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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 mars 1999

• 1228

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte. Avant de passer à l'ordre du jour, je vous rappelle que, à 16 heures aujourd'hui, nous avons une autre réunion dans la même salle avec une délégation de parlementaires en visite chez nous qui étudient la télédiffusion des délibérations de la Chambre des communes et, je suppose, de ses comités. Je vous serais reconnaissant de vous efforcer d'être à l'heure. Je le répète, je pense que c'est l'occasion rêvée d'amener deux ou trois autres députés de chaque parti. Nous aurons bien évidemment les services d'interprétation. Toutefois, il ne s'agit pas d'une réunion du comité, de sorte que ce sera plutôt une discussion et une rencontre amicale. Si vous avez des collègues qui s'intéressent au fonctionnement du Parlement, je vous demande instamment de les inviter à cette réunion, qui aura lieu à 16 heures aujourd'hui.

L'ordre du jour consiste dans les ordres de renvoi de la Chambre des communes du mercredi 17 février 1999 et du jeudi 18 février 1999 concernant M. Pankiw, député de Saskatoon—Humboldt, qui a été malmené, et concernant l'incident causé par les piquets de grève établis pour interdire l'accès aux édifices de la Cité parlementaire.

• 1230

Nos témoins d'aujourd'hui sont Nycole Turmel, vice-présidente exécutive de l'Alliance de la fonction publique du Canada; Stephen Jelly, adjoint au comité exécutif de l'alliance, et Sarah Bélanger, adjointe exécutive au bureau de la vice-présidente.

Nous souhaitons la bienvenue aux témoins et les remercions de leur présence. Encore une fois, je vous prie d'excuser ce léger retard. Sauf erreur, nous vous avons fait parvenir la transcription des réunions précédentes. Comme vous le savez, les deux députés dont les noms figurent dans ces ordres de renvoi ont comparu hier devant notre comité, et je pense que vous êtes au courant de ce qui s'est passé à ce moment-là.

Tous les membres du comité ont-ils un exemplaire du document que j'ai en main? Tout le monde a le texte du mémoire.

À vous de jouer. Allez-vous commencer, Nycole? À vous de voir comment vous voulez procéder.

[Français]

Mme Nycole Turmel (vice-présidente exécutive nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada): Je ferai la présentation et je demanderai à mes collègues Sarah Bélanger et Stephen Jelly de se joindre à moi pour répondre à vos questions.

J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître ici aujourd'hui dans le cadre de l'examen de l'allégation selon laquelle l'alliance et/ou ses membres, ses dirigeantes et dirigeants et son personnel ont porté atteinte au privilège d'un député de la Chambre des communes lors du déroulement d'une ligne de piquetage dressée le 17 février 1999.

Comme vous vous en doutez bien, l'alliance a pris cette allégation au sérieux. Nous tenons à nous assurer que notre position concernant les allégations particulières et les questions générales de privilège soient bien comprises et connues publiquement. Vu le peu de temps dont nous disposons et la gravité des questions à l'étude, il ne convient pas, à mon avis, que le résumé de notre exposé officiel et l'interrogatoire qui suivra soient seuls connus. Par conséquent, je tiens à obtenir l'assurance que le mémoire de l'alliance présenté à votre comité sera imprimé et distribué sous forme d'annexe, soit au procès-verbal, soit comme preuve à l'appui des travaux d'aujourd'hui. Je tiens à avoir cette assurance avant de continuer. Vous n'y voyez aucun problème? Merci.

Dans son mémoire, l'alliance soutient que de nombreuses questions portées à l'attention de votre comité sont de nature juridique, mais que la procédure est intrinsèquement politique. Par conséquent, bien que la procédure puisse bien aboutir à la prise de sanctions contre l'alliance et/ou ses dirigeantes et dirigeants, ses membres et son personnel, nous avons été et nous sommes privés du droit à l'impartialité de la procédure et à la justice naturelle. Plus précisément, bien que nous soyons essentiellement un «intimé» dans cette plainte, ni les personnes qui auraient bel et bien commis une infraction ni la nature de cette infraction n'ont été précisées clairement.

[Traduction]

Ajoutez à cela les faits suivants. Nous n'avons pas été informés officiellement, avant le début des délibérations, de l'accusation ou des accusations précises portées à notre égard; nous n'avons pas eu la possibilité de contre-interroger les témoins que vous avez convoqués ou que vous convoquerez vraisemblablement dans l'avenir; et nous ignorons si les accusations ont fait l'objet d'une enquête appropriée ou si des témoins ont été interrogés comme il se doit. Nous ignorons également s'il nous faut satisfaire au critère prévu au pénal, c'est-à-dire «hors de tout doute raisonnable», ou au critère de «l'équilibre des probabilités» prévu au civil, pour nous défendre contre les allégations portées contre nous.

Par conséquent, et on nous corrigera si nous nous trompons, nous avons l'impression d'avoir été convoqués à témoigner devant un comité de la Chambre qui fait office de tribunal sans avoir eu l'occasion auparavant de nous défendre contre les accusations dont nous faisons l'objet. Dans ce tribunal, le comité exerce les fonctions de juge, de jury et de procureur, tandis que la défense est assujettie à des limites tout à fait injustes. Bref, le processus suivi est fondamentalement lacunaire. On nous a refusé l'exigence minimale de la procédure équitable et de la justice naturelle.

Il y a lieu de rappeler que toutes ces restrictions vont à l'encontre de la Charte et de la déclaration des droits. Compte tenu de ce qui précède, nous sommes intimement convaincus qu'il faut mettre fin sur-le-champ au processus qui a été entamé.

• 1235

Au cas où vous décideriez d'aller de l'avant, l'alliance va présenter sa version des faits devant le comité, mais elle le fait sous toutes réserves. Nous vous demandons instamment de revenir sur votre position et de modifier la façon de procéder, pour nous donner la possibilité de nous défendre adéquatement, par le truchement d'un avocat, contre les graves allégations qui ont été portées contre l'alliance et ses dirigeants, ses membres et son personnel.

[Français]

Voici la principale question sur laquelle le comité doit se pencher: est-ce que toutes les parties suivantes ou l'une de ces parties, soit l'Alliance de la Fonction publique du Canada, son président national, Daryl Bean, des membres ou du personnel de l'alliance ont entravé ou agressé un ou des députés en leur interdisant l'accès à la Cité parlementaire et, de ce fait, pourrait-on les déclarer coupables d'outrage au Parlement?

Pour un certain nombre de raisons que je vais exposer plus loin, nous répondons à cette question par un non retentissant. Cependant, avant que je m'engage dans cette voie, permettez-moi de prendre quelques instants pour parler brièvement de la nature de la ligne de piquetage qui a été établie le 17 février 1999 et des personnes responsables de son établissement.

Premièrement, nous aimerions préciser que les membres de l'alliance qui étaient et qui sont encore en grève contre leur employeur, le gouvernement du Canada, ont effectivement fait du piquetage devant des immeubles réputés faire partie de la Cité parlementaire le 17 février dernier.

Deuxièmement, même si les lignes de piquetage en question étaient surveillées par des policières et policiers, ils n'ont pris aucune mesure contre les membres de l'alliance. Nous supposons donc qu'aucune infraction à la loi n'a été commise à leurs yeux. On peut penser que si une agression avait été commise, comme le laisse entendre le député de Saskatoon—Humboldt, des accusations auraient été portées et que les membres de l'alliance en cause auraient par conséquent eu la possibilité de se défendre dans le cadre d'une instance judiciaire.

Troisièmement, ni le président national de l'alliance, Daryl Bean, ni moi n'avons été informés directement de la décision des membres de l'alliance, qui étaient à ce moment en grève contre le gouvernement du Canada et qui le sont encore, de dresser une ligne de piquetage à un endroit réputé faire partie des alentours de la Chambre des communes le 17 février 1999. Cependant, les responsables de la structure de grève officielle de l'alliance étaient au courant. En conséquence, le comité peut considérer que cette activité de grève avait reçu la sanction officielle de l'alliance et de son exécutif national.

Quatrièmement, le 17 février 1999, les lignes de piquetage étaient situées devant des édifices où travaillent des membres de l'alliance à l'emploi du gouvernement fédéral qui étaient en droit de déclarer une grève et qui étaient dans les faits en grève. Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez entendu, la ligne de piquetage n'en était pas une d'information ni de nature secondaire.

Cinquièmement, il n'est pas légalement interdit de faire du piquetage devant les immeubles abritant les députés. Bien que les employés du Parlement n'aient pas le droit de faire une grève en vertu de la Loi sur les relations de travail du Parlement, il ne leur est pas interdit d'établir des lignes de piquetage d'information, comme on l'a faussement fait valoir devant le comité.

Sixièmement, des députés ont effectivement émis divers commentaires par rapport à des événements survenus sur la ligne de piquetage. Ainsi, un député a bel et bien déclaré que des piqueteurs l'avaient agressé, mais d'autres députés ont indiqué à la Chambre qu'ils n'avaient eu aucune difficulté avec les mêmes piqueteurs et que, après s'être identifiés et avoir discuté avec certaines grévistes ou des chefs de piquet, ils avaient traversé les piquets ou non, selon leur choix. Nous devons dire que nous avons apprécié cette approche et nous les en remercions par l'entremise de votre comité.

[Traduction]

Ces six points étant clairement énoncés, j'aimerais maintenant aborder les deux questions posées: premièrement, des membres en grève de l'AFPC ont-ils agressé un député et l'ont-ils empêché d'exercer ses responsabilités le 17 février? Deuxièmement, d'autres députés ont-ils été entravés par des policiers ou, indirectement, par les piqueteurs de l'AFPC? Même si un député a déclaré en public avoir été agressé par des membres de l'AFPC, lesquels l'auraient empêché d'accéder à son bureau lors des piquets de grève du 17 février 1999, son allégation n'a pas été corroborée par les agissements des policiers qui se trouvaient sur les lieux ni par les témoins de l'événement auxquels l'alliance a eu l'occasion de parler.

• 1240

Qui plus est, au lieu de corroborer cette allégation, les déclarations faites par d'autres députés qui ont eu affaire aux mêmes piquets de grève et ont subi—selon leurs propres dires—un traitement très différent de la part des grévistes de l'alliance, démontrent que les piqueteurs de l'Alliance avaient très bien compris qu'ils devaient laisser passer les députés et qu'ils se sont conformés à cette directive.

Étant donné qu'aucun membre de l'AFPC n'a été identifié comme étant l'agresseur du député en cause, et qu'aucune accusation d'agression—ni d'autre accusation criminelle en l'occurrence—n'a été portée contre un membre de l'AFPC, en rapport avec les événements survenus lors du piquet de grève légale du 17 février 1999, l'alliance tient pour acquis qu'aucune agression n'a eu lieu et prie le comité de tirer la même conclusion.

Même si l'on a affirmé que les policiers avaient empêché les députés d'entrer dans les édifices, nous ne sommes pas en mesure de répondre directement à cette allégation, et nous estimons que le comité devrait poser directement la question aux représentants des forces de police régionales d'Ottawa-Carleton.

Cela dit, nous le répétons, il incombait aux députés de s'identifier auprès des policiers ou des chefs de piquet de l'AFPC, et ils avaient parfaitement le droit d'accéder sans entrave à leurs bureaux.

