CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 juillet 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 16 juin 2016, nous reprenons notre étude sur les mesures d'immigration pour la protection des groupes vulnérables.
Veuillez noter qu'en raison de la nature délicate de l'étude du Comité, il se peut que le contenu du témoignage de certains de nos témoins soit bouleversant pour les participants et les personnes qui suivent nos débats.
Notre premier groupe de témoins aujourd'hui est composé de Mme Nadia Murad, qui milite pour les droits de la personne; de M. Murad Ismael, directeur exécutif de Yazda; de M. Mirza Ismail, de la Yezidi Human Rights Organization International; et, par vidéoconférence de Vancouver, M. David Berson, coprésident de l'Or Shalom Syrian Refugee Initiative.
Je tiens à remercier tous les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui dans le cadre de notre très importante étude. Je veux aussi rappeler aux témoins qu'ils ont chacun sept minutes pour nous présenter une déclaration préliminaire.
Nous allons commencer par Mme Nadia Murad.
Mme Nadia Murad Basee Taha (activiste pour les droits de la personne, à titre personnel) (traduction de l'interprétation):
Bonjour à vous tous. Je suis très heureuse de me trouver aujourd'hui dans un pays comme le Canada et d'être parmi vous ce matin. Je vous remercie du soutien que vous offrez aux minorités victimes d'actes criminels. Je tiens aussi à vous remercier de l'excellent travail que vous faites en soutien à notre cause. Je remercie Michelle, Rona et tous ceux qui défendent la vérité.
Je m'appelle Nadia Murad. Je suis membre de la minorité yézidie. J'ai 22 ans. Je vis dans la région de Sinjar, dans le Nord de l'Irak, dans l'un des villages yézidis, le village de Kocho. J'étais alors en cinquième année. Je vivais une vie heureuse, entourée de ma famille et de mes amis. Dans notre village, nous vivions dans la paix, et, en tant que société pacifique, nous vivions aux côtés de musulmans — à Bashiqa, à Bahzani — et de chrétiens. Et avec tout le monde — essentiellement, toutes les autres minorités —, nous coexistions paisiblement.
Le 3 août 2014, l'État islamique a attaqué les yézidis. Les combattants de l'État islamique ont tué plus de 4 000 membres de la communauté yézidie, et il y a eu des explosions. Plus de 4 000 yézidis se sont enfuis dans les montagnes durant l'une des journées les plus chaudes de l'année, et plus de 6 000 femmes et enfants ont été pris en otages. Simplement en raison de notre identité religieuse, l'État islamique a traité les yézidis très différemment des autres minorités, parce qu'il nous considère comme des infidèles, des mécréants. Au moment de l'attaque, l'objectif de l'État islamique était de détruire l'identité yézidie, de tuer tous les hommes et de prendre les filles et les enfants en otages. C'est ce qui m'est arrivé.
J'étais au village, avec plus de 1 700 autres personnes, et nous sommes restés sous l'emprise de l'État islamique pendant deux semaines. Nous avons demandé de l'aide à tout le monde, parce que nous savions ce qui nous attendait: les hommes allaient être tués, et les femmes et les enfants, pris en otages. Nous avons appelé à l'aide, mais, malheureusement, en vain. Le 15 août, les combattants nous ont rassemblés à l'école du village et ont séparé les hommes des femmes. Ils ont tué nos hommes. Plus de 700 hommes sont morts en deux heures dans le village de Kocho. Nous avons vu nos pères, nos frères et nos fils se faire tuer aux abords du village.
Puis, ils nous ont pris — les femmes et les enfants — et nous ont répartis selon l'âge. Les filles âgées de 9 à 25 ans ou 27 ans ont été amenées à Mossoul. Pour ce qui est des femmes plus âgées, il y en avait plus de 80, elles ont été tuées parce qu'elles étaient plus vieilles. Les garçons ont été transférés dans des camps d'entraînement. Les femmes mariées qui avaient plus de trois enfants ont été amenées dans un autre endroit. Ils agissaient à leur égard comme ils le faisaient pour les filles, mais, après 40 jours, ils les violaient, essentiellement, en raison de leur identité yézidie. C'est ce qui s'est produit dans mon village.
C'est la même histoire qui s'est répétée dans des centaines d'autres villages yézidis. Des milliers de personnes ont été tuées à Sibaya, à Gir Azêr et à Hardan. Dans tous les autres villages yézidis, des milliers de yézidis à Bashiqa et à Bahzani ont dû être déplacés.
Lorsqu'ils se sont emparés de nous — les filles et les enfants —, ce n'était pas seulement pour nous faire prisonniers; des crimes ont été commis contre nous. Ils nous ont forcés de changer de religion. Ils nous ont violées. Ils nous ont vendues. Ils nous ont louées. Cette situation perdure aujourd'hui pour plus de 3 000 femmes et enfants en Irak et en Syrie. Il n'y a aucun endroit contrôlé par l'État islamique en Irak et en Syrie où les filles ne sont pas distribuées ainsi. J'étais avec des filles âgées de 10 ans, et les hommes les violaient et se les vendaient les uns aux autres. Encore aujourd'hui, des filles continuent d'être violées par des dizaines de membres de l'État islamique. Ce n'est pas un secret: ces viols ont lieu en public. Les membres de l'État islamique filment les filles et sont fiers de ce qu'ils leur font subir.
Des milliers d'autres yézidis dans des camps sont aux prises avec une pauvreté extrême. Des milliers de yézidis ont dû migrer. Des centaines se sont noyés dans la mer Égée. Des milliers de veuves dans les camps sont incapables d'élever leurs enfants. Plus de 35 fosses communes ont été découvertes jusqu'à présent dans les régions libérées du Sinjar, et elles n'ont pas été documentées jusqu'à présent. Pour ce qui est de la fosse où ma mère est enterrée, j'ai su pendant plus de neuf mois que ma mère était enterrée là, mais elle n'avait pas été identifiée de façon appropriée. Imaginez des êtres humains qui ont dû voir plus de six ou sept de leurs frères et soeurs être tués sans même pouvoir recouvrer leur dépouille. Imaginez voir votre mère être tuée simplement en raison de son identité yézidie et parce qu'elle était considérée par ses bourreaux comme une infidèle.
Dans les camps en Grèce, en Turquie, en Syrie et au Kurdistan irakien, on ne peut même pas acheter un contenant de lait pour les enfants. Les yézidis sont en train d'être éliminés. Depuis le 3 août 2014, personne n'aide les enfants yézidis. Les yézidis ne bénéficient de l'aide de personne.
Nous parlons ici de filles qui ont été violées des dizaines de fois et qui se trouvent actuellement dans des camps dans le Kurdistan irakien. Elles ont perdu leur mère, leur père et leurs frères. Elles vivent comme tous les autres réfugiés dans ces camps après avoir été victimisées par l'État islamique, mais elles ne reçoivent aucune aide ni aucune assistance. Je connais des filles qui ont été libérées. Elles sont dans les camps, mais il n'y a personne pour les aider.
En tant que yézidis, nous avons l'impression que le monde fait preuve de négligence à notre égard, surtout pour ce qui est des survivants, des veuves et des orphelins. Nous ne savons pas pendant combien de temps nous continuerons à vivre dans cette situation et à voir notre peuple se faire éliminer.
La campagne pour nous éliminer se poursuit. À peu près à la même date il y a deux ans, j'étais étudiante. J'étais en vacances, mais j'étais étudiante. Je me préparais pour la sixième année, et, durant mes vacances, je me préparais en étudiant afin d'avoir de bonnes notes une fois en sixième année. Mais, 15 jours plus tard, nous avons été attaqués par l'État islamique. Je ne pouvais même pas voir mes livres. J'avais espéré pouvoir obtenir un certificat de mon école et le montrer à ma mère, mais je n'ai pas pu l'avoir. Dans cette même école, j'ai été séparée de ma famille, de mes amis et des habitants de mon village. Je n'ai même pas pu dire au revoir à ma mère. Six de mes frères et soeurs étaient dans cette école. Ils l'avaient fréquentée, et je les ai vus monter dans des automobiles les menant à la mort. Je n'ai même pas eu l'occasion de leur dire au revoir.
Pendant plus d'un an, nos enfants ont été endoctrinés dans les camps de l'État islamique, et le monde ne dit rien. Franchement, je ne sais pas quoi vous dire d'autre au sujet de ce genre de souffrance, au sujet des cas extrêmement pathétiques que j'ai vus de jeunes femmes et d'enfants. Le monde entier fait preuve de négligence lorsque vient le temps de défendre les droits des yézidis. Nous sommes une communauté paisible qui a été victime de plus de 74 génocides, et on continue de tolérer ce génocide. Nous espérons qu'un jour les gens du monde entier comprendront notre situation et constateront que notre communauté pacifique est victime d'un génocide simplement en raison de son identité religieuse différente. Tout ce que nous voulons, c'est vivre en paix. C'est la seule chose que nous voulons. Personne dans le monde n'accepterait que sa fille soit tenue en otage pendant plus d'un an par des terroristes ni de voir son épouse prise en otage par des terroristes. Les femmes ont vu leur époux se faire tuer sous leurs yeux, puis ont été prises en otages et violées.
Pendant le siège, j'ai entendu dire que des milliers de filles avaient été prises en otages. Je me suis dit: « Eh bien, ils me prendront peut-être aussi en otage et je vais peut-être essayer de les raisonner, de les convaincre que je suis un être humain et que je n'ai rien fait pour mériter d'être violée et d'être vendue sans raison. » Je croyais que j'allais pouvoir raisonner les membres de l'État islamique parce que ce sont des êtres humains, mais lorsqu'ils m'ont enlevée, ils ne m'ont pas donné l'occasion de dire quoi que ce soit, de leur dire que j'étais une jeune fille et que j'avais le droit de vivre. Lorsque les membres de l'État islamique ne m'ont pas donné l'occasion de parler, qu'ils n'ont pas voulu entendre ce que j'avais à dire, je me suis dit que j'allais parler au monde et que le monde allait me comprendre. Pendant plus de six mois, je me suis rendue dans plus de 17 pays. J'ai parlé à des présidents, à des parlementaires et à d'autres personnes, et j'ai dit: « Écoutez! Des filles se font violer dans les prisons de l'État islamique, des gens meurent de faim dans les camps, des milliers d'enfants sont privés d'éducation. » Et ils sont restés silencieux et n'ont rien dit, ils ont fermé les yeux sur les droits des yézidis.
Merci, madame Murad, de nous avoir présenté ce témoignage très difficile.
Monsieur Ismael, vous avez sept minutes pour présenter votre témoignage.
Monsieur le président, honorables députés, mesdames et messieurs, c'est un honneur pour moi d'être ici et de témoigner après une femme remarquable. Je la côtoie depuis sept mois, et je vois la tragédie qu'elle vit au quotidien. Dans chacun de ses discours, elle donne une partie de son âme. Elle dépense énormément d'énergie émotionnelle pour raconter l'histoire de milliers de personnes comme elle, de milliers d'enfants qui deviennent orphelins, de milliers de femmes soumises à l'esclavage; l'histoire d'hommes comme son propre frère — que j'ai rencontré il y a une semaine —, qui attend encore son épouse, qui a été enlevée par un militant de l'État islamique.
Après avoir écouté le témoignage de Nadia, qui est d'une grande profondeur, il est difficile pour moi de choisir les bons mots pour transmettre mon message. De fait, j'ai eu beaucoup de difficulté à exprimer avec des mots ce que j'ai à dire au cours des deux dernières années. Je suis un géophysicien qui vient de la région de Sinjar. J'avais une vie normale à Houston, où j'ai fait mes études, à l'Université de Houston. J'ai fait deux maîtrises — une en géophysique et l'autre, en génie — et je voulais vivre une vie normale aux États-Unis. Cependant, cette vie normale a changé en un instant. Cette vie normale a basculé pour moi, pour ma famille, et pour tous les yézidis de la planète.
Les yézidis ont été victimes d'un génocide visant leur éradication totale de la surface de la Terre. Des membres de l'État islamique ont dit dans Dabiq, leur journal, que l'objectif de cette attaque était l'éradication des yézidis. D'ailleurs, ils ont dit que l'existence des yézidis au sein du monde musulman était une honte pour l'Islam et que les musulmans devraient déjà avoir éradiqué les yézidis.
Une communauté de 700 000 personnes, une communauté qui existe depuis plus de 4 000 ans et dont l'origine remonte à la Mésopotamie — ce dont nous sommes tous fiers —, à Babylone, aux Assyriens, communauté qui aurait légué un patrimoine dont nous devrions tous être très fiers, se trouve actuellement à la croisée des chemins. Lorsque nous affirmons ne pas savoir ce qui nous attend, nous le pensons vraiment. Lorsque nous disons que les yézidis auront probablement disparu dans 10 ou 20 ans, nous le croyons vraiment. Il y avait plus de 200 000 yézidis en Turquie, et il ne reste plus que 300 familles dans ce pays. En Syrie, nous étions 50 000, et nous ne sommes plus que 3 000. Dans le district de Shekhan, il y avait 200 000 ou 300 000 yézidis, et il n'en reste que 100 000. C'est la même chose dans la ville de Sinjar, où la majorité a essentiellement modifié systématiquement le profil démographique de la ville afin que les yézidis n'ai plus de patrie.
L'attaque de l'État islamique contre les yézidis est la dernière goutte, la dernière attaque visant à éradiquer les yézidis au Moyen-Orient. Les Nations unies ont reconnu ce fait. D'autres pays l'ont aussi reconnu. Le tout a été documenté dans mes travaux, dans tous les travaux. À Dohuk, nous avons accueilli plus de 900 femmes comme Nadia. Elles nous ont raconté ce qui leur est arrivé, et elles ont toutes vécu exactement la même chose que Nadia. En fait, Nadia a été chanceuse comparativement à d'autres. J'ai rencontré des filles âgées de huit ans qui ont été violées. J'ai rencontré des enfants délivrés de leur captivité qui prient encore comme l'État islamique leur a montré à prier. Il y a tout juste une semaine, j'ai rencontré cinq belles femmes avec leurs enfants, aucun d'eux n'ayant plus de 7, 8 ou 10 ans; ces femmes ont toutes perdu leur époux. Deux des filles, Gelan et Jihan, se sont suicidées durant leur captivité. Deux enfants plus âgés, Rizan et un autre de leurs enfants, qui étudiaient à l'école de médecine de Mossoul, sont morts durant l'attaque de l'État islamique.
Ce dont les yézidis ont besoin, c'est que le monde entier se porte à la défense de l'humanité. Il faut voir les yézidis comme des êtres humains, pas comme une lointaine communauté qui doit s'en tirer seule. Je crois que nous devrions tous, en tant qu'être humain, avoir honte de regarder cette tragédie sans rien faire.
C'est ce que nous aimerions que le Canada fasse. Premièrement, nous avons été surpris de voir la résolution proposée contestée, de voir que le génocide des yézidis n'a pas été reconnu par le Parlement.
Nous avons été surpris de constater qu'un pays comme le Canada n'a pas reconnu notre situation tragique. Il très important pour les milliers de personnes qui ont survécu d'obtenir la reconnaissance des habitants du Canada et du gouvernement canadien. Puisque le Parlement est la voix des Canadiens, nous aimerions que cette résolution soit adoptée. Nous aimerions que cette résolution soit proposée à nouveau.
Nous sommes aussi ici parce que des milliers de personnes mettent leur vie en danger pour immigrer. Nous aimerions que le Canada prévoit un quota d'immigration pour les yézidis afin que de 5 000 à 10 000 personnes puissent immigrer ici. Ce sont des gens merveilleux. Croyez-moi: ils contribueront à la réussite et à la démocratie de votre pays. Ils seront de bons citoyens pour le pays. Il y a de 2 000 à 3 000 yézidis environ ici, au Canada, et ils sont très bien intégrés dans la collectivité.
