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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 159 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 mai 2019

[Enregistrement électronique]

(1610)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Je vous remercie de votre présence à cette 159e réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Il nous manque un membre pour atteindre le quorum complet, mais selon la règle sur le quorum réduit, nous avons suffisamment de personnes pour pouvoir tenir la réunion. La troisième motion que nous avons adoptée lors de notre première séance se lit comme suit:
Que le président soit autorisé à tenir des séances afin de recevoir des témoignages et de les imprimer en l'absence de quorum, pourvu qu'au moins trois (3) membres soient présents, dont un membre de l'opposition et un membre du gouvernement.
    Sans plus tarder, étant donné que l'accès au système de téléconférence risque d'expirer pour notre témoin de Washington, je vais demander à Susan Fratzke, du Migration Policy Institute, de présenter une déclaration liminaire d'au plus sept minutes.
    Merci.
    J'aimerais tout d'abord remercier le Comité de me donner l'occasion de m'adresser à lui aujourd'hui. L'organisation que je représente, le Migration Policy Institute, est un institut de recherche indépendant et non partisan qui vise à favoriser une meilleure compréhension et gestion des migrations humaines sous toutes ses formes.
    Au cours des cinq dernières années, une partie considérable de notre travail a porté sur une meilleure compréhension des défis auxquels sont confrontés les systèmes nationaux d'octroi d'asile, y compris ceux de l'Europe et des États-Unis, et sur les façons dont ces défis peuvent être relevés efficacement. Mon exposé s'appuie sur les points de vue que nous avons recueillis au cours de ce travail. Je dois mentionner que mes commentaires porteront principalement sur les répercussions opérationnelles des amendements dont est saisi le Comité. Les questions concernant les droits et le droit international pourront être abordées par certains des autres témoins, qui sont bien placés pour le faire.
    De façon générale, les amendements proposés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés portent directement sur les défis auxquels sont confrontés les systèmes nationaux d'octroi d'asile partout dans le monde, c'est-à-dire appliquer des procédures d'asile équitables et efficaces qui respectent les normes en matière de protection internationale alors que les mouvements migratoires sont de plus en plus variés.
    Ces deux objectifs — l'équité et l'efficacité — sont tout aussi importants l'un que l'autre et ils sont, à certains égards, interreliés. Les arriérés qui retardent le traitement des demandes d'asile pendant des années nuisent aux réfugiés et les laissent dans une incertitude douloureuse. Les retards et les arriérés peuvent également miner la confiance dans l'équité du système en favorisant la présentation de demandes qui ne sont pas fondées et en faisant en sorte qu'il soit plus difficile d'expulser ceux qui n'ont pas besoin de protection.
    Les systèmes d'octroi d'asile dans bien des pays ont du mal à être efficaces, particulièrement lorsque le nombre de demandes augmente. Le Canada n'est certes pas à l'abri de ces difficultés. C'est pour cette raison que l'amélioration du fonctionnement et de l'efficacité des systèmes nationaux d'octroi d'asile est devenue une priorité à l'échelle mondiale.
    L'une des solutions que les gouvernements ont adoptées, c'est l'instauration de procédures qui visent à restreindre l'admissibilité des demandeurs d'asile qui ont déjà eu l'occasion de bénéficier de la protection d'un autre pays. C'est ce sur quoi porte le premier amendement dont est saisi le Comité, et c'est là-dessus que je vais me concentrer.
    Pour les organismes chargés d'octroyer l'asile, l'adoption de règles qui visent à restreindre l'admissibilité des demandeurs qui passent par certains pays se fonde sur deux hypothèses: premièrement, gérer les demandes de cette façon s'avérera plus rapide que d'appliquer la procédure complète, ce qui réduira par conséquent la pression sur les systèmes d'octroi d'asile, et deuxièmement, réduire l'accès aux systèmes d'octroi d'asile pour les demandeurs qui sont passés par des pays sûrs découragera d'autres personnes qui passent par ces pays de présenter une demande.
    Bien que ces objectifs soient valables, l'expérience à l'échelle internationale démontre que la mise en oeuvre de ce genre de mesures peut se révéler difficile dans la pratique et peut parfois entraîner des conséquences imprévues et des difficultés pour les systèmes d'octroi d'asile. L'expérience vécue par l'Union européenne peut s'avérer utile pour le Canada. Au sein de l'Union européenne, on a largement fait l'expérience de politiques qui restreignent l'accès pour les demandeurs d'asile qui ont passé par des tiers pays ou qui ont présenté des demandes d'asile dans ces pays.
    Notre analyse a suscité trois questions tirées de l'expérience de l'Union européenne qui concernent l'efficacité de ce genre de mesures. Ces questions peuvent s'avérer pertinentes pour le Canada.
    Premièrement, est-ce que des règles comme celles proposées dans le premier amendement dont est saisi le Comité peuvent être mises en application? Pour dissuader les gens de présenter une demande, les mesures proposées dans cet amendement devraient être mises en application de façon crédible. Cela signifie que les demandeurs potentiels qui envisagent de venir au Canada devront être au courant de ces mesures. Les demandes qui sont jugées inadmissibles en vertu de ces règles devront être traitées rapidement, et les demandeurs devront être assujettis à une ordonnance d'expulsion.
    L'expérience de l'Europe donne à penser que cela pourrait en fait être très difficile à faire. Je vais vous donner deux exemples pertinents. Il y a d'abord l'entente qui a été conclue entre l'Union européenne et la Turquie en 2016 visant à renvoyer des demandeurs qui s'étaient rendus en Grèce en passant par la Turquie et qui étaient par conséquent inadmissibles. Dans les faits, très peu de demandeurs d'asile ont été renvoyés en Turquie en vertu de cette entente, en partie parce qu'un grand nombre des décisions rendues au sujet de l'admissibilité en vertu de l'entente ont finalement fait l'objet d'appels.