Il a également été prétendu que les piquets de grève avaient empêché les députés d'accéder à leurs bureaux parce que «les autobus qui transportaient les gens sur la colline du parlement ne traversaient pas les piquets de grève sur la route». Étant donné que ces autobus ne transportent pas uniquement des députés, on peut supposer que les piqueteurs de l'alliance ont essayé de retarder les autobus jusqu'à ce qu'ils soient sûrs qu'il ne s'y trouvait que les députés jouissant d'un droit d'accès libre à leurs bureaux, sans égard aux piquets de grève légale. Cela a peut-être suscité quelques inconvénients pour certains députés, mais on peut difficilement parler d'outrage au Parlement.

Avant de conclure, j'aimerais pendant quelques instants aborder deux autres questions concernant le privilège parlementaire sur lesquelles se penche votre comité.

[Français]

La deuxième question portée à l'attention du comité concerne la nécessité d'étendre la définition de la Cité parlementaire et le privilège parlementaire aux personnes qui sont à l'emploi des députés.

Dès le début, j'aimerais que la position de l'alliance soit claire: nous sommes d'avis que la considération du privilège en général n'est pas appropriée dans le contexte chargé qui découle des allégations avancées contre l'alliance. Cela étant dit, si le comité poursuivait sa lancée, l'alliance répondrait par la négative à la définition étendue de la Cité parlementaire ainsi qu'aux lignes directrices qui empêcheraient la répétition d'activités telles que les lignes de piquetage du 17 février dernier. Nous allons même plus loin en affirmant que le privilège existant est archaïque et doit être considérablement diminué.

Il est indéniable que la Cité parlementaire s'est étendue et que les députés partagent ce territoire avec d'autres organismes que le Parlement. Cette cohabitation a provoqué et continuera de provoquer des situations où les députés doivent aborder des lignes de piquetage qui sont causes d'inconvénients. Or, et c'est un argument de taille, ces inconvénients ne sont pas plus importants que ceux auxquels ferait face un député aux prises avec un conflit de travail à l'extérieur de la Cité parlementaire.

L'extension du privilège parlementaire au personnel des députés est une notion tout aussi incongrue. Quand ce privilège a été pour la première fois soumis au débat à la Chambre des communes le 17 février 1999, un député a tenu les propos suivants:

    Encore une fois, j'ai été incapable de faire mon travail parce que mon personnel s'est vu refuser l'accès à mon bureau. Le fait d'empêcher mon personnel de m'accompagner est une très grave atteinte à mes privilèges.

Néanmoins, d'après le témoignage entendu par votre comité, il semble que ce privilège ne s'étendait pas au personnel des députés, puisque la Chambre n'en a pas besoin pour exercer son privilège.

L'alliance soutient vigoureusement que le privilège parlementaire, plutôt que d'être étendu, devrait être aboli parce qu'il peut aller et, dans le présent cas, va à l'encontre de la libre expression des concepts de l'équité de la procédure et de la justice naturelle.

• 1245

L'alliance, ses dirigeantes et dirigeants, son personnel et ses membres siègent au banc des accusés aux audiences du comité alors qu'aucune identification n'a été faite malgré des allégations de violation du privilège et d'outrage au Parlement, ce qui est contraire à notre droit en vertu de la Charte et de la Déclaration des droits.

De notre point de vue, si la Chambre peut régir ses affaires internes sans l'intervention des tribunaux, elle ne devrait pas avoir et elle n'a pas ce droit en ce qui a trait aux activités qui ne concernent pas les délibérations de la législature. Cet élément est d'une importance particulière quand la liberté d'une ou de plusieurs personnes est ou peut être entravée par l'exercice du privilège parlementaire.

Autrement dit, la Chambre est probablement justifiée de continuer d'appliquer un privilège séculaire visant à discipliner ses propres membres, mais elle ne devrait plus, dans une société moderne, avoir le droit d'entreprendre des procédures internes contre des personnes ou des organismes autrement que par le biais des tribunaux à l'égard de la Charte et de la Déclaration des droits.

[Traduction]

Enfin, j'aimerais faire quelques observations au sujet du juste équilibre entre le droit de grève fondamental et le privilège parlementaire, questions dont les membres du comité ont longuement discuté. Il semble, à la lecture de votre compte rendu, que bon nombre des membres du comité comprennent parfaitement que le privilège parlementaire va à l'encontre de certains droits, notamment la liberté d'expression et la liberté d'association. Par conséquent, bon nombre d'entre vous semblaient craindre que l'exercice de ce privilège n'entraîne la violation d'autres droits.

Même si l'alliance se réjouit d'entendre de tels propos, nous ne croyons pas qu'il soit justifié de restreindre le droit de dresser des piquets de grève devant les édifices de la Cité parlementaire. Pour être clair, une fois qu'il est établi, comme cela devrait l'être, que la grève de l'alliance est légale et que les membres de l'AFPC peuvent dresser des piquets devant des édifices généralement considérés comme appartenant à la Cité parlementaire, l'affaire devrait être close. Il s'avérera impossible de réaliser un équilibre plus juste que celui qui existe déjà entre le privilège parlementaire et les droits des travailleurs de faire grève et de dresser des piquets devant les édifices de la Cité parlementaire.

En outre, le Parlement a des moyens de recours s'il estime qu'il existe des preuves qu'un piquet de grève recourt à la violence. À l'instar de tout autre organisme qui estime qu'un piquet de grève lui fait beaucoup de tort, la Chambre des communes a le droit d'intenter une action en justice dans le but d'obtenir une injonction, soit pour empêcher le piquet de grève, soit pour en restreindre les activités.

Pour ces raisons et bien d'autres, l'AFPC estime que le comité doit résister à la tentation d'étendre le privilège accordé aux députés ou d'établir des lignes directrices officielles visant à empêcher l'établissement de piquets de grève à l'extérieur des immeubles qui font partie de ce qu'on appelle communément la Cité parlementaire. S'il faut adopter des lignes directrices, celles-ci devront porter exclusivement sur ce que doivent faire les députés lorsqu'ils sont confrontés à un piquet de grève. Par exemple, elles devraient stipuler clairement qu'il incombe aux députés de s'identifier auprès des piqueteurs et qu'ils ont le droit, conformément au privilège parlementaire, de franchir le piquet de grève.

En conséquence, encore une fois, nous exhortons le comité et la Chambre à mettre fin à ce processus en rapport avec les allégations précises portées contre l'alliance, ses dirigeants, ses membres et son personnel, et en ce qui a trait à l'élargissement du privilège parlementaire. Merci beaucoup.

Le président: Merci de votre exposé, Nycole. Je vous remercie encore une fois de votre présence. Avant de donner la parole aux députés qui sont sur ma liste, j'aimerais faire deux observations relativement à la nature de notre comité.

Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une procédure judiciaire, et je l'ai dit et répété à maintes reprises. Il s'agit des délibérations d'un comité parlementaire. Vous n'avez pas été assignés à comparaître, vous êtes venus en réponse à la demande que vous avez formulée dans une lettre. Nous avons simplement répondu à votre demande. J'ai remarqué que, dans votre lettre, vous demandiez à comparaître, vous avez parlé de la possibilité de contre-interroger les témoins, et autres choses du même genre, mais comme il ne s'agit pas d'une enquête judiciaire, les témoins qui comparaissent devant nous n'ont pas le droit de contre-interroger les autres témoins, etc. Il importe que vous le sachiez. Les témoins sont ici pour répondre aux questions des membres du comité.

• 1250

Nous vous avons fait part de ce que vous appelez les «chefs d'accusation». Ils ont été publiés dans le hansard. Notre ordre de renvoi est celui que vous avez vu dans le compte rendu et nous étudions actuellement les deux ordres de renvoi qui sont à l'ordre du jour. Vous avez sans doute constaté que même si les témoins sont ici pour répondre à nos questions, nous établissons un dialogue. Nous essayons de faire avancer les choses dans le cadre de cette enquête.

Le comité n'est pas tenu par les règles de la preuve ou les règles de procédure qui s'appliquent à une procédure judiciaire. C'est la réalité, et non le fruit de notre imagination. S'il en est ainsi, et s'il ne s'agit pas d'une procédure judiciaire, c'est entre autres parce que nous n'avons pas le droit ni le pouvoir d'imposer des sanctions. Notre pouvoir est de produire un rapport. Ce dernier pourra renfermer des recommandations à la Chambre des communes, laquelle y donnera suite.

Nous nous concentrons sur ces deux ordres de renvoi en particulier. Je déduis de votre témoignage que vous avez lu le compte rendu des délibérations. Notre rôle n'est pas, ni aujourd'hui ni lors des réunions précédentes, de nous lancer dans une chasse aux sorcières ou autres. Dans le cadre de notre étude, nous avons mis l'accent sur les mesures à prendre pour améliorer les choses à l'avenir. Mes collègues, comme toujours, peuvent me rappeler à l'ordre. Toutefois, Nycole, voilà le genre d'enquête que nous menons, et j'ai jugé bon de vous en informer.

Soit dit en passant, j'ai écouté très attentivement vos remarques et j'ai examiné les documents que vous nous avez remis. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Oui, j'aimerais faire des commentaires à ce sujet. Nous avons effectivement demandé à comparaître devant votre comité compte tenu de la gravité de l'accusation et du risque d'emprisonnement dans le cas où on reconnaîtrait qu'il y a eu outrage au tribunal. Nous croyons que cela fait partie de nos responsabilités en tant que représentants des membres de l'alliance. Même si votre comité ne faisait que formuler une recommandation, nous avons le droit d'expliquer notre point de vue sur ce sujet.

[Traduction]

Le président: Bien sûr, et c'est la raison de votre comparution.

J'ai sur ma liste Chuck Strahl, Gar Knutson, Marlene Catterall, George Baker, et ensuite Stéphane Bergeron...

M. Stephen Jelly (adjoint au comité exécutif, Alliance de la Fonction publique du Canada): Veuillez m'excuser; j'aimerais faire une observation au sujet de votre introduction, en disant que nous avons lu la plupart des témoignages reçus par votre comité, mais nous n'avons pas eu le temps de lire ceux d'hier. D'après ce que nous avons lu, il n'y a eu pratiquement aucune mention faite de la Charte des droits et libertés dans le cadre de vos délibérations jusqu'ici.

Vous examinez le privilège parlementaire, une tradition et un usage séculaires, et, à notre avis, si vous le faisiez dans le contexte de la Charte des droits et libertés, la procédure que vous qualifiez de parlementaire plutôt que judiciaire serait fondamentalement modifiée. Aux termes de la Charte des droits et libertés, de la déclaration des droits, etc., si une allégation entraîne des sanctions punitives comme une peine de prison, nous devons avoir le droit à un juste procès.

À notre avis, le processus suivi n'est pas conforme à l'application régulière de la loi et ne nous donne pas une juste possibilité de nous faire entendre. Nous sommes toutefois tenus de participer au processus, et nous comprenons parfaitement que la procédure... Nous n'approuvons pas la façon de procéder.

Le président: Merci de cette précision, Stephen. Vos observations sont désormais consignées dans notre compte rendu.

Chuck Strahl, suivi de Gar Knutson.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Merci, et je remercie les témoins de leur présence.

