CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er novembre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Il s’agit de la 130e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, alors que nous poursuivons notre étude des enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au XXIe siècle.
Les témoins ont pris connaissance des grandes lignes de notre étude. Nous continuons d’examiner toutes les tendances, les influences et les expériences liées à la migration forcée et volontaire, ainsi que ce qui se passe dans le monde en ce qui concerne le déplacement des personnes. Cela s’étend également à la réaction du Canada, à la pertinence ou non de nos interventions, ainsi qu'à nos besoins et responsabilités en matière de migration.
Nous vous remercions d’être venus. Nous accueillons trois témoins — un du Conference Board du Canada et deux à titre personnel.
Nous allons commencer par Mme Long, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis ma ville natale, Toronto.
Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup de m’avoir invitée. Je m’appelle Elizabeth Long. Je suis une avocate spécialisée en droit de l’immigration. J’ai été reconnue par le Barreau de l’Ontario comme spécialiste de ce domaine. Au cours des 14 dernières années, j’ai travaillé avec des milliers de travailleurs pour les aider à immigrer au Canada.
J’aimerais d’abord vous parler de ma première expérience dans un bureau d’immigration. Lorsque j’étais enfant, mon père avait présenté une demande de résidence permanente dans le cadre de l’un des premiers programmes de travailleurs qualifiés dans les années 1980. À cette époque, pour être admis, il fallait passer une entrevue. À l’entrevue, l’agent avait demandé à mon père: « Pourquoi devrais-je vous laisser rester? » Mon père lui avait remis sa thèse sur l’intelligence artificielle, qu’il avait rédigée dans le cadre de son doctorat à l’Université Simon Fraser. L’agent l'avait mise de côté et avait dit: « Cela n’a pas d’importance. » Mon père avait répondu: « On m’a offert un poste de chargé d'enseignement à l’Université Memorial de Terre-Neuve. » Ce à quoi l’agent avait rétorqué: « Et alors? » C’est à ce moment-là que notre avocat de l’immigration s’était levé, avait regardé l’agent droit dans les yeux et avait dit: « Si vous ne voulez pas de ces gens au Canada, qui voulez-vous? »
C’est la question qui sous-tend les programmes d’immigration économique au Canada: qui voulons-nous au Canada? À mon avis, un système de points défini n’est pas un aussi bon indicateur que le marché du travail canadien de la mesure dans laquelle les postulants sont recherchés par le Canada. Permettez-moi d’abord de souligner quelques hypothèses problématiques qui minent les programmes d’immigration économique actuels.
Voyons d’abord comment le système de points fonctionne. Des analystes qui ont établi les critères pour le programme Entrée express et celui des aides familiaux m’ont dit que le mieux pour décider si une candidature est souhaitable est de comparer les déclarations de revenus de deux groupes. Par exemple, les travailleurs hautement spécialisés gagnent plus que les travailleurs peu qualifiés; par conséquent, seuls les travailleurs hautement spécialisés sont nécessaires au Canada. Les immigrants qui parlent très bien l'anglais gagnent plus que les gens qui le parlent moins bien; par conséquent, nous n’avons besoin que de personnes qui parlent très bien l’anglais.
L’hypothèse selon laquelle seuls les travailleurs riches sont utiles au Canada est de toute évidence erronée. Son utilisation pour formuler les critères de nos programmes d’immigration fait en sorte que nous laissons de côté de nombreuses personnes qui sont recherchées et dont nous avons besoin au Canada.
Une autre hypothèse problématique est qu’il existe une ligne de démarcation claire entre les emplois hautement spécialisés et peu qualifiés, et que seuls les travailleurs hautement spécialisés sont utiles au Canada. Les codes de la CNP qui définissent le travail hautement spécialisé et peu qualifié n’ont jamais été créés aux fins de l’immigration, mais plutôt par un groupe de personnes de Service Canada pour l’analyse statistique. Ils ont ensuite été adoptés par le ministère de l’Immigration, qui y a vu un moyen facile de déterminer dans quelle mesure des candidatures étaient intéressantes. Il est évident que nous n’avons pas uniquement besoin d’emplois hautement spécialisés au Canada, n’est-ce pas?
Qu’entend-on par « hautement spécialisés » et « peu qualifié »? Permettez-moi d’énumérer un certain nombre de professions et de voir si vous pouvez déterminer lesquelles sont hautement spécialisées et lesquelles sont peu qualifiées. Prenons le cas d’un bureau. Réceptionniste? Peu qualifiée. Secrétaire? Hautement spécialisée. Commis aux livres? Hautement spécialisée. Commis comptable? Peu qualifiée. Adjoint médical? Hautement spécialisée. Assistant dentaire? Peu qualifiée. Coiffeur? Hautement spécialisée. Esthéticienne? Peu qualifiée.
Comme vous pouvez le voir, il est difficile de déterminer précisément pourquoi une profession est considérée comme hautement spécialisée et une autre comme peu qualifiée. La catégorisation comporte également des préjugés fondés sur le sexe. Par exemple, les préposés aux services de soutien à la personne, qui détiennent un certificat collégial, et les opérateurs de machines à coudre, qui ont besoin d’une formation poussée, sont des travailleurs peu qualifiés. Les travailleurs de la construction, comme les peintres et les poseurs de plâtre, qui n’ont souvent même pas terminé leurs études secondaires, sont des travailleurs hautement spécialisés.
De plus, comment pouvons-nous présumer que nous n’avons besoin que de travailleurs hautement spécialisés au Canada, alors que, souvent, certains des travailleurs dont nous avons le plus besoin au Canada sont ceux qui occupent des emplois que les Canadiens ne peuvent pas ou ne veulent pas occuper, comme les camionneurs, les aides familiaux, les travailleurs agricoles et j’en passe?
Au bout du compte, l’un des meilleurs indicateurs des besoins au Canada, ce sont les gens qui travaillent déjà au Canada, qui le font depuis longtemps et à qui on offre un emploi permanent. Ils sont clairement capables de s’établir au Canada et disposés à le faire, et ils le souhaitent clairement. Le fait de leur imposer des examens d’anglais et un processus de concours, comme dans le programme Entrée express, qui les met en concurrence avec des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Canada, a pour résultat que beaucoup d'entre eux échouent à obtenir la résidence permanente. Cela n’a tout simplement aucun sens.
Ma proposition serait d’avoir une catégorie pour permettre l’immigration de ceux qui travaillent déjà légalement au Canada, qui le font depuis un an et à qui on offre un emploi permanent. Ces personnes ne devraient pas avoir à passer les examens d’anglais ou à prouver que leur travail correspond à l’une des catégories arbitraires de travail hautement spécialisé ou peu qualifié pour obtenir la résidence permanente.
Comme vous l’avez peut-être entendu de façon unanime de la part des entreprises, des syndicats et des travailleurs partout au Canada, si quelqu’un a les compétences suffisantes pour travailler, il devrait avoir ce qu'il faut pour rester. Merci.
Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à participer à la séance d’aujourd’hui.
Je vais commencer par vous expliquer de quel point de vue je vais m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis en avocat spécialisé en droit de l’immigration à Toronto. Je m’occupe surtout de réfugiés, mais j'ai aussi travaillé un peu avec des migrants économiques. Si j’ai bien compris, j’ai attiré l’attention du Comité parce que je représentais une femme très charmante qui a présenté une demande d’asile avec sa fille. Cette dernière, âgée de 8 ans, a été acceptée comme réfugiée, mais pas la mère. Celle-ci s'est retrouvée dans la position où elle pouvait être expulsée, alors que sa fille avait tout à fait le droit de rester au Canada.
Je saisis aussi que le sujet de la séance d’aujourd’hui du Comité est la migration volontaire. Les réfugiés ne sont pas nécessairement souvent perçus comme des migrants volontaires, alors je vais commencer par des observations générales.
Sachez que vous êtes libre d’utiliser le temps dont vous disposez comme bon vous semble et comme vous le jugez utile pour l’ensemble du Comité.
Très bien.
Ce que j’allais dire, c’est qu’à part les réfugiés des camps du HCR à l'étranger que le Canada a réinstallés, comme les Syriens dont nous entendons tellement parler, il y a des réfugiés volontaires ou ce que nous pouvons appeler des réfugiés qui choisissent eux-mêmes de se rendre à notre frontière, soit en passant par les États-Unis — les arrivées « irrégulières » comme on l'entend —, soit en arrivant avec un visa quelconque et en présentant ensuite une demande de statut de réfugié.
J’exhorte le Comité à se rendre compte que beaucoup de gens qui viennent ici de cette façon, et que nous, les avocats en droit des réfugiés et de l’immigration, voyons souvent, sont souvent des gens très qualifiés. Ce sont des gens très instruits. Il arrive parfois qu'ils soient riches et que ce soit la persécution qu'ils subissent dans leur pays d’origine qui les amène à partir, et non pas la pauvreté. Des gens très riches et très intelligents peuvent parler en mal de leur gouvernement. Il arrive qu'ils fassent valoir des droits que nous considérons comme des droits fondamentaux au Canada. Ils risquent d’être persécutés à cause de cela, et ils choisissent le Canada comme endroit où trouver une protection. À cet égard, ils ont beaucoup de contrôle sur l'endroit où ils vont aller pour chercher cette protection.
Je peux faire des recommandations précises dans le contexte de leur expérience. Par exemple, la nature même du système entraîne parfois des résultats bizarres. Vous pouvez avoir un enfant qui, en raison du risque auquel il fait face, indépendamment du risque auquel ses parents font face, est accepté comme réfugié, sans que ses parents le soient. Il arrive souvent aussi qu'un seul parent soit responsable de cet enfant au Canada. Dans le cas qui nous occupe, une petite fille de huit ans a parfaitement le droit de rester au Canada, mais sa mère ne dispose d'aucun mécanisme automatique pour rester, parce que le risque auquel elle fait face, selon l’évaluation du tribunal, n’est pas considéré comme suffisamment important pour lui accorder la protection. Cela oblige le parent à présenter une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires, ce qui, encore une fois, engage des formalités bureaucratiques pour une demande qui sera presque certainement approuvée.
Cela soulève la question de savoir pourquoi nous forçons ce parent à solliciter les ressources du gouvernement pour une demande qui sera presque certainement approuvée en raison des faits. Nous n’avons pas de mécanisme permettant à une telle personne de rester avec son enfant, qui est reconnu comme un réfugié au sens de la Convention.
Il y a une autre chose que j’entends souvent dans ce contexte. Souvent, les familles ne peuvent pas venir au Canada ensemble. Par exemple, un père arrivera ici, mais sa femme et leurs enfants resteront à l’étranger. Le père sera accepté comme réfugié. En tant que personne protégée acceptée, il peut demander la résidence permanente et faire venir sa famille ici une fois sa demande traitée et approuvée, mais cela peut prendre au moins un an. Pendant cette année-là, les membres de la famille qui restent dans le pays d’origine peuvent être exposés à de grands risques. La persécution continue, et elle touche souvent toute la famille. Encore une fois, il n’existe aucun mécanisme permettant aux membres de la famille d’un réfugié reconnu et accepté de venir au Canada, tant que la demande de résidence permanente de toute la famille n’a pas été traitée. Chaque cas est particulier. Il s’agit d’essayer de retrouver l’agent qui travaille sur la demande de résidence permanente, de l’exhorter à accélérer le processus, en se fiant essentiellement à sa bonne volonté et à son pouvoir discrétionnaire pour que cela se produise. Je suis souvent témoin de telles situations.
Le point suivant concerne un peu ce dont le témoin précédent a parlé. Bien que les réfugiés, une fois qu’ils ont présenté une demande, aient le droit de demander un permis de travail et de travailler au Canada, le système est conçu de telle façon que l’expérience de travail, peu importe s'il s'agit d'une expérience peu qualifiée ou hautement spécialisée, ne peut absolument pas être invoquée dans une demande pour rester dans le cadre d’un programme d'immigration économique. Une fois que vous êtes ici et que vous avez demandé la protection du Canada, c’est la seule façon pour vous de rester. Vous dépendez de cette demande de statut de réfugié. Il est impossible de rester en passant par un autre volet d’immigration.
Vous attendez votre audience, vous travaillez, vous contribuez à l’économie et à la société canadiennes, mais il n’y a aucun moyen pour vous d'utiliser ces arguments pour faire une demande de résidence permanente et sortir de ce que j’appellerais le système de protection.