    Le deuxième exemple pertinent est le règlement de Dublin, qui précise que les demandeurs d'asile qui ont déjà présenté une demande dans un pays de l'Union européenne ne sont pas autorisés à présenter une demande ultérieurement dans un autre pays de l'Union européenne. Comme cela s'est produit dans le cadre de l'entente entre l'Union européenne et la Turquie, très peu de demandeurs ont été transférés d'un pays de l'Union européenne à un autre en vertu de l'entente de Dublin, souvent à cause de problèmes administratifs ou d'une collaboration déficiente entre les pays.
(1615)
    Dans les deux cas, les demandeurs d'asile ont continué à se rendre dans le pays d'accueil convoité, compte tenu du fait que les règles n'étaient pas mises en application rigoureusement.
    La deuxième question est la suivante: Est-ce que le traitement des demandes conformément à ces règles sera plus rapide et plus efficace? Encore une fois, l'expérience de l'Europe nous indique que ce ne sera peut-être pas le cas. Assujettir des demandes d'asile à des procédures d'admissibilité a plutôt eu pour effet d'occasionner des arriérés dans une autre partie du processus. En vertu de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie, par exemple, parce que les demandes n'ont jamais été examinées selon leur bien-fondé, les décisions relatives à l'admissibilité ont souvent fait l'objet d'un appel. Des milliers de dossiers ont été transférés à des tribunaux en Grèce, car les demandeurs contestaient les décisions concernant l'admissibilité. Par conséquent, le système d'appel est devenu engorgé, les ressources des tribunaux ont été accaparées et les décisions finales dans ces dossiers ont été retardées.
    La troisième et dernière question est la suivante: Quels incitatifs ce genre de mesures pourraient-elles créer pour les demandeurs d'asile et quelles seraient les répercussions de ces incitatifs. La mise en oeuvre de cet amendement est fondée sur des données biographiques et biométriques recueillies par des partenaires internationaux du Canada. En Europe, l'entente de Dublin est également largement fondée sur la communication de renseignements sur les demandeurs d'asile entre des pays de l'Union européenne.
    La façon dont ces renseignements sont recueillis et utilisés a entraîné des conséquences imprévues et des effets pervers. Premièrement, les demandeurs n'ont pas tendance à présenter une demande d'asile et ils cherchent à passer inaperçus dans le premier pays dans lequel ils arrivent, ce qui a donné naissance à des réseaux de passeurs en Europe. Deuxièmement, l'entente de Dublin a poussé des demandeurs qui craignent de ne pas être admissibles à se débarrasser de leurs documents ou à les détruire ou bien même à essayer de détériorer leurs empreintes digitales lorsqu'ils arrivent à destination. Cela complique les vérifications de l'identité et les contrôles de sécurité, ce qui mine l'intégrité du système d'octroi d'asile dans son ensemble.
    En terminant, je dirais que, bien qu'il ne soit pas possible bien entendu de toujours appliquer les leçons tirées de l'expérience d'autres pays, l'expérience de l'Europe donne à penser que des mesures comme celles proposées dans l'amendement risquent de ne pas être très utiles pour améliorer l'efficacité du système d'octroi d'asile, et elles pourraient même au bout du compte déplacer le problème et créer de nouveaux retards et arriérés.
    Je remercie le Comité. Je serai ravie de répondre aux questions.
    Je vous remercie beaucoup, madame Fratzke.
    Nous allons maintenant passer au Conseil canadien pour les réfugiés. Est-ce que ce sera Mme Roque ou Mme Dench qui fera l'exposé?
    Nous allons toutes les deux faire une partie de l'exposé. Je vais commencer.
    Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie.
    Le Conseil canadien pour les réfugiés demande au Comité de rejeter l'ensemble des amendements proposés. Les changements proposés au système de détermination du statut de réfugié n'ont pas leur place dans un projet de loi budgétaire. En raison de ces changements, de nombreuses personnes risqueraient d'être retournées dans leur pays où elles seraient persécutées, ce qui contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés et aux obligations du Canada en matière de droits internationaux de la personne. L'inclusion de ces changements dans le projet de loi budgétaire est antidémocratique et témoigne d'un manque profond de respect pour la vie des non-citoyens touchés. Si le gouvernement estime que les changements proposés méritent d'être examinés, il devrait les présenter à nouveau dans un projet de loi distinct. Jusqu'à maintenant, le Comité a reçu plus de 2 300 lettres visant à appuyer notre organisation et Amnistie internationale, qui exhortent le Comité à rejeter ces changements.
    Refuser l'accès au système de détermination du statut de réfugié du Canada risque d'entraîner l'expulsion de certaines personnes dans des pays où elles seront torturées, persécutées et tuées. En vertu des changements proposés, une personne ne pourrait pas présenter une demande de statut de réfugié au Canada, et par conséquent elle ne pourrait pas être entendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, si elle a antérieurement présenté une demande dans un autre pays avec lequel le Canada a conclu une entente de communication de renseignements. Elle aura seulement le droit à un examen des risques avant renvoi, une procédure qui est beaucoup moins équitable qu'une audience à la Commission.
    Je vais vous donner un exemple qui illustre les répercussions de cette mesure. Prenons le cas de deux soeurs qui veulent fuir la persécution fondée sur le sexe dont elles font l'objet dans leur pays d'origine en Amérique centrale. L'une des soeurs parvient à se rendre en Amérique du Nord, non sans avoir beaucoup souffert, et réussit à ne pas se faire arrêter par les autorités américaines. Elle présente sa demande au Canada et son dossier est envoyé à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. On lui accorde une audience à la Commission pour qu'elle puisse raconter son histoire directement à un membre de ce tribunal quasi judiciaire indépendant. Le membre en question de la Commission a reçu une longue formation, y compris sur la directive du président sur la persécution fondée sur le sexe, et il a accès à la documentation sur le pays préparée par la Commission. Si sa demande est refusée, elle peut interjeter appel auprès de la Section d'appel des réfugiés. Tous ces éléments ont contribué à la bonne réputation de la Commission, qui est considérée dans le monde comme un modèle en ce qui a trait à la détermination du statut de réfugié. De nombreux pays s'inspirent de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada pour améliorer leurs propres systèmes de détermination du statut de réfugié.