Je voulais faire une remarque au sujet de la citation à comparaître. J'espère que ce n'est pas ce que vous avez reçu pour venir témoigner devant le comité. J'espère que c'est une chose que vous vouliez faire et que vous êtes venus ici pour nous aider dans notre étude.

Je dois dire que votre mémoire est exhaustif. Étant donné le peu de temps que vous avez eu pour le préparer, il renferme d'excellents arguments. Vous avez eu l'avantage de lire certains témoignages antérieurs et vous avez pu y répondre. Ce sera d'une utilité précieuse pour le comité. Je ne dis pas que j'approuve tout ce que vous dites... Je n'ai pas eu l'occasion de l'examiner en détail, mais on dirait que vous répondez à bon nombre des questions qui ont été soulevées plus tôt, et je vous en félicite.

J'ai deux choses à dire. Dans le cadre de son témoignage d'hier, M. Pankiw, l'un des députés qui ont saisi la Chambre de cette accusation au départ, a déclaré ceci:

    Tout d'abord, je ne parle pas précisément des piquets de grève. Je parle d'un barrage dressé devant un édifice parlementaire et qui empêche un député d'avoir accès à l'immeuble.

Puis il ajoute, en réponse à une question de M. Solomon: «Je m'inquiète... tout autant pour vous que... pour moi», et il parle de la question générale de l'accessibilité.

Le comité essaie de déterminer le juste équilibre entre le droit d'un syndicat de dresser des piquets de grève, de manifester calmement, et toutes les activités qu'un syndicat a et devrait avoir le droit de faire au Canada, et cet ancien privilège parlementaire—qui est toujours en vigueur, malgré l'adoption de la Charte—en vertu duquel les députés ont le droit d'avoir accès sans entrave à leur lieu de travail.

• 1255

L'une des questions que j'aimerais vous poser, pour mieux comprendre la situation, est la suivante. À votre avis, y a-t-il des immeubles, comme l'édifice du Centre, qui sont hors limite, ou l'édifice du Centre est-il un autre édifice parlementaire dont vous pourriez éventuellement bloquer l'accès en imposant les mêmes limites—laisser passer les députés, mais personne d'autre—la prochaine fois que vous voudrez faire avancer votre cause en dressant un piquet de grève? À votre avis, l'édifice du Centre et la Chambre des communes sont-ils simplement d'autres immeubles de la Cité parlementaire?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Oui, nous considérons qu'il est possible de dresser une ligne de piquetage devant tout édifice du Parlement. Par contre, je voudrais réitérer que nous n'empêchons pas les parlementaires d'entrer dans les édifices. Nous leur demandons de s'identifier et lorsqu'ils nous ont démontré qu'ils sont bel et bien des parlementaires, nous ouvrons la ligne de piquetage.

Je voudrais aussi soulever le fait que de nombreuses manifestations se déroulent ici, au Parlement, devant l'édifice du Centre. Certaines ont rassemblé beaucoup plus de manifestants et vous ont peut-être empêchés d'entrer dans les édifices parlementaires. Vous avez peut-être préféré ne pas franchir la ligne qu'ils formaient. Des événements semblables se sont produits auparavant.

[Traduction]

M. Chuck Strahl: Très bien. Il en a été question lors des témoignages également. Quelle que soit la décision, personne n'a laissé entendre que les manifestations doivent être limitées sur la colline. La plupart d'entre nous regardent avec plaisir les gens qui manifestent sur les pelouses du Parlement. Cela nous confirme l'existence de la liberté d'expression et du droit de manifester.

M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Chalottenburgh, Lib.): Cela vaut pour l'opposition.

M. Chuck Strahl: C'est très réconfortant de constater que les manifestations sont possibles.

Il est ressorti des témoignages reçus jusqu'ici que le Parlement devrait être considéré comme l'équivalent d'un tribunal devant lequel les piquets de grève sont interdits. On nous a dit qu'il est impossible de limiter l'accès à un tribunal, ou même de dresser des piquets de grève, parce que c'est trop intimidant. Les gens n'aiment pas franchir un piquet de grève, de sorte que les tribunaux les interdisent devant leurs édifices, car les procédures judiciaires doivent avoir lieu avec tous les témoins, les employés, etc.

Que pensez-vous de l'idée de considérer le Parlement comme un tribunal? Vous pouvez faire une manifestation, mais vous ne pouvez pas dresser de piquets de grève parce que c'est un barrage, mais c'est aussi une barrière psychologique très forte.

[Français]

Mme Nycole Turmel: Je commencerai à répondre à votre question et je demanderai à M. Jelly de compléter ma réponse.

Nous avons dit très clairement lors de notre présentation que si les parlementaires étaient dans l'impossibilité d'entrer dans les édifices du Parlement et de faire leur travail, et que le Parlement jugeait que cette entrave est si grave qu'il ne peut fonctionner, il aurait toujours la possibilité, comme tout autre employeur, de demander une injonction. Je vais demander à mon confrère de continuer à répondre à votre question.

[Traduction]

M. Stephen Jelly: C'est en fait la même partie. Le témoignage que vous avez reçu au sujet des piquets de grève qui ne sont pas autorisés devant un tribunal n'est pas tout à fait exact. Il n'existe aucune interdiction permanente de piqueter à l'extérieur d'un tribunal. Dans le cas qui a été mentionné, on a demandé et obtenu une injonction. La Chambre des communes a le même droit.

Nous pourrions conjecturer sur ce qui se passerait si la Chambre des communes comparaissait devant un tribunal et demandait qu'on interdise les piquets de grève devant les portes de l'édifice du Centre, mais vous en avez le droit. Vous pouvez demander cette injonction dans le cadre d'un événement précis comme celui du 17, ou vous pouvez essayer de l'obtenir pour une plus longue période que cela.

Le tribunal évaluera la demande en fonction des normes qu'il applique toujours avant de délivrer une injonction, c'est-à-dire en fonction de ce qui fait le plus de tort: l'octroi ou le refus de l'injonction. Lorsqu'on vous a parlé des piquets de grève qui étaient interdits à l'extérieur d'un tribunal, il s'agissait d'un cas précis où une injonction avait été délivrée pour interdire le piquetage.

• 1300

M. Chuck Strahl: Tout cela me paraît très intéressant. C'est à ce titre que vos remarques peuvent nous être utiles. Elles sont très instructives. Manifestement, il nous faudra vérifier des témoignages que nous avons pris pour argent comptant lorsqu'on nous les a présentés.

J'ai une dernière remarque à faire. Les députés qui ont témoigné ont dit qu'un piquet de grève ou une barrière quelconque devant un bureau de circonscription devait laisser passer un député pour qu'il fasse son travail. Ils estiment que cela fait partie intégrante du privilège parlementaire. Autrement dit, il ne faut pas que ce droit se limite à l'enceinte de la Chambre des communes. Comme c'est souvent le cas dans un bureau de circonscription, quelqu'un fait un piquet de grève pour une raison quelconque en vue d'attirer l'attention sur sa cause. Ces députés estiment qu'ils devraient être autorisés à franchir le piquet de grève pour exercer leurs fonctions parlementaires. Cela vous paraît-il raisonnable?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Non. Comme nous l'indiquions lors de notre présentation, nous ne croyons pas qu'on devrait étendre le privilège parlementaire. Nous croyons plutôt qu'il ne devrait pouvoir être invoqué qu'à l'intérieur du Parlement, c'est tout.

Nous concédons que les bureaux de circonscription sont des lieux de travail situés dans la circonscription où un député a été élu. Mais il reste que le travail majeur du député s'effectue à l'intérieur du Parlement, et c'est dans ce sens-là qu'on ne peut accepter qu'on étende le privilège parlementaire. Je souris un peu lorsque je pense à certaines occupations que la plupart d'entre vous ont dû traverser. Il est toujours un peu plaisant de rencontrer les députés dans leurs lieux.

[Traduction]

Le président: Pour votre information, j'ai sur ma liste Gar Knutson, Marlene Catterall, George Baker, Stéphane Bergeron, John Solomon, Yvon Charbonneau et Gurmant Grewal. Je signale leurs noms parce que la liste est longue, et il nous faut avancer.

Gar Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Mes questions seront brèves.

Je tiens simplement à dire que je ne considère pas cet exercice comme un procès. Il ne fait aucun doute que nous ne respectons pas les règles de la justice naturelle. Il ne s'agit pas d'une audience, mais à la fin des délibérations nous présenterons un rapport.

J'aimerais poser des questions au sujet des événements survenus le jour en question et du litige. Ai-je raison de supposer—vous y faites continuellement allusion—que si un député s'était identifié, il aurait été autorisé à franchir le piquet de grève, car votre intention était d'empêcher les membres du grand public et le personnel des députés d'entrer dans les édifices?

[Français]

Mme Nycole Turmel: La question de privilège se limitait aux députés du Parlement. Aussitôt qu'un parlementaire se présentait et s'identifiait, il pouvait traverser la ligne de piquetage. D'ailleurs, c'est ce que plusieurs d'eux ont fait, tandis que d'autres ont marché avec les piqueteurs. À mon avis, il n'y a pas eu de problèmes.

Quant à savoir exactement ce qui s'est passé, je crois que c'est là la responsabilité des membres du comité. Vous voudrez peut-être convoquer d'autres témoins, mais nous présentons ici la position de l'ensemble des membres de l'alliance, lesquels revendiquent le droit à une ligne de piquetage.

[Traduction]

M. Gar Knutson: Je ne remets pas en cause le droit de dresser un piquet de grève. Je ne parle pas de droits, je parle tout simplement de ce qui s'est vraiment passé ce jour-là. Aviez-vous l'intention d'empêcher les membres du grand public et le personnel des députés d'entrer, par exemple, dans l'édifice de la Confédération? C'est une question simple et directe. Nous pourrions discuter des limites du privilège parlementaire. Je tiens simplement à le savoir, et vous pourriez peut-être répondre à cette question directement.

M. Stephen Jelly: Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, le piquet de grève est là pour perturber les activités de l'employeur. C'était l'objet du piquet de grève du 17 février.

M. Gar Knutson: Vous aviez donc l'intention d'empêcher les...

M. Stephen Jelly: J'y arrive.

M. Gar Knutson: Très bien.

M. Stephen Jelly: Quant à savoir si nous avions l'intention d'empêcher les gens, autres que les députés, d'accéder à leur lieu de travail, c'est une question à laquelle il est plus difficile de répondre. Tout d'abord, aucun d'entre nous n'était présent. Il est plus difficile d'y répondre dans la mesure...

M. Gar Knutson: Certains d'entre nous étaient présents.

M. Stephen Jelly: ...où ce n'est pas nécessairement le rôle légitime d'un piquet de grève. Nous n'étions pas là, de sorte qu'il nous est impossible de dire si cela s'est vraiment produit. Toutefois, il est évident qu'un piquet de grève retarde les gens. Cela les empêche d'avoir accès à leur lieu de travail à ce qu'on peut considérer comme l'heure habituelle. Il y a un rapport direct entre les piqueteurs et les policiers, en ce qui a trait au déroulement du piquet de grève, et il en a déjà été question lors de vos délibérations antérieures. Dans certains cas, on dit que les gens devront attendre environ cinq minutes—parfois dix—avant de pouvoir franchir le piquet de grève.