Encore une fois, c’est à cause de cette idée que les réfugiés qui viennent ici et demandent l’aide du Canada sont essentiellement un fardeau pour nos ressources, et que nous les accueillons pour des raisons humanitaires. On reconnaît très peu que même si elles ne sont pas choisies dans le cadre de ces systèmes de points et de ces volets économiques, elles apportent une contribution importante à la société.
J’en suis à peu près à mes sept minutes, alors je vais m’arrêter ici.
Bonjour à tous. Je vous remercie de m’avoir invité. Je m’appelle Pedro Antunes et je suis économiste en chef adjoint au Conference Board.
Je suppose que ce que nous pouvons apporter aujourd’hui, c’est peut-être une perspective un peu différente de certains des autres témoignages et de ce que vous avez peut-être entendu auparavant, parce que nous essayons essentiellement de regarder vers l’avenir dans le cadre de notre analyse. Nous avons des travaux récents qui pourraient intéresser le Comité et qui concernent les différents scénarios économiques et la façon dont ils s'appliquent en fonction de différentes hypothèses en matière d’immigration.
Nous avons publié un rapport intitulé « Canada 2040: Aucune immigration ou davantage d'immigration ». Si vous me le permettez, je vais le remettre au Comité.
Je dois avouer que je suis au Conference Board depuis très longtemps. Je m’occupe de prévisions, si vous voulez. C’est une tâche difficile, et les gens critiquent souvent la précision avec laquelle nous pouvons prévoir les résultats pour les trimestres suivants ou l'année suivante, ou la façon dont nous pouvons deviner ce que sera le prochain revirement économique, en fonction des tarifs, des échanges ou d’autres éléments. Je vais renverser cela. Lorsque nous commençons à penser à plus long terme, à l'aspect démographique de l’économie — ce que nous appelons le côté de l'offre — nos prévisions ont tendance à être beaucoup plus solides.
Je me souviens de l’époque où nous avons commencé à faire des prévisions à long terme. L’une des premières questions qui ont été soulevées, c’est que, dans nos modèles, le taux de chômage commençait à diminuer et devenait soudainement négatif, ce qui, en fait, ne peut pas se produire. Nous savions donc que nous avions un problème. Depuis, nous nous sommes beaucoup concentrés sur les questions de productivité et d’immigration, en raison de l’exode imminent de la cohorte du baby-boom qui va essentiellement faire baisser la croissance économique.
Dans le rapport que je vous ai présenté, nous avons examiné ce à quoi ressemblerait le Canada en supposant qu’il n’y ait pas d’immigration. Nous savons que c’est impossible. Les économistes essaient toujours d’imaginer des scénarios farfelus et hypothétiques. Cependant, cela nous permet d’examiner, dans le scénario de référence, la contribution de l’immigration à l’économie et, dans un scénario d’immigration plus élevée, les changements qui se produisent et les nouvelles perspectives.
Je vais vous donner quelques faits saillants de ce que nous avons constaté.
Ce qui arrive vraiment à point nommé, ce sont les nouvelles cibles en matière d’immigration pour les trois prochaines années que nous avons reçues hier, je crois. Elles correspondent tout à fait à notre scénario d’immigration à 1 %. Selon ces cibles, nous devrions atteindre 350 000 personnes d’ici 2021, ce qui est essentiellement ce que nous avons dans ce rapport. Cela représente environ 0,9 % de la population. C’est certainement un peu plus que par le passé. Au cours des 15 ou 20 dernières années, nous avons eu une migration d'entrée qui représentait environ 0,8 % de la population. Les chiffres augmentent un peu. Nous nous dirigeons vers 1 %, mais dans un scénario, un contexte, où le vieillissement de la population fait essentiellement en sorte que la contribution du taux naturel, c’est-à-dire le nombre de naissances moins le nombre de décès, ne cesse de diminuer.
À l’heure actuelle, l’immigration contribue à environ 70 % de la croissance démographique globale. D’ici 2034, l’immigration sera responsable de toute la croissance démographique. Même si l’immigration se situe à 1 %, il y a aussi l’émigration, alors on peut penser que la croissance de la population se situera entre 0,8 % et 1 %, selon les chiffres, mais probablement autour de 0,8 ou 0,9 %. Il s'agit d'un léger recul, mais d'une croissance relativement stable par rapport à ce que nous avons connu dans le passé.
Dans nos hypothèses, nous avons examiné très attentivement... En fait, selon ces mêmes cibles, nous avons supposé que la part de l’immigration économique, par rapport à la catégorie de la famille et aux réfugiés demeure à peu près la même. Ces proportions sont d’environ 58, 26 et 16 % dans l'ordre. Nous avons également formulé ces hypothèses dans nos scénarios. Nous examinons la situation très attentivement et nous faisons des suivis. Lorsque les immigrants arrivent, nous savons qu’ils gagnent un certain pourcentage de moins que le salaire moyen au Canada la première, la deuxième année, etc., selon la catégorie. Nous faisons le suivi dans tous les volets d’immigration et nous procédons à des ajustements au fil du temps. Nous avons fait un travail minutieux.
Cela nous permet donc d’examiner ces scénarios. Pour un ensemble d’indicateurs économiques qui peuvent être intéressants — par exemple, le PIB, qui est essentiellement un revenu, comme vous le savez tous, j’en suis sûr —, nous pouvons examiner des indicateurs comme le nombre de travailleurs par rapport aux retraités — les ratios de dépendance, si vous voulez. Nous pouvons nous pencher sur l’un des plus grands défis pour le Canada, c’est-à-dire les coûts des soins de santé en proportion des recettes — ce qui est évidemment un enjeu provincial — et d’autres indicateurs, comme le PIB par habitant, etc.
Quels sont les défis? Permettez-moi de commencer par le défi lié aux soins de santé. Je pense que ce que nous constatons avec l’hypothèse d’immigration plus élevée par rapport à l’immigration telle qu’elle est — le scénario du statu quo —, c’est que les coûts des soins de santé représentent actuellement environ 35 % des recettes des gouvernements provinciaux et que, peu importe ce qui arrivera, ils augmenteront.
Dans un scénario de faible immigration, ils représenteraient environ 43 % des recettes du gouvernement provincial. Dans un scénario d'immigration à 1 %, cette proportion baisserait pour s'établir à environ 39 %. Cela se produirait d'ici 2040; il s'agit donc d'une perspective à long terme. Ces défis sont importants parce que plus cette proportion augmente, moins on est capable de faire autre chose avec les recettes.
Nous pensons que dans un scénario à 1 %, le PIB resterait similaire à ce qu'il a été récemment, c'est-à-dire environ 2 % de l'économie. Rappelez-vous que notre PIB tendanciel devait atteindre près de 3 % au début des années 2000, de sorte que cette évolution démographique de la population active a une incidence très importante sur notre capacité d'accroître nos recettes. Nous ne pouvons pas y échapper, quoi que nous fassions, mais nous pouvons atténuer les effets en examinant essentiellement comment l'immigration joue ce rôle.
Je vais vous donner un petit exemple. Je parle à des organisations et à des gens des secteurs privé et public qui se penchent sur les difficultés liées à l'embauche. Le problème de l'embauche, c'est que le taux de départ à la retraite est très élevé et qu'il va continuer d'augmenter. Nous pensons que tous les baby-boomers ne font plus partie de la population active; ce n'est absolument pas vrai. Ce ne sont que les premiers baby-boomers, une petite cohorte. Ces dernières années, le taux de départ à la retraite est passé d'environ 0,95 % de la population active à 1,2 %. Cela veut dire 170 000 retraités il y a quelques années, en 2010, alors qu'aujourd'hui, nous en sommes à 230 000 ou 240 000. Pour les organisations qui cherchent à accroître leur effectif, c'est essentiellement un pour un; pour chaque ajout net d'une personne à l'effectif, il faut également ajouter une personne pour remplacer un retraité.
Voici quelques autres ratios. Le ratio travailleurs-retraités au Canada est actuellement de 3,6 travailleurs par retraité. Encore une fois, peu importe ce que nous faisons, ce chiffre va augmenter au cours de la prochaine décennie et demie, mais avec un scénario d'immigration à 1 %, nous réduisons ce taux à environ 2,6 travailleurs par retraité. Nous passons de 3,6 à 2,6, plutôt que de 3,6 à 2. Ce n'est qu'une autre statistique pour vous donner une idée de l'importance de ces changements.
Il y a beaucoup de détails dans le rapport, mais nous avons aussi fait des observations importantes dans le cadre de travaux antérieurs. Il ne s'agit pas seulement de la croissance pour la croissance; il s'agit de la croissance pour les raisons dont j'ai parlé. Il ne faut pas seulement attirer un grand nombre d'immigrants. Il est également très important de s'assurer, comme certains des témoins précédents l'ont indiqué, que les gens ont la capacité de participer plus pleinement à la population active.
Nous savons que c'est un problème. Nous avons examiné certains de ces coûts, et nous pensons que les programmes de reconnaissance des titres de compétence coûtent à eux seuls de 13 à 17 milliards de dollars par année à l'économie et aux particuliers — j'ai une perspective macroéconomique, je pense toujours au tableau d'ensemble, mais il s'agit d'un avantage dans les deux cas.
En ce qui concerne les services d'établissement, la formation linguistique et la reconnaissance des titres de compétences sont vraiment importantes pour les résultats sur le marché du travail.
Le dernier point que je veux soulever concerne les perceptions. Il faut faire attention aux perceptions. Nous avons vu les discours protectionnistes faire progresser aux États-Unis un programme qui se situe complètement à côté de ce que je crois être une bonne compréhension de l'économie, et nous devons être conscients que les perceptions sont importantes dans ce domaine également.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur contribution importante.
Monsieur Antunes, j'ai parcouru votre rapport intitulé « Canada 2040: Aucune immigration ou davantage d'immigration ». Vous avez parlé du rôle de la catégorie du regroupement familial dans le soutien de l'immigration économique et de la nécessité d'améliorer les résultats sur le marché du travail pour les membres de cette catégorie. Avez-vous étudié l'impact de la réunification des familles sur les perspectives des immigrants de la catégorie économique, le fait que la famille soit réunie, ce qui améliore le soutien et élimine le stress lié à la séparation?
Oui, je pense que tout cela joue. Un de mes collègues, qui est également économiste, m'a déjà dit que les économistes sont comme des artistes — ils essaient de dépeindre la réalité avec le moins de coups de pinceau possible.
Je dois avouer que nous n'avons pas cherché à monétiser les répercussions économiques de la réunification des familles. Nous savons qu'il y a toutes sortes d'effets en ce qui concerne le soutien à la famille, surtout lorsque nous voyons de petites entreprises qui manquent de soutien et qui n'ont peut-être pas accès au capital et au financement aussi facilement que d'autres entrepreneurs. Nous voyons que des familles plus fortes peuvent jouer un rôle dans certains de ces domaines.
Les hypothèses que nous avons formulées au sujet de la catégorie du regroupement familial et de la catégorie des réfugiés sont tirées directement des données historiques. Je pense que nous avons adopté une approche prudente. Nous n'avons pas amélioré les résultats des immigrants au Canada dans les scénarios que nous avons établis, mais je pense que toutes ces choses, y compris un meilleur établissement, une meilleure connaissance de la langue et, essentiellement, de meilleurs résultats sur le marché du travail, seraient évidemment un atout dans les scénarios que vous avez.
Je représente une circonscription où des gens de partout dans le monde se sont établis. Ils dirigent des entreprises familiales. Ce sont de petites entreprises qui créent de bons emplois pour la classe moyenne. Je pense que lorsqu'ils ont leur famille pour les aider, cela contribue beaucoup à leur réussite. Qu'avez-vous à dire concernant la création d'emplois pour la classe moyenne et la façon dont y contribuent ces nouveaux immigrants qui viennent ici et qui créent plus d'entreprises?
Oui, certainement. Je pense que c'est simplement que pour les données à ce niveau, les microdonnées, il est plus difficile de trouver et de compiler toute l'information et de vous donner un chiffre précis. Je dirais qu'il y a des preuves claires, absolument. Il y a aussi des preuves anecdotiques. Il y a des gens sur le terrain qui font plus de recherches qualitatives et qui peuvent vous donner une meilleure idée de ce genre de répercussions, mais oui, nous reconnaissons dans le rapport que la catégorie du regroupement familial est importante et qu'elle contribue également à stimuler les résultats économiques.
Au cours de la prochaine heure, nous entendrons Michael Donnelly, de l'Université de Toronto, dont la recherche sur le soutien canadien à l'immigration montre que les Canadiens sont moins favorables à l'immigration que nous le supposons souvent, et que le Canada n'est pas à l'abri du genre de discours anti-immigrants que nous voyons ailleurs.