(1620)
    Permettez-moi de poursuivre avec l'histoire de l'autre soeur, qui a fait le voyage plus tard. Elle a la malchance d'être arrêtée par des agents d'immigration américains dans le cadre des mesures renforcées d'application de la loi sur l'immigration mises en place par le président Trump. Elle n'a d'autre choix que de présenter une demande de statut de réfugié aux États-Unis pour éviter d'être expulsée dans son pays d'origine. Elle souhaite être réunie avec sa soeur au Canada. Après tout ce qu'elles ont vécu, elles ont vraiment besoin d'être ensemble pour se soutenir mutuellement.
    Des avocats aux États-Unis lui expliquent qu'elle a peu de chance d'être acceptée comme réfugiée compte tenu de la décision rendue par l'ancien procureur général Jeff Sessions, qui préconise une approche restrictive en ce qui concerne le traitement des demandes de personnes victimes de persécution fondée sur le sexe.
    Elle se présente au Canada à un point d'entrée, mais elle ne peut pas présenter une demande de statut de réfugié parce qu'elle a déjà présenté une demande aux États-Unis. Elle peut demander un examen des risques avant renvoi, mais elle doit présenter cette demande par écrit. Elle ne parle ni l'anglais ni le français, et elle n'est pas en mesure d'embaucher un avocat pour la représenter.
    Elle doit se démener pour obtenir l'aide sociale et elle doit payer des frais pour obtenir un permis de travail. Si elle réussit à présenter une demande malgré tout cela, sa demande sera examinée par un agent d'examen des risques avant renvoi, qui est un fonctionnaire qui occupe un niveau de poste moins élevé que les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cet agent ne reçoit pas la même formation que les membres de la Commission et il n'a pas à suivre les directives du président. Cette personne n'a pas droit à une audience. Si sa demande est refusée — ce qui serait surprenant étant donné son cas — elle ne peut pas interjeter appel auprès de la Section d'appel des réfugiés. Elle a seulement le droit de présenter une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale. Quoi qu'il en soit, elle peut être expulsée du Canada avant que la cour rende une décision. Elle court le risque d'être expulsée dans son pays d'origine, où elle pourrait être agressée ou tuée par les personnes qu'elle a fuies.
    Il est important de reconnaître qu'il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une personne peut avoir présenté antérieurement une demande aux États-Unis ou dans un autre pays et que cette personne peut tout de même avoir besoin de la protection du Canada. Une personne peut venir au Canada pour rejoindre un membre de sa famille qui s'y trouve déjà. Une personne peut avoir été informée du fait que sa demande a peu de chance d'être acceptée aux États-Unis. La demande d'une personne peut avoir été rejetée même si elle a une crainte bien fondée d'être persécutée. La personne peut avoir présenté une demande dans un autre pays comme membre d'un groupe familial — en tant que conjoint ou enfant — sans avoir eu l'occasion d'avoir voix au chapitre.
    Ce sujet me touche particulièrement. Je doute fort que je comparaîtrais devant vous à titre de présidente du Conseil canadien des réfugiés si les changements proposés avaient été en vigueur lorsque j'ai présenté une demande de statut de réfugié au Canada.
    La détermination du statut de réfugié n'est pas seulement une question de vie ou de mort; elle concerne des personnes qui vivent des situations extrêmement difficiles et qui souvent sont vulnérables. C'est pour cette raison que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés comporte des dispositions détaillées visant à protéger les demandeurs. De telles dispositions n'existent pas pour le processus d'examen des risques avant renvoi. Certains des demandeurs les plus vulnérables sont des mineurs non accompagnés. La loi prévoit qu'un représentant désigné soit nommé pour protéger leurs intérêts, mais cette disposition s'applique uniquement aux demandeurs dont la demande est transférée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Les enfants qui sont inadmissibles et dont la demande est examinée dans le cadre du processus d'examen des risques avant renvoi n'ont pas droit à un représentant désigné.
    Alors que certaines personnes risqueront d'être expulsées dans un pays où elles seront persécutées, en raison des lacunes du processus d'examen des risques avant renvoi, d'autres personnes seront condamnées à vivre dans l'incertitude pendant longtemps au Canada. C'est la situation que vivent des demandeurs originaires de pays où le Canada a cessé d'expulser des gens. En raison d'un risque généralisé, une personne qui est assujettie à une ordonnance d'expulsion du Canada n'a pas droit à un examen des risques avant renvoi.
    Avant le dépôt du projet de loi C-97, les Canadiens pouvaient être fiers que leur gouvernement ait répondu en s'appuyant sur des principes et des droits à l'augmentation récente du nombre de demandes de statut de réfugié au Canada. Ce projet de loi fait en sorte que le Canada se joindra honteusement à bien d'autres pays qui répondent à la hausse du nombre de réfugiés non pas en augmentant la capacité pour répondre aux besoins, mais bien en fermant leurs portes aux personnes qui fuient des violations des droits.
    Je le répète, le Conseil canadien pour les réfugiés demande au Comité de rejeter l'ensemble des amendements proposés.
    Je vous remercie.
(1625)
    Je vous remercie pour vos commentaires.
    La parole est maintenant à M. Brian Crowley, directeur général de l'Institut Macdonald-Laurier.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à être ici avec vous aujourd'hui.

