[Traduction]
Je déclare ouverte la réunion 74 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Nous allons commencer nos travaux à l'ordre du jour aujourd'hui, mais j'aimerais tout d'abord soumettre le douzième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure, qui s'est réuni plus tôt aujourd'hui. Je crois comprendre que les membres du Comité ont reçu un peu plus tôt une copie des décisions qui ont été prises lors de cette réunion.
Je suis maintenant prêt à recevoir une motion tendant à l'adoption par le Comité permanent du rapport du Sous-comité.
La motion est proposée par Mme Zahid et M. Maguire.
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci.
Comme vous le savez, conformément à l'ordre de renvoi du 2 novembre 2016, le Comité permanent est chargé de préparer une étude pour la Chambre au sujet de l'immigration au Canada Atlantique, communément appelé la motion M-39. Je suis ravi que Mme , soit l'auteure de l'amendement, soit présente.
Je rappelle toujours au Comité que c'est maintenant une motion de la Chambre. Même si vous l'avez proposée, c'est maintenant la motion de l'ensemble de la Chambre, et nous sommes très fiers que l'ensemble de la Chambre attende avec impatience notre rapport.
Nous sommes au beau milieu de notre étude. C'est la dernière semaine où nous entendrons des témoins. Je suis très heureux d'accueillir deux témoins en personne: M. Flecker et Mme Reeves. Nous avons également M. Emery qui témoigne par vidéoconférence.
Même si ce n'est pas ce que prévoit l'ordre du jour, nous entendrons en premier l'exposé de M. Emery. Étant donné que les dieux de la vidéo ne sont pas toujours cléments, j'ai l'habitude d'entendre en premier les témoins en vidéoconférence d'un coup que la technologie flanche. Chaque témoin aura environ sept minutes pour son exposé.
Nous allons donc commencer par M. Emery, titulaire de la Chaire Vaughan d'économie régionale à l'Université du Nouveau-Brunswick.
Vous avez la parole.
Je tiens seulement à dire d'entrée de jeu qu'étant donné qu'il s'agit de votre 74e réunion je ne crois pas que vous entendrez vraiment beaucoup de faits nouveaux, mais je vais essayer de voir si je peux vous donner peut-être une nouvelle façon de structurer votre rapport.
Je souhaite également mentionner d'entrée de jeu que, dans le cas où je donne l'impression d'être contre un programme pilote d'immigration, je ne le suis pas. Je suis en fait fortement en faveur d'une augmentation du nombre d'immigrants au Canada et des investissements dans les nouveaux arrivants lorsqu'ils sont au pays. Je souhaite ardemment le succès d'un programme pilote d'immigration au Canada Atlantique.
Dans cette optique, je souhaite soulever une préoccupation que j'ai par rapport à un grand nombre de discussions que j'entends au Canada Atlantique; ces discussions mettent énormément l'accent sur les problèmes de main-d'oeuvre et un sentiment que nous pouvons stimuler la croissance en ajoutant plus de gens dans l'économie. Cela deviendra un problème si nous ne commençons pas à réfléchir davantage à une stratégie complémentaire ayant trait aux investissements du secteur privé en vue d'accroître la demande de main-d'oeuvre et de créer des débouchés pour les nouveaux arrivants.
L'un des problèmes qui se poseront est qu'il est difficile de comprendre comment l'augmentation de la main-d'oeuvre disponible peut favoriser la croissance à moins d'avoir une surabondance dans le marché du travail qui permet de réduire les salaires et d'attirer ensuite des investissements. Nous devons réfléchir attentivement au mécanisme que nous envisageons. Une stratégie axée sur la main-d'oeuvre disponible exige une surabondance qui stimulera les investissements en augmentant le rendement du capital. L'autre solution consiste à déterminer d'autres moyens d'attirer en premier les investissements, de stimuler la croissance des salaires et d'accroître la productivité de la main-d'œuvre. La main-d'oeuvre viendra ensuite pour profiter des débouchés.
Voici un exemple pour vous expliquer pourquoi cela m'inquiète; il s'agit d'une étude que nous avons récemment réalisée au sujet des migrants qui reviennent au Nouveau-Brunswick. Grâce aux données sur les déclarants, nous avons suivi les Néo-Brunswickois qui ont déménagé en Alberta et qui y ont travaillé au moins deux ans, puis nous avons étudié leur situation lorsqu'ils sont revenus au Nouveau-Brunswick. Nous avons examiné leurs revenus lorsqu'ils étaient en Alberta, lorsqu'ils sont revenus au Nouveau-Brunswick et ce que cela nous a permis d'apprendre au sujet de l'économie du Nouveau-Brunswick et de sa capacité d'absorber un plus grand nombre de travailleurs.
Si c'était vrai que le Nouveau-Brunswick avait une pénurie de main-d’œuvre, avec le retour de ces migrants plus expérimentés qui ont un capital humain plus élevé et qui connaissent bien la culture et le marché du travail, nous aurions donc dû constater que leurs revenus étaient plus élevés lorsqu'ils sont revenus dans la province que lorsqu'ils l'ont quittée. Nous aurions également dû constater que leurs revenus étaient liés aux travailleurs qu'ils sont plutôt qu'à l'endroit où ils travaillent. Bref, lorsqu'ils sont partis en Alberta, leurs revenus devraient correspondre à la dotation en capital humain qu'a perdue le Nouveau-Brunswick. Nous devrions donc nous attendre à voir un certain lien quant à leurs revenus à leur retour.
Nous avons constaté que la valeur des Néo-Brunswickois qui ont déménagé en Alberta était deux fois plus élevée lorsqu'ils travaillaient en Alberta qu'au Nouveau-Brunswick. À leur retour au Nouveau-Brunswick, ils avaient les mêmes revenus qu'ils auraient eus s'ils n'étaient jamais partis. Lorsque la valeur du capital humain d'un travailleur est deux fois plus élevée en Alberta qu'au Nouveau-Brunswick, cela nous apprend que ce n'est pas la personne, mais bien le lieu.
Nous devons réfléchir aux raisons pour lesquelles la province fait que la valeur d'une personne est beaucoup moins. La plus importante différence entre l'Alberta et le Nouveau-Brunswick est le capital par travailleur ou le niveau de la demande de travail. Cela nous apprend que, si vous optez pour une politique axée sur le capital humain comme l'immigration pour stimuler à elle seule la croissance, ce sera peine perdue. L'économie n'a tout simplement pas la capacité d'absorber la main-d'œuvre additionnelle.
Si nous n'augmentons pas la demande de travail et qu'il est impossible d'envisager une stratégie d'investissement, comment l'immigration stimule-t-elle la croissance?
Il reste deux moyens que nous pouvons examiner. Nous avons le remplacement. C'est quelque chose que nous avons appris au sujet du Canada dans les années 1990 avec le grand exode des cerveaux. Des Canadiens déménageaient aux États-Unis, et nous avons eu recours à l'immigration pour pallier la pénurie de main-d'oeuvre disponible qu'entraînait cette émigration. Énormément de gens quittent le Canada Atlantique. Nous aurions donc recours à l'immigration pour remplacer le plus possible le capital humain que nous perdons en raison de cet exode.
L'autre aspect dont vous entendez beaucoup parler est les pénuries de main-d'œuvre. Cela se résume à trouver des immigrants pour pallier ces pénuries. Le problème est que l'ampleur de ces pénuries de main-d'œuvre est en grande partie empirique, comme c'est justement le cas partout au Canada lorsqu'une pénurie de main-d'oeuvre est évoquée pour justifier un volet d'immigration différent. Nous ne savons pas combien d'autres immigrants nous pouvons absorber pour pallier ces pénuries.
Ma principale préoccupation est que nous avons des pénuries dans le marché du travail — des pénuries de compétences et de main-d'œuvre —, parce qu'il y a une anomalie dans le marché du travail. Les salaires ou l'emploi n'arrivent pas à s'adapter. Si vous ajoutez d'autres personnes dans un marché du travail dysfonctionnel, ce n'est pas garanti que cela règle le problème. Ce n'est pas garanti que ces pénuries puissent être comblées de façon durable sans nuire à l'évaluation d'un tel programme pilote.
En conclusion, comme je suis une personne qui voit les avantages de l'immigration au Canada, j'aimerais avoir une stratégie d'immigration pour la région de l'Atlantique qui est de taille raisonnable par rapport au marché du travail de la région. Je crois que cela nécessitera de très sérieuses discussions en vue d'inclure des stratégies d'investissement comme compléments à l'initiative.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, et merci à tous de me donner l'occasion de faire quelques commentaires aujourd'hui.
