CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 18 octobre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La 126e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au XXIe siècle.
Nous avons eu un changement aujourd’hui en ce qui concerne la première heure. M. Yosief Araya a dû annuler pour cause de maladie et c'est donc Mme Bond qui est avec nous. Je vous remercie de votre présence ici.
Je propose que nous tenions une séance de 50 minutes, puis que nous passions au deuxième groupe et que nous réservions un peu de temps à la fin de la réunion pour une séance à huis clos. Nous prendrons les 10 minutes restant avant la comparution du deuxième groupe.
Merci d’avoir accepté de vous joindre à nous aujourd’hui. Il s’agit d’une étude très vaste sur les enjeux liés à la migration. Nous procédons d’une façon qui n’est pas tout à fait linéaire. Diverses questions nous attendent, et nous en tirerons des conclusions, espérons-le, après que les témoignages se seront poursuivis pendant un certain temps.
La parole est à vous. Merci.
Merci beaucoup de m’avoir invitée. C’est un véritable honneur d’être parmi vous aujourd’hui.
Je m’appelle Jennifer Bond. Je suis professeure de droit à l’Université d’Ottawa et directrice générale du Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa. Je suis également présidente de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés.
J’ai l’intention de centrer mon intervention d’aujourd’hui sur deux choses, premièrement, le potentiel des programmes de parrainage communautaire pour protéger les réfugiés et transformer l’approche mondiale en matière de réinstallation de façon très fondamentale, et deuxièmement, l’occasion unique qu’a le Canada de diriger cette transformation.
Comme je sais que vous avez déjà entendu un certain nombre d’autres témoins vous parler de l’ampleur des problèmes de déplacement dans le monde aujourd’hui, je vais commencer par quelques remarques clés.
Premièrement, le nombre de personnes déplacées de force augmente considérablement. Vous avez entendu les chiffres lorsque nos collègues du HCR ont comparu devant vous. Ils sont énormes. Deuxièmement, la communauté mondiale n’a pas réussi à mobiliser une capacité collective suffisante pour protéger adéquatement toutes ces personnes, d’autant plus qu’elles ont besoin d’une protection plus longue que jamais auparavant. Troisièmement, de nombreux gouvernements et leurs citoyens s’inquiètent sérieusement de la façon dont ces grands défis en matière de protection recoupent leur capacité d’intégrer efficacement les nouveaux arrivants afin qu’ils améliorent les sociétés existantes. Quatrièmement — et nous devons tous le reconnaître —, lorsque l’intégration échoue, les communautés en souffrent, les sentiments anti-immigrants s’enveniment et l’appui au programme de protection plus vaste est remis en question.
C’est un moment très complexe et très difficile, mais au cours des 40 dernières années, le Canada a discrètement mis au point un outil incroyablement puissant qui a le potentiel d'améliorer énormément les choses, et c’est le parrainage communautaire. Le parrainage est un programme ou une idée que beaucoup d’entre vous connaissent bien. À bien des égard, il a fait partie de l'environnement dans lequel un bon nombre d'entre vous ont grandi, et nous sommes nombreux à le tenir pour acquis. Cela fait partie de ce que nous considérons comme un élément normal de la réinstallation des réfugiés.
Jusqu’à tout récemment, cependant, nous étions le seul pays au monde à avoir un modèle de politique durable et robuste qui donne aux simples citoyens la responsabilité première d’accueillir et d’intégrer les réfugiés dans leurs collectivités locales. La plupart des Canadiens ne le savent pas. Ils ne savent pas à quel point ce programme est unique.
Nous avons lancé le parrainage communautaire à la fin des années 1970 et, depuis, les Canadiens ont parrainé plus de 300 000 réfugiés en plus de ceux qui ont été réinstallés dans le cadre de nos programmes gouvernementaux. Cela comprend plus de 30 000 Syriens qui sont arrivés grâce à des groupes de parrainage dans plus de 400 collectivités canadiennes depuis 2015 seulement.
Aujourd'hui, au Canada, le parrainage privé comprend un certain nombre de programmes différents. Il y a les parrainage privés, une appellation que beaucoup d’entre vous connaissent bien; les parrainages de RDBV; les parrainages de LGBTQ; les parrainages médicaux; et les parrainages éducatifs. Nous avons beaucoup de volets de programme différents, et chacun d’entre eux est régi par ses propres configurations stratégiques. Au coeur de toutes ces initiatives se trouve la notion fondamentale selon laquelle les groupes de citoyens ont le pouvoir et la responsabilité d’accueillir et d’intégrer les nouveaux arrivants. C’est au coeur de tous ces programmes.
Ensemble, ces programmes démontrent trois choses importantes, à savoir, premièrement, que les réfugiés parrainés par la collectivité s’intègrent relativement rapidement et qu’ils obtiennent de meilleurs résultats selon toutes sortes d’indicateurs au cours de la première, de la troisième et de la cinquième année suivant leur arrivée. Ce n’est pas vraiment surprenant si vous pensez aux nombreux avantages qui découlent du regroupement de 10, 20 ou même 50 personnes qui cherchent à vous aider à vous familiariser avec votre nouvel environnement. Bien sûr, les formes de ce soutien sont nombreuses. Il s’agit notamment de trouver et de meubler un logement, d’offrir une formation linguistique informelle en prenant un café ou en partageant un repas, de présenter les nouveaux arrivants à leurs voisins ou à leur coiffeur, d’aider les enfants à faire leurs devoirs, de leur apprendre à patiner, d’aider les adultes à rédiger leur curriculum vitae et à décrocher leur premier emploi — toutes ces petites choses contribuent à améliorer la vie des nouveaux arrivants.
Du point de vue des politiques, ce qui importe, c’est que les répondants se sentent profondément investis dans la réussite de leurs nouveaux voisins. Il ne s'agit plus d'observer vos nouveaux voisins de loin, et peut-être même d’espérer le meilleur pour eux, à distance. Il s’agit plutôt d’une entreprise collective. Le succès de votre nouveau voisin est aussi votre succès, et cela change la donne. Les résultats nous montrent également que cela change les choses pour les réfugiés.
Deuxièmement, et c’est vraiment important, le parrainage communautaire a un impact profondément positif sur les communautés locales. Si vous parlez aux répondants ici au Canada, ils vous diront presque toujours à quel point le parrainage a été important pour eux. Ils parlent de la façon dont cela a rassemblé leurs communautés, et a eu un effet positif sur leur propre sentiment de détachement et de solitude dans un monde chaotique et axé sur la technologie. Ils disent à quel point l’expérience a été enrichissante. Le plus frappant, c’est qu’ils parlent toujours des conséquences pour eux. Ce n’est pas de ce qu'ils ont fait de bien pour le monde. C'est de la façon dont leur vie s’est améliorée. Cela vaut vraiment la peine d’être souligné dans un contexte où nous faisons face aux problèmes plus vastes liés aux déplacements.
Il convient également de souligner que les programmes de parrainage ont le potentiel de mobiliser de nombreux types de collectivités. D’après notre expérience ici au Canada, des grands cabinets d’avocats ont fait du parrainage, des clubs de lecture de quartier ont fait du parrainage, de même que des villes entières, diverses communautés confessionnelles et des communautés interconfessionnelles. C’est l’occasion de mobiliser de nombreux types de collectivités.
Bien sûr, ce ne sont pas seulement les répondants qui sont engagés, mais aussi leur entourage. Cela fait vraiment partie de la magie de ces programmes. Ce sont les gens qui se font demander un siège d’auto ou un divan, ou quelques heures de leur temps, non pas par un étranger ou une agence professionnelle, mais par leurs amis, leurs voisins, et ils se sentent obligés d'apporter leur contribution.
Nous savons, d’après des données d’enquête récentes, que près de deux millions de Canadiens ont fait partie de groupes de parrainage au cours des trois dernières années seulement. C’est extraordinaire quand on pense à notre population. Je trouve tout aussi étonnant que sept millions d’autres Canadiens connaissent quelqu’un qui a parrainé et offert une forme quelconque de soutien. Encore une fois, le parrainage a une portée extraordinaire.
Cela m’amène à mon troisième avantage important. Avec le temps, le parrainage peut traduire, quartier par quartier, communauté par communauté, ville par ville, une mobilisation qui commence de la façon la plus intime. Il s’agit d’aider les familles à trouver leur place dans leur nouveau pays.
Vous pouvez voir que cette mobilisation se traduit par une meilleure compréhension et un soutien accru du programme de protection plus vaste. Dans le contexte complexe et difficile d’aujourd’hui, ce soutien est d’une importance capitale. C’est un aspect essentiel de ce que nous devons aborder lorsque nous examinons les enjeux globaux que vous avez tous étudiés.
La conviction que le parrainage communautaire peut mener à ces trois résultats importants a mené à la création de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés, ou IMPR, un partenariat unique qui réunit le gouvernement du Canada, le HCR, la Fondation Giustra, Open Society Foundations et le Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa. Vous avez devant vous des exemples de documents qui ont été produits dans le cadre de ce partenariat.
Notre objectif collectif est d’encourager et d’appuyer l’adoption de programmes de parrainage communautaire partout dans le monde, et cela suscite un vif intérêt. En ce moment même, l'IMPR travaille dans plus de 15 pays qui sont intéressés à explorer la possibilité de programmes de parrainage. Nous appuyons également la conception et la mise en oeuvre de programmes annoncés publiquement au Royaume-Uni, en Argentine, en Irlande, en Nouvelle-Zélande, en Allemagne et en Espagne. C’est une liste intéressante de pays, en partie en raison de sa diversité.
Des centaines de réfugiés parrainés arrivent déjà dans plusieurs de ces pays, et nous prévoyons que, d’ici la fin de l’année prochaine, des dizaines de milliers de répondants viendront directement en aide aux réfugiés du monde entier pour la première fois à l’extérieur du Canada. Le Royaume-Uni est un chef de file à cet égard. J’ai récemment assisté à un événement à Londres qui m’a donné l’occasion d’entendre le genre d’histoires que nous entendons depuis des décennies au Canada, sauf qu’elles étaient partagées avec des accents gallois, irlandais, écossais et cocotiers. C’était une démonstration très éloquente de ce qui peut se produire si nous trouvons les bons outils stratégiques pour habiliter nos collectivités. Les communautés ont beaucoup de compétences, beaucoup d’énergie et beaucoup de compassion. À l’heure actuelle, compte tenu de ces défis importants, nous devons les habiliter.
Le parrainage dans le cadre de l'IMPR a été inclus par les États membres de l’ONU dans la version finale du Pacte mondial pour les réfugiés, et la communauté internationale étudie actuellement très activement de nouvelles approches aux problèmes de déplacement massifs que vous avez examinés. Les autres pays voient de l’espoir dans le parrainage, ils s’intéressent au parrainage et ils comptent sur le Canada pour montrer la voie.
Que pouvons-nous faire? Je vais conclure sur ce point.
Nous devons partager généreusement nos 40 ans d’expérience, avec humilité et honnêteté. Nous devons parler de ce qui n’a pas bien fonctionné. Nous devons également accroître notre engagement à l’égard du renforcement des capacités dans le cadre de ces programmes, en trouvant des moyens importants non seulement de décrire ce que nous faisons ici, mais aussi de nous retrousser les manches, d’offrir notre expertise, notre soutien opérationnel et un accompagnement soutenu à mesure que les États transforment leurs propres approches pour accueillir les nouveaux arrivants. Ce que nous tenons pour acquis, c’est un énorme bond en avant dans la plupart de ces pays.
Nous devons également trouver des moyens d’établir des liens entre les groupes de parrainage du Canada et ceux qui se forment partout dans le monde, afin que nous puissions tirer parti de l’expertise, de la générosité, de l’énergie et des compétences communautaires qui sont au coeur de notre programme ici pour aider les autres à élaborer ces programmes ailleurs.
Plus important encore, nous devons reconnaître le potentiel de transformation d’un modèle qui, pour nous, est normal. Je me réjouis de l’étude que vous entreprenez ici pour cette raison. C’est l’occasion de voir ce que nous faisons bien et les domaines dans lesquels le Canada peut être un chef de file, et c’en est un. Le Canada est un pionnier dans le domaine du parrainage. Nous faisons discrètement ce que nous faisons depuis 40 ans, mais le monde nous demande maintenant de jouer un rôle de chef de file. Compte tenu de l’ampleur et de la complexité des défis auxquels la communauté internationale est confrontée, le Canada a l’occasion et la responsabilité de répondre à l'appel qui lui est lancé.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir invitée et j’ai hâte de discuter avec vous.
Merci, monsieur le président.
Merci, madame Bond, de votre témoignage et de tout le travail que vous avez accompli.
Certains de nos témoins précédents nous ont parlé de l’étude sur le lien entre les voies de migration légales et irrégulières, et de la façon dont la réduction de la disponibilité des voies de migration légales entraîne habituellement une augmentation du nombre de migrants qui cherchent des voies irrégulières, souvent à grands risques et à grands coûts.