Je sais qu'il ne vous est pas possible de résumer tout votre rapport, mais brièvement, quel serait l'impact d'une réduction marquée des niveaux d'immigration? Pensez-vous que les chiffres auxquels le professeur Donnelly est arrivé pourraient être différents si plus de Canadiens étaient conscients des conséquences?
Nous avons établi un scénario d'immigration zéro. Encore une fois, il s'agit de données contre-factuelles, mais nous constatons essentiellement que la croissance du PIB ou des recettes ralentit pour s'établir à environ 1 %. Je pense qu'il y a des coûts importants dont nous devons être conscients, au-delà de la croissance pour la simple croissance. J'ai parlé de certains de ces coûts. Des ratios de dépendance du marché du travail de ce genre sont des éléments très importants qui ne feraient qu'empirer dans un scénario d'immigration zéro.
Au-delà de cela, le Canada est un grand pays, et je pense que l'un des défis est de déterminer si nous pouvons accroître l'immigration dans les régions où la croissance démographique est plus lente. Nous voyons les défis auxquels font face certaines provinces de l'Atlantique, par exemple. Certaines ont réussi à attirer des immigrants et à les retenir.
Essentiellement, il y a des défis à relever dans les économies dont la croissance économique ou la croissance démographique est très faible. Il est beaucoup plus facile d'accéder à un marché où il y a une certaine croissance économique et un certain potentiel pour attirer des investissements et des gens, plutôt que d'essayer d'enlever des parts de marché à quelqu'un d'autre qui est déjà là. Il est même question de la fermeture de petites villes dans certains cas. La fermeture d'une ville coûte très cher. Je pense que le Canada a de la place pour plus d'immigration.
Pour revenir à la question de la perception, je pense qu'il faut être prudent et en être conscient. Je crois que nous devons mieux éduquer les gens. Cela fait partie intégrante de ce que nous essayons de faire avec certaines des recherches sur l'immigration que nous publions. De plus, je pense que nous devons faire preuve de souplesse. Si nous voyons des domaines où la technologie, par exemple, remplace des travailleurs, nous devons en être conscients et être proactifs. Si un cycle économique nous frappe — ce qui arrivera tôt ou tard —, je pense que nous devons être en mesure de nous adapter en fonction de ces scénarios.
Merci.
Madame Long, au cours de nombreux témoignages précédents, nous avons entendu parler de la relation entre les flux migratoires légaux et irréguliers. Nous avons entendu parler de la façon dont la réduction de la disponibilité des filières d'immigration régulière et légale entraîne habituellement une augmentation du nombre de migrants qui cherchent des filières irrégulières, souvent à leurs risques et à un coût élevé. Pouvez-vous nous parler de la relation entre les voies légales et irrégulières? Y a-t-il des changements juridiques qui devraient être apportés au Canada pour décourager la migration irrégulière?
Oui.
Lorsque la loi interdit aux gens de rester même s'ils ont travaillé... Par exemple, il y a eu un changement, il y a quelques années, adopté par les conservateurs, qui limitait la durée de séjour des travailleurs à quatre ans. Du fait de cette règle, qui faisait en sorte que les personnes ayant travaillé au Canada pendant quatre ne pouvaient pas revenir au Canada avant un autre délai de quatre ans, des milliers de travailleurs se sont réveillés un jour en situation d'illégalité. Ce sont des choses comme celles-là — lorsque la loi n'a pas de sens, cause des ravages et crée beaucoup de difficultés pour les gens — qui sont tout à fait inutiles. Nous devons créer des lois qui, si nous attirons des gens au Canada et qu'ils apportent leur contribution...
De toute évidence, comme nous l'avons entendu, nous avons besoin de gens. L'immigration est nécessaire au Canada. Nous devons donc être un pays qui encourage les immigrants à rester, et non un pays qui...
Je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Est-ce que quelqu'un veut poser une question à ce sujet?
Monsieur Tilson, allez-y.
Monsieur Jeremic, savez-vous combien de demandeurs d'asile ou de réfugiés de quelque catégorie que ce soit ont un emploi ou sont sans emploi?
Eh bien, au début, immédiatement après leur arrivée... Je parle des gens qui arrivent au Canada et qui présentent ensuite une demande de statut de réfugié. Ce sont ceux que je vois dans ma pratique. Je ne m'occupe pas de réfugiés réinstallés. Nous, les avocats, n'avons essentiellement rien à faire une fois que le Canada leur a accordé la résidence permanente.
Au départ, ils n'ont pas d'emploi, simplement parce qu'il leur faut quelques mois pour obtenir un permis de travail, mais une fois qu'ils en ont un, ils travaillent pratiquement tous.
Tout ce que je dis est anecdotique et découle de ma pratique. Vous pouvez accorder le poids que vous voulez à cela, mais...
La raison pour laquelle je pose la question, c'est que, pour justifier ce que vous dites, je présume que vous avez des faits, mais si c'est anecdotique, ça va. C'est votre réponse.
Par exemple, il peut s'agir de personnes qui fuient la Turquie actuelle en raison de leurs opinions politiques et de leur opposition au gouvernement. Ces personnes ont tendance à parler raisonnablement bien l'anglais. Ce sont des gens instruits qui ont pu obtenir un visa canadien ou américain pour venir ici. Une fois qu'ils obtiennent leur permis de travail, ils trouvent n'importe quel emploi au début. Ce peut être un emploi dans le secteur des services. Il peut s'agir de conduire pour Uber ou autre chose.
Encore une fois, d'après ce que je vois dans ma pratique, ils ne veulent pas rester dans le programme Ontario au travail. Ils ne veulent pas dépendre des services sociaux. Ils veulent faire un effort pour s'intégrer à l'économie.
Merci.
Madame Long, j'ai été intéressé par vos commentaires légitimes sur la façon dont nous choisissons les travailleurs spécialisés, non qualifiés ou peu qualifiés. Vous avez également dit que la langue n'est pas un problème. Le problème, bien sûr, c'est qu'on parle français et anglais au Canada. Nous parlons français et anglais dans ce pays. Nous ne parlons pas toutes les langues. Beaucoup de gens parlent d'autres langues, mais pour ce qui est de la loi et de tout le reste, c'est le français ou l'anglais.
Je m'intéresse aux critiques légitimes que vous avez formulées au sujet de la façon dont nous choisissons les travailleurs hautement spécialisés et peu qualifiés. Avez-vous des recommandations sur la façon dont cela pourrait changer?
Oui. Je pense qu'il est faux de supposer que nous n'avons besoin que d'un certain groupe de personnes qui ont déjà du travail au Canada. De nombreuses provinces, dans le cadre du Programme des candidats des provinces, ne se préoccupent pas du fait qu'un travail soit défini comme un travail hautement spécialisé ou peu qualifié. Si ces personnes ont une offre d'emploi, elles devraient pouvoir rester.
Il y a un problème lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne est hautement spécialisée ou peu qualifiée. Vous avez formulé de bonnes critiques à ce sujet. Vous devez avoir une idée de la façon dont cela peut changer.
Ce que je changerais, c'est... Pourquoi faisons-nous cette distinction? Si quelqu'un a une offre d'emploi et qu'une étude d'impact sur le marché du travail montre que les Canadiens ne peuvent pas faire le travail ou ne sont pas prêts à le faire, alors nous avons besoin de cette personne au Canada, un point c'est tout.
Monsieur Antunes, au cours des dernières années, le système d'immigration du Canada a mis l'accent sur l'immigration économique. Nous avons la réunification des familles. Nous avons des volets humanitaires. Mais si vous regardez l'opinion publique, il semble que la raison pour laquelle la plupart des Canadiens appuient les niveaux d'immigration que nous avons repose sur les avantages pour l'économie. Cela semble être la philosophie. Certains disent que si on s'éloigne de cela, le soutien du public diminuera considérablement.
Vous étudiez l'opinion publique. Que pensez-vous de ce que je viens de dire?
D'accord. Je ne suis pas sûr de pouvoir prétendre être un expert de l'opinion publique. Je pense qu'il y a des sondeurs qui en savent probablement plus.
Nous suivons ce qui se dit. Je pense que c'est un enjeu important. Je pense qu'il faut d'abord éduquer. Je pense que nous devons faire preuve de souplesse si les choses changent.
Nous avons vu comment les choses peuvent mal tourner ailleurs, comme des programmes très protectionnistes et des programmes de droite dans d'autres régions du monde.
Je dirais simplement que nous devons en être conscients.
Le problème, c'est que nous voulons que des gens viennent au Canada pour toutes sortes de raisons, des raisons de compassion. Ils vivent des expériences terribles dans d'autres pays en raison de la guerre, des épidémies et tout le reste, mais l'accent semble être mis sur l'immigration économique. C'est ce qui semble intéresser la plupart des gens, du moins d'après mon expérience dans la circonscription que je représente. Les gens se préoccupent des autres, mais ils sont davantage concentrés sur l'immigration économique. Si on s'en éloigne, qu'est-ce que le public pensera?
Il est difficile de répondre à cette question. Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons examiné très attentivement la contribution économique de chacune des catégories. Nous les avons placées dans le contexte de l'histoire récente et des cibles que nous avons actuellement. J'en ai parlé un peu, mais c'est essentiellement 60 % ou un peu moins pour l'immigration économique.
Je pense que vous avez raison. D'après ce que je vois des organisations qui emploient, et certainement dans l'industrie, l'accent est mis sur le volet économique. Je pense que nous avons eu un programme très réussi, en ce qui concerne les candidats, pour faire venir des gens qui, essentiellement, ont une offre d'emploi qui leur permet de venir ici rapidement.
Dans votre récent rapport sur le Sommet canadien de l'immigration 2018, vous laissez entendre que le gouvernement pourrait mieux renforcer la relation qu'il a avec le secteur responsable de l'établissement. Le Comité parle beaucoup de ce secteur.
Avez-vous des observations ou des suggestions sur les améliorations que le gouvernement pourrait apporter dans ce domaine?
Encore une fois, cela va un peu au-delà de nos recherches. Je pense qu'il y a des gens dans ce domaine qui pourraient probablement nous faire de meilleures suggestions.
Nous constatons que les résultats sur le marché du travail ne sont pas aussi bons qu'ils pourraient l'être. J'ai abordé plusieurs éléments, y compris le problème de la langue, dont vous avez parlé plus tôt. Je pense que c'est très important. De nombreuses études montrent que les compétences linguistiques en particulier ont une incidence négative sur les résultats sur le marché du travail. Je pense que c'est un domaine sur lequel nous devrions peut-être nous concentrer.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs présentations aujourd'hui.
Madame Long, j'aimerais aborder une question. Le Canada avait autrefois un programme, le Programme des travailleurs qualifiés, dans le cadre duquel les travailleurs peu qualifiés, moyennement qualifiés ou hautement qualifiés pouvaient venir au Canada, qui n'existe plus.
Je me demande si vous recommanderiez au gouvernement d'instaurer un programme semblable au Programme des travailleurs qualifiés.
Je ne connais pas de programme où il y avait des emplois peu spécialisés dans le cadre du programme fédéral des travailleurs qualifiés. C’était peut-être avant que je n’occupe le poste. Mais je recommanderais certainement un programme qui permettrait aux gens de suivre un processus clair pour obtenir leur résidence permanente, surtout pour ceux qui ont prouvé leur volonté de rester au Canada. Ils sont ici et ils travaillent au Canada.
M. Tilson a soulevé la question de la langue. À l’heure actuelle, les gens doivent passer des examens de langue dans lesquels ils doivent prouver qu’ils ont atteint un niveau universitaire de lecture, d’écriture, de compréhension orale et d’expression orale, même s’ils occupent un métier ou un poste où ils n’en ont absolument pas besoin pour réussir au Canada. Ils travaillent au Canada; évidemment, ils peuvent s’établir au Canada.
Je recommanderais donc que s’ils travaillent au Canada, ils puissent immigrer au Canada, peu importe si leur expérience de travail est hautement ou peu spécialisée.
Pour la catégorie des aides familiaux, il est établi que le Canada a besoin de ces travailleurs, mais nous continuons de les obliger à travailler pendant deux ans avant qu’ils puissent présenter une demande. Au sujet du principe « bon pour travailler, bon pour rester », recommanderiez-vous que le gouvernement élimine cette exigence de deux ans de travail pour permettre aux travailleurs, comme les aides familiaux, de venir au Canada et d’obtenir le statut de résident permanent à leur arrivée?
Je recommande que les travailleurs qui ont été sélectionnés et qui ont déjà une offre d’emploi au Canada soient autorisés à rester.