Je suis spécialiste en emploi des immigrants au Centre d'emploi KEYS à Kingston, en Ontario. J'ai été directeur national du service des droits de la personne et de lutte contre le racisme au Congrès du travail du Canada durant plus de huit ans, où j'étais responsable du dossier de la migration de la main-d'oeuvre. Depuis 2007, je contribue au dialogue de haut niveau aux Nations unies sur les migrations internationales et le développement, et je participe à titre de spécialiste du domaine du travail à de nombreux forums nationaux et internationaux. Par ailleurs, lorsque ma famille a immigré au Canada, nous sommes arrivés au Canada Atlantique, mais nous n'y sommes pas restés.
Le Programme pilote d'immigration au Canada Atlantique est une bonne initiative. C'est notamment ingénieux d'avoir un programme axé sur les besoins des employeurs qui s'associe au secteur des fournisseurs de services pour concevoir des plans d'établissement individuels. C'est une bonne mesure. J'aimerais consacrer une partie de mon temps à formuler des recommandations en vue de l'élargissement possible de ce programme et à parler du maintien des immigrants dans la région.
Des universitaires, comme Oreopoulos et Dechief et Ramos et Yoshida, se sont penchés en particulier sur les raisons pour lesquelles les nouveaux immigrants quittent le Canada Atlantique. Ils ont constaté que la deuxième principale raison est qu'une forte proportion d'immigrants sont victimes de discrimination. Que pouvons-nous faire?
Premièrement, nous pouvons investir dans des campagnes publiques pour faire la promotion des avantages de l'immigration, ce qui viendrait implicitement lutter contre la xénophobie tout en créant des alliances avec d'autres travailleurs marginalisés. Cela signifie d'élaborer des campagnes en partenariat avec la collectivité, des jeunes, des groupes autochtones, des municipalités, des organismes d'établissement, des syndicats, des employeurs et des groupes confessionnels. Cette stratégie est payante. Pourquoi? Cela permet de réduire le clivage entre « nous » et « eux ». Lorsque c'est possible, nous devons utiliser de telles campagnes pour soutenir des stratégies inclusives et exhaustives de développement de la main-d'œuvre.
Deuxièmement, c'est bien d'avoir des emplois, mais c'est encore mieux d'avoir du mentorat. Du mentorat professionnel entre pairs aide la main-d'oeuvre qualifiée à comprendre les nuances culturelles et les protocoles officieux au sein de leur profession. Les programmes de mentorat contribuent à bâtir des réseaux professionnels, à améliorer l'intégration sociale et à favoriser le maintien en place des travailleurs. Le maire de Calgary, Naheed Nenshi, a parlé de faire une place à un nouvel arrivant dans son équipe. Il se trouve que le nouvel arrivant était un élu dans son pays. Vous pouvez voir cela comme du mentorat avec le maire. Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que, lorsque les nouveaux arrivants ont un certain profil au sein d'une collectivité, cela peut servir de contrepoids à la xénophobie. Nous n'avons qu'à penser aux nouveaux arrivants qui sont le visage public dans certains emplois: les greffiers municipaux, les conducteurs d'autobus, les urbanistes municipaux ou le personnel du bureau du maire. Je vous encourage à regarder du côté du secteur public et du secteur privé pour trouver des débouchés. Je pourrais vous en dire plus sur le sujet durant la période de questions et de réponses.
Troisièmement, tournez-vous vers l'étranger par rapport aux compétences des nouveaux arrivants dans la collectivité. Les nouveaux arrivants maintiennent normalement de solides relations avec leur pays d'origine, y compris de précieux liens avec des professionnels de l'industrie, et apportent souvent un point de vue novateur. Dans notre organisme, nous dressons la liste des compétences des nouveaux arrivants et avons un résumé de leurs réseaux sociaux et économiques dans leur pays d'origine. Nous collaborons avec notre commission locale de développement économique pour recenser les petites et moyennes entreprises qui souhaitent prendre de l'expansion ou s'approvisionner sur les marchés mondiaux. Nous offrons ensemble des séminaires à ces PME qui sont donnés par de nouveaux arrivants qui ont de l'expérience pertinente dans le milieu des affaires, qui entretiennent des liens avec des fabricants étrangers ou qui ont des liens sur les marchés internationaux.
Voici un petit exemple. Yang est originaire de Chine et vient d'arriver au Canada. Elle possède une grande expérience dans le domaine de la production en usine; elle a dirigé une usine. Elle est membre de l'association des propriétaires d'usines et possède des connaissances dans le contrôle de la qualité et les exportations. Nous la jumelons aux petites et moyennes entreprises locales qui ont des besoins en la matière, mais qui ne savent pas comment s'occuper de l'approvisionnement en pièces, du contrôle de la qualité ou des règlements en matière d'importation. Ce jumelage favorise l'essor des entreprises. Les séminaires sont offerts aux PME qui ont une main-d'oeuvre spécialisée en vue de leur expliquer comment étendre ou améliorer leur efficacité opérationnelle en mettant à profit les connaissances des nouveaux arrivants sur les marchés mondiaux. L'expérience des nouveaux arrivants est reconnue et rémunérée, et cela favorise la croissance économique, l'intégration sociale, le maintien en place des immigrants et la compréhension des autres culturelles.
Quatrièmement, mettons l'accent sur la sécurité, la santé et l'autonomie des gens, parce que cela améliore leur maintien en place. L'Institut de recherche sur le travail et la santé, avec lequel collabore notre organisme, a réalisé des recherches très révélatrices. Pas moins de 90 % des accidents de travail des immigrants nécessitent des soins médicaux comparativement à 65 % pour les autres travailleurs. Les nouveaux arrivants sont plus susceptibles d'occuper des emplois où il y a un nombre élevé de risques possibles pour la santé et la sécurité au travail. Les immigrants récemment arrivés sont également moins susceptibles de présenter une demande d'indemnité à la suite d'un accident de travail. Les nouveaux arrivants connaissent souvent mal les mesures de sécurité et les processus pour présenter une demande d'indemnité à la suite d'un accident de travail.
La plus récente étude à laquelle nous avons participé s'est penchée sur quatre dimensions que prend la vulnérabilité en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail: le nombre de risques auxquels sont exposés les travailleurs, les politiques et les procédures en milieu de travail, la sensibilisation des travailleurs aux risques et aux droits et aux responsabilités et le niveau d'autonomie des travailleurs. Les principales leçons à tirer pour votre étude sont que les nouveaux arrivants sont exposés à plus de risques en milieu de travail et que leur faible autonomie et leur faible sensibilisation à l'égard de leurs droits les rendent plus vulnérables.
Quelles sont les conséquences et les recommandations? La formation sur la santé et la sécurité au travail doit être donnée à de nombreux moments et de nombreuses manières différentes. Une formation plus systémique est nécessaire. Il faut commencer tôt et au plus bas échelon des cours de langue seconde. Nous ne pouvons pas tout simplement dire aux gens de consulter des sites Web. Nous devons cibler les secteurs qui emploient les nouveaux arrivants. Nous devons inclure le secteur de l'établissement, les syndicats et les associations de travailleurs et nous assurer que la formation traite des droits et des attentes des nouveaux arrivants. Cela doit aller dans les deux sens. Il faut nommer un champion ou un organisme responsable pour collaborer avec ces intervenants.
Enfin, différents nouveaux arrivants qui travaillent dans différents secteurs ont besoin de soutien différent. Le professeur Ather Akbari de l'École de commerce Sobey de l'Université Saint Mary's prévoit que d'ici 2018 il y aura environ 56 000 occasions d'emploi au Canada atlantique; ce seront majoritairement des emplois de manoeuvre, soit environ 4 500, des emplois nécessitant un niveau de compétence intermédiaire, soit environ 16 600, et des emplois nécessitant un niveau de compétence technique ou des emplois pour le personnel paraprofessionnel, soit environ 17 500. Il prévoit que seulement 18 000 de ces occasions d'emploi seront des emplois plus spécialisés.
Il prévoit que de 35 à 45 % des chercheurs d'emploi immigrants occuperont des emplois de manoeuvre ou des emplois nécessitant un niveau de compétence intermédiaire. Le profil d'un nouvel arrivant est différent de celui d'un immigrant hautement qualifié. Que ferez-vous? Nous pouvons recommander d'investir dans la formation en langue seconde sur le lieu de travail, d'offrir du soutien personnalisé en matière de santé et de sécurité au travail et d'en intégrer la prestation en collaboration avec les syndicats, les employeurs et le secteur de l'établissement. Cela permettra de contribuer à une meilleure intégration à la collectivité et au milieu de travail, à atténuer la xénophobie et à accroître le maintien en place des gens.
Merci de votre temps.
:
C'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui pour vous parler d'immigration. Ce qui me motive, c'est ma vision et ma passion pour ma province natale, le Nouveau-Brunswick, en mettant l'accent sur ce qui se passe dans notre région.
Il existe un mythe selon lequel le Nouveau-Brunswick a du mal à retenir les immigrants. Tout mythe repose sur un brin de vérité. La vérité, c'est que le Nouveau-Brunswick a un problème de maintien en place qui est semblable à celui de la plupart des régions non cosmopolites canadiennes ayant des profils économiques et démographiques comparables. Le mythe, c'est l'idée qu'on peut comparer le problème du Nouveau-Brunswick à celui des régions cosmopolites du Canada.
Les statistiques ne sont pas représentatives de la réalité. À l'heure actuelle, les taux de rétention du Nouveau-Brunswick tiennent compte des immigrants qui n'aboutissent jamais au Nouveau-Brunswick. Par exemple, certains demandeurs principaux de l'immigration économique ou certains immigrants de la catégorie économique expriment leur intention de vivre au Nouveau-Brunswick et d'y démarrer une entreprise, mais à leur arrivée dans l'une des villes cosmopolites du pays — Montréal, Toronto, Vancouver —, ils décident d'y rester. Ils ne disparaissent pas comme par magie. Ces métropoles canadiennes profitent maintenant de nos attributions en matière d'immigration. Le Nouveau-Brunswick est un point d'entrée pour le Canada, mais l'inverse n'est pas vrai.
Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a reçu l'instruction d'entreprendre une étude sur l'immigration au Canada atlantique. Je suis ici pour vous parler du volet de l'étude qui porte sur le défi de retenir les nouveaux immigrants. Ma perspective sur l'expérience des nouveaux arrivants est façonnée par mes années de travail en Asie et par mes recherches sur le mentorat interculturel comme moyen d'appuyer les nouveaux immigrants entrepreneurs qui s'installent dans une région non métropolitaine au Canada.
Une étude de cas dans le cadre de telles recherches, c'est le Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants, mis à l'essai en 2008 par le Secrétariat de la croissance démographique du Nouveau-Brunswick, en partenariat avec la Chambre de commerce de Fredericton. Le programme était le premier en son genre, non seulement au Canada, mais aussi en Amérique du Nord. Le Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants est actuellement offert à Fredericton, à Moncton, à Saint John, à Edmundston et à Bathurst. D'autres administrations au Canada et à l'étranger ont emprunté ce modèle.
Ces immigrants, les tout nouveaux habitants des Maritimes — ou ce que j'appelle les pionniers des temps modernes — se sont installés dans de petites localités canadiennes, où ils se sentiront souvent différents des autres. Dans les petites localités du Canada, les réseaux sont particulièrement homogènes — il s'agit de la société en général du Nouveau-Brunswick. Les pionniers des temps modernes ont besoin d'une aide accrue.
Conscient des limites de l'écosystème actuel du monde des affaires, le Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants a été conçu pour mélanger un peu les choses. C'est une mesure d'innovation sociale destinée à fournir aux nouveaux immigrants entrepreneurs, à nos pionniers des temps modernes, l'occasion d'apprendre de leurs mentors, qui sont des entrepreneurs chevronnés. Il s'agit de jumeler des immigrants à des gens d'affaires locaux qui agissent comme mentors. Le Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants offre à la fois des possibilités de réseautage et un soutien professionnel. Il n'est pas rare que ces mentors finissent par devenir naturellement des hôtes pour les nouveaux arrivants.
La situation au Nouveau-Brunswick suscite beaucoup d'intérêt. D'autres administrations s'emploient à reproduire, au sein de leurs collectivités, le Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants du Nouveau-Brunswick. Grâce, en partie, à la reconnaissance accordée à ma recherche en la matière par l'International Mentoring Association, ce programme est maintenant reconnu à l'échelle mondiale.
Nous avons admis que le Nouveau-Brunswick a un problème de maintien des immigrants, tout comme d'autres collectivités non métropolitaines du Canada. Toutefois, la comparaison actuelle avec des provinces ayant de grandes villes métropolitaines place le Nouveau-Brunswick dans une position désavantageuse.
J'aimerais maintenant parler des moyens de retenir les nouveaux immigrants. Outre le Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants et le Projet pilote d'immigration au Canada atlantique, comment pouvons-nous contribuer? Que peuvent faire les gens ordinaires? L'absence de groupes institutionnels offrant des services complets ou de communautés ethniques solides dans les régions non métropolitaines du Canada signifie que les immigrants, les pionniers de notre époque, sont souvent incapables de compter sur les liens ethniques ou les ressources de leur propre communauté, ce qui est jugé essentiel pour le maintien en place et la résilience.
Les nouveaux arrivants veulent faire partie de la collectivité, et ils veulent vraiment s'intégrer à des collectivités pleines de compassion. Chacun de nous a un rôle constant à jouer à cet égard. Beaucoup diraient que la générosité et la bienveillance font partie de l'ADN des gens des Maritimes. Nous sommes célèbres pour notre chaleur de la côte Est. À mon sens, nous n'aurons aucun mal à nous rapprocher davantage de ces gens — et je ne veux pas dire que nous devons entretenir des relations d'amitié. Les actes de bonté spontanés, nous excellons tous là-dedans. Ce que je dis, c'est que nous devons prendre le temps de devenir des mentors pour les nouveaux arrivants — chacun de nous. Tendons-leur la main de façon intentionnelle et personnelle.
Plus récemment, avec l'arrivée de réfugiés syriens à Fredericton, un comité d'intégration appelé First Fredericton Friend a permis de jumeler chaque nouvelle famille à au moins deux bénévoles. Le programme a connu un tel succès qu'il a été reproduit un peu partout au pays. À l'heure actuelle, le taux de rétention des Syriens du Nouveau-Brunswick est de 90 %.
Le mentorat est de plus en plus considéré comme un élément important d'une stratégie globale de rétention. Au nombre des qualités requises pour devenir un mentor, mentionnons la curiosité, l'intégrité, l'optimisme, l'humilité et la compassion. Il faut parfois du courage pour remplir ce rôle. Si vous n'êtes pas certain d'avoir ce qu'il faut, je vous invite à consulter la chaîne des conférences TED sur YouTube. Vous y trouverez des conférences sur le mentorat, y compris la mienne. Ce pourrait être un guide utile.
Au fond, tout dépend de la personne. Certes, on ne peut nier l'importance du Programme pilote d'immigration au Canada atlantique et du Programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants, ni d'ailleurs le rôle essentiel des investissements du secteur privé et de la participation des organismes d'aide aux immigrants, mais il subsiste encore une lacune dans notre stratégie visant à encourager les nouveaux arrivants à rester dans la région. La possibilité de nouer des liens avec les résidants locaux permet aux immigrants de s'enraciner dans leur nouvelle communauté et de se forger une identité à l'intérieur de celle-ci, mais comment faire pour cultiver de telles relations? Qui doit aider qui, et d'où doit provenir cet effort? Le mentorat axé sur la personne permettra de renforcer les liens des communautés établies, d'encourager la diversité des points de vue, des cultures et des expériences dans une région et de revitaliser le bénévolat.
Il est donc essentiel d'encadrer nos nouveaux arrivants, ces pionniers des temps modernes, pour nous assurer qu'ils n'iront pas ailleurs. Voilà pourquoi je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de sensibiliser les Canadiens — ceux que vous connaissez déjà et ceux que vous aurez l'occasion de rencontrer — et de les encourager, officiellement ou non, à accueillir les nouveaux arrivants.
Je vous remercie de votre attention.
:
Voici le problème que pose cette stratégie: si vous déterminez, selon une certaine formule de répartition, le nombre d'immigrants pouvant être admis dans tel ou tel endroit, sans tenir compte des forces du marché qui entreront en jeu à leur arrivée, la dotation initiale n'aura aucun poids. Les gens iront là où il y a des débouchés et là où les circonstances sont plus favorables.
Voilà pourquoi la stratégie ne peut pas reposer uniquement sur la répartition. Même dans le cas des subventions de capital qui entrent au pays, si vous voulez qu'une usine s'installe dans une localité donnée, disons dans une région rurale, il y aura des subventions pour les dépenses salariales et d'autres mesures d'encouragement pour y garder les capitaux.
Si vous voulez procéder à une répartition en milieu rural, sachant que Toronto a une longueur d'avance sur le plan de la réduction des risques pour les immigrants, en ce sens que d'autres possibilités leur seront offertes si jamais ils perdent un emploi, comment allez-vous compléter le contingent ou l'attribution pour inciter les immigrants à rester? Comment allez-vous compenser quelque chose comme la difficulté accrue à acquérir une expérience de travail dans une localité? Y aura-t-il un allègement fiscal? Y aura-t-il une sorte de bourse ou de paiement direct? C'est ce que nous faisons dans le cas des étudiants.
Encore une fois, nous devons renoncer à la mentalité selon laquelle il suffit d'une simple répartition. Il faut songer au marché dans lequel a lieu l'attribution. Si vous n'imposez pas de restrictions quant aux endroits où maintenir les gens, ils iront tout simplement à Toronto ou à n'importe quel autre endroit où il y a plus d'occasions.