Pouvez-vous nous parler de la relation entre les voies légales et irrégulières? Est-il possible de créer des canaux légaux pour mettre un frein aux filières irrégulières?
Je vais laisser à ceux qui en ont fait une étude plus quantitative le soin de parler de ce qui se passe quand nous commençons à déplacer différents leviers politiques qui réagissent les uns aux autres, et je me contenterai ici de souligner qu’on a intérêt, à l’échelle mondiale, à essayer d’accroître la capacité de réinstallation pour deux raisons principales.
La première, c’est qu’il y a des vies en jeu. Lorsque la communauté internationale dans son ensemble ne se réunit pas pour trouver une façon de protéger ces vies, les gens désespérés commencent à bouger de leur propre initiative. On reconnaît généralement que si des canaux ne sont pas créés — des canaux réguliers, sûrs et accessibles pour les gens qui cherchent désespérément à sauver leur vie et à protéger leur famille —, les autres formes de migration subiront des pressions croissantes. Cela fait partie de ce que reflète le Pacte mondial pour les réfugiés. Vous voyez des États qui cherchent des solutions pour essayer d’éviter les pressions qui accompagnent les formes irrégulières de migration.
Deuxièmement — et je tiens vraiment à le souligner —, il y a un petit nombre d’États dans le monde qui accueillent la grande majorité des 25 millions de réfugiés. Vous en avez entendu parler. Je crois comprendre que vous avez visité certains de ces pays. Cela exerce des pressions intenses sur leurs systèmes, leurs populations et leurs collectivités, et ils demandent l’appui de la communauté internationale pour qu'on reconnaisse qu’il s’agit d’un problème mondial, d’un défi mondial qui nécessite des solutions mondiales. Assurer la réinstallation, ce n'est pas seulement créer des canaux, pas seulement sauver des vies, mais aussi participer en tant que membre actif de la communauté internationale et se montrer solidaire avec les États qui accueillent la grande majorité des personnes déplacées dans le monde.
Ce sont les deux principales raisons de procéder à la réinstallation en général. À mon avis, le parrainage présente un troisième avantage. Le troisième avantage est le changement dans les populations hôtes. Non seulement nous réinstallons les gens, mais nous appuyons également les collectivités qui accueillent les nouveaux arrivants. Avec le temps, cela change le tissu de ces collectivités et, éventuellement, des pays, et contribue à soutenir tout le programme de protection, y compris pour les personnes qui arrivent par des voies irrégulières.
Nous avons entendu dire que la réinstallation n’est pas toujours une solution compte tenu du nombre élevé de personnes déplacées et de réfugiés. Qu’en pensez-vous? Le Canada peut-il prendre d’autres mesures que la réinstallation?
Quelles mesures le Canada peut-il prendre, à part la réinstallation, pour aider le nombre croissant de réfugiés et de PDIP?
Il y a un certain nombre d’étapes que les États ont identifiées comme étant favorables à une solution globale. L’une d’elles consiste à investir dans les pays qui accueillent la grande majorité des réfugiés. Nous savons qu’il y a des déficits budgétaires continus dans tous les organismes internationaux qui offrent du soutien dans ces États. Je pense qu’il est important d’examiner de très près les enveloppes humanitaires et les enveloppes de développement pour déterminer comment ce soutien peut être offert.
Comme vous le savez, les difficultés entourant les PDIP sont différentes parce que ces personnes ne traversent pas une frontière internationale. Les PDIP soulèvent une série de questions complexes pour la communauté internationale, notamment qui est le mieux placé pour les aider et quelles sont les politiques entourant ce soutien, mais je pense que c’est une population discrète que nous devons également prendre en considération.
Je sais que vous avez entendu des experts sur la question des PDIP. Tous les États reconnaissent, je pense, qu’ils doivent examiner leurs propres efforts d’intégration. Ces programmes et notre capacité d’accueillir avec succès les nouveaux arrivants dépendent des investissements dans l’intégration. C’est un domaine dans lequel le Canada est un chef de file — nous investissons beaucoup dans l’intégration — et nous pouvons offrir beaucoup de soutien à la communauté internationale qui commence à réfléchir à la façon d’élargir les interventions.
Je crois comprendre que vous avez participé à certaines des délibérations entourant le Pacte mondial sur la migration. Pouvez-vous nous parler de certaines des mesures prévues dans le Pacte pour favoriser l’immigration légale et sécuritaire?
Je tiens à préciser que je n’ai pas participé à la négociation du pacte. Le Pacte est né d’un processus mené par les États en collaboration avec le HCR. Le HCR a déposé une série d’ébauches pour les États, et la communauté internationale a eu l’occasion de participer à une série de consultations à Genève. Je n’y ai pas participé. J’ai suivi le processus de près et, comme je l’ai dit ici aujourd’hui, une partie de mon travail sur le parrainage se reflète dans l’ébauche finale qui a été négociée entre les États et que le HCR a acceptée.
Y a-t-il des changements législatifs ou réglementaires que le Canada devrait envisager pour freiner la migration irrégulière?
Je crois comprendre que votre étude porte sur un certain nombre de sujets, y compris notre système d’asile national ainsi que les contributions internationales. Je suis venue ici aujourd’hui pour vous parler précisément des contributions mondiales et non pas pour vous parler en détail des modifications législatives touchant nos propres processus d’octroi de l’asile. Je vais donc m’en remettre à certains de vos autres experts à ce sujet.
Merci, monsieur le président.
Je comprends que votre position et vos commentaires mettent l'accent sur la dimension internationale, mais ce faisant, vous avez dû examiner les programmes de parrainages locaux. J’aimerais vous poser une question au sujet des délais d’approbation des groupes de parrainage et, deuxièmement, au sujet du financement des réfugiés.
D’après ce que je comprends, les groupes de parrainage peuvent se servir de ce qu'on appelle le programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, au sujet duquel je ne sais pas grand chose. J’espère que vous pourrez nous éclairer. Ces bureaux font toute la présélection. Ils font le travail préparatoire à la confirmation du droit d'asile. Ensuite, les répondants doivent être approuvés, et c’est tout. Le réfugié leur est assigné et il se met en route.
J’ai entendu parler de dossiers, dans le cadre de ce processus, qui prennent de un à quatre mois, ou même de six à 12 semaines — j’aimerais savoir ce que vous en pensez — par opposition aux délais d’attente actuels d’un an et plus que connaissent les groupes de parrainage.
Si j’ai bien compris, le gouvernement s’est engagé à traiter 1 500 demandes par année et il en manque actuellement 500, car il a besoin de plus de répondants. Le gouvernement s’occupe des six premiers mois de financement des réfugiés, et je crois savoir qu’il y a une organisation juive qui s’est engagée à s’occuper des six derniers mois de dépenses. Le groupe de parrainage, si c’est le cas, n’aurait donc pas à s’inquiéter des coûts pour la première année.
Je ne sais pas dans quelle mesure vous connaissez le programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, mais si vous pouviez nous éclairer, je vous en serais reconnaissant.
Je vais répondre à cette question en deux parties, parce que je connais bien le programme de RDBV — un programme au nom très mal choisi que nous appelons le RDBV — en tant que mécanisme stratégique dans le contexte canadien. Je m’intéresse aussi beaucoup au financement du secteur privé dont vous avez parlé, qui, pendant un temps limité, subventionne la partie du programme à la charge des répondants. Je vais aborder ces deux aspects.
La première question que vous avez posée portait sur le fonctionnement du programme de RDBV et sur la différence entre ses dimensions opérationnelles et ce que nous appelons souvent le programme de parrainage privé. Je préfère appeler cela le programme de désignation, pour bien faire comprendre la différence.
Dans le cadre du programme de parrainage privé — ou du programme de désignation —, des Canadiens ou des groupes de Canadiens peuvent désigner la personne qu’ils souhaitent parrainer quelque part dans le monde. Ils inscrivent son nom et produisent une série de documents pour montrer pourquoi cette personne devrait venir comme réfugiée. Le gouvernement du Canada assume ensuite la responsabilité de trouver la personne en question n’importe où dans le monde pour lui faire subir une série d’entrevues et déterminer si elle est un réfugié. Si c’est le cas, et si le groupe de parrainage est approuvé, il pourra présenter une demande de parrainage.
Je vais comparer cela au programme de RDBV, qui commence lorsque le HCR envoie un nom au gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada effectue ensuite un contrôle pour déterminer s’il s’agit d’un réfugié qui répond aux critères canadiens. Il effectue également des examens médicaux, de sécurité et de santé. Le réfugié est ensuite proposé à des groupes de parrainage au Canada qui souhaitent parrainer quelqu’un.
En raison de cette différence importante, le délai opérationnel entre le moment où la demande de parrainage est reçue et le moment où le réfugié arrive n'est pas le même. Dans le premier cas, la réfugiée est préapprouvée avant d’être présentée sur dossier au groupe de parrainage. Dans le deuxième cas, des noms sont communiqués au gouvernement du Canada qui, à l’aide de ses bureaux des visas, trouve les personnes en question et amorce le processus de contrôle. C’est très différent du point de vue opérationnel.
L’autre chose qui est très différente au Canada en ce moment, c’est que la demande est énorme à l'égard des réfugiés désignés. Nous appelons cela l’effet d’écho. Il y a beaucoup de gens qui sont arrivés au Canada au cours des dernières années et qui ont laissé derrière eux des êtres chers. Ils demandent actuellement à leurs propres groupes de parrainage, ou à d’autres membres de la communauté qu'ils encouragent à former des groupes de parrainage, de faire venir leurs êtres chers pour qu'ils soient en sécurité. En raison de l’effet d’écho, il y a eu une augmentation du nombre de demandes dans le cadre du programme de désignation. Nous nous attendons à ce que ce soit, en grande partie des cas de réunification des familles. Cela a imposé une forte demande à un modèle opérationnel déjà plus lent,
Vous avez tout à fait raison. Il y a un écart important dans les temps d'attente. Nous voyons des délais de trois à cinq ans, selon l’endroit où se trouve le réfugié désigné, dans le modèle de désignation. Le délai peut être de quelques semaines dans le modèle de RDBV. C’est tout à fait différent.
Je vais répondre à votre deuxième question sur l'état actuel du programme de RDBV du Canada. Le Canada s’est beaucoup intéressé au maintien de ce modèle de parrainage très dynamique. Il y a une liste d’attente pluriannuelle qui en témoigne, mais il y a eu moins de sensibilisation et moins d’intérêt à accueillir des réfugiés parrainés par le programme RDBV ces derniers temps. Il y a un certain nombre de théories à ce sujet, y compris le fait que l’effet d’écho a encouragé les répondants à soutenir les proches des gens qui sont déjà ici. Nous pourrons approfondir cette question si cela vous intéresse.
En réponse à cela, un certain nombre d’organismes communautaires ont cherché des moyens de promouvoir le recours au programme de RDBV et de sensibiliser les groupes de parrainage canadiens à la disponibilité du programme. L’une de ces interventions a été dirigée par mon organisme, le Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa. Nous nous sommes associés à un certain nombre de philanthropes qui ont offert de subventionner la partie du parrainage à la charge des répondants.
Vous avez eu raison de mentionner une deuxième différence dans le programme de RDBV. Excusez-moi, j’ai oublié d'en parler. Dans le programme de désignation, le répondant est responsable de 100 % des coûts d'établissement pendant la première année. Dans le programme de RDBV, c’est partagé moitié-moitié entre les répondants et le gouvernement du Canada. Le groupe de parrainage assume les 50 % pendant une période limitée et il est entièrement subventionné par un groupe de philanthropes par l’entremise de notre organisation et d’un partenariat avec Jewish Family Services, qui travaille avec nous dans ce domaine.
Cela a entraîné une longue liste d’attente pour le parrainage de RDBV. Alors que nous avons commencé, il y a quelques semaines, en pensant qu’il y avait une pénurie dans ce domaine, il y a maintenant une longue liste de personnes qui attendent d’appuyer les réfugiés parrainés par les RDBV, et nous avons du travail à faire maintenant pour analyser ce que cela nous dit au sujet des modèles opérationnels et des pressions exercées sur le système.
Je pense qu’elle a très bien expliqué la situation. Je dois avouer que, jusqu’à tout récemment, je n’avais jamais entendu parler du programme de RDBV. Si votre organisation y participe, félicitations, car ce programme semble régler le problème des temps d’attente, bien que je suppose que si sa popularité augmente, ce ne sera pas le cas.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, madame Bond, de votre travail dans la collectivité et d’être venue témoigner devant le Comité aujourd’hui.
En ce qui concerne le programme de parrainage de réfugiés, comme vous l’avez souligné, il y a beaucoup de gens au Canada qui sont très généreux et qui veulent profiter de cette possibilité de parrainage. Cependant, il y a des limites, parce qu’ils n'arrivent pas à faire venir une famille ici et continuent d'attendre.
Je me demande donc si vous avez des recommandations à faire au gouvernement en ce qui concerne les mesures stratégiques directes qui peuvent être prises pour régler ce problème. C’est ma première question.
