Passer au contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 31 mai 2017

[Enregistrement électronique]

(1645)

[Traduction]

    Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre reçu le mercredi 2 novembre 2016, le Comité reprend son étude du projet de loi M-39 sur l'immigration au Canada Atlantique.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Jordi Morgan qui comparaît par vidéoconférence au nom de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, à Mme Juanita Ford, de Hospitality Newfoundland and Labrador, et à M. Marco Navarro-Génie, président et directeur général de l'Atlantic Institute for Market Studies, qui comparaît lui aussi par vidéoconférence.
    Bienvenue à la réunion du Comité.
    Nous allons commencer par une déclaration de M. Morgan. Vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, de l'occasion que vous m'offrez de comparaître aujourd'hui pour fournir le point de vue de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ou la FCEI sur le Programme pilote d'immigration dans le cadre de la Stratégie de croissance pour l'Atlantique.
    La FCEI, comme vous le savez peut-être, est une organisation non partisane et sans but lucratif qui représente 109 000 petites et moyennes entreprises de partout au pays et de tous les secteurs de l'économie. Nos directives nous viennent uniquement de nos membres. Je vais vous communiquer — plutôt rapidement, je dois l'admettre — les résultats de certains sondages que nous avons réalisés dans la région et certaines des données que nous avons préparées à votre intention.
    La première diapositive concerne les enjeux prioritaires pour les PME. Je crois que vous comprendrez pourquoi nous vous présentons ce graphique, puisque la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée est l'un des principaux enjeux auxquels environ 45 % des PME du pays sont confrontées.
    La diapositive suivante est le baromètre des affaires de la FCEI. Je tiens à souligner que le niveau de confiance des petites entreprises du Canada atlantique est en progression lente, mais stable, depuis l'automne dernier. Les plans d'embauche à court terme sont conformes aux tendances constatées durant cette période de l'année. Le graphique que vous avez devant les yeux est l'indice canadien, mais il y a certains facteurs saisonniers actuellement qui contribuent à de légères améliorations un peu partout dans la région atlantique.
    Comme je l'ai mentionné précédemment, la disponibilité de la main-d'oeuvre est un enjeu très important pour les PME. Même si certains remettent en question l'idée qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Canada, nos membres indiquent qu'il y a une importante et croissante pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans de nombreux secteurs et dans de nombreuses régions du pays. Cette pénurie reste un facteur important qui limite la croissance de nombreuses petites et moyennes entreprises.
    Cette situation est accentuée par ce que vous verrez à la prochaine page, soit le rapport trimestriel de la FCEI sur les postes vacants dans le secteur privé. On constate que le taux de postes vacants à l'échelle nationale s'élève à environ 2,4 %, ce qui signifie que 300 000 emplois dans le secteur privé n'ont pas été pourvus au cours des quatre derniers mois parce que les propriétaires d'entreprise n'arrivent pas à trouver des employés adéquats.
    Dans le Canada atlantique, le taux fluctue de 2 à 2,5 %, et les secteurs de la construction, de l'hôtellerie et de l'agriculture affichent chacun des taux de postes vacants d'environ 3 %. L'immigration et des programmes comme le Programme des travailleurs étrangers temporaires sont des outils importants pour aider certaines des petites entreprises à pallier ces pénuries de main-d'oeuvre.
    Plus de la moitié de ces employeurs visent à pourvoir les postes qui exigent une formation en cours d'emploi, c'est-à-dire des postes qu'on peut classer dans les niveaux C — ou, très probablement, D — de la CNP, la Classification nationale des professions. Près de la moitié veulent combler des postes de niveau C de la CNP qui exigent une formation professionnelle précise. Un tiers offrent des postes exigeant un diplôme collégial ou un apprentissage de niveau B de la CNP. Moins de 10 % offrent des postes de niveau A de la CNP, c'est-à-dire des postes exigeant une formation universitaire.
    Certains disent que les entreprises n'en font pas assez pour attirer ou maintenir en poste des travailleurs canadiens. La prochaine diapositive révèle que ce n'est pas le cas. Les entrepreneurs font beaucoup de choses pour attirer et maintenir en poste des travailleurs canadiens, parce qu'ils préféreraient de loin fournir un emploi à un Canadien plutôt que de se tourner vers le long et coûteux processus d'immigration. Cette diapositive montre de quelle façon les entrepreneurs élargissent leurs efforts de recherche pour trouver des travailleurs.
    La diapositive suivante montre les types de postes comblés par les travailleurs étrangers temporaires, les TET. Ces postes sont comblés par les TET parce que les employeurs canadiens n'arrivent pas à trouver des travailleurs d'ici. Si on ventile les données par secteur, on constate que les besoins liés à différents types de travailleurs varient beaucoup selon le secteur en question.
    Il convient aussi de souligner que près de six répondants sur dix ont dit que l'accès à des travailleurs étrangers temporaires leur permettait de poursuivre leurs activités et de continuer d'offrir un emploi aux travailleurs canadiens oeuvrant dans ces entreprises. De plus, 48 % des répondants ont affirmé croire que l'accès à de tels travailleurs leur avait permis d'élargir leurs opérations. Pour ce qui est de la diapositive suivante, je vous demande de prendre un peu de temps — peut-être plus tard — pour lire certains des commentaires de nos membres à ce sujet.
    Le prochain graphique témoigne de certaines des difficultés liées au système. Je ne crois pas vous apprendre quoi que ce soit de nouveau en vous disant que les points sensibles sont les délais, la paperasserie et le service à la clientèle du gouvernement. La plupart de ces problèmes ne sont pas rencontrés directement dans le cadre des interactions avec le ministère de l'Immigration, mais ils concernent plutôt Service Canada.
    À part la paperasserie et les maux de tête, il y a les coûts. Avant que des entreprises puissent embaucher un travailleur étranger, elles doivent habituellement passer par toute une série d'étapes, y compris l'annonce, l'approbation du salaire, le paiement du billet de retour, l'hébergement, les frais de recrutement et ainsi de suite. Au total, 68 % des propriétaires d'entreprise ont dit que les TET coûtent plus cher que les travailleurs canadiens, mais on constate certaines améliorations.
    Comme vous le verrez sur la page suivante, nous sommes heureux de constater l'élimination de la règle de la durée cumulative maximale de quatre ans. Le maintien d'un plafond de 20 % sur l'apport des TET qui peuvent occuper des postes dans les entreprises qui participent au programme depuis avant juin 2014 et l'exemption du plafond pour les industries saisonnières jusqu'à la fin de 2017 sont aussi de petites victoires. Nous sommes aussi encouragés par l'annonce concernant la Stratégie en matière de compétences mondiales, y compris l'accélération du traitement des permis.
    Nous sommes aussi très heureux de voir le travail réalisé dans le cadre du Programme pilote d'immigration au Canada atlantique. L'une des principales améliorations que je veux souligner, c'est l'élimination du besoin de réaliser des études d'impact sur le marché du travail, les EIMT. C'était là un problème pour nos membres, puisque le processus est coûteux et long. Les exigences moins strictes en matière de confirmation de l'annonce ainsi que la rapidité du traitement sont d'autres améliorations importantes. Nous sommes aussi très heureux de constater l'ajout du niveau de compétence C, c'est-à-dire les emplois de niveau intermédiaire ou ceux exigeant habituellement un diplôme d'études secondaires ou une formation professionnelle.
    Cependant, nous croyons qu'il faudrait tenir compte davantage de la capacité des entreprises de fournir des services d'intégration aux nouveaux Canadiens lorsqu'une telle demande leur est présentée.
    Nous regardons de près ce qui se passe dans le cadre de ce programme pour savoir dans quelle mesure il est utilisé et connaître l'impact sur les besoins au sein du secteur de la main-d'oeuvre des PME.
    Ces changements peuvent être d'une aide inestimable pour de nombreux entrepreneurs, et la FCEI formule des recommandations qui vont en ce sens depuis un certain temps, y compris notre programme de Visa d'introduction au Canada. Nous sommes aussi favorables au nouveau « système d'Entrée express » du Canada, qui permet aux employeurs de jouer un rôle accru dans la sélection des immigrants. Malheureusement, un examen de plus près et détaillé de la situation révèle que le nouveau système n'aidera toujours pas les employeurs qui veulent combler des emplois de niveau d'entrée qui sont considérés comme des postes exigeant moins de compétences. Nous suggérons que les employeurs qui ont des besoins en matière de dotation — quels que soient les niveaux de compétence — puissent participer à la sélection des travailleurs grâce au système d'entrée express.
    Nous proposons l'établissement d'une charte des droits des travailleurs étrangers temporaires, y compris des mesures comme une meilleure documentation des conditions de travail, un hébergement fourni par l'employeur et des normes connexes et un processus interne de règlement des différends pour les employeurs et les employés.
    Nous espérons apprendre des choses dans le cadre du programme pilote dans la région atlantique et nous espérons que certaines des leçons apprises seront appliquées de façon plus générale dans le cadre du système d'immigration.
    Merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé. Je serai heureux de répondre à vos questions.
(1650)
    Merci, monsieur Morgan. Votre exposé était remarquablement efficient et informatif.
    Mme Juanita Ford, la parole est à vous. Vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Bonjour. Monsieur le président et mesdames et messieurs; je vous remercie de m'offrir l'occasion de participer à la réunion d'aujourd'hui. Je suis heureuse de comparaître devant vous cet après-midi.
    Hospitality Newfoundland and Labrador et l'association de l'industrie du tourisme de la province représentent les exploitants touristiques et hospitaliers à l'échelle de la province et dans tous les secteurs. De plus, Hospitality Newfoundland and Labrador représente ses membres dans le cadre d'organismes nationaux et provinciaux du domaine du tourisme comme RH Tourisme Canada. Le mandat de Hospitality NL inclut la responsabilité de soutenir le développement d'une main-d'oeuvre professionnelle et d'améliorer la qualité et la préparation au marché de l'industrie du tourisme.
    À Terre-Neuve-et-Labrador, il y a près de 2 600 entreprises touristiques, principalement des petites et moyennes entreprises, qui subviennent aux besoins d'une économie croissante en fournissant les services et les attractions touristiques de base dont les municipalités et les entreprises ont besoin pour assurer leur croissance, attirer des travailleurs et attirer des investissements privés, soutenant ainsi des collectivités durables et viables à Terre-Neuve-et-Labrador.
    L'industrie du tourisme est en croissance et est l'une des industries productrices de revenus les plus stables dans la province. Générant plus d'un milliard de dollars de dépenses par année, le tourisme est une ressource renouvelable et représente 8 % des emplois dans la province; on parle ici d'emplois à temps plein, à temps partiel et des occasions saisonnières. Actuellement, l'industrie soutient plus de 18 000 emplois dans la province.
    Le tourisme, comme les autres industries, est aux prises avec une pénurie de main-d'oeuvre et est une concurrence de plus en plus féroce pour les travailleurs. Dans les économies axées sur les services d'aujourd'hui, les petites entreprises sont responsables de la majeure partie de la croissance. Le fait qu'environ 80 % des entreprises touristiques de Terre-Neuve-et-Labrador sont de petites entreprises comptant moins de 20 employés montre bien l'attrait de l'industrie pour les entrepreneurs et offre des débouchés d'affaires intéressants pour les immigrants sur le plan de la diversification culturelle et de l'enrichissement. Le fait de permettre une telle diversité encourage les immigrants à pratiquer leurs coutumes uniques tout en étant des citoyens épanouis, ce qui permet d'accroître les niveaux de rétention des immigrants et d'assurer la croissance communautaire.
    Les pénuries de main-d'oeuvre prévues dans le secteur du tourisme sont causées par la demande accrue de main-d'oeuvre durant une période au cours de laquelle on s'attend à ce que la main-d'oeuvre de Terre-Neuve-et-Labrador vive un tournant important quant à sa croissance et sa composition. Traditionnellement, le secteur du tourisme a misé principalement sur les jeunes comme source de main-d'oeuvre. Cependant, le rythme auquel les jeunes entrent au sein de la population active diminue tandis que la compétition pour attirer les jeunes travailleurs s'intensifie dans les autres secteurs de l'économie. L'industrie vivra une pénurie de main-d'oeuvre de façon générale pour pourvoir des postes, et le déficit de travailleurs spécialisés nécessaires pour pourvoir certains postes sera beaucoup plus prononcé.
    En 2016, une recherche réalisée par RH Tourisme Canada et le Conference Board du Canada a prévu que, d'ici 2035, le manque de main-d'oeuvre dans le secteur du tourisme à Terre-Neuve-et-Labrador pourrait atteindre 15,2 %, ce qui signifie 3 000 emplois non pourvus. Les prévisions actuelles donnent à penser que le secteur du tourisme a le potentiel de soutenir plus d'emplois qu'il n'y aura de travailleurs pour les combler. Cela signifie que Terre-Neuve-et-Labrador essuiera l'une des pires pénuries de main-d'oeuvre dans le secteur touristique au Canada.
    Nous savons que, si rien n'est fait pour accroître la main-d'oeuvre, le manque à gagner dans le secteur du tourisme au Canada d'ici 2035 sera estimé à 27,5 milliards de dollars. L'impact économique et social de ces pénuries de main-d'oeuvre qualifiée atténuera la croissance, réduira les investissements dans le secteur, entraînera une augmentation des coûts de fonctionnement, réduira les profits, minera la capacité du secteur de livrer concurrence et provoquera une diminution du niveau de service à la clientèle.
(1655)
    L'objectif d'Hospitality Newfoundland and Labrador et de RH Tourisme Canada, c'est d'embaucher des Canadiens en premier. Nous travaillons en collaboration avec des partenaires pour soutenir et mobiliser des bassins de travailleurs non traditionnels afin de les intégrer dans la population active. On s'efforcera de mettre en place et de fournir des mesures de soutien pour aider les jeunes, les Autochtones et les personnes handicapées à trouver du travail dans l'industrie du tourisme. Cependant, à la lumière des recherches, nous savons que ces initiatives ne seront pas suffisantes et nous devrons nous tourner vers l'immigration pour combler les manques à gagner.
    Les immigrants occuperont des postes que les Canadiens ne souhaitent pas ou ne peuvent pas occuper. On ne saurait surestimer l'importance de l'immigration pour la croissance économique, et c'est aussi important pour le tourisme que pour toute autre industrie. En effet, près du quart des travailleurs du secteur du tourisme sont des immigrants, y compris 40 % des chefs.
    Les voies d'accès de l'immigration mettent trop l'accent sur les catégories A, B et O de la CNP. Peu importe les totaux, on a besoin de personnes qui ont de l'expérience et des compétences dans toutes les catégories, et il y a peut-être même une demande accrue au sein des catégories qui ne sont pas actuellement bien représentées. Les immigrants qui comblent des besoins et qui possèdent des compétences transférables — en d'autres mots, ceux qui ne sont pas visés par les catégories A, B et O de la CNP — doivent être inclus dans les cadres de recrutement des programmes d'immigration.
    À l'avenir, la planification et les politiques liées aux programmes doivent mettre l'accent sur les emplois en demande et les besoins actuels et prévus au cours de la décennie suivante. De nombreuses professions dans le secteur du tourisme figurent dans les catégories C et D de la CNP et sont, par conséquent, considérées comme des emplois non spécialisés. Même si les exigences de bon nombre de ces postes sont faibles en ce qui a trait à la formation officielle, le niveau de connaissance de l'environnement, de la sécurité, des attitudes à la communication et ainsi de suite qui est requis est assez élevé, et de tels emplois peu qualifiés sont essentiels à la croissance économique. Par exemple, les hôtels ont besoin de gestionnaires et de spécialistes du marketing, mais ne peuvent pas être exploités comme il faut sans personnel chargé du nettoyage, sans serveurs et responsables de l'entretien. Tandis que les économies plus avancées créent des emplois plus spécialisés, elles créent aussi une demande et un besoin pour des emplois peu qualifiés.
    Les politiques publiques devraient permettre l'affectation de ressources pour créer des occasions de perfectionnement professionnel et continu, particulièrement les possibilités d'études et de formation offerte par les associations professionnelles, qui peuvent répondre aux demandes sur le marché du travail et aux besoins en matière d'emploi plus facilement. Des efforts comme le Programme pilote sur l'immigration dans le cadre de la Stratégie de croissance pour l'Atlantique peuvent aider à changer la donne. Les entreprises du secteur du tourisme à Terre-Neuve-et-Labrador participent à ce projet pilote. Actuellement, il y a 48 entreprises qui ont entrepris le processus pour devenir des employeurs désignés, et la plupart d'entre elles sont dans le secteur des services alimentaires.
    De meilleurs programmes permettant aux entreprises d'embaucher des travailleurs étrangers de façon permanente s'ils n'arrivent pas à trouver des Canadiens pour pourvoir les postes vacants doivent être une priorité. Le fait de permettre aux travailleurs formés à l'étranger d'avoir accès à la résidence permanente est une bonne politique. Une telle mesure devrait s'ajouter aux programmes des candidats des provinces existants qui permettent de répondre aux besoins en matière de main-d'oeuvre. La résidence permanente permettra au Canada d'être plus compétitif et d'attirer des demandeurs qualifiés d'autres pays.
    Il faut continuer à soutenir les organisations qui aident les réfugiés et les immigrants, particulièrement sur les plans de l'éducation, de la formation et des services d'emploi, tout comme le renforcement des liens avec les organisations et les entreprises qui peuvent aider les néo-Canadiens à entrer sur le marché du travail. Pour augmenter notre population provinciale et assurer notre réussite sociale et économique à long terme, il faut s'efforcer d'adopter des initiatives et d'appuyer les industries qui contribuent à la qualité de vie, qui offrent des occasions d'emploi tenant compte des besoins des familles et qui soutiennent la diversification économique et la croissance à l'échelle de Terre-Neuve-et-Labrador et du reste du Canada atlantique.
    L'industrie du tourisme offre de telles occasions et de tels avantages. Le tourisme offre des occasions d'emploi et d'entrepreneuriat rémunératrices et souples dans toutes les régions du Canada atlantique, et ces occasions peuvent intéresser les résidants, les expatriés et les immigrants...
(1700)
    Dix secondes, s'il vous plaît.
    Au nom de Hospitality Newfoundland and Labrador, je tiens à remercier le comité permanent de nous avoir convoqués ici, aujourd'hui.
    Merci, madame Ford.
    Monsieur Navarro-Génie, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Monsieur le président et honorables membres du Comité, bonjour. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous au nom de l'Atlantic Institute for Market Studies cet après-midi.
    On a tiré la sonnette d'alarme à la vue du déclin de la population du Canada atlantique. Les habitants de la région vieillissent rapidement, ce qui accentue les pressions de l'épuisement économique, et, sans productivité accrue, moins de résidants signifie une économie en décroissance, un fardeau économique plus élevé, et les coûts plus élevés de certaines économies d'échelle. Il n'y a pas de croissance importante de la population, mais les coûts des soins de santé et de l'éducation, par exemple, n'arrêtent pas d'augmenter.