Nous aimerions que ce quota vise tout particulièrement les victimes, comme c'est le cas dans le cadre du programme allemand, qui a permis l'immigration de 1 100 femmes et filles victimes de viol.
Pour les gens qui sont en Turquie actuellement, attendre que le processus des Nations unies se mette en branle n'est pas une solution. Les yézidis, même lorsqu'ils sont très chanceux et qu'ils ont quelques dollars pour se rendre à l'entrevue, doivent attendre jusqu'en 2022 avant de pouvoir être reçus pour une première entrevue par l'intermédiaire du système des Nations unies. Le fait de laisser des yézidis dans une telle situation n'est pas la chose à faire.
Nous aimerions que vous établissiez un quota spécial de 5 000 à 10 000 personnes. Celles-ci seraient parrainées par le gouvernement du Canada, ce qui permettrait à des yézidis de venir s'installer ici. Je crois qu'il faut permettre aux yézidis d'aller n'importe où, comme on l'a fait pour les victimes de l'Holocauste. Le monde entier a finalement reconnu leur génocide et leur a ouvert ses portes.
Ce sont les deux principales choses que je tenais à dire.
La dernière chose, c'est qu'il faut aider les yézidis qui restent dans les camps. Il faut aider les yézidis à présenter leur cas devant la Cour pénale internationale. Nous avons demandé au monde de se pencher sur ces crimes, d'enquêter sur ces fosses communes, et il ne s'est encore rien produit. Nous aimerions que le Canada prenne les rênes du dossier devant la CPI, qu'il se charge de documenter le génocide et qu'il soit un chef de file dans le domaine de l'immigration.
Merci beaucoup de m'avoir donné de votre temps.
Messieurs, président Borys, membres du Comité et distingués invités, je suis honoré d'être ici. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration pour parler de la situation des réfugiés yézidis en Turquie, en Syrie et en Grèce ainsi que des yézidis déplacés à l'intérieur de leur pays, dans le Nord de l'Irak.
Je tiens aussi à remercier notre gouvernement canadien d'avoir reconnu et en fait déclaré, en juin dernier, que l'État islamique avait commis un génocide, emboîtant le pas aux Nations unies. Je remercie notre gouvernement pour cette déclaration.
Les yézidis sont bel et bien victimes d'un génocide. Le peuple yézidi est un peuple ancien et fier qui provient du coeur de la Mésopotamie, berceau de la civilisation et de nombreuses religions du monde. Nous croyons en un dieu suprême et en ses sept archanges. Les yézidis ont une religion, une culture et une langue propres.
Les yézidis ont désespérément besoin de votre aide et de votre soutien immédiats. Durant leur 6 000 années d'histoire, les yézidis ont fait face à 74 génocides au Moyen-Orient, y compris le génocide actuel. Pourquoi? Simplement parce que nous ne sommes pas musulmans. Bien sûr, certains d'entre vous diront peut-être que nombre de personnes, même des musulmans chiites, subissent le même sort. Le conflit qui oppose les chiites et les sunnites dure depuis des siècles, mais lorsqu'ils commettent un génocide contre nous, ils le font parce que nous ne sommes pas des musulmans, parce que nous sommes des yézidis.
Les yézidis sont considérés comme des infidèles dans la charia — ils ne sont pas des « gens du livre » —, comme les hindous, les bouddhistes et les sikhs. Ils sont encouragés à nous tuer, à nous violer, à nous asservir ou à nous convertir.
Le 23 juin 2016, dans le camp de réfugiés de Skaramagas, en Grèce, des Arabes, des Kurdes et des Afghans ont appelé au jihad pour tuer les yézidis du camp. Ces jihadistes musulmans ont attaqué les réfugiés yézidis avec des couteaux, des barres de métal, des bâtons et des pierres. Ils ont blessé 18 hommes yézidis tentant de défendre leur famille et d'autres yézidis. Les 18 hommes blessés ont été amenés à l'hôpital pour recevoir des traitements. Les jihadistes ont aussi saccagé leurs tentes et leurs biens. L'attaque a commencé à 21 h 30 et a pris fin à 3 heures, le 24 juin. Ce n'est pas la première attaque perpétrée contre des réfugiés yézidis en Grèce. Il y a eu des attaques et des incidents de violence contre les réfugiés yézidis en Grèce, en Turquie, en Syrie et même en Allemagne — et ce, à de nombreuses reprises —, par des partisans de l'État islamique ou des membres l'État islamique dans ces pays.
Il y a environ 750 réfugiés yézidis dans le camp de Skaramagas. En tout, on dénombre environ 3 363 réfugiés yézidis en Grèce. De telles situations se produisent en Grèce malgré le fait qu'il ne s'agit pas d'un pays musulman. Qu'en est-il de pays comme la Turquie et la Syrie? Si ce genre de choses se produit en Grèce, vous pouvez très bien vous imaginer ce qui se produit là-bas. Vous pouvez voir à l'écran des photos des victimes de l'attaque menée par des membres ou des partisans de l'État islamique en Grèce.
La plupart des employés du HCR en Turquie et en Syrie sont des musulmans et ils adoptent une attitude violemment discriminatoire envers les yézidis, qui n'osent pas protester contre ces mauvais traitements ni faire valoir leurs droits. Ils doivent attendre de quatre à cinq ans pour passer une entrevue devant des représentants des Nations unies. J'ai des preuves de cela, et je serai heureux de les montrer à tous ceux qui le désirent.
Il y a des milliers de réfugiés yézidis qui attendent actuellement en Turquie, en Syrie et en Grèce. On retrouve les yézidis en tête de la liste des personnes menacées et persécutées, suivis des assyro-chaldéens et des mandéens. Plus de 5 000 yézidis ont été assassinés par l'État islamique en août 2014, et plus de 3 000 sont encore asservis, surtout de jeunes femmes et des enfants.
L'aide humanitaire, même si elle est nécessaire, n'est pas suffisante. Une bonne partie de l'aide distribuée par l'autorité kurde régionale et pour le gouvernement irakien ne se rend jamais jusqu'à ceux qui en ont besoin, aux personnes auxquelles elle était destinée, en raison de l'écrémage, de la corruption et de tractations politiques.
Si les motifs d'ordre humanitaire sont la principale raison mentionnée pour accepter des réfugiés, ces personnes devraient être traitées en priorité, simplement parce qu'elles sont les plus vulnérables et les plus persécutées du Moyen-Orient. De plus, elles n'ont nulle part d'autre où aller.
Il y a des milliers de jeunes femmes, de filles et d'enfants yézidis qui, en ce moment même, ont été réduits à l'esclavage et à l'esclavage sexuel. Ces filles sont victimes chaque jour de multiples viols par ces monstres de l'État islamique. Selon beaucoup de femmes et de filles qui se sont enfuies et que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans le Nord de l'Irak, plus de 7 000 yézidis ont été enlevés au départ, principalement de jeunes femmes et des enfants. Certaines de ces femmes et de ces filles ont dû regarder des enfants de sept, huit et neuf ans mourir au bout de leur sang sous leurs yeux après avoir été violées plusieurs fois par jour par des membres de la milice de l'État islamique. J'ai rencontré des femmes qui se sont fait arracher leurs enfants par l'État islamique. Ces mêmes femmes sont allées supplier qu'on leur retourne leurs enfants, seulement pour apprendre qu'elles avaient en fait été nourries avec la chair de leurs propres enfants... Les enfants ont été tués, puis servis à leurs propres mères.
Des miliciens de l'État islamique ont brûlé vives de nombreuses filles yézidies qui refusaient de se convertir à l'islam et d'épouser des membres de leur organisation. De jeunes garçons yézidis sont entraînés à devenir des jihadistes et des kamikazes. Toute la population yézidie du mont Sinjar a été déplacée en moins d'un jour le 3 août 2014.
Le 2 août 2014, la veille de l'attaque de l'État islamique contre les yézidis dans la région du Sinjar, plus de 10 000 membres des forces de l'autorité locale étaient là, prétendument pour protéger les yézidis. Les yézidis ont tenté désespérément de se réfugier au mont Sinjar, mais les milices du GRK les en ont empêchés. Vers 22 heures, les miliciens ont fui et sont retournés sur le territoire du gouvernement régional du Kurdistan, refusant de donner des armes aux yézidis afin qu'ils puissent se défendre contre l'État islamique.
Ils se sont arrangés pour que les enfants et les femmes soient pris au piège. Pour ces derniers, il ne restait plus qu'à attendre la mort et le carnage aux mains de l'État islamique. Les yézidis qui ont supplié et imploré les miliciens pour qu'ils leur donnent des armes pour sauver leur vie et celle de leurs compatriotes ont été tués comme des chiens par des peshmergas. Des milliers d'hommes ont été tués sur-le-champ, y compris des centaines qui ont été décapités. Les Nations unies estiment que 5 000 yézidis ont été tués et que des milliers de femmes et d'enfants ont été pris en otages.
Aujourd'hui, j'implore chacun de vous de faire preuve d'humanité et de nous fournir du soutien en ce moment crucial afin de sauver les peuples indigènes et pacifiques du Moyen-Orient: les yézidis, les assyro-chaldéens et les mandéens.
Nous demandons au gouvernement canadien de permettre l'immigration du plus grand nombre possible de réfugiés yézidis de Turquie, de Syrie et de Grèce, parce que ces personnes sont les plus vulnérables et leur vie est en danger. Si les yézidis peuvent se faire attaquer en Grèce, à quoi s'exposent les réfugiés yézidis de Turquie et de Syrie, des pays musulmans?
Nous demandons au Canada d'accueillir les yézidis enlevés qui ont pu fuir l'État islamique. Le Canada peut faciliter l'immigration des filles yézidies qui ont fui et qui se trouvent actuellement en Irak au titre de l'article 25 de la Loi sur l'immigration. Comme mon collègue l'a dit, l'Allemagne a accepté 1 000 personnes mineures et leurs familles, alors pourquoi le Canada ne pourrait-il pas le faire?
Nous demandons au gouvernement canadien de jouer un rôle de premier plan pour ce qui est de sauver les plus de 3 000 yézidis qui sont encore tenus en captivité par l'État islamique en Irak et en Syrie et de surveiller les frontières du territoire occupé par l'État islamique afin que cette organisation ne puisse pas les transporter vers d'autres pays. L'aide humanitaire doit être envoyée immédiatement et directement aux yézidis déplacés dans leur pays, et tout particulièrement aux yézidis qui se trouvent au mont Sinjar, dans le Nord de l'Irak. Le GRK a imposé des sanctions alimentaires aux yézidis là-bas. Il y a un risque imminent de famine, de déshydratation et de maladie.
Nous demandons à notre gouvernement d'intervenir auprès du gouvernement irakien et de soutenir la création d'une région autonome pour les yézidis et les assyriens-chaldéens dans la région de Sinjar et dans les plaines de Nineve, qui serait sous la protection des forces internationales et associée directement au gouvernement central à Bagdad. Ce droit est garanti par la constitution irakienne, à l'article 125. Il faut appliquer cette disposition. C'est la seule façon pour nous de survivre dans notre terre natale du Moyen-Orient.
Je vous remercie de m'avoir écouté et de bien vouloir réfléchir sérieusement à ces questions. Nous vous supplions d'agir sans délai pour aider à sauver le reste de la nation yézidie, des assyriens-chaldéens et des autres minorités confrontées au même sort. C'est seulement avec votre aide — après beaucoup de décès et de souffrance — que nous pourrons espérer vivre en paix à l'avenir.
Merci.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité permanent de la Chambre des communes, et bonjour aux distingués témoins. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
L'immigration fait partie de l'histoire du Canada. Les réfugiés font partie de l'histoire du Canada.
Je m'appelle David Berson. Je suis membre de l'Or Shalom Syrian refugee initiative. Or Shalom est une synagogue de l'est de Vancouver comptant 180 membres. Les moyens de l'organisation sont modestes, mais ses membres sont profondément attachés au renforcement communautaire et à la promotion de la justice sociale et d'un monde meilleur.
Nombre de nos membres viennent de familles qui ont migré, fui la persécution et le génocide et subi la discrimination à l'étranger et à leur arrivée au Canada. Nous comprenons à quel point nous sommes chanceux de vivre ici, en tant que Canadiens, et nous l'apprécions, et nous sommes reconnaissants des efforts déployés pour améliorer la performance du pays au chapitre de la réinstallation d'immigrants, surtout des réfugiés vulnérables qui se trouvent dans des régions inaccessibles.
Notre synagogue parraine quatre familles, y compris deux familles comptant quatre et cinq membres dans la région kurde du nord de l'Irak, et une famille de cinq membres qui se trouve dans l'est de la Turquie. Ces familles sont des Syriens kurdes qui ont des parents dans la région métropolitaine de Vancouver. Notre quatrième famille est un couple LGBT qui se trouve actuellement à Beyrouth. Nous travaillons en partenariat et en collaboration avec l'Église unie et Rainbow Refugee.
Il y a 18 mois, des membres de notre synagogue, en partenariat avec la communauté tibétaine locale, ont facilité la réinstallation de deux Tibétaines déplacées qui venaient de zones éloignées du nord-est de l'Inde. Notre groupe a recueilli des fonds supplémentaires afin de pouvoir fournir des bourses de formation à ces nouvelles canadiennes en partant pour une randonnée d'aventure dans ces régions éloignées. Nous sommes allés là-bas pour qu'ils puissent venir ici.
L'Ancien Testament mentionne 30 fois qu'il ne faut pas maltraiter un étranger ou l'opprimer parce que nous avons tous déjà été des étrangers en terre inconnue. Notre ancien ministre de la Justice, l'honorable Irwin Cotler, a dit qu'il faut subir un peu d'injustice pour comprendre l'urgence du combat contre l'injustice. C'est un combat que notre communauté a mené à d'innombrables reprises durant l'histoire du Canada, à l'instar de nombreux autres Canadiens.
Aux fins de mon exposé de ce matin, j'entends par « vulnérables », les familles dont la vie a été perturbée trop souvent par des transitions traumatiques, les familles dont les ressources s'amenuisent et qui comptent de jeunes enfants aux prises avec de graves problèmes de santé, des familles plongées dans le désespoir, comme celle d'Alan Abdul-Rahim, jeune enfant qui a subi une intervention cardiaque à un an et qui a besoin de soins médicaux stables et accessibles. En outre, son père, Adnan, souffre d'une grave affection respiratoire qui limite sa mobilité et son niveau d'activité physique. Ils ont un lointain espoir de pouvoir immigrer au Canada.
Pour nous, le mot « inaccessible » renvoie aux zones où nos familles résident, soit la région kurde de l'Irak, des zones apparemment inaccessibles pour IRCC et le personnel consulaire. Selon le portail interagence de partage de l'information pour l'intervention régionale syrienne touchant les réfugiés, il y a 249 395 réfugiés dans la région kurde de l'Irak, y compris dans les régions d'Erbil, de Dohuk et de Souleimaniye. On parle de 88 772 ménages. C'est l'équivalent de la population de Gatineau, qui se trouve à un jet de pierre d'où nous sommes. Malgré des suggestions précises formulées à l'intention de l'honorable ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada, et malgré des occasions de créer des partenariats avec une myriade d'organismes sur le terrain dans le Nord de l'Irak, plus de 100 personnes — des réfugiés syriens kurdes — attendent encore le traitement de leur dossier. Il s'agit de personnes qui sont parrainées par des familles dans la région métropolitaine de Vancouver.
Chers membres du comité permanent, il y a plus d'organisations et d'organismes humanitaires et gouvernementaux qui participent aux activités et à la prestation des services qu'il n'y a de lettres dans l'alphabet. Dans la région métropolitaine de Vancouver, des répondants du secteur privé ont mobilisé plus de 3 000 personnes pour ces initiatives de réinstallation. Nous avons recueilli plus de 775 000 $, et nous sommes prêts à en faire plus. Nous avons amélioré nos connaissances en ce qui a trait à la langue, aux aliments et à la culture. Nous travaillons depuis bien avant novembre 2015, et nous sommes prêts à passer à l'action.