:
Merci de votre question.
L'importance des services d'information avant l'arrivée est énorme. Je traite avec des clients sur une base quotidienne. J'ai présentement 600 clients. Beaucoup d'entre eux sont des professionnels ou des semi-professionnels. En général, les gens ne sont tout simplement pas informés des procédures de reconnaissance de diplômes et d'obtention de permis. Ils ignorent l'existence de certains traits caractéristiques de la collectivité qui sont pertinents pour eux, pas seulement en ce qui concerne l'emploi, mais aussi l'infrastructure sociale et culturelle de cet endroit qui pourrait devenir leur nouveau patelin. Où est la mosquée? Où sont les groupes communautaires? Où peut-on se procurer certains aliments? Qui d'autre habite là? Bien souvent, ces réponses n'arrivent qu'après l'établissement. Des services d'information antérieurs à l'arrivée pourront mettre ces personnes en contact avec les institutions, les réseaux et les communautés hôtes qui peuvent les aider à nouer des liens. C'est dans la même ligne que ce que disait mon collègue. Bien entendu, ces services sont toujours meilleurs lorsqu'ils sont prodigués en personne, mais les technologies numériques que nous avons maintenant nous facilitent tellement les choses. La diffusion de cette information fait toute une différence.
La deuxième chose qui est importante, c'est de veiller à ce que les collectivités aient les infrastructures sociales, culturelles et politiques voulues pour faire en sorte que les gens se sentent les bienvenus. Je parle ici de tout ce qui concerne l'alimentation, la mode vestimentaire, les activités récréatives, ces événements où les gens pourront danser dans des habits d'autres cultures et essayer de nouveaux mets. Je parle aussi d'événements un peu plus raffinés que cela, d'événements où l'on célèbrera de façon authentique les différentes cultures et les expériences particulières de ces gens.
Permettez-moi de vous donner un bref exemple. Le 20 juin, à l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, nous avons organisé un événement dans notre collectivité. À cette occasion, les membres de la communauté locale de réfugiés ont raconté des anecdotes au sujet des endroits qu'ils ont laissés derrière eux pour venir ici. La salle était décorée de photos retraçant leurs différents parcours. Ils nous ont raconté leur vie personnelle. Nous avons écouté leur musique. La salle était remplie à craquer. Le message qui était transmis, c'est que les gens d'ici se soucient d'eux, que nous sommes au courant de ce qui se passe dans le monde. Nous voulions qu'ils se sentent les bienvenus. Des événements simples comme celui-là peuvent avoir des effets d'une profondeur insoupçonnée.
:
Merci de cette occasion, mais avant de le faire, Roxanne vient de me rappeler que dans notre collectivité, les petites choses aident grandement. Le conseiller municipal de la collectivité locale a placé sur sa pelouse un écriteau sur lequel il est écrit « Peu importe d'où vous venez, nous sommes ravis que vous soyez notre voisin ». Nous allons en imprimer 500 copies en quatre langues et les distribuer à la grandeur de la ville. C'est un message très clair du conseil municipal, de concert avec l'appli, pour dire « Nous sommes heureux que vous soyez ici ». C'est aussi une action directe pour contrer la xénophobie qui, nous le savons, accompagne l'immigration.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui date de 2006, a été catastrophique. Ensuite, on a passé presque 10 ans à y ajouter des mesures d'application, de surveillance et de conformité inadéquates. Pour répondre à votre question, nous avons maintenant une situation dans laquelle le gouvernement a délivré 635 000 permis de travail temporaires dans le cadre des deux volets du programme. Cela dépasse largement le nombre de résidents permanents que nous acceptons, bien que 22 % des personnes titulaires d'un permis de travail temporaire gravitent en fait vers le statut de résident permanent. Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que quelque chose a mal tourné. Les titulaires d'un permis de travail temporaire doivent pouvoir travailler à obtenir le statut de résident permanent dans la dignité, jouir d'une certaine accessibilité, et ce, sans devoir composer avec les diverses stries qui existent actuellement. Les travailleurs agricoles saisonniers ne verront jamais de possibilité, malgré le fait que certains d'entre eux viennent au Canada depuis plus de 30 ans. Les personnes titulaires de permis de travail d’époux, qui dépendent du statut d'étudiant de leur conjoint, se retrouvent trop souvent avec un statut de sans-papiers.
Seulement dans les cas que je traite, j'ai plus de deux douzaines de clients qui avaient un statut juridique adéquat à leur arrivée, mais qui sont tombés dans les systèmes pour gérer le flux d'immigrants et les sans-papiers à cause des lacunes du système. Nombre d'entre eux sont titulaires de permis pour travailleurs étrangers temporaires. Nous devons revoir cela. Le bassin est énorme — le nombre que je vous ai donné, 635 000, est un nombre important — et une bonne partie de ces personnes, nettement plus que 22 %, pourrait obtenir le statut de résident permanent si on déterminait pourquoi ce programme n'a pas fonctionné.
Je n'ai pas suffisamment de temps pour vous donner une réponse adéquate.
:
Cependant, juste avant de le faire, je n’ai pas bien répondu à votre question précédente concernant les autres mesures que vous pourriez prendre. Nous avons vu qu’on avait apporté des changements modestes au programme Entrée express, qu’on accordait des points supplémentaires aux étudiants internationaux, par exemple, pour qu'ils obtiennent le statut de résident permanent. De même, peut-être que les personnes titulaires de permis de travail temporaire pourraient, sous certaines conditions, récolter plus de points pour pouvoir obtenir le statut de résident permanent. Le fait de donner la possibilité à un titulaire de permis temporaire pour les travailleurs étrangers d’obtenir le statut de résident permanent serait une autre façon d’accroître le maintien en poste.
Pour répondre à votre question concernant les autres mesures que peut prendre le secteur de l’établissement, je suis toujours impressionné par mes collègues de ce secteur. C’est un domaine qui demande de la bienveillance, et ces gens en font constamment preuve. À titre d’exemple, ce matin, nous avons eu un client qui s’est fait faire une offre d'emploi qui a été annulée à la dernière minute. Il venait de quitter son autre emploi de conducteur d’autobus scolaire et, maintenant, il a perdu son travail d’après-midi. Mes collègues et moi-même nous sommes ralliés pour lui venir en aide, même si je devais me dépêcher pour ne pas manquer mon train pour venir ici. C’est ce que font les travailleurs dans ce domaine, mais personne ne paie les intervenants du secteur de l’établissement pour le type de travail que nous faisons.
Que peuvent faire les intervenants du secteur de l’établissement? Nous fonctionnons avec un budget très rigide, et il arrive parfois que notre contrat ne nous permette pas de travailler avec les sans-papiers. Nous ne sommes pas autorisés à offrir de services aux travailleurs étrangers temporaires, aux personnes en mouvement. Heureusement, j’ai beaucoup de mal à lire les passages de ces contrats en petits caractères lorsque les gens sont dans le besoin, mais ce type de restriction imposé par les contrats ne nous permet pas de composer avec la complexité des immigrants en tant que tels.
Nous avons besoin de financement et de ressources supplémentaires, de financement pour les services novateurs qui nous amènent au-delà de certains parcours traditionnels, et de pouvoir sortir des catégories de personnes traditionnelles qui peuvent bénéficier de services. Il y a énormément de gens. Deux comités parlementaires ont déjà présenté des rapports qui estimaient que le nombre de sans-papiers était nettement supérieur à un demi-million.
:
Au Nouveau-Brunswick, nous avons réorganisé le volet économique du PCP de façon à ce que cinq agents d'immigration autorisés s'en occupent. Par le passé, il était très difficile de faire du suivi pour savoir qui avait recruté les immigrants entrepreneurs au Nouveau-Brunswick, car les agents d'immigration pouvaient se trouver n'importe où dans le monde. Les entrepreneurs potentiels peuvent maintenant s'adresser à l'un des cinq agents. Ils peuvent aussi, bien sûr, soumettre une demande par eux-mêmes, s'ils le souhaitent.
Nous pensons que ces cinq consultants en immigration autorisés seront mieux à même de trouver des entrepreneurs pionniers qui veulent aller s'installer dans une petite ville rurale au Canada. Ainsi, nous pouvons faire du suivi et savoir lequel a recruté tel entrepreneur qui est resté, s'est établi avec sa famille et a créé des emplois dans la région pour le récompenser, et accroître son allocation. Par contre, si l'agent autorisé n'atteint pas ses objectifs, soit d'effectuer des jumelages qui répondent à nos besoins — en recrutant des arrivants qui veulent vivre dans une petite ville et qui sont en mesure de créer des entreprises en phase avec les piliers de croissance économique prévus par la province et l'industrie —, ils seront ou ne seront pas récompensés, selon leur rendement.