    Les Canadiens de l'Atlantique sont fiers de leurs réalisations culturelles, auxquelles ils attachent une importance particulière, mais l'économie vient souvent après les préoccupations culturelles, et cela devra changer tant pour l'économie que pour la culture. Les théâtres, les parcs, les écoles, les hôpitaux et les festivals sont peut-être tous importants — et plus importants que l'argent —, mais il faut de la richesse pour les maintenir, et il nous faut des ressources pour les préserver. Il en va de même pour l'immigration.
    L'Atlantic Institute for Market Studies est favorable à une immigration accrue et la soutient. Nous avons besoin de plus de personnes, mais nous craignons que, si on ne corrige pas les politiques publiques qui ont mené à la situation actuelle dans la région, et sans éliminer les obstacles à une économie plus dynamique, il continuera d'être difficile de convaincre les immigrants de rester. Il faut se pencher de plus près sur cette question, et c'est ce que nous faisons actuellement dans notre institut.
    Nous savons que le défi lié à la population dans la région est causé par le déclin de la croissance naturelle et de l'immigration de personnes qui sont nées ici, surtout des jeunes. Ces jeunes partent en quête d'occasions économiques qu'ils ne trouvent pas ici. Espérer que la population immigrante restera ici et réglera nos problèmes liés à la population tandis que nos résidants nés ici continuent de partir n'est pas une stratégie de renouvellement démographique. L'hémorragie doit être stoppée. Les gens immigrent à la recherche de prospérité, pour eux et leurs enfants. Ils sont souvent prêts à faire un sacrifice immédiat pour assurer la prospérité future de leurs enfants, mais, malheureusement, la prospérité future au sein du Canada atlantique est remise en question, et une importante part du défi démographique est liée à la stagnation économique.
    Les économies de la région sont les plus taxées du pays. Nos lois du travail sont souvent hostiles aux entreprises et à l'investissement. L'énergie est inutilement dispendieuse. Nous interdisons des activités économiques, comme la fracturation hydraulique, des activités qui sont légales, ailleurs, tandis que nos enfants partent pour trouver un emploi dans les domaines économiques que, justement, nous semblons vouloir interdire ici.
    Les gouvernements, à l'exception du Nouveau-Brunswick, sont dotés de fonctions publiques gonflées qui ralentissent et minent tout changement économique efficace. Nous subissons aussi, de plus, le populisme économique paternaliste de nos politiciens qui continuent de dépenser de l'argent que nous n'avons pas et que nous n'aurons pas, ce qui accroît les incertitudes financières.
    Quelqu'un m'a dit il n'y a pas très longtemps que les Néo-Écossais sont peut-être amicaux, mais pas accueillants. C'est peut-être pour cette raison que nous avons tenté de faire en sorte que les immigrants se sentent plus bienvenus, et c'est ainsi que les choses devraient être. Ce sont de bonnes choses. Cependant, ce n'est pas assez en tant que tel pour accroître les niveaux de maintien des immigrants. Le point, c'est l'économie. La région doit aiguiller son économie dans la bonne direction, ce qui sera déjà un tour de force si le gouvernement fédéral continue d'être déterminé à dépenser plus d'argent que nous n'en avons.
    Le Canada atlantique a besoin d'un régime de politiques qui encourage la croissance économique privée, réduit le gouvernement et ses dépenses, élimine le très généreux cadre de subventions que nous avons, est plus compétitif, réduit les obstacles aux échanges et au commerce entre les frontières provinciales et devient l'endroit le plus propice aux investissements au pays. Les petites retouches mineures en périphérie — comme nous le faisons actuellement — pour attirer plus de gens et d'investissements ne seront pas suffisantes à une époque où nous devons livrer concurrence au reste du monde.
    Du point de vue de l'immigration, nos recommandations sont que le gouvernement fédéral encourage l'entrepreneuriat et la productivité dans la région grâce aux politiques suivantes:
    Il devrait lentement réduire les paiements de péréquation tout en permettant aux provinces, graduellement, de conserver l'ensemble de la TVH. C'est possible.
    Il devrait mettre en place un cadre législatif permettant aux provinces de l'Atlantique de créer un petit nombre de zones franches économiques dans les limites de la région.
(1705)
    Le gouvernement fédéral devrait aussi encourager les gouvernements régionaux de l'Atlantique à se joindre au nouveau partenariat dans l'Ouest. C'est une idée que nous tentons de promouvoir depuis assez longtemps.
    Nous aimerions que le gouvernement fédéral encourage les gouvernements régionaux de l'Atlantique à abandonner la plupart des formes de subventions aux entreprises dans la région.
    Si nous devons attirer plus d'immigrants — et il faut le faire —, nous devrions aussi essayer d'attirer plus d'immigrants américains dans le Canada atlantique. La situation est quasiment parfaite en ce moment. Avec autant d'incertitude économique et politique au sud de la frontière actuellement, c'est le temps de saisir l'occasion que des Américains très spécialisés puissent décider de déménager chez leurs voisins du Nord si les bonnes conditions sont réunies. Le gouvernement fédéral devrait aider à ce chapitre en rendant le processus d'immigration le plus simple possible.
    Je vais conclure en réaffirmant mon point initial: sans un solide fondement économique nous permettant d'accueillir un plus grand nombre d'immigrants dont nous avons un besoin criant dans le Canada atlantique, les politiques actuelles en matière d'immigration ne réussiront pas. Et sans ça, le Canada atlantique risque de continuer à être simplement un autre lieu de formation pour les néo-Canadiens et leur voie d'accès au reste du pays.
    Merci beaucoup. Merci.
    Merci, monsieur Navarro-Génie.
    Monsieur Tabbara, vous avez sept minutes. Je crois savoir que vous partagerez votre temps avec Mme Zahid.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Navarro-Génie, vous avez mentionné brièvement dans votre déclaration les étudiants internationaux et l'immigration américaine. L'une des choses que je veux souligner, c'est que, dans ma région, les trois villes sont considérées au Canada comme un secteur de la haute technologie. Elles cherchent continuellement des étudiants internationaux afin que ceux-ci viennent à l'Université de Waterloo en génie et dans divers programmes, et ils peuvent ensuite très bien s'intégrer au secteur des hautes technologies. C'est un avantage pour notre économie qui permet à notre région de prospérer.
    Ce processus a fonctionné dans notre région. Il nous a aidés. Nous avons tenté de réduire les délais de traitement des étudiants internationaux afin qu'ils puissent réussir plus souvent à s'installer ici, et ce, plus rapidement. On l'a fait aussi pour les travailleurs étrangers. Pouvez-vous nous donner un exemple de ce dont vous venez de parler au sujet des étudiants internationaux, et de quelle façon l'immigration pourrait être bénéfique dans les provinces de l'Atlantique?
    Un effort concerté des universités dans le Canada atlantique est un très bon processus pour attirer plus d'étudiants internationaux.
    Ce que j'ai dit, c'est qu'il fallait attirer des immigrants américains. Je ne parlais pas nécessairement dans ce cas-là des étudiants. Assurément, nous considérons les étudiants américains comme des étudiants internationaux, mais ce ne sont pas des immigrants à proprement parler.
    Ma recommandation, c'était que, vu les conditions politiques actuelles aux États-Unis et l'importante anxiété dans certains pans de la population, nous ne devrions pas hésiter à exploiter ces anxiétés afin de voir si on peut susciter plus d'intérêt parmi les Américains — surtout ceux qui sont très qualifiés — afin de les inciter à déménager dans le Canada atlantique.
(1710)
    Merci.
    Madame Ford, le Programme des travailleurs étrangers temporaires est un outil que l'industrie du tourisme et de l'hôtellerie a utilisé pour pallier les pénuries de main-d'oeuvre. D'ici 2025, on prévoit que les pénuries de main-d'oeuvre dans le secteur du tourisme à Terre-Neuve-et-Labrador pourraient dépasser 13,4 %.
    Selon vous, le Programme pilote d'immigration au Canada atlantique pourrait-il permettre de compenser ces pénuries prévues?
    Il pourra, dans certains cas, parce qu'on permet la catégorie C, mais il y a encore des professions dans la catégorie D qui concernent les serveurs qui travaillent sur la première ligne qui ne pourront pas participer au programme pilote. Ce sont principalement ces postes qu'on pourvoit grâce à des travailleurs étrangers temporaires afin d'atténuer ces pressions. Si on ne peut pas obtenir plus de travailleurs dans ces catégories, le Programme des travailleurs étrangers temporaires pourrait ne pas répondre à nos besoins.
    Vous tournez-vous alors vers d'autres programmes pour obtenir de l'aide?
    Oui, c'est ce que nous faisons.
    D'accord.
    Monsieur Navarro-Génie, vous avez parlé de l'immigration dans le Canada atlantique sur CTV il y a deux ou trois mois, en indiquant que ce serait une façon de stimuler l'économie. Pouvez-vous nous en dire plus sur les besoins et les défis auxquels la Nouvelle-Écosse est confrontée en ce qui a trait à l'immigration?
    Oui. Cela fait longtemps que le monde est au courant qu'il y a un déclin de la population, ici, qui cause des pénuries de main-d'oeuvre, et ce, pour différentes raisons. Il y a la croissance naturelle qui stagne et qui est maintenant négative en Nouvelle-Écosse. De plus, il y a le problème des travailleurs qualifiés qui quittent la province, phénomène qui a ralenti depuis l'effondrement des prix des matières de base dans l'Ouest, mais qui continue d'être problématique.
    Nous avons besoin de main-d'oeuvre technique et de manoeuvres, et, essentiellement, il faut que plus de personnes viennent dans la province si nous voulons assurer la croissance économique. On ne peut pas assurer la croissance économique sans main-d'oeuvre, sauf si on améliore la productivité. Si on regarde les chiffres en matière de productivité dans le Canada atlantique, on voit qu'ils sont parmi les pires du pays; il est donc nécessaire de faire venir plus de personnes dans la province.
    Mon point, c'est qu'il faut faire tout en notre pouvoir pour attirer plus de personnes dans la province, mais il faut aussi, parallèlement, s'assurer que les gens qui viennent restent. Nous n'avons pas un plan important pour maintenir les immigrants dans la province, à part certains programmes pour qu'ils se sentent les bienvenus. C'est très bien. Mais le principal message que j'essaie de communiquer, c'est que l'économie est un facteur fondamental qui pousse les Canadiens de l'Atlantique qui sont nés ici à quitter la province, et si on ne fait rien à ce sujet, les immigrants que nous faisons venir au pays — et qui n'ont quasiment aucun attachement émotionnel au territoire — feront la même chose.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Nous disons que nous voulons que les immigrants restent, et que l'économie est un moteur important. Pouvez-vous aussi discuter d'autres facteurs pouvant faire en sorte que des nouveaux immigrants ou des personnes qui viennent dans les provinces atlantiques veuillent y rester? Par exemple, vous avez d'excellents établissements d'enseignement postsecondaire, ce qui attire beaucoup de personnes dans les provinces atlantiques. Peut-être dans les arts ou peut-être dans d'autres secteurs... qu'est-ce qui pourrait pousser plus de gens à rester dans les provinces atlantiques?
    Nous avons d'excellentes universités, une très belle culture et de merveilleuses zones sauvages; tout cela attire les gens. Le problème, c'est qu'il faut s'assurer qu'ils restent. La seule chose qui fera en sorte que les gens restent et qui générera la richesse nécessaire pour pouvoir continuer de payer pour les universités et l'infrastructure que nous avons, c'est une économie durable qui croît et se maintient.
    Merci.
    Merci.
    Est-ce qu'on passe à M. Tilson ou Mme Rempel?
    Madame Rempel.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les trois témoins de leurs exposés. Je crois qu'il est très important pour nous de tenir compte — comme on vient de le mentionner — de la croissance économique à long terme dans le contexte de l'immigration durable.
    Selon moi, la question des TET est très pertinente et très à propos. Franchement, je crois que ce serait probablement digne d'une autre étude à l'avenir en ce qui a trait à une possible réforme et, assurément, pour ce qui est de l'industrie du tourisme. Cette industrie est l'une des meilleures possibilités de croissance économique à long terme.
    Ce qui est malheureux avec les comités parlementaires, cependant, c'est que nous avons un temps limité pour examiner certains dossiers. Un enjeu a été soulevé très récemment à la Chambre des communes, et je crois que le Comité doit y porter attention.
    Sur ce, je propose:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité invite le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté à témoigner sur la décision de la Cour fédérale relative aux appels sur la révocation de la citoyenneté afin de préciser si le gouvernement a l'intention de porter cette décision en appel, et de fournir des justifications, et que cette rencontre ait lieu en urgence compte tenu de la limite de 30 jours applicable aux appels.
    Pour mes collègues qui sont ici aujourd'hui et qui ne savent pas très bien de quoi je parle, le 10 mai, la juge Gagné a rendu une décision ayant des répercussions importantes sur un certain texte législatif qui, à la lumière de ce que j'ai appris dans les rapports des médias, se retrouvera très bientôt devant la Chambre, et je parle ici des amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-6.
    Voici ce qui est arrivé: la juge a rendu une décision qui entraînerait d'importantes modifications du processus de notre système d'immigration. Je tiens en fait à souligner, ici, que ma collègue, Jenny Kwan, du NPD, a proposé un amendement au Comité de la Chambre des communes lorsque nous avons procédé à l'étude initiale du projet de loi C-6. Je crois que l'amendement a été rejeté, je n'en suis pas sûre. Je ne m'en souviens plus. D'après ce que j'en comprends, c'est quelque chose qui aura une grande importance.
    Ma préoccupation et mon désir que le ministre comparaisse devant le Comité découlent du fait que, il y a quelques semaines, j'ai demandé devant la Chambre des communes si, oui ou non, le gouvernement avait l'intention d'interjeter appel de la décision, parce que, que le gouvernement décide d'interjeter appel de la décision ou non, d'une façon ou d'une autre, selon le point de vue de chacun, eh bien, la décision aura une incidence importante sur diverses choses, et, pour commencer, sur les délibérations du comité de la Chambre relativement au projet de loi C-6.
    Si ces amendements sont analysés à la Chambre des communes avant la levée des travaux pour l'été, tous les partis et tous les membres voudront élaborer leurs positions sur cet enjeu précis, mais si nous n'accueillons pas le ministre ici pour qu'il fournisse la justification, ce pourrait aussi être devant la Chambre... La réponse qu'on m'a fournie à la Chambre était absolument inadéquate. On m'a dit: « Ne vous en faites pas, nous vous en parlerons le moment venu. »
    Selon mes estimations, si la décision a été rendue le 10 mai, et qu'il y a un délai de 30 jours pour interjeter appel, nous avons jusqu'au 9 juin. Puis, après cette date, nous n'aurons que quelques jours pour débattre du projet de loi C-6. Je ne sais pas exactement quel est le programme du gouvernement quant à savoir si le dossier doit être renvoyé au Comité ou non, mais il s'agit d'une confluence de renseignements et d'activités, et j'estime qu'il faut, pour les parlementaires, que le ministre comparaisse devant le Comité de toute urgence afin qu'on puisse réaliser un examen suffisamment diligent du projet de loi.
    Pour ce qui est de la justification — que le ministre interjette ou non appel de la décision — et de la raison pour laquelle je crois qu'il devrait comparaître devant le Comité, l'amendement du projet de loi C-6 prévoit que les personnes menacées de perdre leur citoyenneté pour fausse déclaration ou fraude ont droit à une audience devant un tribunal. Le ministre de l'Immigration aurait l'obligation de les informer de leur droit d'interjeter appel de la décision en question devant la Cour fédérale. Les circonstances dans lesquelles l'amendement a été présenté soulèvent beaucoup de questions quant à savoir si l'amendement a été demandé par le CPM, même si, supposément, ce sont des sénateurs indépendants qui l'ont présenté.
    Je crois que c'est quelque chose de tout à fait valide. C'est une question que j'aimerais poser au ministre avant de débattre du projet de loi devant la Chambre et, assurément, il est opportun que le grand public et les Canadiens puissent mieux comprendre la situation avant l'annonce du ministre ou avant que la période pour interjeter appel de cette décision précise s'écoule.
    Dans un même ordre d'idées, dans sa décision, la Cour fédérale fait valoir que tout le monde a le droit d'interjeter appel d'une révocation de la citoyenneté. Dans la décision de 62 pages, la juge Gagné a déterminé que les nouvelles dispositions sont contraires à la Charte canadienne des droits, ce que certains ont décrit comme un document quasi constitutionnel.
    La décision touche plus de 200 personnes qui ont perdu leur citoyenneté canadienne depuis mai 2015 en vertu du processus administratif accéléré, et bon nombre d'entre eux auront maintenant droit à des audiences complètes et pourront récupérer la citoyenneté qui leur a été enlevée.
(1715)
    La décision en question fait état de huit cas d'essai qui remettent en question la constitutionnalité des modifications apportées en mai 2015 relativement à de prétendus mensonges dans les demandes de résidence ou de citoyenneté. Les changements apportés ont aussi interdit à ces personnes de présenter une nouvelle demande de citoyenneté canadienne pendant 10 ans après la révocation. Encore une fois, le gouvernement a 30 jours pour interjeter appel de ces décisions.
    J'ai posé au ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté des questions à la Chambre à ce sujet. Pour encore mieux convaincre mes collègues que c'est quelque chose que nous devrions faire — il y a plusieurs domaines où les questions restent sans réponse —, je crois que le ministre devrait s'expliquer devant le Comité.
    Premièrement, en ce qui a trait aux arriérés actuels, j'aimerais savoir si le ministre va interjeter appel de la décision d'une façon ou d'une autre concernant la question des retards judiciaires. On pourrait faire valoir que, si on n'interjette pas appel de cette décision et qu'elle entre en vigueur, cela constituera un fardeau immédiat sur le système judiciaire. Malheureusement, c'est un problème, vu le dossier de la nomination des juges par le gouvernement.
    Si la décision de la Cour fédérale est appliquée et ne fait pas l'objet d'un appel du gouvernement, le système de la Cour fédérale serait confronté à des problèmes en matière de ressources parce que, comme la décision de la Cour fédérale permet un processus d'appel, il pourrait y avoir une augmentation du nombre d'appels devant la Cour fédérale.
    Que le ministre nous dise quelles sont ses impressions sur la façon dont tout cela concorde avec le processus actuellement en place. Actuellement, la Cour fédérale entend les appels si IRCC a erré dans l'interprétation et l'application de la LIPR, une loi qui vise nos processus d'immigration au Canada.
    Sur le site Web d'IRCC, le processus actuel de révocation de la citoyenneté va comme suit:
La Loi renforçant la citoyenneté canadienne (LRCC) instaure de nouveaux motifs de révocation de la citoyenneté et met en place un nouveau processus de révocation simplifié. Auparavant, le processus de révocation de la citoyenneté comportait généralement trois étapes d’approbation: le ministre, la Cour fédérale et le gouverneur en conseil. Conformément au nouveau processus de révocation, le gouverneur en conseil n’aura plus de rôle sauf dans certains cas visés par les dispositions transitoires.

