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Merci, monsieur le président.
Mes salutations à tous les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Jean-Fritz Cima. Je suis né à Torbeck, Les Cayes, en Haïti. J'ai 44 ans. Je suis marié et j'ai six enfants.
Je vais tout d'abord vous faire un bref résumé de mon parcours en Haïti. Dans un deuxième temps, je vais vous parler de mon parcours ici, au Canada. Enfin, je vais vous parler de mes attentes et de celles de mes compatriotes sans statut.
J'ai passé mon enfance et mon adolescence dans le sud d'Haïti. À l'âge de 20 ans, je suis allé vivre à Port-au-Prince, où j'ai étudié le génie civil. Cependant, j'ai surtout travaillé dans les affaires, ce qui m'a permis de subvenir assez bien aux besoins de ma famille jusqu'en 2009.
En juillet 2009, j'ai été kidnappé par des bandits qui ont exigé 25 000 dollars américains pour ma libération. Ma femme a dû s'endetter pour me faire libérer. De plus, mes économies se sont évanouies. À partir de ce moment, je n'avais qu'une seule idée en tête: quitter mon pays. Cependant, j'hésitais à le faire en raison de mes enfants, qui étaient mineurs, et des supplications de ma femme qui voulait que je reste.
Juste avant le tremblement de terre en 2010, qui a fait plus de 300 000 morts et de nombreux blessés, mes affaires ont commencé à aller mieux, mais malheureusement pour moi, des voleurs ont pillé l'entrepôt où j'avais mis mes marchandises pendant cette catastrophe. Pourtant, j'avais commencé à oublier l'idée de quitter le pays, mais avec le pillage de mes biens durant cette catastrophe et le harcèlement constant des bandits racketteurs me menaçant de me kidnapper une deuxième fois ou de s'en prendre à un membre de ma famille, j'ai décidé de partir pour de bon. À partir de ce moment-là, j'ai pris des dispositions pour venir au Canada, un pays très sécuritaire, me disait-on en Haïti.
Arrivé au Québec le 8 août 2012, j'ai demandé un statut de réfugié, ce qui m'a été refusé. J'ai fait appel, puis j'y ai renoncé pour faire une première demande d'ordre humanitaire, laquelle a été acceptée par le Québec et refusée par le Canada. J'en suis maintenant à ma deuxième demande d'ordre humanitaire, qui est en cours.
J'occupe actuellement deux emplois. J'ai comme métier conducteur de chariot-élévateur pour lequel j'ai été formé ici, à Montréal. Ensuite, je suis détenteur d'un permis de chauffeur de taxi pour le Québec. Jusqu'ici, mes démarches pour obtenir la résidence permanente m'ont coûté beaucoup d'argent, soit environ 16 000 $ et plus en frais d'avocats et d'immigration, sans compter les dépenses pour mes obligations familiales et mes besoins pour subsister ici. J'ai même été obligé d'emprunter de l'argent à mon patron pour l'enterrement de mon fils, âgé de 11 ans, mort du virus du choléra en décembre dernier. Par chance, celui âgé de 13 ans a survécu à cette maladie. En septembre 2015, malgré mon absence d'Haïti, ma maison a été incendiée par des bandits et ma famille a tout perdu.
Pour finir, mon voeu le plus cher est d'obtenir la résidence permanente pour rester ici, y vivre et faire venir toute ma famille afin de pouvoir faire une place au soleil à tous mes enfants.
Je ne terminerai pas mon témoignage sans remercier ici le Comité d'action des personnes sans statut, qui aide les personnes sans statut comme moi désireuses de vivre au Canada légalement et qui attendent une seule chose: l'adoption par le Parlement canadien d'une mesure globale, collective et inclusive, comme ce fut le cas en 1973 avec le projet de loi C-197, qui avait lancé l'opération Mon pays.
Encore une fois, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à venir témoigner à votre comité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour.
Nous saluons les travaux du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes dans cet important dossier concernant le moratoire sur le renvoi des ressortissants d'Haïti et du Zimbabwe vivant au Canada. C'est avec grand enthousiasme que nous répondons à l'invitation qui nous a été faite de nous présenter devant ce comité, et nous comptons laisser un mémoire. La présentation sera faite par moi-même, Jocelyne Simon, et M. Vaval.
Je m'appelle Jocelyne Simon. J'ai quitté Haïti en 1979. J'ai travaillé pour le gouvernement fédéral. Présentement, je suis à la retraite, mais je suis très active comme bénévole auprès de ma communauté. Je suis présidente d'un groupe qui s'appelle Concertation-action des citoyens et des citoyennes d'origine haïtienne, principalement à Rivière-des-Prairies. Cet organisme existe depuis plus de 12 ans et a pour mission de travailler à faciliter une réelle intégration économique, sociale, culturelle et politique des citoyens et citoyennes de la communauté haïtienne vivant à Montréal, plus particulièrement dans le secteur de Rivière-des-Prairies.
M. Vaval est directeur d'Équipe RDP, qui a pour mission de contribuer au développement social et à l'amélioration de la qualité de vie de la population de Montréal et de ses environs en offrant des programmes de loisirs et d'intervention sociale, et ce, depuis plus de 20 ans.
La tenue d'une telle étude nous témoigne de la volonté du gouvernement d'apporter une solution juste et équitable aux conditions de vie de milliers de personnes visées par ce moratoire. Nous espérons que les conclusions de cette étude iront dans le sens de ce premier geste de surseoir au moratoire, comme annoncé le 10 décembre dernier, et permettront de régulariser le statut des personnes touchées.
Qui sont les ressortissants touchés? Le Canada est bien connu et reconnu pour son ouverture. C'est une terre d'accueil pour plusieurs personnes qui ont fait le choix d'y vivre. Le Canada ouvre aussi ses portes à d'autres personnes qui sont obligées de quitter leur pays ou qui ne peuvent y retourner en raison de la violence et de l'instabilité qui y existent. C'est dans ce contexte que, en 2012, le Canada a établi un moratoire sur le renvoi d'immigrants vers le Zimbabwe et, en 2004, vers Haïti.
Les ressortissants haïtiens sont venus par vagues. Une première vague de personnes est arrivée au pays avant le tremblement de terre. D'autres sont arrivées en 2010, après le tremblement de terre qui a dévasté le pays et fait plus de 300 000 morts, comme le disait notre collègue. Elles sont restées à cause du moratoire. Elles sont principalement regroupées à Montréal, en Ontario et en Colombie-Britannique.
Une deuxième vague était constituée de personnes qui ont dû quitter Haïti en toute urgence à la suite du séisme et qui ont été évacuées par un avion Hercules des Forces armées canadiennes. Ces gens sont arrivés avec leur famille, sans aucun bien. Entretemps, ces personnes se sont adaptées à la vie canadienne et plusieurs ont donné naissance à des enfants canadiens.
Dans les deux groupes se retrouvent des personnes d'un certain âge. On estime que le nombre de ressortissants haïtiens se situe entre 3 500 et 4 000. Ils ont fait les démarches nécessaires pour participer à la vie canadienne, même s'ils font face à plusieurs embûches en raison de leur situation. Ils ont été pris en charge par les gouvernements canadien et québécois et par la communauté haïtienne.
À Montréal, il y a eu une grande mobilisation à la suite du séisme avec la mise en place, entre autres, des centres multiservices et de prise en charge de la population haïtienne de Montréal dans des secteurs à forte concentration de membres de cette communauté. Soulignons que des programmes spéciaux ont été mis en place pour de l'accompagnement.
La levée du moratoire a suscité un espoir pour certains et beaucoup d'inquiétudes pour d'autres, étant donné les multiples règles de conformité qui ne sont pas toujours simples.
Aujourd'hui, avec la levée du moratoire, les ressortissants vivent encore avec beaucoup de craintes. Vivre sous le moratoire entraîne son lot de problèmes, mais ne pas savoir l'issue des démarches avec la levée du moratoire entraîne d'autres inquiétudes.
Étant donné le moratoire, les personnes font face à d'énormes difficultés, à tous les points de vue, particulièrement les enfants et les personnes âgées. Parmi ces difficultés, citons l'obtention du permis de travail, l'accès aux services de santé, l'accès à l'éducation, et ainsi de suite. Les cas de figure suivants illustrent leur dure réalité.
Je cède maintenant la parole à M. Vaval.
Je remercie les membres du Comité de nous offrir l'occasion de nous exprimer sur un enjeu qui est important pour le développement de la communauté haïtienne au Canada, surtout au Québec, dans la région de Montréal, où 90 % des ressortissants et de cette communauté sont regroupés.
Pour ma part, je suis arrivé au Canada, au Québec, quand j'étais petit, soit à l'âge de 2 ans. C'était en 1974. En 1972, mon père avait fait le tour du monde et avait trouvé accidentellement un endroit intéressant, un climat de vie propice au développement de sa famille. Aujourd'hui, je suis heureux d'être un Canadien qui contribue au développement de son pays, mais aussi au rayonnement de son pays à l'extérieur.
Nous sommes très touchés par les propos des membres de notre communauté qui, selon nous, sont parmi les plus vulnérables. Dans notre communauté, les gens les plus vulnérables sont ceux qui sont le moins outillés pour réussir leur intégration à la société canadienne, québécoise. Le récit de M. Cima, un cas de figure qui illustre toutes les embûches et tous les défis auxquels ces gens font face, fait en sorte que nous avons le devoir de proposer des solutions et d'essayer d'influencer les décideurs. C'est pour cette raison que nous sommes devant vous aujourd'hui.
Le défi que constitue l'obtention d'un permis de travail est pour nous une priorité. En effet, pour qu'une intégration soit réussie ici, au Canada, tout commence par la question économique. Je parle ici de l'emploi, de la possibilité qu'ont les ressortissants de développer une certaine stabilité économique pour être en mesure de se construire socialement au sein de nos diverses communautés, et ainsi de suite.
Il y a beaucoup de défis. Compte tenu de tout ce qui entoure l'obtention et le renouvellement du permis de travail, maintenir un emploi est en soi un défi. Ce permis coûte 255 $, dure entre six moins et un an et doit être renouvelé. Or les gens de la communauté sont nombreux à faire valoir certains aspects difficiles du processus de renouvellement. Par exemple, comme il leur faut faire des démarches tous les six mois ou chaque année, pour répondre à cette exigence, ils doivent demander à l'employeur d'être libérés. De plus, le délai de traitement des demandes est long. L'obtention d'une réponse prend de quatre à cinq mois, et quand on obtient une réponse, la période de couverture va de la date du dépôt de la demande jusqu'à la fin de la période de six mois ou d'un an. Dans ces conditions, si on a attendu cinq mois, il ne reste que sept mois sur douze. Il y a là un genre d'absurdité. Cette situation concernant le permis de travail fait qu'on est constamment dans un processus de démarche.
Il y a aussi des problèmes liés à l'accès à l'éducation. Les enfants d'une personne qui n'a pas de permis de travail ne peuvent pas accéder à l'éducation de façon équitable. À leur arrivée, ils ont accès aux écoles primaires et secondaires. Par contre, rendus au cégep et à l'université, les enfants de ces ressortissants sont traités comme des gens de l'étranger et doivent par conséquent payer l'entièreté des frais, soit 6 000 $ pour le cégep, au Québec, et environ 10 000 $ pour l'université. Ce sont des frais que nous ne sommes pas en mesure d'assumer.
L'intégration de ces jeunes comporte aussi un enjeu. À leur arrivée, ils ne peuvent pas nécessairement étudier au secondaire, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas non plus étudier au cégep. Un genre de latence malsaine se crée et génère une frustration chez ces jeunes. Ils se tournent alors parfois vers la marginalité. Ils essaient de survivre et de trouver une façon de subvenir à leurs besoins, à ceux de leurs parents et de leur famille, dans la marginalité. C'est sûr que nous voyons ces problèmes dans nos programmes d'intervention jeunesse et nous essayons de les prévenir.
Il y a aussi l'accès aux soins de santé qui présente une situation particulière. Les ressortissants bénéficient du Programme fédéral de santé intérimaire, ou le PFSI, qui les soutient relativement à leurs soins de santé. Par contre, même lorsque les gens ont un permis, ce ne sont pas tous les centres hospitaliers ou toutes les institutions de santé qui acceptent ce permis. Dans la région de Montréal, un seul établissement de santé, l'Hôpital Santa Cabrini, accepte le permis des gens qui s'y présentent pour recevoir des services.