• 1305

Par ailleurs, bien des gens décident de ne pas traverser le piquet de grève, pour diverses raisons. L'une des raisons qui ont été soumises à votre comité, c'est que les gens se sentent intimidés par les grévistes et refusent de traverser les piquets. C'est un sentiment bien réel pour certains, et nous y faisons allusion dans notre mémoire. D'autres refusent de traverser par principe. Faute de connaître les détails concernant les gens qui se sont trouvés confrontés au piquet de grève et qui ne l'ont pas franchi, quelle qu'en soit la raison, il est très difficile de répondre de façon précise...

M. Gar Knutson: Ma question porte sur vos intentions. Je ne parle pas de l'état d'esprit...

M. Stephen Jelly: Très bien. J'ai répondu au sujet de l'intention.

M. Gar Knutson: Puis-je finir? Je vous ai laissé finir.

Ma question ne porte pas sur l'état d'esprit de mon personnel ou sur celui du travailleur de la cafétéria au huitième étage de l'édifice de la Confédération. Ma question est très simple et très directe. Aviez-vous l'intention d'empêcher les gens d'entrer dans l'édifice? Si un membre du grand public avait un rendez-vous avec son député, votre intention était-elle, non pas de lui remettre une brochure et de lui expliquer la situation, de le retarder de cinq minutes ou de participer avec lui à une discussion, mais bien de l'empêcher d'entrer dans l'édifice de la Confédération? La question est simple.

Une voix: L'édifice Wellington.

M. Gar Knutson: J'étais à l'édifice de la Confédération quand...

[Français]

Mme Nycole Turmel: Je vous répondrai encore une fois que le gouvernement, comme employeur, a les mêmes droits et est assujetti aux mêmes restrictions que tout autre employeur. L'objectif d'une ligne de piquetage est de retarder les activités. Il va donc sans dire qu'une ligne de piquetage a pour effet de causer des retards. Lors de notre présentation, nous avons fait allusion aux autobus. Il va aussi sans dire que les lignes de piquetage risquent d'intimider des personnes et de faire en sorte qu'elles demanderont peut-être l'aide des policiers pour les traverser. Les personnes ont le choix de ne pas les traverser ou de les traverser quand même. Enfin, les lignes de piquetage visent à ralentir le travail et à démontrer qu'on a un droit légal de grève.

[Traduction]

M. Gar Knutson: Pendant combien de temps vouliez-vous retenir les gens avant de les laisser entrer dans l'immeuble?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Il s'agit d'une grève rotative stratégique dont le Parlement était la cible cette journée-là. Le lendemain, elle visait un autre endroit. Si vous voulez savoir pendant combien de temps ils prévoyaient causer un retard ou ont effectivement causé un retard, vous devrez leur poser la question.

[Traduction]

Le président: Très brièvement, Gar.

M. Gar Knutson: Vous aviez donc bien l'intention de les retarder d'une journée.

Mme Nycole Turmel: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit...

M. Gar Knutson: Puis-je terminer?

Mme Nycole Turmel: Oui.

M. Gar Knutson: Si un membre du grand public s'était présenté à la porte, on lui aurait dit de revenir dans 10 minutes. On ne lui aurait pas dit de rester là. On n'aurait rien dit du tout. Les gens se seraient aperçus, en étant sur place, qu'il n'y avait plus de piquet de grève à cet endroit le lendemain, de sorte qu'ils pouvaient entrer sans le moindre obstacle, ou intimidation, ou autre terme que vous souhaitez utiliser.

Si ce n'était pas une journée, pourquoi ne nous dites-vous pas clairement, et officiellement, pendant combien de temps vous comptiez empêcher un membre du grand public d'avoir accès à son député?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Je vais répondre aussi clairement que tout à l'heure: je ne peux pas répondre à votre question tout simplement parce qu'on ne le sait pas. On sait que les piqueteurs sont là, mais on ignore s'ils prévoient rester en place pendant quatre heures, deux heures ou une demi-heure. Cela fait partie de leur stratégie. On détermine toujours cela au moment même où cela se produit.

[Traduction]

Le président: Très bien. Marlene Catterall, George Baker, et ensuite Stéphane Bergeron.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Nycole, je ne pense pas avoir eu à vous le dire auparavant, mais j'estime que les arguments entourant les articles 26 et 38 concernant le genre de piquet de grève utilisé sont pour le moins confus, et ne témoignent pas de la clarté d'esprit et d'expression à laquelle vous nous avez habitués.

J'ai des questions à vous poser. Vous dites qu'il s'agissait d'un piquet de grève, pas d'un piquet d'information ou d'un piquet secondaire. Dans ce cas, pour reprendre ce que vous et Steve avez dit, le but d'un tel piquet est d'interrompre les opérations de l'employeur.

La Chambre des communes, ce n'est pas le gouvernement du Canada; ce n'est pas l'employeur contre lequel vous piquetez. C'est pourquoi j'ai de la difficulté à suivre votre argumentation.

• 1310

Dans deux paragraphes, vous dites que les édifices devant lesquels se tenait le piquet étaient ceux des employés du gouvernement qui étaient en grève légale le 17 février. Il y avait des piquets devant l'immeuble de la Confédération, l'édifice de l'Ouest, l'édifice de l'Est et l'édifice du Centre. J'aimerais savoir quels employés du gouvernement fédéral travaillent dans ces édifices et lesquels étaient en grève ce jour-là, car, à ce que je sache, il n'y en avait pas, non plus que de grévistes.

[Français]

Mme Nycole Turmel: Nous représentons des membres qui travaillent au Parlement, qui relèvent principalement du ministère des Travaux publics et qui veillent à l'entretien des édifices. Le gouvernement est leur employeur et ils travaillent ici.

Mme Marlene Catterall: Le gouvernement est leur employeur, mais les édifices où ils travaillent n'appartiennent pas à leur employeur.

Mme Nycole Turmel: Mais les personnes qui veillent à l'entretien travaillent sur ces lieux. Il arrive souvent, lors d'un conflit de travail, qu'on identifie l'endroit où les personnes travaillent comme un endroit stratégique pour établir une ligne de piquetage.

[Traduction]

Mme Marlene Catterall: D'accord. Je suis désolée, mais je n'accepte pas votre argument selon lequel vous teniez un piquet sur la propriété et le lieu de travail de votre employeur, puisque la Chambre des communes n'est pas le gouvernement fédéral. C'est un peu comme si des membres des TUA faisaient la grève contre General Motors; ils ne pourraient tenir de piquet chez Ford Canada, sauf dans le cas d'un piquet secondaire ou d'information. Les employés ne pourraient pas non plus tenir de piquet chez les concessionnaires de General Motors, sauf un piquet secondaire ou d'information également.

Vous n'avez pas réussi à me convaincre du contraire. Si vous avez d'autres arguments, je suis prête à les entendre.

Puis-je aborder la question sous un autre angle? Qui doit assumer la responsabilité dans ce cas-ci? Il me semble que lorsqu'il y a une ligne de piquetage, les piqueteurs, le syndicat et plus particulièrement le chef de piquet doivent être au courant de ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire. Dans ce cas-ci, il était interdit d'empêcher les députés d'accomplir leurs fonctions parlementaires.

Les chefs de piquet en ont-ils été informés? Les piqueteurs étaient-ils au courant, d'après ce que vous savez?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Oui, les membres qui étaient sur la ligne de piquetage étaient au courant puisque cela fait partie de la formation qu'ils reçoivent. Ils savaient que les députés qui s'identifiaient devaient pouvoir traverser la ligne de piquetage.

[Traduction]

Mme Marlene Catterall: D'accord. Ils savaient qu'ils n'avaient pas le droit d'empêcher les députés de traverser la ligne de piquetage. Par conséquent, n'est-ce pas aux piqueteurs ou aux chefs de piquet qu'il incombe de déterminer si une personne qui souhaite traverser la ligne de piquetage est un député ou non?

M. Stephen Jelly: Pour répondre à votre question, permettez-moi de mentionner un autre cas que votre comité a étudié, je crois. Je ne suis pas certain de la date, mais c'était en 1980. La GRC avait empêché certains députés de se rendre à la Chambre des communes pendant une brève période, à des fins de sécurité, pendant qu'un dignitaire faisait son entrée. Si je me souviens bien du témoignage qui a été présenté à votre comité, il y avait dans ce cas-là le sergent d'armes ou d'autres fonctionnaires de la Chambre qui étaient à l'extérieur de l'édifice et qui indiquaient à la GRC qui était député, afin que ces personnes puissent traverser le barrage.

Il est possible que cette responsabilité incombe aux piqueteurs, mais il est très difficile pour eux d'identifier tous les députés à moins que ceux-ci ne s'identifient eux-mêmes ou ne le soient par quelqu'un d'autre.

Mme Marlene Catterall: Mais ont-ils au moins posé la question?

Je sais que vous voulez que les choses bougent, monsieur le président; ce sera donc ma dernière question.

Le président: Soyez brève.

M. Stephen Jelly: Je n'ai pas compris votre question.

Mme Marlene Catterall: Ne devraient-ils pas au moins poser la question, puisqu'ils savent qu'ils n'ont pas le droit d'empêcher un député de traverser la ligne?

• 1315

M. Stephen Jelly: C'est bien possible.

Mme Marlene Catterall: Merci.

Le président: George Baker.

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Tout d'abord, je tiens à remercier nos témoins de leur mémoire excellent et très fouillé. Que devrait-on en dire de plus?

Monsieur le président, je tiens à souligner que j'appuie totalement la cause que défend l'Alliance de la fonction publique du Canada quant aux taux régionaux de rémunération dans notre région. Cela soulève une question très intéressante dans le cas de notre comité. Le comité devra produire des recommandations.

Notre comité a entendu des experts en droit dont les opinions vont à l'encontre des vôtres. Ils ont dit qu'il s'agissait d'une question relative à un tiers, n'est-ce pas?

Pourquoi en est-il ainsi? Je ne vous poserai qu'une question. Deuxièmement, si le comité devait recommander, comme on l'a proposé, que soient interdites les lignes de piquetage et que la ligne soit même élargie, la Chambre des communes devrait-elle adopter une loi pour rendre illégale la tenue d'un piquet d'information avant que ces lignes puissent être élargies? Voilà mon premier point, puisque vous dites que c'est légal.

C'est la question la plus importante, car le comité doit prendre une décision. Faudrait-il modifier la Loi sur les relations de travail au Parlement pour interdire totalement la tenue de piquets d'information? Pourquoi croyez-vous que les témoignages des experts que nous avons entendus soient aussi éloignés du vôtre?

Une dernière observation sur les taux de rémunération régionaux. Si j'ai parlé de cette question, c'est qu'il y a ici même, à la Chambre des communes, des personnes à qui cette question tient fort à coeur. Dans cette salle même, il y a des membres de votre syndicat, des gens très fâchés de ne pas être rémunérés au même taux que certains employés du Sénat, des messagers qui accomplissent toutes sortes de tâches.

Il y a ici même, sur la colline du Parlement, des taux de rémunération régionaux. Il y a une région au Sénat et une autre à la Chambre des communes, les employés de cette dernière étant toujours moins bien payés. C'est donc une question qui leur tient fort à coeur, ainsi que la question des piquets d'information qui sont permis au lieu de travail de l'employeur—l'Alliance de la fonction publique du Canada... L'employeur, c'est la Chambre des communes.