Il faut changer la façon dont nous accélérons le traitement des demandes des populations vulnérables dans les zones isolées. Voici quelques recommandations ainsi que de possibles solutions à envisager.
Accroître le nombre de parrainages privés permis aux signataires d'ententes de parrainage, parce que les répondants du secteur privé permettent d'accroître de façon importante le processus d'adaptation culturelle au Canada, d'autant plus dans les cas où les personnes sont vulnérables et ont des besoins spéciaux. Les parrainages du secteur privé coûtent beaucoup moins cher au gouvernement et aux contribuables tout en rendant les collectivités plus résilientes et en créant des réseaux communautaires plus solides.
Encourager le soutien et le travail en collaboration avec les organismes dans des zones isolées comme le Nord de l'Irak.
Reconnaître les personnes déplacées à l'intérieur d'un pays comme étant des candidats au parrainage.
Faire participer le HCR et l'OIM aux entrevues menées auprès de ces personnes afin de faire bouger les choses.
Accepter la désignation du HCR dans les endroits où le Canada n'a pas de centre de traitement. Si nous ne pouvons pas envoyer d'employé, alors il faut procéder à des entrevues téléphoniques.
Utiliser les mécanismes actuels des camps de réfugiés du HCR pour accélérer le traitement des dossiers de sécurité et l'évaluation de la vulnérabilité. Le HCR a déjà mis en place un outil numérique de contrôle de la protection pour évaluer la vulnérabilité et cerner les besoins, et 99 % des personnes dans les camps ont déjà été traités relativement à ces dossiers.
Établir l'ordre de priorité des dossiers et accélérer le traitement de ceux où il y a le plus grand nombre de répondants ou le plus de personnes participant activement au processus de parrainage au Canada.
Éliminer les prêts de transport imposés aux réfugiés les plus vulnérables.
Louer des véhicules blindés de transport de troupes spéciaux pour transporter les employés canadiens afin qu'ils puissent se rendre en toute sécurité dans cette région et rencontrer les familles vulnérables.
Enfin, je me permets une suggestion plutôt irritante. À de nombreuses occasions, je me suis dit — puisque je suis un conseiller en action philanthropique — que nous pourrions peut-être organiser une campagne de financement pour aider IRCC.
Nous allons soutenir vos efforts. Laissez nos gens travailler afin que nous puissions dire à nos enfants et aux vôtres que nos valeurs nous ont poussés à passer à l'action; afin que nous puissions dire avec fierté que l'équipe du Canada est sur le terrain, qu'elle connaît très bien les dangers et qu'elle prend ces risques pour sauver la vie de gens vulnérables; afin que nous puissions dire qu'avec notre gouvernement, nous avons fait des miracles.
Entendons-nous pour dire que la vie des réfugiés vulnérables est importante. Entendons-nous pour faire quelque chose.
Pour terminer, je vous demande instamment d'adopter une attitude résolue dans vos délibérations et vos recommandations. Irwin Cotler a dit, au sujet de la crise actuelle et de l'inaction de la communauté mondiale, que nous vivons à une époque où les leaders sont des spectateurs. Ne restons pas les bras croisés. Passons à l'acte et assumons notre responsabilité de protéger. Comme nos sages l'enseignent: « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? Si je suis seulement pour moi, que suis-je? Et si pas maintenant, quand? »
Merci.
Merci, monsieur Berson.
Nous allons maintenant poser des questions aux témoins.
Monsieur Tabbara, vous avez sept minutes.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Les événements tragiques qui continuent de se produire en Irak et en Syrie sont très troublants.
Je tiens à remercier Nadia Murad de sa bravoure et de ses efforts pour sensibiliser les gens du monde entier au triste sort des yézidis. Le secrétaire des Nations unies Ban Ki-moon a souligné votre force, votre courage et votre dignité, qualités que nous avons tous pu constater aujourd'hui.
Madame Murad, vous avez mentionné — lors de votre récente comparution devant les Nations unies et encore ici aujourd'hui — que vous étiez en paix et que vous ne vouliez pas devenir une réfugiée. Il y a actuellement plus de 3 millions de personnes déplacées en Irak, dont beaucoup se trouvent dans la région du Kurdistan, au nord. Le gouvernement local a mentionné publiquement le manque de financement, et, compte tenu de la récente reprise des hostilités à Fallujah, il y a beaucoup de conflits là-bas.
J'ai ici un article d'Al Jazeera écrit par Shaker Mahmoud Hadi. Dans l'article, il mentionne entre autres que la situation actuelle à Fallujah est catastrophique. Les ressources y sont insuffisantes et permettent seulement de répondre aux besoins de 30 % des personnes déplacées. Il demande à la communauté internationale d'aider le gouvernement irakien à composer avec la situation des personnes déplacées à l'intérieur du pays.
C'est justement ce dont le Comité doit parler aujourd'hui: les PDIP et la meilleure façon de les aider.
Le gouvernement canadien actuel a augmenté son aide humanitaire à l'Irak à un niveau sans précédent, soit 1,6 milliard de dollars. Il offre de la formation et a envoyé des troupes, qui luttent contre Daesh, y compris en aidant les forces peshmergas et en travaillant en collaboration avec le gouvernement local pour assurer la stabilité et le développement.
Ma question est destinée à M. Ismail. Diriez-vous que l'approche pangouvernementale de notre gouvernement — y compris la diplomatie, l'aide humanitaire, les négociations politiques et la formation — est une bonne façon d'assurer une paix à long terme en Irak?
Comme vous l'avez dit au sujet des PDIP — et surtout celles qui se trouvent dans le Nord de l'Irak —, je crois que vous pouvez aider, mais, en même temps, il ne faut pas seulement interagir avec le gouvernement. L'aide qui est fournie au gouvernement ne se rend pas aux personnes qui en ont besoin.
Oui, l'aide humanitaire, l'aide de nature médicale. Vous pouvez envoyer des équipes — il y en a beaucoup au Canada et aux États-Unis — ou travailler en collaboration avec d'autres ONG pour vous assurer que l'aide se rend vraiment aux personnes qui en ont besoin. Il y a beaucoup de gens qui crient à l'aide. Certaines d'entre elles ne mangent pas deux repas par jour. D'un autre côté, tout est politique. Si je ne suis pas affilié à une entité politique là-bas, je suis perdu, et je ne recevrai... Vous devez faire quelque chose. Nous espérons que la communauté internationale pourra envoyer une aide directe et que des gens d'ici, des États-Unis et d'Europe seront du voyage pour s'assurer que l'aide se rend bien aux personnes qui en ont le plus besoin.
En septembre 2014 — et en novembre —, Sri Sri Ravi Shankar, un Guruji hindou, a donné environ 110 tonnes d'aliments et de vêtements. Il a accompagné les aliments et l'aide là-bas pour s'assurer que les gens la recevaient bien. D'un autre côté, les donateurs en remettent une partie au gouvernement, et le gouvernement en distribue probablement moins de 10 %. Dès que les représentants partent, le gouvernement prend le reste. On ne vous le dit pas, mais vous comprenez lorsque vous les voyez distribuer ces moins de 10 % de l'aide; l'aide ne se rend pas aux gens.
Que suggérerez-vous au Canada et à la communauté internationale de faire pour s'assurer que l'aide — dont nous avons récemment augmenté le niveau — se rende à destination et jusqu'aux personnes qui en ont besoin?
Voici ce que nous suggérons: que vous soyez du Canada, des États-Unis ou d'Europe, vous devez travailler en collaboration avec la communauté ici, aux États-Unis ou en Europe. La plupart des membres de notre communauté sont des citoyens canadiens, américains ou européens, alors ils peuvent se rendre là-bas. Nous sommes prêts et nous serons très heureux d'oeuvrer à titre bénévole pour le Canada ou quiconque veut envoyer de l'aide. Nous sommes prêts à le faire, et nous serions ravis d'avoir cette occasion de veiller à ce que l'aide se rende aux gens innocents, aux gens qui souffrent. Vous devez travailler en collaboration avec la communauté pour vous assurer que ce sont les gens qui ont vraiment besoin de l'aide qui en bénéficient.
Notre gouvernement a parlé de la possibilité de se rendre dans le Nord de l'Irak à l'automne. Des préoccupations ont été soulevées, des préoccupations concernant la sécurité personnelle des Canadiens qui voyagent à l'étranger. Quelle est la situation là-bas?
La situation n'est pas sécuritaire. Le problème, c'est que lorsque des représentants du Canada, des États-Unis ou d'ailleurs se rendent là-bas, ils sont accompagnés par les forces de sécurité, les militaires. Vous me demandez si tout va bien, mais il y a quatre hommes armés derrière vous qui braquent leur fusil sur moi, alors que voulez-vous que je vous dise? J'espère que vous comprenez ce que j'essaie de dire.
L'aide humanitaire devrait être envoyée directement... Il faut travailler en collaboration avec la communauté touchée — qu'il s'agisse des yézidis, des assyriens, de la communauté baha'ie et des kakaïs — et aussi travailler avec les gens dans le Nord de l'Irak pour faire en sorte que l'aide se rende aux gens qui en ont besoin.
Merci, monsieur le président.
Mirza, Murad et Nadia, je crois savoir que les Nations unies n'ont pas pour pratique de donner la priorité aux réfugiés yézidis. C'est exact?
En moyenne, combien de temps un yézidi qui présente une demande aux Nations unies attend-il avant de passer une entrevue?
J'ai des preuves dans certains des documents des Nations unies que j'ai ici, et, comme je l'ai dit, je suis prêt à montrer à quiconque...
Ce sont des documents des Nations unies. À la réunion initiale, ils donnent un certain nombre de mois ou d'années...
Par exemple, nous savons que certaines familles attendent actuellement et que leur prochain rendez-vous est le 7 juillet 2022.
Excellent.
Compte tenu des preuves que vous avez fournies en ce qui a trait au traitement réservé aux yézidis et à la persécution et la discrimination dont ils sont victimes dans les camps de réfugiés, peut-on vraiment s'attendre à ce que les réfugiés yézidis restent dans ces camps jusqu'en 2022?
Le problème, c'est que la plupart des employés des Nations unies, comme ma consoeur Nadia l'a dit... Les Nations unies n'aident pas, parce que la plupart de ses employés sont des musulmans, et ils ne nous aiment pas. Dire le contraire reviendrait à nier la réalité. Ils ne nous traitent pas de façon égale.
Que les choses soient claires pour le Comité, les yézidis sont-ils victimes de discrimination dans le cadre des processus de traitement des réfugiés des Nations unies?
Oui. Lorsqu'il y a une famille yézidie et une famille musulmane, pourquoi est-ce que la famille musulmane se voit donner un délai d'un an, tandis que la famille yézidie obtient un délai de cinq ans? En quoi est-ce égal?
Mme Nadia Murad Basee Taha(traduction de l'interprétation):
Murad répondra.
En vérité, peu de yézidis sont passés au travers de tout le système de traitement des réfugiés. Comme vous le savez, il y a des millions de réfugiés provenant de tous les horizons. Ce que nous savons, en tant que yézidis, c'est que peu d'entre nous ont pu être réinstallés à l'étranger. Au départ, environ 65 000 personnes se sont rendues en Turquie. C'était en août 2014. Ces personnes ont obtenu une date d'entrevue très éloignée. Et même à l'heure actuelle, il y a de 3 000 à 4 000 personnes en Turquie. La situation est encore la même.
La réalité, c'est que les gens sont incapables de venir, et c'est pourquoi nous demandons un programme précis. Par exemple, Yazda aide actuellement le gouvernement australien à procéder à la réinstallation de Syriens yézidis. Nous avons enregistré environ 200 personnes. Il y en aura environ 300. Ce sont les yézidis restants qui ont migré de la Syrie vers l'Irak. Nous travaillons avec le gouvernement australien pour les faire venir directement, sans passer par le système des Nations unies. C'est la raison pour laquelle j'ai dit dans mon témoignage que nous aimerions que le Canada prévoie un quota spécial afin que nous puissions contourner tous ces longs processus.
La politique actuelle du gouvernement consiste à utiliser uniquement les listes des Nations unies pour le traitement des réfugiés parrainés par le gouvernement. Le gouvernement a aussi dit qu'il faut faire fi de la religion lorsqu'on traite les demandes d'asile. À la lumière de votre témoignage, est-ce une position pragmatique?
Eh bien, le 3 août, lorsque les yézidis ont été réunis dans la rue en raison de leur identité religieuse, les hommes yézidis ont été tués, les enfants yézidis, amenés dans des camps de formation, et les femmes yézidis, asservies. Selon moi, il est injuste que le monde ne tienne pas compte de la question de l'identité. Je crois qu'il est important de bien comprendre que tout le monde souffre dans la région. Oui, ce qui se passe actuellement dans la région est extrêmement tragique, c'est une grosse crise humanitaire, mais la religion est aussi un facteur important. L'État islamique est un groupe sunnite qui a utilisé des interprétations sunnites radicales de l'islam et qui commet des crimes contre les personnes qui s'opposent à cette idéologie. En tête de liste, il y a les yézidis, les chrétiens, les shabaks et d'autres minorités, sans oublier les sabiens.
Selon moi, il serait injuste pour un pays de ne pas en tenir compte. En même temps, je crois à l'égalité entre les humains, cependant, dans ce cas précis, si nous tentons de cerner les priorités du processus, je tiendrais compte du groupe auquel les gens appartiennent, mais tout en tenant compte du genre de victime dont il s'agit, par exemple des personnes comme Nadia qui sont orphelines et des personnes qui ont perdu leur mari. Selon moi, l'admissibilité devrait aussi être fondée sur ce dont les personnes ont été témoins.
Le gouvernement canadien a dit qu'il refuse de faire un suivi de la réussite de ses programmes à l'intention des réfugiés et, actuellement, il ne fait aucun suivi de l'identité des personnes qui arrivent au pays, pour ce qui est de l'ethnicité et de la religion. Pour revenir à votre recommandation, recommanderiez-vous que, dans le cadre de ce système dont vous parlez, le gouvernement fasse un suivi du nombre de yézidis qui viennent au Canada, que ce soit grâce à des parrainages par le secteur privé ou à des parrainages du gouvernement, et produisent les rapports connexes?
Je crois que la bonne approche à adopter consiste à accepter les communautés, les groupes ou les personnes vulnérables. Je crois qu'il n'y a rien de mal à dire, par exemple, qu'il s'agit de chrétiens, de yézidis ou de je ne sais quoi d'autre. Je ne crois pas que cela signifie nécessairement que ces groupes sont victimes de discrimination. Je ne crois pas que ce soit une erreur de tenir compte des antécédents des gens, de la région, de la religion, de la race ou de leur appartenance à la communauté LGBT, par exemple. Il importe de tenir compte de ces choses, parce que la discrimination dans la région est fondée sur ces facteurs.
Le problème, c'est que notre approche repose sur une vision bancale de ce qui se produit au Moyen-Orient. Je crois qu'il faut accepter les faits tels qu'ils sont.
Diriez-vous que le processus actuellement utilisé par les Nations unies pour dresser les listes à l'appui des efforts des pays — comme le Canada —, qui font venir des réfugiés parrainés par le gouvernement est lacunaire pour ce qui est de sa capacité de protéger les yézidis et les minorités vulnérables et persécutées?
Ce que font les Nations unies? En fait, les Nations unies n'accordent pas des droits égaux à tous, et nous espérons que le Canada le reconnaîtra et qu'il établira, comme mon collègue l'a mentionné, un quota pour les yézidis.
Je vais terminer par Nadia. Diriez-vous que le processus des Nations unies pour choisir les réfugiés présente des lacunes, et diriez-vous qu'il est en mesure de protéger adéquatement les yézidis?
Mme Nadia Murad Basee Taha (traduction de l'interprétation):
Oui. Qu'on parle des yézidis ou d'autres minorités, oui, il est effectivement important que toutes les minorités soient à l'abri de toute discrimination, mais il est d'autant plus important de protéger ceux qui ont été victimes d'un génocide. Ce n'est pas bien. Le processus est déficient, ce n'est pas bien.
Je tiens à remercier tous nos témoins de leur témoignage très poignant et très réfléchi. Je crois que tous les membres du Comité ont appris beaucoup de choses.
Nadia, vous nous avez fourni beaucoup de renseignements, et j'ai peine à croire que vous deviez continuellement raconter votre histoire et la revivre chaque jour lorsque vous la partagez et la racontez. Je tiens à souligner que ce que vous faites est terriblement important, parce que vous sensibilisez le monde entier dans le but d'améliorer le sort de votre peuple. Je vous en remercie.
Je veux m'attacher aux solutions. Que pouvons-nous faire, ici au Canada, en tant que pays et en tant que membre de la communauté internationale? De quelle façon pouvons-nous changer le cours des choses actuel? Même si nous ne sauvons qu'une vie, le jeu en vaut la chandelle. Ce serait une façon de vous rendre hommage et de reconnaître votre peuple, et vos expériences, et celles des autres personnes qui ont été victimes d'un génocide. La communauté juive me vient à l'esprit, l'expérience de M. Berson et de sa communauté; c'est très important pour nous tous. Hier, je discutais avec certains des membres du Comité au sujet du travail que nous faisons, et l'étude actuelle est peut-être l'une des choses les plus importantes que nous ayons à faire au sein du Comité.
Monsieur Murad Ismael, vous avez mentionné que vous travaillez sur un programme avec le gouvernement australien. Vous avez parlé de quotas. Dans votre témoignage, vous avez parlé d'un quota permettant l'immigration au Canada d'un minimum de 5 000 yézidis. Le nombre actuel de personnes pouvant immigrer ici pour des motifs d'ordre humanitaire est de l'ordre de 2 800 à 3 600 personnes. Il y a des limites à cet égard. La première chose à faire, alors, serait de demander au gouvernement d'accroître ces nombres afin que nous puissions en fait accueillir ici — du moins en partie — les membres de votre communauté qui font actuellement face à un génocide. C'est exact?
Pour commencer, si vous parlez de la situation globale en Irak, c'est en train de devenir une guerre par factions interposées. Il faut dépolitiser le conflit. Il faut éliminer l'État islamique le plus rapidement possible. Il y a une solution à long terme et une solution à court terme. Je crois qu'il faut régler le cas de l'État islamique le plus rapidement possible pour sortir cette organisation de l'équation et créer des collectivités sécuritaires où les gens peuvent retourner. En même temps, il faut fournir aux membres des communautés vulnérables une sorte de garantie que cela ne se reproduira plus jamais. Si vous demandez aux yézidis ou aux chrétiens s'ils veulent retourner dans leur région, ils vous répondront qu'ils n'y retourneront que s'ils bénéficient d'une protection internationale, car, dans de nombreux cas, ce sont leurs voisins — des gens qui se trouvent essentiellement dans le village d'à côté, à un jet de pierre —, qui se sont ralliés à l'État islamique lorsque les combattants sont arrivés; il y a donc une grande méfiance au sein de la collectivité.
Il faut assurer la paix pour que les gens reviennent. Pour y arriver, il faut miser sur la justice. C'est la raison pour laquelle nous demandons à la CPI de se pencher sur ce dossier pour examiner les crimes et traduire les coupables en justice. Je crois que je préférerais une approche comme celle de l'Allemagne, où les choses se sont faites très vite. La décision a été prise par le gouvernement allemand — en fait, la décision a été prise par l'État, ce n'était même pas le gouvernement —, puis l'approbation a été donnée par le gouvernement fédéral. Les Allemands ont créé un comité, dont les membres se sont rendus en Irak pour mener des entrevues très rapidement — en deux ou trois mois —, puis 1 100 femmes ont pu immigrer en Allemagne très rapidement. Je crois qu'il est important d'accroître tous ces chiffres pour faire venir des réfugiés, mais, en même temps, je préférerais un programme ciblé.
D'accord, merci.
J'ai peu de temps, j'en suis consciente. Il me reste moins de trois minutes. Pourriez-vous fournir au Comité une proposition sur ce à quoi pourrait ressembler un tel programme et sa mise en oeuvre, afin que nous puissions l'examiner? Nous n'avons pas le temps d'approfondir cette question maintenant, mais vous avez aussi parlé de la possibilité de cibler des victimes, des femmes, des filles, des orphelins, des enfants, etc. Pourriez-vous aussi décrire de quelle façon nous pourrions définir les groupes à traiter en priorité? Pouvez-vous vous engager à nous fournir de tels renseignements?
Oui. Nous possédons par exemple une base de données sur 90 femmes. Environ 600 d'entre elles sont encore en Irak. Leur histoire est exactement comme celle de Nadia. Nous possédons des bases de données sur les orphelins. Nous avons un centre psychosocial où vont toutes ces femmes. Nous pouvons créer très rapidement une liste et vous la fournir.
Merci.
Monsieur Berson, je vous remercie du travail d'Or Shalom et de tout ce que vous faites dans la communauté. Je veux en venir tout de suite aux solutions que vous avez proposées. Vous en avez toute une liste. Plus précisément, hier, nous avons écouté l'exposé d'un représentant des Nations unies qui nous a dit que, dans les endroits où on ne peut pas aller — là où nous n'avons pas un centre de traitement et là où il y a des problèmes de sécurité —, un processus permet de contourner ces difficultés, c'est-à-dire, un processus qui permet, au Canada par exemple, de renoncer à toutes les activités de traitement requises au pays pour amener les gens ici. Est-ce quelque chose que votre groupe appuierait et demanderait au gouvernement de faire?
J'ai beaucoup de respect pour les procédures et les processus gouvernementaux, mais en tant que personne ayant grandi au Canada et vécu à d'autres endroits dans le monde, je sais que nous pouvons parfois être extrêmement persistants lorsqu'il est question de diligence raisonnable. Selon moi, pour accélérer les choses, le fait d'accepter le traitement et la désignation du HCR — j'ai passé en revue des rapports sur les camps de réfugiés de tout le Nord de l'Irak — est une bonne mesure à prendre qui permettrait d'accélérer les choses.
Il y a plus de 100 membres de famille dans la région métropolitaine de Vancouver qui sont parrainés par environ 10 ou 11 groupes de répondants du secteur privé, qui attendent depuis novembre des nouvelles du gouvernement canadien. Il ne s'est encore rien produit.
C'est exact, et on ne peut pas savoir quand ces familles pourront venir au Canada parce que leur dossier ne peut être traité, et il faut attendre et attendre encore patiemment.
Oui, et je tiens à souligner que les Irakiens kurdes et la population kurde présents dans toute cette région souffrent d'un haut niveau de persécution, un peu comme les yézidis.
Merci, votre temps est déjà écoulé depuis un moment.
Monsieur Fragiskatos, vous avez sept minutes. Allez-y, je vous prie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je partage les sentiments de Mme Kwan, de l'autre côté. Vous avez tous fait preuve d'une grande bravoure en venant ici aujourd'hui. Il va sans dire que votre travail de sensibilisation est très important.
J'ai été très intrigué par le portrait qui a été fait de la situation des yézidis dans les camps. Pouvez-vous nous parler des besoins particuliers des yézidis du point de vue des traumatismes — de toute évidence, il y a des problèmes de santé mentale en jeu — et plus précisément des besoins des femmes et des enfants?
Divisons la question... Mirza et Murad, si vous pouviez nous parler des traumatismes, et je demanderai ensuite à Nadia de nous parler du point de vue des femmes.
Pour ce qui est de la situation des PDIP — surtout en ce qui concerne les conditions humanitaires, le maintien de l'ordre et les soins médicaux —, leur situation est déplorable. Le problème sur le plan organisationnel est très difficile. Qu'il s'agisse de notre organisation, de la sienne, ou de toute autre organisation, il est difficile d'essayer de fournir des soins médicaux aux personnes traumatisées — surtout les femmes — qui se sont échappées de l'État islamique. Il est difficile d'essayer de le faire, parce que cette entreprise dépasse nos capacités. Nous espérons que le gouvernement canadien, comme l'Allemagne, fournira des soins ou établira des installations jusqu'à ce qu'on puisse faire quelque chose. Notre demande la plus urgente au Canada, c'est de ramener au Canada le plus grand nombre possible de personnes enlevées et d'orphelins. La communauté ici est tout à fait disposée à travailler avec le gouvernement pour prêter main-forte ou fournir quoi que ce soit d'autre. Les gens peuvent fournir de l'aide et du soutien ici.
C'est très difficile. Il y a, par exemple, beaucoup de personnes qui ont des maladies de la peau. Nous travaillons avec certains médecins indiens, surtout des médecins qui se spécialisent dans la santé des reins, parce que les humains ne peuvent pas boire l'eau dans les camps. Elle n'est absolument pas potable. L'alimentation est médiocre, et les gens souffrent de nombreux types de maladies. Nous travaillons actuellement avec certains médecins indiens qui sont prêts à le faire. Ils comptent sur des bénévoles pouvant fournir des soins médicaux et sur d'autres bénévoles qui emmènent les malades en Inde pour leur faire subir des traitements médicaux et les ramènent ensuite.
Même si le Canada accepte déjà des réfugiés, nous espérons qu'il deviendra un chef de file dans ces dossiers. C'est la seule façon d'assurer la survie de notre communauté. Les dossiers qui restent — comme vous pouvez actuellement le voir — sont les enfants des gens qui ont échappé aux 74 génocides islamiques. La situation à laquelle nous sommes confrontés n'est pas facile. Cette fois-ci, l'État islamique le fait ouvertement. Il ne se cache même pas. C'est la raison pour laquelle nous ne croyons pas que les Nations unies aient à mener une quelconque enquête. Les combattants de l'État islamique se filment lorsqu'ils décapitent des gens. Je crois que certains d'entre vous ont vu des images. Ils violent des femmes, filment ces viols et vendent ces vidéos sur YouTube. Ils montrent leur travail. Il n'est pas nécessaire de payer quelqu'un pour mener une enquête et obtenir l'information. Ils vous le disent eux-mêmes.
Je comprends.
Mme Taha, pouvez-vous nous parler des besoins précis des femmes yézidies dans les camps, s'il vous plaît?
Mme Nadia Murad Basee Taha (traduction de l'interprétation):
J'ai passé plus d'un an dans un camp kurde. Il y avait des programmes pour aider les survivants sur le plan psychologique. On m'a offert d'y participer, mais je n'ai pas accepté. Je ne suis pas allée parce que, dans les camps, je n'avais pas accès à de la nourriture, à l'éducation, à de l'électricité ni à de l'eau courante. Les camps ne répondaient pas aux besoins fondamentaux. Je ne suis pas allée parce que, selon moi, la thérapie psychologique ne pouvait pas m'aider si je devais ensuite retourner dans le camp où cette situation prévalait. Il y avait d'autres filles avec moi qui vivaient des problèmes psychologiques difficiles. Elles sont allées en Allemagne. On leur a fourni une résidence où vivre. Elles ont eu l'occasion d'étudier. Elles ont reçu toutes ces choses fondamentales nécessaires à la vie et ont donc pu guérir et régler leurs problèmes psychologiques sans obtenir un traitement psychologique précis. Selon moi, le fait de suivre un traitement psychologique dans les camps, même si elle est nécessaire... Mais il y a des facteurs qui continuent de provoquer ces problèmes psychologiques. Lorsque vous aurez fourni nourriture, eau et logement — toutes ces choses fondamentales — à ces personnes, elles pourront alors probablement guérir d'elles-mêmes.
Évidemment, même les personnes qui ne sont pas dans les camps sont aux prises avec des problèmes similaires très traumatisants.
Je sais que mon collègue, Randeep, veut aussi poser une question. Monsieur le président, je lui cède la parole.
Pour commencer, je vous offre à vous trois mes sympathies, mais, puisque j'ai peu de temps, je vais tout de suite passer à autre chose. Il est généreux et brave de votre part de venir raconter votre histoire, surtout vous, Nadia.
J'ai de bonnes questions à poser afin de comprendre quelle est la meilleure façon de vous aider. Premièrement, pouvez-vous nous dire rapidement de quelle façon les filles réussissent à s'enfuir lorsqu'elles sont entre les griffes de l'État islamique? Je vous pose toutes les questions en bloc. Deuxièmement, quelle est la meilleure façon de les sortir d'Irak — si elles sont en Irak — pour les amener dans un autre lieu sécuritaire, comme l'un des camps des Nations unies? Troisièmement, y a-t-il des camps relevant des Nations unies qui sont meilleurs que les autres, par exemple, un endroit où votre peuple subit moins de discrimination? Y en a-t-il qui sont particulièrement supérieurs, afin que nous puissions soutenir ces camps plus souvent?
Mme Nadia Murad Basee Taha (traduction de l'interprétation):
Pour ce qui est des filles, certaines d'entre elles en Irak ou en Syrie risquent leur vie; certaines peuvent recevoir de l'aide lorsqu'une communication est possible et qu'elles peuvent préciser leur emplacement. Il y a quelques familles musulmanes en Irak et en Syrie qui ont aidé des filles, comme la famille qui m'a aidée à fuir. Cependant, il est actuellement très difficile pour elles de fuir parce qu'il n'est pas possible de communiquer avec des parents à l'extérieur ni d'avoir des nouvelles au sujet des filles, de certaines des filles. On n'a pas de nouvelles d'elles depuis plus d'un an, alors la fuite devient de plus en plus difficile. Pour ce qui est des familles — les familles musulmanes en Irak et en Syrie —, elles sont les seules à pouvoir aider les filles à fuire.
J'aimerais moi aussi répondre à cette question parce qu'elle est très importante. Les réseaux de passeurs et les intermédiaires payent des tierces parties dans certains cas. Ce processus exige beaucoup d'argent. Lorsque je me suis rendu là-bas deux ou trois fois, j'ai vu beaucoup de femmes qui demandaient de l'argent: elles allaient de tente en tente, demandant un dollar afin de pouvoir secourir des membres de leur famille. C'est une chose dont je pourrais vous parler plus en détail en privé.
Une fois qu'une femme revient... Je veux vous dire deux ou trois choses. Il n'y a absolument aucun réseau pour la recevoir, ni aucun programme pour faciliter sa réception. À son arrivée, elle passera probablement la première journée à répondre aux questions de la police. Sinon, on peut la laisser retourner directement voir sa famille. Dans certains cas, aucun membre de la famille de ces femmes n'a survécu. Dans d'autres cas, elle peut aller voir un cousin. La dernière fois que je suis allé, il y avait une femme qui n'avait plus personne, et les responsables avaient dû la confier à un parent très éloigné parce tout le monde avait péri dans le génocide. Il n'y a parfois personne pour les recevoir.
Il n'y a pas de mesures de base comme leur donner 100 $ pour acheter de nouveaux vêtements. Avant janvier 2015, j'ai rencontré une femme qui portait les mêmes vêtements qu'au moment de sa capture. Elle a dit qu'elle n'avait pas d'argent pour s'acheter de nouveaux vêtements. En ce qui concerne les femmes que nous voyons au centre, elles ont vécu des traumatismes collectifs et elles ont besoin d'un programme psychosocial, mais elles ont aussi besoin d'aide financière. Je crois qu'il faut leur verser un salaire mensuel. Par l'intermédiaire du gouvernement irakien, nous versons un salaire à 600 femmes, et chacune reçoit 120 $ par mois. Cependant, le gouvernement irakien nous fait la vie dure lorsque vient le temps de traiter les demandes.
Ce serait bien si un pays comme le Canada pouvait faire, par exemple, une contribution mensuelle pour que ces femmes puissent vivre dans la dignité. Je crois que le fait de demander à une personne de traiter ses traumatismes alors qu'elle n'a pas d'endroit où vivre, qu'elle ne peut pas se nourrir et qu'elle ne peut même pas se payer une visite chez un médecin pour femme, un gynécologue... Beaucoup de ces femmes reviennent avec des problèmes d'ordre gynécologique et n'ont pas d'argent pour les régler.
C'est la raison pour laquelle Nadia a raison. Je crois que le fait d'amener ces personnes dans un environnement différent leur permet de ne pas avoir à composer avec d'autres choses, comme la stigmatisation; alors, amener ces personnes dans un environnement différent et les traiter, et puis...
Merci, monsieur le président.
Ma première question est destinée aux témoins qui sont physiquement ici à Ottawa. Par souci d'exactitude, la plupart des réfugiés yézidis sont des ressortissants irakiens, n'est-ce pas? C'est le cas d'une majorité d'entre eux?
Merci.
Dans ce cas, j'aimerais poser une question à notre témoin de l'Or Shalom Syrian Refugee Initiative. Le gouvernement a éliminé l'exemption visant les ressortissants irakiens du nombre maximal de réfugiés parrainés par le secteur privé dans le cadre de la mission. Vu que vous comptez de nombreuses familles qui sont prêtes à parrainer des réfugiés dans le cadre du volet du parrainage par le secteur privé, serait-il bénéfique que le gouvernement rétablisse cette exemption pour les ressortissants irakiens dans le cadre du volet du parrainage par le secteur privé?
Je ne sais pas si je peux parler précisément des ressortissants irakiens, mais ce que je peux vous dire, c'est que, actuellement, nous ne pouvons plus parrainer d'autres familles — nous en avons déjà quatre —, mais les signataires d'entente de parrainage avec lesquels nous travaillons ont fait état d'une volonté de parrainer plus de familles, qu'il s'agisse de PDIP ou d'Irakiens kurdes. Je sais qu'il y a beaucoup d'autres familles pour lesquelles nous cherchons des répondants du secteur privé, mais nous n'avons plus de place en raison des plafonds établis par le gouvernement.
Dans le cadre du Programme de parrainage privé de réfugiés?
J'aimerais obtenir des éclaircissements sur un commentaire formulé par M. Ismael. Votre organisation et d'autres organisations comme la vôtre ont recensé des yézidis et possédez des listes de yézidis en fonction de leur emplacement et de l'identité des gens pouvant être réinstallés grâce à ces types de programmes. C'est exact?
Oui, et nous pouvons faciliter le processus afin que les responsables du gouvernement ici n'aient pas de difficulté à se rendre dans les pays où les yézidis se trouvent. Nous pouvons vous aider à vous rendre là-bas. De façon générale, les pays où sont les yézidis sont sécuritaires, et, dans une certaine mesure, nous avons des listes des victimes directes.
J'ai entendu dire durant la discussion d'hier qu'il y avait des problèmes, que le gouvernement ne pouvait pas se rendre là-bas pour des raisons de sécurité. Je ne crois pas que cela devrait vous empêcher d'aller de l'avant.
Très brièvement, le gouvernement ici a déclaré que la question de la sécurité des représentants du gouvernement canadien et des représentants des ONG qui se rendent en Irak est préoccupante. Mais, évidemment, en tant que pays qui aide les gens, nous comprenons qu'il y a des risques à prendre. Je ne veux pas que vous ayez l'impression — en raison de ces questions — que le Canada ne veut pas aider, parce que je crois que nous voulons le faire.
Je vais céder la parole à mon collègue, M. Kent.
Je tiens à remercier tous nos témoins de nous avoir présenté d'excellents témoignages aujourd'hui. Je les remercie de nous avoir prodigué des conseils et d'avoir demandé la prise de mesures extraordinaires pour secourir les survivants de ce génocide qui se poursuit.
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit un de mes collègues du gouvernement hier. Il a laissé entendre que les yézidis, en raison de leur langue et de leur culture anciennes, pourraient, en tant que réfugiés, être confrontés à des difficultés particulières au moment de s'intégrer dans la société canadienne.
Messieurs Ismail et Ismael, pouvez-vous réagir à cette affirmation?
Les yézidis n'ont aucune difficulté à s'intégrer dans une société différente. Je crois que les yézidis, comme la plupart des nations, sont des gens très ouverts d'esprit qui sont capables de vivre comme des frères avec les autres. Les yézidis n'auraient aucun mal à s'intégrer à la société canadienne, comme nous l'avons fait. Nous sommes ici. Nous sommes des yézidis de la région de Sinjar, et maintenant, certains d'entre nous travaillent. La plupart de nos amis sont des Canadiens et des Américains, et cela ne cause aucun problème. Du point de vue religieux, les yézidis affirment que nous sommes des êtres humains et que nous sommes tous un peu comme une grande famille et que nous devons nous respecter les uns les autres et respecter la parole de Dieu. Les yézidis n'auraient aucun problème au moment de s'intégrer dans la société canadienne.
Je dirais la même chose. Nous avons une patrie en Turquie, en Irak et en Syrie, mais nous sommes toujours en déplacement en raison de la persécution. Un peu comme le peuple juif qui s'est déplacé un peu partout sur le globe, je crois que, parfois, on n'a pas le choix. Les yézidis n'ont pas le choix, et je crois qu'ils s'intégreront.
Les résultats des écoles secondaires viennent de paraître au Kurdistan, et je crois savoir que, probablement, les trois ou quatre meilleures écoles sont des écoles yézidies. Ce n'est pas qu'elles soient si spéciales, c'est seulement que les yézidis ont vécu de grandes tragédies et croient aux vertus du travail. C'est la raison pour laquelle je crois qu'ils s'intégreront dans leur société d'accueil.
Ma première question est destinée à Nadia Taha. Nadia, je tiens à vous remercier d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir courageusement parlé — à nous et au monde entier — de votre histoire et du triste sort de votre peuple.
J'ai lu avec intérêt le puissant discours que vous avez présenté au Conseil de sécurité des Nations unies. Vous avez parlé de la réinstallation des plus vulnérables, mais aussi de la libération de votre patrie afin que votre peuple puisse un jour revenir à la maison et vivre en paix.
Pouvez-vous nous dire de quelle façon la communauté internationale peut aider à créer cette sécurité et cette paix nécessaires et à améliorer les conditions dans la région?
Mme Nadia Murad Basee Taha (traduction de l'interprétation):
Oui. Pour ce qui est des yézidis, il y a deux choses que nous demandons au monde: ils doivent admettre qu'un génocide a lieu et assurer notre sécurité et notre protection chez nous ou faciliter notre migration. Je crois que c'est raisonnable. Nous ne voulons plus avoir à subir le génocide. Il faut nous protéger chez nous ou nous protéger ailleurs afin que nous puissions vivre paisiblement ailleurs, si nous devons quitter notre terre natale.
Ma prochaine question est destinée à Murad Ismael.
Vous avez parlé de 5 000 à 10 000 personnes. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre? Ce nombre inclut-il les gens dans les camps ou les personnes qui se trouvent encore dans le Nord de l'Irak? Si ces personnes sont encore dans le Nord de l'Irak, de quelle façon pouvez-vous assurer un accès à ces personnes aux fins de traitement et de sécurité?
Oui, le Nord de l'Irak est sécuritaire. Le programme civil a été réalisé dans ces conditions, alors il n'y a pas de problème. Dans le cadre du programme allemand, des gens se sont rendus à Dohuk, dans le Nord de l'Irak, et ont procédé au traitement là-bas. Il n'est pas problématique de se rendre dans le Nord de l'Irak et de traiter les demandes. Pour ce qui est de savoir de quelle façon sélectionner ces 5 000 à 10 000 personnes, je crois qu'il faut donner la priorité aux victimes directes du génocide ainsi qu'aux réfugiés en Turquie. Nous pouvons définir une formule ou convenir d'une certaine répartition, un certain nombre de victimes directes et d'autres qui sont en Turquie. Je crois qu'il ne sera pas difficile de déterminer qui est le plus vulnérable.
Il y a aussi la question de l'accès à tous les camps. Par exemple, le camp de Qadiya et celui où se trouvent la plupart des femmes qui ont fui la captivité. Ce camp est à Zakho. Il est accessible, et tout le monde peut le visiter.
Comme nous le savons tous, malheureusement, la réinstallation ne saurait être la solution pour tout le monde qui se retrouve dans cette situation. Que pouvons-nous faire pour améliorer les conditions sur le terrain? Comment pouvons-nous aider les pays qui accueillent des camps de réfugiés à mieux soutenir la population de ces camps?
Outre la réinstallation, que pouvons-nous faire sur le terrain?
Nous devons également penser aux solutions à long terme. Nous devons par exemple libérer ou reprendre toutes ces régions. À l'heure actuelle, de 30 à 40 % sont encore sous l'emprise de l'État islamique. Nous devons établir une zone sûre, une zone de protection internationale, ou, en quelque sorte, des paramètres administratifs et de sécurité pour nous assurer qu'il n'y aura jamais plus de génocide contre les yézidis, les chrétiens ou d'autres minorités.
Nous devons penser à la solution à long terme. Nous pensions que la reconnaissance du génocide par la Cour pénale internationale amènerait la communauté internationale à établir ces paramètres pour assurer l'avenir des yézidis et d'autres groupes. C'est pourquoi nous nous sommes concentrés là-dessus.
Nous devons penser aux solutions à long terme et, en même temps, assurer la réinstallation de certaines personnes et fournir une aide humanitaire. Il faudrait aller dans les camps et nous informer de la dernière fois où ils ont reçu des aliments secs, comme du riz, du sucre et de la farine. Ils vous diront que cela remonte à six mois. Ce sont des choses que l'on peut acheter en Turquie, en Iran ou dans d'autres pays et que l'on pourrait donner aux gens. Il faut immédiatement fournir une aide humanitaire.
À long terme, le Canada pourrait travailler avec ses alliés — par exemple les États-Unis — et d'autres pays européens — par exemple le Royaume-Uni — pour soutenir la création d'une région autonome pour les yézidis et pour les chrétiens assyro-chaldéens. C'est la seule façon d'assurer notre survie au Moyen-Orient, étant donné que les deux gouvernements... Dans le cas du gouvernement central de Sinjar, censé les protéger, il y a eu défaite en juin, et le GRK avait, disait-il, plus de 10 000 de ses peshmergas. Le gouvernement irakien a échoué, alors le Sinjar doit maintenant relever du GRK; ils disent: « Nous allons vous protéger. »
Lorsque l'État islamique a attaqué, nombre des peshmergas et des Kurdes de la région se sont joints à l'État islamique et ont tué leurs voisins yézidis. Les yézidis ne font plus confiance à leurs voisins, et les Assyriens non plus. Nous espérons que... L'Irak est un gouvernement fédéral, aujourd'hui. Selon la nouvelle constitution, si une région désire former une administration distincte, elle en a le droit, mais le gouvernement ne l'accepte pas parce que nous sommes des yézidis et que nous sommes chrétiens.
Il faut que la communauté internationale intervienne et collabore avec le gouvernement irakien et avec le GRK. Ils se disent démocratiques, mais en fait, ils ne sont pas démocratiques. Ce sont des dictatures. Nous l'avons constaté chez les gouvernements aujourd'hui en place, dans les administrations locales et le gouvernement national.
Ils ont besoin du soutien de la communauté internationale pour créer une zone sûre pour les chrétiens assyriens. Nous espérons que le Canada leur fournira une formation militaire. Nous avons plus de... aujourd'hui, du moins, à Sinjar. Il y a deux forces yézidies. Nous avons de 10 000 à 15 000 hommes et femmes qui protègent leurs terres et leurs familles aux côtés des chrétiens. Nous devons dispenser une formation militaire à ces personnes, jusqu'à ce que nous ayons une zone sûre pour elles.
Si vous désirez présenter de l'information et des recommandations supplémentaires, veuillez vous adresser à la greffière du comité. Nous serions heureux de recevoir toute information que vous n'avez pas eu la possibilité de nous présenter.
J'aimerais remercier les témoins de leurs témoignages percutants. J'aimerais remercier en particulier Mme Nadia Taha d'avoir eu le courage de nous parler des horreurs qu'elle a vécues pendant ce génocide, de ses réflexions et de ses recommandations.
Un gros merci.
Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes pour laisser le temps aux autres témoins de prendre place.
Reprenons.
Nous accueillons aujourd'hui, dans le second groupe de témoins, Mme Gloria Nafziger, d'Amnistie internationale; M. Chad Walters et M. Paul Tolnai, de la Foundation of Hope; et Mme Christine Morrissey, de Rainbow Refugee, qui partagera son temps avec M. Dylan Mazur, de la Vancouver Association for Survivors of Torture.
Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant notre comité.
Je donne d'abord la parole à Mme Nafziger, pour sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
Bonjour. C'est un plaisir pour moi d'être ici cet après-midi. Amnistie internationale tient à remercier les membres du Comité de nous donner l'occasion de commenter cet important sujet, c'est-à-dire ce que le Canada pourrait faire pour soutenir le mieux possible les groupes vulnérables des régions inaccessibles. Notre exposé vous donnera des renseignements de fond sur la question des groupes vulnérables, avec un accent particulier sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, qu'on appelle aussi les PDIP. Avant de présenter nos recommandations sur la réforme de l'immigration, ou nos suggestions pour mieux aider ces populations, j'aimerais passer en revue quelques normes du droit international et décrire le un contexte.
Contrairement à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et à son protocole adopté en 1967, instruments qui procurent une protection spéciale aux personnes qui demandent l'asile de l'extérieur de leur pays d'origine, il n'existe actuellement aucun instrument du droit international contraignant visant spécifiquement à améliorer le sort des PDIP. Toutefois, cela ne veut pas dire que le droit international n'a rien prévu à cet égard. De manière générale, partout dans monde, les droits de la personne et, le cas échéant, le droit humanitaire international établissent des obligations claires pour les États de protéger les PDIP et les autres populations vulnérables demeurant toujours dans leur pays d'origine.
Qui plus est, les besoins particuliers en matière de protection des PDIP de même que les obligations des États à leur égard ont été clairement définis dans des instruments du droit international non contraignants ainsi que dans certains instruments régionaux contraignants. Bien que les efforts visant à améliorer davantage le cadre juridique international pour la protection des PDIP se soient surtout attachés aux obligations des États à l'égard des PDIP se trouvant sur leur propre territoire, le droit international reconnaît depuis longtemps le rôle crucial des acteurs internationaux. Selon les principes directeurs des Nations unies touchant le déplacement intérieur, les organisations humanitaires internationales et d'autres acteurs appropriés ont le droit d'offrir de l'aide aux PDIP, et l'on ne peut arbitrairement leur refuser ce droit. Ce principe et le droit des populations civiles de recevoir une aide humanitaire ont été reconnus par le Comité international de la Croix-Rouge, qui y voit un reflet du droit coutumier s'appliquant dans le cadre de conflits armés internationaux et intérieurs.
Il est donc clairement reconnu que, selon le droit international, les acteurs internationaux ont un rôle important à jouer pour ce qui est de répondre au besoin en protection des PDIP. Dans bien des cas, voire dans la plupart des cas, les autorités de l'État ont joué un rôle actif et persécuté certains groupes se trouvant sur leur territoire; on ne peut pas compter sur elles pour protéger pleinement ces populations. Même si les États sont prêts à aider les PDIP se trouvant à l'intérieur de leurs frontières, ils butent souvent contre l'incapacité de leurs institutions en raison de conflits ou de catastrophes naturelles. D'ailleurs, le nombre effarant des PDIP peut bien souvent aller au-delà de l'aide humanitaire disponible. Selon le Centre de suivi des déplacements intérieurs, le nombre de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays en raison d'un conflit dépasse le nombre des réfugiés tous les ans depuis 1990.
Le centre a également constaté une augmentation importante, ces dernières années, du nombre de personnes déplacées en raison de conflits, lequel a atteint en 2015 un sommet astronomique: 40,8 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays par un conflit.
Pour répondre aux besoins des PDIP en matière de protection et d'aide humanitaire, il faut agir sur plusieurs fronts. Pour combler tous ces besoins, il faut certainement répondre avec générosité aux appels des Nations unies et offrir de l'expertise et de la formation aux institutions nationales. Pour le Canada, cela devrait également comprendre la facilitation de la migration légale de façon à permettre à ces personnes d'échapper à des situations de violence généralisée et de persécution ciblée.
Dans le cadre de ses interventions, le Canada pourrait envisager les mesures suivantes. Il pourrait s'assurer que sa politique des visas ne constitue pas un obstacle pour les personnes qui demandent la protection du Canada; à cette fin, il faudrait soit lever les exigences relatives aux visas pour les pays qui ont d'importants besoins en matière de protection, soit s'assurer qu'il existe une autre procédure pour les personnes qui veulent venir au Canada pour se réclamer de la protection du pays. On pourrait donc favoriser la réunification des familles en éliminant des obstacles financiers pour les familles du Canada qui désirent parrainer des membres de leur famille qui sont des PDIP et qui vivent comme s'ils étaient des réfugiés. Le Canada pourrait adopter une définition plus large de la famille, aux fins du parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial, de manière encore une fois à cibler les PDIP. Il est très important d'éliminer la règle touchant les membres de la famille visés par l'exclusion de manière à s'assurer que les omissions initiales dans les demandes d'immigration n'entraînent pas nécessairement une séparation permanente. Cela s'appliquerait aux PDIP et à de nombreux réfugiés. Le Canada pourrait permettre à des groupes privés ou à des groupes de cinq répondants de parrainer des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
Il est nécessaire de simplifier le processus de demande et les formulaires utilisés pour les recommandations de parrainage, le système actuel étant souvent trop lourd pour les répondants privés en plus de ne pas permettre de réagir rapidement en temps de crise. Le Canada pourrait envisager d'autres programmes d'admission à des fins humanitaires, comme faire preuve de plus de souplesse dans l'octroi de visas d'étudiant et de travailleur. Le Canada pourrait aussi se montrer plus souple dans l'octroi de permis de résident temporaire, grâce auquel une personne pourrait venir au Canada et, probablement, y présenter une demande d'asile. Enfin, il faudrait doter des ressources nécessaires les bureaux des visas, responsables du traitement de toutes les demandes.
En plus de revoir les programmes actuels de réinstallation et de réunification des familles, le comité pourrait aussi recommander la création d'un nouveau programme d'immigration conçu spécifiquement pour les groupes vulnérables demeurant toujours dans leur pays d'origine. Dans le passé, le Canada a fait cela par le truchement de divers programmes, par exemple en créant la catégorie désignée de prisonniers politiques et de personnes opprimées et, plus récemment, la catégorie de personnes de pays source. Cette dernière catégorie a été éliminée en 2011.
Amnistie internationale serait en faveur de l'établissement d'un nouveau programme des pays sources reposant sur des critères de risque objectifs. Un examen de la catégorie de personnes de pays source effectué par le gouvernement a révélé un certain nombre de lacunes du programme, entre autres, des problèmes de ressources dans les pays où il n'existe aucun mécanisme fiable de recommandation de cas. Un programme remanié misant sur une bonne coordination avec les partenaires humanitaires pourrait jouer un rôle très important dans la protection des PDIP. Le programme de pays sources visait un nombre limité de pays seulement, et la liste était modifiée au moyen de modifications du règlement. Nous recommandons une approche plus ouverte, qui ne serait pas limitée à des pays désignés, de façon que le gouvernement et les partenaires humanitaires puissent réagir avec plus de souplesse à toutes les situations et à tous les besoins en matière de traitement.
Laissez-moi pour terminer vous dire une chose qui est peut-être évidente, mais qui n'en reste pas moins très pertinente. Il importe également que le Canada mette en place des programmes souples afin de réagir aux urgents besoins en protection des PDIP et d'autres groupes vulnérables et qu'il le fasse en incluant une catégorie de personnes de pays source. Cela ne devrait pas, toutefois, se faire au détriment des ressources déjà affectées à nos actuels programmes de réinstallation et de protection des réfugiés ou d'engagements pris à cet égard.
Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et invités, c'est un plaisir pour nous d'être ici au nom de la Foundation of Hope.
Je m'appelle Chad Walters et je suis membre du conseil d'administration de la Fondation; je suis accompagné de mon collègue Paul Tolnai. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui de nos expériences et de contribuer à votre étude sur cette question. En plus de siéger au conseil d'administration, j'ai effectué une recherche au sujet des demandeurs d'asile se présentant eux-mêmes comme homosexuels et sur leurs expériences tout au long de la période de détermination du statut de réfugié. Ainsi, l'exposé que je présente aujourd'hui s'appuie sur les connaissances que j'ai accumulées sur ces deux plans.
L'énoncé de vision de la Foundation of Hope, c'est un monde où les réfugiés et les nouveaux arrivants LGBT+ pourront vivre librement et être eux-mêmes. Nous sommes un organisme de bienfaisance enregistré, et nous offrons une aide financière à d'autres organismes de bienfaisance canadiens qui soutiennent activement les réfugiés et les nouveaux arrivants LGBT. Les membres du conseil d'administration travaillent à titre bénévole, et c'est le premier conseil d'administration de ce type au Canada, voire du monde.
Nous avons reconnu dès le début qu'il fallait d'immenses ressources pour aider les gens à trouver la liberté dont ils ont besoin pour être eux-mêmes. Nous avons constaté qu'il fallait créer un organisme axé sur la collecte de fonds qui ne s'occuperait pas directement de cas de persécution contre des personnes LGBT; c'est pourquoi notre objectif est de donner des moyens et des capacités aux organismes qui s'occupent de cela en leur versant un financement ciblé.
Étant donné son statut d'organisme de bienfaisance, la Fondation est tenue par la loi de verser toutes ses contributions de bienfaisance à d'autres organismes de bienfaisance canadiens. Notre mandat est de veiller à ce que tous les réfugiés et nouveaux arrivants LGBT, sans discrimination, voient leurs besoins comblés. Cela suppose non seulement de verser du financement aux personnes qui présentent une demande de parrainage privé, mais également d'aider les Canadiens fraîchement débarqués qui arrivent dans leur nouvelle maison. Nous croyons que la collaboration entre notre fondation et d'autres organismes de bienfaisance ayant des intérêts communs présente des avantages émergents. Le but de la Foundation of Hope est d'être le premier point de contact pour les Canadiens qui veulent aider financièrement les organismes que nous aidons, conformément à votre mandat. Ces organismes peuvent ainsi se consacrer à la prestation de services plutôt qu'à la collecte de fonds.
Monsieur le président, au cours de nos deux premières années d'existence, nous avons amassé bien au-delà de 100 000 $, principalement grâce à notre événement phare, « Strut », où nous demandons aux participants de marcher un mille dans des souliers qu'ils ne porteraient pas normalement. Après tout, marcher un mille dans les souliers d'une autre personne, c'est mieux que de passer sa vie dans le placard. Jusqu'ici, nous avons distribué près de 50 000 $ à des organismes de bienfaisance partenaires. Cela inclut par exemple le Rainbow Railroad de Toronto, organisme qui travaille directement avec des gens LGBT qui sont en danger et doivent être mis à l'abri; l'organisme Mosaic, à Vancouver, qui offre un soutien par les pairs et en matière de santé mentale aux réfugiés LGBT qui arrivent au Canada; l'organisme Egale, à Toronto, qui offre des services de soutien à de nouveaux arrivants LGBT adolescents ciblés; et la Inland Refugee Society de Vancouver, qui offre un logement d'urgence aux réfugiés et aux nouveaux arrivants LGBT.
L'une des histoires les plus déchirantes que nous ayons entendues est arrivée plus tôt cette année; nous avons reçu une demande de financement de l'organisme iranien Railroad for Queer Refugees. L'organisme demandait un soutien financier afin de créer un réseau de militants pour les demandeurs d'asile LGBT iraniens en Turquie, qui faisaient face à une discrimination spécifique en raison non seulement de leur identité LGBT, mais aussi d'enjeux linguistiques et culturels. Malgré le fait que cet organisme de bienfaisance légitime recevait du financement du gouvernement du Canada pour ses projets, la Foundation of Hope a dû rejeter sa demande, étant donné qu'il ne s'agissait pas d'un organisme de bienfaisance canadien enregistré. Nos amis du Rainbow Refugee — vous entendrez un de leurs témoins plus tard — nous ont dit qu'ils se trouvent dans une situation semblable: ils sont incapables de nous demander du financement pour leur important travail parce qu'ils n'ont pas encore reçu le statut d'organisme de bienfaisance. Cette limite, imposée à des fins fiscales, a inutilement nui au travail de notre fondation. Nous recommanderions donc au gouvernement de donner à des organismes de bienfaisance spécialisés comme la Foundation of Hope la capacité de donner à des organismes de bienfaisance légitimes qui n'ont pas ou qui sont en voie d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance enregistré.
Puisque je fais une maîtrise en travail social et que mes recherches portent sur les réfugiés au sens de la Convention qui se disent eux-mêmes homosexuels, j'ai appris à comprendre les divers défis auxquels les demandeurs d'asile font face. J'aimerais présenter les recommandations suivantes, qui sont fondées sur ma recherche et sur l'histoire de cinq participants.
Premièrement, il faut offrir aux avocats et aux fonctionnaires s'occupant d'immigration une formation substantielle à l'égard des LGBT. Les demandeurs d'asile entendent souvent des choses comme « mais vous n'avez pas l'air homosexuel ». Le voyage qu'ils entreprennent pour trouver la sécurité au Canada commence par des doutes et du scepticisme, et nous devons faire en sorte qu'il commence par la confiance. Il est impératif que l'apparence d'une personne ne soit pas un facteur dans l'évaluation de sa crédibilité en tant que personne LGBT. Dans l'état des choses actuel, on s'attend à ce que les demandeurs d'asile extériorisent leur homosexualité, et on les encourage à le faire d'une façon qui peut ne pas leur sembler authentique et qui repose sur des stéréotypes bien ancrés dans le système de protection des réfugiés. Ces personnes devaient se faire passer pour des hétérosexuels, c'était une stratégie de survie dans leur pays d'origine, et, si l'on s'attend à ce qu'ils soient maniérés, on s'attend à ce qu'ils soient faux. Dans un contexte où la crédibilité est constamment remise en question, nous devrions faire en sorte que les demandeurs d'asile se sentent à l'aise d'être authentiquement eux-mêmes.
Deuxièmement, nous devrions revoir la question que nous posons aux demandeurs d'asile au sujet du moment où ils ont réalisé qu'ils étaient LGB ou T. Cette question suppose qu'une personne a pris conscience de cela à un moment clairement défini. Ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre, et elle est source d'angoisse pour certains demandeurs d'asile. Il est arrivé que des demandeurs d'asile aient à choisir un âge donné, de façon arbitraire, pour que leur exposé circonstancié soit clair. Cela fait ressortir dissonance entre l'histoire véridique du demandeur d'asile et le besoin de la faire concorder avec la conception qu'ont les avocats et les décideurs de la vie d'une personne LGBT.
Troisièmement, il faudrait faire explicitement de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre un motif de protection au lieu d'inclure les demandeurs d'asile qui invoquent ce motif dans la catégorie des groupes sociaux particuliers. Cette mention explicite légitime encore davantage ces demandes d'asile et favoriserait une inclusion et une reconnaissance plus grandes de ce groupe vulnérable.
Monsieur le président, au nom de la Foundation of Hope et de ses organismes de bienfaisance partenaires, nous vous remercions du fond du coeur de nous avoir donné cette occasion de rencontrer votre comité cet été et d'avoir prolongé les travaux du comité jusqu'à l'été. Cela démontre que la Chambre soutient cet enjeu critique sans partisanerie aucune.
M. Walters et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup au Comité de l'invitation. C'est un honneur pour moi de comparaître en compagnie des représentants de Rainbow Refugee.
Je m'appelle Dylan Mazur et je suis directeur général de la Vancouver Association for Survivors of Torture, ou VAST. Depuis 30 ans, notre association offre du counseling psychologique axé sur les traumatismes aux réfugiés qui arrivent en Colombie-Britannique après avoir vécu un traumatisme psychologique en conséquence de la torture, de la violence politique ou d'autres formes de persécution, y compris la persécution fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre.
Dans le contexte de la protection des réfugiés, nous croyons que la persécution fondée sur l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre représentent un cas unique, différent des autres formes de persécution liées aux motifs énoncés dans la Convention pour la protection des réfugiés, par exemple la nationalité ou les opinions politiques.
Pourquoi leur cas est-il unique?
Premièrement, il existe dans le tiers des pays du monde une règle de droit immuable selon laquelle l'homosexualité et la promotion de l'homosexualité sont des crimes. Pour les collectivités LGBTI, cela veut dire que leur propre gouvernement a adopté des lois qui criminalisent leur identité; des lois qui criminalisent cette forme la plus fondamentale de l'expression humaine, l'expression du genre et de la sexualité.
Deuxièmement, la persécution fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre est unique parce qu'elle ne se limite pas aux conflits armés ou à la violence politique. La persécution sévit partout où l'identité est criminalisée. Ces circonstances uniques, à notre avis, exigent une intervention unique. Premièrement, il faut considérer toutes les collectivités LGBTI dont l'identité est criminalisée comme des groupes vulnérables; il ne faut pas que les conflits armés ou la violence politique servent d'indicateurs de leur vulnérabilité; il faut plutôt se fonder sur le contexte pour déterminer si leur identité est criminalisée.
Je suis cofondatrice de la société Rainbow Refugee, et j'y suis aussi bénévole; cet organisme qui a vu le jour en 2000 vise spécifiquement à soutenir les personnes LGBT qui demandent le statut de réfugié — et aujourd'hui, l'asile —, parce qu'elles sont persécutées en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur séropositivité.
Comme Dylan l'a dit, et comme le gouvernement fédéral l'a clairement reconnu, je sais et vous savez que les membres de la collectivité LGBT sont de fait des personnes vulnérables. Cela se reflète dans la décision du gouvernement fédéral de mettre en oeuvre, en 2011, un projet pilote de parrainage des gens qui demandent l'asile en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
C'est un programme national. Nous formons des groupes constitutifs et nous travaillons avec des signataires d'entente de parrainage. Actuellement, nous avons des groupes qui travaillent à diverses initiatives à Halifax, à Ottawa, à Toronto et en Colombie-Britannique. Les groupes constitutifs recueillent du financement pendant 9 mois et fournissent du soutien pendant 12 mois, tandis que le programme de réinstallation des réfugiés d'IRCC fournit un financement pour 3 mois et une trousse de départ. Ces parrainages n'ont aucune incidence sur les quotas établis pour les signataires d'une entente de parrainage et ne sont pas non plus limités à des régions géographiques précises.
Depuis 2011, 70 personnes LGBT ont été parrainées; il y a eu quelques couples, et plusieurs de ces personnes avaient été recommandées dans le cadre du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, et le projet de Rainbow Refugee en assumait une partie des coûts. Environ 1 million de dollars ont été recueillis, ces quatre dernières années, par ces groupes constitutifs.
La nécessité de continuellement renouveler ce projet est un obstacle. Il peut prendre fin n'importe quand. En donnant un caractère permanent à ce projet, nous permettrons aux personnes LGBT de continuer à parrainer des membres d'une population très vulnérable.
Bien que nous visions ici la protection des réfugiés, nous avons eu des cas où les personnes qui quittaient leur pays d'origine se retrouvaient en fait plus vulnérables qu'avant. Ce que nous recommandons, c'est d'ouvrir une voie sur laquelle les personnes LGBTI pourront profiter du processus de parrainage privé existant, avec Rainbow Refugee et d'autres groupes au pays, afin de demander au gouvernement du Canada une protection pour des motifs d'ordre humanitaire. La raison de cette recommandation, c'est qu'il se peut très bien que ces personnes quittent un pays où elles sont criminalisées pour demander asile dans un autre, ce qui accroît leur vulnérabilité. Nous recommandons une avenue qui leur permettrait de demander un statut pour des motifs d'ordre humanitaire grâce au parrainage privé.
Même s'il a déjà été question des pays sources et de la procédure établie dans le passé par nos lois en matière d'immigration, nous parlons en réalité de la possibilité que les groupes vulnérables puissent être désignés peu importe le pays, plutôt qu'en fonction de pays désignés, de façon que ces personnes puissent présenter une demande et que leur demande soit traitée dans leur pays d'origine.
Je reçois tous les jours des courriels de membres de notre communauté dans plusieurs des 73 pays qui criminalisent les minorités sexuelles et de genre, y compris les 10 pays qui appliquent la peine de mort. Bien que la majorité des réfugiés LGBT ne se trouvent pas géographiquement à un endroit inaccessible, nous sommes d'avis que, étant donné qu'il n'y a presque pas d'endroits où les membres de notre communauté peuvent accéder à un bureau des visas canadien ou à un bureau du Haut-Commissariat pour les réfugiés, cela équivaut à une inaccessibilité. Les lesbiennes sont particulièrement vulnérables, en tant que femmes, parce qu'elles sont souvent incapables de voyager. Certaines n'ont pas accès à des agents des visas du Canada à l'extérieur de leur pays d'origine.
Imaginez les cas suivants: un homosexuel de l'Ouganda se rend fréquemment au Kenya, où la loi est identique à celle de son pays; un couple de lesbiennes syriennes se rend aux Émirats arabes unis; un transsexuel de Singapour peut devoir se rendre en Malaisie, ou vice versa. Dans tous ces cas, il n'existe aucun accès sûr.
Imaginez que vous avez fui votre pays parce que vous craignez la persécution en raison de votre orientation sexuelle ou de votre identité de genre. Vous n'avez ni contacts ni amis. Vous n'avez pas d'accès à des organismes de soutien. Vous pouvez peut-être travailler légalement, peut-être pas. Vous avez peut-être dû obtenir un visa pour entrer au pays et vous ne pouvez passer que six mois — ou dans certains cas, deux semaines seulement — dans ce pays hôte. Selon l'endroit où vous avez pu vous rendre, vous devez faire face à des délais de traitement qui créent des difficultés excessives et vous mettent en danger pendant de longues périodes.
À l'heure actuelle, les demandeurs LGBT que nous parrainons font face à ces délais inacceptables. Par exemple, nous parrainons des gens qui se trouvent actuellement au Pakistan et qui attendent depuis six ans et quart. Au Kenya, l'attente est de six ans; en Égypte, de quatre ans et demi; au Cambodge, de quatre ans. Même si le HCR a élaboré des lignes directrices pour les entrevues avec des personnes LGBTI, la plupart des demandeurs sont terrifiés à l'idée qu'ils pourraient être interviewés par une personne homophobe. Malgré cela, certaines personnes s'adressent au HCR, mais d'autres s'abstiennent. En tant que groupes constitutifs, nous avons l'expérience de l'évaluation de la crédibilité.
Merci.
J'aimerais remercier les témoins de leurs déclarations préliminaires.
Nous donnons maintenant la parole à M. Sarai pour sept minutes, s'il vous plaît.
Merci à vous tous d'être venus. Merci au représentant de la VAST d'être venu de la Colombie-Britannique.
J'aimerais je crois commencer par Gloria.
Il y avait autrefois au Canada une catégorie de réfugiés désignés selon le pays source. Cela permettait aux gens de présenter une demande de réinstallation à partir de leur pays d'origine, sans avoir besoin d'une recommandation du Haut-Commissariat pour les réfugiés. Que pensez-vous de cela? Quels seraient à votre avis les avantages et les inconvénients de cette catégorie?
Cette catégorie procure de très grands avantages, et je crois que mes amis ont expliqué sa nécessité, en particulier pour les demandeurs d'asile LGBTI. Pour certaines personnes, il est en réalité plus dangereux de quitter leur pays que d'y rester, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il est absolument essentiel de pouvoir compter sur un mécanisme qui permettrait de reconnaître les personnes qui sont à risque dans leur propre pays. Le Canada a été considéré comme un pionnier lorsqu'il a introduit le concept du programme de pays sources, étant donné que les personnes appartenant à cette catégorie ne sont vraiment pas du ressort d'un programme de protection des réfugiés. Il n'existe aucun outil efficace et simple, actuellement, qui permettrait de repérer les personnes se retrouvant dans cette situation. Dans le cadre de notre travail, nous collaborons avec de nombreux défenseurs des droits de la personne: des avocats, des journalistes, des gens qui se cachent et qui ne peuvent quitter leur pays.
Le défi, dans ce programme, consiste à trouver des agents de recommandation adéquats — des organismes, des particuliers — qui ont la capacité, la volonté et les moyens de déterminer lesquelles, parmi toutes les personnes de la catégorie des personnes de pays source, sont les plus vulnérables, car je crois que le critère des personnes les plus vulnérables doit toujours s'appliquer. Je crois que le problème consiste à trouver un organisme pouvant effectivement se charger des recommandations et de la présélection des demandes, mais je ne crois pas que cela doive empêcher l'établissement d'un tel programme. Il ne devrait pas être fondé sur des paramètres géographiques. Je crois que la suggestion que j'ai entendue, au sujet d'un programme ouvert et flexible offert sans égard pour le pays lorsqu'il y a un besoin, est importante.
Merci.
J'aurais maintenant une question pour M. Walters. Vous avez dit que les membres de la communauté LGBT sont nombreux à se voir demander de prouver leur homosexualité. Est-ce que ce sont des agents des Nations unies ou des agents d'Immigration Canada qui leur demandent de prouver cela?
Toutes les personnes que j'ai interviewées dans le cadre de ce projet avaient demandé l'asile dans un bureau intérieur; il s'agit donc d'agents du Canada, de la CISR.
Quelle serait à votre avis la meilleure façon pour les fonctionnaires qui traitent les demandes d'établir qu'une personne est membre de la communauté LGBT sans l'offenser ni la placer dans une situation gênante? De toute évidence, ces gens doivent en faire la preuve pour obtenir l'asile, mais y aurait-il une manière moins gênante, plus acceptable socialement, de poser la question à un membre de la communauté LGBT dans le but d'obtenir une réponse honnête?
Il est difficile de répondre à cette question. Si je me fonde sur les commentaires des personnes que j'ai interviewées, aucune ne s'oppose à devoir prouver son appartenance à cette communauté. Elles sont toutes d'accord avec cette exigence. C'est seulement que la façon dont la question est abordée est parfois trop personnelle, par exemple, on leur pose des questions sur des situations sexuelles très précises. Je ne sais pas. Je ne suis pas certain.
Si vous permettez... En ce qui concerne les objectifs de votre étude d'aujourd'hui, il est fantastique que des représentants de Rainbow Refugee soient présents ici. Nous avons fait ce travail pour vous. Quand nous parrainons un réfugié dans le cadre du parrainage privé, nous sommes assez certains qu'il s'agit d'une personne homosexuelle, d'un membre de la communauté LGBT ou d'une partie de cette grande communauté. Nous avons fait le travail. C'est facile.
Le problème, c'est qu'il faut quand même qu'un agent de Citoyenneté et Immigration Canada le confirme, mais il serait bon, au nom de la sensibilisation aux différentes cultures, de savoir quelles sont les bonnes façons de poser la question. Par exemple, dans le cas des couples hétérosexuels, on demande...
Si j'étais un réfugié, il ne faudrait pas qu'une personne me demande de but en blanc: « Êtes-vous LGBT? » Je m'excuse, cela ne va pas marcher. Voilà pourquoi le régime de parrainage privé que nous proposons d'instaurer est le meilleur moyen pour vous de le faire.
Merci beaucoup.
J'aimerais vous poser des questions sur le projet pilote. J'ai lu un rapport de la SRC, publié en 2015, disant qu'entre 2011 et 2015, seulement 32 personnes avaient obtenu l'asile grâce à ce projet, qui a pourtant été lancé en 2011. Je me demandais... et mes propres électeurs m'en ont parlé.
De fait, un de mes amis travaille pour un organisme de services d'établissement à London, ville d'où je viens et que je représente ici aujourd'hui. Je dois préciser que sa principale responsabilité consiste à travailler avec des membres de la communauté LGBT qui viennent ici en tant que réfugiés et qui ont besoin de soutien témoignant de cette sensibilité. Il a dit que le programme n'était pas très bien publicisé et que les sites Web du gouvernement n'en faisaient pas la promotion. Pourriez-vous commenter cela?
Il est assez surprenant d'apprendre que 32 personnes seulement ont reçu de l'aide en 4 ans. En principe, ce programme est excellent, alors pourquoi ne peut-il pas en aider davantage?
J'aurais plusieurs choses à souligner. Tout d'abord, je présume que le chiffre mentionné se rapporte aux personnes qui sont bel et bien arrivées ici. Le processus de traitement est si long que, si l'on ajoute aux personnes qui sont arrivées celles qui attendent encore une réponse, cela fait 70 personnes. Selon mes statistiques, il y en a au moins 70. C'est la première chose.
La deuxième, c'est que nous sommes tous des bénévoles. Nous n'avons aucune infrastructure. Lorsque le projet pilote a été lancé, j'ai demandé au gouvernement fédéral en place s'il nous serait possible d'avoir un peu de financement pour mettre une infrastructure sur pied. Nous n'avons pas d'infrastructure, nous n'avons pas de bureau, pas de téléphone, nous n'avons pas non plus d'argent pour faire de la publicité. Nous n'avons absolument aucune infrastructure.
Madame Morrissey, j'aimerais vous poser une question sur le financement. Ce programme est assorti d'un financement de 100 000 $. Combien d'argent a été distribué depuis 2011?
Je ne tiens pas ce genre de statistiques, étant donné que les fonds sur trois mois varient selon la province, étant donné qu'ils sont liés au taux des prestations d'aide sociale. Je sais que, pendant cette période, nous n'avons pas épuisé le budget.
Je partagerai mon temps avec M. Saroya.
Très brièvement, madame Morrissey, j'aimerais que vous donniez quelques éclaircissements ou peut-être des commentaires supplémentaires sur le processus de traitement, de sélection ou de désignation des réfugiés LGBTI utilisé par les Nations unies. Nous avons entendu d'autres groupes dire que ce processus particulier présentait des problèmes ou des lacunes et, étant donné que nous utilisons la liste des Nations unies pour sélectionner les réfugiés qui seront parrainés par le gouvernement, j'aimerais que vous nous fassiez part de vos réflexions à ce sujet. Devrions-nous nous appuyer uniquement sur ces listes pour déterminer les réfugiés LGBTI que nous accueillons dans le cadre de ce programme?
Je dirais non, clairement et catégoriquement, pour deux raisons. Premièrement, le HCR a commencé à travailler à définir des questions et des processus d'entrevue appropriés. Il s'est donc fait quelque chose de ce côté-là; toutefois, il s'agit d'une brochure sur papier qui ne parvient pas nécessairement à la personne qui mène l'entrevue. De ce point de vue, c'est un problème. Deuxièmement — et nous avons entendu d'autres témoins le dire —, le problème est qu'il faut attendre longtemps avant d'obtenir une entrevue; pensez en particulier à une personne qui a quitté un pays hostile pour aller dans un autre pays hostile et qui doit attendre deux ou trois ans pour obtenir une entrevue. Il serait tout à fait inapproprié de ne compter que sur le processus du HCR. Je crois que le processus de parrainage privé est beaucoup plus approprié pour les gens que nous recevons, mais cela n'exclut pas le processus du Haut-Commissariat pour les réfugiés.
Monsieur Walters, voudriez-vous ajouter quelque chose à ces réflexions, en vous fondant sur votre expérience?
Quand nous parlons du type de parrainage que Chris vient de mentionner, j'ai l'impression que tout se passe comme si, en tant que membres de la communauté LGBT, nous avions une certaine capacité de communication, de compréhension ou d'empathie à l'égard es personnes LGBT. C'est presque comme si — je ne sais pas exactement comment l'exprimer — nous étions capables de nous identifier à eux, d'une certaine manière.
Si, par exemple, le commissaire ou le décideur de la CISR appartenait à la communauté LGBT, je crois qu'il lui serait plus facile de savoir si une personne donnée est ou n'est pas...
Je comprends ce que vous dites. Si cette personne appartient à la communauté, il y a une sorte de reconnaissance indéfinissable. Je crois que cela nous est très utile, en ce qui concerne les recommandations que notre comité devra formuler.
Merci, je vais laisser le reste de mon temps à M. Saroya.
Merci à vous tous d'être venus. C'est un sujet très difficile. J'ai travaillé avec un certain nombre de personnes LGBT, à de nombreuses occasions dans ma vie, et leur situation est toujours difficile, même en temps normal.
Madame Morrissey a dit qu'il y avait une peine de mort pour les lesbiennes et les homosexuels. Comment les aidez-vous? Comment arrivez-vous à recueillir de l'argent et à le leur faire parvenir? Comment pouvez-vous aider depuis le Canada des gens qui se trouvent dans d'autres pays?
À l'heure actuelle, nous utilisons le processus en place. Cela veut dire que les gens qui se trouvent en Iran, au Yémen, au Soudan ou en Arabie saoudite doivent prendre la décision de quitter leur pays et d'aller dans un autre pays. Nous ne sommes vraiment pas en mesure de les aider financièrement ou de les soutenir pendant ce processus. C'est à eux que revient l'initiative et la responsabilité de quitter leur pays d'origine et de se rendre dans un pays hôte, où ils devront survivre pendant tout le temps que le traitement durera, et cela peut prendre du temps. Nous n'avons pas d'argent. Nous n'avons aucun financement. L'argent que nous recueillons va directement aux demandeurs, lorsqu'ils arrivent au Canada en tant que résidents permanents.
J'aimerais poser une question à Gloria. Vous faites du bon travail à Amnistie internationale, et vous pouvez compter sur l'aide de 7 millions de personnes dans 150 pays. Vous avez dit que le Canada devrait aider les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays à s'échapper par des moyens légaux. Que voulez-vous dire par cela? Comment peuvent-elles s'échapper? Comment peuvent-elles échapper à leurs ennemis par des moyens légaux? Comment le gouvernement peut-il les aider à s'échapper?
J'entends par cela des voies légales qui permettraient aux gens qui sont dans leur pays de quitter leur pays pour venir au Canada... Le principal obstacle pour la plupart des gens, en ce qui concerne les voies légales, c'est qu'il faut davantage de flexibilité en ce qui concerne les diverses exigences à l'égard des visas, les différents types de programmes en matière d'immigration qui ouvrent des voies légales aux gens qui traversent des frontières.
J'ai mentionné un certain nombre de voies légales que les gens pourraient emprunter, à savoir les programmes d'immigration que nous utilisons aujourd'hui, lesquels devraient être plus flexibles. Mais quand on pense aux personnes vulnérables, aux personnes à risque, nous devons parfois envisager la notion de famille selon une définition plus large.
Les demandes reposant sur des motifs d'ordre humanitaire que les gens peuvent présenter sont un autre outil dont le gouvernement dispose déjà. Les gens pourraient certainement emprunter cette autre voie et mieux tirer parti de ce type de demande.
Ma dernière question concerne la collecte de 1 million de dollars et les 100 000 $ consacrés à votre projet d'aide humanitaire.
J'ai travaillé avec des gens d'Iran. Un certain nombre de situations difficiles se présentent dans ce pays, et je sais, madame Morrissey, que vous travaillez avec eux, je sais que vous aidez ces gens. Voudriez-vous nous en dire un peu plus?
Cette somme de 1 million de dollars tient au fait que, en tant répondants privés, nous devons avoir accumulé assez d'argent pour aider les réfugiés pendant 12 mois.
Prenez des villes comme Vancouver; j'ai dû recueillir en moyenne 15 000 $ pour soutenir une personne, et il y en a 70. Nous ne permettons à personne de présenter une demande tant que cette somme n'est pas réunie, car nous ne devons pas mettre en danger les signataires d'ententes de parrainage.
Merci à tous les témoins de leurs exposés d'aujourd'hui.
Je crois que je vous ai à peu près tous entendus parler des pays sources en tant que solution à certains des défis que nous devons relever quand il s'agit des groupes vulnérables.
J'aimerais m'arrêter un moment sur ce sujet. Chris, suggérez-vous que l'on rétablisse la catégorie des personnes de pays source et que, pour cette catégorie, la communauté LGBTI soit considérée comme un groupe vulnérable qui pourrait ainsi présenter une demande de réinstallation?
Oui, c'est exactement ce que je suggère.
Étant donné les défis à relever, je suggère également que cela s'applique aux personnes LGBT qui ont déjà un répondant privé.
D'accord.
Et cette désignation reposerait non pas sur le pays d'origine, mais plutôt sur les lois appliquées dans ce pays. Par exemple, dans le cas de la communauté LGBTI, si l'appartenance à ce groupe est illégale, le pays en question pourrait s'appliquer aux fins de la catégorie des personnes de pays source.
Oui. Si vous faites partie de la communauté LGBTI et que vous êtes citoyen d'un pays où vous êtes criminalisé en raison de votre orientation sexuelle, vous répondez aux critères relatifs au pays d'origine. Il ne reste plus qu'à évaluer la crédibilité du demandeur.
D'accord.
Maintenant, les représentants du HCR et du gouvernement nous ont dit entre autres choses, hier, qu'ils n'assurent pas le suivi des groupes vulnérables. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit des communautés LGBTI. Ils n'ont aucune idée du nombre de personnes qui, parmi celles qui présentent une demande, s'identifient à ce groupe, et ils n'ont aucune idée du nombre de personnes arrivant au pays qui s'identifient à ce groupe.
Quant à ce que notre collègue a dit au sujet du nombre de cas et de la façon dont vous les traitez, je dirais que vous faites bonne figure à ce chapitre par comparaison au gouvernement.
Cela dit, comment pouvons-nous surmonter ce problème? Auriez-vous des suggestions de solutions à nous présenter? Faudrait-il que nous demandions aux répondants privés de déterminer cela et que nous laissons ensuite peut-être à Rainbow ou à un autre organisme le soin de traiter le dossier? Comment pouvons-nous régler le problème et arriver à recenser les membres de ce groupe? Si nous ne pouvons pas les reconnaître, comment pouvons-nous les aider?
D'accord, allez-y, Paul.
C'est intéressant. Les gens qui ont besoin d'aide communiquent avec nous, avec la Foundation of Hope. C'est extraordinaire. Quand il n'est pas nécessaire de se rendre dans un camp de réfugiés du HCR ni d'aller à l'ambassade ou au consulat, ces gens arrivent très facilement à communiquer avec nous par Internet, alors nous les repérons très facilement. Nous les dirigeons ensuite vers le fournisseur de services ou vers un groupe qui peut les aider. Ces gens font face à des obstacles. Premièrement, ils doivent trouver un groupe de personnes qui sont prêtes à les parrainer. La communauté gaie du Canada est énormément généreuse. Il y a beaucoup de gens qui veulent aider. Deuxièmement, il faut trouver du financement aux fins du parrainage privé de ces personnes. Il faut ensuite remplir une foule de formulaires, et Rainbow Refugee est très utile à ce chapitre, mais cela ne suffit pas. Il faut en faire davantage.
Nous devons aussi réduire les délais de traitement. J'ai lu par-dessus l'épaule de Chris qu'aux Émirats arabes unis, le délai est de sept mois. Pourquoi faut-il sept mois aux Émirats arabes unis? L'homosexualité est illégale dans ce pays. Pourquoi faut-il attendre sept mois pour être convoqué en entrevue dans un pays qui n'est pas affecté par un très grand nombre d'autres problèmes, à l'heure actuelle, à cet égard? Pourquoi sept mois? C'est ahurissant.
Cette suggestion, alors, consisterait à désigner un organisme international qui pourrait, dans ces pays, aider à repérer des personnes ou des groupes qui peuvent présenter une demande, par exemple Affaires mondiales Canada ou Amnistie internationale. Non, ce n'est pas une chose...? D'accord.
Nous pourrions nous appuyer sur des groupes capables de faire ce travail et de nous aider à repérer les personnes visées et à établir ces liens.
Je crois que la chose qui pourrait se faire, c'est, comme vous le dites, qu'Affaires internationales crée un volet de financement pour les organismes internationaux de défense des droits de la personne. Dans bien des cas, dans les pays où les LGBT sont criminalisés, les organismes qui s'occupent des personnes LGBT se font plutôt discrets. Il existe par contre des organismes de défense des droits de la personne, de petite ou moyenne taille, qui ne s'occupent pas exclusivement des personnes LGBT mais qui sont là, sur le terrain. S'il existait un volet leur permettant de protéger les personnes LGBT et de documenter leur cas, cela favoriserait également la documentation de la persécution fondée sur l'identité de genre et l'orientation sexuelle. Ce serait un moyen d'assurer un suivi et aussi de former un lien international entre ces organismes et un organisme de parrainage comme Rainbow Refugee.
Oui, je voulais simplement ajouter que nous parlons de la façon de les repérer, mais nous devons aussi penser au fait que, dans un grand nombre de cas, ils se déclarent comme tels. Bon nombre de ces gens se présentent en tant que LGBT et, lorsqu'ils font cela, c'est presque une preuve de crédibilité, étant donné qu'ils mettent leur vie en jeu en se présentant comme tels, en cherchant à entrer en contact avec ces organismes clandestins, et en disant: « Hé! Je suis LGBT. » Cela suffit à mon avis à prouver leur crédibilité. Il est dangereux de faire cela.
D'accord. J'aimerais revenir sur la question du délai de traitement, car vous avez parfaitement raison: quand une personne se déclare LGBT — ou même qu'elle travaille avec un groupe dans un pays où l'appartenance à ce groupe est un crime —, elle se place en situation de risque extrême, et l'une des raisons pour lesquelles le HCR ne peut pas vraiment identifier ces personnes, c'est peut-être parce que ces personnes se mettraient à risque si elles se déclaraient.
Que pourrait-on faire pour cela, en ce qui concerne le délai de traitement? Chris, vous avez parlé des gens qui quittent leur pays d'origine et se retrouvent dans un autre pays où la situation n'est pas meilleure. De fait, ces gens pourraient même se trouver dans une situation encore plus délicate en raison du caractère discriminatoire intrinsèque des lois du pays en question. Comment pouvons-nous régler le problème du délai de traitement? Que faut-il faire, et que serait-il raisonnable de faire pour extraire une personne de cette situation de façon qu'elle ne se place pas dans une situation encore plus risquée?
Je vous répondrais que nous parlons du point de vue des personnes LGBT, mais qu'il existe probablement d'autres groupes qui pourraient eux aussi être désignés pour des motifs religieux, par exemple. Je crois que lorsque nous recevons une demande provenant très manifestement d'un groupe considéré comme vulnérable, il faut la traiter en priorité. Il faut la mettre sur le dessus de la pile ou sur une pile distincte, plutôt qu'au bas de la pile, où elle devra attendre son tour. C'est ce qui se passe actuellement.
Madame Nafziger, je ne vous remercierai jamais assez de votre déclaration préliminaire. La clarté de votre exposé a été très utile, et je vous en suis très reconnaissant
Vous avez dit, au début de votre déclaration préliminaire, que vous étiez ici pour mettre votre expérience à profit et nous aider à aider les plus vulnérables. Comme vous le savez, l'un des enjeux soulevés au cours des deux derniers jours concerne le fait que le Haut-Commissariat pour les réfugiés a pour pratique de recommander que les pays ne traitent pas un groupe en priorité au détriment d'un autre. J'aimerais savoir, étant donné votre longue expérience sur le terrain, si vous pensez que cette pratique du Haut Commissariat pour les réfugiés est sensée et prudente.
Lorsqu'il est question de recommandations touchant la réinstallation, le Haut Commissariat pour les réfugiés accorde la priorité aux plus vulnérables. Mais nous devons, je crois, comprendre dans quel environnement évolue le HCR: il y a 20 millions de réfugiés, et le HCR a repéré un peu plus d'un million de personnes qui ont besoin d'être réinstallées; de ce nombre, un peu plus de 100 000 personnes seulement sont effectivement réinstallées, bon an mal an, dans l'un des pays qui se portent volontaires pour accueillir de telles personnes.
Le problème n'est pas de trouver des réfugiés à réinstaller ou des réfugiés vulnérables; le problème, c'est qu'il faut que les États réagissent et qu'ils soient prêts à accueillir des personnes devant être réinstallées.
Les chiffres sont désastreux. Le Canada peut faire preuve de leadership, par exemple, comme nous l'avons fait, en montrant l'exemple au chapitre de la réinstallation. Les Nations unies tiendront en septembre une conférence mondiale, et le Canada aura ainsi l'occasion de mettre tous les gouvernements au défi de répondre à l'appel de tous ces gens vulnérables recensés par le HCR. Il pourrait leur demander qu'on mette en place un système de répartition selon lequel les pays seraient obligés d'accueillir des réfugiés recommandés par le HCR aux fins de la réinstallation.
Le Haut-Commissariat pour les réfugiés doit composer avec un nombre de cas incroyable, et il n'a pas un budget adéquat pour faire ce travail, puisque le financement est discrétionnaire. Les défis sont nombreux, et il est donc facile de le critiquer et de dire qu'il n'est pas capable de bien repérer les gens les plus vulnérables; mais il faut voir les chiffres pour comprendre l'ampleur de sa capacité réelle à cet égard.
Et nous sommes encore loin de pouvoir parler du recensement des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
Merci de vos commentaires.
Dans une autre section de votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion au travail de terrain extraordinaire effectué par toute une gamme d'organisations internationales dans divers pays. Il y a une chose qui me préoccupe, et j'en ai souvent entendu parler ces deux derniers jours, et cela concerne le fait qu'un certain nombre d'organisations privées, qui n'ont pas une très grande expérience de ce domaine, se rendent dans des pays déchirés par la guerre dans le but de faire du travail sur le terrain.
Étant donné votre expérience et votre connaissance de toutes les mesures de protection qu'il faut mettre en place, des risques évidents qui se posent, ainsi que des procédures, des pratiques et des défis, qu'auriez-vous à dire aux organismes qui déclarent vouloir se rendre dans des pays déchirés par la guerre pour faire le travail de terrain?
Je ne suis pas certaine de savoir dans quel contexte, c'est-à-dire s'ils vont dans ces pays pour trouver des réfugiés admissibles aux fins de la réinstallation ou pour fournir une aide humanitaire. D'une façon ou d'une autre, une chose est claire: pour aller dans un pays en guerre, peu importe où, il est absolument essentiel qu'une personne qui veut travailler auprès des gens vulnérables possède une longue et vaste expérience. Cette vaste expérience lui permet de comprendre dans son ensemble la situation d'un pays: tous les acteurs politiques, les répercussions de l'arrivée dans le pays d'un organisme ou de personnes de l'Occident, le cas échéant. Parfois, votre seule présence sur le terrain mettra les gens plus à risque que votre absence.
Amnistie internationale fait preuve d'une extrême prudence, peu importe le pays où nous nous rendons. Nous prenons toujours des précautions, car la présence de tout étranger dans une collectivité est toujours connue de tous: dans un tel contexte, tout le monde veut savoir quels sont vos objectifs, quels sont vos buts, avec qui vous travaillez. Pour composer avec cela, il faut des connaissances et un flair politique incroyables. Il est absolument essentiel d'avoir des partenaires; il est absolument essentiel d'avoir des partenaires locaux. La liste est longue.
Merci.
Voici ma dernière question. Vous avez dit à un moment donné qu'il fallait réellement que nous prenions des mesures sur bien des fronts pour composer avec le nombre effarant de réfugiés dans le monde. Pourriez-vous en dire un peu plus sur cette partie de votre déclaration préliminaire?
Dans le cas des réfugiés, il est toujours question de trois solutions: l'intégration locale, le retour à la collectivité d'origine et, pour finir, la réinstallation, qui est la troisième option. La réinstallation, c'est toujours la dernière option. Nous espérons toujours qu'il soit possible pour les gens de retourner dans leur pays d'origine ou de s'intégrer localement. Il ne fait aucun doute que la grande majorité des gens ne vont jamais pouvoir se réinstaller, et c'est pourquoi nous devons vraiment voir ce que nous pourrions faire pour renforcer les capacités des pays hôtes ou des pays sources de façon à favoriser la stabilité dans ces pays, de façon qu'ils puissent réaliser les deux premiers objectifs, c'est-à-dire l'intégration locale ou le retour pour de bon des gens dans leur pays d'origine.
L'aide humanitaire, le développement, le renforcement des capacités, toutes ces mesures sont, de loin, celles qui s'imposent. La réinstallation n'est qu'une toute petite partie de la solution; pourtant, si on éliminait la réinstallation de cette équation, on commettrait également une erreur.
Merci.
Ma dernière question s'adresse à M. Tolnai.
Vous avez parlé d'un groupe que vous appelez l'Iranian Railroad for Queer Refugees. C'est un groupe que je connais assez bien, étant donné le travail de longue haleine qu'il effectue depuis un bon nombre d'années. Vous avez dit qu'il devrait essayer d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance, ce qui me semble une approche très judicieuse. Si j'ai bien compris, pour un organisme qui a accumulé deux ans d'expérience, le processus n'est pas très difficile.
Êtes-vous au courant des diverses exigences à remplir pour obtenir le statut d'organisme sans but lucratif?
Bien sûr, comme notre organisme se trouve en Colombie-Britannique, je peux de toute évidence vous parler de la situation là-bas. Chaque province a sa manière toute particulière de faire les choses; toutefois, le système fédéral est assez homogène à l'échelle du pays. De fait, l'IRQR est en voie de présenter à l'Agence du revenu du Canada une demande afin d'obtenir le statut d'organisme enregistré, ce qui lui permettra d'avoir accès au financement. Toutefois, étant donné l'évolution de la situation, étant donné que les besoins sont critiques et urgents, le délai est inacceptable. Il faut six ans avant d'obtenir une entrevue, et vous ajoutez maintenant deux ans à ce délai; les gens ont le temps de mourir avant que nous puissions les aider.
Merci.
J'aimerais remercier les témoins de leurs commentaires et de leurs recommandations. En tant que Canadien, je suis très fier de voir que, grâce au travail de vos organisations, de vos organisations affiliées et de vos bénévoles, le Canada joue un rôle de premier plan au chapitre de la création d'un véritable chemin de fer arc-en-ciel pour certaines des personnes les plus victimisées de la planète.
Félicitations pour votre bon travail.
Nous allons maintenant lever la séance. J'aimerais seulement rappeler aux membres du Comité que nous allons nous réunir de nouveau pour la prochaine séance dans 20 minutes.
Merci.
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