Le nouveau processus comporte deux volets décisionnels: la grande majorité des cas de révocation feront l'objet d'une décision du ministre...
    Donc, le ministre a, en fait, un pouvoir discrétionnaire dans ces cas:
... certains cas complexes feront l'objet d'une décision de la Cour fédérale.
    J'aimerais que le ministre nous dise si, selon lui, cette décision est conforme à sa capacité actuelle et à son pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions dans de tels cas.
    Il convient de souligner que c'est la Direction générale du règlement des cas qui s'occupe de tous les dossiers de révocation de la citoyenneté. Les employés locaux ne s'occupent pas de ces types de dossiers, à part en alertant la Direction générale du règlement des cas s'ils apprennent quelque chose au sujet d'un cas qui doit faire l'objet d'une enquête en vue d'une possible révocation.
    Comme on peut le voir clairement, dans le cadre du processus actuel, certains cas spéciaux sont envoyés devant la Cour fédérale. Les cas qui sont actuellement transférés à la Cour fédérale sont examinés si IRCC a erré dans son interprétation et son application de la LIPR. Il s'agit d'une mise en garde importante puisqu'elle garantit que les erreurs du ministère n'entraînent pas de révocation, tout en s'assurant qu'on n'incite pas les personnes à mentir lorsqu'elles remplissent leur demande.
    Pour ce qui est de la comparution du ministre devant le Comité, je demande à nouveau à mes collègues de lui demander de venir. S'il choisit de ne pas interjeter appel de cette décision, ces deux éléments pourraient avoir un impact important sur le processus de révocation de la citoyenneté dans les cas de fausse représentation ou de fraude.
    Je vais vous en dire un peu plus sur la raison pour laquelle je crois que le ministre doit en dire plus — tout comme les représentants du ministère — au sujet du fait que les gens seront ou ne seront pas, à la lumière de cette décision, incités à fournir de faux renseignements dans leur demande.
    En ce qui a trait au site Web d'IRCC, j'aimerais que le ministre nous décrive de façon précise le processus actuel. Lorsque j'ai lu la décision, j'ai constaté que le processus a été interprété de certaines façons. Le témoignage était très intéressant. Voici ce qu'on peut lire sur le site Web:
Une personne faisant l’objet d’un processus de révocation continue de jouir de tous les droits et privilèges de la citoyenneté canadienne jusqu’à ce que sa citoyenneté soit révoquée. Conformément au nouveau modèle, la date à laquelle la citoyenneté de la personne est révoquée est soit la date de la décision du ministre de révoquer la citoyenneté, soit la date de la déclaration par la Cour fédérale. En ce qui concerne les dossiers transitoires qui sont en attente d’une décision du gouverneur en conseil, la citoyenneté de la personne est révoquée à la date du décret.
(1720)
    Pour revenir à ce que je disais sur la décision de la Cour fédérale, qui prévoit un processus d'appel de portée beaucoup plus large que les mécanismes actuels que j'ai décrits, j'aimerais savoir de quelle façon le ministre prévoit concilier les deux s'il décide de ne pas interjeter appel de la décision et, encore une fois, quel sera l'impact sur l'amendement proposé par le Sénat au sujet du projet de loi C-6. Je crois qu'il est important de tenir compte de ce que nous savons déjà: les tribunaux ont déjà, actuellement, de graves problèmes d'arriérés.
    Encore une fois, j'aimerais que le ministre nous dise — si nous décidons de lui demander de venir ici — s'il a discuté avec la ministre de la Justice du dossier précis de l'arriéré. Beaucoup de personnes ont dit qu'il y a des arriérés actuellement en raison du fait que, sous le gouvernement actuel, il y a un nombre croissant de postes de juges vacants, ce qui a contribué au grand nombre de dossiers criminels graves rejetés par les tribunaux. Si le Comité ne fait pas comparaître le ministre pour déterminer s'il prévoit interjeter appel de la décision de la Cour fédérale, alors nous devons aussi réfléchir à l'impact additionnel qu'aura la décision sur l'arriéré actuel de dossiers vu l'incapacité du gouvernement, jusqu'à présent, de combler les postes de juge. Comme je l'ai mentionné, cet appel exercerait une pression supplémentaire sur les tribunaux, qui sont déjà minés par les postes de juge à pourvoir.
    Beaucoup d'articles ont été écrits sur l'impact de la décision, mais, encore une fois, je crois qu'il est très important que le Comité rencontre le ministre. Je vais m'appuyer sur un article du Toronto Star de l'année dernière dont le titre est le suivant: « Besoin urgent de pourvoir rapidement les postes de juge vacants ». Dans cet article, la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, a fait un lien entre le nombre de postes de juges nommés par le gouvernement fédéral vacants un peu partout au pays — il y en a 44 en ce moment — et les retards inacceptables dans le cadre des procès, surtout devant les tribunaux criminels.
    J'aurais espéré que, à ce moment-ci, alors que nous entreprendrons nos délibérations sur les amendements proposés par le Sénat au sujet du projet de loi C-6 et l'éventuelle décision d'interjeter ou de ne pas interjeter appel, que le ministre aurait concilié les propos de la juge en chef McLachlin, avec ses actes, d'une façon ou d'une autre. De plus, je crois que bon nombre de mes collègues, ici, aimeraient savoir ce qui se passe.
    Je regarde la situation et je n'arrive même pas à y croire. Tellement d'articles ont été écrits. Je suis tentée de tous les lire pour étayer ma position. Je vais peut-être le faire. C'est fou, tellement de dossiers ont été rejetés en raison d'appels judiciaires; il y en a eu vraiment beaucoup.
    Je vais fournir une autre justification. J'ai parlé à quelques experts du domaine juridique de la décision et je crois qu'une des préoccupations que nous sommes nombreux à partager, c'est que si cette décision... Pour revenir au fondement de la décision, je crois qu'on pourrait faire valoir un argument légitime qui contredit peut-être la décision de la juge Gagné selon laquelle la citoyenneté qui a été obtenue par la fraude — les dispositions auxquelles elle a fait allusion en ce qui concerne le droit à la citoyenneté — ne s'appliquent pas à une personne qui, d'entrée de jeu, n'avait pas droit à la citoyenneté.
    Dans de nombreux cas dans l'histoire du Canada, nous avons vu de grandes fraudes reliées à la citoyenneté, et je crois que c'est la raison pour laquelle ces changements ont été apportés d'entrée de jeu. J'essaie de trouver les vrais chiffres.
(1725)
    Madame Rempel, pendant que vous consultez vos notes, si vous me permettez, j'aimerais remercier nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Je sais que Mme Ford a un avion à prendre.
    Merci de nous avoir présenté vos déclarations préliminaires. Elles nous aideront dans le cadre de notre étude. Vous pouvez partir.
    Je remercie aussi les témoins qui ont comparu par vidéoconférence.
    Merci.
    Cela fait, je cède à nouveau la parole à Mme Rempel.
    Je dois dire, monsieur le président, que, en fait, je n'ai pas demandé aux témoins de partir. Si vous m'aviez demandé de leur céder la parole, je l'aurais probablement fait, mais je tiens à souligner que c'est vous qui leur avez demandé de partir. Dans ce cas-là, je vais peut-être prendre un peu plus de temps.
    Pour ce qui est de la justification d'interjeter appel de cette décision, j'aimerais connaître la justification du ministre, dans un sens comme dans l'autre. Je sais que le Sénat a tenu un débat très houleux quant à savoir si l'amendement devait être adopté ou non. Mme Kwan a soulevé la question, ici. Je suis d'avis qu'il ne faudrait peut-être pas le faire, mais l'article dont je vais vous parler a été publié le 10 septembre 2012 sur le site de la CBC. Voici le titre de l'article: « 3 100 citoyennetés visées par une ordonnance de révocation pour fraude en matière d'immigration. L'article va comme suit:
Le gouvernement fédéral a entrepris le processus de révocation de la citoyenneté de 3 100 personnes soupçonnées d'avoir menti pour devenir Canadiens.