Le président: Je ne veux pas vous interrompre. Je vous écoute avec ravissement. Continuez.

M. George Baker: Merci.

Le président: Est-ce pertinent?

M. George Baker: Eh bien, monsieur le président, c'est très pertinent, puisque les lignes de piquetage ont été tenues et que nous nous demandons s'il faudrait interdire les lignes de piquetage sur la colline du Parlement.

Le président: D'accord. Je voulais simplement vous laisser entendre que vous pourriez...

Une voix: Personne n'a dit cela.

M. George Baker: Comment, personne n'a dit cela?

Le président: Allez-y. C'est très intéressant.

M. George Baker: De toute façon, avez-vous compris ma question?

Mme Nycole Turmel: Oui.

M. George Baker: D'accord.

[Français]

Mme Nycole Turmel: Je vais commencer par vous remercier sincèrement d'avoir soulevé cette question des taux régionaux puisqu'elle est l'enjeu du conflit de travail, tout particulièrement dans la région de l'Atlantique, où nos membres et les personnes qui ont peut-être voté pour vous y croient vraiment. Je vais céder la parole à M. Jelly.

[Traduction]

M. Stephen Jelly: Tout d'abord, pour ce qui est des experts, le président a indiqué, lorsqu'il a présenté un témoin, que cette personne comparaissait à titre d'expert. Les deux témoins qui vous ont fourni les renseignements à ce sujet—les deux, je crois—hésitaient bien davantage à se présenter comme experts des relations de travail ou du droit du travail plutôt que dans d'autres domaines. Honnêtement, il est facile de comprendre pourquoi.

Ni l'un ni l'autre ne savaient si la grève était légale ou non. L'un d'eux a dit qu'il n'était pas permis de tenir un piquet d'information pour les employés de la Chambre, ce qui est fondamentalement faux. D'autres aspects de leur témoignage sur les relations de travail dans ce dossier peuvent également être mis en doute, à tout le moins. Puisqu'ils ont mentionné leurs lacunes dans ce domaine, on peut supposer que le comité aurait pu inviter des gens qui s'y connaissent davantage dans certaines de ces questions. Puisqu'il ne l'a pas fait, nous ferons de notre mieux.

• 1320

Vous avez demandé s'il faudrait adopter une loi pour rendre illégale la tenue de piquets d'information. À mon avis, c'est bien le cas. Il faudrait modifier la Loi sur les relations de travail au Parlement afin d'interdire expressément la tenue de piquets d'information. Mais pourquoi ferait-on cela? Le piquet d'information ne peut provoquer en aucun cas le genre de situation qui est ici alléguée. Un piquet d'information fonctionne de la façon suivante: vous vous présentez au piquet, les piqueteurs vous informent et essaient d'obtenir votre appui.

À notre avis, il n'existe aucune raison de rendre illégale la tenue de piquets d'information. Deuxièmement, cela ne résoudrait pas votre problème, puisque les personnes qui piquetaient n'étaient pas assujetties à cette loi-là. Si vous décidez de modifier toutes les lois en matière de relations de travail au Canada pour interdire la tenue de piquets sur la colline du Parlement, je crains que vous n'ouvriez la porte beaucoup plus grand que ce n'est souhaitable.

Le président: George.

M. George Baker: C'est tout, monsieur le président.

Le président: Avant de donner la parole à Stéphane Bergeron, John Solomon et Yvon Charbonneau, j'aimerais que quelqu'un présente une motion. On nous a demandé que les documents qui nous ont été présentés puissent être inclus dans le compte rendu officiel. Puisque Marlene en a déjà fait de nombreuses citations, voici la motion:

    Que le comité joigne en annexe au procès-verbal de la réunion d'aujourd'hui le mémoire de l'Alliance de la fonction publique du Canada sur les deux questions de privilège présentées par la Chambre des communes les 17 et 18 février 1999, sous le titre Annexe PRHA-01.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Je propose la motion.

Le président: Je vous signale, chers collègues, que nous l'avons sous forme électronique en anglais et en Français.

(La motion est adoptée)

Le président: Stéphane Bergeron, puis John Solomon.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Je suis animé de sentiments un peu confus.

J'aimerais d'abord vous féliciter pour la qualité de votre document; il est bien étoffé, bien articulé et très éloquent. Cependant, je suis un peu surpris par le ton du document.

Vous passez énormément de temps à critiquer les procédures de ce comité ainsi que le privilège parlementaire, que vous qualifiez d'archaïque, au lieu de nous démontrer qu'il n'y a pas eu atteinte au privilège. Cela m'embête beaucoup. Dans votre analyse des propos ou des travaux de ce comité, vous avez peut-être eu l'occasion de constater que je suis très sensible aux droits fondamentaux d'association, de grève ou de manifestation, mais également au privilège parlementaire.

Dois-je vous rappeler que le privilège parlementaire est inscrit dans la Constitution du Canada et qu'en conséquence il ne doit pas être dénigré, tout comme, dans le cadre de nos travaux, nous ne devons pas dénigrer les droits fondamentaux d'expression, d'association, de liberté, de grève et de manifestation?

Revenons aux deux renvois à l'étude. Au fil des travaux de ce comité, chacun ou chacune d'entre nous se fait une idée sur ces deux renvois. Le renvoi de M. Reynolds porte sur l'inclusion ou non du personnel des députés dans la notion de privilège parlementaire. Quelle que soit la décision que nous prendrons, nous ne pourrons prétendre l'appliquer de façon rétroactive aux événements que nous étudions.

• 1325

Revenons au renvoi concernant M. Pankiw. Ce dernier prétend avoir été physiquement empêché d'entrer dans les édifices pour faire son travail.

Dans votre argumentation, vous dites qu'il n'y a pas eu de plainte à la police ni d'agression, et en concluez qu'il n'y a pas eu de voies de fait puisqu'il n'y a pas eu de plainte ou d'arrestation à la suite de ces événements. Vous semblez faire une analogie entre le droit criminel et le privilège parlementaire, alors qu'il s'agit de deux choses complètement différentes.

Effectivement, des membres de l'alliance auraient pu être reconnus coupables d'actes criminels et également d'atteinte au privilège parlementaire; ce sont deux choses tout à fait différentes.

Vous faites allusion, au point 63, à ce dilemme entre les droits fondamentaux d'association, d'expression, de grève et de manifestation, et vous concluez que la plupart des propos tenus par les membres du comité étaient altérés par une mauvaise compréhension du droit du travail du Canada.

Je n'irai pas jusqu'à dire que je sens, dans vos propos, qu'il y a, de votre part, une mauvaise compréhension du privilège parlementaire, mais j'aimerais vous soumettre une question précise. Dans le cas de M. Pankiw, en quoi pensez-vous avoir ou ne pas avoir contrevenu au privilège parlementaire?

Mme Nycole Turmel: Je comprends votre crainte et vos appréhensions quant au contenu du document. Par contre, pour nous, c'est très clair: les accusations sont énormes et nous devons expliquer devant le comité notre position sur les événements, sur le droit de grève et sur celui d'avoir une ligne de piquetage. Le mandat du comité d'étudier la plainte d'outrage au tribunal et la conséquence de ses recommandations auront un très grand impact pour nous. Les mesures que vous recommanderez auront des conséquences tant pour les chefs de file que pour les membres de l'alliance quant à leur droit de faire une ligne de piquetage.

Maintenant, pour répondre à la question sur le cas du député, nous avons mentionné dans notre mémoire que les députés qui se sont présentés à la ligne de piquetage et qui se sont identifiés ont pu la traverser. Le choix de traverser ou non la ligne de piquetage relève de l'individu. On a ainsi répondu à vos attentes et protégé votre droit de privilège.

M. Stéphane Bergeron: Je comprends bien et suis sensible à l'argument de Mme Turmel voulant que l'alliance soit bien consciente des conséquences potentielles d'une recommandation de ce comité à la Chambre des communes sur une éventuelle infraction aux privilèges parlementaires. Ce que je comprends moins bien, c'est que vous vous en preniez à la pertinence et à la validité du privilège parlementaire et aux procédures parlementaires plutôt que de baser votre argumentation sur un fait établi, celui de l'existence d'un privilège parlementaire garanti par la Constitution.

Pour revenir au cas de M. Pankiw, il y avait donc une directive très claire, établie et diffusée aux membres prenant part au piquetage de ne pas entraver la marche des parlementaires vers leur lieu de travail.

Mme Nycole Turmel: Je m'excuse, j'étais en train de...

M. Stéphane Bergeron: Je réitère ma question.

Mme Nycole Turmel: Oui, s'il vous plaît.

M. Stéphane Bergeron: Si j'ai bien compris votre réponse, les membres de l'alliance qui ont participé à cette manifestation avaient reçu la directive très claire de ne pas entraver la marche des parlementaires vers leur lieu de travail.

Mme Nycole Turmel: Effectivement, les membres avaient été informés du privilège des députés. On leur avait dit que si les députés s'identifiaient, on devait les laisser traverser la ligne pour qu'ils puissent se rendre à leur travail. C'est pourquoi, lorsque l'on fait mention de l'autobus, on indique qu'une vérification a été faite et qu'on a demandé aux députés de s'identifier.

J'aimerais revenir sur vos commentaires voulant que l'approche de l'alliance soit de critiquer le comité et son travail, ainsi que sur le lien entre le criminel et le travail du comité.

• 1330

Notre reproche—et M. le président l'a mentionné—porte sur le fait qu'on a demandé à faire une présentation pour expliquer nos droits, mais que le comité ne nous donne pas l'autorisation de contre-interroger les personnes qui ont témoigné devant vous. C'est ce qui nous cause certains problèmes.

M. Stéphane Bergeron: Je lis votre document et à la lumière de ce que vous nous avez dit tout à l'heure, j'ai l'impression que vous formulez des reproches beaucoup plus lourds que celui-là.

Revenons de nouveau au cas qui nous intéresse. Nous pourrions ergoter longtemps sur la nature et la pertinence du privilège parlementaire, mais le fait est qu'il est établi et que vous le reconnaissez puisque vous avez donné une directive en ce sens à vos membres. On peut bien le critiquer ad nauseam, mais il n'en demeure pas moins qu'il est garanti par la Constitution autant que les droits auxquels on faisait allusion tout à l'heure. Vous avez donc donné une directive très claire à vos membres. Dois-je comprendre, comme je l'ai évoqué hier, qu'il s'agirait, somme toute, d'un malencontreux malentendu dans le cas de M. Pankiw?

[Traduction]

Le président: Soyez assez bref, si possible.

[Français]

Mme Nycole Turmel: Je pense qu'on devrait poser la question au député plutôt qu'à moi pour qu'il qualifie son attitude, sa présentation et la façon dont il s'est introduit.

M. Stéphane Bergeron: Il a déjà donné son point de vue et on en jugera à partir de son témoignage. J'aimerais connaître votre interprétation des faits. À la lumière des faits exposés, de la directive donnée à vos membres et des réponses que M. Pankiw a données au comité, que vous avez sans doute eu l'occasion de voir, est-ce qu'il s'agit, selon vous, d'un simple malentendu, d'un malencontreux accrochage, et non d'une volonté délibérée de la part de l'alliance et de ses membres d'enfreindre le privilège parlementaire?