Si les aides familiaux étaient considérés comme des travailleurs hautement qualifiés, ils pourraient très facilement passer par le système actuel Entrée express. Mais, comme on fait une distinction entre les travailleurs hautement qualifiés et les peu spécialisés et qu’Entrée express permet seulement aux gens qui ont un travail hautement spécialisé d’immigrer par ce système, ce n’est pas possible.
Appliqueriez-vous également ce principe aux étudiants étrangers? Il y a beaucoup d’étudiants étrangers qui ont étudié ici, qui ont fait leurs études ici et qui ont même acquis de l’expérience de travail ici, mais aucun processus ne leur est offert pour l’obtention de la résidence permanente. Je parle de ceux qui veulent rester, évidemment.
Qu’en pensez-vous?
Les étudiants étrangers sont de toute évidence des gens dont la venue est très souhaitable au Canada. Ils sont jeunes. Ils ont étudié au Canada. Ils ont de l’expérience de travail au Canada. Pourtant, beaucoup d’entre eux ne peuvent pas passer par le système Entrée express à cause de facteurs comme l’âge. S'ils sont dans la trentaine, je dirais que chaque anniversaire n’est pas un joyeux anniversaire, parce qu’à chaque anniversaire, leurs points diminuent de cinq ou six, jusqu’à 10 ou 11 points.
De plus, il y a des choses comme les examens de langue. Nous avons des étudiants au doctorat qui ne parviennent pas à obtenir le niveau de langue nécessaire pour immigrer. C’est un peu ridicule, pas un peu, très ridicule dans ce genre de cas.
Merci beaucoup.
Je vais maintenant passer M. Jeremic.
La chaîne Global TV a déjà fait une série de reportages, dont un en particulier a été porté à mon attention —en fait, un certain nombre d’entre eux ont été portés à mon attention — et concernait une mère qui avait amené son petit garçon et sa fille de 11 ans au Canada. La raison était que la jeune fille de 11 ans pourrait subir la MGF dans son pays d’origine.
Lorsqu’elle est arrivée au Canada, elle a présenté une demande d’asile. La fille a été acceptée, mais la mère et le garçon ont été déboutés, de sorte que cette jeune fille de 11 ans est devenue orpheline.
J’aimerais savoir ce que vous en pensez et ce que le Canada devrait faire pour modifier ses politiques dans des cas comme celui-là, où nous brisons des familles.
Merci.
J’ai eu un cas presque identique à celui dont vous parlez. La chose la plus simple à faire serait de permettre à cette personne — à l’enfant qui a été accepté comme personne protégée —, lorsqu’elle présente une demande de résidence permanente, d’inclure son parent dans la demande, de sorte que le parent obtienne automatiquement la résidence permanente sur la base de la demande de son enfant.
Cela fonctionne dans le cas inverse. Si un parent est accepté, mais que, pour une raison ou une autre, un enfant ne l’est pas, l’enfant est la personne à charge de cet adulte, alors, lorsque l’adulte demande la résidence permanente, l’enfant l’obtient également. Mais, cela ne fonctionne pas dans l’autre cas. Si l’enfant est la personne protégée, mais que le parent ne l’est pas, le parent doit alors se débrouiller seul. Comme vous le dites, la conclusion logique est que le parent peut être expulsé et que nous nous retrouvons avec un enfant orphelin qui a tous les droits légaux de rester au Canada.
Il suffirait simplement de modifier le règlement qui empêche actuellement les enfants d’inclure leurs parents dans leur demande de résidence permanente. C’est la recommandation la plus simple à cet égard.
Merci.
En fait, le HCR a formulé des observations à ce sujet. Leur conseiller juridique principal a dit que le Canada devrait avoir l’obligation de veiller à ce que les enfants réfugiés aient le droit au regroupement familial. Il a également ajouté que la présence des parents dans la vie des enfants est d’une importance fondamentale. C’est un principe reconnu en droit international et reconnu en droit national. Et c’est pourquoi le HCR exhorte tous les États à protéger la famille.
Êtes-vous d’accord avec cette affirmation?
Je serais d’accord avec cette observation. D’après ce que je comprends, chaque fois que quelqu’un a contesté cette disposition devant les tribunaux, le gouvernement a toujours trouvé un accord. Le ministère de la Justice a toujours trouvé un accord.
Les avocats de l’immigration supposent qu’ils ne veulent pas de précédent. Le gouvernement ne veut pas d’un précédent pour lequel un tribunal dit que les règles actuelles enfreignent ces obligations. Ce qui se passe, c’est que vous incluez le parent dans la demande de toute façon; il est refusé, puis vous déposez une demande de contrôle judiciaire et le gouvernement dit: « D’accord, nous réglerons le problème. Nous laisserons leurs demandes êtres traitées conjointement. »
Comme je l’ai dit, le Barreau part du principe qu’on ne veut pas de précédent. Les raisons que vous avez invoquées expliquent probablement pourquoi ils ne veulent pas d’un précédent.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Ma question sera en français, alors si vous avez besoin de l’interprétation, allez-y.
[Français]
Ma première question porte sur la politique d'immigration du Canada et ses cibles. Le Canada prévoit actuellement accueillir 350 000 immigrants. Jusqu'où peut-on aller? On parle de 1 % de la population canadienne, mais va-t-on devoir plafonner ce nombre à un moment donné?
Monsieur Antunes, vous avez calculé des prévisions sur la capacité du Canada d'augmenter sa population. Nous parlons ici d'immigration, parce que je dirais que c'est la façon la plus rapide de faire croître la population, mais quel est notre objectif ultime dans les prochaines années?
C'est une bonne question, et c'est un aspect que nous avons regardé.
Il ne faut pas oublier que la plupart des immigrants ne sont pas si jeunes que ça. Ils arrivent au Canada alors qu'ils ont déjà 30 ou 35 ans. Si le Canada décidait d'augmenter substantiellement ses cibles d'immigration, la population canadienne n'en rajeunirait pas nécessairement pour autant puisque l'arrivée de ces immigrants continuerait de favoriser son vieillissement. Les rapports de dépendance dont je parlais ne s'amélioreront pas complètement avec des cibles d'immigration de plus en plus élevées.
Nous voulions rester dans des normes raisonnables, mais nous avons déjà étudié des scénarios de cibles plus élevées. Je vous dirais que le défi le plus important, c'est la façon d'accueillir ces immigrants tout en leur assurant un meilleur avenir. Avant de trop augmenter les cibles d'immigration, il faudrait donc commencer par améliorer vraiment le taux de succès des immigrants sur le marché du travail au Canada.
Le Conference Board du Canada est-il en mesure d'analyser la qualité de l'intégration économique des immigrants, et éventuellement des réfugiés, pour établir à quel point ces gens-là participent et contribuent à la vie économique du Canada?
En fait, nous avons de très bonnes données là-dessus. Nous avons des données qui nous indiquent que le salaire d'un immigrant ayant le statut de réfugié représenterait, la première année, à peu près 20 % du salaire moyen canadien, et que cela lui prendrait longtemps, près de 20 ans, avant que son salaire ne corresponde à 50 % ou 60 % du salaire moyen canadien. Nous suivons cela de très près, et nous avons de bonnes données historiques là-dessus.
Ce que nous voulons vraiment faire comprendre, c'est qu'il y a des défis, de toutes sortes, dont le plus important est de s'assurer de meilleurs résultats sur le marché du travail avant même de songer à trop augmenter les cibles d'immigration.
Nous souhaitons de meilleurs résultats, et c'est pour cela que je voulais m'assurer que vous aviez ces données, ce qui semble être le cas. Il faut pouvoir juger de la qualité de l'immigration dans son ensemble et non à un niveau individuel, et permettre au Canada de se doter des grandes orientations politiques nécessaires à l'amélioration du sort de ses immigrants et de sa population active.
Quelle autre solution pourrait-on envisager pour faire augmenter la population canadienne sans passer par l'immigration, qui n'est en fait qu'une simple injection ponctuelle et brève? Comme vous le disiez, cela ne rajeunit pas la population. Avez-vous réfléchi à l'idée et aux coûts d'une politique de natalité? Y a-t-il une corrélation entre les deux? On sait que le gouvernement actuel a instauré une politique pour les jeunes ménages avec des enfants en leur octroyant des subventions non imposables. Est-ce qu'une subvention à la naissance serait une autre façon de procéder pour faire augmenter le nombre de Canadiens naissant au Canada?
Les politiques publiques sont une autre possibilité. Tout dépend de l'objectif visé, qu'il s'agisse de croissance économique ou de rapports de dépendance. Nous n'avons pas étudié chacun de ces scénarios. Je peux cependant vous dire que les services de garderie et l'éducation à l'enfance ont réussi à faire augmenter le taux de fécondité de la population dans certains cas, ce qui prouve le succès des politiques publiques. Cependant, il ne faut pas oublier qu'une fois né, il faut de 15 à 18 ans avant qu'un jeune n'intègre le marché du travail.
Tout à fait.
Toutefois, la notion de permanence entre en jeu en matière d'immigration. Lors d'autres témoignages, j'ai entendu dire que certains immigrants ou même des réfugiés prévoient que leur séjour sera temporaire, car ils veulent éventuellement retourner dans leur pays. Tout cela s'insère donc dans une vue d'ensemble selon laquelle on veut s'assurer d'accueillir des gens qui resteront le plus longtemps possible, étant donné qu'on investit en eux.
Vous avez parlé des perceptions de l'immigration, et je comprends que cela sort de votre champ d'expertise. Toutefois, qui devrait être responsable d'influencer et de modifier ces perceptions, est-ce que ce sont les politiciens ou le gouvernement, est-ce que ce sont les conseils économiques ou les entreprises?
La pénurie d'emplois est vécue au Québec mais aussi ailleurs au Canada. Selon vous, quels événements changeraient la donne et permettraient de convaincre la population du manque d'emplois et du fait que nous sommes incapables de suffire à nos propres besoins?
Le Conference Board et d'autres organismes privés se sont penchés là-dessus. Certaines des recherches du Conference Board — je ne dis pas cela nous vanter — tentent d'apporter un peu de perspective dans ce débat. Il faut réagir aux incidences qu'ont l'immigration ou d'autres politiques sur la vie des gens. Il faut également accepter l'évolution du marché du travail et de la technologie. Aux États-Unis, les gens avaient l'impression que c'était le libre-échange, plutôt que l'automatisation, qui avait causé des pertes d'emplois. Il faut donc s'assurer que les gens sont bien informés.
J’ai une question pour M. Jeremic et Mme Long. Cela n’a rien à voir avec les témoignages que vous venez de livrer.
Il y a environ un an, le Comité a présenté un exposé et un rapport au gouvernement sur l’état de l’industrie des consultants en immigration. Nous avons recommandé que le gouvernement démantèle l’organisme de réglementation et le confie au ministère. Il ne s’est rien passé depuis. C’est la troisième fois que le Comité étudie la question des consultants, et pourtant, les histoires d’horreur au sujet des consultants se poursuivent, à mon avis.
En votre qualité d’avocats — vous avez peut-être un parti pris —, la situation est-elle toujours aussi mauvaise qu’on le pense?
Nous allons commencer par Mme Long.
Oui, les histoires d’horreur se poursuivent. Même si vous pensez peut-être que j’ai un parti pris, je pense que le droit de l’immigration est l’un des domaines les plus complexes du droit, et qu’il a aussi une incidence très profonde sur une personne et sa famille.
Je fais partie d’un comité d’analyse composé d’avocats spécialisés en droit de l’immigration à l’échelle internationale, et nous avons interrogé nos membres au sujet des politiques concernant les consultants dans d’autres régions du monde. Le Canada est l’un des rares pays qui permettent aux consultants d’offrir des services, et les résultats parlent d’eux-mêmes lorsque nous le faisons.
Je suis d’accord avec ma collègue.
D’après ce que j’ai constaté en examinant le travail des consultants — dans les cas d’appel, par exemple —, cela tend à renforcer les histoires d’horreur, comme vous le dites.
Le problème, c’est que les consultants sont limités dans ce qu’ils peuvent faire. Ils peuvent présenter une demande, mais ils ne peuvent pas représenter quelqu’un devant les tribunaux. Le manque de formation et la portée très étroite de leur travail les empêchent parfois de prévoir ce qui pourrait arriver à une demande en cours de route, s’il y a un problème ou s’il faut en interjeter appel. Malheureusement, beaucoup des éléments qui déterminent ce qui va se passer en cours de route doivent être faits au tout début. Si vous ne les faites pas correctement au début, vous limitez vraiment les solutions pour régler le problème plus tard.