Excellent. Merci.
J’ai expliqué les complexités opérationnelles du programme de désignation, mais je suis également consciente qu’il y a beaucoup de bonne volonté et de compassion dans les collectivités canadiennes. Beaucoup de Canadiens ont recueilli des fonds. Ils ont de l’argent et un intérêt pour le parrainage, mais ils sont découragés par les très longs délais d’attente. Je pense qu’il incombe au gouvernement de réfléchir à ce qu’il peut faire.
Il y a plusieurs options. La première consiste à investir dans la capacité de traitement des demandes. Dans la mesure où il y a un obstacle opérationnel, il y a évidemment des façons d’accroître notre capacité opérationnelle.
Deuxièmement, comme vous le savez, il y a un objectif de niveaux, qui fixe un plafond au nombre de personnes qui peuvent venir au Canada grâce aux parrainages. Le parrainage comporte des coûts et diverses composantes opérationnelles, mais le plafond pourrait être levé de façon à mobiliser et à soutenir l’intérêt continu de ces groupes. Je crains qu'il soit très improductif de décourager les groupes de parrainage en les faisant attendre trois, quatre ou cinq ans.
En dernier lieu, je dirai qu'à mon avis, c’est une occasion de sensibiliser les Canadiens aux autres canaux disponibles. En plus du programme de RDBV, il y a un certain nombre d’autres possibilités de parrainage qui ne reposent pas sur la désignation d'un réfugié. Certains Canadiens ne sont tout simplement pas au courant de leur existence, et je pense donc qu’en faisant un meilleur travail de sensibilisation au sujet de l’éventail des canaux, on pourrait diversifier les intérêts d’une façon qui serait bénéfique pour tous nos objectifs stratégiques globaux.
Merci.
C’est également ce que j’ai entendu de la part de la communauté, qui demande au gouvernement de lever le plafond. C’est essentiel, car le plafond limite la capacité de générosité des Canadiens dans cet effort. Je vous entends dire que c’est une chose que le gouvernement devrait faire. L’autre chose, bien sûr, c’est que les niveaux doivent correspondre. S'ils ne correspondent pas, sans l’un ou l’autre, cela ne fonctionne pas vraiment.
Enfin, en ce qui concerne le traitement des demandes, vous avez tout à fait raison. La capacité de traitement est essentielle. Le gouvernement a établi, par exemple, une période de traitement de 12 mois pour le parrainage d’un conjoint. Pensez-vous que ce devrait être la cible du gouvernement pour ce travail, pour ce volet?
Le parrainage de réfugiés pose d’importants défis opérationnels. L’emplacement géographique de certaines de ces personnes est assez précaire. Nous avons de la difficulté à avoir accès à certaines régions du monde où des gens ont désigné un réfugié. Il est plus difficile de créer une cible de traitement de la même façon que pour les autres volets où la demande est davantage étudiée sur dossier.
Je suis convaincue que les investissements dans la capacité opérationnelle nous permettront de réduire le temps de traitement moyen, ce qui serait une bonne chose.
Dans le cas des endroits difficiles, où il n’y a même pas de bureau de traitement pour examiner la demande, le gouvernement a déjà fait appel au HCR, à l’OIM et à d’autres organismes internationaux qui sont fiables pour faire ce travail.
En fait, dans certains cas précédents, dans le cadre des initiatives visant les réfugiés syriens parrainés par le secteur privé, l’ancien ministre s’est engagé dans ce processus pour que certaines personnes puissent enfin se rendre au Canada pour y être réinstallées.
Voilà les options que le gouvernement peut envisager pour accélérer le processus. Êtes-vous d’accord?
Je pense que c’est exact. Je pense qu’il y a une multitude de coûts associés à l’augmentation de la capacité de traitement. Il faut les comparer avec les ressources incroyables qui sont mobilisées dans notre collectivité.
Il y a des millions de dollars et beaucoup de Canadiens qui ont très hâte d’aider les réfugiés à un moment où les besoins sont criants. Je pense que le fait de déterminer comment tirer parti de cet investissement, de cette énergie et de cette compassion dans nos collectivités appuie l’examen de modèles créatifs comme vous le décrivez.
Dans votre exposé, vous avez mentionné quelque chose que nous ont dit les réfugiés, c’est-à-dire la façon dont ils décrivent leurs familles. Ce qu’ils considèrent comme leur famille immédiate est très différent de ce qu’envisage la société occidentale, mais leur demande de réunification des familles est très limitée. Elle se limite au conjoint, aux enfants mineurs de même qu'aux parents et grands-parents, pour lesquels il y a des filières.
Pour beaucoup de réfugiés, les frères et soeurs, par exemple, ne sont pas inclus. S’ils ont un enfant adulte qui a une famille distincte et qui n’a pas été inclus dans la demande initiale, ils ne sont pas inclus dans le volet de réunification des familles, et ainsi de suite. Pensez-vous qu’il serait sage que le gouvernement envisage d’apporter des changements à la façon dont nous définissons la famille, surtout à la lumière de l’évolution de nos collectivités dans un contexte mondial, et d’examiner notre politique d’immigration à cet égard?
L’une des choses qui se sont produites dans le cas du volet de parrainage en particulier, c’est le recours massif à la désignation pour le parrainage des membres de la famille élargie qui ne peuvent pas venir par d’autres mécanismes de réunification des familles. Je pense que la difficulté défi auquel est confronté chaque pays à l’heure actuelle, c’est de faire face à la pression incroyable causée par 25 millions de réfugiés et de déterminer, du point de vue des politiques, quelle partie de cette population nous voulons aider en priorité. Les besoins sont évidemment importants.
Je suis consciente de l’incroyable désir des gens qui sont ici de retrouver leur famille. Bien sûr, il y a beaucoup d’histoires déchirantes, et ces histoires incitent des groupes de parrainage à désigner des membres de la famille. Elles créent également des pressions dans nos autres volets de réunification des familles. Cependant, il ne faut pas oublier que nous cherchons aussi des places pour les cas soumis par le HCR. Il s’agit d’une population différente, de cas non familiaux exigeant une réinstallation urgente en raison d’une certaine vulnérabilité. Je pense qu’il y a des arguments de principe convaincants sur la nécessité de veiller à ce qu’on accorde beaucoup d’attention à ce volet. Je ne veux donc pas laisser entendre que la politique de réunification des familles devrait être une priorité sans tenir compte également de la nécessité de traiter les renvois du HCR.
Certains présenteront des arguments en faveur des réfugiés qui vont s’intégrer plus rapidement parce qu’ils sont des moteurs économiques. D’autres présenteront des arguments politiques très convaincants en faveur des réfugiés LGBTQ, des femmes à risque ou des groupes d’intérêts particuliers. Je suis très consciente de la myriade de tensions politiques et de la nécessité de réfléchir sérieusement à la façon dont elles fonctionnent ensemble.
Je parle en fait d’un volet d’immigration, et non d’un volet de réfugiés — la réinstallation pour la réunification des familles. Auparavant, le Canada avait un programme qui permettait la réunification des familles, par exemple pour les frères et soeurs. C’est ainsi que ma famille est arrivée, soit dit en passant, mais cette politique n’existe plus. On ne peut pas faire une demande de réunification des familles pour un frère ou une sœur.
Si nous permettions la réouverture de ce genre de filière, cela n’atténuerait-il pas les pressions qui s’exercent sur la filière des réfugiés?
Je vais revenir à ma réponse précédente. Je suis d’accord avec vous sur la question de la réunification des familles. Je soulignerai simplement le fait qu’il y a énormément de facteurs stratégiques qui entrent en ligne de comptes, non seulement dans la politique sur les réfugiés, mais aussi dans la politique sur l’immigration. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité d’examiner la question de la réunification des familles, mais je pense que nous devons le faire en tenant compte de notre approche à l’égard de tous les volets, y compris les volets humanitaires, qui sont tout aussi importants et qui doivent être pris en considération à part entière.
Merci.
Avant que M. Ayoub ne commence, je vais vous poser une question. C’est une question de terminologie. Je remarque votre terminologie, et j’ai de la difficulté avec la terminologie. Pour revenir à la question, nous avons entendu un témoin — dans le cadre non pas de cette étude, mais d’une étude antérieure — qui a exprimé de graves préoccupations au sujet de la privatisation de notre programme de parrainage de réfugiés, comme si c’était négatif.
Votre utilisation du mot « communautaire » par opposition à « privé » semble très intentionnelle. Nous avons parlé de « PPR », « privé », « communautaire », « désignation » ou « désigné », tous ces termes. Vous avez choisi le mot « communautaire ». Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n’avez pas dit, mais il me semble que c’est en raison de l’avantage que ce parrainage confère aux réfugiés et à la collectivité.
Ai-je raison?
Il est certainement question de parrainage communautaire dans le contexte mondial. La référence au parrainage privé est tout à fait unique au Canada. Je pense que c’est un terme plus exact. Il ne s’agit pas de savoir qui paie. Il ne s’agit pas de privatiser les coûts comme le terme le laisse entendre. Il s’agit de mobiliser la collectivité et un large éventail de citoyens.
D’accord.
Nous trouverons un meilleur nom que RDBV, parce que l’accent mis sur l’agent des visas m’a toujours dérangé. Cela n’a aucun sens. Je n’aime pas ce nom. RPG est un nom terrible. J’espère que le Comité pourra trouver une meilleure terminologie, parce que c’est peut-être important.
Monsieur Ayoub.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Dans votre introduction, Mme Bond, vous avez expliqué que le Canada avait la chance de devenir un chef de file mondial — ce qu'il fait de la bonne façon et sobrement. En même temps, nous sommes très critiques de nos propres façons de faire. Venant de la province du Québec, je trouve que nous subissons une pression encore plus grande depuis ces dernières années. Nous sommes tout aussi généreux qu'inquiets.
Il existe donc deux programmes de parrainage, l'un public, l'autre privé. Que pensez-vous de ces deux programmes en matière d'intégration, de responsabilisation et de mouvement populaire? Lequel est meilleur que l'autre? L'un cannibalise-t-il l'autre? Devrait-on consacrer plus d'effort à l'un plutôt qu'à l'autre?
Je vous remercie de votre question.
Je vais vous répondre en anglais si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
[Traduction]
Je crois comprendre que cette question porte sur l’équilibre entre les réfugiés parrainés par le gouvernement et les réfugiés parrainés par le secteur privé ou par la collectivité. Je pense que les données montrent clairement que les réfugiés parrainés par la collectivité obtiennent de meilleurs résultats en matière d’intégration, et nous avons aussi une incidence très importante sur nos collectivités. Ma première réponse est donc que l’engagement communautaire robuste est un bon modèle. Nous devrions faire de gros efforts au Canada et à l’échelle mondiale pour essayer de faire participer davantage de collectivités plutôt que d’avoir des modèles bien établis, professionnels et financés par le gouvernement.
Cela dit, comme dans le cas de toute politique, beaucoup d’éléments ont été réunis au Canada. À l’heure actuelle, le Canada accueille la plupart des réfugiés recommandés par le HCR au moyen d’un modèle appuyé par le gouvernement. Je ne veux pas laisser entendre que ma préférence pour un engagement communautaire général est aussi une préférence pour les réfugiés désignés plutôt que pour les réfugiés recommandés par le HCR. Je veux faire la distinction entre ces éléments du programme canadien. Je pense qu’il est clair que la participation des citoyens est très positive. Je ne pense pas que cela signifie nécessairement que le volet initial doit être organisé comme il l’est actuellement au Canada.
[Français]
L'avantage du programme de parrainage privé est un peu en même temps son désavantage: la possibilité de choisir. Ce programme favorise les personnes qui sont choisies, ou les familles qui choisissent des réfugiés, des membres de leur famille proche ou des amis. Par contre, ce programme dessert les réfugiés qui n'ont pas la chance de connaître des gens au Canada et qui ne sont donc pas choisis.
Nous parlons ici de réfugiés, de personnes en détresse. Plus tôt, nous parlions aussi des délais, qui sont extrêmement importants. Ma communauté a accueilli une famille de réfugiés dernièrement et le processus a pris plus de deux ans et demi. Dans le cas d'autres réfugiés que nous parrainons, nous attendons encore.
Ce que l'on entend dans d'autres témoignages, c'est que certains des réfugiés qui sont dans des camps finissent par les quitter car la vie y est trop dure. Ça n'en finit pas pour ceux qui décident de recommencer le processus. Parfois, on ne les revoit jamais.
Comment juger du succès d'un programme, et selon quels critères? Quels aspects des programmes de parrainage doit-on améliorer, qu'ils soient publics ou privés et qu'ils s'appliquent ou non aux réfugiés ayant des papiers d'identité émis par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés?
[Traduction]
Je vais de nouveau donner deux brèves réponses à ces commentaires utiles.