[Traduction]

M. Stephen Jelly: Je ne sais pas si l'on peut vraiment parler de malentendu. Si notre mémoire vous a semblé manquer de respect par rapport au privilège parlementaire, ce n'était pas notre intention. Mais il semble y avoir un conflit, non pas en ce qui a trait au privilège parlementaire lui-même, mais plutôt relativement à la façon dont il est appliqué dans ce cas, et cela nous pose une difficulté. Le problème, c'est par exemple que le député dit qu'il a été «malmené», selon le terme qu'il a utilisé...

Le président: Nous avons précisé ce qui en est.

M. Stephen Jelly: Non, je comprends. C'est pourquoi j'ai mis le terme entre guillemets et dit: «selon le terme qu'il a utilisé». C'est ce qu'il a dit; quelqu'un d'autre a dit autre chose, les piqueteurs ont une autre version, et la police aussi. Ce sont des questions qu'un tribunal peut résoudre. Mais je ne vois pas comment un comité parlementaire peut résoudre ces choses-là, puisque vous n'avez pas la même procédure et que les personnes qui comparaissent n'ont pas la même possibilité de défendre leur cas. Je ne saurais vous dire si c'est un malentendu ou non. Il nous est impossible de dire si les grévistes ont eu tort, si le député a eu tort ou s'il s'agit d'un simple malentendu. À mon avis, et à notre avis à tous les deux, je crois, c'est un type de question qui ne peut être résolue que par la procédure normale créée à cette fin. Ce processus-ci ne peut y répondre.

Le président: Merci.

John Solomon, Yvon Charbonneau, Gurmant Grewal, Bob Kilger.

M. John Solomon: Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à féliciter Mme Turmel et ses collègues de leur excellent témoignage. Comme George Baker, je crois qu'on ne peut que dire que c'est un excellent exposé, très complet.

Cela soulève certaines interrogations. Par exemple, notre conseiller juridique nous a exposé certains faits concernant les piquets de grève et une éventuelle interdiction permanente de dresser des piquets de grève dans l'enceinte parlementaire. Votre opinion nous est utile, car elle nous aidera dans nos délibérations.

Tout comme M. Baker, je voudrais préconiser l'adoption de l'annexe III de la Loi sur les relations de travail au Parlement, qui n'a pas été adoptée par la Chambre des communes. La loi essentiellement protège les employés de la colline du Parlement sur le plan de l'hygiène et de la sécurité. C'est un élément très important pour tous les employés. Le gouvernement devrait à mon avis procéder à la sanction royale et appliquer cette loi sur la colline. Au Canada, nous sommes la seule assemblée à ne pas s'être dotée de règlements concernant l'hygiène et la sécurité et visant à protéger ses employés. Je joins ma voix à celle de M. Baker à cet égard et j'ajouterai qu'il faudrait résoudre la question des disparités salariales.

• 1335

Je voudrais que vous me donniez votre opinion concernant les détails. Je sais que nous ne sommes pas ici devant un tribunal, mais un témoin est venu nous dire qu'il avait été molesté et agressé. À la manière d'un joueur de football, il a dû se mettre à courir...

Le président: John, je vais faire valoir le même argument. Nous avons abordé ce sujet-là à la toute première réunion et j'ai moi-même posé la question de savoir si molestation était employé dans une acception bien précise, juridique ou parlementaire, de sorte que...

M. John Solomon: Je comprends, monsieur le président.

Le président: Poursuivez, mais je tenais à signaler cela pour le compte rendu.

M. John Solomon: D'accord. Je comprends cela, mais M. Pankiw, en réponse à nos questions concernant les faits, nous a dit avoir eu l'impression que les grévistes voulaient lui barrer la route, et, selon ses propres paroles, il s'agissait de voyous qu'ils qui l'empêchaient de franchir les piquets de grève. Quant à moi, je me dis qu'il y a sans doute une autre version des faits, comme c'est toujours le cas, et je voudrais que nos témoins nous disent comment ils perçoivent la situation, et si de fait il y a eu violence pour empêcher le député de franchir les piquets de grève.

[Français]

Mme Nycole Turmel: Encore une fois, je vais être obligée de répéter notre position; personne ici n'était présent sur la ligne de piquetage. En ce sens-là, je ne peux répondre à votre question et vous dire si le député a été molesté ou a eu d'autres ennuis. Tout ce qu'on en sait, c'est ce que le député en a dit en Chambre et que ce comité a été saisi de la question. Donc, je ne peux pas répondre en tant que témoin, n'ayant pas fait partie de la ligne de piquetage.

[Traduction]

M. John Solomon: Si je dis cela, c'est parce qu'on nous a saisis de la question à la suite des allégations de M. Pankiw, et je trouve tout à fait agaçant, monsieur le président, de ne pas pouvoir établir une version objective des faits. Je ne mets pas en doute ce que M. Pankiw a dit, mais c'est un point de vue. Le comité a pour mandat d'examiner cette situation particulière et de faire des recommandations, mais je ne sais pas si nous pourrons mener à bien cette mission à moins que nous n'obtenions une autre version des faits, que ce soit celle de la police... La police n'a pas porté d'accusations. Elle était sur les lieux. M. Pankiw reconnaît ces faits, tout comme les représentants de l'AFPC, si bien que je me demande si nous sommes en train de perdre notre temps à vouloir continuer d'examiner cette affaire. On nous a saisis de la question parce qu'un député avait l'impression qu'on avait porté atteinte à son privilège; nous avons recueilli son témoignage et nous n'avons pas obtenu un autre...

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): C'est son droit le plus strict, John.

M. John Solomon: Assurément, je ne le nie pas. Je voudrais expliquer que nous ne sommes pas très rigoureux. Je ne pense pas que nos délibérations ici, même si le comité est formé de députés qui peuvent faire ce qui leur semble s'imposer, soient entièrement démocratiques et transparentes.

Le président: Je me bornerai à dire, comme je l'ai déjà dit, que nous allons rencontrer demain les représentants du service de sécurité de la colline, ce qui nous permettra d'éclaircir un peu cette affaire. En outre, je vous signale que nous avons été saisis de deux questions, et non pas d'une seule.

John, poursuivez, car vous avez encore la parole.

M. John Solomon: J'ai terminé.

Le président: D'accord. Yvon Charbonneau, Gurmant Grewal, et Bob Kilger.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais moi aussi féliciter les représentants de la partie syndicale d'avoir réussi à rassembler des notes aussi substantielles en aussi peu de temps. Je dois dire en préambule que si une procédure comme celle-ci avait été mise en oeuvre au Québec dans les 25 ou 30 dernières années, j'aurais passé plus de temps devant un comité parlementaire comme celui-ci qu'à la table de négociation.

J'apprécie le fait que les représentants du syndicat n'essaient pas de se défiler et reconnaissent au paragraphe 23 que, voilà, c'était du piquetage et que, même s'ils ne se trouvaient pas sur les lieux en tant que dirigeants, ils en prennent la responsabilité.

Vous dites aussi que ce piquetage n'était pas de nature informative, mais visait plutôt à ralentir le travail.

En effet, quand on fait du piquetage, ce peut être de manière hermétique. Quand nous disons aux gens de ne laisser passer personne, nous choisissons une certaine catégorie de piqueteurs munis d'un certain équipement qui fait qu'il est plus difficile de franchir la ligne de piquetage. Il y a alors moins de discussion.

• 1340

Une voix: C'est très démocratique.

M. Yvon Charbonneau: Il faut parfois prendre des moyens pour venir à bout d'obtenir des offres qui ont du bon sens. On ne peut pas toujours considérer des problèmes qui ne le sont pas dans de petites discussions tranquilles autour des tables.

Si je comprends bien, le mot d'ordre qui avait été donné ici, ou enfin la consigne qui prévalait dans le milieu, était que si des députés se présentaient en s'identifiant comme tels, ils pouvaient passer sans problème. Est-ce bien cela?

Mme Nycole Turmel: Oui.

M. Yvon Charbonneau: Donc, la ligne n'était pas tout à fait hermétique à l'égard des députés.

Qui d'autre pouvait obtenir le droit de passage? Est-ce que le personnel des députés qui s'identifiait comme tel pouvait jouir du même droit de passage?

Mme Nycole Turmel: Normalement, devant une ligne de piquetage, les personnes qui n'ont pas le droit de faire la grève demandent, la plupart du temps, à la police de les aider ou encore à leur superviseur. Elles téléphonent à leur superviseur qui est à l'intérieur et lui demandent de venir ouvrir la ligne de piquetage pour qu'elles puissent passer et entrer à l'intérieur du lieu travail.

Dans ce cas-ci, tout ce que je puis dire, c'est que l'ordre avait été donné que les députés avaient le droit de passage, avaient un privilège. Quant aux autres cas, je dois répéter que seuls les piqueteurs pourraient répondre à la question. Jusqu'à quel point la ligne était-elle hermétique? Je ne peux pas répondre.

M. Yvon Charbonneau: J'espère que vous allez continuer à faire preuve d'autant de transparence. On ne tournera pas autour du pot indéfiniment. Il y avait les députés. J'imagine que les sénateurs qui se seraient présentés au piquet auraient eu le même droit.

Mme Nycole Turmel: Oui.

M. Yvon Charbonneau: Quant au personnel des députés, c'est un aspect que vous ne pouvez pas avoir ignoré.

Mme Nycole Turmel: Non.

M. Yvon Charbonneau: Bon. Il y a d'autres catégories de personnel qui circulent dans la Chambre des communes, mais le personnel des députés...

Mme Nycole Turmel: L'objectif, comme je l'ai mentionné, est de ralentir le travail. Je ne peux pas dire pendant combien de temps la ligne de piquetage devait rester sur les lieux, mais l'objectif était de ralentir le travail.

À certains endroits, les employeurs ont décidé de fermer le lieu de travail pour la journée, d'autres ont aidé leur personnel à s'y introduire. En ce sens, l'objectif était le ralentissement du travail.

M. Yvon Charbonneau: Le volet de ma question, monsieur le président, est en rapport avec certains paragraphes du plaidoyer syndical qui préconise de restreindre le privilège parlementaire. Cela se trouve aux paragraphes 57, 80 et 81. Vous avez quelques paragraphes qui reprennent cette idée de le restreindre.

Pouvez-vous nous dire si, selon vous, «restreindre» aurait pu vouloir dire avoir le droit d'empêcher les députés d'entrer? Est-ce bien ce que vous voulez dire par restreindre le privilège parlementaire? C'est en ce sens-là que vous voulez travailler?

Mme Nycole Turmel: Oui.

M. Yvon Charbonneau: Oui et non; tout dépend de la langue qu'on parle.

Mme Nycole Turmel: Oui et non.

[Traduction]

Je vais demander à Stephen de répondre, car...

[Français]

Non veut dire que ce n'est pas l'objectif.

M. Yvon Charbonneau: J'aimerais que vous élaboriez. Je ne veux pas seulement un oui ou un non. Je veux que vous me disiez ce que vous cherchez à atteindre quand vous employez des mots comme «restreindre le privilège parlementaire». Est-ce que vous voulez dire le clarifier? Si c'était cela, c'est ce que vous auriez dit. Vous dites «restreindre». À quoi voulez-vous en arriver?