[Traduction]

    Permettez-moi d'abord de dire à quel point je suis ravi que le gouvernement ait commencé à prendre au sérieux le problème de l'intégrité de la frontière, particulièrement en ce qui concerne les personnes qui traversent la frontière de façon illégale, ou, si vous préférez, de façon irrégulière. Malheureusement, même si le gouvernement parle de régler le problème à la frontière, rien ne prouve que les mesures qu'il propose seront efficaces, et il ne s'est pas encore engagé à apporter des changements qui feraient une réelle différence. Essentiellement, je pense que le principe qui devrait nous guider est celui voulant qu'on ne récompense pas les personnes qui essaient de déjouer le système aux dépens de celles qui respectent la loi.
    Je vais d'abord vous expliquer pourquoi il est juste d'affirmer qu'il y a un problème à la frontière. La très efficace politique d'immigration de l'après-guerre du Canada, appuyée par tous les partis et l'opinion publique, n'a jamais été une politique de laisser-faire. Au contraire, cette politique admirable a toujours été fondée sur l'idée que le Canada décide qui est accepté au pays et que le processus de sélection soit mené d'une manière disciplinée et ordonnée, d'une manière très canadienne, si je puis dire.
    Au cours des dernières années, cependant, le consensus public a été sérieusement ébranlé. Premièrement, on a appris que des immigrants potentiels pouvaient exploiter une faille dans la loi visant les personnes qui souhaitent présenter une demande de statut de réfugié au Canada. La loi est fondée sur la notion logique selon laquelle les réfugiés devraient présenter leur demande dans le premier pays sûr où ils arrivent. Le Canada, comme les autres pays du monde civilisé, considère que la priorité en ce qui concerne les réfugiés est d'assurer leur sécurité, ou, pour utiliser le terme officiel, leur protection, et non pas leur capacité de magasiner le pays dans lequel ils aimeraient le plus habiter.
    Étant donné que la majorité des demandeurs du statut de réfugié arrivent au Canada par les États-Unis, nous avons négocié une entente sur les tiers pays sûrs avec Washington, visant à faire en sorte que les demandeurs du statut de réfugié qui tentent d'entrer au Canada depuis les États-Unis soient refusés au motif que les États-Unis, où il existe un bon processus d'évaluation des demandes de statut de réfugié, doivent être le pays où leur demande devrait être présentée et traitée.
    Une personne brillante a compris que, puisque cette règle peut être contournée simplement en traversant la frontière de façon illégale, entre deux points d'entrée officiels, cela signifie qu'il n'existe aucun mécanisme dans le cadre de l'entente permettant de renvoyer les demandeurs du statut de réfugié qui entrent au pays ailleurs qu'à un point d'entrée officiel. Une fois que cette échappatoire involontaire a été connue du public, des dizaines de milliers de personnes, comme on pouvait s'y attendre, ont traversé la frontière illégalement et se sont présentées comme des réfugiés alors qu'en fait un grand nombre d'entre eux se trouvaient simplement à passer devant les migrants économiques.
    En fait, moins de la moitié des demandes de statut de réfugié ont été acceptées. La première réaction du gouvernement envers ceux qui mettaient en doute la sagesse et la pertinence de cette politique a été d'accuser ces personnes de faire preuve de racisme et de souhaiter que le Canada abandonne l'engagement qu'il a pris de traiter équitablement les réfugiés. C'est une position intenable pour plusieurs raisons.
    Premièrement, un grand nombre des personnes qui ont critiqué le gouvernement à propos de la situation que je viens de décrire étaient eux-mêmes des Néo-Canadiens mécontents à juste titre de l'affaiblissement de l'intégrité du système d'immigration, dans lequel bon nombre d'entre eux ont patiemment navigué pour pouvoir venir au Canada. Ils ont attendu leur tour. Ils étaient d'avis que des personnes respectueuses de la loi étaient pénalisées et que les resquilleurs étaient injustement avantagés.
    Deuxièmement, ces critiques impliquaient logiquement que la politique du gouvernement visant à retourner les demandeurs du statut de réfugié à un point d'entrée officiel était également une politique raciste; c'est une conclusion qui s'impose, quand on y réfléchit bien. La politique actuelle de renvoi à un point d'entrée officiel est raciste, si on accepte la prémisse que je viens d'exposer, et cette politique officielle a empêché le Canada de respecter ses engagements à l'égard des réfugiés. Cela n'a absolument aucun sens.
    Alarmé par l'érosion de la confiance du public dans le système d'immigration, le gouvernement essaie maintenant de projeter l'image d'un ardent défenseur de la frontière, mais jusqu'à maintenant, on a surtout vu cette image et peu de substance. Prenons par exemple l'article 306 du projet de loi C-97, qui rend inadmissibles les demandeurs qui ont déjà présenté une demande de statut de réfugié dans un tiers pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'article 306 vise à mettre fin à ce que le ministre Blair appelle le magasinage d'asile. Un tel comportement accentue la pression sur notre système d'octroi d'asile qui est déjà surchargé. Il faut rappeler qu'il y a un arriéré de dizaines de milliers de demandes, comme l'a démontré le vérificateur général, qui affirme que nous ne sommes pas en mesure de faire face à de telles augmentations subites des demandes.
    Le ministre Blair, cependant, a confirmé dans les deux derniers jours que ces changements font simplement en sorte que les demandes seront traitées dans le cadre d'un processus bureaucratique différent, et que les demandeurs bénéficieront des mêmes droits de présentation en personne, de recours à un avocat, de présentation d'un appel judiciaire et d'obtention d'un statut de personne protégée au lieu d'un statut de réfugié, ce qui signifie qu'il n'y aurait pas d'expulsion.
(1630)
     Cette mesure me semble en grande partie de la poudre aux yeux, notamment parce qu'on m'a informé que le ministre a lui-même indiqué que les modifications toucheront peut-être tout au plus 10 % des migrants irréguliers. En effet, puisque le migrant type qui traverse illégalement la frontière en passant, par exemple, par le chemin Roxham, au Québec, est un Nigérian qui n'a pas fait de demande nulle part ailleurs, cette mesure n'a en grande partie rien à voir avec le problème.
    En revanche, l'article 304 du projet de loi C-97 est une très bonne mesure. Il a de réelles conséquences sur les pays qui nuisent à nos efforts visant à renvoyer leurs citoyens que nous tentons d'expulser. Plus précisément, nous pouvons refuser ou suspendre les demandes de visa de résident temporaire, de permis de travail ou de permis d'études des gens du pays en question. Il s'agit là d'une mesure raisonnable et pragmatique pour faire respecter la réciprocité avec les pays qui ne coopèrent pas autrement et, en fin de compte, pour accélérer le renvoi des personnes expulsées.
    Notamment, il s'agit d'une mesure qu'a recommandée mon institut dans des publications antérieures, et bien qu'elle n'ait pas suscité beaucoup d'attention, c'est une modification qui aurait des répercussions importantes et qui améliorerait grandement les résultats concernant l'exécution en matière d'immigration.
    Agir comme chef de file d'un effort international mené par des pays aux vues similaires pour la généralisation de cette approche permettrait au Canada d'exercer un véritable leadership dans le domaine, ce que nous aimerions tous, je crois.
    Cependant, je recommande fortement que nous allions plus loin et que nous élargissions la portée des sanctions que nous pouvons appliquer contre des pays qui ne coopèrent pas, ce qui inclut des sanctions concernant les visas, l'aide au développement, le fonctionnement d'accords commerciaux et tout autre moyen de pression.
    Nous consacrons de plus en plus de ressources à l'expulsion de moins en moins de personnes, parce que d'autres pays ne veulent pas que ces personnes reviennent. Nous ne pouvons pas laisser ces pays abuser de notre générosité, ce qui ne fera que diminuer l'accueil que nous pouvons réserver aux véritables réfugiés.
    Les vives objections de l'industrie des réfugiés et du club des avocats spécialisés en droit de l'immigration à ces changements utiles et parfois moins utiles sont très exagérées, bien qu'elles méritent certainement un examen approfondi...
    Je vous demanderais de conclure rapidement, monsieur Crowley.
    ..., parce que, dans notre système d'immigration et de protection des réfugiés axé sur les processus, il est essentiel de bien comprendre ces détails. Je rappelle au Comité que le représentant de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés au Canada a dit que les changements n'ont rien d'alarmant.
    L'autre étape — et c'est mon dernier point — qu'Ottawa a annoncée, c'est la tenue de discussions avec Washington pour modifier l'Entente sur les tiers pays sûrs, de sorte que les États-Unis pourraient reprendre des demandeurs d'asile, peu importe à quel endroit ils entrent au Canada. Modifier l'entente afin d'éliminer l'échappatoire serait un pas dans la bonne direction pour rétablir l'intégrité de notre système d'immigration. Malheureusement, Washington est peu motivée à donner un coup de main, bien que cela puisse changer à mesure que le nombre de personnes qui entrent illégalement aux États-Unis en provenance du Canada augmente.
    Merci beaucoup, monsieur Crowley.
    C'est maintenant au tour de Mme Karen Musalo, professeure, Hastings Law, University of California.
    Madame Musalo.
     Honorables membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    À la lumière des modifications proposées à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada, j'aimerais parler de graves lacunes du système de protection des réfugiés des États-Unis. Je suis avocate et spécialiste des questions relatives aux réfugiés depuis plus de 30 ans et je suis reconnue sur la scène internationale comme une spécialiste.
    Je suis d'avis que les États-Unis ne protègent pas les personnes qui ont droit à la protection en vertu des normes internationales. Dans ma déclaration préliminaire, je vais essayer de donner un aperçu des principaux aspects du droit américain qui font en sorte que les réfugiés de bonne foi ne sont pas protégés.
    Je vais d'abord parler du refus de protection des femmes qui fuient la violence fondée sur le sexe et des personnes qui fuient des gangs violents. L'interprétation trop restrictive aux États-Unis de la définition de réfugié prive catégoriquement de toute aide les personnes qui survivent à la violence familiale et à d'autres préjudices fondés sur le sexe. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ou HCR, conseille depuis longtemps aux États signataires de la convention et du protocole relatifs aux réfugiés d'interpréter la définition de réfugié comme incluant les demandes des femmes qui fuient la violence fondée sur le sexe. Le Canada a été un chef de file puisqu'il a été le premier pays à émettre des lignes directrices en 1993.
(1635)
    Les États-Unis ont résisté, et ce n'est qu'en 2014, après 15 ans de très longs litiges, que notre plus haut tribunal de l'immigration, dans une affaire intitulée Matter of A-R-C-G-, a accepté que les femmes victimes de violence familiale puissent être admissibles à l'asile. Les principes énoncés dans A-R-C-G- étaient non seulement positifs pour les femmes qui fuyaient la violence familiale, mais ils étaient applicables plus largement aux demandes liées à des préjudices fondés sur le sexe, et la décision a constitué un pas en avant décisif.
     Après son arrivée au pouvoir, l'administration Trump a annulé ce précédent. En effet, l'ancien procureur général Sessions a rendu une décision dans une affaire intitulée Matter of A-B-, qui a infirmé le jugement rendu dans A-R-C-G-. Dans sa décision, Sessions a fait une déclaration générale selon laquelle en règle générale, les étrangers qui présentent des demandes d'asile relatives à des actes de violence familiale ou de violence liée aux gangs commis par des acteurs non gouvernementaux ne sont pas admissibles à l'asile.
    Les tribunaux administratifs ont interprété A-B- comme le voulait Sessions — empêcher la présentation de demandes concernant des femmes — et ont également invoqué A-B- pour refuser les demandes relatives à la crainte des gangs. Je veux dire très clairement que ce ne sont pas des affaires dans lesquelles il y a des doutes quant à la crédibilité de la personne requérante ou à l'extrême gravité du préjudice qu'elle a subi. Ces refus sont fondés uniquement sur la décision du procureur général.