Je pense que ce mécanisme de suivi sera extrêmement utile, mais comme nous venons tout juste de le mettre en place, il faudra attendre pour voir les résultats. Selon mon expérience, les politiques publiques sont créées avec la bonne intention, et souvent, elles fonctionnent bien. Je fonde de bons espoirs sur ce mécanisme.
:
Je m'appelle Penny Walsh McGuire, et Walsh McGuire est mon nom de famille. Merci.
Bonsoir, monsieur le président, mesdames les vices-présidentes, mesdames et messieurs les membres du Comité, et bonsoir aussi aux autres témoins.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité sur cet important sujet qu'est l'immigration au Canada atlantique.
La Greater Charlottetown Area Chamber of Commerce est la porte-parole des entreprises et elle offre à ses membres des services, des ressources et du soutien pour améliorer leur capacité à faire des affaires. Son réseau très diversifié de près de 1 000 membres rejoint presque tous les secteurs industriels et toutes les professions. Je peux affirmer que la diversité s'accroît, puisqu'environ 10 % de nos membres sont arrivés au Canada au cours des cinq dernières années.
Depuis 2011, la chambre gère le programme P.E.I. Connectors. Vous le connaissez sans doute très bien. Je pense qu'il y en a 23 au pays. Nous gérons une initiative panprovinciale. Les investisseurs et les entrepreneurs immigrants peuvent profiter concrètement des services de développement professionnel, de réseautage et de conseils que nous offrons. Nos clients sont surtout des demandeurs du Programme des candidats des provinces. En 2006, nous avons offert des services à plus de 500 clients entrepreneurs, qui en étaient à différentes étapes du lancement de leur entreprise. Nous examinons actuellement diverses initiatives de développement de l'emploi pour les nouveaux arrivants et pour les nouveaux diplômés. La croissance de la population est, en outre, une de nos priorités stratégiques, ce qui vous confirme, je pense, à quel point le sujet à l'étude nous intéresse.
Comme dans nombre des provinces voisines, la population de l'Île-du-Prince-Édouard est vieillissante. En 1971, l'âge moyen des habitants était un peu en deçà de 25 ans; elle frise maintenant les 44 ans. La province est la plus jeune du Canada atlantique, l'âge moyen y est de trois ans plus élevé que la moyenne canadienne et de six ans de plus que chez nos cousins des Prairies. Je ne m'étendrai pas sur les statistiques, mais je vais vous donner un peu plus de contexte pour ceux qui sont en ligne.
Même si, selon les indicateurs, la tendance commence à se renverser, l'Île-du-Prince-Édouard doit continuer, essentiellement, d'attirer des immigrants, et de les amener à rester, pour faire croître sa population. La migration internationale demeure un facteur important pour assurer la croissance de sa population et de son marché de l'emploi. Le taux d'immigration, 13,6 par 1 000 habitants, y est le plus élevé au pays. Ce chiffre date du début du printemps; il pourrait être plus élevé maintenant. Nous étions à égalité avec l'Alberta, et nous avons le taux d'immigration le plus élevé au Canada atlantique.
Nous sommes fiers, bien sûr, de voir l'immigration croître, mais l'un des défis pour l'Île-du-Prince-Édouard, comme pour beaucoup d'autres provinces dans la région et au pays, est d'amener les nouveaux arrivants à rester. À l'heure actuelle, nous réussissons à en garder seulement 38 % à long terme. Le long terme se définit, je pense, comme environ cinq ans. Ils sont nombreux à quitter l'île après deux ans.
Le plan d'action de la province pour assurer la croissance de la population vise principalement à maximiser les taux de rétention des immigrants et à garder nos jeunes et nos travailleurs qualifiés.
Je veux vous parler aussi d'un domaine où le Canada atlantique est en bonne posture pour réussir, à mon avis, et c'est le recrutement et la rétention des étudiants étrangers. L'âge, les compétences et les retombées économiques de ces étudiants en font, bien sûr, une population tout particulièrement attrayante. Je m'en voudrais de ne pas mentionner et souligner l'importance du volet « diplômés étrangers » du projet pilote d'immigration au Canada atlantique, qui recèle un potentiel énorme, je crois, pour notre région. Quand je parle à mes collègues au niveau provincial, je leur dis que nous ne pourrons pas voir de résultats concrets avant l'an prochain, étant donné qu'il a été lancé en mars.
Cela dit, je pense qu'il existe encore quelques obstacles pour les étudiants, et c'est ce qu'on entend dire. La Charlottetown Chamber of Commerce était donc fière de coparrainer une résolution nationale avec la Chambre de commerce du Canada et la Fredericton Chamber of Commerce pour appuyer l'idée d'offrir plus de possibilités aux étudiants d'acquérir de l'expérience, car on constate encore que les employeurs l'exigent des diplômés. Nous aborderons quelques points.
Nous examinons les recommandations visant à permettre aux étudiants étrangers de participer au programme Emplois d'été Canada. L'expérience de travail est indispensable. Nous avons eu la chance d'obtenir une subvention cet été, mais tous les étudiants étrangers que nous avons trouvés n'étaient pas admissibles.
Je pense qu'il faudrait aussi modifier les permis étudiants afin de permettre aux étudiants étrangers de participer à des stages de formation ou d'internat sans avoir à obtenir un permis de travail distinct.
Il reste quelques points que je vais peut-être aborder, mais comme le temps file, je tiens à mentionner que l'expérience de travail est un élément clé pour les étudiants, et que le projet de loi est certainement un pas en avant pour mieux cibler les étudiants étrangers dans nos efforts de recrutement et de rétention au Canada.
Je vais vous parler aussi un peu du projet pilote d'immigration au Canada atlantique. J'ai noté que c'était un sujet d'intérêt. Nous en sommes encore au tout début, mais nous voyons quelques résultats. Je crois que nous sommes la deuxième ou la troisième chambre de commerce en importance au Canada atlantique, à égalité avec Fredericton habituellement. Beaucoup de nos membres nous ont dit qu'ils étaient emballés par l'idée. Les responsables du bureau d'immigration de la province m'ont dit qu'ils croyaient pouvoir atteindre les cibles pendant la première année du projet pilote. Nous avons certes entendu de nombreux exemples de réussite.
L’une des préoccupations dont nous entendons parler — et c’est peut-être davantage le cas pour le volet de l’établissement — est liée aux obligations de l’employeur et à sa compréhension des ressources dont il aura besoin pour vraiment appuyer un nouvel employé recruté dans le cadre de ce programme. Il faut que les employeurs comprennent vraiment qu’ils soutiennent l’intégration de cette personne non seulement au sein de leurs effectifs, mais aussi au sein de leur collectivité. Bien qu’à notre avis, cette approche soit excellente puisqu’elle fournit toujours au Canada atlantique des possibilités personnalisées, nous avons entendu des employeurs qui participent au volet de l’établissement exprimer certaines inquiétudes. Notre organisme d’aide à l’établissement fait un excellent travail, mais il s’agit d’une nouvelle initiative, et il est probablement nécessaire que les employeurs comprennent les responsabilités qui leur incombent.
Je n’en dirai pas beaucoup plus à ce sujet, si ce n’est que…
Merci beaucoup.
Bonsoir à vous tous. Je vous remercie infiniment de l’occasion qui m’est donnée de venir à Ottawa et de vous parler aujourd’hui d’un sujet qui me tient vraiment à coeur. Je suis conseillère municipale pour la municipalité régionale du Cap-Breton. Par conséquent, lorsque j’étudie les enjeux démographiques, je sais pertinemment que je gère quotidiennement les dollars qui vont bientôt manquer de l’autre côté de notre pont-jetée. Toutefois, je vous remercie infiniment encore une fois.
Mon expérience de conseillère municipale n’explique pas exactement la raison pour laquelle je suis ici. Ma présence est davantage liée à l’expérience que j’ai acquise dans le passé en travaillant avec l’Université du Cap-Breton dans le cadre de son projet pilote d’immigration rurale et urbaine au Cap-Breton. Cela me permet vraiment de participer à la séance du Comité d’aujourd’hui. Le projet pilote d’immigration rurale et urbaine au Cap-Breton a été proposé pour répondre au rapport intitulé « Now or Never » produit par Ray Ivany, qui est membre de la One Nova Scotia Coalition. Ce rapport indique clairement que la Nouvelle-Écosse ne peut tout simplement pas maintenir sa croissance économique au fil des ans à moins de connaître un renouvellement de sa population, ce qui veut dire en réalité que nous avons besoin d’un plus grand nombre de travailleurs, d’entrepreneurs et de consommateurs.
