aucune mesure n'a été prise à l'encontre de ces députés. Les gens se sont emparés de la masse, et rien n'est arrivé. Mais voilà que quelqu'un fait un commentaire reproduit dans un journal, et nous sommes réunis en comité, à essayer de prendre une décision.
Ma dernière vraie question porte sur l'article 71 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne. Au cours du débat sur le pipeline, le Président a décidé que bien des articles sur ses actions avaient été publiés dans le journal et avaient été portés à son attention, «il est impossible, si nous voulons envisager sainement la liberté de la presse, de considérer ces deux articles comme des atteintes à nos privilèges.» Autrement dit, la presse faisait des commentaires, c'était là sa fonction.
Je me demande donc s'il est possible qu'une personne quelconque—pas simplement les membres du Parlement—puisse être convoquée devant ce comité pour quelque chose qui a été publié dans un journal. Est-ce possible? Cette question a déjà été examinée. Il y a une quantité de lettres actuellement adressées à l'éditeur dans lesquelles on commente, pour ou contre, la décision du Président. Existe-t-il une règle d'après laquelle, si quelqu'un déclare «Je désapprouve la décision du Président», cette personne peut être convoquée devant notre comité?
M. Joseph Maingot: Cette personne pourrait être convoquée devant la Chambre, et ce serait au Président de décider s'il s'agit vraiment d'une atteinte au privilège. Si la Chambre y consent alors, la personne pourrait être convoquée devant le Comité.
Le président: Chers collègues, je voudrais remercier M. Maingot de sa patience. Cette séance a été fort utile pour déterminer les grandes lignes de nos délibérations.
Ce sujet devrait maintenant être traité en séance du comité directeur, mais je voudrais demander aux membres de conserver, pour la semaine prochaine, le calendrier habituel, à savoir 11 h le mardi et 11 h le jeudi; ces séances seront consacrées soit à ce sujet, soit à la Loi électorale du Canada.
Monsieur Maingot, nous vous remercions de tout coeur.
La séance est levée.