À cet égard, il y a quelque chose d'incohérent et il faudrait y voir davantage afin que l'ensemble des établissements de soins de santé puissent accepter ces personnes. Ces gens ne vivent pas à un seul endroit à Montréal. L'Hôpital Santa Cabrini est situé dans l'est de la ville. Donc, les gens qui habitent dans la région de Montréal sont obligés de se déplacer pour s'y rendre afin de recevoir des services.
Pour nous, les plus vulnérables sont les enfants et les personnes âgées. La situation des personnes âgées est particulière. Ces gens ont quitté Haïti et ont laissé leur communauté dans une situation qui n'est plus la même aujourd'hui. Avec tous les événements qui sont survenus, que ce soit le tremblement de terre ou encore les périodes d'instabilité politique, sociale et économique, le pays évolue très rapidement. Si l'on renvoie ces gens, qui sont déjà vulnérables parce qu'ils ont un certain âge, ils ne vont plus se reconnaître dans l'environnement qu'ils ont laissé. Soit leurs amis sont morts, soit ils ne possèdent plus ce qu'ils avaient laissé derrière eux et qu'ils croyaient encore posséder. L'environnement a vraiment changé. On les mettrait dans une situation de vulnérabilité encore plus importante. Pour nous, il est très important de faire attention à cela.
Dans le processus d'intégration à la société québécoise et canadienne, la stabilité du noyau familial est extrêmement importante. Les grands-parents ont un grand rôle à jouer dans un contexte d'intégration à la société. Souvent, ils essaient de soutenir directement les parents dans leur rôle d'accompagnement et d'encadrement de leurs enfants. C'est pour cette raison que le renvoi de ces gens aura pour effet de rendre vulnérables tant les personnes âgées que les enfants qui sont en train de grandir ici.
Il y a un autre élément que nous considérons comme très important. Depuis 2004, ces gens travaillent à s'intégrer à la société canadienne. Ils essaient de trouver du travail et sont toujours en démarche continuelle en ce sens. Ils essaient de faire en sorte que leurs enfants fréquentent l'école et reçoivent des services. Si leurs enfants de 18 ans ou plus ne peuvent pas fréquenter l'école, ils essaient de faire des démarches pour qu'ils obtiennent un permis de travail et qu'ils soient en mesure de travailler. Ces gens sont constamment en train de faire des démarches et de vivre une espèce d'instabilité.
Pour nous, la première étape serait d'éliminer les tracasseries administratives afin que ces gens soient fonctionnels dans la société. Cela va leur permettre de travailler et de garder leur emploi le plus longtemps possible et permettre aux enfants de continuer à se construire...
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Après le tremblement de terre, la communauté haïtienne s'est mobilisée. Nous avons mis en place des centres de crise. Nous avons tout mis en place pour accueillir ces gens et nous avons demandé de l'aide à la communauté ainsi qu'au gouvernement. Nous leur avons donné des vêtements et un peu d'argent. Nous avons cherché des personnes voulant accueillir celles qui n'avaient pas de famille ici. Nous avons essayé de leur trouver un logis, car certaines personnes ont débarqué à Montréal sans même en avoir un. Notre devoir était de les accueillir et de nous assurer qu'elles avaient un toit et de quoi se nourrir.
Il est certain que le gouvernement nous a aidés un peu, mais c'est surtout la communauté qui a donné beaucoup d'argent pour accompagner ces personnes. Encore aujourd'hui, certains organismes communautaires offrent des services de soutien. Par exemple, si elles ont besoin d'aller à l'hôpital ou de remplir un formulaire, nous sommes là pour les aider. C'est en ce sens que nous pouvons les aider.
Dans la société canadienne, quand une personne a un problème, elle peut consulter un psychologue. Pour ce qui est des Haïtiens qui arrivent ici, c'est nous qui agissons comme psychologue. Ils viennent nous voir en pleurant et ils nous racontent leurs déboires. Tout ce que nous pouvons leur dire, c'est que nous allons travailler avec le gouvernement et les différentes instances pour voir ce qui sera mis sur pied. Quand ils ont appris que nous venions ici, cela a été pour eux une grande lueur d'espoir. Ils se disent qu'enfin cela se terminera, mais le travail ne sera pas terminé pour autant, car il faudra toujours les accompagner dans leur processus d'intégration.
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Ce que craignent ces gens qui sont au Canada, c'est d'être renvoyés chez eux. On a entendu le récit de M. Cima, qui a expliqué le climat en Haïti. Ils se demandent ce qui pourrait leur arriver s'ils retournaient en Haïti. Après leur arrivée ici, il y a eu un tremblement de terre en Haïti qui a tué plus de 300 000 personnes. Souvent, leurs proches sont décédés et ils n'ont plus de biens. Alors, s'ils retournent dans leur pays, que feront-ils? S'ils rentrent en Haïti après quelques années, ils seront considérés comme pires que des étrangers. Les gens les regarderont et se diront: « Mais d'où viennent-ils, ceux-là? » Il n'y a donc pas d'espoir du tout à leur retour en Haïti.
Les tracasseries administratives sont tellement lourdes pour eux qu'ils en sont presque découragés. Ils viennent souvent nous voir. Que leur disons-nous? Nous leur disons d'avoir du courage et de continuer à travailler, même si parfois ils perdent leur emploi lorsque leur permis n'est plus valide. Nous les encourageons. Nous leur disons qu'il faut remplir le formulaire, attendre un peu et trouver autre chose.
Ils ont vraiment peur de retourner en Haïti par crainte de représailles, de kidnapping ou de maladies. Il y a eu des cas de maladies endémiques comme le chikungunya et le choléra, qui ont fait rage à plusieurs reprises. Il y a toujours des ouragans. En fait, il y a toujours quelque chose qui frappe Haïti.
Alors, voilà en quoi consistent leurs peurs.
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En effet, on a rejeté ma demande de statut de réfugié. On m'a dit que c'était à cause de mon témoignage, qu'on n'avait pas cru. Quant à ma demande d'ordre humanitaire, on m'a dit que je n'avais pas signé l'affidavit à certains endroits, mais ce n'est pas mon problème si mon représentant ne me l'avait pas donné à signer. Je ne sais pas ce que je dois signer. C'est la première chose.
Ensuite, je n'étais pas au courant de ce que mon représentant avait rédigé, parce qu'il ne m'avait même pas fait lire tout ce qu'il avait écrit. Il a décidé d'écrire tout ce qu'il voulait et d'envoyer cela ensuite.
Je viens d'apprendre la raison du refus de ma demande. Quand on a refusé ma demande malgré mes problèmes et tout ce à quoi j'étais confronté là-bas, je me suis demandé pourquoi. J'ai demandé à mon représentant de demander quel était le motif du refus, pour que je puisse savoir pourquoi on avait rejeté ma demande. Il m'a répondu que ce n'était pas possible. Je l'ai appelé à plusieurs reprises et, finalement, il l'a fait.
J'ai enfin compris ce qui était arrivé. Le témoignage contredisait celui que j'avais présenté à l'ambassade pour entrer au pays. Le représentant a dit que je n'avais rien en Haïti, et plusieurs autres choses, par exemple que ma famille vivait sous des tentes de fortune. Pourtant, ce n'était pas vrai; ma famille habitait dans la maison. C'est pour cela qu'on a rejeté ma demande.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venus nous parler de vos expériences.
M. Cima a indiqué qu'il voudrait que le Parlement adopte une approche plus inclusive dans le traitement des dossiers. M. Vaval a dit qu'il voulait éliminer les obstacles administratifs.
Monsieur Vaval, j'ai une question pour vous à ce sujet. Vous-même, ainsi que Mme Simon, avez décrit les problèmes qu'ont éprouvés les ressortissants d'Haïti lorsqu'ils sont arrivés dans notre pays. Pouvez-vous nous faire des recommandations concrètes quant aux améliorations que le gouvernement pourrait apporter au système? Nous avons parlé des demandes de résidence permanente ainsi que d'autres facteurs. Vous avez tous décrit les obstacles que vous avez rencontrés.
Monsieur Vaval, quelles sont vos recommandations au Comité pour améliorer le système?
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Je vous remercie de la question.
Je pense que le processus peut être amélioré à différents égards.
Par exemple, en ce qui a trait à l'emploi, on pourrait s'assurer d'éliminer les tracasseries administratives, pour que les gens soient plus en action et en construction du Canada, plutôt que d'être sans cesse dans une dynamique de démarches pour obtenir des permis s'ils veulent contribuer au pays.
Cela coûte de l'argent aux entreprises, qui sont obligées de faire des sacrifices. Après un certain temps, elles ne sont plus intéressées et, après cela, les gens ne sont plus productifs. Si on pouvait permettre aux gens d'avoir des permis valables pour une plus longue période, par exemple pour un an et demi ou deux ans au lieu de six mois, cela donnerait aux gens le temps de travailler.
Quant aux permis pour les soins de santé, ils sont délivrés à chaque membre de la famille de façon individuelle. La période de validité est différente pour chacun. Les gens sont donc obligés de faire des démarches différentes pour l'ensemble de la famille. On pourrait émettre des permis pour la famille qui durent assez longtemps.
Il y a un élément très important. Je veux parler de ces 4 000 personnes en respect et en équité. En effet, depuis 2004, ces gens travaillent et font leur possible. Ils continuent à s'impliquer et à s'engager. Par respect pour la communauté haïtienne qui construit le Canada et le Québec depuis le début des années 1950 et 1960 et qui s'implique dans leur développement, un geste doit être fait pour régulariser la situation de ces gens. En effet, ce qui est arrivé en Haïti s'est produit devant la face du monde entier. Les gens du monde entier sont venus...
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Il faut régulariser leur situation, leur permettre d'être des citoyens canadiens à part entière, pour qu'ils puissent continuer à construire sans avoir peur du rejet.
En effet, quand on renvoie ces gens, c'est la société qui les rejette. Jusqu'à un certain point, quand cela se passe, c'est aussi comme un rejet pour nous, ressortissants haïtiens qui sommes Canadiens, comme si on ne nous acceptait que jusqu'à un certain point.
On ne parle pas de gens qui ont des dossiers criminels, mais de gens qui contribuent à la société, qui se sont engagés, qui se sont impliqués depuis qu'ils sont ici et que la communauté a soutenus. Leur histoire est publique et connue de tous. Alors pourquoi ne pas faire ce geste? Quelle est la barrière? Faisons-le pour boucler la boucle pour ces 4 000 personnes. Cela traîne depuis longtemps. Ces gens sont prêts à travailler et à construire le Canada avec nous.
J'ai une question pour M. Cima.
Monsieur Cima, merci pour votre témoignage. Vous avez décrit le processus selon lequel vous avez fait confiance à votre représentant pour soumettre les formulaires. Or, il semble y avoir eu des erreurs administratives, entre autres. Est-ce possible d'indiquer brièvement au Comité le degré de difficulté posé par les formulaires de demande? Si des erreurs administratives sont commises, est-il possible de les voir et de les corriger, plutôt que de devoir attendre jusqu'à la fin du processus de traitement, au bout duquel la demande est rejetée? Cela ne vous avance pas, n'est-ce pas?
Quel est le degré de difficulté présenté par ces formulaires, et à quel point a-t-il été difficile de trouver de l'aide pour les remplir?
Comme vous l'avez remarqué, le programme de mesures spéciales est probablement l'un des plus généreux et des plus compatissants parmi les programmes offerts par le gouvernement à un groupe ou à une communauté, c'est-à-dire que c'est une occasion en or pour les ressortissants d'Haïti et du Zimbabwe sans statut. Un gouvernement ne pourrait pas en faire plus, il me semble.
D'après ce que je comprends, le problème en est un de transmission du message. Le message ne parvient pas à son public cible. Je sais que l'on en a parlé plus tôt dans le cadre de certaines des questions posées, notamment celle de Mme Kwan, mais quelle serait la meilleure façon dont pourrait communiquer davantage la communauté? De plus, de quelle façon le gouvernement pourrait-il aider?
Ma question se pose à Mme Simon ou à M. Vaval.
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Comme ma collègue l'a dit, il y a eu une rupture du lien de confiance entre le gouvernement et la communauté à cause d'expériences négatives. Les gens ont fait face à des difficultés tout au long des démarches qu'ils ont eu à faire. Ce que vit M. Cima est un exemple, un cas typique. Il y a plusieurs cas typiques.
Pour se réconcilier avec la communauté et ces gens qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité, pour rebâtir le pont, la question de la confiance est un élément central. Le discours du gouvernement doit changer. Il faut un discours qui favorise l'émergence de cette confiance. Il faut insister sur le fait qu'on ne veut pas les renvoyer. Il faut dire que ce ne sont pas des tactiques pour renvoyer les gens.
Il faut adapter les exigences à la réalité des informations et autres éléments qu'il est possible d'obtenir pour régulariser le statut des gens. Comme on le disait plus tôt, la situation d'Haïti n'est pas une duperie; c'est arrivé devant le monde entier. Le monde entier a fourni de l'aide parce qu'il a vu l'énormité de la situation. Aujourd'hui, il y a encore de l'instabilité politique en Haïti. On n'est pas capable d'avoir un gouvernement, on n'a qu'un gouvernement provisoire. La situation actuelle, l'insécurité économique et sociale, les problèmes de santé en raison de toutes les épidémies, toutes ces choses ne sont pas réglées.
Par tradition, le Canada n'a pas l'habitude de renvoyer les gens dans un pays où ils seront encore plus vulnérables qu'ils ne le sont présentement. Il va falloir qu'on élabore un discours pour favoriser cette confiance, de manière à ce que les gens sentent que lorsqu'ils font affaire avec le gouvernement canadien, c'est positif, et qu'ils n'aient aucune raison d'avoir peur, puisque cela fonctionne quand on fait ce qu'il faut.
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Je vais dire quelques mots à ce sujet.
Vous avez parlé d'un taux d'acceptation de 93 %. En ce qui concerne les 7 % restants, mon conseil serait de rejoindre les gens concernés. Il y a quand même beaucoup d'outils qu'on peut utiliser pour les rejoindre. À Montréal, il y a les stations communautaires et les petits journaux de quartier.
Comme je l'ai déjà dit, il y a beaucoup de méfiance, même quand il s'agit de venir remplir les formulaires. Il faut voir comment on peut s'asseoir avec quelqu'un pour lui dire qu'on est prêt à l'accompagner dans ses démarches, qu'il ne doit pas avoir peur et qu'on sera là pour lui.
Vous pensez peut-être que 7 % de 3 000 à 4 000 personnes, ce n'est pas beaucoup, mais cela représente quand même un bon nombre de gens. Je vous recommande de travailler en collaboration avec nous, à Montréal, pour aller les chercher et mettre des outils en place pour les aider à remplir le formulaire. Je suis sûre que, s'ils n'ont pas de dossier criminel, leur demande sera acceptée et qu'ils seront prêts à rester. Quant à nous, nous devons travailler en collaboration pour les aider dans leur intégration.
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C'est sûr qu'il en existe partout. Je ne vous apprends rien en disant qu'il y a une sorte d'économie qui exploite les plus vulnérables. M. Cima en est un bon exemple. Il a été accompagné de façon douteuse par des gens.
Il faudrait renforcer le soutien accordé aux organisations officielles qui travaillent, avec le gouvernement du Canada et celui du Québec, à augmenter la vigilance dans l'ensemble de la communauté. Comme Marie-Jocelyne l'a expliqué, la communauté haïtienne a le réflexe de se méfier de tout ce qui émane de l'État, à cause de la situation d'Haïti et des traditions en lien avec tout ce qui s'est passé dans ce pays, la dictature et ainsi de suite. On essaie de passer par la mer et non par les voies officielles, croyant que cela va aller mieux et qu'on va arriver à bon port.
Effectivement, encore aujourd'hui, il y a des gens dans la communauté qui proposent des solutions parallèles. C'est là qu'il faut lutter en changeant le discours du gouvernement du Canada, qui pourrait signifier qu'avec lui, les gens constateront qu'ils peuvent arriver à des solutions plus efficaces. Je crois qu'un important travail reste à faire à cet égard.