Le rapport a entraîné la reconnaissance du fait que plus de 1 200 étudiants internationaux résident à l’île du Cap-Breton. Il était donc tout indiqué que l’Université du Cap-Breton lance une initiative à l'échelle de l’île visant à accroître son immigration. Trois questions ont essentiellement orienté le projet pilote. Comment l’île du Cap-Breton, en particulier, peut-elle atteindre un taux d’immigration d’au moins 1 000 nouveaux arrivants par année? Quel pourcentage de ces 1 000 immigrants représenteraient les étudiants internationaux qui fréquentent déjà nos établissements postsecondaires et leurs familles? Enfin, quels changements doivent être apportés à notre gouvernance, notre coordination régionale, nos programmes et nos services de soutien pour pouvoir atteindre ces objectifs fort ambitieux?
Nous avons commencé à répondre à ces questions en établissant un groupe de travail sur l’immigration à l’échelle de l’île, et nous nous sommes portés à la rencontre de notre population étudiante internationale au moyen d’une enquête. Les questions de l’enquête mettaient l’accent sur le désir de ces étudiants d’immigrer dans notre région, sur la mesure dans laquelle ils percevaient le Cap-Breton comme une communauté accueillante et attentive à leurs besoins, et sur les changements qu’ils recommandaient d’apporter au processus d’immigration pour rendre l’immigration plus attrayante pour la population étudiante internationale.
Voici un résumé des résultats de l’enquête. Selon les répondants, il y a un manque de services de soutien et de services d’aide aux immigrants en personne et de première ligne à l’île du Cap-Breton. C’est l’un des plus importants obstacles que notre île présente. Cependant, il est intéressant de noter que la majorité des répondants de l’enquête ont déclaré avoir un esprit d’entreprise et être instruits, et, ce qui importe encore plus, ils ont indiqué avoir tissé un lien avec l’île du Cap-Breton et souhaiter y demeurer après l’obtention de leur diplôme. En fait, 88,4 % de nos répondants planifiaient de présenter une demande de permis de travail postsecondaire, et 35 % de ces répondants ont déclaré souhaiter démarrer une entreprise. Lorsque vous tenez compte du fait que 67 % des répondants étaient âgés de 20 à 25 ans, vous pouvez imaginer que ces étudiants et ces données nous offrent véritablement un peu l’espoir de pouvoir renverser la tendance observée par rapport à certains des enjeux démographiques auxquels nous faisons face sur l’île.
Je ne sais pas si qui que ce soit est au courant de quelques-uns des problèmes que nous affrontons, mais je précise qu’à l’heure actuelle, l’île du Cap-Breton perd au moins 1 500 habitants par année, et cela signifie que nous perdons 19 millions de dollars de dépenses de consommation. Ces chiffres sont très choquants si on les combine au fait qu’en 2015, 2 005 immigrants sont arrivés en Nouvelle-Écosse et se sont établis à Halifax, alors que seulement 92 personnes sont venues à l’île du Cap-Breton. Les autres régions de la province se sont partagé 10 personnes. Cette tendance en matière d’établissement est demeurée la même depuis des dizaines d’années. En Nouvelle-Écosse, nous continuons d’observer la croissance d’Halifax, notre capitale, pendant que les autres régions de la province s’atrophient. Étant donné que la population actuelle du Cap-Breton se chiffre à moins de 130 000, les choses ne peuvent tout simplement pas continuer ainsi, sinon notre île cessera d’exister. Ce qui explique l’enthousiasme que nous éprouvons à être ici et à travailler avec vous tous en vue de contribuer à la mise en oeuvre du Programme pilote d’immigration au Canada atlantique.
Nous aimerions voir dans ce programme une initiative équitable fondée sur les régions. Ça crève le coeur de voir les étudiants quitter l’île les uns après les autres une fois qu’ils ont obtenu leur diplôme, et ils le font pour une seule raison. Ils affirment ne pas être en mesure de se prévaloir des services dont ils ont besoin pour immigrer là-bas.
Où en sommes-nous maintenant? Eh bien, comme je l’ai indiqué auparavant, moins de 100 nouveaux arrivants se sont établis à l’île du Cap-Breton l’an dernier. Il faut que nous accueillions au moins 1 000 personnes pour commencer seulement à stabiliser notre population. Cette situation se produit pour une raison très précise, et elle se résume à l’argent. C’est une question de financement. Les services d’aide à l’immigration continuent d’être offerts dans la capitale provinciale, et aucun plan n’est prévu pour promouvoir l’immigration vers d’autres régions économiques de notre province.
Pendant que le PPICA continue d’être déployé, j’espère que vous prendrez en considération les recommandations suivantes que je vous fais aujourd’hui.
Comme la mise en oeuvre du PPICA n’en est qu’à ses débuts, il serait utile de donner à toutes les municipalités des provinces de l’Atlantique une séance d’information complète sur le projet pilote ainsi que des suivis réguliers. J’ai entendu plusieurs fournisseurs de services d’immigration dire que le processus de désignation de l’employeur leur cause beaucoup de difficultés. Il s’ensuit que les employeurs refusent de participer au processus parce que ses exigences sont simplement trop difficiles à remplir, et ce sont eux, plus que quiconque, qui ont besoin de main-d’oeuvre.
Nous devons être plus conscients des besoins de nos régions économiques, au lieu de mettre en oeuvre ce programme d’un point de vue provincial. Il y a 15 régions économiques dans les provinces de l’Atlantique, et 9 d’entre elles connaissent un recul constant. Les fonds fournis par IRCC pour financer le programme d’immigration provinciale devraient l’être à la condition formelle qu’ils soient répartis de manière à venir en aide à toutes les régions en fonction de leurs besoins. Il n’est pas question d’élargir les services dans un domaine ou de les dédoubler, mais plutôt de s’assurer que chaque région dispose de ce qui est nécessaire pour accueillir de nouveaux arrivants.
Ce faisant, les régions économiques devraient être en mesure de stipuler leurs besoins, qu’il s’agisse de pénuries de main-d’oeuvre ou d’objectifs atteignables en matière d’immigration. En permettant aux régions économiques de communiquer directement avec IRCC, les plafonds d’immigration pourront être ajustés rapidement. Nous savons que cela représente un énorme problème à régler pour que les besoins en matière de main-d’oeuvre soient satisfaits et que nos collectivités aient une chance de croître.
Cet espoir peut sembler un peu fou, mais, en plus du PPICA, nous aimerions que le Cap-Breton bénéficie un jour de son propre programme des candidats. Notre économie fondée sur le tourisme et la pêche est très intéressante; permettez aux gens de vous décrire leurs besoins et la main-d’oeuvre qu’ils peuvent gérer, puis répondez à ces besoins.
Enfin, je sais que cela ne fait pas partie du mandat du PPICA, mais, à mon avis, il ne fait aucun doute que nous devons mettre davantage l’accent sur la transition d’étudiant international à résident permanent du Canada et sur la facilitation de l’établissement à l’extérieur des capitales. L’un des répondants de l’enquête a déclaré que les collectivités rurales étaient comme une toile blanche de perspectives en matière de démarrage de nouvelles entreprises. Là où les habitants du Cap-Breton ne voient qu’un espace vide, il voit son avenir. Ces paroles résonnent donc dans ma tête lorsque je prône l’immigration vers notre région. Il y a tellement d’occasions que nous, les habitants du Cap-Breton, ne reconnaissons même pas et qui attendent d’être saisies par nos nouveaux arrivants à l’esprit créatif.
Je vais conclure mon exposé ici, étant donné que je crois avoir dépassé ma limite de temps, mais je tiens à vous remercier tous infiniment de m’avoir invitée à participer à votre séance et d’avoir pris le temps de m’écouter. Il est merveilleux de prendre part à cette étude.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui. La langue maternelle de certains d’entre vous est l’anglais.
[Français]
Pour d'autres, c'est le français.
[Traduction]
Je tenterai donc de trouver un juste équilibre en matière d’utilisation des deux langues officielles.
[Français]
Nelson Mandela a dit: « Parler à quelqu’un dans une langue qu’il comprend, c’est toucher son cerveau, mais lui parler dans sa langue maternelle, c’est le toucher au cœur. »
En ma qualité de commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, j'ai deux rôles principaux à jouer: d'une part, veiller au respect de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick et, d'autre part, promouvoir l'avancement du français et de l'anglais dans la province.
L'immigration a une influence déterminante sur la vitalité des deux communautés linguistiques officielles. C'est donc en vertu de mon mandat de promotion que nous intervenons dans ce dossier.