    Je veux également parler de la question de la détention et de la séparation des familles. Ces politiques ont créé d'importants obstacles pour les individus qui demandent l'asile.
    Excusez-moi, madame Musalo. Je dois vous interrompre un instant. Les lumières clignotent, ce qui signifie que des votes auront lieu dans environ 30 minutes.
    Si j'ai le consentement unanime du Comité, nous pourrions au moins permettre à Mme Musalo et à M. Bhatti de témoigner et, par la suite, après les votes, nous reviendrons siéger à huis clos pour nos travaux.
    Y a-t-il consentement unanime?
    Excusez-moi. J'aimerais avoir une précision. Je me demande si, à notre retour, chaque parti pourrait disposer de sept minutes pour poser des questions avant que nous poursuivions la séance à huis clos, monsieur le président.
    Je crois comprendre qu'au moins un témoin doit partir à 17 heures. De plus, si nous ne nous occupons pas de nos travaux à 17 heures, nous ne serons pas en mesure de déposer notre rapport sur les travaux que nous avons déjà accomplis sur les services d'intégration.
    Si j'ai votre consentement, nous pouvons continuer pendant les prochaines 14 minutes, mais au retour, nous siègerons à huis clos, ce qui est nécessaire pour approuver les motions liées à cette étude, de même que les instructions aux analystes, de sorte qu'ils puissent faire leur travail. Ai-je le consentement unanime?
    Des députés: Oui.
    Le président: Merci.
    Merci, madame Musalo. Vous pouvez continuer votre exposé.
    Bien que la loi américaine prévoie la libération des demandeurs d'asile qui ne risquent pas de s'enfuir ou qui ne représentent pas un risque pour la sécurité, et bien que des études indiquent que le taux de comparution des demandeurs d'asile qui sont libérés est élevé, l'administration Trump a eu recours à des politiques de détention draconiennes. Le préjudice infligé aux demandeurs d'asile traumatisés par la détention a été considérablement aggravé par la politique de séparation des familles, au titre de laquelle au moins 2 800 enfants ont été séparés de leurs parents. Bien qu'un tribunal ait déclaré cette politique illégale et qu'il ait ordonné la réunification des familles, bon nombre d'entre elles restent séparées et, selon les médias, l'administration envisage de séparer à nouveau les familles. Il est compréhensible que les demandeurs d'asile dont les demandes sont très fortes puissent abandonner lorsqu'ils sont confrontés à une détention de durée indéterminée et à la séparation familiale.
    Une autre question que j'aimerais aborder est l'absence du droit à l'assistance d'un avocat aux États-Unis. Les États-Unis n'assurent pas une représentation aux demandeurs d'asile, pas même aux enfants non accompagnés qui doivent comparaître seuls devant le tribunal. Cela réduit considérablement les chances de voir la demande acceptée, surtout compte tenu des interprétations restrictives que j'ai mentionnées.
    N'ayant pas les moyens d'engager des avocats privés, bon nombre de demandeurs d'asile doivent s'en remettre à des organisations à but non lucratif dont les capacités sont limitées, et bon nombre ne sont pas représentés. L'augmentation du nombre de détentions des demandeurs d'asile dans des établissements éloignés fait en sorte qu'il est encore plus difficile d'obtenir les services d'un avocat. De nombreuses études ont montré que ceux qui sont représentés ont beaucoup plus de chance de l'emporter que ceux qui ne le sont pas. Leurs chances peuvent être jusqu'à cinq fois et demie plus élevées. En l'absence d'avocat, des personnes dont la demande de protection est convaincante sont donc plus susceptibles de voir leur demande rejetée et d'être renvoyées dans leur pays, où ils risquent la persécution, voire la mort.
    Ensuite, je voudrais résumer un certain nombre de mesures restrictives qui ont été ou sont actuellement mises en oeuvre aux États-Unis. Le 29 avril dernier, le président Trump a publié une note dans laquelle il demandait l'adoption, dans les 90 jours, de règlements qui constitueraient d'autres obstacles importants pour les demandeurs d'asile. Cela comprend l'interdiction de travailler pour ceux qui sont entrés « illégalement », en dépit du fait que la loi américaine prévoit que les demandeurs d'asile puissent entrer sans autorisation légale. Les règlements imposeraient également des frais potentiellement élevés pour les demandes d'asile. Étant donné qu'ils arrivent souvent avec peu ou pas de ressources et que les États-Unis ne fournissent aucun service social, l'imposition de frais nuit grandement à l'accès à la protection.
    Autre mesure restrictive: plus tôt cette semaine, l'administration a publié des plans de cours révisés à l'intention des agents préposés aux demandes d'asile, qui feront en sorte qu'il sera plus difficile pour une personne de réussir la vérification initiale de l'admissibilité permettant de demander l'asile. Dans les plans révisés, on a supprimé les directives demandant aux agents de tenir compte des traumatismes et des antécédents culturels lorsqu'ils évaluent la crédibilité et on a plutôt ajouté une mise en garde contre la fraude potentielle. Dans ces nouveaux plans de cours, on a également supprimé un paragraphe dans lequel on demandait aux agents de tenir compte du fait que les demandeurs d'asile pourraient ne pas avoir tous les éléments de preuve nécessaires pour prouver le bien-fondé de leur demande immédiatement après avoir franchi la frontière.
    Je vais conclure très brièvement avec d'autres faits pertinents. De nombreuses autres déclarations de l'exécutif et initiatives politiques font ressortir l'hostilité de l'administration américaine actuelle envers les demandeurs d'asile et son intention claire de mettre un terme à l'accès au système de protection américain. Les États-Unis ont menacé le Mexique et les pays du Triangle du Nord, soit le Salvador, le Honduras et le Guatemala, parce qu'ils permettent la libre circulation des demandeurs d'asile, ce qui est clairement protégé par les normes internationales. Ils ont menacé de fermer la frontière entre les États-Unis et le Mexique afin d'empêcher les demandeurs d'asile d'entrer. Plus récemment, ils ont mis en place une politique qui oblige ceux qui demandent l'asile à attendre au Mexique jusqu'à la date de leurs audiences aux États-Unis.
    Ces politiques s'accompagnent d'une rhétorique fausse et haineuse qui qualifie les réfugiés désespérés d'envahisseurs criminels. Cette hostilité à l'égard des demandeurs d'asile risque fort d'influencer le processus décisionnel, surtout dans le système américain, où les tribunaux administratifs ont très peu d'indépendance judiciaire. L'omission de protéger les réfugiés de bonne foi a été, et continue d'être, le résultat tragique de ces politiques restrictives mises en oeuvre dans un climat de xénophobie croissante.
    Je vous remercie de votre temps et je serai ravie de répondre à vos questions.
(1640)
    Malheureusement, nous ne vous poserons pas de questions aujourd'hui.
    Monsieur Bhatti.
     Merci, monsieur le président.
    Avant de commencer mon exposé, j'aimerais remercier le gouvernement canadien d'avoir accepté Asia Bibi, la femme qui a été incarcérée pendant neuf ans au Pakistan et qui a été libérée et est maintenant arrivée au Canada. C'était un grand jour pour nous, les membres de la communauté pakistanaise, lorsqu'elle a été remise en liberté et qu'elle est arrivée dans notre pays, où elle peut commencer une nouvelle vie.
    Je veux remercier le Comité de nous donner l'occasion de participer à ce processus, de donner notre point de vue, de parler de notre expérience et de mieux comprendre la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Le Canada est un pays accueillant où vont des gens de partout pour réaliser leur rêve de vivre en paix et en sécurité.
    International Christian Voice est une organisation de défense des droits de la personne et un signataire d'entente de parrainage qui est en contact direct avec des demandeurs d'asile.
    Mon frère, Shahbaz Bhatti, le seul ministre fédéral chrétien au Pakistan, a été martyrisé. Il a été criblé de balles par des extrémistes religieux pour avoir défendu les droits de toutes les minorités religieuses persécutées. Poursuivant son héritage, International Christian Voice parraine avec succès plusieurs familles vulnérables au Canada depuis 2015.
    En ce qui concerne le sujet dont nous discutons aujourd'hui, nous sommes d'avis que les demandeurs d'asile d'autres pays qui ont la même approche compatissante à l'égard des réfugiés que le Canada n'ont pas à demander le statut de réfugié au Canada, car ils sont déjà admissibles à tous les droits et libertés dans leur pays de résidence. De cette façon, nous pouvons économiser nos ressources pour les utiliser plus efficacement ailleurs.
    Nous sommes d'avis que faire attendre un demandeur d'asile pendant 12 mois avant qu'il puisse interjeter appel d'une décision de rejet d'une demande de statut de réfugié, c'est contre-productif tant pour le réfugié que pour le Canada. Pendant ce temps, le réfugié est laissé dans le vide et le gouvernement canadien doit le soutenir pendant cette période d'inaction inutile.
    International Christian Voice a été en contact très étroit avec des demandeurs d'asile. De 2015 à aujourd'hui, mon équipe et moi-même avons effectué trois voyages d'études en Thaïlande et en Malaisie. Nous avons personnellement rendu visite à plus de 100 familles qui demandent l'asile, dont la plupart languissaient dans des centres de détention ou se cachaient, craignant d'être arrêtées et expulsées vers le pays qu'elles avaient fui en raison de persécutions religieuses, de violences, de menaces à leur vie, d'enlèvements et de mariages forcés.
    En mars de cette année, notre organisation a pu visiter le centre de détention de l'immigration à Bangkok et discuter avec plusieurs familles qui y étaient détenues. Elles vivaient dans des conditions intolérables et inhumaines. De nombreux demandeurs d'asile souffrent de maladies liées au stress et plusieurs d'entre eux sont morts sans assistance médicale pendant leur séjour dans le centre de détention.
    À notre avis, les ressources du Canada seraient mieux dépensées pour les demandeurs qui souffrent alors qu'ils résident dans des pays qui ne sont pas signataires de la convention de 1951 sur les réfugiés, comme la Thaïlande, où les demandeurs d'asile souffrent de malnutrition, ne disposent pas d'installations médicales et sont séparés des membres de leur famille. Ils sont apatrides et sans défense. Rediriger ces ressources financières contribuerait à réduire l'arriéré des demandes d'asile dans des pays comme le Sri Lanka, la Thaïlande et la Malaisie.
(1645)
     Nous approuvons les dispositions proposées autorisant le gouverneur en conseil à accélérer l'examen des demandes lorsqu'il est d'avis que le gouvernement ou les autorités compétentes, de manière déraisonnable, refusent de délivrer des titres de voyages à des citoyens ou ressortissants de cet État ou de ce territoire qui se trouvent au Canada ou en retarde la délivrance.
    Merci.
    Je vous remercie tous beaucoup de vos exposés.
    Je crois que notre vote est dans 19 minutes. Si tout le monde est d'accord, nous pouvons poursuivre en donnant un maximum de deux minutes, je crois, à chaque côté pour poser une question afin que nous puissions ensuite nous rendre en haut.
    Bien. Chaque côté aura une question.
    Allez-y, monsieur Sarai.
    Ce sera difficile en deux minutes, mais je vais essayer.
    Madame Musalo, vous avez dit que, à vos yeux, les États-Unis ne sont peut-être pas un endroit équitable pour les réfugiés compte tenu des décrets en vigueur du président Trump. Je ne dis pas que le système est parfait et je pense d'ailleurs que personne n’a un système parfait, mais les tribunaux ont invalidé certains de ces décrets, et il y a plusieurs paliers de gouvernement aux États-Unis, dont l'exécutif, la magistrature et le Congrès. Ne diriez-vous pas que, en général, les principes qui se rapportent aux réfugiés sont encore protégés au pays et que les gens peuvent se battre contre les obstacles que pourrait avoir créés le président et qui contreviennent à la loi aux États-Unis?
(1650)
    Avec tout le respect, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que les États-Unis sont un endroit sécuritaire pour les réfugiés. L'arrêt A-B-, une décision qui a vraiment écarté la protection offerte aux personnes dont les demandes sont fondées sur des motifs liés au sexe, n'a pas été infirmé. Son application a tout simplement été limitée à l'étape de la détermination d'une crainte crédible. Un certain nombre de mesures que prend actuellement l'administration Trump vide de sa substance le processus de détermination d'une crainte crédible, par exemple en confiant la tâche — c'est du jamais vu — à des agents aux postes frontaliers, plutôt qu'à des agents chargés des demandes d'asile ayant reçu une formation à cette fin, et en modifiant les normes et la formation suivie par ces agents aux postes frontaliers pour qu'ils leur soient plus faciles de refuser une demande.
    Le principal précédent, qui a vraiment exclu les demandes de femmes et de personnes qui fuient des gangs, demeure en vigueur. Aucun tribunal ne l'a infirmé pour ce qui est du bien-fondé des demandes.
    Merci, madame Musalo.
    Madame Rempel, vous avez la parole.
    Monsieur Bhatti, je tiens juste à féliciter votre organisation et vous du travail que vous avez fait dans l'affaire Asia Bibi. Je sais que cette affaire touche profondément votre famille. Vous avez d'ailleurs défendu les principes de liberté de religion et protégé des personnes véritablement persécutées en raison de leur croyance. C'est un cas extrême. Je veux juste vous féliciter et vous remercier de votre détermination dans ce dossier.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Rempel.
    Allez-y, madame Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins et je m'excuse pour l'audience raccourcie.
    Hier, le ministre Blair et le représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ont essayé de convaincre le Comité en disant que les dispositions du projet de loi C-97 sont bonnes et que les réfugiés — les demandeurs d'asile — ne seront pas mis en danger compte tenu de l'amélioration du processus d'examen des risques avant renvoi. On a demandé à l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, l'ACAADR, ainsi qu'à Amnistie internationale si c'était bien le cas. Leurs représentants ont répondu que des personnes seraient sans l'ombre d'un doute mises en danger. À vrai dire, ils ont demandé au gouvernement de retirer le projet de loi.
    J'aimerais savoir si les représentants du Conseil canadien pour les réfugiés, le CCR, croient qu'on devrait accepter la raison que le ministre et le Haut Commissariat ont tenté de faire valoir.
    Je dirais que le CCR répondrait comme l'ACAADR et Amnistie internationale. Le CCR a de l'expérience puisqu'il travaille avec des gens sur le terrain. J'ai accompagné beaucoup de demandeurs d'asile dont la demande a échoué et qui ont fait l'objet d'un examen des risques avant renvoi. Le processus est peut-être amélioré, mais rien ne m'indique vraiment clairement ce que cela signifie.
    Ce qui se fait par écrit — on dit que tout le monde aura droit à une audience — n'est pas du tout ce qui se produit dans la réalité. Il m'est très difficile d'imaginer un processus d'examen des risques avant renvoi qui est presque comparable au processus de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Commission a vraiment subi une réforme en profondeur. Le gouvernement a...
    Merci, madame Roque.
    Pour les deux dernières minutes, je ne sais pas si les députés libéraux ont une question différente ou s'ils permettront à Mme Roque de poursuivre sa réponse.
    Madame Zahid, vous avez les deux dernières minutes.
    Elle peut poursuivre.
    Merci.
    La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a subi une réforme en profondeur. Je trouve très difficile de me dire qu'un autre processus maintenant à l'étude sera mis à l'essai aux dépens de la vie de demandeurs d'asile.
    Pour faire face à un demandeur d'asile ou à quelqu'un qui demande un examen des risques avant renvoi et lui dire qu'il pourrait avoir droit à une audience ou à une entrevue... Les demandeurs d'asile méritent d'être entendus. Ils méritent la journée où on leur posera des questions et où ils pourront raconter leur histoire. Il serait nettement désavantageux de recourir à un processus par écrit. L'aspect humain est très important. Ce n'est pas une question d'efficacité. Cela revient plutôt à enlever des droits au demandeur d'asile.
    Madame Kwan, je vous répondrais que nous pourrions probablement remettre en question ce que le ministre Blair et votre collègue du Haut Commissariat ont dit en effectuant une comparaison. Nous le voyons tous les jours. Peu importe ce qu'on prévoit faire par écrit, nous avons probablement beaucoup de cas différents qui pourraient prouver le contraire.
(1655)
    Il reste 45 secondes du temps accordé aux libéraux, et je vais donc exercer la prérogative de la présidence pour poser une question. Si un amendement à l'article 306 garantissait la tenue d'une audience, est-ce que cela apaiserait certaines de vos craintes?
    Madame Dench, vous semblez vouloir répondre.
    Oui.
    L'audience n'est qu'un élément parmi d'autres dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour encadrer les audiences devant la Commission. Nous avons parlé des représentants désignés. La Loi comprend toute une série d'articles qui portent sur les audiences relatives aux demandes d'asile devant la Commission. Si vous reproduisez tout ce qui est prévu pour protéger les droits de base, vous devrez reproduire tout cela dans la Loi.
    Voilà qui met fin à cette séance abrégée.
    Si les témoins souhaitent nous faire parvenir par écrit d'autres réponses, libre à eux de le faire.
    Merci.
    La séance est levée.
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