Mme Nycole Turmel: Non. Notre objectif, en ce qui concerne le privilège, n'est pas de retirer aux députés le droit de faire leur travail. C'est un privilège qui est reconnu et que nous reconnaissons. Je reconnais qu'il existe certains privilèges, et je vais demander à Stephen Jelly d'élaborer sur le sujet.

[Traduction]

M. Stephen Jelly: Je pense que dans le mémoire nous avons utilisé le mot «réduit», mais ce n'est peut-être pas le meilleur choix—«restreindre et réduire». Outre les privilèges parlementaires définis qui existent, nous pensons que la méthode selon laquelle ces privilèges sont octroyés et traités devrait être revue à la lumière de situations comme ces piquets de grève et les allégations portées contre nous. Les privilèges devraient être réduits à cet égard. En d'autres termes, pour éviter qu'un député ne porte des allégations et que nous ayons à venir nous expliquer dans cette enceinte, nous pourrions nous défendre de façon plus officielle sur le plan juridique.

• 1345

Il est clair, d'après les témoignages, qu'il ne s'agit pas ici d'un tribunal, mais qu'en fin de compte les allégations portées contre notre syndicat et certains de ses adhérents et son personnel seraient normalement le genre d'affaire qui serait entendue par une cour de justice. Le cas échéant, nous pourrions escompter à mon avis que les règles habituelles de justice s'appliqueraient, ce qui n'est pas le cas ici.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Voulez-vous dire, en somme, que vous voulez restreindre le recours au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour traiter de ces questions-là ou si vous voulez dire que vous voulez restreindre les privilèges des parlementaires?

Je comprends que vous ayez objection à ce que les problèmes dont nous parlons soient traités par ce comité-ci. C'est clair, mais cela n'implique pas nécessairement qu'on doive s'orienter vers la restriction du privilège des parlementaires. Il est toujours possible de discuter ailleurs de ces questions. Votre mémoire laisse croire que vous voulez réduire le privilège des parlementaires.

[Traduction]

Le président: Répondez brièvement, je vous prie.

M. Stephen Jelly: Très brièvement, votre privilège est en partie la façon dont les allégations sont évaluées et traitées. Cela même fait partie de votre privilège. Un député a le droit de se lever à la Chambre et de dire certaines choses, ce qui déclenche un processus. Ce processus fait partie de votre privilège, et c'est précisément à cet égard que nous estimons qu'il faudrait établir une restriction ou changer le processus. Étant donné que cela touche votre privilège même, effectivement, il s'agirait de réduire ou de restreindre ce dernier sans toutefois porter atteinte au privilège particulier qui vous donne le droit d'exercer vos fonctions comme c'est le cas depuis des siècles.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: En conclusion, je vous invite à réfléchir aux propos de ceux qui disent que la contribution du personnel des députés est partie intégrante du privilège du député. Je vous invite aussi à réfléchir à la notion tout aussi entendue que, dans le quotidien, un dirigeant syndical a lui aussi besoin de ses collaborateurs pour travailler. Il est assez rare qu'on prétende tout pouvoir faire par soi-même. On a toujours une équipe autour de soi.

[Traduction]

Le président: Merci, Yvon.

Deux autres personnes veulent prendre la parole, ainsi que moi-même. Ensuite, je vous donnerai la possibilité d'ajouter vos conclusions.

Tout d'abord Gurmant Grewal, et ensuite Bob Kilger, puis moi-même., Gurmant, allez-y.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier les témoins. Votre rapport est bon, mais je ne peux pas nécessairement adhérer à tout ce qu'il contient.

Le débat aujourd'hui n'oppose pas un député à l'AFPC. Le débat porte sur la situation d'un député et la violation des privilèges de ce dernier. Je veux que cela soit bien compris.

Mme Turmel a dit qu'elle ne pouvait pas expliquer exactement ce qui s'est passé parce qu'elle n'était pas là, et personne ici ne peut le faire, de sorte que nous devons compter sur des faits rapportés, et non pas sur une expérience directe. Je ne sais pas si ce rapport est fondé sur une expérience directe ou des faits rapportés.

Au paragraphe 39 vous affirmez que l'allégation du député n'est pas confirmée par les actes des policiers sur place ou de tout autre témoin de l'incident. Je tiens à rappeler que nous avons entendu la déposition du député, et, si j'ai bien compris, il n'a pas porté plainte officiellement à la police, si bien que cette dernière ne pourra pas confirmer les faits. C'est donc absolument sans objet. Quant à moi, je ne vois rien dans l'incident qui puisse permettre de constater l'absence de confirmation par les témoins ou la police.

• 1350

Avez-vous vérifié les faits qui pourraient corroborer ce que vous affirmez ici?

M. Stephen Jelly: Après l'incident du 17 février, qui a été soulevé à la Chambre, nous nous sommes entretenus avec certaines des personnes qui avaient dressé le piquet de grève et avec la police.

À notre avis, et je tiens à le dire clairement, le fait que la police n'ait pas porté d'accusations semble corroborer l'affirmation qu'il n'y a pas eu d'agression sur le piquet de grève. Pour ma part, tout comme Mme Turmel, j'ai une longue expérience des piquets de grève, et certaines des personnes réunies autour de cette table sont dans le même cas. Quand il y a des actes de violence commis sur un piquet de grève, d'habitude la police réagit sur-le-champ. En l'occurrence, ce ne fut pas le cas, et à notre avis cela nous porte à croire qu'il n'y en a pas eu.

M. Gurmant Grewal: Je veux que les choses soient bien claires. Je n'ai pas précisé s'il y a eu ou non une agression. J'ai dit tout simplement que, puisqu'il n'y a pas eu de plainte officielle, la police ne pouvait pas déterminer si effectivement il y a eu une agression, car elle n'a pas fait enquête non plus. C'est ce que je voulais dire.

Quand nous parlons du droit le plus strict de faire grève au regard des privilèges parlementaires, nous sommes convenus, comme on l'a dit il y a quelques instants, que les députés auront accès à leurs bureaux, ce que vous respecterez. D'un point de vue général, c'est ainsi que l'on définit les privilèges parlementaires, à savoir que les députés pourront se rendre dans l'enceinte parlementaire.

D'autre part, selon moi, il y a également violation des privilèges des députés si on barre la route aux membres de leur personnel et aux gens qui sont venus les rencontrer. Quand je suis à la Chambre pour accomplir d'autres tâches que voter, je suis comme un soldat sans arme sur le champ de bataille si je ne peux pas compter sur les membres de mon personnel. Voilà pourquoi il faudrait redéfinir les privilèges parlementaires. Je pense que ce rapport ne tient compte que d'un seul fait, à savoir que seul le député peut avoir accès à son bureau. Est-ce que je me trompe?

M. Stephen Jelly: Oui. Le témoignage des experts entendus par les membres du comité tend à corroborer le fait que le personnel ne jouit pas du même privilège pour l'instant. Si l'on veut qu'il en soit ainsi, il faudrait élargir le privilège. Nous l'expliquons bien. C'est en l'occurrence ce que les experts que vous avez convoqués vous ont dit: le privilège parlementaire ne s'applique pas actuellement aux membres du personnel.

M. Gurmant Grewal: J'en conviens. Monsieur le président, je tiens compte du fait que le temps est court, et je vais poser quelques brèves questions.

Le président: Quant à moi, je pense que nous avons encore un peu de temps. Je sais que la Chambre va siéger sous peu, mais nous avons encore un peu de temps. Allez-y.

M. Gurmant Grewal: Puisqu'il s'agit ici de faits rapportés, pourquoi nos témoins ont-ils choisi de ne pas se faire accompagner d'une personne qui était effectivement sur les lieux? Est-ce à dessein que vous l'avez fait?

Mme Nycole Turmel: Non, pas du tout.

[Français]

On ne les a pas vraiment exclus. On a pensé que le comité, s'il voulait entendre des témoins, en avait la responsabilité et pouvait le faire.

Deuxièmement, nous parlons au nom de tous les membres du syndicat. Comme je le mentionnais, vous pouvez toujours inviter les témoins concernés si vous voulez les entendre.

[Traduction]

M. Gurmant Grewal: N'aurait-il pas été bon que vous vous fassiez accompagner d'une telle personne, pour consolider votre cause? Pourquoi avez-vous choisi de ne pas le faire?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Premièrement, nous avons choisi de ne pas amener de témoins pour la simple raison que nous avons exposée au début, soit que nous n'avions pas la possibilité de les contre-interroger.

Deuxièmement, comme chefs de file, nous représentons tous les membres de l'alliance et une partie de ces membres sont en grève actuellement. Donc, le comité peut toujours demander à d'autres témoins de se présenter ici.

[Traduction]

M. Gurmant Grewal: Monsieur le président...

Le président: Soyez bref, Gurmant.

M. Gurmant Grewal: Oui, je serai bref. Je veux tout simplement dire que vous risquez de ne pas avoir l'occasion de poser vos questions mais sans doute que les membres réunis autour de cette table pourront interroger les gens qui ont participé directement à l'incident ou qui en ont été témoins, ce qui permettrait d'avoir une connaissance directe de la situation.

Merci, monsieur le président.

Le président: Bob Kilger, et ensuite ce sera à moi.

M. Bob Kilger: Merci, monsieur le président.

[Français]

Merci à vous, madame Turmel, et à vos collègues d'être ici parmi nous aujourd'hui et d'avoir préparé un mémoire tout à fait représentatif de vos fonctions.

Je pense quand même qu'il se pose un dilemme car nous voulons nécessairement, de notre côté, maintenir et défendre nos privilèges et nos droits, parlementaires ou autres. De votre côté, vous cherchez à défendre et à maintenir les droits de ceux et celles que vous représentez.

• 1355

Les deux parties reconnaissent qu'il existe un privilège parlementaire. Les deux parties acceptent que les travailleurs et travailleuses ont des droits. Je regrette que mon collègue Solomon soit parti. Il a déclaré qu'il y avait quelque chose de moins que démocratique dans notre participation d'aujourd'hui, ce que je récuse entièrement. J'y reviendrai lorsqu'il sera de retour. Je regrette qu'il ne soit pas resté pour entendre vos témoignages jusqu'à la toute fin.

En bref, j'aimerais vous demander si ce que vous désirez est le statu quo. Y a-t-il matière à amélioration de notre sort, le vôtre et le nôtre, ainsi que des communications? Y a-t-il des moyens, structurels ou autres, qui pourraient nous permettre de continuer à défendre et à respecter, soit nos privilèges parlementaires, soit vos privilèges et vos droits d'expression, etc., pour lesquels tout le monde autour de cette table, depuis que nous débattons de ce sujet qui nous a été renvoyé par la Chambre, a exprimé un profond respect?

J'aimerais savoir si vous avez des suggestions à faire, parce que nous avons le devoir de faire des recommandations à la Chambre, qui permettraient d'améliorer la situation des deux parties.

Mme Nycole Turmel: En fait, nous l'avons exprimé dans notre mémoire. Nous voudrions tout simplement que le comité suspende ses travaux concernant les revendications de cette personne, qui vous ont été renvoyées par la Chambre. C'est une partie de nos revendications. En plus, et je vais aller un peu plus loin que le mémoire en disant cela, si vous voulez améliorer les relations patronales-syndicales, rappelez-vous qu'il y a un groupe qui vit un conflit de travail actuellement et qui revendique des droits. Or, on ne semble pas prendre intérêt aux négociations qui permettraient à ces personnes d'obtenir des salaires décents et des conditions de travail décentes.