[Traduction]
Notre position dans le dossier de l’immigration peut être résumée ainsi: la Charte canadienne des droits et libertés confirme l’égalité de statut des deux communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick. Par conséquent, les politiques, programmes et interventions des deux paliers de gouvernement en matière d’immigration ne doivent pas venir affaiblir la vitalité d’une communauté linguistique par rapport à l’autre. Malheureusement, depuis plusieurs années, l’immigration au Nouveau-Brunswick profite davantage à la communauté anglophone qu’à la communauté francophone. Le Commissariat aux langues officielles intervient donc dans ce dossier pour veiller à ce que l’immigration au Nouveau-Brunswick maintienne la composition linguistique de cette province, soit un tiers francophone; deux tiers anglophones. En d’autres termes, nos interventions dans ce dossier ne visent pas à déterminer combien d’immigrants la province devrait accueillir, mais plutôt la répartition de cette immigration dans chacune des deux communautés linguistiques.
Au cours de cette présentation, je vais donc résumer nos diverses interventions dans ce dossier et les résultats obtenus jusqu’à présent.
[Français]
Il y a quelques mois, un journal du Nouveau-Brunswick a publié un texte de l'un de nos anciens premiers ministres, Frank McKenna, après sa comparution devant votre comité au mois de juin. Dans ce texte, M. McKenna explique à quel point l'immigration est au coeur de l'avenir des provinces de l'Atlantique. Il termine son texte ainsi: « Demography is destiny! », c'est-à-dire que le destin de l'Atlantique passe par sa démographie.
La formule frappe l'imagination, et pour cause.
Le Nouveau-Brunswick se heurte de plein fouet aux défis du vieillissement de sa population et d'un faible taux de natalité.
Statistique Canada annonçait, le 8 février dernier, que la population du Nouveau-Brunswick avait diminué de 0,5 %. C'est la seule province ou le seul territoire ayant enregistré une baisse de sa population de 2011 à 2016. Je le répète: c'est la seule province.
Notre avenir passe donc par l'immigration, et il y a urgence d'agir.
Cependant, il faut faire attention: l'immigration doit servir les intérêts des deux communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick. En d'autres termes, elle ne doit pas affaiblir une communauté comparativement à l'autre.
[Traduction]
Immigrer est un processus long et complexe. Il faut une bonne dose de ténacité pour franchir les différentes étapes du processus d’immigration, lequel est très réglementé. Le cadre réglementaire en cette matière contraste d’une façon assez saisissante avec l’attitude plutôt laxiste que des gouvernements ont eue quant à l’impact de l’immigration sur les communautés de langue minoritaire. Comment a-t-on pu faire abstraction pendant si longtemps de cette question?
Comme toujours, en matière de langue et de droits des minorités, il faut de la sensibilisation, encore et toujours: de la sensibilisation pour faire connaître les besoins des communautés minoritaires, pour expliquer les rapports qui existent entre une langue minoritaire et une langue majoritaire et pour exposer les risques d'assimilation.
Les interventions du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick ont contribué à sensibiliser les politiciens et les fonctionnaires provinciaux et fédéraux aux besoins de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick. Avant, on ne parlait même pas de cible en matière d’immigration francophone au Nouveau-Brunswick. Aujourd’hui, c’est tout le contraire.
[Français]
Il faut certes sensibiliser nos dirigeants. Il faut aussi rappeler aux deux paliers de gouvernement leur devoir de respecter leurs obligations constitutionnelles.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la Charte canadienne des droits et libertés précise que les deux communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick ont un statut d'égalité. Par conséquent, dans nos démarches en matière d'immigration, nous rappelons toujours aux deux paliers de gouvernement qu'ils ont l'obligation constitutionnelle de veiller à ce que leurs politiques, programmes et pratiques en matière d'immigration respectent ce principe d'égalité et qu'ils ne défavorisent pas une communauté linguistique comparativement à l'autre.
[Traduction]
Pour faire progresser ce dossier, nous sommes aussi allés chercher des données, et nous les avons publiées. Ainsi, en 2013, nous avons demandé à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques de préparer un portrait de la situation linguistique au Nouveau-Brunswick, et ce, à l’aide des données du Recensement de 2011. Un nouveau portrait sera présenté au printemps 2018 à l’aide des données du Recensement de 2016.
Ce premier portrait nous a appris que la grande majorité des immigrants récents au Nouveau-Brunswick, soit 81,1 %, avaient l’anglais comme première langue officielle parlée en 2011, alors que seuls 11,7 % avaient le français. N’oubliez pas la proportion dont je vous ai parlé plus tôt, à savoir que les francophones représentent un tiers de la population, alors que les anglophones en représentent deux tiers. Les tendances récentes en matière d’immigration n’ont pas respecté cette répartition.
Par ailleurs, le Commissariat publie dans son rapport annuel la répartition par langue officielle parlée des candidats retenus dans le cadre du Programme des candidats du Nouveau-Brunswick. Au cours de l’exercice de 2012-2013, le pourcentage de candidats d’expression française et de candidats bilingues d’expression anglaise et française qui ont été retenus s’élevait à seulement 12,2 % de l’ensemble des candidats accueillis dans la province. Heureusement, ce pourcentage a augmenté au fil des ans. J'y reviendrai dans quelques instants.
:
D'accord, je vais faire vite.
Pour accroître le nombre d'immigrants francophones, le Commissariat a recommandé au gouvernement provincial l'adoption d'une politique gouvernementale et de lignes directrices claires afin que les pratiques en matière d'immigration profitent d'une manière égale aux deux communautés linguistiques. Nous avons aussi recommandé l'adoption d'une stratégie provinciale en matière d'immigration francophone.
Nos démarches ont porté leurs fruits. En juillet 2014, le gouvernement du Nouveau-Brunswick adoptait enfin un plan pour favoriser l'immigration francophone au Nouveau-Brunswick.
Ce plan vise à ce que l'immigration reflète mieux la composition linguistique de notre province. Ainsi, le Nouveau-Brunswick cherche à ce que 33 % des nouveaux arrivants dans le cadre du Programme des candidats du Nouveau-Brunswick soient francophones ou francophiles en 2020.
Pour ce faire, le gouvernement a choisi de tenter d'augmenter cette cible de 3 % chaque année. En 2016, la cible annuelle était de 20 %. Celle-ci a été dépassée, puisque 24 % des personnes retenues dans le cadre du Programme des candidats du Nouveau-Brunswick étaient francophones.
[Traduction]
L’immigration étant un champ de compétence partagée, il est essentiel qu’il y ait une forte collaboration entre les deux paliers de gouvernement pour atteindre nos objectifs en matière d’immigration francophone. Voilà pourquoi en 2014, moi et mes homologues tant fédéraux qu’ontariens avons proposé aux gouvernements fédéral et provinciaux l’adoption de quatre principes afin de garantir que l’immigration contribue au développement et à la vitalité des communautés francophones. Je vais omettre d’énumérer ces principes, mais ils sont encore valides aujourd’hui.
[Français]
Au cours des dernières années, le Commissariat a recommandé à plusieurs reprises l'adoption d'une entente-cadre Canada—Nouveau-Brunswick pour relever le défi de l'immigration francophone dans la province.
Le 31 mars dernier, à Moncton, les gouvernements du Canada et du Nouveau-Brunswick ont signé un accord sur l'immigration qui renferme une annexe sur l'immigration francophone. C'était la première en son genre au pays. Celle-ci indique comment le Canada et le Nouveau-Brunswick vont collaborer en vue d'attirer et de retenir des immigrants francophones et de faire venir un plus grand nombre de travailleurs qualifiés.
Inutile de vous dire que la signature de cette annexe me réjouit.
Il faut maintenant veiller à ce que cette entente entre les deux paliers de gouvernement produise des résultats: plus de ressources et de coordination pour l'immigration francophone, des initiatives communes pour appuyer les communautés d'accueil, des stratégies innovatrices pour relever les défis de l'immigration francophone dans les régions rurales, et j'en passe.
L'avenir des communautés francophones en situation minoritaire passe par l'immigration. C'est clair. Il s'agit maintenant de nous donner les moyens et les ressources pour qu'elles soient ce formidable vecteur de la vitalité de la langue française pas seulement au Nouveau-Brunswick, mais partout au Canada.
Merci.
Ces principes ont été établis en 2014 par moi, mon homologue de l'époque, Graham Fraser, et François Boileau, le commissaire aux services en français de l'Ontario. Ce sont les quatre principes que nous avons élaborés ensemble. Nous avons écrit au ministre fédéral de l'Immigration de l'époque et, en ce qui me concerne, j'ai rencontré le ministre provincial. Il y a eu beaucoup de correspondance et de rencontres. Nous avons également eu l'occasion de nous adresser à tous les ministres responsables de l'Immigration et de la Francophonie à Moncton en mars. M. Cormier était présent. Tous les trois avons pris la parole à cette occasion.