Durant une conférence de presse à Ottawa, lundi, le ministre de l'Immigration d'alors, Jason Kenney, a dit que le gouvernement fédéral « applique fermement les lois canadiennes » à l'endroit des personnes soupçonnées d'avoir obtenu la citoyenneté de façon frauduleuse ou en falsifiant les renseignements requis pour obtenir la résidence permanente.

« La citoyenneté canadienne n'est pas à vendre, a dit le ministre Kenney aux journalistes. Nous prenons des mesures pour retirer la citoyenneté canadienne et le statut de résident permanent aux personnes qui ne respectent pas les règles et mentent ou trichent pour acquérir le statut de citoyen canadien. »
    Un peu plus loin,
Ces mesures de répression contre les cas de citoyenneté frauduleuse font partie d'une enquête concernant près de 11 000 personnes qui ont peut-être menti au moment de présenter une demande de citoyenneté ou pour conserver leur statut de résident permanent.

Du nombre, près de 5 000 personnes ayant le statut de résident permanent ont été visées en vue d'un examen plus poussé si elles tentent d'entrer au Canada ou d'obtenir la citoyenneté, peut-on lire dans un communiqué du ministère publié lundi.
    Les demandes frauduleuses et les fausses déclarations ne sont pas rares au Canada. Ce qui m'inquiète, c'est que si le gouvernement n'interjette pas appel de cette décision, on met en place les conditions pour que cette tendance se poursuive. J'aimerais que le ministre comparaisse devant le Comité pour discuter de la question de savoir s'il a tenu compte de ce fait et pour connaître les mesures qu'il mettrait en place pour s'assurer que cette tendance ne se poursuive pas si le gouvernement décide de ne pas interjeter appel de la décision. Selon moi, ce sera très difficile pour le gouvernement de composer avec cette tendance précise s'il n'interjette pas appel de la décision.
    Il y a un autre article paru en 2014. Le titre était le suivant: « Un mensonge flagrant fait perdre la citoyenneté à une famille — mais elle se retrouve avec une facture de 63 000 $ du gouvernement canadien ». L'article décrit en détail la situation d'une famille à qui on a retiré la citoyenneté canadienne après que les membres de la famille ont menti effrontément au sujet de leur séjour au Canada. Voici comment l'article décrit ce dossier:
La famille — un père, une mère et leurs deux filles — ont signé des formulaires de citoyenneté affirmant avoir vécu au Canada pendant la quasi-totalité des quatre années précédentes, alors que, en fait, ils avaient tous vécu aux Émirats arabes unis, un fait qui était même mentionné en ligne sur les curriculum vitae des deux filles, publiés sur LinkedIn.
    Il y a beaucoup de preuves du fait que notre ancien gouvernement apportait des changements au processus et qui révèlent que les cas de mensonges pour obtenir la citoyenneté ne sont pas rares.
    Et là, voici ce qui est le plus intéressant. Une des raisons pour lesquelles le ministre doit comparaître devant le Comité, c'est qu'il n'a pas encore réagi aux constatations du rapport de 2016 du vérificateur général. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissez pas ce rapport, ce qui me préoccupe, c'est que — si le ministre ne comparaît pas devant le Comité avant de prendre une décision quant à savoir s'il interjettera appel de la décision ou non —, il n'a pas non plus, en fait, réagi publiquement aux nombreuses constatations du rapport de 2016 du vérificateur général sur la fraude. Je vais vous souligner certaines de ces constatations, tirées d'un article publié le mardi 3 mai 2016 dans The Globe and Mail:
Le ministère de l'Immigration du Canada n'a pas bien détecté et prévenu les cas de fraude dans le programme de citoyenneté, ce qui a entraîné l'examen d'environ 700 dossiers — en date de janvier — selon le rapport printanier du vérificateur général Michael Ferguson.

Le rapport, déposé devant la Chambre des communes mardi, citait un certain nombre de préoccupations dans le cadre du programme de citoyenneté qui minaient la capacité du ministère de prévenir la fraude, y compris l'absence d'une méthode pour cerner et documenter les risques de fraude.

« Nous avons conclu que les efforts d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada visant à détecter et à prévenir la fraude liée à la citoyenneté ne sont pas adéquats, a déclaré M. Ferguson durant une conférence de presse mardi. À cause de ces lacunes, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada peut difficilement évaluer l'impact de ses efforts pour lutter contre la fraude liée à la citoyenneté. »
(1730)
Selon le rapport, qui porte sur la période de juillet 2014 à octobre 2015, les causes les plus courantes de révocation de la citoyenneté sont une fraude liée à la résidence ou à l'identité et la non-déclaration de procédures criminelles.

Le rapport a découvert que les agents de citoyenneté n'ont pas appliqué de façon uniforme les méthodes du ministère pour cerner et prévenir la fraude lorsqu'ils traitent des documents d'immigration suspects, comme des passeports modifiés. Par exemple, dans une région, les agents de citoyenneté n'ont pas saisi des documents suspects en vue d'une analyse approfondie depuis au moins 2010.

Il a aussi été déterminé que les agents de citoyenneté n'avaient pas les renseignements dont ils ont besoin pour cerner de façon appropriée des « adresses problématiques » lorsqu'ils décident d'accorder la citoyenneté. Les adresses problématiques sont celles dont on sait ou dont on soupçonne qu'elles sont associées à des cas de fraude ou utilisées par des demandeurs de citoyenneté pour respecter leurs exigences en matière de résidence.