Donc, ce serait un des moyens.

M. Bob Kilger: Je conclurai en disant que j'aurais souhaité que vous saisissiez cette occasion pour démontrer une plus grande ouverture d'esprit et faire des suggestions pour améliorer la situation actuelle afin qu'un tel incident ne se répète pas, sans ramener sur le tapis les revendications en cours.

Mme Nycole Turmel: Je répète encore une fois que ces membres ont le droit légal de faire la grève. Quand on nous demande d'apporter des solutions à la situation actuelle, il nous semble très clair qu'une ligne de piquetage est une ligne de piquetage. Les personnes qui veulent traverser la ligne de piquetage ont des droits; nous l'avons reconnu tout au long de notre présentation.

Le travail du comité est de discuter, de faire des recherches et ensuite de faire des recommandations. À notre avis, le comité ne devrait pas exister, tout simplement parce que la ligne de piquetage était là. Cette personne a choisi de ne pas utiliser son droit.

M. Bob Kilger: D'accord. Je regrette.

[Traduction]

Le président: Deux ou trois choses. J'espère que vous pourrez m'éclairer.

Tout d'abord, nous avons essayé d'établir ceci—et vous également—à savoir qu'il existe deux droits. Steve, je tiens à vous signaler qu'on m'a dit que dans l'affaire Donahoe la Cour suprême du Canada a déterminé que le privilège parlementaire figure dans la Constitution tout comme dans la Charte.

Si je dis cela, c'est tout simplement parce que, pour ma part, je pense que nous analysons ici ces deux droits. Je me rends compte que de votre point de vue, c'est le droit de manifester, plus particulièrement le droit de dresser des piquets de grève, qui vous intéresse, alors que vous reconnaîtrez que les députés qui ont comparu ont fait valoir, en l'occurrence, leur privilège. Selon moi, nous analysons ici deux grands droits fondamentaux.

Votre mémoire écrit et votre exposé nous ont particulièrement bien renseignés sur le droit de manifester, notamment le droit de dresser des piquets de grève. Pourriez-vous développer cette notion?

• 1400

Je ne sais pas si vous êtes tous deux avocats, mais l'un d'entre vous l'est certainement, et je ne le suis pas. À mon sens, et tout le monde le reconnaît, le droit de manifester, qui est inhérent à la liberté d'expression, est absolument fondamental. Je pense que les piquets de grève sont un corollaire très intéressant à cet égard. C'est un cas tout à fait particulier et, soit dit en passant, une expression particulièrement importante du droit de manifester. C'est ainsi que je conçois les choses.

Au lieu de se tenir debout, disons sur la pelouse, en groupe, de sorte que tout le monde puisse circuler, les piquets de grève, qui ont évolué au fil des ans, constituent un cordon de gens autour d'un lieu de travail—et je laisse de côté ici les piquets de grève secondaires—et j'interprète cela comme un moyen de barrer le passage. Il se peut que ce ne soit pas pour longtemps, et il se peut aussi que cela dure assez longtemps pour distribuer des dépliants, mais le but en fait est primordialement de barrer la route, pour empêcher les gens de franchir la porte pour aller faire le travail.

Je crois comprendre que ce droit de dresser des piquets de grève est le droit de barrer la route jusqu'à un certain point—je conviens qu'il s'agit du droit de barrer la route d'une certaine façon—mais n'importe lequel d'entre nous peut franchir ces piquets. Quelqu'un qui travaille sur les lieux, adhérent du syndicat ou non, peut légalement franchir le piquet de grève même si ce dernier vise à barrer la route. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'une manifestation tout à fait spéciale parce qu'intervient un autre droit qui est très spécial, constitutionnel, c'est-à-dire celui des parlementaires. Pourriez-vous développer un peu cette notion, et en particulier le fait que n'importe qui a le droit de franchir les piquets de grève?

M. Stephen Jelly: Quand je lirai le compte rendu, il se peut que je sois en désaccord avec vous sur certains points, mais d'après ce que j'ai entendu, je dirais que je suis d'accord avec vous à 99 p. 100.

Pour ce qui est de la question particulière des piquets de grève, j'ai essayé d'en parler tout à l'heure. Comme un des membres du comité l'a dit, les piquets de grève ne sont pas tous les mêmes. Leurs manifestations sont différentes suivant l'endroit et le moment. Vous avez raison: la jurisprudence établit que n'importe qui peut franchir un piquet de grève. La différence entre un député...

Le président: Ne trouvez-vous pas cela ironique?

M. Stephen Jelly: Oui.

Le président: Les piquets de grève existent pour barrer le passage, mais n'importe qui... encore une fois, c'est que nous sommes en présence de deux droits.

M. Stephen Jelly: C'est cela.

Le président: Il y a donc les libertés individuelles et les droits du syndicat.

Excusez-moi, poursuivez.

M. Stephen Jelly: Ainsi, on en vient à analyser la méthode utilisée pour barrer la route et le motif et l'endroit. C'est alors que se pose le problème des lieux physiques ou de la personne qui doit exercer son autorité sur les lieux physiques où le piquet de grève est dressé. Il existe dans ce cas-là des droits, et c'est vrai pour la Chambre des communes, à savoir la possibilité de demander une injonction pour que l'on retire les piquets de grève ou pour en limiter l'importance, d'autres facteurs pouvant intervenir. Ainsi, par une injonction, on peut ordonner que le piquet de grève se situe à une certaine distance de l'entrée d'un immeuble.

On doit suivre un processus pour déterminer si le fait d'approuver ou d'interdire une ligne de piquetage enfreint plus les droits du syndicat et de ses membres qui font la grève ou ceux de l'employeur. Cette détermination est aussi fondamentale que les autres droits dont on discute.

En ce qui concerne le privilège du Parlement, on soupçonne que les tribunaux accueilleraient favorablement une demande d'injonction qui limiterait au moins le piquetage, en raison de l'existence du privilège parlementaire et du conflit potentiel entre les deux droits. Je ne crois pas et le syndicat ne croit pas que cette décision devrait être prise par une des parties au conflit.

À la Chambre des communes, vous avez le droit, en tant que parlementaires, individuellement et collectivement, de prendre cette décision. Selon nous, vous ne devriez pas avoir le droit de prendre cette décision par vous-mêmes; comme il y a des droits et des intérêts contradictoires, une tierce partie indépendante devrait prendre la décision.

• 1405

Le processus de demande d'injonction répond à ces critères, et il est équitable. Parfois nous avons gain de cause, parfois non. Cela dépend de la nature de la ligne de piquetage, etc. Le processus existe, vous y avez accès comme tous les autres organismes au pays, et il s'agit d'un processus équitable. Par contre, ce processus-ci, selon lequel des députés prennent la décision sur une base individuelle et collective, est évidemment moins équitable de notre point de vue; vous n'avez pas besoin de faire cette démarche afin de protéger et défendre votre privilège, puisque les autres recours feraient la même chose et de manière plus équitable envers nous.

Le président: Nous vous remercions de ces remarques. Il est utile d'avoir cela dans le compte rendu.

Très brièvement, Chuck Strahl.

M. Chuck Strahl: Je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idées que le président, avec qui vous êtes d'accord à 99 p. 100. Je ne suis pas sûr où vous n'êtes pas d'accord. On a parlé du droit de traverser une ligne de piquetage. Le matin en question, le chef de piquet a discuté... je n'ai pas parlé au chef de piquet. Cela vient de M. Marleau, ou peut-être d'autres personnes à qui on a parlé—je ne suis pas certain que cela vienne de M. Marleau. Le chef de piquet a parlé aux policiers, et ce serait eux qui ont dit que personne ne devait traverser la ligne de piquetage.

Ce matin-là, donc, qu'on ait eu ou non le droit de le faire, personne ne pouvait traverser parce que la police avait parlé au chef de piquet et avait décidé que personne n'allait traverser parce que... c'est la police qui a dit non. En d'autres termes, on n'a pas vraiment le droit de traverser une ligne de piquetage si on veut le faire. On se ferait arrêter. D'ailleurs, certains de nos gens se sont fait dire que s'ils essayaient de traverser la ligne de piquetage, ils se feraient arrêter.

M. Stephen Jelly: On a effectivement soulevé la question, et, comme nous l'indiquons dans notre mémoire, nous ne pouvons pas y répondre; il faudrait poser la question à la police. Il y avait des policiers sur place, et pour avoir une réponse précise, il faudrait leur poser la question. Nous ne pouvons pas y répondre.

M. Chuck Strahl: Ma question, c'est tout simplement ceci: le chef de piquet a-t-il généralement le pouvoir de négocier ce genre de chose avec la police? Est-ce qu'il parle ainsi à la police: «Voici la situation, voici notre position, et voici ce que vous devez faire»? Comment est-ce que cela fonctionne?

M. Stephen Jelly: Très souvent sur une ligne de piquetage il y a des discussions et des négociations avec la police, qui dira que si le syndicat fait cela, la ligne de piquetage fonctionnera comme cela. Il est sans doute dans l'intérêt de tout le monde d'avoir des discussions entre les piqueteurs et la police, puisque la situation peut donner lieu à des confrontations, et si on peut limiter ces confrontations par des discussions et des communications, tant mieux. Je ne doute pas qu'il y a eu des conversations entre la police et les piqueteurs.

M. Chuck Strahl: Je me demandais comment cela se passait. Merci.

Le président: Nycole, nous sommes à votre disposition maintenant.

[Français]

Mme Nycole Turmel: J'aimerais ajouter une chose pour confirmer une remarque de M. Jelly. Effectivement, sur plusieurs lignes de piquetage, nous avons entendu les policiers dire: On vous conseille de ne pas essayer de traverser; on ne sait jamais la réaction que peuvent avoir les gens. J'ai fait partie de plusieurs lignes de piquetage. À plusieurs reprises, j'ai vécu des conflits de travail. Dans les situations où il y a beaucoup de colère et beaucoup de frustration, les réactions peuvent être différentes. C'est très important de le signaler.

En terminant, je voudrais remercier les membres du comité de leurs questions et de leurs commentaires. Nous les avons appréciés. Nous avons aussi apprécié que l'occasion nous soit donnée de nous présenter devant les membres du comité et nous espérons que votre travail va bien se terminer.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, avant de remercier nos témoins, je voudrais vous rappeler que nous avons une réunion aujourd'hui à 16 heures. Elle ne fait pas partie du programme normal parce qu'il s'agit d'une rencontre semi-officielle. J'espère que vous y serez tous. Elle aura lieu ici, et on servira un excellent goûter.

Mme Nycole Turmel: Nous ne sommes pas invités?

Le président: Non, vous n'êtes pas invités.

La prochaine réunion régulière aura lieu demain à 11 heures. Les mêmes questions de privilège seront à l'ordre du jour. Comme témoins, nous aurons le major-général Cloutier, sergent d'armes, et Michel Thivierge, directeur des services de sécurité de la Cité parlementaire.

Au nom du comité, j'aimerais remercier Nycole Turmel, Stephen Jelly et Sarah Bélanger, le membre silencieux du groupe. Nous voudrions vous remercier sincèrement de votre contribution.

Merci. La séance est levée.