Voici donc les quatre principes que nous avons proposé d'adopter. Premièrement, l'immigration doit contribuer au maintien, voire à l'augmentation, du poids démographique des communautés francophones au Canada. Deuxièmement, les politiques et programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux en matière d'immigration doivent être conçus et adaptés pour répondre aux besoins de recrutement, d'accueil, d'intégration, de formation et de rétention d'immigrants francophones des communautés francophones. Troisièmement, de solides partenariats fédéral-provinciaux-territoriaux-communautaires et des stratégies à long terme sont nécessaires pour que l'immigration vienne appuyer le développement et la vitalité des communautés francophones. Et quatrièmement, tous les ordres de gouvernement doivent se doter d'un cadre d'évaluation et de reddition de comptes pour mesurer les progrès réalisés et assurer l'atteinte des objectifs en matière d'immigration dans les communautés francophones.
:
Je pourrais peut-être intervenir ici.
J'ai parlé des taux de rétention des immigrants dans la province. Ces statistiques provenaient directement de la province de l'Île-du-Prince-Édouard. Je peux vous en parler du point de vue des nouveaux arrivants entrepreneurs, soit les 500 clients avec qui nous avons travaillé l'an dernier. Nous avons observé une augmentation de ce nombre depuis 2011 par l'intermédiaire du programme P.E.I. Connectors.
Lors de nos tables rondes, nous avons appris que ce qui préoccupait surtout nos clients intéressés à investir ou à se lancer en affaires à l'Île-du-Prince-Édouard, c'était ce qui précédait leur arrivée et la compréhension de l'environnement dans lequel ils allaient s'établir. Nous les informons du fait que nous voulons les recruter en vue de les garder ici. Je ne veux pas paraître dure, mais c'est ce que nos clients nous disent. Si vous venez de Beijing et que vous arrivez à Charlottetown, même si le mode de vie et les possibilités sont visibles, certains facteurs liés au marché et à l'environnement ne sont pas toujours pris en compte dans le plan d'établissement initial. Nous avons beaucoup entendu parler du recrutement et de la rétention au sein de nos clients, de nos conseillers et aussi du milieu des affaires en général.
Pour revenir à votre question, 38 % des immigrants internationaux qui s'établissent à l'Île-du-Prince-Édouard y demeurent pendant cinq ans, et d'autres à peine deux ans. Je pense que ce sont souvent les exigences du PCP qui en sont la cause. Il faut recruter ces gens et les amener à rester. Je vous dirais que l'Île-du-Prince-Édouard est peut-être davantage une porte d'entrée vers le Canada.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins.
Madame d'Entremont, j'aurais quelques questions à vous poser, car à certains égards, vous avez abordé la question sous un angle différent. Nos deux groupes de témoins nous ont dit aujourd'hui que ce qui était nécessaire au sein des communautés pour amener les gens à rester, c'était la formation linguistique et le soutien aux familles. Dans l'exemple que Mme McDougall a donné, on voit qu'il est nécessaire de mettre en place des services gouvernementaux à proximité afin de faciliter le processus d'immigration.
Que pensez-vous de la nécessité d'offrir ces services de soutien en français, dans une province qui a l'obligation, en vertu de la Constitution, d'appuyer la population francophone? Selon vous, est-ce l'une des raisons qui expliquent pourquoi il y aurait un plus grand nombre d'immigrants ayant l'anglais, plutôt que le français, comme langue seconde? Est-ce logique?
J'essaie d'établir un lien entre le soutien communautaire et les objectifs de votre province.
:
Évidemment, les services d'appui doivent être offerts en français...
Mme Sheri Benson: Oui.
Mme Katherine d'Entremont: ... mais je pense que le défi se pose en amont. Le défi est lié au recrutement et aux endroits où la province du Nouveau-Brunswick recrute, avec l'appui du gouvernement fédéral. Je dois dire que l'entente Canada — Nouveau-Brunswick, la première entente provinciale à être signée, a un libellé plutôt faible.
Aujourd'hui, j'ai abordé la question du pourcentage de 33 %. Dans cette entente, je ne vois rien qui... Je l'ai relue cet après-midi pour me rafraîchir la mémoire. Le gouvernement fédéral indique qu'il veut augmenter l'immigration francophone au Nouveau-Brunswick, mais je n'ai vu aucune indication qu'il reconnaît que le Nouveau-Brunswick a établi des cibles à cet égard, même si la province s'est donné une cible d'immigration francophone de 33 %.
Je ne connais pas le libellé exact de l'entente. Corrigez-moi si je me trompe, monsieur Cormier, mais je n'y ai pas vu le genre de termes contraignants qu'on devrait retrouver dans un accord dans lequel le Nouveau-Brunswick a établi un objectif assorti de cibles claires pour atteindre 33 % d'ici 2020.
Vous devez prendre conscience qu'en établissant une cible de 33 %, le Nouveau-Brunswick a du rattrapage à faire, étant donné que son taux d'immigration francophone s'est maintenu à environ 12 % pendant de nombreuses années. Il faut aussi se demander, en raison des problèmes de rétention, quel pourcentage de ce 33 % nous pourrons retenir. À mon avis, c'est là où tout commence. Évidemment, le Nouveau-Brunswick a un réseau de services de soutien et d'intégration et offre de la formation linguistique en anglais et en français, comme ceux qui connaissent un peu plus le Nouveau-Brunswick le savent, mais notre système d'éducation est fondé sur la dualité linguistique. Dans la plupart des grands centres du Nouveau-Brunswick, les nouveaux arrivants sont libres d'envoyer leurs enfants à l'école française ou à l'école anglaise. En outre, nous offrons des programmes d'immersion française dans les districts anglophones, et nous avons des districts scolaires francophones et anglophones.
À mon avis, l'enjeu au Nouveau-Brunswick n'est pas lié au manque de services. Dans les premières années, des réseaux d'organismes offraient des services en français. Je considère que cela doit commencer avant, en reconnaissant que les proportions doivent être maintenues, peu importe le nombre d'immigrants au Nouveau-Brunswick. Le gouvernement provincial parvient actuellement à attirer entre 17 et 20 % de francophones. On parle d'un taux d'environ 20 %, qui varie selon les statistiques, mais l'objectif est de 33 % d'ici 2020. Il s'est maintenu à 12 % pendant des années. L'immigration est un facteur absolument essentiel étant donné le déclin de la population, le Nouveau-Brunswick étant la seule province au pays dont la population a décliné. Le Nouveau-Brunswick a une forte population minoritaire. Donc, lorsque vous évoquez des chiffres comme 4 % et 5 % pour l'immigration francophone hors Québec, cela ne correspond pas à notre réalité. Je sais qu'il s'agit de la moyenne nationale hors Québec, mais nous parlons de 33 % dans notre province, contre 4 à 5 % dans le reste du pays. Si vous deviez retenir une seule chose de notre discussion d'aujourd'hui, j'espère que ce sera cet aspect.
Notre communauté minoritaire est importante comparativement aux communautés francophones minoritaires des autres provinces canadiennes. Voilà pourquoi l'équilibre démographique entre nos communautés linguistiques doit être maintenu. J'exhorte le gouvernement fédéral à prendre en compte et à reconnaître la réalité du Nouveau-Brunswick dans les accords qu'il signe avec la province. Il s'agit d'une réalité qui découle de la Constitution, notamment, et qui est propre au Nouveau-Brunswick.
:
Je pense que cela suscite de l'intérêt, mais qu'il y a encore des obstacles, probablement. C'est ce que nous disent les étudiants de niveau postsecondaire. Le programme pilote pourrait servir à informer les employeurs sur les occasions qui leur sont maintenant offertes.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous constatons une pression et une demande accrues pour de nouveaux diplômés qui ont une expérience préalable. Ce gouvernement en est conscient et a créé des programmes d'aide à cet égard, mais selon les observations des associations d'étudiants étrangers et des étudiants eux-mêmes, les étudiants ont de la difficulté à acquérir de l'expérience avant l'obtention du diplôme. J'ai mentionné, par rapport au Programme Emplois d'été Canada, qu'il pourrait être pertinent d'avoir des permis travail et des délais distincts pour les stages d'enseignement coopératif. Je crois savoir que pour les diplômés universitaires, l'admissibilité à la citoyenneté est liée au temps passé au Canada. À l'instar de diverses chambres de commerce du pays, nous recommandons de faire passer cela d'un demi-jour pour chaque jour de résidence à une équivalence complète.
Quant aux permis de travail, je n'en suis pas certaine, mais je pense qu'ils sont actuellement valides pour trois ans. Quoi qu'il en soit, nous recommandons que le permis de travail postdiplôme soit valide pour cinq ans plutôt que trois, comme c'est le cas actuellement, sans égard au programme d'études, pourvu que les étudiants poursuivent leurs études dans un établissement d'enseignement canadien reconnu. Je pense que le programme actuel comporte des obstacles, mais qu'il est aussi possible de sensibiliser les employeurs. La chambre de commerce considère qu'elle a un rôle important à jouer pour informer ses membres des occasions qui leur sont offertes.