M. Ferguson a mentionné l'exemple d'une adresse qui n'a pas été jugée problématique, même si elle était utilisée par 50 demandeurs, dont sept se sont vu accorder la citoyenneté canadienne. Il a dit que le fait qu'il ait été extrêmement facile pour son bureau de trouver cet exemple est préoccupant.

« Les mesures que nous avons prises pour trouver les cas de fraude liés à la citoyenneté n'étaient pas compliquées. Nous ne parlons pas nécessairement ici de preuves de fraude très complexes. Par conséquent, il a été relativement simple pour nous de trouver ces 50 dossiers et, fondamentalement, c'est selon moi 50 cas de trop », a dit M. Ferguson aux journalistes.
Le député du NPD David Christopherson a demandé de quelle façon le gouvernement a pu ne pas voir ces 50 cas.
« Ce genre de cas touche la corde sensible du gros bon sens des gens, a déclaré M. Christopherson. Je crois que le Canadien moyen se demande comment il se fait que, vu toutes les technologies actuelles, il n'y avait aucun mécanisme en place pour attirer l'attention sur ce problème. »
Le problème a été accentué par la mauvaise communication de renseignements par la GRC, qui fournit l'information sur les comportements criminels des résidents permanents, et l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, qui mène les enquêtes dans les cas de fraude liés à la citoyenneté...
    Habituellement, lorsqu'un rapport aussi cinglant est produit, le ministre y répond. J'ai cherché. Sur la page Web des nouvelles du gouvernement du Canada, on peut trouver la citation suivante de l'ancien ministre, John McCallum, en réaction au rapport du vérificateur général. Voici ce qu'il a dit:
« Nous avons examiné de manière approfondie tous les cas signalés par le Bureau du vérificateur général afin de déterminer si une fraude en matière de citoyenneté a peut-être été commise. Nous avons donc ouvert des enquêtes en vue de révoquer possiblement la citoyenneté d’environ une dizaine de personnes.

« IRCC dispose d’un certain nombre de mécanismes différents pour détecter et prévenir les fraudes, en plus de ceux sur lesquels le vérificateur général a mis l’accent. De plus, nous cherchons continuellement des moyens d’améliorer les processus de détection et de prévention de la fraude dans le cadre de tous nos programmes. »
    L'article a paru, si je ne m'abuse, il y a environ un an... En fait, c'était il y a plus d'un an. Et là, nous sommes confrontés à cette décision de la Cour fédérale, et le gouvernement a très peu de temps pour décider s'il interjettera appel ou non. Le problème, c'est que, si je ne m'abuse, cet article est la dernière fois que nous avons entendu un ministre de l'Immigration parler des défis fondamentaux cernés dans le rapport du vérificateur général.
    Si nous n'interjetons pas appel de cette décision et que nous permettons la mise en place d'un tel processus d'appel, essentiellement, ma préoccupation, c'est que le gouvernement n'a vraiment rien fait pour prévenir la fraude. Nous risquons d'inciter les gens à mentir dans leur demande, puisqu'ils auraient accès à un très long processus d'appel. Cependant, nous n'avons pas non plus fait quoi que ce soit pour prévenir d'entrée de jeu les cas de fraude ou pour les détecter dès le départ.
    Selon moi, le fait que le ministre n'a pas répondu aux questions à ce sujet et qu'il s'apprête à prendre une décision qui est pertinente non seulement pour les processus de plusieurs ordres de gouvernement, mais aussi pour les amendements à un projet de loi que le gouvernement a indiqué vouloir débattre à la Chambre des communes, en fait, je vois là une abdication de sa responsabilité. Le fait que nous soyons tout de même ici et que le ministre ou son secrétaire parlementaire nous fournisse des réponses stéréotypées devant la Chambre des communes... Je ne sais même pas comment qualifier tout ça.
    Monsieur le président, selon moi, la dernière chose que les parlementaires veulent voir, c'est le ministre, soit laisser le temps passer et ne rien dire à ce sujet, soit, à un moment donné, annoncer une conférence de presse pour dire que telle ou telle voie a été choisie. Nous voulons savoir pourquoi, surtout à la lumière de ces constatations — et de quelle façon le gouvernement composera avec la situation s'il décide de ne pas contester la décision.
    Je crois qu'il est clair que même l'ancien ministre était prêt à admettre que les demandes frauduleuses étaient problématiques. Ces demandes continuent d'être une réelle menace au système si des mécanismes appropriés ne sont pas mis en place pour y mettre fin. J'aimerais vraiment que le ministre nous dise ce qu'il a fait pour régler ce problème avant de prendre ma décision quant à savoir si je dois m'opposer ou non à la décision du gouvernement d'interjeter appel ou de ne pas interjeter appel et assurément avant d'adopter une position dans la Chambre des communes relativement aux amendements proposés au projet de loi C-6.
(1735)
    Je vous ai donné assez de données probantes qui montrent que les demandes frauduleuses et les fausses déclarations sont un véritable problème au Canada. Mes collègues libéraux se demandent peut-être maintenant pourquoi la décision de la Cour fédérale sur le besoin d'avoir un processus d'appel inciterait une personne à mentir dans sa demande. J'ai fait une affirmation très sérieuse ici et je voudrais aborder chaque élément de manière logique. J'aimerais certainement que le ministre revienne témoigner devant le Comité afin que nous puissions lui demander ce qu'il pense de certaines de ces suppositions.
    Voyons les choses sous cet angle. Si vous saviez que votre demande comme nouvel arrivant au Canada était plus susceptible d'être acceptée si certains éléments de votre histoire personnelle étaient niés, exagérés ou falsifiés et que, même si le gouvernement s'en aperçoit après que vous avez obtenu la citoyenneté canadienne, il existait encore un processus d'appel que vous pouviez utiliser, cette option ne serait-elle pas une mesure incitative pour présenter une fausse demande? Je crois que nous connaissons tous la réponse à cette question, et même si nous voulons croire que tout le monde qui cherche à venir au Canada le fait grâce à des moyens légitimes et juridiques, nous devons nous assurer que des mécanismes sont en place afin de prévenir les actions qui pourraient miner l'intégrité de notre système d'immigration.
    À mon avis, il y a suffisamment de données probantes qui donnent à penser que la décision de la Cour fédérale incitera, dans une certaine mesure, une personne à mentir dans sa demande. Il s'agit d'un problème sérieux que le Comité doit examiner avant de se pencher sur les amendements du projet de loi C-6, mais également, du point de vue de nos fonctions — je crois que personne dans la pièce n'a obtenu une nomination du gouvernement —, nous sommes tous responsables, peu importe notre allégeance politique, d'exiger que le gouvernement rende des comptes.
    Je vais poursuivre sur ce point. Lorsque vous parlez de l'incitation à mentir, ma collègue, Mme Kwan, a souligné de très bons points. Au cours de notre débat sur le projet de loi C-6 initial, nous avons entendu un témoignage faisant état de personnes qui ont menti dans leur demande à la suite de conseils de consultants en immigration. Je crois que c'est ce qui a été dit. Des personnes disaient que nous pourrions avoir besoin d'un processus d'appel si une personne était condamnée pour un crime, par exemple, dans un pays où elle croit que le système est corrompu ou qu'un certain type de corruption a joué un rôle dans la décision et qu'elle n'aurait aucun recours. J'aimerais entendre directement le ministre à propos de cette affirmation en particulier.
    Selon mon expérience de députée, des gens sont venus à mon bureau dans des situations comme celle-ci et m'ont dit qu'ils avaient fait l'objet d'une décision injuste d'un tribunal. Il nous est difficile en tant que députés de les aider parce que, au départ, ils ont menti dans leur demande, n'est-ce pas? Nous disons souvent que c'est très difficile pour nous et nous encourageons les gens à dire la vérité. Ce que j'aimerais connaître, c'est l'opinion du ministre sur la façon dont le gouvernement prévoit inciter les gens à dire la vérité.
    Disons qu'une personne qui est dans la situation que je viens de décrire n'a pas révélé les détails d'une condamnation, mais qu'elle a divulgué les circonstances atténuantes dans sa demande initiale. Nous savons que notre processus examine ces circonstances. Bien qu'il n'existe aucune garantie que l'on va accorder la citoyenneté à une personne, ce que nous affirmons, c'est qu'il faut dire la vérité et respecter les règles.
    Je suis très inquiète du fait que le ministre n'a pas encore parlé de ce que pourrait signifier cette décision. Le ministre a dit devant un comité — je crois qu'il s'agissait d'un comité sénatorial — qu'il allait examiner l'amendement. Maintenant, à la lumière du jugement, je ne suis pas très certaine de ce qui va se passer.
    J'aimerais parler un peu plus d'une autre chose sur laquelle j'aimerais entendre l'opinion du ministre. J'aimerais poursuivre sur les lacunes que le vérificateur général a relevées.
    Je crois que cela fournit une autre justification pour révoquer la citoyenneté de demandeurs malhonnêtes et décourager le mensonge. J'aimerais savoir si le ministre a accueilli la conclusion du vérificateur général, qui a souligné des lacunes graves au chapitre de la capacité du gouvernement d'appliquer les exigences actuelles en matière de citoyenneté qui sont nécessaires pour protéger les Canadiens et maintenir l'intégrité et la valeur de la citoyenneté canadienne.
    J'aimerais savoir ce que le ministre a fait pour ce qui est de travailler avec son collègue, le ministre de la Sécurité publique, afin de s'occuper en particulier de la recommandation touchant l'absence de communication de renseignements entre la GRC et l'ASFC et IRCC parce que des protocoles d'entente exhaustifs existent actuellement en vue de faciliter cette communication. Ce serait une chose si le ministre s'était présenté devant le Comité et avait dit « eh bien, nous avons déjà les mécanismes législatifs en place » ou « nous devons réparer les mécanismes législatifs », mais nous savons que des protocoles d'entente sont en place à cet égard; c'est seulement que le processus ne fonctionne pas.
(1740)
    C'est inquiétant, mais c'est aussi quelque chose dont nous devons discuter avec le ministre s'il déclare que le gouvernement ne prévoit pas interjeter appel de la décision de la Cour fédérale. Encore une fois, c'est une des nombreuses raisons pour lesquelles je demande que le ministre témoigne devant notre Comité.
    Pour ce qui est des modifications apportées par l'ancien gouvernement à la Loi sur la citoyenneté... la loi n'avait pas en réalité été mise à jour pendant plus de 37 ans, ce qui est une très longue période. Nous croyons qu'on renforce la valeur de la citoyenneté canadienne en fournissant un ensemble équilibré de réformes qui assure le respect des droits, des fonctions, des privilèges et des responsabilités associés à la citoyenneté canadienne. Toutefois, sans un appel de la décision de la Cour fédérale, les garanties en place pour prévenir les demandes frauduleuses pourraient être affaiblies.
    On a aussi parlé de certaines lacunes qui ont été relevées par le vérificateur général, dont, à mon avis, le ministre devrait discuter devant le Comité avant de prendre cette décision: « Les personnes ayant un lourd casier judiciaire et les autres qui utilisent possiblement une fausse adresse comptent parmi les personnes qui ont réussi à obtenir la citoyenneté canadienne, grâce à un système qui n'en fait pas assez pour enrayer la fraude », a affirmé le vérificateur général. Encore une fois, cet audit effectué entre juillet 2014 et l'automne 2016 a révélé que le ministère de l'Immigration a accordé la citoyenneté en se fondant sur des renseignements incomplets ou sans avoir effectué les vérifications nécessaires parce qu'il n'applique pas ses propres méthodes pour combattre la fraude.
    Ce problème ne relève pas seulement du ministère. C'est à cet égard que je voudrais savoir si le ministre a parlé à son collègue de la Sécurité publique. Le vérificateur général a constaté qu'il ne recevait pas assez de renseignements en temps opportun de la part des autorités frontalières, ou de la GRC, afin d'aider à signaler les cas suspects. M. Ferguson a écrit ce qui suit dans son rapport du printemps 2016:
Cette constatation est importante parce que des personnes qui ne remplissent pas les conditions nécessaires pourraient obtenir la citoyenneté canadienne et bénéficier d’avantages auxquels elles n’ont pas droit. Or, il faut du temps et beaucoup d’argent pour révoquer la citoyenneté d’une personne qui n’aurait pas dû l’obtenir.
    Les problèmes vont des responsables de l'immigration qui ne vérifient pas systématiquement les documents dans la base de données de faux documents connus, au fait que les agents ou leurs ordinateurs ne signalent pas les adresses problématiques qui pourraient indiquer une fraude liée à la résidence. Dans un cas, il a fallu sept ans pour que les responsables s'aperçoivent qu'une seule adresse avait été utilisée par 50 demandeurs différents au cours de différentes périodes.
    Une question inscrite au Feuilleton a été présentée par mon collègue de Central Okanagan—Similkameen—Nicola le 7 décembre 2016. La réponse à cette question inscrite au Feuilleton est quelque chose à quoi le ministre devrait répondre à la lumière de la décision qu'il est sur le point de prendre. Cette réponse me préoccupe particulièrement, car elle décrit la façon dont le ministère ne conserve pas des données centralisées de tous les cas où on a détecté une fraude. Sans cette information, je crois qu'il est vital pour le ministre de témoigner devant notre comité afin de préciser s'il interjette ou non appel de la décision de la Cour fédérale. Particulièrement, nous devons savoir cela parce que si le ministre affirme que le gouvernement n'interjette pas appel du jugement de la Cour fédérale, nous devrons donc connaître le plan du gouvernement pour combler non seulement ces lacunes, mais aussi corriger le fait qu'on ne conserve même pas les données sur les fraudes.
    Encore une fois, pour revenir à la question inscrite au Feuilleton, on en a posé plusieurs autres. La première était: « Combien de cas de fraude en matière de citoyenneté ont été découverts? » Voici la réponse, qui est très consternante:
Le Ministère ne conserve pas de données relatives dans tous les cas où une fraude est alléguée et n'est donc pas en mesure de fournir cette information à l'aide des systèmes informatiques existants.
    Si le gouvernement permet le maintien de la décision et n'interjette pas appel de la décision — et je crois qu'il y a des motifs pour interjeter appel —, comment le ministre va-t-il possiblement concilier cette décision avec cet énoncé particulier? C'est une excellente question pour lui, et il pourrait répondre ici devant notre comité.
    La réponse à la question inscrite au Feuilleton se poursuit ainsi:
Une fraude peut être détectée à tout moment, soit: en examinant l'application de citoyenneté initiale, la période après que la citoyenneté canadienne ait été octroyée, la période pendant laquelle le personnel examine la demande, dans le contexte de toute autre demande reliée ou par les partenaires dans le cadre d'une enquête de grande envergure.