Monsieur le président, j’ai eu récemment un certain nombre de cas dans ma circonscription où des gens qui passaient par le système d’immigration étaient mal représentés aux audiences — surtout devant la CISR — et même s'ils l'étaient par des avocats.
Que peut-on faire pour améliorer la représentation par des avocats devant la CISR? Vous ne serez peut-être pas d’accord, mais d’après ce que j’ai pu observer en tant que député qui parle à ces gens, ils sont terriblement mal représentés. J’ai déjà été avocat, alors je peux comprendre certaines choses.
Monsieur Jeremic, allez-y.
Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec cette affirmation. Je pense qu’il y a divers types de représentations. Je pense que le problème est fondamentalement lié à la pratique. Beaucoup de ces gens sont nouveaux au Canada. Ils ne savent pas nécessairement comment trouver des avocats. Ils comptent sur les membres de la collectivité qui ne leur donnent peut-être pas les meilleurs conseils.
Je ne sais pas nécessairement comment nous pouvons le faire, c’est-à-dire comment donner aux gens qui cherchent une représentation juridique les moyens de savoir quels services doit leur fournir un avocat et ce qu’ils peuvent exiger afin qu’ils soient sûrs d'avoir la meilleure représentation possible.
Je crains de devoir vous interrompre ici.
Nous comptons sur vous pour aider votre profession.
Merci.
Nous allons suspendre la séance quelques instants pour accueillir les prochains témoins.
Nous reprenons nos travaux.
Les témoins précédents sont les bienvenus s’ils souhaitent rester et écouter, parce que les témoignages seront très intéressants.
Merci beaucoup d’être venus.
Madame Go et madame Chien, je vous remercie d’être venues. Je sais que vous avez eu des problèmes avec votre vol, mais vous avez réussi.
Merci pour votre persévérance.
Nous allons peut-être commencer par M. Donnelly, pour vous donner le temps de vous installer. Je sais que c’était précipité.
Monsieur Donnelly, allez-y.
Bonjour et merci au Comité de m’avoir invité.
Je suis un politicologue dont la recherche et l’enseignement portent sur la relation entre l’opinion publique et les politiques publiques, principalement en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, bien que je me penche parfois sur ce qui se passe ailleurs.
Comme j’ai bénéficié de la généreuse politique d’immigration du Canada, je suis très reconnaissant de son existence, mais je suis heureux que le Comité cherche des moyens de l’améliorer et de relever les défis qui se sont présentés ou qui risquent de se présenter à l’avenir. Dans mes observations aujourd’hui, je ne vais pas formuler de recommandations stratégiques précises. Je vais plutôt vous faire part de mes réflexions sur trois grands thèmes qui, à mon avis, restent souvent dans l’ombre dans les débats et les discussions sur la politique d’immigration au Canada.
Le premier thème que je veux aborder est si la tolérance ou l'enthousiasme du public canadien à l’égard de l’immigration est exceptionnel par rapport à d'autres pays semblables. Bref, les Canadiens sont des gens, et comme dans n’importe quel gros groupe de gens, il y en aura beaucoup qui ne seront pas très tolérants, qui ne seront pas très enthousiastes à l’égard des étrangers.
Le Canada n’est ni exceptionnellement tolérant ni exceptionnellement intolérant. Comme beaucoup d’autres pays, le Canada est composé de gens qui acceptent l’immigration, de gens qui sont enthousiastes et d’autres qui ne le sont pas beaucoup. Il est bien connu qu’il est difficile d’évaluer l’ampleur de la xénophobie et des attitudes connexes. Nous ne sommes pas très bons pour le faire, mais nous essayons. Je pense qu’une évaluation juste des données probantes indiquerait que le Canada est un peu plus tolérant en moyenne que les pays typiquement riches, mais seulement dans une certaine mesure. Ce n’est ni exceptionnel ni aberrant.
Dans un sondage mené récemment, on a demandé aux Canadiens d’évaluer l’incidence de l’immigration sur l’économie. Les Canadiens étaient plus enthousiastes, plus positifs que les habitants de 18 pays européens à qui on a posé la même question. Ils étaient moins enthousiastes que les habitants de trois autres pays. Dans cette même enquête, on a demandé si nous devrions accepter plus d’immigrants des pays pauvres. Pour cette question, le Canada se situait au milieu, plus enthousiaste que 10 pays et moins enthousiaste que 11. La majorité des Canadiens sont satisfaits des niveaux actuels d’immigration, mais un nombre important a un point de vue moins favorable. Environ un tiers d'entre eux seraient heureux que moins d’immigrants arrivent chaque année, et de nombreux Canadiens, peut-être un quart, aimeraient voir une politique plus discriminatoire sur le plan racial ou religieux.
Permettez-moi de passer au second thème que je souhaite aborder aujourd’hui. Les politiques ont une influence sur l’attitude du public, mais seulement jusqu’à un certain point. Les politiques contribuent à accroître l’acceptation de l’immigration, mais seulement dans une certaine mesure. Le consensus assez général entourant les politiques d’immigration au Canada dépend probablement plus de la géographie que de la conception institutionnelle. Pensons à l’attention suscitée par le nombre relativement faible de demandeurs d’asile qui traversent la frontière à partir des États-Unis. Ces demandeurs d’asile, plus tous les réfugiés réinstallés dans le cadre de processus officiels, représentent un très petit nombre par habitant par rapport aux flux importants observés récemment dans des pays comme l’Allemagne ou la Grèce, sans parler de pays comme le Liban ou la Turquie.
Il y a trois grandes choses que nous savons, selon moi, sur la façon dont les politiques peuvent influencer les débats publics sur l’immigration. Premièrement, les événements et les échecs particuliers des politiques sont importants. Les répercussions les plus directes, à court terme et visibles, des politiques sur les vues du public sont lorsque quelque chose tourne mal. Le public réagit à des échecs politiques perçus ou réels, à des événements qui attirent l’attention des médias et à des récits clairs avec les méchants, les héros et les victimes.
En l’absence de tels événements de premier plan, la plupart des gens ne pensent tout simplement pas à l’immigration la majorité du temps. En fait, même les changements majeurs ne semblent pas changer les attitudes en matière d’immigration dans l’ensemble ou en moyenne. La plupart des événements font basculer certaines personnes dans un sens et d’autres dans l’autre. Ni la grande récession de 2009-2010, ni la crise de l’euro, ni la crise des réfugiés syriens ne semblent avoir modifié l’opinion moyenne de l’immigration en Europe dans les endroits que j’étudie.
À l’inverse, ces deux grands événements ont changé les coalitions qui appuyaient l’immigration, changé les types de personnes qui appuyaient l’immigration et amené les partis politiques à lier plus fermement leur identité à leur position sur l’immigration, ce qui, dans une certaine mesure, a polarisé ou politisé le débat sans changer les attitudes en moyenne.
Un deuxième élément important de la littérature sur les politiques qui me paraît pertinent ici, c’est que la voix des immigrants est plus importante au Canada que dans la plupart des autres pays. Une forme de ce que nous appelons la rétroaction stratégique est la relation à long terme entre le régime de citoyenneté ou de naturalisation et les politiques d’immigration dans l’avenir. La politique de naturalisation relativement généreuse ici signifie qu’il y a de grandes communautés de migrants dont les voix et les votes finissent par avoir un poids politique, ce qui fait qu’il est plus difficile, bien que ce ne soit pas impossible, que des arguments horribles anti-immigrants se hissent au sommet des programmes politiques. Comme nous savons que l’attitude du public est façonnée par les enjeux et les arguments que les acteurs politiques et médiatiques mettent à l’ordre du jour, les politiques ont sans aucun doute permis de réduire les conflits politiques.
Enfin, il y a quelque chose dont nous avons déjà discuté aujourd’hui. La nature sélective de la politique d’immigration du Canada qui cible les avantages économiques semble avoir de l’importance et semble réellement renforcer l’appui du public à l’égard de l’immigration, bien que ce ne soit le cas que pour un groupe relativement restreint de la population. Cette incidence limitée est attribuable au fait que certaines personnes ne connaissent pas la nature sélective du système. Certaines personnes ne croient pas que le système fonctionne comme il est conçu. D’autres adoptent simplement leur position sur l’immigration en fonction de facteurs autres que les avantages économiques qu’ils perçoivent. L’effet de la conception des politiques sur la politique d’immigration est une question ouverte sur laquelle de nombreux universitaires se penchent. J’ai bon espoir que nous pourrons continuer de trouver des façons de concevoir des politiques qui réduiront les conflits et renforceront les appuis à l’immigration.
Le dernier thème que je veux aborder s’éloigne un peu du domaine de la politique d’immigration et porte davantage sur le contexte plus large de l’arène politique. En particulier, je pense que le Comité gagnerait à examiner de nombreuses autres formes de politique qui ont une incidence directe sur les débats entourant l’immigration. Comme d’autres témoins avant moi l’ont sans doute souligné, les marchés du travail, les systèmes d’éducation et les programmes d’aide sociale ont tous des liens importants avec la politique d’immigration.
À ces secteurs, j’ajouterais qu’il est primordial de tenir compte de l’incidence des politiques sur les partis politiques et la société civile en ce qui concerne les résultats en matière d’immigration. Les partis politiques, les groupes religieux, les organismes sans but lucratif et les syndicats ont tous joué un rôle dans le passé en favorisant l’intégration des immigrants et en transformant l’anxiété du public au sujet de l’immigration en un engagement productif plutôt qu’en une résistance destructrice. Tous ces organismes, dans une certaine mesure, ont vu leur influence sur l’opinion publique diminuer au cours des dernières décennies. Les décideurs qui déterminent la façon de réglementer, d’appuyer ou de restreindre les activités de ces groupes devraient tenir compte de la façon dont ces mesures pourraient influencer la capacité de ces groupes de promouvoir une intégration réussie et des politiques d’immigration consensuelles.
Merci de votre temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Nous accueillons également des représentantes de la Clinique juridique des communautés chinoise et de l'Asie du Sud-Est.
Vous allez partager votre temps. Madame Go, je crois comprendre que vous allez commencer. Allez-y.
Je m’appelle Avvy Go et je suis directrice de la Clinique juridique des communautés chinoise et de l’Asie du Sud-Est. Je suis accompagnée de Jin Chien, notre avocate à l’interne. Nous allons faire un exposé conjoint cet après-midi.
Nous sommes un organisme communautaire qui offre des services juridiques gratuitement aux membres à faible revenu des communautés chinoises et sud asiatiques de l’Ontario. Nous tenons à remercier le Comité de nous offrir la possibilité de parler de la question de la migration cet après-midi. Nous nous concentrerons sur trois groupes précis de migrants: les réfugiés, les travailleurs migrants et les immigrants de la catégorie du regroupement familial.
Mme Chien parlera des réfugiés et des travailleurs migrants, et je parlerai des immigrants de la catégorie du regroupement familial.
Je commencerai notre exposé en formulant trois observations générales qui cadrent en quelque sorte avec ce que M. Donnelly vient de dire.
Tout d’abord, de nombreux soi-disant migrants volontaires sont forcés de quitter leur pays d’origine pour des motifs hors de leur contrôle. Le changement climatique, les disparités économiques et sociales et l’absence de démocratie et de primauté du droit ne sont que quelques-uns des facteurs qui contribuent à l’augmentation de la migration dans le monde. Selon nous, le fait de catégoriser les non-réfugiés en tant que migrants volontaires peut être trompeur.
Ensuite, avec la montée de la rhétorique anti-immigrants et anti-réfugiés aux États-Unis et au Canada, la façon dont nous parlons de la migration est importante. Nous devrions éviter d’utiliser des termes qui divisent, qui créent de fausses dichotomies entre les immigrants et les réfugiés et qui perpétuent un sentiment non fondé de crise, lequel, en retour, attise le sentiment anti-réfugiés et encourage les comportements discriminatoires.
Par conséquent, nous demandons au gouvernement, par l’intermédiaire du Comité, de modifier son discours sur la migration en soulignant positivement l’obligation du Canada à l’égard des réfugiés, ainsi que le rôle crucial que les migrants ont joué dans la construction de notre pays et l’importance de leur contribution à notre avenir collectif.
Enfin, tenant compte du fait que les personnes de couleur représentent une proportion de plus en plus importante d’immigrants de toutes les catégories, nous demandons au gouvernement, par l’intermédiaire du Comité, d’évaluer les répercussions de toutes lois et politiques en matière d’immigration sur les communautés raciales en tenant compte de l’équité raciale et de l’équité entre les genres.