Premièrement, dans la plupart des autres pays que j’ai mentionnés, le fait de nommer ou de choisir n’est pas une caractéristique du modèle de parrainage. Au Royaume-Uni; en Allemagne, qui n’est pas encore en ligne, mais qui le sera avec un projet pilote de 500 personnes; en Argentine; en Irlande, bientôt en ligne; ces pays vont prendre les réfugiés recommandés par le HCR et les placer dans des groupes de parrainage comme nous le faisons avec notre programme mixte RDBV. Ils prennent le volet RDBV du programme canadien et le mettent dans leurs propres collectivités.
Tout cela pour dire que je ne pense pas que les avantages du parrainage dépendent du choix. Je pense qu’il y a un certain nombre d’autres discussions stratégiques sur la question de savoir si le choix est utile, particulièrement pour atteindre des objectifs stratégiques comme la réunification des familles, où il n’y a pas d’autres infrastructures. Je veux séparer cette conversation de celle sur les avantages de la mobilisation de la collectivité.
La deuxième concerne la façon de mesurer le succès. C’est une excellente question. Il y a des paramètres imparfaits qui varient considérablement d’un pays à l’autre. La réussite de l’intégration est-elle liée à l’emploi, à l’emploi précoce, à l’acquisition de la langue, des résultats des enfants à l’école, à la présence et à l’engagement de la famille dans la collectivité? Si oui, comment mesure-t-on toutes ces choses?
C’est un débat très actif. Les gens s’entendent pour dire que le Canada est un chef de file mondial en matière d’intégration, mais quand on regarde les paramètres utilisés, on constate que dans de nombreux pays, on compare des pommes avec des oranges.
Je pense que le parrainage nous oblige à ajouter une série de questions différentes, non seulement sur l’intégration, mais aussi sur le degré d’acceptation de la collectivité. Quelle a été l’expérience de la collectivité?
Lorsque nous examinons l’introduction des programmes de parrainage à l’échelle mondiale et ce qui se passe au Canada dans le cadre de ce travail, nous voulons non seulement compter les places de réinstallation, mais aussi le nombre de personnes qui ont été touchées de façon positive en appuyant les nouveaux arrivants. C’est une façon différente de concevoir la réinstallation. Je tiens à insister sur ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire, c'est-à-dire que le Canada a fait cela et que personne d’autre ne l’a fait. Quand on regarde l’effondrement du système de réinstallation des États-Unis en ce moment, le manque d’engagement communautaire est un élément paralysant de ce qui se passe là-bas.
Au Canada, de 2 à 10 millions de personnes se sont occupées de la protection des réfugiés. Les États-Unis ont un système beaucoup plus vaste, beaucoup plus professionnalisé et une fraction du nombre de personnes engagées. C’est une véritable faiblesse de ce système.
Je veux mettre l’accent sur les paramètres non seulement de la réussite des réfugiés, mais aussi de la réussite des collectivités. Nos collectivités sont-elles favorables à cela? Est-ce qu’on les appuie dans ce geste d’accueil et d’intégration?
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé. C’est très instructif. Vous avez travaillé avec l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés. À la suite de cela, je crois comprendre qu’un guide a été créé. Pourriez-vous nous dire quels liens vous avez eus avec ces groupes de parrainage? Combien ont utilisé le guide? Comment l’utilise-t-on? Avez-vous entendu parler de groupes de parrainage communautaires privés?
Avez-vous été en contact avec eux dans ces domaines?
C’est très bien.
Le guide est une création de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés qui tente de décomposer la magie du parrainage en douzaines de questions que les autres pays peuvent examiner lorsqu’ils envisagent ces programmes. Si vous ne l’avez pas vu, vous êtes le bienvenu. Il est disponible en quatre langues sur refugeesponsorship.org.
L’auditoire de ce site est d’environ 25 000 personnes. Nous savons que la durée moyenne du séjour dans le guide est de près de 45 minutes, ce qui est assez long pour un site Web. Nous avons élaboré le guide en consultation avec les intervenants communautaires, y compris une vaste consultation auprès de groupes communautaires de tout le pays. C’est là que se trouve l’expertise sur ces programmes. Nous avons bénéficié de leurs commentaires dans tous les aspects de ce processus.
Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples des défis auxquels ils font face lorsqu’ils parrainent des réfugiés? Je suis sûr que vous en avez parlé dans le guide.
Le parrainage est difficile. C’est un travail très humain. Les groupes de parrainage connaissent souvent des problèmes d’échange interculturel. On s’étonne souvent du manque d’enthousiasme des nouveaux arrivants après leur premier mois ici. Les mois deux, trois, cinq ou six peuvent être très difficiles. Les groupes de parrainage ne savent pas comment s’y prendre. Les groupes de parrainage sont aux prises avec des problèmes de langue, là où il y a de grandes lacunes dans l’acquisition de la langue, et ils doivent composer avec des gens qui ont été profondément traumatisés.
L’avantage du programme est la résolution de problèmes en équipe et le vaste soutien communautaire pour résoudre ces problèmes ensemble. Nous voyons des milliers de solutions différentes élaborées par les groupes de parrainage face à chacun de ces obstacles.
J’ai participé activement à au moins un de ces groupes et je connais d’autres groupes communautaires qui, dans des groupes de cinq ou autres, ont parrainé des réfugiés et des immigrants qui viennent au Canada, et travaillé avec eux. Il y a une grande différence.
Certains temps d’attente sont longs. Vous en avez parlé plus tôt. Nous avons vu des gens qui ont mis jusqu’à sept ans à venir du Yémen. D’après mon expérience, et d’après ce que vous avez dit, avec les parrainages communautaires, les délais d’attente sont réduits considérablement. Pouvez-vous nous dire pourquoi et ce que nous pouvons faire de mieux avec les mesures mises en oeuvre par le gouvernement?
Je veux m’assurer d’avoir bien compris la question. Est-ce que les délais d’attente pour le parrainage sont de sept ans?
Je pense avoir répondu en partie à cette question. Je suis également d’accord avec certaines des suggestions de votre collègue, Mme Kwan, concernant l’amélioration de la capacité opérationnelle.
Il est tout à fait vrai que certaines régions géographiques sont sous-desservies par les bureaux des visas du Canada. Investir dans les ressources et accélérer la rotation des effectifs sont des solutions opérationnelles qui permettraient de régler le problème. Je pense que nous avons également parlé de la nécessité d’examiner la capacité opérationnelle par rapport aux cibles approuvées par le Parlement.
Je considère que ce sont les deux principaux obstacles à la réduction des temps d’attente.
Merci.
Nous avons entendu dire qu’il y a eu un manque de communication dans certains domaines au sujet des réfugiés parrainés par le gouvernement. Pouvez-vous nous proposer des solutions à ce sujet? Les options communautaires sont excellentes, mais que pouvons-nous faire d’autre?
Je pense que le programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement au Canada est également l’un des meilleurs au monde. Nous investissons beaucoup dans les mesures de soutien à l’intégration, qui sont offertes à tous les immigrants, y compris les réfugiés pris en charge par le gouvernement.
L’une des choses qui se sont produites ces dernières années, depuis l’afflux de réfugiés syriens en 2015, c’est qu’il y a eu beaucoup d’innovation au niveau communautaire et, par la suite, un certain investissement du gouvernement dans cette innovation, y compris la façon de prendre les meilleures parties du parrainage et d’essayer de les offrir aux réfugiés pris en charge par le gouvernement.
Il y a maintenant des programmes pilotes intéressants qui essaient de jumeler les groupes de parrainage autour des réfugiés pris en charge par le gouvernement, parce que, à mon avis, rien ne peut remplacer cette multiplicité très directe de mesures de soutien. Nous pouvons investir dans d’autres types de soutien, mais rien ne changera le fait d’avoir un voisin qui veut vous aider.
Bonjour. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai visité un camp de réfugiés syriens à Beyrouth, au Liban. Je suis aussi allé à Amman et j’ai rencontré des familles de réfugiés.
Nous avons rencontré des familles. L’une des préoccupations, c’est que certaines familles ont été autorisées à venir au Canada et s'installeront à Ottawa. Cependant, une famille ne veut pas venir à Ottawa, elle veut aller à Winnipeg, où elle a des membres de sa famille ou de sa collectivité qu’elle connaît. Le dilemme, c’est qu’il a été décidé que cette famille irait à Ottawa. Selon vous, quelle est la solution dans de tels cas?
C’est une excellente question. Nous appelons cela le problème de la « destination ». Quelle est la destination du réfugié? L’approche est différente au Canada dans le cas des réfugiés pris en charge par le gouvernement par rapport aux réfugiés parrainés. En général, les réfugiés pris en charge par le gouvernement vont dans une ville où ils ont indiqué avoir un lien familial ou autre — un ami ou quelqu'un d'autre.
Le parrainage est un peu plus difficile parce que vous devez évidemment aller dans la ville où se trouve votre groupe de parrainage. Cela crée une tension pour certains nouveaux arrivants, qui cherchent désespérément, bien sûr, à sortir d’une situation terrible. Si le groupe de parrainage n’est pas au même endroit que le membre de sa famille, cela peut créer une tension.
Au Canada, reconnaissant cette tension, il y a une politique qui interdit de diriger le réfugié recommandé par le HCR vers un groupe de parrainage loin des membres de sa famille. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un cas nommé, cela échappe vraiment au contrôle de la direction chargée de l’élaboration des politiques, dont les responsables s’assoient avec le groupe de parrainage et les nouveaux arrivants pour essayer de trianguler cette tension.
La politique actuelle du Canada à l’égard des réfugiés désignés par un répondant et des réfugiés pris en charge par le gouvernement consiste à tenir compte, dans les décisions de destination, de l’endroit où se trouvent des membres de la famille ou des personnes avec lesquelles ils entretiennent des liens personnels étroits.
Merci, madame Bond.
Il est très instructif de constater que nous avons au Canada un système unique et l’un des meilleurs. C’est formidable de savoir que plus de 300 000 personnes passent par ce système.
L’une des difficultés que nous avons constatées dans diverses études ici, c’est que lorsque nous avons un système fondé sur la sélection — et je ne critique pas le système, mais je suis inquiet —, habituellement les collectivités ont tendance à... pas toutes. Beaucoup d’entre elles invitent des réfugiés de diverses cultures, de différentes religions et de différents groupes, mais souvent, nous choisissons des réfugiés qui sont plus près de nous sur le plan culturel, et ce qui se passe, c’est que ceux qui ont des réseaux de soutien au Canada sont invités, mais que ceux qui pourraient être plus vulnérables sont laissés pour compte parce qu’ils n’ont peut-être aucun lien au Canada. Les Yazidis en sont un exemple. Ils n’avaient pas de racines ici, alors personne ne les réclamait vraiment, sauf un ou deux groupes.
Comment conciliez-vous cela avec le parrainage de réfugiés par le gouvernement, qui ferme les yeux là-dessus et ne tient compte que de la vulnérabilité et de ces catégories? Ce système est excellent. Il est tout à fait exact qu’ils réussissent mieux à s’intégrer au Canada et à se réinstaller. Cependant, c’est la seule préoccupation. Selon vous, y a-t-il des façons de régler ce problème?
Je vous renvoie à la question de M. Tilson au sujet du modèle mixte des réfugiés recommandées par un bureau des visas, le modèle RDBV, qui tente vraiment de répondre à cette préoccupation en disant que nous allons prendre les réfugiés recommandés par le HCR, en nous appuyant sur l’expertise sur le terrain pour identifier les personnes qui ont besoin d’être réinstallées en fonction d’une série de critères approuvés à l’échelle internationale, et ensuite nous allons les jumeler avec le meilleur outil d’intégration que nous ayons, c’est-à-dire le parrainage communautaire.
Ce programme mixte RDBV au Canada est relativement modeste, à côté de notre programme d’appellation, mais c’est le programme qui est reproduit dans d’autres régions du monde. Cela témoigne de la tension que vous venez de mentionner. Encore une fois, je reviens au fait que tous ces programmes ont des caractéristiques stratégiques différentes quant à savoir qui est protégé, et c’est une conversation différente sur la façon d’équilibrer ces différents facteurs stratégiques. Aucun de ces facteurs ne nous empêche d’examiner cette vaste forme d’accueil et d’intégration communautaires.
C’est formidable.
Je pense qu’il faut les deux. Je pense qu’il faut des gens qui veulent aider ceux qu’ils connaissent. C’est essentiel, mais il ne faut pas non plus oublier ceux qui sont laissés pour compte. Il y a beaucoup de groupes qui aimeraient parrainer une personne, évidemment, en raison de sa vulnérabilité, et ce serait utile.
L’autre aspect, qui correspond presque à ce que M. Aboultaif a dit, est en fait le contraire. Dans certains cas, les gens veulent aller dans des régions comme Vancouver ou Toronto, où ils ont une collectivité, mais le besoin se fait sentir ailleurs. Le Canada atlantique a fait une étude spéciale. Le Canada atlantique a besoin d’immigrants. Sa population diminue dans de nombreuses villes et provinces. Comment pouvons-nous encourager les résidents des collectivités de l'Atlantique à parrainer des réfugiés comme ceux-là et à les aider à s’établir chez eux?