Quand un agent de la citoyenneté découvre qu'un demandeur a présenté de manière inexacte des éléments factuels dans son application, celle-ci peut être refusée pour fausse déclaration et le demandeur ne peut soumettre une application pour obtenir la citoyenneté canadienne pour une période de cinq (5) ans. Depuis que cette nouvelle autorité a été déposée dans la Loi sur la citoyenneté au mois de mai 2015, une centaine d'individus ont vu leur application refusée en raison de ce motif. Dans les cas où l'agent de la citoyenneté découvre une fraude qui fait potentiellement partie d'une fraude de grande envergure, l'information peut être transmise aux partenaires d'exécution de la loi pour d'autres mesures. Dans ces cas, lorsque les partenaires d'exécution de la loi (la Gendarmerie royale du Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada) prennent en charge l'enquête [...]
(1745)
    C'est important, surtout à la lumière du témoignage que nous venons tout juste d'entendre sur les consultants en immigration. Cette étude particulière échappe légèrement à la portée de nos travaux. Le point de rencontre pertinent ici, c'est qu'il y a des complexités, du cloisonnement et un manque de responsabilité chez l'ensemble de ce que nous considérons comme des partenaires de l'application de la loi, du point de vue de la détection et du règlement non seulement des cas de fraude commise par des consultants en immigration, mais aussi des fraudes liées à des demandes de citoyenneté.
    Encore une fois, ce qui m'inquiète, c'est que le ministre va simplement laisser passer cette échéance et ne dira rien à ce sujet, puis ne parlera pas du fait qu'un problème fondamental est lié à la façon dont ces cas sont suivis et au fonctionnement de cette interaction entre les partenaires de l'application de la loi.
    Si, en tant que parlementaires, nous ne tenons pas le ministre responsable à cet égard... Nous pourrions observer d'autres cas de fraude graves si nous ne mettons pas le ministre sur la sellette afin de veiller à ce que ces processus soient en place avant que la situation ne passe effectivement inaperçue.
    Dans le Feuilleton, la question suivante a également été posée: « Quel pays d'origine a le plus grand nombre de fraudes en matière de citoyenneté? » Il s'agit d'une question très intéressante du point de vue des politiques. Je vais y arriver, mais voici la réponse du ministère:
Comme dans la réponse a), le Ministère ne maintient pas les données centralisées pour faire rapport sur la fraude par pays d'origine.
    Le ministre doit se présenter ici, parce que, quand on y pense, tout ce que nous venons d'entendre dans le cadre de l'étude concernant les consultants en immigration — et certainement les processus qu'il faudrait mettre en place afin de dissuader les gens de mentir sur leur demande, pour commencer — signifie que nous devrions cibler nos ressources sur les pays où nous observons de nombreux cas de fraude en matière d'immigration.
    Nous devrions nous rendre dans ces pays et travailler par les voies diplomatiques, par l'intermédiaire de nos ambassades, et par l'entremise de représentants qui sont là-bas, sur le terrain, pour dresser des plans de sensibilisation visant à nous assurer que ces cas n'ont pas lieu à cause de consultants en immigration ou de mauvais conseils, et pour découvrir ce qui se passe vraiment. Nous devons voir pourquoi nous observons ces nombres élevés — ou pas — concernant divers pays.
    Le fait que le ministère ne tient pas de données centralisées pour saisir les cas de fraude en matière de citoyenneté, par pays d'origine, et en rendre compte et que nous faisons face à ce jugement, cette épée de Damoclès n'est pas de bon augure. Le ministre devrait se présenter devant le Comité afin de discuter de ses plans à cet égard.
    La question suivante était: « Quel type de fraude est le plus commun? » Voici la réponse fournie:
Le type de fraude le plus commun est la fraude relative à la résidence, c'est-à-dire lorsque les personnes ont fait une fausse déclaration concernant leur résidence au Canada ou simulé leur résidence pendant la période visée, souvent en ayant recours aux services d'un consultant.
    Si le ministre n'interjette pas appel de la décision, ou s'il le fait, il y a un lien direct avec les recommandations que nous étudierions dans le cadre de l'étude sur les consultants en immigration, et aussi — fait plus important — le retour du projet de loi C-6 à la Chambre. Ce projet de loi réduit la durée de la période de résidence au Canada exigée.
     Le fait qu'IRCC a désigné la fraude en matière de résidence comme étant probablement l'un des types de fraude les plus fréquents... Réfléchissez au calcul à cet égard. Quand il aura été adopté par la majorité libérale, le projet de loi C-6 va raccourcir la période de résidence exigée. Nous savons, d'après cette question du Feuilleton, que la fraude en matière de résidence compte parmi les types de fraude les plus répandus, puis le jugement va permettre la tenue d'un processus d'appel. Il serait logiquement possible de supposer que ces deux facteurs permettront aux gens de mentir sur leur demande de citoyenneté et les inciteront à le faire.
    Je vous implore d'amener le ministre à comparaître devant le Comité afin qu'il réponde à des questions concernant la façon dont on va régler ce problème, si on choisissait de ne pas interjeter appel de la décision.
    Mon collègue, M. Albas, a ensuite posé la question suivante: « Combien de cas ont donné lieu à une mesure d'expulsion? » Le ministère a évoqué le processus, mais, encore une fois, ce qui est intéressant, c'est que je ne pense pas que le public canadien ni certainement la communauté internationale détiennent beaucoup d'information sur ce qui arrivera si une personne ment sur sa demande de citoyenneté. Je voudrais que le ministre explique les efforts qu'il a déployés ou qu'il prévoit déployer à la lumière de ces jugements, afin de renforcer la compréhension de ce processus particulier par la communauté internationale.
     C'est très clair. Notre système comporte des lacunes qui avaient déjà été recensées par le vérificateur général, et c'est pourquoi il est très important que le ministre comparaisse devant notre comité afin de témoigner quant à sa décision d'interjeter ou non appel de la décision de la Cour fédérale. Si nous ne disposons pas de cette information, il nous sera difficile, en tant que décideurs, d'évaluer adéquatement le projet de loi C-6 en fonction de ces lacunes déjà recensées et de déterminer si l'intégrité de notre processus de citoyenneté est maintenue.
    L'autre élément sur lequel je voudrais vraiment obtenir l'avis du ministre, c'est comment ses responsables ministériels, ou tout avocat gouvernemental qui donne des conseils à ce sujet, interprètent un aspect fondamental du jugement, soit la notion selon laquelle la citoyenneté est un droit dans ce cas. Je pense que cela intéresserait beaucoup quiconque est en train d'écouter la séance d'aujourd'hui.
(1750)
    Selon mon interprétation et celle de certaines personnes, la décision rendue par la juge Gagné repose sur cette notion selon laquelle la citoyenneté est un droit.
    Mon ancien collègue et l'ancien ministre Chris Alexander a affirmé que la citoyenneté n'est pas un droit, qu'il s'agit d'un privilège. Simplement pour donner plus de précisions à ce sujet, je ferais valoir que — et je serais ravi de voir si les avocats du ministre lui ont donné le même conseil —, si vous avez obtenu votre citoyenneté par des moyens frauduleux, ce n'est pas un droit parce que vous ne l'avez pas obtenu de façon appropriée, dès le départ. Certains propos tenus par des groupes d'intervenants ont été cités à ce sujet.
    En mai 2014, un porte-parole d'Immigrants for Canada a affirmé ceci au sujet de la citoyenneté: « Immigrants for Canada soutient que la citoyenneté canadienne est un privilège. C'est pourquoi nous croyons qu'elle devrait être à la disposition de tous, mais accordée à ceux qui l'ont méritée. »
    Je pense que le jugement s'appuie sur une définition différente de l'expression « l'ont méritée ». Je voudrais vraiment savoir si le ministre souscrit à cette notion particulière, car elle modifie fondamentalement notre compréhension de la valeur de la citoyenneté canadienne.
    Le même porte-parole — M. Paul Attia — a déclaré ceci, je crois, lors de la même séance: « Quant à la révocation, en principe, et comme notre organisation considère la citoyenneté comme un privilège, nous appuyons fermement l'idée de la révocation pour cause [...] d'obtention de la citoyenneté par la fraude. » Selon moi, ce jugement a une incidence à cet égard. Il a également dit: « Chez Immigrants for Canada, nous considérons la citoyenneté comme la participation à une équipe. Tous ont la possibilité, la chance d'essayer de faire partie de l'équipe, mais il faut répondre à certaines exigences. »
    Monsieur le président, je voudrais savoir si le ministre est d'accord ou non avec cette déclaration. Je sais que nous avons tenu des discussions enflammées au sujet de la question de savoir si la citoyenneté devrait être révoquée dans les cas de condamnation pour terrorisme, mais je pensais que l'on s'entendait presque à l'unanimité sur le fait que la citoyenneté devrait être révoquée dans les cas où il est clair qu'une fraude a été commise.
    Ma préoccupation tient au fait que nous inciterons les gens à mentir ou à inscrire des renseignements trompeurs sur leur demande, parfois sur le conseil de consultants en immigration sans scrupules. Ce n'est pas vrai. Je pense que cela diminue la valeur de la citoyenneté canadienne.
    J'ai présenté un grand nombre de mes propres citations, mais je vais tenter de persuader mes collègues libéraux au moyen de propos tenus par leurs propres ministres.
     Dans un article intitulé « McCallum doesn't want to let fraudsters 'off the hook' through moratorium on citizenship revocation » — McCallum ne veut pas laisser les fraudeurs s'en tirer grâce à un moratoire sur les révocations de citoyenneté —, paru dans The Hill Times le 20 octobre 2016, l'ancien ministre affirme clairement que les personnes qui présentent des demandes frauduleuses n'ont pas droit à la citoyenneté. Il y a une section importante de cet article que je voudrais porter à votre attention. Dans une déclaration écrite adressée à The Hill Times, le cabinet de M. McCallum a affirmé ce qui suit:
L'augmentation récente du nombre de révocations de la citoyenneté découle de la tenue d'enquêtes sur des cas de fraude à grande échelle menées par nos partenaires de la GRC et de l'Agence des services frontaliers du Canada, lesquelles ont commencé sous l'ancien gouvernement conservateur.

Ces enquêtes se sont soldées par la condamnation au criminel de plusieurs consultants en immigration, et des avis d'intention de révoquer la citoyenneté ont été envoyés à leurs clients qui avaient fourni des documents frauduleux pour faire croire qu'ils vivaient au Canada, alors qu'ils vivaient à l'étranger, dans le but d'obtenir la citoyenneté. D'autres avaient changé leur identité dans le but de cacher des antécédents criminels.
    Voici la conclusion. Voici la grande finale pour mes collègues libéraux: « Ces demandeurs n'ont jamais eu droit à la citoyenneté canadienne. »
    Voilà les propos qu'a tenus notre ancien ministre de l'Immigration, John McCallum. Lui et moi entretenions une turbulente et bonne relation. J'ai eu l'honneur de lui adresser un discours d'adieu à la Chambre des communes. C'était l'un des faits saillants de ma carrière parlementaire. J'espère seulement que j'en aurai un qui sera aussi dithyrambique que celui-là. Je suis certain que de nombreuses personnes ici présentes adoreraient prononcer un tel discours à un moment donné.
    John McCallum a affirmé que ces demandeurs n'avaient jamais eu droit à la citoyenneté canadienne. Je voudrais savoir si le ministre de l'Immigration actuel voit les choses de la même manière.
(1755)
    Si John McCallum peut affirmer que des personnes dont la citoyenneté a été révoquée pour cause de fraude... Il affirme que le fondement de cette décision, c'est-à-dire le fait que les gens ont droit à la citoyenneté et qu'ils ont donc droit à un long, interminable processus d'appel... Il y a là une dichotomie. J'espère que la compréhension de M. McCallum concernant ce principe s'est propagée jusqu'à notre nouveau ministre et que les représentants du ministère, les avocats du gouvernement du Canada, lui donnent pour conseil d'adopter l'esprit de cette déclaration faite par l'ancien ministre, John McCallum, de l'appliquer et d'interjeter appel de cette décision.
    Je veux revenir sur l'argument et l'étoffer un peu plus. Si le gouvernement décidait de ne pas interjeter appel de cette décision, à la lumière de la déclaration selon laquelle nous devons tenir des processus d'appel interminables et que le processus ne fonctionne pas, je voudrais obtenir la rétroaction du ministre concernant la façon dont il estime que le système d'appel actuel fonctionne.
     J'utiliserai les propos du ministre actuel, le ministre Hussen, prononcés lors d'une séance d'un comité sénatorial tenue le 1er mars 2017. Je pense qu'une série de questions avait mené à l'amendement que nous voyons maintenant dans la version modifiée du projet de loi C-6. Il a déclaré ce qui suit:
En fait, l’avis de révocation est envoyé à la personne concernée pour lui permettre en réalité de réunir des preuves et de présenter sa situation personnelle au décideur pour que celui-ci prenne en compte sa situation personnelle, ce qui comprend les considérations d’ordre humanitaire.
    Ainsi, il a déjà commenté l'efficacité du processus actuel. S'il choisit de ne pas interjeter appel de cette décision, pourquoi, compte tenu de cette déclaration faite devant le comité sénatorial?
    Quand il lui a été demandé si la personne avait droit à un avocat, le ministre Hussen a souligné ce qui suit:
Le droit aux services d’un avocat est absolu. Vous pouvez retenir les services d’un avocat pour présenter des observations écrites et le dossier. Il n’est aucunement interdit d’avoir un avocat.
    De plus, il a affirmé ceci:
Il existe un droit de contrôle judiciaire avec autorisation.
     Si le ministre actuel croit que le processus est adéquat, alors, tout d'abord, nous devons savoir, s'il décide de ne pas interjeter appel de la décision, pourquoi, car cela ne correspondrait pas du tout au témoignage qu'il a présenté devant le comité sénatorial, et nous devons recevoir des éclaircissements quant à ses intentions relativement à l'appel de la décision de la Cour fédérale avant que nous votions à l'égard du projet de loi C-6. Il pourrait être utile de l'amener à expliquer quelles mesures de protection de l'équité procédurale existent dans le processus actuel.
     Lors de la séance du comité à l'occasion de laquelle le ministre Hussen a tenu ces propos, une certaine Mme Hubers, de la Prestation du Programme de la citoyenneté à IRCC, a affirmé ce qui suit:
Premièrement, il y a une division du ministère qui étudie au départ les dossiers pour voir s’ils contiennent suffisamment de preuves susceptibles de justifier la révocation. Lorsqu’il semble exister des preuves suffisantes, le dossier est alors transféré à une autre division qui prend alors la décision d’envoyer un avis d’intention de révoquer la citoyenneté ou de ne pas le faire. L’avis d’intention contient tous les éléments sur lesquels le décideur se baserait à ce moment-là pour rendre sa décision et invite les personnes concernées à présenter tous les facteurs qui devraient être pris en compte pour prendre cette décision, y compris leur situation personnelle, comme la durée du temps passé au Canada, l’âge auquel elles ont acquis la citoyenneté, leur lien avec le Canada et ce genre de choses. À ce moment-là, lorsque les documents arrivent, le décideur choisit ou non de rendre sa décision.
    Essentiellement, ce qui est présenté, c'est le fait que le ministère croie que le système, sous sa forme actuelle, est adéquat.
    Si le gouvernement est encore de cet avis et qu'il décide ensuite de ne pas interjeter appel de cette décision, nous devons savoir pourquoi, dans le but, tout d'abord — selon moi —, de mettre sur pied et de défendre un programme visant à décourager les gens de mentir sur leur demande de citoyenneté, mais aussi, honnêtement — je suis un membre de l'opposition —, de pouvoir nous opposer à cette décision. Ce témoignage nous a amenés à croire que, jusqu'ici, tout est fantastique — quoique ce n'est clairement pas le cas, selon le vérificateur général — et que nous disposons d'un bon système sur lequel fonder les choses.
(1800)
     On a attiré mon attention sur le fait que, si le ministre ne comparaît pas, compte tenu du temps dont dispose le Comité, on pourrait faire valoir qu'il s'agit d'un outrage au Parlement. Si cette information n'est pas fournie, ce pourrait être interprété comme une atteinte au privilège, qui est définie ainsi dans La procédure et les usages de la Chambre des communes:
Tout acte tenant du mépris ou constituant une attaque contre les droits, pouvoirs et immunités de la Chambre et de ses membres, soit par une personne ou un organisme de l’extérieur, soit par un de ses membres, est considéré comme une « atteinte au privilège » et est punissable par la Chambre. Il existe toutefois d’autres affronts contre la dignité et l’autorité du Parlement qui peuvent ne pas constituer une atteinte au privilège comme telle. Ainsi, la Chambre revendique le droit de punir au même titre que l’outrage tout acte qui, sans porter atteinte à un privilège précis, nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions, ou transgresse l’autorité ou la dignité de la Chambre, par exemple la désobéissance à ses ordres légitimes ou des propos diffamatoires à son endroit ou à l’endroit de ses députés ou hauts fonctionnaires. « Le fondement du pouvoir de punir les outrages, qu’il s’agisse d’un outrage au tribunal ou aux chambres, est que les tribunaux et les chambres doivent pouvoir se prémunir contre les actes qui entravent directement ou indirectement l’exercice de leurs fonctions. »
    Monsieur le président, pour nous tous ici présents, compte tenu de la gravité de ce jugement et des énormes conséquences qu'il pourrait avoir sur notre système d'immigration, l'amendement apporté au projet de loi C-6 par le Sénat, que nous aurons pour tâche d'examiner, et le fait que nous n'avons pas reçu d'information de la part du ministre sur les conclusions du vérificateur général ou sur le fait qu'il va interjeter ou non appel de cette décision — et la justification connexe —, on pourrait faire valoir cet argument particulier au titre du Règlement.
    Pour confirmer davantage cet argument et l'utiliser comme justification afin que mes collègues libéraux appuient peut-être cette motion, j'affirmerais que les actes qui peuvent constituer un outrage au Parlement varient, mais comprennent habituellement des choses comme le fait de tromper délibérément la Chambre ou un comité parlementaire ou de leur mentir, de refuser de témoigner ou de produire des documents devant la Chambre ou un comité — pourquoi le ministre n'est-il pas encore venu aborder ce sujet? — ou de tenter d'influencer un membre par la corruption ou par des menaces. Il n'y a rien eu de tout cela. Je le concède.
    Les peines imposées pour outrage au Parlement peuvent comprendre une période d'emprisonnement et, dans le cas d'un Parlement minoritaire, elles entraînent habituellement un vote de censure.
     De plus, selon un article paru le 10 février 2017 dans le National Post:
Au moins 236 personnes ont reçu un avis de révocation de leur citoyenneté canadienne depuis que les libéraux ont pris le pouvoir au gouvernement fédéral; il s'agit d'une augmentation marquée par rapport aux années précédentes, laquelle découle des lois de l'ère Harper, selon le ministère de l'Immigration du Canada [...] Les décisions sont « plus efficientes » et « prises en temps opportun », depuis que les nouvelles lois du gouvernement conservateur sont entrées en vigueur, selon la porte-parole Nancy Caron.

Selon le fonctionnement actuel du système, après avoir reçu un avis de révocation, les gens disposent de 60 jours pour répondre en « présentant des observations ou tout renseignement supplémentaire » aux agents de l'immigration, y compris des « détails concernant leur situation personnelle ou leurs attaches au Canada »... En octobre, l'ancien ministre de l'Immigration, John McCallum, avait dit aux sénateurs qu'il « accueillerait certainement favorablement » l'amendement...
    Encore une fois, il y a un écart entre les propos qu'a tenus M. McCallum et ceux que tient M. Hussen un autre jour, et la nature de ce jugement. Il y a beaucoup de confusion au sujet de la position qu'adoptent les ministres libéraux sur cette question particulière. Je vais revenir à la lecture de l'article:
... qu'il « accueillerait certainement favorablement » l'amendement [au projet de loi C-6] et à la Chambre des communes qu'il croyait que « les gens doivent également avoir un droit de recours ». Bernie Derible, directeur des communications pour le nouveau ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, a affirmé qu'il « serait inapproprié » pour le ministre de formuler des commentaires pendant les délibérations du Sénat.
    C'est bizarre. C'est très étrange, mais oublions cela. L'article se poursuit ainsi:
Plus de la moitié des Canada — 53 % — auraient préféré que le projet de loi C-24 reste tel quel, selon un sondage de l'Institut Angus Reid du mois de mars 2016, dans le cadre duquel 1 492 personnes ont été interrogées [...] Pour expliquer les augmentations au chapitre des révocations de citoyenneté, Mme Caron a déclaré que les travailleurs de l'immigration accordent la priorité « aux cas les plus graves, comme ceux qui concernent une grande criminalité ou une fraude organisée ». Il peut s'agir par exemple d'assumer une identité frauduleuse, de produire des documents trafiqués dans le but de cacher la criminalité ou de falsifier des documents de résidence.

Depuis novembre 2015, 14 personnes se sont fait révoquer leur citoyenneté pour avoir caché des crimes qu'elles avaient commis pendant qu'elles étaient des résidents permanents du Canada, et 5 autres, pour avoir caché des crimes commis avant d'avoir immigré.

Dans le premier cas, si la citoyenneté des personnes est révoquée, elles redeviennent des étrangers, alors que, dans l'autre cas, les gens redeviennent des résidents permanents.

La révocation n'entraîne pas nécessairement la prise d'une mesure d'expulsion...
(1805)
    Regardez, cette section contient de nombreux éléments au sujet desquels nous devons poser des questions au ministre. Là où j'essaie d'en venir lorsque j'utilise la question du privilège ou de l'outrage, c'est que, en tant que parlementaires, nous avons le droit d'entendre le témoignage du ministre. S'il choisissait de ne pas comparaître devant le Comité ou si mes collègues votaient afin qu'il ne soit pas invité, il serait très difficile pour nous de faire notre travail, surtout sur des questions d'une importance aussi grande que cette décision.
    J'aborderai une question de plus qui a été soulevée. C'est un peu un sujet d'actualité dans les cercles juridiques, actuellement, car il concerne la décision de la juge Gagné. Une portion du jugement repose sur une interprétation de la Déclaration canadienne des droits. C'est un sujet sur lequel je voudrais connaître l'avis du ministre, et je voudrais aussi connaître tout conseil qu'il pourrait avoir reçu des avocats du gouvernement.
    La décision de la Cour fédérale concernant le processus d'appel dans les cas de révocation de la citoyenneté énonçait que la loi actuelle contrevient à la Déclaration des droits. Bien entendu, la Déclaration des droits est un document important.
(1810)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Mme Rempel nous présente des éléments importants au sujet de la comparution du ministre sur ces affaires. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que vous devriez lui accorder toute votre attention. Je comprends que des députés veulent vous rencontrer en privé, mais je soutiendrais que vous avez la responsabilité d'écouter ce qu'elle a à dire. Ce serait très utile que vous le fassiez.
    Je crois savoir qu'il s'agissait d'un message que vous souhaitiez me transmettre, mais je comprends ce que vous voulez dire.
    Non, ce n'est absolument pas le cas. Je le dis ouvertement devant le Comité. J'invoque le Règlement. Je crois que le président de tout comité devrait prêter attention à l'intervenant qui est en train de parler.
    J'étais attentif.
    Sauf votre respect, monsieur, vous ne l'étiez pas. Vous parliez à un autre membre du Comité en privé. Je crois que vous devriez écouter ce que l'intervenante actuelle...
    Il ne s'agit certainement pas d'une salle de comité privé. Quoi qu'il en soit, je pense que Mme Rempel voudrait poursuivre.
    Merci, monsieur.
    Merci, je vous remercie, monsieur le président, d'écouter mon argumentaire, qui est long, mais, selon moi, très important. Je vous remercie du leadership dont vous faites preuve au sein de notre Comité aujourd'hui.
    Pour revenir à la question de la Déclaration des droits et de son interprétation à la lumière de ce jugement et au besoin pour le ministre d'expliquer les conseils qui lui ont été donnés, je vais simplement revenir en arrière.
    La Déclaration des droits a été créée par le premier ministre John Diefenbaker, en 1960, des années avant la Charte canadienne des droits et libertés. Il importe de souligner que la Déclaration des droits contient des dispositions prépondérantes affirmant un statut quasi constitutionnel plutôt que constitutionnel.
     En 2016, le Osgoode Hall Law Journal a publié un texte de Vanessa MacDonell intitulé: « A Theory of Quasi-Constitutional Legislation » — Une théorie concernant les lois quasi constitutionnelles. Je vais vous faire part de certains extraits de ce texte illustrant ce que, selon moi, le ministre doit présenter au Comité et aux parlementaires au sujet de cette décision d'interjeter ou non appel du jugement. Ces extraits devraient montrer une raison pour laquelle nous croyons qu'il est dans l'intérêt du gouvernement d'envisager un processus d'appel, qui pourrait influer sur les décisions prises par le ministre. Voici l'extrait:
DEPUIS LES ANNÉES 1970, LA COUR SUPRÊME DU CANADA (CSC) a traité un petit nombre de lois comme étant quasi constitutionnelles. Ces lois, que la Cour a décrites comme n'étant « pas vraiment constitutionnelles, mais [...] certainement d'une nature qui sort de l'ordinaire », comprennent les lois sur les droits de la personne, les lois sur la protection des renseignements personnels et sur les langues officielles et les instruments législatifs, comme la Déclaration canadienne des droits et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Même si les lois quasi constitutionnelles sont promulguées de la même manière que les autres lois, elles sont interprétées de la manière large et généreuse habituellement réservée aux droits constitutionnels. Elles ont également préséance sur les lois ordinaires contradictoires adoptées ultérieurement, sauf si ces lois renferment des dispositions contraires. Cette règle de préséance a des conséquences importantes pour les lois qui ne respectent pas les garanties prévues dans les lois quasi constitutionnelles. Malgré la présence de longue date de ces lois dans le droit canadien, la Cour n'a pas encore formulé de critères complets pour qu'une loi ou un règlement soient reconnus comme étant quasi constitutionnels. Certaines de ces lois contiennent des dispositions relatives à la suprématie exigeant l'application de la règle de préséance décrite ci-dessus et le signalement aux tribunaux du fait que le Parlement avait prévu que la loi serait traitée comme étant quasi constitutionnelle. Toutefois, il arrive tout aussi souvent que la décision de la Cour de traiter une loi comme étant quasi constitutionnelle découle de la relation étroite entre ces lois et les droits constitutionnels. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour qu'une théorie concernant les lois quasi constitutionnelles soit élaborée au Canada.
    Grâce à cet extrait, j'espère avoir donné à mes collègues matière à réflexion. Je pense également qu'il importe que le ministre comparaisse devant le Comité afin que nous tenions ces discussions importantes au sujet de la décision de la Cour fédérale et que nous puissions déterminer s'il prévoit ou non interjeter appel de cette décision. C'est particulièrement important au moment où nous approchons de la date à laquelle l'appel peut être interjeté.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Ma collègue présente un long avis au sujet de la motion, et mon nom a été mentionné deux ou trois fois durant son discours. Je veux simplement m'assurer qu'on n'a pas porté atteinte à mon privilège, alors je veux clarifier officiellement les arguments qui ont été formulés dans les cas où mon nom a été mentionné.
     Concernant le premier argument, la question d'un amendement a été soulevée. Un amendement a été adopté à l'égard du projet de loi C-6 dans le but de veiller à ce que les personnes dont la citoyenneté va être révoquée en raison d'une fausse déclaration ou d'une fraude aient des recours.
    J'estime très fortement que les gens devraient pouvoir disposer de recours et avoir le droit d'interjeter appel. L'amendement que j'ai proposé au projet de loi C-6 visait à rétablir ces recours, que j'appuie pleinement. Toutefois, mon amendement n'a pas été appuyé et a été déclaré irrecevable, alors je veux simplement dire clairement quelle est ma position à cet égard, c'est-à-dire que j'appuie absolument un processus d'appel qui tient compte des motifs d'ordre humanitaire et des circonstances atténuantes.
     À ce que je crois savoir, le Sénat a apporté un amendement au projet de loi C-6 qui rétablit les recours qui y sont enchâssés. Quand cet amendement sera soumis à l'étude de la Chambre des communes, le cas échéant, si le gouvernement décide d'aller de l'avant, pour que ce soit clair, c'est quelque chose que j'appuie. Voilà mon point de vue à ce sujet.
    Encore une fois, je veux simplement clarifier les choses afin de m'assurer qu'on n'a pas porté atteinte à mon privilège. Le deuxième argument concerne mon point de vue sur les appels en ce qui a trait aux mauvais acteurs de l'industrie des services-conseils.
    Tout à fait, lorsqu'il est question de l'étude que nous avons entreprise, nous avons entendu beaucoup de témoins évoquer des abus dans le système. Nous avons entendu dire que des consultants, fantômes ou autres, fournissent parfois de faux renseignements au sujet de la demande de leurs clients et que, parfois, ces faux renseignements sont fournis à l'insu du demandeur. Il n'est même pas au courant, mais, lorsque cela arrive, c'est le demandeur qui est pénalisé pour cette fausse déclaration.
    Ainsi, je dirais qu'un processus d'appel est absolument crucial, car les demandeurs ont besoin d'avoir la possibilité de dire: « En fait, ce sont de faux renseignements qui ont été présentés en mon nom, à mon insu. » C'est peut-être parce qu'ils ne connaissent pas bien le système, parce qu'ils ne connaissent pas vraiment le fonctionnement du processus ou parce qu'ils éprouvent des difficultés liées à la langue. Ce pourrait être pour toute une diversité de raisons. À ce sujet, il est tout à fait essentiel que nous ayons mis en place un système d'appel.
    Monsieur le président, je veux affirmer clairement ma position à cet égard. Ce n'est pas le demandeur qui devrait être pénalisé pour ces fausses déclarations. Ce sont les mauvais consultants qui devraient encaisser le coup à cet égard, et, actuellement, notre système échoue à cette tâche, et c'est là-dessus que portait notre étude précédente.
(1815)
    Je vous remercie de ces éclaircissements.
    Voilà mes rappels au Règlement.
    Je veux cependant faire un autre rappel au Règlement, monsieur le président. C'est à propos du droit à une procédure équitable.
    Relativement à ces deux points, afin qu'il n'y ait aucun malentendu à propos de ma position et qu'il n'y ait aucune violation de mon privilège, je veux être claire quant au fait que je ne crois pas que le droit d'appel encourage vraiment les gens à tenter de frauder le système. Je doute que les gens pensent vraiment: « Hé, maintenant que j'y pense, je crois que je vais essayer de trouver une façon de frauder le système, parce que j'ai un droit d'appel. » Ce n'est pas ce que je crois.
    Je crois que si des accusations sont portées contre certaines personnes, parce qu'elles ont peut-être fait de fausses déclarations... ou ont inscrit de faux renseignements dans leur demande, alors ces personnes devraient avoir le droit d'interjeter appel.
    Cette procédure établie est un droit démocratique fondamental, parce qu'il arrive parfois que les fonctionnaires commettent des erreurs, monsieur le président. Lorsque cela arrive, les gens devraient avoir le droit de contester les mesures prises par les fonctionnaires et dire: « Vous savez, je ne sais pas où vous avez trouvé ces renseignements, mais voici les faits en l'espèce. » Le droit d'appel est très important.
    En tout cas, je veux m'assurer qu'on ne viole pas mon privilège; je veux que cela soit mentionné aux fins du compte rendu, parce qu'on a mentionné mon nom plus d'une fois.
    Merci de la précision.
    Madame Rempel.
    Avant tout, monsieur le président, je tiens à dire à Mme Kwan qu'elle a tout mon respect. Elle et moi sommes d'accord sur un grand nombre de sujets — cela me surprend parfois —, et même si nous sommes en désaccord ici; elle ne siège jamais au Comité sans s'être bien préparée; ses commentaires sont toujours très réfléchis. Elle présente de façon très raisonnée ses amendements aux projets de loi ou ses propositions concernant les sujets à l'étude. Maintenant que c'est dit, je crois qu'il est temps de reprendre où j'en étais.
    Mon intention n'était pas de donner une image fausse de Mme Kwan. Je ne crois pas l'avoir fait, mais je suis contente qu'elle ait précisé les choses. Ce que je voulais faire, essentiellement, c'est mettre en relief la question qui nous occupe. La décision de la juge Gagné de la Cour fédérale à propos du processus d'appel et les amendements du Sénat concernant le projet de loi C-6 que nous allons devoir étudier ont de vastes répercussions pour les gens dans notre système d'immigration ainsi que pour ceux dont le contrôle sera retardé. C'est une affaire d'une grande importance, et le Comité devrait lui accorder la priorité, parce que le temps presse.
    Nous, les parlementaires, devons toujours composer avec ce problème: le temps que nous pourrons accorder aux travaux du Comité est limité. Le cas de l'immigration dans la région de l'Atlantique du Canada n'est que l'une des nombreuses questions sur lesquelles nous devons nous pencher, bien sûr, et il arrive que le Comité doive prendre des décisions... Mais dans ce cas, le ministre n'a même pas essayé de fournir de justifications pour certains de ces problèmes complexes. Mme Kwan a justifié sa position sur certains sujets, et c'est son devoir, en tant que députée de l'opposition — tout comme c'est le mien — d'exiger que le gouvernement rende des comptes. Je tiens à rappeler aux députés du gouvernement que c'est également leur devoir, sauf s'ils ont fait l'objet d'une nomination du gouvernement. Ils font partie du gouvernement, et ils doivent aussi exiger qu'il rende des comptes. J'espère que nous pourrons peut-être tenter de faire avancer ce sujet. J'aimerais qu'on puisse demander au ministre... À dire vrai, j'aimerais beaucoup que Mme Kwan demande au ministre quelle est sa position sur certaines de ces questions.
    Ce n'est pas vraiment mon intention aujourd'hui de développer un argument dans un sens ou dans l'autre, même si ce serait utile plus tard. Ce que je veux dire, c'est que je ne dispose toujours pas de l'information qui me permettrait de le faire, parce que je ne comprends pas la réaction du ministre, par exemple, aux conclusions du vérificateur général. Soit j'ignore quels sont les conseils qu'il a reçus par rapport aux motifs d'appel admissibles, soit je ne les comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi, depuis deux ans, on n'a pas tenté de régler les lacunes systémiques fondamentales d'IRCC, en particulier vu que cet amendement n'a rien de surprenant, selon moi. Mme Kwan a mentionné que c'était sa proposition, et cela fait plus d'un an, depuis que le sujet a été proposé, que le Sénat en discute. Pourtant, le ministre n'a pas pipé mot jusqu'ici; silence sur toute la ligne.
    Je sais que le ministre n'occupe pas ses fonctions depuis longtemps et qu'il est occupé, mais le Parlement doit régler cette question. C'est un problème urgent. Je ne sais pas ce qu'en dirait Mme Kwan, mais pour ma part, ce serait avec plaisir que je siégerais pendant l'été si c'était nécessaire pour étudier d'autres questions urgentes, comme nous l'avons fait l'été dernier.
    J'ai entendu des choses, monsieur le président. Lorsque les députés de l'opposition présentent des avis de motion, j'ai entendu, pour une raison ou pour une autre, certains de mes collègues dire que c'est une perte de temps. Je ne vous dis pas à quel point je trouve cela arrogant, et j'ose espérer que mes collègues ici présents ne s'abaissent pas à ce niveau, parce que c'est très important...
(1820)
    De la plus haute importance.
    ... pour le Comité de débattre en priorité des questions qui sont lourdes de conséquences.
    Sur ce, monsieur le président, j'encourage fortement mes collègues à appuyer la motion visant à inviter le ministre à témoigner devant le Comité pour répondre à nos questions. De cette façon, nous pourrons, en tant que parlementaires, faire tout en notre pouvoir pour aider nos électeurs et prendre des décisions éclairées en leur nom en nous appuyant sur ce que le ministre nous dira, car pour l'instant il s'est tenu coi.
    Voilà, j'ai terminé.
    Merci.
    Madame Dzerowicz.
    Je propose d'ajourner le débat.
    Nous allons passer au vote.
    J'aimerais que ce soit un vote par appel nominal.
    (La motion est adoptée par 5 voix contre 4.)
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU