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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mars 1999

• 1109

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Le principal point à l'ordre du jour est l'examen de la demande reçue conformément au paragraphe 106(3) du Règlement au sujet de fuites de rapports de comité avant leur présentation à la Chambre.

Je rappelle à tous que la séance se poursuivra durant l'heure du déjeuner. Ça vous va, André?

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Oui.

Le président: C'est important. Cela nous donnera l'occasion, pour la première fois, d'essayer de donner des instructions au personnel de recherche concernant l'ébauche de notre rapport. Ce sera très utile pour les travaux que nous devons amorcer la semaine prochaine.

Je propose, avant d'entamer l'examen de la requête, que nous réglions d'abord avec le point «Autres affaires», soit l'étude du quatrième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure, c'est-à-dire de notre comité directeur.

• 1110

Vous avez le rapport devant vous. Le sous-comité a siégé; vous remarquerez qui étaient présents. Il s'agit d'un aperçu de la façon dont nous entendons nous y prendre pour examiner les questions de privilège qui nous ont été renvoyées après le 17 février 1999. Si vous y jetez un rapide coup d'oeil, vous constaterez que nous pouvons parfois apporter des changements. Nous pourrions même changer le menu du déjeuner au point sept.

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Vous direz alors qu'il est trop tard.

Le président: Si vous examinez le rapport, il vous donnera une idée générale de la façon de procéder. Nous commencerons par entendre les conseils de Diane Davidson, avocate générale de la Chambre des communes. Nous convoquerons ensuite nos collègues réformistes. Le lendemain, c'est-à-dire le mercredi, Daryl Bean, de l'Alliance de la fonction publique du Canada, viendra témoigner. Plus tard, Gus Cloutier viendra témoigner au sujet du volet Sécurité. Joe Maingot est des nôtres aujourd'hui. Il l'ignorait jusqu'à tôt ce matin. Cependant, nous espérons qu'il sera aussi présent à cette occasion. Nous le saurons quand il aura eu le temps de consulter son agenda.

L'objectif est de faire rapport, si c'est possible, avant le congé de Pâques. Le document donne des précisions sur la manière dont nous nous y prendrons.

Si vous continuez à lire, le point neuf est simplement une complication découlant de l'examen de ces questions de privilège. Vous pouvez voir que nous accueillerons les membres du Comité spécial sur la radiodiffusion de la Chambre des communes du Royaume-Uni le mercredi 17 mars prochain. Une réunion sous forme de réception informelle est donc prévue, de 16 à 18 heures. La présidence a été autorisée à commander des boissons légères pour l'occasion.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Je voudrais bien qu'on comprenne maintenant ce qu'on veut dire par «boisson légère».

Le président: D'accord.

M. Stéphane Bergeron: Il me semble qu'entre le moment où on prend une décision et le moment où elle aboutit, il se passe un certain nombre de choses.

[Traduction]

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Par «boissons légères», il faut comprendre des boissons gazeuses.

Le président: Étant donné que ce n'est pas coulé dans le béton, je demanderais à l'un d'entre vous de faire une proposition à cet effet, au point Autres affaires.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: J'avais simplement une question, monsieur le président.

Le président: Oui.

M. Stéphane Bergeron: Outre les questions strictement alimentaires, j'ai une question au sujet du quatrième point. Avait-il été nommément question d'inviter le major général Cloutier comme témoin ou est-ce que son nom s'est ajouté en cours de route? Je n'ai pas souvenir que nous ayons évoqué le nom du major général Cloutier sur place, lors de la réunion de mardi.

[Traduction]

Le président: Vous avez raison, je crois, dans la mesure où il n'en a pas été question en détail à la réunion du comité directeur. Toutefois, le nom a été mentionné et il figure ici en tant que suggestion. Des discussions ont eu lieu entre les partis par après, et le nom a encore fait surface. Je l'ai donc simplement inclus.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Ça va, mais je n'avais simplement pas souvenir que cela figurait au procès-verbal. Je pense qu'à certains égards, il peut être tout à fait pertinent qu'il soit témoin, mais par souci de précision au niveau du procès-verbal, je dois dire que je n'ai pas souvenir qu'on en ait fait la proposition formelle lors de la réunion du sous-comité du programme et de la procédure.

[Traduction]

Le président: Je crois que vous avez raison. Est-on opposé à l'inclusion de Gus Cloutier en tant que témoin probable?

[Français]

M. André Harvey: Pas du tout.

Le président: Stéphane, ça va?

M. Stéphane Bergeron: J'ai une question là-dessus, monsieur le président. Je ne suis pas sûr de bien comprendre la raison pour laquelle on veut inviter le major général. Si le but de cette invitation est de demander à un témoin extérieur à la dispute, à savoir un témoin autre que les députés concernés ou les manifestants, de nous dire ce qui s'est véritablement passé ce jour-là et d'éclairer notre perception de l'événement, je pense qu'il est pertinent de l'inviter. Par contre, si le but de la comparution du major général est simplement de lui demander de confirmer que normalement, à l'édifice Wellington, 34 gardiens de sécurité sont en poste le mardi matin et que ce mardi matin-là, 34 gardiens de sécurité y étaient effectivement, que nous n'avons juridiction que dans l'édifice et non sur le trottoir de la ville d'Ottawa, je n'en vois pas, mais pas du tout, la pertinence.

• 1115

Alors, est-ce qu'on veut convoquer le major général à titre de témoin, direct ou indirect—probablement indirect, par l'intermédiaire des services de sécurité—pour qu'il puisse nous dire ce qui s'est véritablement passé à ce moment-là? Si c'est le cas, je pense que sa comparution est pertinente. Je voudrais avoir des précisions.

[Traduction]

Le président: Il me semble, Stéphane et chers collègues, que M. Cloutier est responsable des services de sécurité sur la Colline et, donc, des caméras de surveillance dont le réseau ne se limite pas à l'enceinte parlementaire. De plus, une des fonctions de M. Cloutier est d'assurer la liaison requise avec la GRC et la Police d'Ottawa parce que les lieux qui entourent la Cité parlementaire relèvent de leur compétence.

Si j'ai bien compris, les immeubles qui de toute évidence ne sont pas situés sur la Colline—ceux qui sont entourés de voies de circulation et ainsi de suite—donnent lieu à plusieurs questions complexes. Il me semble que M. Cloutier est donc la personne tout indiquée pour nous aider à cet égard.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Ce n'est toujours pas clair, monsieur le président.

Est-ce que les caméras auxquelles vous faisiez allusion il y a quelques minutes sont en mesure de nous éclairer sur ce qui s'est véritablement passé à ce moment-là? Est-ce que des observateurs de la GRC, qui auraient fourni les renseignements au major général, sont en mesure de nous éclairer sur ce qui s'est passé véritablement ce jour-là? Si oui, je pense qu'il serait pertinent que le major général soit ici. Mais s'il vient simplement nous expliquer comment fonctionne le système de sécurité de la Chambre, ses interventions ne nous éclaireront d'aucune façon sur les questions de privilège qui sont soumises à l'attention de ce comité.

[Traduction]

Le président: Chuck Strahl, puis André.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): La raison pour laquelle M. Cloutier serait invité n'a pas vraiment de rapport avec l'incident dont se plaint le député de Saskatoon, M. Humboldt. Elle concerne davantage le second renvoi effectué par le Président, qui nous a demandé d'examiner l'accès général aux édifices, plutôt que la situation vécue par Jim Pankiw.

La seconde question de privilège, qui a trait à la plainte déposée par John Reynolds, n'est pas particulière à l'incident. Elle porte plutôt sur la question plus générale du moment où il faut avoir accès aux édifices, de savoir s'il faut donner cet accès à nos employés, comment le faire, et ainsi de suite. J'ai l'impression que Gus ne pourra pas commenter trop en détail l'incident décrit par Jim Pankiw, mais il pourra nous donner beaucoup de précisions sur ce qu'il peut et ne peut pas faire concernant la question plus générale de l'accès. Il s'agit-là du second ordre de renvoi, et nous nous acquittons en quelque sorte des deux à la fois. La présence de M. Cloutier est donc utile, non pas pour l'affaire Jim Pankiw, mais dans le cadre du deuxième ordre de renvoi. Nous avons besoin de lui pour ce volet.

Le président: André Harvey, puis Marlene Catterall.

[Français]

M. André Harvey: Monsieur le président, je partage le point de vue de Chuck. Je crois que la présence du major général est importante puisque nos discussions pourraient nous amener à recommander la modification de certains aspects stratégiques de la logistique et que cela relève de son mandat. Je ne vois pas d'objection à ce qu'il vienne comparaître devant le comité et je crois que sa comparution pourrait s'avérer utile.

[Traduction]

Le président: Marlene Catterall.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Pour situer franchement la question dans le contexte de notre second ordre de renvoi, comme l'a dit Chuck, si nous constatons qu'il y a eu violation des privilèges des députés, il faut faire rapport à la Chambre des éléments concrets qui permettent de protéger le plus possible ces privilèges. Seul M. Cloutier peut nous éclairer quant aux problèmes, s'il y en a, que pose l'accès des députés à la Chambre, accès dont ils ont besoin pour assumer leurs fonctions. Il faut que nous l'entendions.

Le président: En termes généraux, Stéphane, nous avons plusieurs fonctions, entre autres de faire en sorte que les incidents ne se reproduisent pas. Il y a deux moyens de le faire. On peut modifier le Règlement et dicter le comportement des députés ou faire des recommandations concernant les mesures de sécurité. Cela vous met-il plus à l'aise?

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Oui, mais nous aurons peut-être besoin de M. Cloutier ultérieurement, lorsque nous devrons formuler des recommandations à l'intention de la Chambre.

[Traduction]

Le président: D'accord. Quelqu'un peut-il faire la motion, je vous prie? Je lui en serais très reconnaissant.

M. John Richardson: Je fais une proposition à cet effet.

Le président: John Richardson propose que soit adopté le quatrième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure.

    (La motion est adoptée)

• 1120

Le président: Nous accueillons maintenant Joseph Maingot. Joe, je suis navré que vous veniez tout juste d'être informé de l'autre invitation, mais je suis tout de même heureux que vous ayez été ici pour l'entendre.

Notre collègue, Derek Lee, est arrivé. Derek, nous sommes heureux de vous voir. Les membres se sont mis d'accord pour consacrer la première période à M. Maingot et la seconde à vous. C'est ainsi que le comité a décidé de procéder. Cela vous convient- il?

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Excellente décision!

Le président: Je vous remercie.

Joe, si vous le voulez bien, vous commencerez par faire votre exposé, après quoi nous passerons à des questions.

M. Joseph Maingot (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici.

Les questions que vous examinez actuellement ou plutôt avec lesquelles vous êtes aux prises n'ont rien de nouveau, ni pour vous ni pour le Parlement. En fait, il y a 22 ans, quand le Président d'alors avait eu à se prononcer au sujet d'une pareille question, il avait remarqué qu'on était préoccupé par le fait que la presse ait publié un document confidentiel, mais qu'on ne s'intéressait pas du tout à la conduite des députés comme tel.

Dans votre déclaration, vous avez dit être préoccupé par votre autodiscipline et votre intégrité. Vous vous demandez s'il convient qu'un comité s'occupe uniquement de la conduite des gens de l'extérieur sans s'intéresser à celle des personnes qui dirigent les comités.

Comme vous le savez, la Chambre des communes n'a de toute façon jamais dit que les fuites de documents ou d'informations communiqués durant des réunions de comité tenues à huis clos ne constituent pas une question de privilège, bien que ce soit une violation de l'intégrité de la Chambre parce que, en règle générale, on ne parle pas de ce qui se passe en comité à moins d'en avoir fait rapport à la Chambre. Toutefois, la Chambre devrait être la première informée.

Une des différences que l'on vous a soulignées entre la Chambre des communes du Canada et celle du Royaume-Uni, c'est qu'au Royaume-Uni, on a adopté en 1980 une résolution fondée sur celle de 1971—mieux vaut vous la lire:

    ne recevra pas de plainte d'outrage à la Chambre ou de violation de privilège concernant la publication des débats ou des délibérations de la Chambre ou de ses comités, sauf lorsque ces débats ou délibérations ont eu lieu à huis clos ou en privé et que leur publication a été expressément interdite par la Chambre.

Cette motion leur donne, je suppose, un avantage sur vous en ce sens que, si quelqu'un invoque le Règlement au sujet d'une publication découlant d'une séance tenue à huis clos, on peut au moins soulever la question, en débattre et, peut-être, la renvoyer à un comité.

Pour l'instant, le Président n'estime pas pouvoir faire cela, parce qu'il n'est pas question d'un incident particulier ou d'une personne en particulier.

Comme il l'a dit en 1977, il faudrait, pour qu'un comité puisse examiner une fuite, pour ainsi dire, qu'il y soit vraiment autorisé, parce qu'on n'accuse pas vraiment quelqu'un, particulièrement un député, de violation. C'est pourquoi la Chambre des communes du Canada a pour principe que, à moins de traiter d'un cas particulier, par exemple de cet incident où un député avait divulgué à la Chambre ce qui s'était passé en comité, ce qui représentait un outrage, les présidents de la Chambre des communes du Canada ont jusqu'ici hésité à renvoyer une question de privilège au comité.

Vous en avez discuté et vous êtes aux prises avec cela depuis quelques jours; je l'ai remarqué. Vous en avez débattu entre vous pour décider s'il vous fallait vous aussi une résolution à cet effet. C'est peut-être une solution que vous pourriez envisager. Elle permettrait au moins d'examiner la question en comité, ce que vous ne pouvez pas faire actuellement. Avec une pareille résolution, vous conserveriez à la Chambre sa dignité, son intégrité et son efficacité et vous décourageriez les fuites, peu importe leur source. Vous pourriez peut-être prévoir aussi une sanction. Naturellement, ce sont les amendes qui font le plus mal...

• 1125

Vous pourriez donc envisager comme éventuelle solution, et vous en avez aussi parlé, de donner à la Chambre le droit d'imposer une amende. Vous ne pouvez pas le faire actuellement et vous ne pouvez pas vraiment changer vous-mêmes vos privilèges. Cependant, vous pouvez adopter un projet de loi d'initiative soit ministérielle ou parlementaire qui impose une amende, selon moi.

À moins d'avoir trop simplifié, il me semble qu'en le faisant, vous décourageriez la publication, parce que l'essentiel, n'est-ce pas, c'est de prévenir la publication. C'est elle qui nuit à l'intégrité de la Chambre des communes si les députés font quelque chose en privé. L'adoption d'une résolution disant que, si telle chose est publiée, peu importe sa source, cela constitue un outrage, permettrait à la Chambre des communes de protéger sa dignité et son intégrité. Si vous y greffez une amende, le fardeau reviendra alors à la personne qui a fait la publication.

Même si la fuite émanait d'une autre personne, vous assureriez la protection de votre intégrité en disant que vous prenez au sérieux ce que vous faites à huis clos et que, pour diverses raisons, vous ne souhaitez pas que ce soit public tant que la Chambre n'en a pas été informée. On siège à huis clos pour permettre aux députés de parler franchement sans être constamment sous la loupe des whips et de leur parti. La Chambre protégerait ainsi sa dignité et son intégrité.

Puis, comme je l'ai dit, l'amende qui s'y ajouterait ferait peut-être réfléchir les personnes auxquelles est communiquée l'information. En l'absence de l'amende, rien ne réjouirait plus un journaliste que de faire outrage à la Chambre et peut-être de s'en amuser. Quand j'ai étudié la question, j'ai lu toutes les déclarations que vous avez faites à la Chambre et il me semble que c'est là un élément important dont il faudrait tenir compte.

Il y avait aussi cet autre point, que je trouve intéressant, concernant le budget, le fait que les personnes qui se trouvent dans la salle sont obligées de signer un document dans lequel elles s'engagent à ne pas divulguer l'information. Naturellement, elles ont toutes des téléphones portatifs. C'est un autre point dont il faut tenir compte.

L'essentiel à retenir, selon moi, c'est que vous souhaitez conserver intactes à la Chambre son intégrité et sa réputation. Actuellement—et c'est ce qui est étrange—, même si la publication dans un journal de ce qui se passe durant une séance de comité influe sur la dignité de la Chambre, à moins que quelqu'un ne soit accusé, d'après les précédents, le Président hésite à renvoyer la question à un comité pour qu'il fasse enquête.

Après avoir examiné tout ce que vous avez dit, voici les observations que j'ai à faire.

Il convient de noter que ce ne serait pas la première fois qu'on publie de l'information sur ce qui se passe dans un dossier important. Comme vous le savez, pour des raisons d'ordre public et de protection des renseignements personnels, les noms de jeunes et d'autres plaignants sont protégés quand les tribunaux sont saisis de certaines affaires, habituellement de crimes sexuels. Le cas le plus récent est l'affaire Bernardo au sujet de laquelle les juges ont rendu de nombreuses décisions. On en a ri aux États-Unis, mais un avocat est actuellement accusé d'avoir rendu publiques les cassettes vidéo qui ont servi de preuve dans cette affaire.

Comme je l'ai dit, il existe différentes raisons d'ordre public. Dans ce cas-ci, ce serait de préserver l'intégrité de la Chambre et d'assurer votre protection devant les tribunaux. Des questions relatives à l'administration de la justice et à la protection des renseignements personnels sont en jeu ici.

Vous avez parlé de tout cela. J'ignore si je peux contribuer davantage, mais ce sont mes opinions, mes réflexions.

Le président: Nous vous en sommes très reconnaissants et nous vous remercions à nouveau d'être venu.

Chuck Strahl.

M. Chuck Strahl: Je tiens moi aussi à vous remercier. L'autre jour, quand nous étions en train de planifier ces réunions, j'ai dit que nous comptions tant sur votre expertise que je me sentais presque coupable de vous convoquer comme témoin. Cependant, vos exposés sont toujours un plaisir, et je suppose que vous savez à quel point nous comptons sur vous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

• 1130

J'ai quelques questions à vous poser. L'une concerne la loi de l'Australie. J'en ai lu le résumé; je n'ai pas lu le texte de loi comme tel. Comment prouve-t-on que l'information que l'on a reçue vient en fait d'une séance tenue à huis clos? En d'autres mots, que faudrait-il qu'un membre des médias fasse pour le savoir? Sur le document qui lui est livré, rien ne dit... Le journaliste n'a qu'à arracher la première page sur laquelle il est écrit «Ébauche de rapport» et il dit qu'il croyait simplement qu'il s'agissait d'un rapport.

M. Joseph Maingot: C'est là la difficulté. Quand vous êtes devant un tribunal pour une affaire criminelle, vous n'avez pas ces difficultés parce que tout est public; n'importe qui peut y assister. Toutefois, vous ne pouvez pas en parler si le juge l'a interdit.

Dans ce cas-ci, tout comme pour la Loi de l'impôt sur le revenu, il y a toujours moyen de la contourner. Les journaux trouveront un moyen. C'est ce dont il faut tenir compte. J'ignore comment faire; les rapports que j'ai lus au sujet de l'Australie n'en traitent pas expressément. C'est une question d'ordre pratique au sujet de laquelle je ne peux pas vous aider.

M. Chuck Strahl: Oui. Il me semble effectivement que cela pourra poser problème. Si quelqu'un souhaite qu'un rapport soit publié, il n'a qu'à arracher la page couverture et à le laisser traîner dans les toilettes. Quelqu'un le trouvera bien.

M. Joseph Maingot: Le fait qu'il soit produit par un comité suffit pour dire qu'il ne peut être publié. Toutefois, comme vous le dites, si la réunion a eu lieu à huis clos, le journaliste n'a qu'à dire qu'il ignore ce qui s'est passé. Par contre, si la séance était publique et qu'elle était frappée d'un interdit, le rapport ne peut être publié.

M. Chuck Strahl: Autrement dit, il faudrait peut-être dire, au cours des réunions à huis clos, oui, les médias peuvent y assister, mais ils n'ont pas le droit d'en parler.

M. Joseph Maingot: C'est ce que font actuellement les tribunaux.

M. Chuck Strahl: Oui, mais ce que nous faisons est différent.

M. Joseph Maingot: Oui.

M. Chuck Strahl: Donc, le problème, pour l'instant, c'est qu'ils attendent à l'extérieur de la salle. Nous nous réunissons à huis clos et ensuite ils veulent tous savoir ce que nous avons dit, alors que s'ils étaient présents dans la salle et que nous leur disions qu'ils peuvent écouter, mais ne rien publier—ce pourrait être pour eux une sorte de compromis. Vous pouvez y assister, mais vous ne pouvez rien dire tant que nous n'aurons pas terminé notre rapport.

J'aimerais vous demander autre chose. De nombreux députés jugent qu'il y a beaucoup trop de réunions à huis clos. Ça ne peut qu'encourager les fuites. Par exemple, le paragraphe 106(3) du Règlement vous autorise à présenter une lettre au comité si vous voulez interroger ou convoquer un témoin. Dès que vous invoquez cette disposition, de nombreux comités de la Chambre se réunissent immédiatement à huis clos. Ils disent tout simplement, «Ah, vous voulez inviter le ministre? Nous allons nous réunir à huis clos.»

Le but de la démarche, ce n'est pas ça, mais de voir s'il y a lieu ou non de convoquer ce témoin. En prononçant le huis clos, vous me privez d'un privilège en tant que député. J'ai le droit de présenter une demande en vertu du paragraphe 106(3) du Règlement. Si vous faites tout à huis clos—ou j'ai l'impression, de plus en plus, que les comités invitent tout simplement les gens à faire fi des règles—alors vous dites essentiellement, «Eh bien, comme rien n'est à huis clos, je dois dire quelque chose.»

À votre avis, est-ce qu'il y a de plus en plus de réunions qui se déroulent à huis clos? Cette procédure jadis extraordinaire est devenue, aujourd'hui, monnaie courante.

M. Joseph Maingot: Bien entendu, c'est le comité qui décide s'il doit se réunir à huis clos. Ensuite, comme vous le dites, quand une réunion se déroule à huis clos, la presse est tout de suite intéressée.

Pour ce qui est de savoir s'il y a trop de réunions qui se tiennent à huis clos, il y a d'autres personnes mieux placées que moi pour en parler—certains des journalistes qui ont déjà comparu devant vous. Je ne crois pas être en mesure de dire s'il y a un trop grand nombre de réunions à huis clos.

M. Chuck Strahl: D'accord. Un dernier mot, monsieur le président. Quand la Chambre émet un ordre d'interdiction—je sais que le comité peut lui-même prononcer le huis clos—elle place la barre plus haut. Cela ajoute à la gravité de la situation. Oui, nous autorisons les comités à faire ce qu'ils veulent, mais si la Chambre elle-même émet un ordre... annuler un ordre de la Chambre est quelque chose d'assez grave.

Les membres, dans certains comités, se sentent frustrés et disent, «Je n'écouterai pas le comité parce qu'il n'est pas raisonnable», ou «Je n'accepte pas sa décision». Les députés finissent par dire, et pas seulement ceux de l'opposition, «Je n'écouterai plus, parce qu'on nous impose tellement de restrictions que je ne peux plus parler de mon travail, qui est de critiquer le gouvernement ou de lui proposer des solutions de rechange.»

• 1135

Il me semble, comme vous le dites, que si la question est à ce point importante qu'elle exige le huis clos, la Chambre devrait peut-être alors émettre un ordre spécial et dire que des sanctions seront imposées si cette règle n'est pas respectée. Autrement, les réunions du comité devraient être plus ouvertes. Si vous voulez vous réunir à huis clos, vous allez devoir obtenir l'autorisation de la Chambre pour le faire. En ce qui concerne les lettres, nous pouvons les soumettre en vertu du Règlement pour souligner un événement particulier. Or, on nous a essentiellement enlevé ce privilège, parce que le gouvernement demande régulièrement que la réunion soit tenue à huis clos, ce qui veut dire qu'on ne peut pas en parler.

M. Joseph Maingot: Si vous le faites de façon ponctuelle, vous risquez de soulever tout un débat, et cela ne mènera à rien. Par ailleurs, si vous aviez une résolution générale de la Chambre qui dit, comme c'est le cas au Royaume-Uni, que si vous publiez le contenu des délibérations à huis clos, ou peu importe le terme que vous voulez utiliser, vous allez commettre un outrage, ce serait déjà quelque chose. C'est le comité alors qui décidera, dans chacun des cas, s'il veut se prévaloir de cette résolution et se réunir à huis clos. Vous allez peut-être juger à ce moment-là que la question est importante et que vous ne voulez pas que la Chambre s'en mêle si quelque chose finit pas être divulgué.

M. Chuck Strahl: Le problème, bien entendu, c'est que le mal est fait. La presse publie déjà des extraits de rapports, et elle maintient catégoriquement qu'elle a le droit de publier ce qu'elle reçoit. C'est donc un problème.

M. Joseph Maingot: Si vous vous souvenez bien, elle a peut- être défendu cette position jusqu'à ce que le Code criminel soit modifié.

M. Chuck Strahl: C'est vrai.

Le président: Stéphane Bergeron, ensuite Lynn Myers et John Solomon s'il souhaite intervenir.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur Maingot, j'aimerais m'assurer que j'ai bien compris vos propos. Vous semblez plutôt favorable à un resserrement des règles et à l'imposition éventuelle de sanctions aux contrevenants. Vous iriez même jusqu'à suggérer l'imposition de sanctions aux journalistes qui rendent possible la publication des rapports. Est-ce que je me trompe?

M. Joseph Maingot: J'ai dit qu'il vous était possible de faire comme on a fait en Angleterre. Bien qu'on ne veuille pas toujours aller jusqu'à poursuivre un journaliste, on se donne au moins la possibilité de dire que cela représente vraiment un outrage au Parlement.

M. Stéphane Bergeron: Ainsi, les journalistes se disciplinent eux-mêmes et savent que les gestes qu'ils posent peuvent être éventuellement assujettis à des sanctions.

M. Joseph Maingot: C'est exact. On peut imposer des sanctions si on connaît le coupable, mais autrement...

M. Stéphane Bergeron: Justement, c'était essentiellement l'objet de ma question. Il y a actuellement une pratique qui semble devenir de plus en plus courante. On pourra éventuellement apporter des solutions dans le cas des séances à huis clos. Comme Chuck le disait il y a quelques minutes, il s'agira de déterminer ce qui pourra être fait en séance à huis clos et ce qui pourra être fait de façon ouverte, et de donner aux partis d'opposition une certaine latitude à cet égard. Ainsi, lorsqu'on déterminera que des délibérations seront tenues à huis clos, on aura une idée du genre de sanctions et de solutions qui pourront être apportées pour resserrer et pour sanctionner les écarts.

Ce qu'il nous manque, c'est la partie intermédiaire entre le geste qui est posé et la sanction éventuelle. Comment établir la culpabilité de quelqu'un? Comment déterminer d'où vient la fuite, qui l'a alimentée et ainsi de suite? Je ne sais pas si la Chambre ou les comités sont équipés pour assurer cette petite partie-là. Est-ce que cela devrait revenir à ce comité-ci? Est-ce que chaque comité devrait régler ses propres cas lui-même? Quelles sont vos vues là-dessus, monsieur Maingot?

M. Joseph Maingot: Vous parlez de faire une «expédition de pêche»; à ce moment-ci, vous n'avez pas le droit de faire cela. Le Président ne veut pas permettre cela, sauf si un nom est mentionné. Mais si vous décidez d'imposer des sanctions à celui qui a publié ces renseignements, vous sautez par-dessus toute cette étape.

• 1140

Vous protégeriez l'intégrité de la Chambre en punissant celui qui a publié des renseignements qui auraient dû demeurer confidentiels, mais dans votre cas, il serait difficile de toujours chercher à identifier l'auteur de la fuite et de vous acharner à poursuivre des journalistes qui ne voudraient pas répondre. La Chambre pourrait adopter une résolution selon laquelle on punirait la personne qui aurait publié des renseignements émanant de séances à huis clos. À ce moment-là, on n'aurait plus besoin de s'acharner à identifier la personne qui a fait la divulgation et qui est responsable de la fuite. Vous auriez la possibilité de punir la personne qui l'a publiée. Vous protégeriez ainsi l'intégrité et la dignité de la Chambre, et vous vous protégeriez aussi vous-mêmes.

M. Stéphane Bergeron: Dans le fond, vous nous recommandez non pas de chercher à identifier et à punir la source, mais plutôt de mettre en place des mécanismes pour punir ceux qui diffusent l'information.

M. Joseph Maingot: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. Lorsque vous connaissez la personne responsable d'une fuite, vous pouvez la punir. Je crois me souvenir qu'en 1987, un député avait divulgué des renseignements relatifs à une mise aux voix lors d'une séance à huis clos d'un comité. On avait alors dit que cet acte était un outrage, ce qui constituait en quelque sorte une punition à son égard. De plus, le Président de la Chambre vous permettra toujours d'obtenir un renvoi si vous mentionnez le nom d'une personne qui a commis tel acte. Dans le cas contraire, il ne pourrait pas le faire: comment pourrait-on accuser un député quelconque sans savoir qui il est? Ce ne serait pas juste.

Le président: Ça va?

[Traduction]

Lynn Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais demander au témoin si, à son avis—et je crois que vous avez abordé la question—nous devons établir des règles plus claires pour les réunions à huis clos, si nous devons imposer, ou du moins envisager d'imposer, des restrictions plus sévères à l'égard du huis clos. Je considère que les réunions à huis clos sont importantes; elles remplissent un rôle utile. Je me demande si vous n'avez pas des règles strictes et précises à nous proposer.

M. Joseph Maingot: J'ai essayé de le faire de manière générale. Comme l'ont indiqué les présidents dans leurs décisions, la réunion à huis clos a pour but de vous permettre de vous réunir de façon informelle et de trouver un compromis. Il est vrai qu'il est préférable d'avoir un rapport unanime. Mais vous voulez, en même temps, avoir la possibilité de discuter de cette question en privé.

Ce que je propose, et vous en avez parlé plus tôt, c'est d'avoir une résolution de la Chambre qui dit que si vous publiez quelque chose qui a été dit en privé, que ce soit à huis clos ou d'une autre façon, cela constitue un outrage. Et si vous ajoutez à cela une amende, cela pourrait dissuader les journaux ou les journalistes de publier ce qui a été dit.

Ce n'est pas la première fois qu'on envisage cette solution. Le Code criminel a été modifié de manière à permettre aux juges d'interdire la publication de ce qui est dit en public pour des raisons d'intérêt public ou d'administration de la justice, pour assurer la tenue d'un procès équitable, pour protéger la vie privée d'une personne, le nom d'un plaignant, une jeune personne... Ce n'est donc pas la première fois qu'on envisage cette solution; c'est une façon de vous protéger. Les médias vont rarement parler de ce qui se passe dans une salle de tribunal parce qu'un ordre a été émis. Ça ne se fait pas. On pourrait faire la même chose ici.

• 1145

Je sais qu'il y a d'autres facteurs à considérer. Dans une salle de tribunal, un tribunal pénal, la seule personne qui voudrait peut-être en parler est le journaliste. Il y a d'autres considérations d'intérêt public dont il faut tenir compte: il y a trois, quatre ou cinq parties qui pensent différemment. J'en suis conscient. Mais si vous voulez vous attaquer au problème, le résoudre, il faudrait envisager cette solution.

M. Lynn Myers: Vous avez parlé de l'affaire Bernardo et de Stephen Williams. Il vit dans ma circonscription et me tient au courant du dossier. J'ai trouvé vos propos intéressants.

Avez-vous un montant en tête pour ce qui est de l'amende qui pourrait être imposée? Est-ce que d'autres pays ont recommandé certains montants?

M. Joseph Maingot: Eh bien, l'Australie impose une amende. Au Canada, Terre-Neuve et Québec ont adopté des lois prévoyant l'imposition d'une amende. Je n'ai pas les chiffres avec moi. En Australie, l'amende est de 5 000 $ pour les particuliers, et de 25 000 $ pour les sociétés. Vous allez peut-être dire que 25 000 $ pour une société—les journaux et les réseaux de télévision sont après de grosses entreprises—ce n'est pas beaucoup, de sorte que vous pourriez choisir un autre montant. Mais c'est l'amende qui a été imposée en Australie. Je ne sais pas quels sont les montants au Québec ou à Terre-Neuve.

M. Lynn Myers: Je me demande s'il n'y a pas d'autres mesures administratives qui pourraient être adoptées pour interdire les fuites. Comme vous le savez, le président n'intervient que lorsqu'il est saisi de l'affaire, que le nom du député est dévoilé, ainsi de suite.

M. Joseph Maingot: Oui.

M. Lynn Myers: Devrions-nous réexaminer tout cela? Devrions- nous revoir notre façon de procéder—c'est-à-dire les mesures administratives ou le rôle joué par le président?

M. Joseph Maingot: Eh bien, c'est une tout autre question. Quand Doug Fisher, qui est un journaliste distingué, a comparu devant le comité, un de vos collègues a dit qu'on devrait peut-être signer un document, comme on le fait lors du débat sur le budget, en vertu duquel on s'engage à ne rien divulguer. Maintenant, est-ce que le serment d'allégeance du député suffirait, je ne sais pas.

Comme vous le savez, l'examen d'un projet de rapport peut demander plus d'une journée. Vous envoyez des copies du projet de rapport à diverses personnes, ce qui fait qu'il y a beaucoup d'exemplaires qui circulent. Certains vont vous autoriser à examiner le rapport, mais ils vont garder la copie. Ce sont toutes des choses à considérer. C'est une question de sécurité, et je ne m'y connais pas trop dans ce domaine.

M. Lynn Myers: Merci.

Le président: Merci, monsieur Myers.

Je vais donner la parole à John Solomon, et ensuite dire brièvement quelques mots avant de passer, si possible, au témoin suivant, puisque Derek Lee attend de comparaître.

M. John Solomon: Monsieur le président, je cède ma place. M. Myers a posé les questions qui m'intéressaient.

Le président: Monsieur Maingot, je vais essayer d'être très bref et j'espère que vous en ferez autant.

Le Règlement autorise la tenue d'une réunion à huis clos quand il faut débattre d'un sujet particulier—par exemple, des questions personnelles. Dans d'autres cas, y compris celui dont nous sommes en train de parler, c'est la procédure qui commande le huis clos. Très souvent, le huis clos est prononcé non pas parce que les rapports sont très délicats ou extrêmement importants, mais parce qu'il faut discuter de questions de procédure. Les membres du comité préfèrent, quand ils sont en train de mettre la dernière main au rapport—et surtout aujourd'hui, quand vous pouvez avoir un rapport majoritaire et un rapport minoritaire—se réunir à huis clos, non pas à cause du contenu du rapport, mais des questions de procédure qui doivent être réglées.

Vous avez parlé du privilège parlementaire, mais quelle est votre opinion là-dessus? Il n'est pas question ici de haute trahison, mais de quelque chose d'assez simple, un rapport de comité. On se réunit à huis clos pour discuter de questions de procédure, non pas de choses secrètes. Je me demande si vous avez une opinion là-dessus.

M. Joseph Maingot: Si c'est le cas, pourquoi avons-nous des fuites? Si tout le monde est d'accord... Je n'ai pas de réponse à vous donner.

Il est vrai que ces réunions sont utiles: vous voulez vous réunir tranquillement pour discuter de questions de procédure. Mais comment résoudre le problème, voilà une question à laquelle chacun d'entre vous doit répondre.

Le président: Merci.

Monsieur Maingot, comme Chuck l'a dit, ou peut-être Stéphane, nous faisons très souvent appel à vos services. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous voulons vous remercier d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Cet échange a été fort utile. Merci beaucoup.

• 1150

Nous allons maintenant entendre notre collègue Derek Lee.

Chers collègues, ainsi que nous l'avons convenu, il s'agit essentiellement d'un deuxième tour de table. Derek va dire quelques mots, après quoi nous allons lui poser des questions. Je tiens à vous rappeler que la réunion se poursuivra jusqu'après la pause du midi—il y aura un buffet—afin que nous puissions donner quelques instructions à notre attaché de recherche.

Mme Marlene Catterall: Quand allons-nous nous arrêter?

Le président: Cela dépendra de l'intervention de Derek.

Derek, allez-y.

M. Derek Lee: Merci, monsieur le président et chers collègues. Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.

Mon exposé sera très bref—du moins je l'espère. J'ai eu le plaisir d'entendre M. Maingot et certaines de ses suggestions.

Il est question ici de la protection qu'accorde le huis clos aux projets de rapport, aux rapports de comités, et je tiens à vous rappeler qu'aucun autre organe, aucune autre tribune au Canada ou dans le monde, aucun autre groupe ne peut prendre une décision à ce sujet, sauf le Parlement lui-même. Nous ne pouvons pas nous adresser à d'autres. Nous ne pouvons pas nous adresser aux tribunaux. C'est à nous de décider et personne d'autre. Donc, la solution doit être trouvée et mise en oeuvre ici, et comme je l'expliquerai plus tard, il n'est pas question de faire appel à des tiers, à des entrepreneurs privés ou à qui que ce soit. La solution doit venir de nous.

Le fait que cette question soit devenue un enjeu—«les fuites de projets de rapport»—ne veut pas dire qu'il n'existe aucune loi, aucune procédure pour nous guider. Il y en a, et ce processus, espérons-le, nous amènera à mieux comprendre les règles, à les renforcer, à les redéfinir, à les rendre plus efficaces.

Il existe à tout le moins certaines occasions où les parlementaires vont demander à se réunir à huis clos. Je veux m'attaquer à ce point en premier. La présidence a d'ailleurs laissé entendre qu'ils le font pour des raisons de procédure.

Oui, il y a des projets de rapport qui devraient être protégés dans une certaine mesure; il s'agit de rapports incomplets qui, dans le passé, bénéficiaient habituellement de la protection du huis clos.

Nous ne le savions peut-être pas quand nous sommes devenus députés, le personnel n'était peut-être pas au courant, la presse non plus, ou ils en avaient peut-être une vague idée, mais c'est un fait. Il ne faut pas oublier que c'est la Chambre qui autorise le comité à mener une étude—pas seulement ce comité-ci, mais tous les comités. L'autorisation vient donc de la Chambre de sorte que, quand le comité fait rapport de la question, c'est la Chambre qui doit recevoir le rapport en premier. C'est le lien qui existe entre les deux.

Ainsi que l'a mentionné le président, la préparation d'un rapport doit, à mon avis, se faire à huis clos. J'en ai fait l'expérience, et vous aussi, je l'espère. Vous n'êtes peut-être pas convaincus que les projets de rapport et les rapports doivent être préparés à huis clos, mais c'est la conclusion à laquelle je suis arrivé.

D'autres organismes ont recours à ce mécanisme, et vous les connaissez tous. Vous en avez été témoins. Les négociations sur les conventions collectives se déroulent, si je peux m'exprimer ainsi, à huis clos. Les parties acceptent de ne pas divulguer la teneur des discussions qui ont lieu à l'intérieur de la salle. Cela fait partie du processus de négociation des conventions collectives.

Quand il y a une grève et qu'on entame des négociations, on impose un embargo sur les nouvelles. C'est essentiellement la même chose. Ce qu'ils font derrière les portes closes reste secret, parce que si vous commencez à répondre aux questions de la presse ou du grand public, les parties seront beaucoup moins susceptibles d'arriver à une entente.

Enfin, comme dernier exemple, il y a les décisions qui sont rendues par plus d'un juge.

• 1155

On ne parle pas de huis clos dans ce cas-là, et les tribunaux n'utilisent pas non plus cette expression, mais imaginez un peu ce qui arriverait si un projet de jugement rédigé par des juges d'une cour d'appel était rendu public avant qu'il ne soit prononcé officiellement. Une telle chose serait impensable. Voilà pourquoi le huis clos s'impose pour la préparation ou la rédaction des rapports.

N'oublions pas non plus—et c'est un point important—que le huis clos ne s'applique pas uniquement aux rapports. Le Parlement peut y recourir pour d'autres motifs. Par exemple, pour recueillir le témoignage d'un témoin qu'il faut protéger—et c'est souvent le cas dans une salle de tribunal; pour examiner des documents qui ne devraient pas être rendus publics pour diverses raisons; pour examiner tout autre renseignement confidentiel que reçoit un comité. Il peut s'agir de renseignements concernant des personnes que les membres du comité veulent protéger, des renseignements ayant trait à la sécurité, des renseignements commerciaux confidentiels, ainsi de suite. Dans chacun des cas, il revient aux membres du comité de décider s'ils doivent recourir au huis clos. Quand ils prennent une décision en ce sens, alors la protection doit être accordée. Peu importe ce que vous décidez ici, il ne faut pas oublier que le Parlement peut recourir au huis clos, et qu'il le fait à l'occasion pour protéger l'intérêt public.

Si le Parlement dispose d'un tel outil, il y a d'autres institutions, comme je l'ai déjà mentionné, qui prennent des mesures pour protéger le travail qui s'effectue à l'interne. Les hôpitaux ne rendent pas publics leurs dossiers médicaux. Même quand le conseil d'administration se réunit, les discussions restent secrètes. Nous devons donc, dans ce dossier, agir de façon responsable. Si nous ne le faisons pas, personne d'autre ne le fera.

La première chose qu'il faut faire, c'est de redéfinir le sens de l'expression «à huis clos». Si nous demandions aux députés de nous dire ce que cette expression signifie, moins de la moitié le saurait. Il n'y aurait pratiquement personne qui serait capable de la définir correctement. Si ceux qui ont recours au huis clos ne savent pas vraiment en quoi consiste cette procédure, il faut alors s'attacher à lui trouver une définition. Au lieu d'adopter une loi, d'établir une règle ou de modifier le Règlement, nous devrions élaborer un protocole à l'intention des comités, une sorte de pseudo-code de ce que nous sommes en train de décrire ici. De cette façon, si quelqu'un voulait savoir ce qu'on entend par le huis clos, il consulterait le document et trouverait l'explication sur une ou deux pages. Je considère cela comme un changement élémentaire.

Nous devons établir une sorte de guide à l'intention des comités pour les réunions à huis clos. Nous n'en avons pas à l'heure actuelle. Nous devons consulter deux ou trois ouvrages, analyser les précédents et les décisions des présidents. C'est une solution que nous pourrions envisager.

Il ne faut pas oublier que le comité, du fait qu'il est une émanation de la Chambre, serait toujours maître de ses décisions. Il pourrait décider d'appliquer le protocole, de ne pas l'appliquer du tout ou de ne l'appliquer qu'en partie, mais c'est lui qui déciderait de la marche à suivre et de l'utilisation qu'il ferait du huis clos.

• 1200

Cela fait des années que nous discutons de la question du huis clos. C'est une procédure que nous prenons pour acquis. Nous savons qu'elle existe, mais nous n'en comprenons peut-être pas toutes les subtilités. Quand un comité veut siéger à huis clos, il devrait le faire savoir dès le début. Le président devrait insister là-dessus. Si les membres ne veulent pas siéger à huis clos, ils ne le feront pas. Mais si le comité décide de siéger à huis clos, il devrait l'indiquer très clairement, sans se reporter au protocole ou autre guide.

Le comité devrait également indiquer pendant combien de temps il souhaite le huis clos, ou pour quelle partie de la discussion. Quand vous commencez à négocier et à rédiger un rapport, vous ne savez pas si cela va vous demander deux jours ou trois semaines, mais je crois que le comité devrait être fixé là-dessus.

S'il y a des documents qui doivent être examinés à huis clos, il faudrait alors les identifier. Je ne sais pas si cela demande beaucoup de travail, mais de nombreuses institutions... En fait, j'ai siégé à des comités qui identifiaient chacune des pages de chaque document. C'est faisable. Cela peut coûter un peu plus cher, mais c'est faisable.

Si une violation est commise, alors les comités et les députés doivent donner à la Chambre les informations dont elle a besoin. La Chambre n'est pas un service des plaintes. À mon avis, il est inutile qu'un député se lève en Chambre et dise, «Il y a eu une fuite, et cela correspond à une violation de mes privilèges». Si la Chambre n'a pas suffisamment de renseignements en main pour intervenir, elle ne peut rien faire. Si un comité ou un membre d'un comité désire déposer un rapport à ce sujet, il faudrait peut-être alors s'inspirer de l'approche adoptée par la Chambre des communes britannique.

Le protocole que j'ai proposé devrait prévoir une description des renseignements qui devraient figurer dans le rapport sur l'atteinte au privilège qui serait déposé à la Chambre. Il faudrait qu'il contienne des réponses aux questions suivantes: qui, où, quand, quoi, pourquoi et comment. Si le rapport ne répond pas à toutes ces questions, le président a alors le droit de dire, «Je prends note de ce que vous dites. Je suis d'accord avec les grandes lignes du protocole, mais vous n'avez pas répondu en détail aux questions qu'il contient.» Le président peut décider de renvoyer le dossier au comité de la procédure et des affaires de la Chambre, ou à un autre comité, mais je crois que les règles à ce sujet devraient être très claires.

Si le comité convient qu'il y a eu atteinte au privilège, il devrait alors immédiatement entreprendre une enquête et rassembler les faits avant de s'adresser à la Chambre. Autrement, s'il renvoie tout simplement le dossier à la Chambre, c'est elle qui devra prendre le temps de faire le travail des députés. Ce privilège appartient à chacun d'entre nous, collectivement, de sorte que je crois que le comité devrait faire ses devoirs avant de s'adresser à la Chambre.

En ce qui concerne les médias, ce ne sont nécessairement par eux, les vilains; il ne faudrait pas les cibler. Par ailleurs, je ne crois pas que les médias devraient avoir le droit de faire fi de nos règles parlementaires. Ces règles existent dans l'intérêt du public et visent à servir les Canadiens. Personne ne devrait avoir le droit d'en faire fi. C'est l'approche que nous devrions adopter en tant que parlementaires. Après toutes ces années, je suis d'avis que la personne qui voulait faire fi des règles du Parlement ou les contester perdrait sur toute la ligne.

Donc, la solution se trouve entre nos mains. Nous avons les outils dont il nous faut, et c'est à nous de faire notre travail.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons commencer par Randy White, et ensuite Marlene Catterall, Chuck Strahl et John Solomon, s'il le désire.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je n'ai que quelques questions à vous poser, Derek. Je présume que vous ne cherchiez pas à comparer les négociations, par exemple, à toutes les questions qui peuvent être abordées à huis clos. Vous avez laissé entendre, dans votre exemple, que les négociations devraient se dérouler à huis clos. Prenons, par exemple, la rédaction d'un rapport sur les fuites de documents. Est-ce que vous comparez cela à des négociations?

• 1205

M. Derek Lee: Monsieur White, je ne peux pas établir des règles pour chacun des comités. C'est aux membres de décider. Il n'existe pas de décision toute faite là-dessus. Si le comité estime que la question doit être examinée à huis clos, c'est à lui de décider.

M. Randy White: Je suis content que vous ayez dit cela. À mon avis, un des problèmes avec le huis clos, c'est que les comités ont tendance à le prononcer de façon presque automatique. Nous avons un rapport à examiner, réunissons-nous à huis clos. Comme il y a, je suppose, plus de députés du parti ministériel que de députés de l'opposition, vous serez mis en minorité n'importe quand.

Donc, à mon avis, la raison pour laquelle nous prononçons le huis clos... vous n'avez pas abordé ce point et nous devrions en parler. Devrait-on invoquer des raisons précises pour prononcer le huis clos, au lieu de dire tout simplement, eh bien, puisque nous allons préparer un rapport, nous allons nous réunir à huis clos?

Le huis clos présente également des problèmes. Par exemple, j'ai été témoin d'un cas où un de nos membres ne pouvait soumettre un rapport minoritaire, par exemple, et tout cela s'est déroulé lors d'une séance à huis clos. Cela ne serait pas arrivé si la réunion avait été ouverte au public. Il est donc nettement avantageux, à certains moments, de se réunir à huis clos pour des raisons partisanes.

Ce que j'aimerais voir se dégager de toute cette discussion—et vous pouvez nous donner votre avis là-dessus—ce sont des critères précis sur lesquels les comités peuvent se fonder pour prononcer le huis clos au lieu de tout simplement dire, nous allons examiner un rapport, réunissons-nous à huis clos. Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Derek Lee: Je tiens à dire que personne autour de cette table ne peut empêcher le Parlement de se réunir à huis clos. Certains soutiennent qu'un comité parlementaire ne devrait jamais se réunir à huis clos.

M. Randy White: Ce n'est pas ce que dit.

M. Derek Lee: Non. Si on décide d'établir un protocole, il faudrait décrire dans celui-ci les circonstances dans lesquelles les réunions peuvent se tenir à huis clos, mais au bout du compte, il est question ici de politique, et il y a des éléments qui... nous n'y échapperons jamais. Tous les politiciens autour de la table aimeraient avoir la possibilité d'établir des règles qui leur permettront d'éviter d'avoir à traiter ce sujet épineux, mais à mon avis, cela ne se produira jamais.

Donc, si la décision de se réunir ou non à huis clos comporte un élément politique, les députés des deux côtés devront composer avec. Si le problème est politique, la solution l'est aussi, et tous ceux qui sont réunis autour de cette table savent qu'ils disposent des outils politiques nécessaires pour accomplir leur travail.

M. Randy White: Donc, la décision de divulguer prématurément un document est essentiellement politique, n'est-ce-pas? Si vous ne pouvez pas en éliminer un, vous ne pouvez pas éliminer l'autre non plus, n'est-ce-pas?

M. Derek Lee: Ne faisons pas intervenir la politique dans le débat. Le fait d'assassiner quelqu'un politiquement peut également être assimilé à une décision politique. Cela ne veut pas dire que c'est juste, légal ou légitime. Si nous avons des règles, nous devions soit les appliquer, soit les laisser tomber.

Je sais qu'il y a des collègues qui exploitent à outrance le huis clos dans le but d'éviter d'attirer l'attention sur certaines questions, et que cela vous pose problème.

M. Randy White: On peut éviter ce genre de situation en établissant des critères pour les séances à huis clos. Je l'ai déjà fait avant de devenir politicien.

M. Derek Lee: Oui, et c'est faisable, sauf que je ne crois pas que nous allons réussir à établir une liste de dix commandements pour les réunions à huis clos.

Le président: Certaines personnes—pas moi—ne respectent pas les dix commandements, Derek.

D'accord, Randy?

M. Randy White: Oui.

Le président: Marlene Catterall, ensuite Chuck Strahl et ensuite John Solomon.

• 1210

Mme Marlene Catterall: Derek, je suis un peu étonnée de vous entendre dire qu'il revient aux membres du comité de décider s'ils doivent se réunir ou non à huis clos. Même si les comités sont maîtres à bord, dans une certaine mesure, je crois que les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que le Parlement en général, y compris les comités, appliquent les mêmes règles quand vient le temps de décider ce qui relève et non du domaine public. Pouvez-vous m'aider à comprendre la situation? Vous pourriez avoir un comité qui se réunit toujours à huis clos, et un autre qui ne le fait que rarement.

M. Derek Lee: Si tous les comités travaillaient tout le temps à huis clos, nous ne remplirions pas notre mandat en tant que comités parlementaires. Je suis tout à fait d'accord pour dire que la réunion à huis clos constitue une exception à la règle. Il est vrai qu'on se réunit à huis clos dans un but précis, pour une question de procédure, par mesure de précaution. Vous avez un intérêt, qu'il s'agisse de renseignements personnels, de renseignements commerciaux confidentiels, de sécurité nationale, ou même de la préparation d'un rapport, et pour atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé, vous devez accorder la priorité à cet intérêt, et non à l'intérêt général de siéger en public.

On pourrait logiquement appliquer le même principe aux tribunaux, où la règle veut que leurs audiences se déroulent en public. Mais il y a sans doute des audiences qui se déroulent aujourd'hui, à Ottawa, à huis clos.

L'intérêt public, une fois qu'on a pris en considération les intérêts de tout le monde, exige tout simplement que le huis clos soit utilisé de façon exceptionnelle. Au bout du compte, ce sont les membres du comité qui doivent prendre la décision et la justifier.

Mme Marlene Catterall: Croyez-vous qu'on devrait demander aux comités d'expliquer pourquoi ils veulent siéger à huis clos?

M. Derek Lee: C'est une excellente idée. Que tout le monde fasse ses devoirs. Si nous allons invoquer le huis clos, alors qu'on explique pourquoi. On demandera à la présidence de prononcer le huis clos, ou elle en fera elle-même la recommandation. On devrait peut-être préciser dans le protocole que si un comité décide de siéger à huis clos, il devrait en donner les raisons publiquement avant de le faire.

Mme Marlene Catterall: J'aimerais, comme dernière question, revenir à un point que j'ai soulevé lors de notre première réunion. Beauchesne lui-même manque de cohérence. Il dit qu'un comité peut se réunir à huis clos, mais il précise également que la décision de siéger à huis clos appartient aux membres du comité, et ce n'est pas nécessairement ce que nous faisons ici. Toutefois, la décision de siéger à huis clos appartient au comité. Il dit ensuite que les rapports doivent demeurer confidentiels jusqu'à leur dépôt à la Chambre. Si un comité décide en fait qu'il ne veut pas examiner un rapport à huis clos, c'est son droit. Or, le fait que les rapports doivent rester confidentiels jusqu'à leur dépôt à la Chambre constitue, semble-t-il, une violation du droit du Parlement.

Pouvez-vous m'aider à résoudre ce dilemme?

M. Derek Lee: Je ne peux pas le résoudre en totalité, mais il reviendrait à la Chambre de réagir, ou aux députés de la Chambre. La Chambre n'est pas un objet inanimé; elle est composée de députés. Si un comité décidait d'adopter un rapport et ensuite de le faire circuler avant qu'il ne soit déposé à la Chambre, la réaction ne se ferait pas beaucoup attendre à la Chambre et le président dirait, désolé, mesdames et messieurs les membres du comité—qui est une émanation de la Chambre—nous, à la Chambre, nous ne pouvons accepter qu'un comité permette qu'un rapport destiné à la Chambre soit rendu public avant son dépôt à la Chambre.

Donc, même s'il décidait de ne pas siéger à huis clos, le comité dérogerait aux règles d'usage et la réaction ne se ferait pas attendre. Il serait vite rappelé à l'ordre.

Mme Marlene Catterall: Un bref commentaire. Le comité de l'environnement a fait cela pendant près de quatre ans.

M. Derek Lee: C'est vrai. Et si personne ne proteste, en tant que maîtres de cette procédure, les députés auront le dernier mot.

• 1215

Le président: Chuck Strahl et ensuite John Solomon.

M. Chuck Strahl: J'ai quelques commentaires à faire.

Derek, vous dites que la Chambre ne devrait être saisie de l'affaire que si nous sommes capables de répondre aux questions qui, quoi, quand, où et comment. C'est pratiquement impossible. Cela ne se produira jamais. Quelque chose est publié dans le journal, je critique et je dénonce le gouvernement, et celui-ci répond, «Ce n'est pas notre faute», et quelqu'un d'autre va dire «Ce n'était pas moi». C'est impossible. On ne peut pas répondre à ces questions. On n'y arrivera jamais, sauf si l'auteur de la fuite avoue son geste, mais au fond, c'est impossible.

M. Derek Lee: Nos règles ne seront respectées ni à l'intérieur de la Chambre ni à l'extérieur de celle-ci si nous ne sommes pas prêts à les appliquer. C'est un fait que nous devons reconnaître. Donc, si tout le monde sait que nous sommes prêts à les appliquer, elles seront vraisemblablement mieux respectées.

Ceux qui font fi de nos règles ne vont croire que nous sommes prêts à les appliquer que lorsqu'ils nous auront vu agir une ou deux fois. Ce qui veut dire qu'un comité devra mener une enquête pour savoir ce qui est arrivé à son rapport, ou en tout cas faire de sérieux efforts pour découvrir ce qui s'est passé. Je ne dis pas que chaque fois qu'une violation est commise, la police va saisir du dossier, mener une enquête et obtenir des réponses. Tôt ou tard, nous allons avoir la preuve qu'une violation a été commise et le comité sera tout simplement obligé de mener une enquête. Il devra tout simplement demander à la personne, à l'institution ou à l'entreprise qui a enfreint les règles du huis clos de venir répondre aux questions du comité. Un tribunal ferait la même chose.

M. Chuck Strahl: Vous dites, toutefois, qu'il faudrait imposer une amende à l'éditeur.

M. Derek Lee: Il n'est pas encore question ici d'amendes. Nous essayons tout simplement de réunir les faits.

M. Chuck Strahl: Mais si aucune amende n'est imposée, la situation restera la même.

M. Derek Lee: Si les règles ne sont pas appliquées.

M. Chuck Strahl: Oui, mais vous pouvez convoquer les représentants du Globe and Mail six fois au cours de la même semaine et ils vont vous dire: «Pas de commentaire.» C'est ce qu'ils vont dire, parce qu'ils ne répondront pas à vos questions. Et même s'ils étaient acceptaient de le faire, ils vous diraient probablement, «J'ai reçu tout cela dans une enveloppe brune. Je ne sais pas qui l'a envoyée.»

Il me semble que, si vous voulez vraiment vous attaquer à ce problème, vous allez devoir accepter qu'il y ait des fuites, ou encore—et c'est ce que suggérait M. Maingot—vous attaquer à la source de publication. Et tant que quelqu'un pourra tirer un gain politique d'une telle fuite, ils vont trouver le moyen de vous empêcher de remonter jusqu'aux médias.

M. Derek Lee: Quand vous essayez d'élucider un meurtre, vous commencez par examiner le cadavre et ensuite vous remontez la filière. Si quelqu'un souhaite publier quelque chose qui a été dit à huis clos, je pense que vous avez intérêt à convoquer cette personne et à insister pour qu'elle réponde à vos questions.

M. Chuck Strahl: Si personne n'impose des amendes aux médias, ceux-ci ne se donneront même pas la peine de répondre à ces questions.

M. Derek Lee: Mais vous partez du principe que le comité ne serait pas capable de soutirer des réponses du témoin. Or, en vertu du droit parlementaire, le témoin qui refuse de répondre à une question ne rentrerait pas chez lui ce soir-là et...

M. Chuck Strahl: Mais si le témoin ne peut rien dire, Derek...

M. Derek Lee: Non, si le témoin ne sait rien, alors...

M. Chuck Strahl: Il ne sait jamais rien. Il hausse les épaules et dit: «Je ne sais pas. J'ai reçu un appel, et on m'a dit d'aller voir dans la poubelle du quatrième étage et, surprise, c'est là que je l'ai trouvé.» On ne sait pas qui...

M. Derek Lee: Il y a une différence entre le fait de ne pas savoir, et le fait de refuser de divulguer un renseignement.

M. Chuck Strahl: Il y a des gens qui veulent communiquer clandestinement un rapport. Ils vont faire en sorte que personne ne le sache.

J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, parce que je ne crois pas, sauf si vous voulez vous en prendre aux médias, qu'on puisse trouver le moyen de faire parler qui que ce soit. Il me semble que votre idée d'établir un protocole va rendre le processus tellement compliqué, que les comités n'auront pas recours au huis clos de façon aussi régulière.

M. Derek Lee: Ça va.

M. Chuck Strahl: Il me semble que ce devrait être tout un événement et à moins que vous puissiez faire cela... Les membres du Bureau de régie interne prêtent serment et les fuites sont rares. Mais ils prêtent serment sur une pile de bibles; j'oublie de quel type. J'ai juré loyauté. Je ne sais pas comment je l'ai fait, mais j'ai prêté serment. La plupart des gens ne prêtent jamais serment à un comité de sorte qu'on y passe de la séance publique à l'huis clos et que cela n'intéresse plus personne.

Le président: Nous prêtons serment en tant que parlementaires, Chuck.

Derek, pouvez-vous répondre brièvement ou voulez-vous laisser faire?

• 1220

M. Derek Lee: Je peux laisser faire à moins que M. Strahl veuille une réponse précise.

Le président: Monsieur Solomon.

M. John Solomon: Merci, monsieur le président.

Derek, je vous sais gré de vos commentaires. J'aimerais que vous me disiez si nous devons établir une distinction entre les rapports demandés précisément par la Chambre des communes par l'entremise d'un ordre de renvoi et les rapports que présentent les comités qui entreprennent leurs propres enquêtes sur tous ces sujets dont les gens se soucient peu parfois et qui, à l'occasion, sont importants. Devrait-on faire une distinction quant aux mesures à prendre en ce qui a trait aux fuites ou à l'application des règles?

M. Derek Lee: Je n'avais pas réfléchi à cela, mais c'est une distinction très intéressante. Il y a du pour et du contre. Si la Chambre ne sait pas qu'un rapport lui sera présenté, et qu'elle ne l'a pas demandé, il se peut qu'elle ne s'offense pas tant de ce que la question soit divulguée avant qu'il lui en soit fait rapport. Je crois qu'il là d'une distinction utile. Cela permet de traiter la Chambre avec le respect requis et, en même temps, de donner une certaine souplesse au comité.

M. John Solomon: On devrait peut-être alors prévoir des sanctions pour les rapports préparés en vertu d'ordres de renvoi des comités par opposition aux autres—une sanction plus sévère ou une sanction quelconque par opposition à aucune.

M. Derek Lee: Dans le cas d'une question que la Chambre n'a pas renvoyée au comité, je ne suis pas certain. Il revient au comité de décider. Il pourrait décider de siéger à huis clos. Mais en ce qui a trait aux questions qui lui ont été renvoyées par la Chambre, je crois que la décision revient à tous les membres de la Chambre. Je pense toutefois que nous devrions essayer de faire faire rapport de la question à la Chambre, comme elle l'a demandé, avant de la divulguer.

M. John Solomon: Mon autre question porte sur la qualité des fuites. Il peut arriver que des journalistes téléphonent à un membre du comité et lui disent qu'ils ont entendu parler de deux ou trois points du rapport qui sera publié le lendemain ou la semaine suivante; que le point A traite de tel sujet et le point B de tel autre et ainsi de suite. Ils peuvent aussi lui demander ce qu'il en pense lui faire part des observations de ses collègues au sujet des points en question. Les journalistes agiront ainsi plutôt que d'obtenir le rapport avec les 69 recommandations. Y a-t-il une distinction également, à savoir s'ils ont bel et bien la copie sur papier ou s'ils se fondent sur un simple échange avec quelqu'un au sujet d'un ou deux points qui pourraient se trouver dans le rapport?

M. Derek Lee: Il est beaucoup plus facile de régler le scénario de la copie sur papier—vous en conviendrez, j'en suis sûr—que celui des observations diverses. Je devrais dire que, en théorie, les commentaires divers au même titre que la fuite de la copie sur papier peuvent tout aussi bien violer la règle du huis clos. Mais si je repense aux questions de M. Strahl, il est plus difficile dans le cas des commentaires divers de prouver qu'il y bel et bien eu violation du secret du huis clos. Je sais que certains d'entre nous ont du mal avec la confidentialité de nos réunions du groupe parlementaire, alors qu'après une telle réunion un membre peut discuter de questions qui peuvent ou non y avoir été soulevées. Les journalistes sont en fait assez perspicaces pour se faire une idée de ce qui s'est passé dans la salle en interrogeant simplement quelques députés.

Je n'ai donc pas de réponse définitive à vous donner.

M. John Solomon: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur André Harvey.

M. André Harvey: Monsieur le président, j'aimerais souligner au départ qu'il faut se dire qu'il n'y a rien de plus public que des délibérations à huis clos. Cet aspect présente un attrait assez important.

[Traduction]

Une voix: C'est vrai.

[Français]

M. André Harvey: Est-ce qu'au cours de l'histoire, il y a eu des fuites qui ont eu des conséquences extrêmement fâcheuses sur le plan idéologique ou sur le plan financier? Y a-t-il des exemples de fuites qui ont entraîné un drame dans l'histoire parlementaire, ici au pays ou ailleurs dans le monde? J'apprécierais qu'on nous donne quelques exemples pour illustrer la gravité ou l'absence de gravité de la situation. J'aimerais connaître votre point de vue.

[Traduction]

M. Derek Lee: Je n'ai pas consacré beaucoup de temps à rassembler des exemples, mais je vous dirais que la teneur du rapport, qui a peut-être fait ou a fait l'objet de fuites et a causé le renvoi de la question à ce comité, portait sur la politique canadienne en matière d'armes nucléaires, si je ne m'abuse. Cette question, bien que c'était vraiment important pour tout le monde au moment de l'élaboration du rapport, risquait de déstabiliser les relations internationales de notre pays. Personne n'était vraiment en danger, mais une fuite, comme vous le soulignez, monsieur Harvey, d'une question étudiée à huis clos acquiert beaucoup de crédibilité du simple fait qu'il s'agit d'une fuite. La divulgation d'un élément d'un rapport de cette nature, traitant d'un sujet qui aurait pu devenir à un certain moment délicat dans les relations que le Canada entretient avec d'autres pays, aurait pu déstabiliser temporairement nos relations internationales, et ce inutilement. Ainsi, non seulement la fuite offense les membres, qui avaient la possibilité de s'exprimer confidentiellement sur le sujet et de se pencher sur des questions délicates avant que le rapport soit publié, mais elle a aussi un impact à l'extérieur de la salle de comité.

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Je crois donc que cela illustre bien l'utilité de l'examen à huis clos. À la fin de l'exercice, les membres du comité devaient prendre une décision au sujet de cette politique nucléaire, mais avant que le rapport soit publié tous les membres du comité méritaient qu'on leur donne la possibilité d'examiner soigneusement l'ensemble du rapport et d'en comprendre les répercussions sur la politique canadienne et les relations internationales. La fuite les a ainsi privés en partie de cette capacité et aurait pu embarrasser certains députés, ce qui a probablement été le cas.

Le président: Chers collègues, je remercie notre collègue Derek Lee non seulement pour le temps qu'il a passé avec nous aujourd'hui mais pour celui qu'il a de toute évidence consacré à suivre nos discussions. Derek, nous vous en sommes vraiment reconnaissants. Cela nous est très utile.

Je n'avais jamais entendu utiliser le verbe «advert» dans ce sens, mais en tant que président du comité, j'aimerais maintenant vous mentionner que... Soit dit en passant, ce que je prévois c'est que, si nous décidons de continuer à huis clos, nous suspendrons la séance pour une courte période—simplement pour que vous le sachiez. À titre d'information, j'ai l'intention de proposer que nous poursuivions à huis clos afin que nous puissions donner des directives à notre attaché de recherche au sujet de l'élaboration d'une ébauche de rapport.

C'est la première raison et la deuxième, c'est pour que nous puissions manger. Ainsi, chers collègues...

M. Stéphane Bergeron: Ou des sandwiches.

Le président: ...je propose que nous poursuivions à huis clos. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Randy White: Non.

Le président: Vous n'êtes pas d'accord?

Je demande à quelqu'un de proposer que nous poursuivions nos travaux à huis clos.

M. Lynn Myers: Je le propose.

    (La motion est adoptée)

Le président: Nous poursuivons nos travaux à huis clos et, chers collègues, la séance est suspendue environ cinq minutes.