Y a-t-il eu des modèles ou des organisations qui ont réussi et que nous pouvons imiter?
Absolument.
Je signale que 400 collectivités canadiennes ont participé à des activités de parrainage d’un océan à l’autre au cours des deux dernières années et demie. En revanche, les réfugiés pris en charge par le gouvernement ont été réinstallés dans environ 32 villes du pays. Ils vont dans les grands centres urbains.
L’une des choses que le parrainage nous permet de faire, c’est de diversifier la gamme de collectivités qui peuvent soutenir les réfugiés parce qu’ils ne dépendent pas autant des services professionnalisés. Vous n’avez pas besoin d’une école de langue tant que votre groupe a un plan pour enseigner la langue. On peut être très créatif. Le gouvernement doit être convaincu qu’il s’agit d’un plan responsable, mais il n'est pas conditionnel à une grande école de langue au centre-ville de Toronto, par exemple.
Il répond également à ce besoin — pas seulement au Canada; l’Australie prend ce modèle très au sérieux pour les mêmes raisons — pour essayer de lutter contre le dépeuplement des collectivités rurales, et il y a beaucoup de réussites au Canada.
Serait-ce une bonne idée, peut-être, d'accorder la priorité aux collectivités qui ont des besoins abondants par rapport à d’autres pour que nous puissions... Le Canada est chanceux. Nous sommes l’un des rares pays au monde où la demande de réfugiés parrainés est plus forte que nous n’avons la capacité de faire venir et de leur permettre de s'établir, en fonction de nos niveaux, ce qui est propre à presque tous les pays du monde.
Serait-il préférable d'accorder la priorité aux collectivités qui en ont le plus besoin dans ces régions vitales?
C’est une suggestion intéressante.
Je pense que ce que cela nous demande, c'est d’examiner un problème stratégique différent et de voir si ce serait une solution. À l’heure actuelle, les décisions concernant la destination ne sont pas fondées sur la satisfaction des besoins économiques du Canada du point de vue de la population. Les facteurs stratégiques ont été la réunification des familles, le volet humanitaire et ce que nous essayons de faire dans cette crise mondiale de déplacement et comment nous pouvons mobiliser les collectivités pour le faire.
Je pense qu’il pourrait y avoir des risques à accorder la priorité à des régions données ou des parties particulières du pays. À l’heure actuelle, le programme suscite énormément d’intérêt, et j’hésiterais donc à l’annuler en laissant entendre que nous n’allons faire participer les collectivités que dans certaines régions du pays, mais c’est intéressant. Je sais que le programme pilote d’immigration au Canada atlantique tente également de trouver une façon d’utiliser une solution traditionnelle à la politique d’immigration pour relever d’autres défis.
C’est une suggestion intéressante.
Je pense que c’est la fin. Je tiens à vous remercier.
Hier, je lisais un bulletin d’une Église unie de Toronto, pas dans ma circonscription. J’aimerais bien que ce soit le cas. Il y en a eu 12 au cours des trois dernières années, 12 parrainages réussis avec des équipes. Il y a eu sept deuxièmes parrainages des mêmes 12, deux en cours de traitement et quatre nouveaux groupes qui se sont formés pour se préparer à présenter une demande. Une congrégation d’une église comptant 300 membres a fait plus de 20 parrainages en trois ans.
Maintenant, ils s’inquiètent de tout le reste — l’emploi, le logement, le transport en commun, les pauvres, toutes ces choses —, parce qu’ils ont vécu l’expérience. C’est une église.
C’est mon sermon.
Nous allons suspendre la séance quelques instants, tout en vous remerciant de votre présence.
Nous reprenons la séance. Merci aux témoins d’avoir attendu. Je sais que nous avons commencé un peu lentement aujourd’hui.
Comme je l’ai dit dans la première partie de la réunion, nous poursuivons notre étude sur les enjeux et les possibilités liés à la migration pour le Canada au XXIe siècle. Il s’agit d’une vaste étude visant à déterminer ce qui se passe dans le monde en ce qui concerne la migration. Le Canada réagit-il de la meilleure façon possible? Nous sommes un peu partout. Nous examinons la migration économique, la migration forcée et tout ce qui se trouve entre les deux. Petit à petit, j’espère que nous aurons un rapport complet que nous pourrons présenter au Parlement et que le gouvernement prêtera attention et apportera des changements à notre réponse globale à la migration.
Nous allons commencer par Mme Macklin, à Toronto, parce que vous vous joignez à nous par téléconférence et, au cas où nous perdrions la communication, nous sommes heureux de vous donner la parole en premier.
Je vous remercie de comparaître de nouveau devant notre comité. Vous êtes un témoin régulier et nous sommes heureux de vous accueillir.
[Français]
Je vous remercie de m'offrir cette occasion de m'adresser à vous.
[Traduction]
On m’a demandé de représenter l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés et je présenterai des observations pertinentes à leur position. Je suis disposé à discuter de questions plus vastes avec les responsables de l’immigration en réponse aux questions.
Je crois comprendre qu’une question importante qui se pose à la collectivité concerne l’Entente sur les tiers pays sûrs, la migration forcée, les immigrants irréguliers, etc. Je pense que je vais commencer par rappeler à votre comité qu’en 2002, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a abordé deux questions qui sont pertinentes aux préoccupations et aux propositions actuelles concernant l’entente sur les tiers pays sûrs. C’était en prévision de la signature de cette entente.
La première question que le comité a abordée était la suivante: Pourquoi l’entente sur les tiers pays sûrs ne s’applique-t-elle pas aux demandes présentées de l'intérieur du territoire, c’est-à-dire dans les bureaux intérieurs, etc.? Cette question a été discutée assez longuement en comité. Voici ce que le comité a dit:
L’exemption visant les demandes soumises à l’intérieur du pays est en partie attribuable aux leçons tirées de l’expérience européenne. Pour mettre en oeuvre des mécanismes de tiers pays sûrs, certains pays avaient dû établir des processus longs et coûteux pour le traitement des demandes de l’intérieur. Il n’est donc pas étonnant que le gouvernement canadien souhaite éviter d’affecter des ressources à un processus visant à établir l’itinéraire emprunté par ces demandeurs pour entrer au Canada, pour plutôt consacrer ce temps et cet argent à l’étude des demandes de statut de réfugié comme telles.
C’est une citation du rapport du comité de 2002.
Je vous dirais qu’il n’y a rien dans la situation actuelle qui justifie une réponse différente à la question de savoir si l’on devrait tenter d’appliquer l’entente sur les tiers pays sûrs à l’intérieur du pays ou, en fait, le long de la frontière canadienne, ce qui, si j’ai bien compris, a également fait l’objet de discussions. Ce n’était pas faisable à l’époque. Le comité l’a reconnu, et ce n’est pas faisable maintenant.
Deuxièmement, le comité s’est également penché sur une préoccupation soulevée par certains experts qui ont témoigné devant lui en décembre 2002, à savoir que la mise en oeuvre de l’entente sur les tiers pays sûrs aux points d’entrée le long de la frontière terrestre ne ferait qu’accroître le nombre de personnes qui tentent d’entrer irrégulièrement entre des points d’entrée désignés et peut-être avec l’aide de passeurs.
Je dois dire que cette crainte ne semble pas s’être concrétisée, du moins pas avant les deux ou trois dernières années, bien qu’il n’y ait pas de preuve, à ma connaissance, que les contrebandiers soient impliqués de façon importante. Cependant, il y a certainement eu, au cours des dernières années, une augmentation du nombre de passages irréguliers. Voici ce que le comité avait à dire au sujet du risque que l’entente sur les tiers pays sûrs puisse, en fait, entraîner des passages irréguliers entre les postes frontaliers:
Le Comité recommande que le processus de surveillance de la mise en oeuvre de l’Entente prévoie un suivi rigoureux des questions de « mouvements irréguliers » et de l’introduction clandestine d’immigrants. Si l’Entente ne permet pas de réduire le nombre des demandes renvoyées à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et si l’augmentation du nombre d’entrées illégales...
Il a dit que c’était illégal. Je dirais que c’est irrégulier.
... au Canada devient évidente, le gouvernement devra être disposé à exercer son pouvoir en matière de suspension ou de résiliation de l’Entente.
C’est ce que le comité avait à dire en 2002. Si, en fait, il y a eu une augmentation du nombre d’entrées irrégulières en raison de l’entente, le comité devrait être prêt à recommander au gouvernement de suspendre ou de résilier l’entente. En fait, j’encouragerais simplement votre comité à tenir compte des recommandations de ses prédécesseurs.
Dans les débats sur cette question, je pense qu’il est important de réfléchir au genre de problème qu’on veut régler ici. Le problème est-il que l'on identifie les entrées irrégulières de l’autre côté de la frontière ou est-ce l’arrivée de personnes qui demandent l’asile? Si le problème est l’entrée irrégulière, alors je pense que tout le monde sait que l’entrée irrégulière s’évaporerait pratiquement du jour au lendemain si l’entente était suspendue, et que les obstacles, si je comprends bien, sont politiques, si je peux m’exprimer ainsi, et non pas fondés sur des principes.
Si l’objectif est d’empêcher les demandeurs du statut de réfugié d’entrer au Canada, je comprends que la crainte est que la suspension de l’entente sur les tiers pays sûrs n’atteindra pas cet objectif parce que plus de gens se présenteront aux points d’entrée désignés pour entrer au Canada comme demandeurs du statut de réfugié que ce n’est actuellement le cas. J’ai deux réponses à cela.
Tout d’abord, d’un point de vue empirique, ce n’est pas évident pour moi, compte tenu de la notoriété du passage du chemin Roxham. Si les gens veulent entrer au Canada à partir des États-Unis pour demander le statut de réfugié, je pense que la publicité autour du chemin Roxham est assez claire. Il n’est pas évident que le fait de suspendre l’entente pour que les gens puissent entrer par les points d’entrée réguliers entraînerait une augmentation importante du nombre d’entrées.
Deuxièmement, et c’est plus important encore, à mon avis, dissuader les demandeurs d'asile de demander le statut de réfugié au Canada n’est pas un objectif stratégique valable. Le Canada a signé la Convention sur les réfugiés en 1969, et il l’a fait volontairement. Personne n’a tordu le bras du Canada. Personne n’a forcé le Canada à signer la Convention sur les réfugiés.
Lorsqu’il a signé, il a promis à la communauté internationale que si les gens arrivaient à nos frontières et répondaient à la définition de réfugié, ils seraient protégés. Lorsque les gens demandent la protection de réfugié, ils demandent simplement au Canada de tenir sa promesse, promesse qui n’est pas contenue dans un gazouillis du premier ministre ou quoi que ce soit du genre. C’est une promesse contenue dans une convention internationale: si vous arrivez à nos frontières et que vous répondez à la définition de réfugié, nous ne vous retournerons pas dans un endroit où vous pourriez craindre la persécution.
C’est vraiment ce que j’aimerais dire au sujet de ce débat sur les entrées irrégulières. Il y a d’autres choses à dire, et je serai heureux de répondre à vos questions.
En ce qui concerne les difficultés actuelles du traitement des demandes de statut de réfugié et la demande de ressources supplémentaires qui en découle, je reconnais qu’il y a une demande accrue de ressources. Elles ne sont pas toutes attribuables à des événements survenus au cours des dernières années au sujet des entrées irrégulières. Certaines d’entre elles sont le résultat de changements apportés à la politique par un gouvernement précédent qui ont fait en sorte que des milliers de dossiers étaient en retard et ne pouvaient pas être traités parce que, dans les faits, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié manquait de ressources. Ces anciens cas sont un problème, mais pas à cause de passages irréguliers à la frontière.
En terminant, je vais peut-être changer un peu de sujet, sachant que votre mandat ne se limite pas aux réfugiés. Selon un rapport récent, les réfugiés obtiennent au fil du temps un rendement aussi bon, sinon meilleur, que les Canadiens de naissance comme acteurs économiques. Autrement dit, après environ 25 ans, leurs revenus dépassent en fait ceux des Canadiens de naissance.
Pourquoi est-ce que je mentionne cela? Je pense qu’il est important de tenir compte, dans la façon dont nous parlons des réfugiés et d’autres catégories d’immigrants, qu’il y a une hiérarchie implicite, que les gens qui sont admis parce qu’ils ont une crainte fondée de persécution seront en quelque sorte inférieurs à ceux qui sont admis comme immigrants économiques, et que la catégorie de la famille se situe quelque part entre les deux.
Je tiens seulement à souligner que les données empiriques sur le rendement économique ne semblent pas le confirmer et, franchement, même s’il y avait une légère différence dans le rendement économique au fil du temps, ce qui est remarquable, c’est le peu de différence qu’il y a. C’est-à-dire qu’en dépit des efforts extraordinaires déployés dans notre système d’immigration pour déterminer qui seront, selon nous, les meilleurs acteurs économiques et pour admettre des réfugiés dans un sens humanitaire, sinon pour corriger une injustice, tout va bien.