En ce qui concerne les problèmes auxquels sont confrontés les réfugiés, le Canada a des obligations juridiques, comme nous le savons tous, envers ce groupe en vertu du droit international, particulièrement en tant qu’État partie à la Convention de 1951 sur les réfugiés. La politique du gouvernement à cet égard doit être guidée tant par le traité que par les lois nationales, c’est-à-dire la LIPR.
En réponse à l’augmentation récente du nombre de demandeurs d’asile en provenance des États-Unis, nous demandons au Canada d’annuler ou de suspendre l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis et de veiller à ce que toute réforme du système de détermination du statut de réfugié continue de respecter les droits de tous les demandeurs d’asile, conformément au droit national et international en matière de droits de la personne.
En ce qui concerne les travailleurs migrants, le système d’immigration canadien accorde une grande priorité aux migrants économiques, comme nous l’avons entendu et comme en témoigne la modification récente des niveaux d’immigration cibles de 2019 à 2021.
Ce groupe est principalement composé de travailleurs qui sont soi-disant qualifiés et très instruits et qui disposent de moyens. Les personnes considérées comme peu qualifiées, y compris les aides familiaux et les travailleurs agricoles saisonniers, viennent au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires et n’ont généralement pas le droit de rester de façon permanente. Leur statut d’immigrant est souvent lié à des emplois à durée déterminée et qui ne sont offerts que par un employeur, ce qui les rend exceptionnellement vulnérables à l’exploitation et aux abus. De plus, bon nombre de ces soi-disant emplois temporaires sont à plus long terme, et ils restent vacants en raison du faible taux de rétention des travailleurs canadiens.
Nous recommandons au Comité que le Canada accorde la résidence permanente à tous les travailleurs migrants à leur arrivée au Canada et adopte la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que la Convention 189 de l’OIT concernant le travail décent pour les travailleurs domestiques.
Nous demandons également au gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre un programme complet, transparent, inclusif et permanent de régularisation pour toutes les personnes vivant avec un statut précaire au Canada.
La réunification des familles est le pilier de notre politique d’immigration et sert à faire du Canada une destination concurrentielle pour les immigrants hautement qualifiés. Cependant, le nombre d’admissions dans la catégorie du regroupement familial a diminué au cours des deux dernières décennies. Les modifications apportées aux lois ont aussi rendu la réunification des familles beaucoup plus longue et plus difficile pour de nombreux Canadiens.
Les restrictions actuellement imposées au parrainage des parents et des grands-parents en particulier ont un effet disproportionné sur les communautés racialisées, dont les familles sont plus susceptibles d’avoir une structure familiale élargie. Ils sont également surreprésentés parmi les ménages à faible revenu et sont donc moins susceptibles de satisfaire à l’exigence de revenu vital minimum pour leur parrainage.
Nous demandons au Comité de recommander l’abolition du quota pour le parrainage des parents et des grands-parents, l’abrogation de l’exigence relative au RVM, la réduction de la période de parrainage à 10 ans et l’augmentation du nombre total d’immigrants de la catégorie du regroupement familial à 50 % du nombre d’immigrants total accueillis. Étant donné l’importance des familles élargies, nous prions également le Comité de demander au gouvernement de remanier le programme de la catégorie du regroupement familial pour permettre le parrainage de frères et soeurs et d’autres membres de la famille au Canada.
En conclusion, le Canada est considéré comme un modèle pour le monde en ce qui concerne sa politique en matière d’immigration et de réfugiés. L’immigration est au cœur de la stratégie et de la croissance économiques à long terme du Canada. Nous accueillons favorablement l’augmentation très modeste de la réinstallation des réfugiés et des membres de la catégorie du regroupement familial dans le plan d’immigration proposé pour 2019-2021. Cependant, ces augmentations sont loin d’être suffisantes, à notre humble avis.
Le Canada peut mieux soutenir son rôle de chef de file en adoptant des politiques d’immigration et de citoyenneté qui accordent la priorité à l’immigration permanente plutôt qu’à la migration temporaire, éliminent les obstacles à la citoyenneté et facilitent l’accès équitable au marché du travail pour tous les groupes raciaux et autres groupes marginalisés. De plus, le Canada devrait continuer à faire preuve de respect pour les droits de la personne en acceptant plus de réfugiés, en mettant fin à la détention d’immigrants pour une période indéterminée et en adoptant des mesures concrètes pour lutter contre le racisme et d’autres formes de discrimination à l’égard de toutes les personnes vivant au Canada, quel que soit leur statut d’immigration.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous d’être venus.
En me préparant pour la séance d’aujourd’hui, j’ai regardé ce que disait Twitter au sujet du plan des niveaux d’immigration. J’ai constaté que Goldy Hyder, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires, a écrit ceci sur Twitter:
Le Canada portera le nombre annuel d’admissions d’immigrants à 350 000 d’ici 2021. Le talent est la principale ressource stratégique du Canada. Les entreprises savent que nous avons le talent et que, sinon, nous pouvons l’obtenir. Voilà la principale considération pour investir au Canada.
Je vous demande à tous les deux, compte tenu des niveaux et du nombre qui peut être absorbé dans la société, si cette cible d’environ 1 % est bonne ou non.
Pour M. Donnelly, comment les Canadiens ou le public verront-ils une cible de 1 % en général? Sont-ils d’accord ou non, et les niveaux devraient-ils être plus ou moins élevés? Pour Mme Go et de Mme Chien, vous demandez beaucoup plus que cela, alors quelle cible proposez-vous?
Pour répondre à la première question, à savoir si c’est la bonne cible, je n’ai pas d’opinion concernant les cibles.
Quant à savoir si les Canadiens l’accepteront, je pense qu’ils le feront. Je pense qu’on peut la vendre de façon convaincante. Je pense qu’elle pourrait être rejetée, et elle le sera, si elle est présentée comme une chose déraisonnable par l’élite politique.
Ce que nous savons sur la façon dont le public comprend les chiffres, c’est que personne ne comprend ce que ces chiffres signifient, à moins que ce soit leur domaine et leur travail au quotidien. Pour ce qui est de ce qu’on peut dire avant l’arrivée des migrants, je ne pense pas que les chiffres soient importants. Je pense que le cadre et la discussion à ce sujet — les avantages pour le Canada, les immigrants et les Autochtones — sont plus importants.
Une fois arrivés, ils seront acceptés, dans la mesure où ils s’intégreront au marché du travail et dans la mesure où ils ne seront pas coupés de la société d’une façon qui frustrerait de nombreux Autochtones. Je pense qu’il y a toujours le risque que des démagogues prennent des cas particuliers, qu’ils les brandissent pour tourner les Canadiens contre l’immigration. Je pense qu’une cible en chiffre a très peu à voir avec le fait que cela se produise ou non.
Habituellement, nous ne prenons pas position sur le pourcentage ou le nombre réel. Cependant, je sais que des organismes comme l’Ontario Council of Agencies Serving Immigrants préconise ce 1 %. Cela semble être une sorte de consensus parmi de nombreux groupes.
Je suppose que, de notre point de vue, c’est davantage une question de répartition que de nombre. Nous espérons voir une répartition différente de celle que nous avons actuellement. Par exemple, je suis assez âgée pour me rappeler qu’avant les années 1990, nous avions un niveau beaucoup plus élevé d’immigrants de la catégorie du regroupement familial. L’évaluation effectuée par CIC en 2015 sur le programme de la catégorie du regroupement familial a révélé que 43 % des immigrants économiques qui viennent au Canada choisissent le Canada parce qu’ils peuvent parrainer leur famille plus tard.
Je m’intéresse davantage à...
Arrêtons-nous un instant.
D’une part, dans certaines des recommandations qui ont été formulées, vous suggérez d’abroger l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui permettrait aux gens de se rendre à la frontière et, comme le prétendent les conservateurs, de passer devant les autres. Nous n’avons qu’un nombre limité de services d’établissement. Nous essayons de porter ce pourcentage à 1 %.
Comment peut-on justifier le fait de permettre aux gens de venir à la frontière et d’obtenir des services d’établissement dans un contexte où les ressources sont limitées et ensuite de demander un regroupement familial? Vous ne laissez aucune place à d’autres types de migration économique, laquelle, selon M. Donnelly, favorise la confiance du public dans notre système.
Tout d’abord, nous pensons que la politique sur les réfugiés est distincte de la politique sur l’immigration. Je pense...
Je dis que la raison d’être de la politique sur les réfugiés est différente de celle de la politique sur l’immigration. Nous acceptons des réfugiés non pas parce que... les réfugiés apportent une contribution économique au Canada, mais nous ne les acceptons pas pour cette raison. Nous acceptons des réfugiés parce que nous avons l’obligation internationale de le faire.
Les gens traversent la frontière de toute façon. J’ai des clients qui ne viennent pas nécessairement directement des États-Unis, mais qui, d’une façon ou d’une autre, ont dû passer par les États-Unis pour venir au Canada dans leur parcours. Beaucoup d’entre eux passent par d’autres façons, de façon irrégulière, pour venir au Canada. Ils ne font pas les manchettes parce qu’ils ne sont pas arrivés par les mêmes moyens que ceux présentés aux informations.
Bien sûr.
Dans le même ordre d’idées, monsieur Donnelly, avez-vous vérifié si l’équité est un facteur important dans la confiance du public dans le système d’immigration? Vous avez parlé un peu du fait que les dirigeants politiques peuvent laisser entendre que c’est bon, réalisable et faisable, ou qu’ils peuvent laisser entendre que ce n’est pas le cas.
Quelle est la perception du public du fait que le système est juste et équitable? Lorsqu’on pense à la justice et à l’équité, notamment au fait que le resquillage est quelque chose qui dérangerait les gens, ou qu’on priverait les locaux de ressources ou au fait qu'ils ne s’intègrent pas bien ou qu'ils s'intègrent bien, qu'ils contribuent aux ressources dont tout le monde peut profiter collectivement et au respect l’ordre fondé sur des règles... sont deux des trois côtés de la même question.
Quelle est l’influence de ces discours sur le soutien du public à l’égard des niveaux supérieurs d’immigration que nous essayons d’atteindre?
Pour ce qui est de l’équité, je ne connais aucune initiative qui visait à mesurer directement le lien entre la perception de l’équité et les attitudes. Je sais que la confiance dans les institutions — la confiance que le gouvernement sait ce qu’il fait, la confiance que la bureaucratie fonctionne — est généralement associée à la conviction que les immigrants viendront et s’intégreront bien. Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’équité — du fait que nous pensons que le gouvernement fait son travail et traite les gens de façon harmonieuse —, cela répondrait à votre question.
C’est suffisant.
Madame Go, en contrepartie, si vous croyez que nous devrions accroître considérablement l’immigration au pays, vous croyez également que le système est efficace et qu’il intègre bien les gens.
Je ne pense pas que le système fonctionne aussi bien qu’il le pourrait.
Un des obstacles à l’intégration...
Alors, pourquoi nous demandez-vous aujourd’hui d’ajouter des gens de différentes catégories si vous ne croyez pas que le système fonctionne?
Encore une fois, je ne parle pas du nombre. En fait, si vous lisez notre mémoire, vous verrez que nous ne parlons pas de chiffre. Nous ne parlons que de la répartition. Nous n’avons pas de position sur le nombre total. Nous ne parlons que de la répartition du nombre total.
L’une des principales raisons pour lesquelles les gens ne s’intègrent pas bien est l’obstacle relatif à l’équité sur le marché du travail. De nombreuses études ont montré, par exemple, que si vous êtes un nouvel arrivant ou si vous appartenez à un groupe racialisé, vous êtes plus susceptible de gagner moins d’argent et de ne pas pouvoir obtenir le travail pour lequel vous avez été formé. Je sais que divers types de gouvernement, divers partis ont essayé de travailler là-dessus, mais nous pouvons faire mieux. Si les gens sont mieux intégrés, ils seront également perçus comme contribuant davantage à l’économie, ce qui, à mon avis, fera en sorte que les Canadiens accepteront davantage d’immigrants au Canada parce que, après tout, nous avons besoin d’immigrants pour alimenter notre moteur économique.
J’ai une question pour M. Donnelly, puis M. Maguire prendra la relève.
C’est une question que j’ai posée à M. Antunes du Conference Board du Canada, au sujet de la façon dont la politique d’immigration du Canada ces dernières années a mis l’accent sur la migration économique. Bien que nous ayons des volets de réunification des familles et d’aide humanitaire, il semble que la raison pour laquelle la plupart des Canadiens appuient les niveaux de migration, c’est que nous les avons structurés de façon à ce qu’ils profitent à l’économie. Cela semble être le cas. Certains disent que si on s’en éloigne, le soutien du public diminuera considérablement.
Vous avez surtout dit dans votre exposé que vous étudiez l’opinion publique. Êtes-vous d’accord ou non avec ce que je viens de dire?
Nous sommes tous des politiciens, bien sûr, et nous tenons compte de l’appui du public. C’est notre problème dans toute cette histoire.
Oui. Il ne fait aucun doute que le soutien à l’immigration serait affaibli si elle était perçue comme moins avantageuse sur le plan économique.
Je n’ai pas de preuves tangibles, mais je pense que la répartition, la propension à accueillir plus d’immigrants économiques, a augmenté le soutien à l’immigration et a contribué à le maintenir. Quelle est l’ampleur de cet effet? Vous avez suggéré une baisse substantielle. Je ne suis pas sûr qu’il s’agirait d’une baisse substantielle, simplement parce que je pense qu’il est difficile de voir une baisse substantielle dans les attitudes à l’égard de l’immigration, même en présence de situations comme la crise des réfugiés syriens en Allemagne.
Notre problème, bien sûr, c’est que nous avons toutes ces autres raisons, c’est-à-dire les gens qui sont dans des camps horribles partout sur la planète, la pestilence, la guerre, les problèmes climatiques et toutes ces autres situations. Je pourrais continuer. Ce sont des questions très graves. Nous sommes un pays compatissant. Nous avons l’obligation d’aider ces gens, mais je suppose que nous tenons compte de l’opinion publique. C’est pourquoi je vous ai posé cette question.
Allez-y, monsieur Maguire.
Puis-je répondre?
M. David Tilson: Oui.
Mme Avvy Go: Je pense qu’il est également important de réfléchir à la façon dont nous pouvons changer le discours. L’hypothèse qui sous-tend ce sentiment est que les immigrants de la catégorie du regroupement familial ne présentent aucun avantage économique pour le Canada. Cependant, encore une fois, je cite l’étude de 2015 de CIC, qui portait à la fois sur les demandes de parrainage d’un époux et de parrainage de parents et de grands-parents. Il y est question des avantages économiques de faire venir des parents et des grands-parents. Un très grand nombre de répondants sont en mesure de retourner sur le marché du travail parce que leurs parents et leurs grands-parents sont ici, ou leur conjoint peut retourner au travail.
Nous considérons les parents et les grands-parents comme les seules personnes qui font partie de la catégorie du regroupement familial. Je suis moi-même issue de la catégorie du regroupement familial. La plupart de mes frères et soeurs ont été parrainés au titre de la catégorie du regroupement familial, parce que notre frère aîné est arrivé ici dans les années 1960. Finalement, tout le monde a déménagé au Canada. Nous sommes tous des professionnels. Nous avons tous une carrière fructueuse aux vues des Canadiens.
Je pense que beaucoup de ces hypothèses peuvent changer si le public reçoit la bonne information, tout comme les hypothèses sur le statut de resquilleur des réfugiés peuvent changer si nous changeons nous-mêmes le discours.
Le président: Monsieur Maguire, allez-y.
Merci de votre réponse. Rebienvenue parmi nous.
Je suis heureux de vous voir également, monsieur Donnelly.
Pour faire suite à la question de mon collègue sur la perception selon laquelle on s’éloigne du volet économique et sur les répercussions que cela aura sur l’économie, cela semble être assez bien accepté. Je pense que c’est ce que vous disiez et que c'est ce que mon collègue a dit, mais le récent sondage Angus Reid a révélé que 49 % des Canadiens n’ont plus confiance dans le système d’immigration, comparativement à 36 % en 2014. C’est ce que révèle un sondage qui vient d’être fait. C’est un revirement assez important.
Vous avez dit qu’il était très difficile de constater ce changement, monsieur Donnelly. C’est un changement assez important actuellement. Je dirais qu’il y a eu un déplacement. J’aimerais savoir ce que vous pensez que nous pourrions faire pour changer cette vision de la population canadienne.
Je vais vous laisser répondre en premier.
Je n'ai pas vu ce sondage. Vous dites qu'il vient d'Angus Reid?
Vous dites que le public ne fait plus confiance au système d'immigration... Je ne serais pas surpris que l'on observe un grand bond de confiance envers le système. Dans ce domaine, la perception d'un échec mineur peut complètement retourner l'attitude du public. Toutefois, dans le cas de décisions d'une plus grande portée, par exemple sur l'augmentation du nombre d'immigrants à accueillir, il me semble que cette confiance est plus stable.
Pour maintenir la confiance envers le système, si telle est votre but, il me semble qu'il faut éviter de laisser filtrer une perception d'échec et d'inefficience et présenter le système sous son meilleur jour.
Je voulais souligner qu'à l'heure actuelle, 49 % du public désire que nous abaissions les niveaux d'immigration.
Vous l'avez tous dit, l'immigration est nécessaire pour faire croître l'économie canadienne et pour agir en citoyens du monde responsables. Nous envisageons d'accueillir des réfugiés. Les chiffres sont là.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez, mesdames Go et Chien, car vous avez une certaine expérience à ce propos. Selon vous, quels niveaux devrions-nous fixer, et dans quels domaines?
Les immigrants que nous accueillons ne doivent pas dépendre indéfiniment de l'aide sociale. Il faut qu'ils trouvent de l'emploi. En fait, ils en trouvent, mais nous devons nous concentrer sur les domaines qui leur permettront de devenir des résidents permanents et non temporaires, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
Malheureusement, votre temps est écoulé.
Je suis désolé, je ne peux pas vous laisser le temps de répondre.
Madame Kwan, à vous la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins pour leurs présentations.
Je vous remercie, madame Go, d'avoir suggéré de changer le discours.
Je voudrais souligner une chose. Si l'on cesse de reconnaître la valeur des immigrants et des réfugiés, si on les déshumanise, le pays en subit les conséquences, bien évidemment. Nous constatons les répercussions de l'attitude et des politiques discriminatoires et haineuses du président des États-Unis face à une certaine communauté. D'après moi, cette attitude encourage les gens qui ont des tendances racistes à semer la peur.
Mais nous n'en discuterons pas aujourd'hui.
Je voulais parler de la structure de notre système d'immigration. Madame Go, vous l'avez mentionnée. Un grand nombre d'immigrants cherchent avant tout à réunir les membres de leur famille, leurs parents et leurs grands-parents. Le système de loterie que nous appliquons est absurde. On ne peut pas dire aux gens que leur capacité de réunir les membres de leur famille dépend d'un tirage au sort.
Le gouvernement a augmenté le nombre de demandes, mais celles-ci ne correspondent pas aux différents niveaux. C'est comme si l'on invitait mille personnes à se porter candidates à un poste, mais qu'en fin de compte on n'a qu'un poste à pourvoir.
Que pensez-vous de cela, et que devrions-nous faire pour améliorer cette situation?
Le parrainage des parents et des grands-parents cause un certain nombre de problèmes. En parlant au ministre lui-même, j'ai appris que même si nous fixons un quota, bien souvent nous ne réussissons même pas à l'atteindre.
Cela s'explique en partie par le fait que bien des gens ne sont pas admissibles, ou pensant ne pas l'être, alors ils ne présentent pas de demande. Nous traitons de nombreux cas de ce genre à notre clinique. Je le répète, l'OCASI a mené un sondage auprès de ses organismes, et plusieurs d'entre eux ont souligné que de nombreux clients ne font pas de demande, sachant qu'ils ne seront pas admis. À mon avis, il faut changer les exigences ainsi que le système de quotas. Si vous en modifiez un sans changer l'autre, nous aurons des problèmes.
Pour changer le discours, il faut considérer le regroupement familial comme un système intégré. On ne parle pas uniquement des conjoints et des parents. Il s'agit des frères et soeurs et d'autres parents qui nous étaient proches. Les gens qui passaient par la catégorie de l’immigration économique, mais avec un parent aidé, se voyaient accorder un point supplémentaire. Certains de mes parents et des membres de ma famille sont arrivés de cette façon.
Si l'on étend la catégorie du regroupement familial de manière à en traiter tous les membres de la même manière, le système ne favorisera plus personne. Il faut restructurer aussi tout le système de la catégorie de la famille.
Merci.
Votre recommandation d'étendre le système de réunification de la famille non seulement aux parents et aux grands-parents, mais aux frères et soeurs, aux oncles et aux autres proches, est très bonne. En fait, c'est ainsi que j'ai été admise au Canada. Ma tante avait parrainé mon père, alors nous sommes venus en famille.
Quant à la question des travailleurs temporaires de l'étranger, le système repose sur le principe selon lequel les gens qui sont en mesure de travailler peuvent rester. Pourquoi n'offrons-nous pas la résidence permanente aux travailleurs étrangers dès leur arrivée? Je voudrais que vous nous disiez ce que vous en pensez.
Auparavant, les gens qui possédaient certains ensembles de compétences — qui étaient moyennement, peu ou hautement qualifiés — étaient admis au Canada dans le cadre du système d'immigration et non d'un programme de travailleurs temporaires. Pensez-vous que nous devrions rétablir ce système?
Bien sûr. Je suis tout à fait d'accord avec vous, les gens qui sont en mesure de travailler devraient pouvoir rester. Je ne suis pas seule à penser ainsi. Même la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante est de cet avis. Je crois qu'elle reconnaît aussi qu'un grand nombre d'emplois tenus par des travailleurs temporaires de l'étranger, comme l'a dit ma collègue, sont en fait des emplois permanents à pourvoir, mais qui sont restés vacants.
En un sens, ce système favorise les employeurs, parce que les travailleurs temporaires de l'étranger leur coûtent moins cher. Ils sont dépendants de leur employeur. Ils sont plus vulnérables, alors je suppose qu'ils obéissent mieux à leurs patrons.
Nous y perdons, parce que ces gens s'en vont. S'ils s'en vont après avoir travaillé ici pendant quatre ans, l'employeur y perd lui aussi. Voilà pourquoi tant de patrons font accélérer la procédure de résidence permanente de leurs travailleurs de l'étranger. Ils les ont formés, alors ils tiennent à les garder.
Je le répète, ce n'est pas juste une question de nombres, mais de combinaisons. Nous devrions tenir compte de cela à l'avenir. La catégorie économique ne devrait pas viser uniquement des travailleurs hautement qualifiés et instruits. Nous avons besoin de personnes dans divers secteurs. Les travailleurs temporaires de l'étranger répondent à des besoins. Ils occupent des postes à pourvoir, alors pourquoi ne leur permettons-nous pas de rester en permanence?
Nous devrions aussi envisager de créer un processus de régularisation pour ceux qui sont ici dans le cadre du programme des travailleurs temporaires afin qu'ils puissent faire une demande de résidence permanente. Ce processus pourrait s'appliquer à 1 ou 2 % des travailleurs, ou au quota que l'on aura fixé.
Le comité consultatif d’experts du gouvernement — que l’ancien ministre, l’honorable John McCallum, avait créé — a recommandé que 400 000 personnes viennent au Canada, pour ce qui est du nombre et des niveaux d'immigration. Nous n’en sommes pas là; nous avons encore bien du chemin à faire.
Cela dit, notre population vieillit. Les gens n'ont plus autant d'enfants qu'autrefois. Nous avons donc besoin d'immigrants, pour notre économie et pour le PIB. C'est une raison primordiale parmi toutes les autres.
Par conséquent, il est temps que le gouvernement prenne une profonde respiration et, pour changer sa politique sur l'immigration, qu'il annonce que ce n'est pas uniquement un enjeu politique, une question de popularité, mais qu'il doit le faire pour le bien du pays. Il faut établir des politiques qui répondent au besoin de croissance du PIB et à nos besoins culturels, pour soutenir nos collectivités et nos familles, n'est-ce pas?
Oui, je suis d'accord avec vous. Il me semble que plusieurs gouvernements s'efforcent de le faire, mais ils ne font pas toujours les choses correctement. Parfois, notre discours sur les politiques d'immigration est gauche et perpétue certains stéréotypes. Mais je crois que quand on veut, on peut. Grâce aux consultations publiques comme celle-ci, on finira par modifier le discours jusqu'à ce qu'il se trouve sur la bonne voie.
Dans le cadre des consultations, en fait, le gouvernement en a entamé sur la lutte contre le racisme, ce qui est lié à l'emploi. Il mène des consultations à huis clos, alors nous ne savons pas qui il y invite.
Êtes-vous d'accord avec cela, ou ce processus de consultation devrait-il se dérouler ouvertement?
Dans mon cas, nous avons été invités à une consultation tenue le mardi qui suivait un long week-end. J'ai reçu cette invitation le vendredi après-midi. Le processus n'était pas très efficace, mais nous avons essayé d'en parler au ministre et au secrétaire parlementaire. Nous espérons qu'à l'avenir, ce processus sera beaucoup plus ouvert.
Je vais devoir vous arrêter ici. Nous avons dépassé un peu le temps prévu.
Monsieur Tabbara, à vous la parole.
Je vous remercie tous trois d'être venus. Je sais que vous fournissez beaucoup de précieux services à un grand nombre de nouveaux arrivants.
Madame Go, vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que nous devrions supprimer le quota des parents et des grands-parents. En 2015, environ 95 000 parents et grands-parents ont présenté une demande, et seulement 5 000 ont été admis. Nous avons porté ce chiffre à 10 000. Nous l’avons récemment augmenté à 17 000, et en 2019, il passera à 20 000.
Pourquoi pensez-vous que nous devrions supprimer ce nombre et accueillir 100 000 personnes qui sont des grands-parents? Il pourrait s’agir d'aînés, ou même de personnes très âgées. Pourquoi pensez-vous que nous devrions lever le plafond et faire venir ces immigrants au Canada?
Ils devraient être traités comme les autres immigrants. S’il n’y a pas de quotas pour le parrainage d'un époux, il ne devrait pas y en avoir pour celui de parents et de grands-parents.
Comme je l'ai dit plus tôt, il ne s'agit pas uniquement de supprimer le quota; il faut modifier aussi les exigences. Si l'on ne change pas les exigences, on pourra tripler le quota sans recevoir plus de demandes, parce que les exigences très restrictives sur le revenu vital minimum — le seuil de faible revenu plus 30 % — ainsi que sur la période de parrainage de plus de 20 ans et l'obligation de présenter des déclarations de revenus sur trois ans, découragent les gens. Ces exigences empêchent bien des parents et des grands-parents de se qualifier.
Je comprends que cela paraît extrêmement difficile, mais d'un autre côté, il faut établir différents niveaux pour attirer des immigrants de différentes catégories salariales, qu'ils viennent à des fins économiques, pour étudier ou comme parents et grands-parents.
C'est tout à fait vrai. Mais je dis qu'il faut hausser les chiffres globaux. Nous ne pouvons pas supprimer les plafonds imposés aux parents et aux grands-parents sans augmenter les niveaux d’immigration dans d’autres domaines. Nous pourrions faire venir beaucoup de personnes âgées, augmenter notre âge médian, qui est de 43 ans au Canada, et le porter encore plus haut.
Je pense qu’il faut concevoir un programme de niveaux qui attire des étudiants étrangers ou des migrants économiques, qu’ils soient hautement qualifiés ou peu spécialisés. Je pense qu’il faut être très prudent lorsqu’on parle de supprimer le plafond. Je veux bien qu'on le rehausse, mais pas qu'on le supprime.
Je comprends. Je veux bien participer à ce débat politique, mais je vous dirai honnêtement qu'avant que l'on instaure ce quota, on en appliquait déjà un officieusement, parce qu'on manquait toujours de ressources pour traiter le parrainage des parents et des grands-parents. Cela a créé un arriéré de 150 000 demandes, qui a entraîné le moratoire déclaré en novembre 2011. Voilà ma petite leçon d’histoire sur le programme de parrainage.
C'est vrai. Il restait 167 000 ou 168 000 demandes à traiter. Il n'en reste plus qu'un peu moins de 30 000, et nous nous rattrapons toujours mieux.
Cet arriéré était dû au fait que l'on n'avait pas affecté assez de ressources pour traiter les demandes.
Vous avez raison. Je suis d'accord avec vous.
Vous avez beaucoup parlé de la grande priorité accordée aux migrants économiques, aux personnes hautement qualifiées. J'ai défendu des personnes qui viennent de métiers spécialisés. Souvent, les gens d'un certain âge qui détiennent une maîtrise ou un doctorat n'obtiennent pas beaucoup plus de points. Mais je pense que le gouvernement devrait envisager... Je les considère comme des travailleurs hautement qualifiés. D'autres peuvent voir cela différemment.
Que diriez-vous des personnes venant de métiers spécialisés? Comment le gouvernement devrait-il établir le système de points? Selon vous, devrions-nous le modifier?
Je conviens que nous devrions examiner séparément les compétences, les professions et les métiers. À l'heure actuelle, il est plus difficile de trouver un réparateur d'ascenseurs qu'un avocat à Toronto, c'est certain. De nombreux métiers manquent de personnel à l’heure actuelle. Je pense qu’il est important de faire venir des gens de différentes compétences, de divers niveaux de scolarité. Oui, ce sont des travailleurs hautement qualifiés, mais ils n’ont peut-être pas le niveau de scolarité élevé que l’on retrouve souvent chez les immigrants de la catégorie économique. Je pense que c’est une question de niveau de compétence et de niveau d’études.
Monsieur Donnelly, je vous adresse ma dernière question. On constate une grande polarisation, qui vient en grande partie des États-Unis. Selon vous, pourquoi cette attitude s'accroît-elle? Que pourraient faire les gouvernements pour y mettre fin? Devrions-nous insister sur le fait que de toute l'histoire de notre pays, l'immigration a toujours été un moteur économique, qu'elle est excellente pour notre pays, qu'elle nous a permis d’élargir nos relations commerciales avec d’autres pays, etc.? Pouvez-vous nous parler un peu de cela?
Oui. Tout d'abord, parlant de cette polarisation qui se répand dans l'Ouest, cette montée de politiciens et de partis politiques xénophobes et manifestement racistes, les raisons sont nombreuses, et je ne peux pas entièrement expliquer ce phénomène. Je vous dirai cependant que les bouleversements économiques se combinent à une xénophobie préexistante pour produire ce genre de mélange puissant.
Je vous dirai cependant une chose que le gouvernement pourrait faire pour lutter contre cela et pour que cette attitude ne se répande pas dans le Nord. Il devrait éviter d'envoyer des messages ambigus. Il faudrait que les gens entendent des messages cohérents des politiciens, tant de ceux du gouvernement que de l'opposition. Ils devraient souligner que l'immigration est bonne pour le pays et que les immigrants ont un effet positif sur le Canada.
Quand les élites politiques envoient des messages contradictoires, les gens choisissent celui qui correspond à leur point de vue. C'est alors que se forme la polarisation.
Je vous en remercie.
Je voudrais vite poser une question avant de passer la parole à M. Maguire. Elle s'adresse à M. Donnelly.
Je suis tellement vieux que quand j'étais étudiant à l'Université de Toronto, il n'y avait pas de départements de sciences politiques et d'économique. Nous avions un département d'économie politique. On expliquait aux étudiants — et je crois que cette façon de voir s'applique encore aujourd'hui — qu'on ne peut pas discuter de politique sans parler d'économie, ni discuter d'économie sans mentionner la politique.
Je sais que vous êtes politicologue. Je me demande si des travaux collaboratifs sont en cours sur cette question, dont vous seriez au courant ou auxquels on vous invitera éventuellement à participer. Quelqu'un se penche-t-il actuellement sur le lien intrinsèque entre l'économie de la migration et les opinions politiques? Il me semble que notre discussion tourne autour de ce thème.
Ma question portera sur les grands-parents ou les parents et sur la catégorie du regroupement familial. Je n'ai pas lu d'étude à ce sujet, mais logiquement, il me semble que si nous faisons immigrer un jeune de 25 ans qui est programmeur ou électricien ou secrétaire médical, il aura fait des études, terminé son primaire, son secondaire, le collège, l'école des métiers, l'université. Ce jeune aura déjà tenu un premier emploi où il aura appris de ses erreurs. Il arrive chez nous prêt à entrer dans le marché du travail. Il apporte à notre pays une précieuse contribution. Si nous réussissons à l'attirer en lui promettant de pouvoir amener ses parents ou ses grands-parents plus tard pour qu'il n'immigre pas en Nouvelle-Zélande ou en Australie, les frais que nous assumerons pour cet aîné pendant les 10 dernières années de sa vie seront amplement compensés par les avantages économiques que générera dans notre pays ce jeune travailleur, qu'il soit hautement compétent ou non.
Je ne suis pas sûr que les Canadiens ont pensé à cela et je ne suis pas certain que nous disposions de résultats de recherche sur cette question. Les représentants du Conference Board sont encore ici. Je me demande s'il existe des preuves de cela et si vous seriez en mesure de les transmettre au Comité pour nous aider à comprendre ce lien.
Voilà, c'est la fin de mon sermon. Désolé.
Vous nous avez demandé tout d'abord si les politicologues discutent de ces choses avec des économistes, eh bien oui, nous en discutons beaucoup.
Au sujet de l'analyse de rentabilité d'un travailleur d'un groupe donné et de sa famille, non, je n'ai pas mené ce genre de recherche. Je suppose que le Conference Board a effectué des travaux similaires. On pourrait tout au moins calculer cela à partir de ses estimations.
Comment convaincre le public de ces avantages? Si ce que vous dites est vrai — et je le pense bien —, il faut que quelqu'un aille déclarer ces choses, même à des auditoires qui ne sont pas prêts à les accepter. Il faut que des politiciens, des dirigeants syndicaux, des autorités religieuses, des chefs d’entreprise, bref, toutes ces personnes vers lesquelles les gens se tournent pour savoir ce qu'ils doivent penser parce qu'ils n'y ont pas réfléchi le jour même, depuis un mois, depuis un an, il faut que tous ces dirigeants transmettent un même message au public.
Je suis sûr que vous allez publier un article ou un livre quand vous collaborerez à cela efficacement. Merci.
Monsieur Maguire, vous donnez votre temps de parole?
Madame Kwan, à vous la parole.
Vous ajoutez à mon temps de parole, merci beaucoup.
Je tiens tout d'abord à corriger le compte rendu. J'ai dit 400 000. J'aurais dû dire 450 000. C'est le chiffre que le groupe d'experts a cité dans sa recommandation à l'ancien ministre, John McCallum.
Je voudrais vous poser une question au sujet des demandeurs d'asile. Madame Chien, vous avez recommandé au gouvernement de suspendre l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs.
Selon nos règles et nos lois actuelles, un enfant qui vient au pays avec un parent demandeur d'asile est admissible à l'asile, mais pas son parent. Par conséquent, nous séparons les enfants de leurs parents.
Êtes-vous d'accord avec cette politique, ou pensez-vous qu'elle devrait changer? Dans l'affirmative, comment faudrait-il la modifier?
Mme Go nous a dit que la réunion des membres des familles est le pilier du système d'immigration. On nous a parlé de personnes qui amènent leurs grands-parents et leurs parents. Même si ces derniers ne contribuent pas directement à l'économie, cette politique a un aspect social intangible. De même, comme l'a dit le président, l'enfant qui reste au Canada a une valeur intrinsèque. Nous manquerons une excellente occasion si nous les perdons, s'ils retournent dans leur pays ou s'ils immigrent dans un autre pays sûr. Admis comme réfugié, cet enfant étudiera au Canada, et il lui faut le soutien de sa famille.
Je pense à un exemple concret... nous avons vu cela chez nos voisins du Sud. Leurs politiques ont séparé des familles. Je ne pense pas qu'un enfant resterait dans un pays qui le force à grandir dans le système de familles d'accueil que nous avons chez nous.
Toute personne raisonnable sait bien que ce n'est pas la bonne chose à faire. Comment reconnaître les contributions que nous apporte ce parent sans le forcer à présenter des demandes CH?
Et quand ces parents présentent ces demandes, n'est-ce pas un gaspillage de ressources? C'est un gaspillage des ressources de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui est déjà surchargée et qui n'a pas assez de personnel pour traiter les dossiers. C'est un gaspillage de ressources pour les avocats de l'aide juridique, car bien souvent, c'est l'aide juridique qui fournit ces ressources, et ainsi de suite.
Alors dans ces cas, ne devrait-on pas permettre à l'enfant d'inclure ses parents dans sa demande?
Oui, et à mon avis, nous avons justement là un exemple de notre définition extrêmement étroite du regroupement familial. Nous considérons ces cas dans un sens et non dans l'autre. Voilà pourquoi notre système est à deux paliers et considère les parents et les grands-parents comme une catégorie de regroupement familial distincte de celle des conjoints et des enfants à charge. C'est un exemple parfait de l'étroitesse de cette définition.
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