C’est peut-être un message important à transmettre lorsqu’il s’agit de réfléchir à la façon d’améliorer nos politiques en matière d’immigration et de réfugiés, de reconnaître que les catégories dans lesquelles nous plaçons les gens ne comprennent pas tout à fait qui ils sont. Les réfugiés sont aussi des gens qui travaillent fort, les membres de la catégorie de la famille ont peut-être fui la persécution et les acteurs économiques ont peut-être aussi de la parenté ici. Les catégories dans lesquelles nous les plaçons ne comprennent pas qui ils sont et n’épuisent certainement pas ou ne prédisent pas leurs contributions.
Merci.
Merci beaucoup. J’aimerais d’abord vous remercier de m’avoir invitée à comparaître devant vous. C’est un privilège.
Je suis avocate de formation. En fait, le professeur Macklin était mon conseiller de maîtrise il y a des années. Il y a de nombreuses années, j’ai aussi travaillé ici au ministère de la Justice. Je suis également professeure d’études juridiques à l’Université St. Jerome’s, à Waterloo, où mes recherches portent sur les situations prolongées de réfugiés et de migration forcée dans un contexte international. Cela s’éloigne un peu de ce que vous avez vu cet après-midi.
Je pense que le point de départ de mes commentaires est peut-être la reconnaissance que la migration humaine est nécessaire tant pour les gens que pour les États et qu'elle est inévitable. La volonté de chercher un endroit où l’on peut vivre et travailler dans la dignité et où l’on peut assurer un avenir sûr à sa famille est plus forte que n'importe quelle politique restrictive. En effet, la seule façon vraiment efficace de gérer ces mouvements est d’augmenter le nombre et la diversité des voies légales vers la migration et de se concentrer sur la facilitation plutôt que sur la restriction.
Chaque personne a le droit de vivre dans la dignité et la sécurité. Le Canada, en sa qualité de membre de la communauté internationale, a un rôle à jouer et on pourrait même dire une obligation à cet égard.
Entre le système de détermination du statut de réfugié du Canada et notre programme de parrainage privé, comme vous l’avez entendu, le Canada est clairement un chef de file en matière de traitement des demandes d'asile. Mais le Canada a aussi l’occasion aujourd’hui d’être un chef de file en matière de gouvernance internationale des réfugiés. Si nous devons le faire, il y a quelques points sur lesquels nous devons porter attention.
Mon premier commentaire porte sur la question du partage des responsabilités. Même si notre système est exemplaire, le nombre de réfugiés réinstallés au Canada est négligeable par rapport au nombre absolu de réfugiés qui demandent la protection et, ce qui est peut-être encore plus important, au nombre de réfugiés qui trouvent une certaine forme de protection dans les pays en développement.
À notre apogée, nous avons réinstallé 47 000 réfugiés, mais ce n’est rien comparativement aux millions de réfugiés que nous trouvons au Liban, au Bangladesh, au Kenya et en Turquie. Nous bénéficions de la générosité de ces États et de la réalité que la plupart des réfugiés rechercheront et obtiendront une certaine forme de protection dans leur région d’origine.
Toutefois, le système n’est pas viable sans une aide permanente substantielle. Cette aide peut prendre diverses formes. Il peut s’agir d’aide financière. Il peut s’agir de subventions au développement, d’un soutien au HCR et d’un accroissement du nombre de réinstallations. Quoi qu’il en soit, dans le cadre du système mondial de partage des responsabilités, le Canada et les autres États du Nord doivent accroître leur aide et veiller à ce qu’elle soit efficace.
Certaines des stratégies qui pourraient être utilisées pour atteindre cet objectif comprennent, par exemple, la garantie d’une aide sur un cycle de financement plus long afin que les États hôtes et les organisations internationales puissent planifier, investir et élaborer des stratégies sur plus de deux, trois ou quatre ans. De même, il faut évidemment fournir un soutien non seulement aux réfugiés, mais aussi aux collectivités qui les accueillent et qui les soutiennent, et peut-être le plus important, le niveau absolu d’aide doit être augmenté pour combler les déficits budgétaires constants du HCR, qui font que de nombreux réfugiés ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit.
Par coïncidence, un rapport d’Oxfam a été publié plus tôt cette semaine. Il a fait remarquer que les dépenses au titre de l’aide internationale du Canada sont presque à leur plus bas niveau historique — seulement 0,26 % du revenu national brut, comparativement à l’objectif de 0,7 % de l’ONU.
Grâce à notre situation géographique privilégiée — le fait que nous vivons sur une très grande île — et à l’utilisation efficace de politiques délibérées de dissuasion, les pays du Nord, et l’Amérique du Nord en particulier, ont réussi à impartir en grande partie leurs obligations en matière de protection sur les réfugiés. Ce n’est pas viable à long terme.
Cela m’amène à mon deuxième point, qui est peut-être mon projet favori, puisque je suis avocate. C’est une question de droit et de droits. Si le Canada veut être un chef de file dans la gouvernance mondiale des réfugiés, il doit adopter et promouvoir une approche fondée sur le droit et les droits. Au cours des dernières années, nous avons assisté à ce qu’on appelle souvent l’amincissement du droit international des réfugiés. Le meilleur exemple est peut-être le Pacte mondial sur les réfugiés. Il a ses avantages, mais en fin de compte, il s’agit d’un accord volontaire qui n’impose aucune obligation juridique aux États.
Par conséquent, il y a un risque que le pacte non contraignant mine le cadre juridique existant en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés en accordant la priorité à la compréhension de l’aide et de la protection des réfugiés par les organismes de bienfaisance et les organismes humanitaires plutôt qu’à la compréhension actuelle fondée sur la loi. On ne peut pas permettre aux États d’utiliser le pacte mondial pour faire semblant de respecter les principes de la coopération internationale et du partage des responsabilités, tout en offrant peu d’engagements définis ou de résultats concrets, et en ne respectant pas en même temps leurs obligations actuelles en matière de droits de la personne.
De même, l’utilisation accrue par les États d’ententes bilatérales, comme les ententes sur les tiers pays sûrs, risque de miner le cadre juridique multilatéral existant, qui est essentiel à une réponse efficace à la migration forcée, étant donné qu’il s’agit d’un défi de portée et de nature internationale. Comme chef de file, le Canada devrait réaffirmer son engagement envers le régime juridique international qui non seulement garantit et protège les droits des réfugiés, mais qui garantit et protège les droits de tous les êtres humains. Cela comprend, par exemple, continuer à préconiser la ratification des ententes internationales sur les réfugiés et les droits de la personne et veiller à donner l’exemple en ratifiant la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, dont nous ne sommes pas partie, et en repensant l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs.
Mon troisième point concerne les problèmes liés aux voies d’accès à la migration et aux solutions durables.
Dans peut-être la plus grande tragédie du système international actuel, des millions de vies sont perdues dans des limbes prolongés, où réfugiés et autres migrants forcés survivent dans des situations temporaires et insécures, sans statut juridique ni avantages complets des droits auxquels ils ont droit. La perte et le gaspillage du potentiel humain sont stupéfiants. À cette fin, les États doivent être appelés à penser de façon créative à offrir des voies de rechange pour la migration et une protection complémentaire, par exemple, par le biais d’opportunités éducatives et de programmes de travail flexibles, et ceci en plus des trois solutions durables de réinstallation, de rapatriement et d’intégration locale.
Pour ce faire, il est également essentiel que ces approches ne rendent pas le statut des migrants et des réfugiés encore plus précaire qu’il ne l'est aujourd’hui et ne minent pas la force et la certitude de la citoyenneté. Nous devons donc nous assurer que les politiques et les pratiques de l’État respectent les droits inhérents et la dignité des réfugiés et des migrants malgré leur statut de non-citoyens. Nous devons continuer de reconnaître le rôle essentiel que jouent le statut juridique et la citoyenneté, ainsi que l’intégration juridique, économique et physique de même que chaque organisme dans la recherche de solutions durables.
En conclusion, nous faisons face à un défi croissant sur la scène internationale. Le nombre croissant de mouvements politiques nationalistes et populistes dans le monde d’aujourd’hui représente un énorme défi pour ceux d’entre nous qui recherchent un système international de gouvernance des migrations, mais j’espère, comme avocate, et particulièrement en ma qualité de citoyenne canadienne, que le gouvernement canadien saisira l’occasion qui lui est offerte et profitera de ce temps, de cette chance, pour diriger de cette façon en ce qui concerne la communauté internationale, et pas seulement dans le contexte national.
Merci beaucoup.
Je tiens à féliciter le Comité d'avoir entrepris cette étude. Je vous remercie de votre invitation.
Je m'appelle Jamie Liew. Je suis avocate et professeure agrégée à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Dans le peu de temps dont je dispose aujourd'hui, je soumettrai trois recommandations à votre examen.
La première est d'abroger l'alinéa 117(9)d) du Règlement. Je remets au Comité un exemplaire de l'article, que j'ai corédigé deux autres avocats, préconisant cette abrogation. Cette disposition exclut un membre de la catégorie du regroupement familial — un membre de la famille — qui n'a pas fait l'objet d'une divulgation ou d'un contrôle avant l'arrivée du parrain au Canada. Elle interdit à vie aux réfugiés et aux autres migrants de parrainer leur famille en raison de la non-divulgation d'un membre de la famille. Dans 90 % des cas que nous avons examinés, il n'est aucunement question de fraude. Des circonstances tragiques, comme le décès présumé d'un enfant, aboutissent à une séparation familiale permanente.
Cette disposition est trop générale et, de plus, elle est inutile vu les autres outils prévus dans la législation sur l'immigration. J'invite les membres du Comité à lire cet article afin de prendre conscience des répercussions de cette disposition sur le sort des réfugiés et sur l'engagement de longue date du Canada en matière de réunification des familles.
Ma deuxième recommandation concerne le cadre de protection des réfugiés et la forme qu'il devrait prendre. Il ne devrait pas comporter une discontinuité entre ses activités à l'étranger et le régime de protection intérieur. Il ne faut pas que le Canada soit obnubilé par la façon dont les demandeurs d'asile arrivent au Canada. Le débat public concernant la gestion de nos frontières a contribué pour beaucoup à donner des réfugiés réinstallés l'image de bonnes personnes, respectueuses des lois, qui attendent leur tour, tandis que les réfugiés qui se présentent à nos frontières passent pour des resquilleurs, des contrevenants, des gens moins méritants. Le gouvernement a un rôle à jouer, par les politiques et les lois, pour influencer la façon dont le public perçoit les migrants. Au lieu d'exercer ce rôle, on parle de la protection des réfugiés dans le contexte de la réinstallation comme de la façon légitime de procéder et on décourage la venue au Canada de ceux qui n'auraient pas été acceptés au préalable. Ce faisant, nous envoyons un message dommageable qui, comme l'a souligné la professeure Macklin, n'est pas conforme à nos obligations juridiques internationales.
J'encourage le Comité à réfléchir à la protection des réfugiés, ainsi qu'aux effets et aux liens qui existent entre le processus de réinstallation et le système de protection intérieur. Je recommande donc que les réformes qui permettraient aux migrants de se rendre aux points d'entrée officiels, se fiant à notre système bien rodé, et nous épargneraient d'avoir à établir des postes frontaliers improvisés. J'ai déjà fait cette recommandation au Comité dans le passé, et je viens de lui remettre de nouveau les mémoires que je lui avais communiqués en juillet.
Ma troisième recommandation concerne l'apatridie. J'aimerais attirer l'attention du Comité sur le fait que le Haut Commissariat pour les réfugiés affirme qu'il y a plus de 10 millions d'apatrides dans le monde. Reconnaissant qu'il s'agit d'un problème mondial, le Haut Commissariat a lancé en 2014 une campagne de 10 ans, appelée #J'APPARTIENS, dans le but de mettre fin à l'apatridie d'ici 2024.
Les apatrides ont de la difficulté à accéder aux soins de santé, à l'éducation et aux services sociaux. Sans statut, les apatrides ne peuvent pas travailler. Ils risquent d'être détenus et, comme il n'y a parfois aucune possibilité de renvoyer la personne dans un autre pays, ils peuvent être détenus indéfiniment par les services d'immigration. Dans d'autres cas, ils sont renvoyés dans un endroit où ils subissent d'autres difficultés du fait qu'ils sont apatrides.
Je veux parler de la façon dont l'absence de citoyenneté peut être la cause du déplacement et de la migration forcée. En fait, le refus ou la révocation de la citoyenneté est un outil politique qui encourage la discrimination, l'oppression et, dans le cas des Rohingyas au Myanmar, le génocide.
Même s'il est manifeste que certaines personnes apatrides peuvent être des réfugiés — les Rohingyas, par exemple —, dans bien des cas, les apatrides ne satisfont pas aux exigences légales d'admissibilité à la protection des réfugiés.
Le Canada a apporté un certain allégement par ses lignes directrices concernant les demandes de résidence permanente pour des motifs humanitaires et en prévoyant, dans la Loi sur la citoyenneté, la possibilité de demander au ministre d'accorder la citoyenneté à une personne apatride. Ces deux mécanismes juridiques, cependant, impliquent l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qui est considéré comme une exception à la règle et qui ne doit pas servir pour contourner le processus normal d'immigration ou d'octroi de la citoyenneté.
Bien qu'il existe des possibilités dans le régime de citoyenneté et d'immigration permettant à certains apatrides d'obtenir le statut de réfugié, beaucoup d'entre eux n'y sont tout simplement pas admissibles ou sont sujets à une décision purement discrétionnaire. Déjà chef de file en matière de protection des réfugiés, le Canada peut le devenir également en matière de protection des apatrides en créant un cadre juridique holistique grâce auquel les apatrides auront une possibilité réelle de bénéficier d'une solution durable, c'est-à-dire d'obtenir non seulement le statut permanent, mais aussi la citoyenneté.
Le Canada peut commencer par définir légalement l'apatridie et déterminer l'ampleur de ce phénomène au Canada. Ce que je recommande, c'est d'identifier et de retracer les apatrides tout en créant des mécanismes juridiques visant à leur donner une voie d'accession à la citoyenneté.
En deuxième lieu, il importe de comprendre que le Canada est signataire de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie de 1961, mais comme la professeure Purkey l'a mentionné, il n'est pas partie à la Convention de 1954 sur l'apatridie. La Convention de 1961 nous guide dans la prévention de l'apatridie, mais celle de 1954 établit des obligations positives. On peut soutenir que certains aspects des deux conventions deviennent le droit international coutumier.
Le Canada a une population apatride dont il devrait s'occuper. Il faut faire plus de recherches sur la façon dont les Autochtones qui n'ont pas la citoyenneté veulent être reconnus comme citoyens. De plus, les apatrides qui ont un lien réel et prépondérant avec le Canada, par exemple quelqu'un qui réside au Canada depuis longtemps, devraient avoir une voie d'accession à la citoyenneté.
Je souligne ici les obligations internationales du Canada parce qu'il a été question récemment d'éliminer la citoyenneté de naissance. Ayant fait des recherches dans d'autres pays où la citoyenneté de naissance n'existe pas, je peux confirmer qu'il y a plusieurs raisons qui militent contre une telle mesure. Cette discussion est alimentée par la crainte que des migrants pratiquent le tourisme obstétrique. Toutefois, les données existantes montrent que seulement 0,1 % des naissances totales peuvent être caractérisées comme telles. Cela ne vaut pas la peine d'éliminer la citoyenneté de naissance.
Ensuite, il faut savoir que si nous voulons assurer une gestion efficace du traitement administratif des demandes de citoyenneté, une telle politique coûterait plus cher aux contribuables du fait que le processus serait compliqué et que tout le monde aurait à demander la citoyenneté. Il serait plus difficile de prouver sa citoyenneté, et cette politique ferait croître le nombre d'apatrides à l'intérieur de nos frontières.
Je vous laisse là-dessus. Mon père était apatride avant d'immigrer au Canada. Il a eu de la chance parce que, à l'époque, il a été admis comme travailleur peu spécialisé. Il ne serait pas admissible dans le système actuel. Je suis née après qu'il a obtenu la citoyenneté canadienne. Si le gouvernement de l'époque n'avait pas fait passer de cinq à trois ans l'exigence de résidence, je serais née au Canada pendant que mon père était apatride. Si la citoyenneté de naissance n'existait pas, je n'aurais peut-être pas été canadienne. Je suis la preuve vivante que l'accueil de personnes apatrides au Canada, suivi de l'octroi de la citoyenneté, est la meilleure façon de bâtir une nation.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup.
Est-ce que la professeure Macklin vous a enseignée également? Elle semble avoir des antennes partout.
Merci à vous trois. Il est toujours enrichissant d'entendre la professeure Macklin, et vous également.
Madame Purkey, vous avez parlé de l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, faisant remarquer qu'elle avait peut-être fait son temps. En tant que libéraux, et étant d'esprit libéral, nous sommes tous très ouverts à l'accueil de réfugiés. Mais une fois que vous êtes au pouvoir, vous apprenez aussi qu'il y a des niveaux et qu'il y a des limites quant au nombre que vous pouvez absorber. Si vous en accueillez trop, les demandeurs devront faire la queue pendant des années et des années, et cela devient un problème.
Il y a aussi l'argument que vous avez soulevé au sujet d'une poussée de populisme. Des sentiments anti-réfugiés se manifestent, et cela se produit habituellement quand il y a un afflux de réfugiés qui ne réussissent pas à s'intégrer ou à s'établir. Certains groupes hériteront pas à prétexter que les réfugiés sont cause de chômage ou d'autres petits problèmes et ainsi à les marginaliser. Ordinairement, la meilleure solution — et le Canada a très bien réussi à cet égard — est de bien absorber le nombre de réfugiés que nous recevons.
Quelle solution de rechange proposeriez-vous si l'Entente sur les tiers pays sûrs était supprimée? Je crains que les vannes ne s'ouvrent toutes grandes, vu les politiques qui ont actuellement cours aux États-Unis, et nous ne serions pas alors en mesure de contrôler grand-chose, même si nous avons déjà un défi à relever. Quelle serait la solution de rechange? Permettrions-nous à tout le monde de traverser la frontière, quitte à de traiter les demandes par la suite?
Ce serait un fardeau énorme et il faudrait plus de 25, 30 ou 40 mois pour traiter les demandes de statut de réfugié. Entre-temps, ils commenceraient à fonder des familles, à perdre leurs racines et à s'implanter ici. Ensuite, il deviendrait, de fait, presque impossible de renvoyer ceux qui ne sont pas effectivement de véritables réfugiés. Quelles sont vos suggestions pour... Quels mécanismes pourraient être améliorés?
Merci beaucoup de la question.
Je me reporte également aux commentaires de la professeure Macklin à ce sujet parce que nous n'avons aucune preuve concrète que l'élimination de l'Entente sur les tiers pays sûrs entraînerait un afflux massif de demandeurs. Nous avons eu un afflux important de gens ces dernières années, mais rien n'indique que le fait de se retirer l'Entente changerait la situation du tout au tout. Ces gens continuent et continueront de venir, bien que l'Entente soit toujours en vigueur.
Pour ce qui est de l'intégration et peut-être du refoulement de beaucoup de personnes, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue le nombre dont il est question. Ce n'est pas un million de personnes qui traversent la frontière. Ça ne ressemble pas à ce qui se passe en Turquie. Ce n'est même pas ce qu'on a vu en Allemagne et en Autriche. Les chiffres, si on les examine dans un contexte absolu, ne sont pas tellement grands. Ils sont considérables pour nous. Cependant, nous sommes un très grand pays, et riche. Pour peu que nous y consacrions les ressources voulues, nous avons la capacité d'intégrer beaucoup plus de gens que nous ne le faisons actuellement.
En fait, nous devons assurer l'intégration, qu'il s'agisse de réfugiés ou d'immigrants... Il y a eu assez récemment bon nombre d'études sur les défis que nous avons à relever pour étoffer notre main-d’œuvre. Il va sans dire que nous préférons choisir les personnes qui viennent ici, mais l'élimination de l'Entente sur les tiers pays sûrs ne supprimerait pas les vérifications de sécurité. Nous ferions tout cela. Il n'y aurait pas de « terroristes » qui entreraient au Canada.
En ce qui concerne le temps de traitement, encore une fois, c'est une question de ressources. Si nous y consacrons plus de ressources, nous pourrons traiter les demandes plus rapidement. Nous avons pu le faire avec les Syriens lorsqu'ils sont arrivés.
Dans la vague actuelle des arrivants irréguliers, bon nombre d'entre eux ont obtenu un visa pour les États-Unis, puis sont entrés au Canada. Je pense que leur taux de reconnaissance du statut de réfugié est de l'ordre de 30 %.
Il y a des centaines de milliers, voire des millions de travailleurs sans papiers et de personnes sans statut aux États-Unis. À tout moment, si les États-Unis modifient leur politique, ils pourraient devenir d'éventuels réfugiés, qui n'auraient qu'à passer la frontière. C'est la question qui me préoccupe le plus. D'autres arrivent et ils ne sont pas aussi nombreux que les gens le pensent. Cependant, c'est le facteur alarmant. Avant la mise en place du régime actuel, ce n'était probablement pas quelque chose qui inquiétait les Canadiens. À l'heure actuelle, c'est une crainte réaliste, et c'est pourquoi je demande comment nous pouvons la dissiper.
Je m'adresse maintenant à Mme Macklin.
Je tiens à vous féliciter pour vos commentaires sur les données empiriques d'un réfugié par rapport à un immigrant économique. C'est tellement vrai. Si vous regardez l'histoire, par exemple les Juifs qui ont fui l'Holocauste, ils sont devenus parmi les immigrants qui ont le mieux réussi aux États-Unis et au Canada.
Je regarde certains des amis de mes parents qui venaient de l'Inde, qui sont devenus des réfugiés au moment de la partition de l'Inde et du Pakistan. Certains des gens les plus riches, les plus industrieux et les plus entreprenants en Inde et ailleurs au monde étaient des réfugiés de cette partition. Ils sont partis de rien.
Je vous félicite. Il serait très utile que vous nous fassiez parvenir des données empiriques sur les réfugiés qui se sont établis au Canada et sur leur situation.
Je me souviens que quelqu'un avait fait une étude de la situation des boat people venus à Halifax à la fin des années 1980, en 1988 je crois. Je ne sais plus combien d'entre eux étaient devenus millionnaires ou employeurs, mais s'il y a d'autres données empiriques dont vous êtes au courant, je vous serais très reconnaissant de nous les communiquer.
L'étude dont j'ai fait mention a été réalisée par le gouvernement lui-même. Les médias en ont parlé. Elle doit donc se trouver dans les archives de données du gouvernement.
Je vais demander à l'analyste de nous la trouver.
Je vais céder la parole à mon collègue Ali Ehsassi, qui a des questions à poser.
Merci beaucoup.
Je tiens à remercier tous les témoins de leurs interventions remarquables aujourd'hui.
Je dois ajouter que je ne suis qu'un visiteur. Je ne siège pas ordinairement dans ce...
Comme mon collègue l'a dit, je suis résident temporaire dans le Comité.
La question que je veux vous poser, madame Purkey et madame Liew, concerne la Convention relative au statut des apatrides.
Par curiosité, quels sont les obstacles qui semblent nous empêcher de ratifier cette convention? Je remarque que le Conseil des droits de l'homme a soulevé cette question. Il a formulé plusieurs recommandations. Quelle a été la justification, je suppose d'origine bureaucratique, pour ne pas y adhérer?
D'après ce que j'en comprends, la différence entre les conventions de 1961 et de 1954, c'est que celle que nous n'avons pas ratifiée crée des obligations positives. Cela signifie donc que le Canada aurait à prendre des mesures positives pour créer une voie d'accession à la citoyenneté pour les apatrides. Le Canada aurait à prendre des mesures concrètes pour les identifier et les retracer, puis définir et ouvrir la voie au statut permanent au Canada.
Le Canada hésite à le faire parce que cela signifie vraiment qu'il n'y aura pas de souplesse à l'avenir pour discuter des façons dont nous pourrions vouloir créer une citoyenneté plus souple ou moins immuable. Il y a eu des discussions, des politiques et des révisions de la Loi sur la citoyenneté qui, par le passé, ont suscité des préoccupations chez des défenseurs du droit des réfugiés, comme moi, quant à la nécessité pour la citoyenneté d'être aussi permanente qu'elle l'est. Il y a eu récemment des discussions au sujet de l'idée de la citoyenneté, des critères d'admissibilité et de mérite qui s'y rattachent et des moyens de la révoquer. Les orientations découlant éventuellement de ces discussions, et que les gouvernements pourraient vouloir adopter, sont plus limitées dans le cas des gouvernements qui sont signataires de cette convention.
Je pense que le Canada devrait profiter de l'occasion pour jouer un rôle de chef de file. Le Haut Commissariat pour les réfugiés s'est lancé dans une campagne pour mettre fin à l'apatridie. Le Canada est reconnu à l'échelle internationale comme un leader dans la protection des réfugiés, et je ne vois pas pourquoi il en serait différemment en ce qui concerne l'apatridie. Je pense que c'est le bon moment et l'occasion d'intégrer dans notre régime de protection une façon de définir et de retracer les apatrides et de trouver des moyens de leur offrir une protection spéciale.
De toute évidence, la première étape consisterait à signer et à ratifier la Convention, mais je pense que le Canada peut quand même apporter une contribution valable sans le faire. Cependant, il serait préférable, à mon sens, qu'il devienne signataire.
Je dois vous arrêter ici. Je vous remercie de ces renseignements. Je pense que nous demander une note sur les différences réelles entre les deux situations.
Monsieur Maguire.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins pour leurs exposés.
J'ai relevé quelques points intéressants. Je crois que votre apatridie, madame Liew, était importante. Dix millions d'apatrides dans le monde, et vous avez parlé de ceux au Canada. Avez-vous des chiffres sur...
Je crois comprendre que, dans le recensement de 2016, près de 4 000 personnes se sont déclarées apatrides, mais cela ne comprend que celles qui se sont déclarées telles. Sans une étude exhaustive, on ne peut savoir exactement combien il y en a au Canada. De toute évidence, des apatrides ne veulent peut-être pas devenir identifiables pour le gouvernement, de peur de risquer l'expulsion s'ils sont portés à son attention.
Ce n'est vraiment pas clair, et je pense que le gouvernement a l'occasion d'utiliser ses ressources pour retracer et identifier les apatrides et leur offrir des voies de recours.
C'est un très bon point. Ce ne sont là que les personnes légalement identifiées, et 4 000, c'est beaucoup. Comme vous l'avez souligné, il pourrait y en avoir beaucoup d'autres qui, pour diverses raisons, ne veulent pas se déclarer.
Madame Purkey, vous avez parlé du programme d'aide, de la garantie d'aide sur une plus longue période. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je sais que la prévisibilité serait améliorée. Est-ce la principale raison de l'envisager?
Dans une large mesure, c'est une question de prévisibilité. C'est aussi une question de cohérence. Je pense à mes étudiants qui veulent travailler dans le domaine de l'aide internationale, mais qui ne peuvent obtenir qu'un contrat d'un an ou deux parce que leur emploi dépend du cycle de financement. Cela signifie également qu'un énorme effort est consacré à la rédaction de propositions de subventions et à la recherche d'une nouvelle aide auprès de différents organismes ou États qui se font concurrence.
Nous sommes en faveur d'un cycle de financement plus long parce que nous sommes conscients que les problèmes liés à la migration ne seront pas réglés en six mois. Ce ne sont pas des choses qui vont être résolues en un an. Nous devons pouvoir regarder vers l'avenir afin de créer une certaine cohérence.
Pas plus tard qu'hier, je discutais de vos chiffres avec des représentants de la Banque canadienne de grains, du taux actuel de 0,26 % du revenu national brut et de la cible de 0,7 %. Ce sont exactement les chiffres qu'ils ont; il faut donc de l'argent dans certains de ces domaines, et il serait utile pour dégager certaines de ces voies.
J'ai été stupéfait d'entendre de ce que vous disiez sur les conditions de vie provisoires. La survie dans ces conditions est assez étonnante, et vous vous en êtes servi comme mécanisme de cheminement. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
Une des options qui ont été soulevées est d'offrir une protection temporaire aux gens. Les États seraient peut-être plus disposés à offrir une protection s'ils n'avaient pas l'impression qu'il y aurait des répercussions permanentes sur leur société.
J'ai des réserves à ce sujet, parce que, en bout de ligne, notre objectif est de trouver des solutions durables, et les solutions durables sont nécessairement à long terme. Elles sont permanentes. Elles permettent aux gens de s'établir et de s'intégrer. En même temps, le recours à des mécanismes temporaires est peut-être la moins mauvaises des options. Si nous pouvions donner aux gens au moins une certaine assurance qu'ils ont le statut et la protection pendant une période limitée, sans que cela modifie nos objectifs à long terme, au moins il n'y aurait pas alors ce sentiment constant d'insécurité chez beaucoup de gens, ce questionnement quotidien: « Est-ce que je vais être expulsé? Vais-je être renvoyé vers un pays où je risque la torture? »
Ce n'est pas une solution parfaite. En principe, nous voulons des solutions durables, des solutions permanentes pour tout le monde. Nous ne sommes pas actuellement dans une situation où cela est possible.
Madame Liew, je sais, à la lecture de certains de vos articles, que vous avez mentionné les Rohingyas. Y a-t-il des mesures que nous devrions prendre pour les soutenir davantage? Je crois comprendre que vous appuyez la révocation de la citoyenneté d'Aung San Suu Kyi par le Canada. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet et de ce que vous pensez que nous pourrions faire dans ces domaines?
Certainement. Le Canada pourrait songer à réinstaller un certain nombre de Rohingyas dans des camps de réfugiés, au Bangladesh, par exemple. Il va sans dire que le Canada a une expérience de telles opérations. Ce serait une étape importante pour soulager certains pays de la région du fardeau qui pèse sur eux.
En deuxième lieu, il faut discuter avec l'ANASE et nos partenaires en Asie pour trouver une solution durable dans cette région. Enfin, comme la professeure Purkey l'a mentionné, il faut fournir de l'aide dans les zones où vivent actuellement les Rohingyas.
Il est impératif de discuter du fait que certaines de ces personnes vont vivre comme réfugiés apatrides dans certains pays pendant de nombreuses années. J'ai personnellement rencontré en Malaisie des réfugiés rohingyas qui y vivent depuis 20 ans. Ce n'est pas une solution durable, puisqu'ils sont sans statut. Leurs enfants ne sont pas scolarisés. Le Canada doit engager discussion plus approfondie sur les événements dans les pays les plus près du conflit.
Mme Kwan et moi étions dans un camp cet été en Afrique, où nous avons rencontré une femme qui était dans ce camp depuis 27 ans. Elle s'occupait maintenant de ses petits-enfants. Sa situation était des plus désespérées. Pensez-vous que, dans certains programmes que nous offrons, il serait important de considérer les personnes les plus persécutées dans ces régions comme des réfugiés à accueillir au Canada, de préférence, disons, aux personnes qu'on appelle des réfugiés économiques?
Il est certes difficile d'établir les priorités. Je ne passerai pas de jugement sur la façon dont le gouvernement arrive à de telles décisions. Les gens qui vivent dans les situations les plus précaires...
J'ai désigné les Rohingyas comme une population parce qu'ils sont apatrides. Il n'y a aucune reconnaissance de leur identité, nulle part. Parallèlement au génocide reconnu par le gouvernement canadien, il s'agit d'un exemple parfait d'une situation où notre programme de réinstallation pourrait s'appliquer et où le Canada pourrait engager une discussion sur le type d'aide à accorder aux pays de cette région.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos trois témoins pour leurs exposés très réfléchis.
Je vais commencer par la question de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Il y a quelques semaines, le ministre Blair a déclaré publiquement devant un autre comité, celui de la sécurité publique, en réponse à une question de mon collègue Matthew Dubé qui demandait si le gouvernement, à la suite de ses discussions et négociations avec les Américains, prévoyait supprimer l'application de l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs tout le long de la frontière, que la réponse était non.
L'option de l'application de l'Entente sur les tiers pays sûrs tout le long de la frontière est sur la table lorsque le gouvernement renégocie cette entente avec les États-Unis. J'aimerais vous demander à toutes les trois ce que vous en pensez et s'il s'agit ou non de la bonne approche ou si nous ne devrions simplement déclarer que ce n'est pas une option?
Professeure Macklin.
Je ne répéterai pas les raisons qui m'amènent à dire qu'il s'agit d'une réaction fondée sur aucun principe. Du simple point de vue pratique, il faut se demander si nous allons ériger un mur tout le long de la frontière canado-américaine. Allons-nous poster des sentinelles le long de la frontière? Comment peut-on imaginer qu'il soit possible d'appliquer cette entente sur toute la longueur de la frontière canadienne? Si vous pensez qu'il s'agit simplement les poster au passage du chemin Roxham et à Emerson, au Manitoba, vous vous rendrez vite compte que les gens ne tenteront plus de passer par ces deux points.
C'est tout simplement une approche tout à fait irréalisable, même sans parler de ceux qui — on l'imagine sans peine — se trouveront du côté américain de la frontière pour recevoir les gens expulsés. Tout cela est tellement irréaliste que, même si les objections de principes ne suffisaient à convaincre, il me semble que le poids des objections pratiques est tel qu'ils emportent la conviction.
Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une chose. On a l'impression — c'est bien un exemple de mémoire courte — que l'Entente sur les tiers pays sûrs est en vigueur depuis toujours, que les choses se sont toujours passées ainsi. En fait, elle n'est en vigueur que depuis une douzaine d'années. Auparavant, la norme était qu'on pouvait présenter une demande d'asile à un point d'entrée à la frontière terrestre, à un aéroport ou à un port de mer. De nos jours, on peut encore revendiquer le statut de réfugié dès l'arrivée à un aéroport ou à un port de mer.
L'Entente sur les tiers pays sûrs n'est pas la norme, mais une exception à la norme. Je le répète, rien ne montre que, si on revenait à la situation antérieure, à la situation normale, les gens rueraient vers la frontière. Si les Canadiens s'inquiètent, je pense que c'est le travail de ceux qui dirigent ce pays, un travail de leadership, de dissiper cette atmosphère alimentée de renseignements défavorables et de désinformation et appelant la recherche de boucs émissaires. Il ne faut pas accepter une telle situation comme un fait acquis, comme un donné politique autour duquel on doit aménager ses politiques.
Merci.
L'objectif initial de l'Entente sur les tiers pays sûrs était, à vrai dire, de réduire les pressions qui pesaient sur la CISR du fait du grand nombre de demandes qui lui étaient présentées. Pour peu qu'on réfléchisse à la justification originelle de cette politique, à la raison pour laquelle elle a été adoptée, force est de conclure à un échec.
Comme un membre du Comité l'a reconnu plus tôt aujourd'hui, les gens continuent de venir, que l'Entente soit en place ou non. Je pense qu'il faut se demander comment gérer la frontière de façon planifiée, ordonnée et compatissante. Cela nous ramène à l'observation de la professeure Macklin sur la nécessité de s'en tenir au plus pratique.
De plus, nous devrions vraiment tenir compte du fait que l'application de l'Entente sur les tiers pays sûrs nous empêche de respecter nos obligations internationales en matière de protection des réfugiés. Nous ne pouvons prôner devant le reste du monde la nécessité de se réunir pour discuter de la protection des réfugiés alors que, chez nous, nous ne respectons pas nos obligations internationales.
J'ai beaucoup parlé devant le Comité des violations qui sont commises du fait du renvoi de gens dans leur pays d'origine, où ils seront exposés à des risques, et même aux États-Unis, où ils seront exposés à des difficultés et à des traumatismes.
En terminant, je tiens à dire que nous devrions vraiment faire confiance à notre système. Nous avons un système d'immigration bien rodé. Nous devrions nous en tenir à nos points d'entrée officiels et légaux au lieu de recourir à ces installations d'accueil improvisés et ne pas compliquer les choses. En bout de ligne, notre obligation est de traiter les demandes reçues. Nous ne devrions pas nous attarder outre mesure sur la façon dont les gens arrivent ici et sur les moyens de les en empêcher. Respectons nos obligations internationales.
Je ne suis pas certaine d'avoir grand-chose à ajouter, sauf que je vais quand même insister sur l'approche fondée sur des principes parce que l'Entente sur les tiers pays sûrs est fondée sur le principe que le pays vers lequel les gens sont renvoyés est, en fait, sûr. Nous avons des renseignements crédibles qui montrent que, pour beaucoup de gens, les États-Unis ne sont pas un tiers pays sûr.
Cela ouvre la porte à une véritable refonte de cette entente et à une révision de son objectif fondamental. De plus, je dirais que bon nombre de ces ententes bilatérales ont l'effet secondaire néfaste de pousser les gens vers l'illégalité. Comme la professeure Macklin l'a dit, si nous dépêchons des gardes-frontières à Roxham, il y aura des gens qui passeront ailleurs, par les champs à l'extérieur de Calgary ou d'Edmonton. Il y en aura qui gèleront dans la neige parce que les gens continueront de venir, puisqu'ils cherchent la sécurité. Nous ne faisons que pousser les gens dans une situation plus dangereuse et plus illégale en renforçant cette politique particulière, que d'aucuns qualifieraient d'inhumaine.
Merci beaucoup de cette réponse. Je vous en suis vraiment reconnaissante.
Je pense qu'il vaut la peine de répéter ce point de vue important dans le compte rendu, et c'est pourquoi j'ai posé la question. J'ai été très inquiète d'entendre la déclaration publique faite par le ministre Blair, il y a à peine quelques semaines, devant le Comité de la sécurité publique.
Je vais passer à autre chose parce que l'autre élément lié à...
D'accord.
Quelle est la solution à l'apatridie et quelles mesures les gouvernements devraient-ils prendre?
Il devrait y avoir des mécanismes juridiques permettant aux apatrides d'obtenir le statut de résident permanent; la citoyenneté. Nous devrions examiner en détail les critères qui définissent les apatrides et comment nous pouvons leur offrir des voies pour en sortir de l'apatridie. Il faut que nous devenions un chef de file dans ce domaine.
Merci beaucoup.
Il nous reste quelques minutes pour nous réunir à à huis clos.
Nous vous remercions de votre présence. Il y a plusieurs points sur lesquels j'aimerais revenir, et il se peut donc que nous communiquions de nouveau avec vous. Notre étude durera encore un certain temps.
La séance est suspendue pour quelques instants, et nous poursuivrons à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication