CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 novembre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte la 136e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration.
Bonjour. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude des enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au XXIe siècle, nous concentrant encore une fois aujourd’hui sur les pactes mondiaux qui font l’objet de discussions.
Je m’excuse auprès des témoins, mais avant que vous ne commenciez, je vais prendre quelques minutes avec les membres du Comité pour leur rappeler quelques questions au sujet du Règlement de la Chambre sur lesquelles j’aimerais attirer votre attention après notre réunion de mardi. Je vais citer de longues parties des règles à l’intention du Comité. Je cite:
Le président d'un comité est une figure centrale de celui-ci. Son importance est telle que lorsqu'un comité n'a pas de président, il n'est pas considéré comme étant dûment constitué. Il ne peut alors se livrer à aucun travail ou activité et il ne peut exercer aucun de ses pouvoirs.
Les présidents de comité assument des responsabilités sur les plans de la procédure, de l’administration et de la représentation. Le président préside les travaux et réunions du comité. Il accorde la parole aux députés, aux témoins ainsi qu’à toute personne qui souhaite intervenir lors de ces réunions; comme à la Chambre, toute intervention passe par lui. Il veille à faire respecter les règles établies par le comité, notamment en ce qui concerne la répartition du temps de parole. En général, la présidence est responsable du respect de l’ordre et du décorum durant les délibérations du comité. Le président décide aussi de toute question de procédure susceptible de surgir, sous réserve d’un appel au comité.
En ce qui concerne le désordre et l’inconduite:
Le désordre et l’inconduite au sein d’un comité peuvent résulter du non-respect de ses règles et usages ou de l’autorité de son président. L’emploi d’un langage non parlementaire, le défaut de céder la parole et l’interruption continuelle des délibérations de quelque manière que ce soit constituent également des formes de désordre et d’inconduite. Cependant, ni les comités ni leurs présidents n’ont le pouvoir de censurer les actes de désordre ou d’inconduite. Si un comité désire que des sanctions précises soient prises à l’encontre des personnes qui perturbent les délibérations, il doit signaler la situation dans un rapport à la Chambre. Celle-ci peut alors prendre les mesures qu’elle juge appropriées.
En cas de désordre, le président peut suspendre la réunion jusqu’à rétablissement de l’ordre ou, si la situation est jugée sérieuse au point d’empêcher le comité de poursuivre ses travaux, il peut l’ajourner.
C’est à la discrétion du président.
De même, le président peut, à sa discrétion, interrompre un membre dont les observations et les questions sont répétitives ou n’ont aucun rapport avec l’affaire dont le comité est saisi. Si le membre en question continue de faire des remarques répétitives ou hors de propos, le président peut donner la parole à un autre membre. Si le membre en faute refuse de céder la parole et continue de parler, le président peut suspendre la réunion ou l’ajourner.
En ce qui concerne les répétitions et digressions:
Les règles relatives aux digressions et aux répétitions s’entrecroisent et se renforcent mutuellement. La règle voulant que les interventions portent sur la question dont la Chambre est saisie
— et cela vaut aussi pour le Comité —
découle du droit de la Chambre d’arriver à une décision sans obstruction indue et d’exclure du débat toute discussion qui n’y contribue pas. La règle interdisant de répéter des arguments déjà avancés assure le déroulement expéditif du débat. Négliger l’une ou l’autre de ces règles nuirait grandement à la capacité de la Chambre de gérer efficacement le temps réservé à ses travaux.
Malgré leur importance, ces règles demeurent difficiles à définir et à appliquer
et sont assujetties aux membres et particulièrement au président en tout temps.
Je voulais le rappeler au Comité. Si, au cours des travaux de notre comité, j’ai l’impression que le décorum n’est pas respecté, je vais profiter de l’occasion pour relire ce passage, et le temps va continuer à courir pendant le temps que le député a le droit de parole, et vous pourrez soit poser des questions aux témoins, soit m’écouter et écouter ce que je dis sur le décorum. Ce sera votre choix. Merci.
Nous allons maintenant entendre nos témoins. Monsieur Beuze, du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, bienvenue. Nous allons commencer par entendre votre témoignage, puis celui de M. Damian Smith.
Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui pour parler d’un sujet important pour mon organisation, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, qui est le Pacte mondial sur les réfugiés.
J’ai eu le plaisir d’être ici il n’y a pas si longtemps, lorsque j’ai fait un survol de la situation des réfugiés dans le monde. Le pacte tente vraiment de changer notre façon de faire des affaires lorsque nous répondons à ces afflux massifs de réfugiés, principalement en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et peut-être maintenant en Amérique latine. Je rappelle que 60 % des réfugiés sont accueillis dans seulement 10 pays. La Turquie, le Pakistan et l’Ouganda sont en première ligne avec six millions de réfugiés au total.
Le pacte vise vraiment à voir comment nous pouvons utiliser les pratiques exemplaires et les leçons tirées de plus de 60 ans d’interventions humanitaires et de protection pour aider ces pays à accueillir, à protéger et à aider ces réfugiés.
La semaine dernière, nous avons présenté au Comité un mémoire qui, j’en suis sûr, a été distribué à tout le monde. Je ne reviendrai donc pas sur ce qu’est le pacte et sur la manière dont il va changer la façon dont nous réagissons avec nos partenaires, mais je vais plutôt aborder les questions qui ont été soulevées dans le cadre des délibérations de votre comité au cours des trois ou quatre dernières séances.
L’obligation du Canada à l’égard des réfugiés découle de la Convention de 1951, dont la plus grande part relève du droit coutumier international de toute façon, de sorte que peu importe si le Canada était partie ou non à la convention, tous les États membres des Nations unies sont liés par certaines règles, certaines obligations en ce qui concerne la protection des réfugiés, notamment l’obligation de ne pas renvoyer une personne dans un pays où elle risque la torture ou la mort.
L’obligation du Canada découle également de la Charte des Nations unies, qui demande aux États membres de coopérer les uns avec les autres pour résoudre les problèmes qui touchent la paix et la sécurité, le développement, mais aussi l’intervention humanitaire. C’est à cet égard que nous devons situer le contexte du Pacte mondial pour les migrations lorsqu’il est question de partage des responsabilités avec les pays de première ligne que j’ai mentionnés. Ces pays de première ligne seront plutôt considérés comme des pays à part entière parce qu’ils ressentent le poids d'accueillir tous ces réfugiés et de leur fournir des services.
Le Canada, comme tout autre État membre, a des obligations en vertu d’instruments internationaux comme la Convention de 1951 ou la Charte des Nations unies.
En ce qui concerne la question des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, les PDIP, ces personnes sont régies par des instruments des droits de la personne et par le droit humanitaire international lorsqu’elles sont en situation de conflit. Vous savez que nous célébrons cette année la 20e année des principes directeurs sur le déplacement international, qui combinent toutes les règles, tous les droits et toutes les obligations des États vis-à-vis des personnes déplacées dans leur propre pays. Celles-ci ne sont pas comprises dans le Pacte mondial sur les réfugiés parce que les États membres ont décidé à ce moment-ci de se concentrer sur la situation des réfugiés.
Pour ce qui est des obligations du Canada ou de n'importe quel autre des 35 pays qui ont des programmes de réinstallation en ce qui concerne l’engagement à l’égard de la réinstallation et l’offre de solutions durables, cela demeure une décision souveraine de l’un ou l’autre de ces 35 pays, y compris le Canada. Cependant, les critères en vertu desquels le HCR, avec l’appui d’ONG et de partenaires de l’ONU, identifie les personnes les plus vulnérables en vue de leur réinstallation ont été acceptés par ces 35 pays, dont le Canada, et ce sont les critères mondiaux de réinstallation.
Ce n’est pas parce que nous demandons à d’autres acteurs comme la Banque mondiale, les banques régionales de développement, de se faire entendre, ainsi que le secteur privé, les organisations confessionnelles, les villes, que nous n’aurons pas besoin d’un financement important pour nos activités. Encore une fois, c’est une décision souveraine du Canada et d’autres pays de décider du niveau de financement qu’ils consacreront à notre intervention à l’échelle mondiale.
Permettez-moi de mentionner que 87 % de notre budget provient des contributions volontaires des États et que 60 % de notre budget provient de trois pays, les États-Unis d’Amérique, l’Allemagne et — pas un pays — l’Union européenne.
Enfin, j’aimerais clarifier devant le Comité la situation par rapport aux États-Unis et sa position par rapport au Pacte mondial sur les réfugiés.
Lors de la Troisième commission, il y a quelques semaines, la délégation américaine a exprimé son plein appui à la plupart des éléments du Pacte mondial sur les réfugiés. Elle a réaffirmé l’engagement des États-Unis à l’égard de l’objectif du pacte. Elle a en fait demandé à d’autres pays — j’imagine que cela inclut le Canada — d’aider à soutenir financièrement et par des solutions durables les pays de première ligne visés par le Pacte mondial sur les réfugiés, et d’accroître l’espace pour la réinstallation parce que, comme vous le savez, les États-Unis sont les premiers en ce qui concerne la liberté d’établissement, ainsi que la contribution financière à la réponse à la crise des réfugiés. Elle a également exprimé un solide appui au HCR, mais elle a exprimé certaines réserves, par exemple, sur la question de la détention des demandeurs d’asile, qui n’est plus un problème au Canada depuis que le ministre Goodale a adopté la solution de rechange à la détention dans le cadre des processus d’immigration.
La participation du Canada à ces discussions a vraiment été à l’avant-plan par la représentation à Genève, mais aussi par la consultation des ONG. Je sais que plusieurs ONG ont pu témoigner devant votre comité du fait qu’elles ont été pleinement consultées sur la façon dont, collectivement, nous pouvons mieux aider ces pays de première ligne en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient, en Asie et, de nos jours, en Amérique centrale, pour les aider à répondre aux besoins de protection et aux services dont ces réfugiés ont besoin.
Merci beaucoup.
Je m’appelle Craig Damian Smith. Je suis directeur associé du Global Migration Lab de la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto.
Je tiens à vous remercier et à dire que c’est un privilège de participer à cette discussion.
J’aimerais commencer par dire que la conversation arrive à un moment charnière pour ce que nous appelons la « gouvernance mondiale de la migration ». C’est une époque où le système humanitaire international, les institutions multilatérales et l’ordre international fondé sur des règles sont de plus en plus mis à rude épreuve et même menacés par certains États membres. Le Pacte mondial sur les réfugiés peut aider à revigorer les normes, les lois et les institutions qui composent le régime international de réfugiés.
Le Canada peut jouer un rôle de premier plan, mais malheureusement, pour le moment, il semble que ce soit surtout de la rhétorique. Il est temps de cesser de nous reposer sur nos lauriers. Concrètement, cela signifie un effort sérieux et soutenu pour accroître notre aide publique au développement et démanteler certains des silos entre le gouvernement fédéral et au sein de ce dernier afin de délibérer efficacement. J’y reviendrai dans un instant.
Le Comité a entendu des experts et des praticiens de premier plan. Je présume que vous connaissez la situation. Vous savez que la Déclaration de New York de 2016 a été endossée par tous les États membres de l’ONU, que le Canada a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration des deux pactes, et qu’ils reflètent l’équilibre des intérêts entre les pays hôtes et les États donateurs. Il est maintenant temps de faire le travail.
Je tiens à réitérer quelques faits fondamentaux qui expliquent pourquoi nous avons besoin du Pacte mondial sur les réfugiés et ce que le Canada peut faire.
Premièrement, le système humanitaire international est défaillant. Les engagements financiers et politiques actuels ne peuvent répondre aux besoins des personnes déplacées ou des États qui les accueillent. Deuxièmement, le fardeau du traitement des personnes déplacées incombe de façon disproportionnée aux États plus pauvres et plus fragiles.
À ce jour, la communauté internationale s’est concentrée sur ce que nous appelons une approche de « soins et d’entretien » pour traiter les personnes déplacées. Cela suppose un fonds d’aide humanitaire à court terme pour essayer de répondre aux besoins fondamentaux des gens pendant qu’ils cherchent une solution durable à leur déplacement. Nous savons que la communauté internationale reconnaît trois solutions durables au statut de réfugié des gens, le retour dans leur pays d’origine, la naturalisation dans leur pays d’accueil ou la réinstallation dans un pays tiers.
Le régime des réfugiés n’a pas été conçu pour tenir compte de la dynamique actuelle de déplacement. La plupart des gens ne peuvent pas rentrer chez eux, et seulement une infime partie d’entre eux sont réinstallés à l’étranger chaque année. Cela a pour effet de prolonger de plus en plus la situation des réfugiés.
Des populations de réfugiés prolongées et une aide humanitaire prolongée peuvent fausser les marchés du travail et du logement de l’État hôte, mettre à rude épreuve les ressources, perturber les équilibres politiques et ethniques et favoriser l’animosité avec les communautés d’accueil. Les États hôtes hésitent évidemment à utiliser l’aide au développement international pour les réfugiés. La faible solidarité des États donateurs les incite peu à naturaliser ou à intégrer les réfugiés.
Ces situations prolongées de réfugiés et le manque de financement ont donné lieu à un phénomène croissant de ce que nous appelons les « mouvements secondaires irréguliers ». C’est à ce moment-là, plutôt que de stagner dans les pays d’accueil et d’attendre une chance de réinstallation internationale qui ne viendra probablement pas, que les réfugiés décident de payer des passeurs pour essayer de se rendre dans un pays sûr où eux et leur famille pourraient avoir un certain avenir.
Le fait que les migrants et les réfugiés partagent le même système de migration irrégulière — c’est-à-dire ce que nous appelons des « flux mixtes complexes » — est l’une des sources du sentiment anti-réfugiés dans les démocraties libérales, où tout demandeur d’asile est immédiatement soupçonné d’être un simple migrant économique ou un resquilleur. Il semble que peu importe qu’il n’y ait pas de file d’attente, que les distinctions entre les migrants et les réfugiés soient souvent floues au mieux, que les États du Nord voient une proportion infinitésimale de réfugiés à l’échelle mondiale, et que nous ayons les ressources nécessaires pour bien adapter nos systèmes d’asile. Malheureusement, le bouc émissaire des réfugiés et la peur de la sécurité publique constituent une tactique nettement usée pour gagner des élections.
En même temps, les États qui ont bâti le régime de réfugiés abandonnent le prétexte des droits et de l’application régulière de la loi en délocalisant les contrôles migratoires vers les États autoritaires, en militarisant les frontières et en réduisant l’aide sociale pour rendre leurs pays moins favorables.
Un partage efficace de la charge internationale peut aider à prévenir cette course vers le bas. Ce n’est pas une coïncidence, c’est la prémisse de base du Pacte mondial sur les réfugiés.
Le principal mécanisme de ce partage du fardeau, celui dont je veux parler, est le Cadre d’action global pour les réfugiés (CAGR). Le CAGR appelle à des contributions internationales nouvelles et supplémentaires au centre de l’aide humanitaire et de l’aide au développement, ce qu’il a appelé au Sommet humanitaire mondial, la nouvelle façon de travailler.
L’objectif principal de l’établissement de liens entre les programmes humanitaires et de développement par le biais du CAGR est de favoriser l’inclusion et l’autonomie des personnes déplacées et d’alléger simultanément le fardeau sur les États hôtes. Il s’agit autant d’une façon prospective de traiter les personnes déplacées que d’une reconnaissance politique du fait que la plupart d’entre elles ne rentreront pas chez elles ou ne seront pas réinstallées.
Je vais demander au témoin de ralentir un peu pour l’interprète. Je vais vous donner un peu plus de temps pour leur bénéfice, pas le vôtre.
Bien sûr. Merci. J’ai l’habitude de parler autant que je veux et de forcer les étudiants à écouter.
Bien que le Canada ait contribué à la rédaction du Pacte mondial sur les réfugiés, notre appui au CAGR semble remarquablement moins clair. Le fait est que si vous regardez où en sont nos programmes à l’heure actuelle, nous ne faisons que changer l’image des programmes de développement et d’aide humanitaire existants et les appelons une approche des causes profondes de la migration irrégulière et des situations de réfugiés. C’est de l’argent ancien avec de nouvelles étiquettes.
Cette année, j’ai eu l’occasion de mener une étude sur le CAGR pour Affaires mondiales Canada, en particulier dans le contexte de l’Amérique centrale, où il s’agit d’un mécanisme régional appelé MIRPS. Cette étude a révélé trois principaux obstacles de la part du Canada à la solidarité réelle et au partage du fardeau pour le CAGR.
Le premier est que les échéanciers des programmes humanitaires et de développement et les cycles de financement sont très différents.
Deuxièmement, malgré la fusion de l’ACDI et du MAECI, les programmes d’AMC demeurent fonctionnellement cloisonnés entre le travail humanitaire et le travail de développement.
Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, nous ne dépensons pas assez d’argent. Pour être honnête, l’APD du Canada est plutôt dérisoire. Le dernier budget prévoyait 0,26 % du revenu national brut au cours des prochaines années. Par rapport à l’inflation, il s’agit en fait d’un véritable déclin. Il s’agit également d’une diminution par rapport au taux de 0,31 % observé lors du dernier examen de l’OCDE en 2012. Le gouvernement actuel consacre moins d’argent à l’APD que le gouvernement précédent.
J’ai eu plusieurs conversations avec des gens d’Affaires mondiales et d’IRCC au sujet de la situation. Essentiellement, les anciens employés de l’ACDI et les responsables de l’aide humanitaire ne travaillent pas ensemble sur les programmes. Les bureaux régionaux d’AMC ne communiquent pas en fonction des thèmes. Affaires mondiales et IRCC travaillent en parallèle sur les mêmes questions alors qu’ils devraient être complémentaires. C’est aussi le problème du CAGR.
La fonction publique attend un champion ayant le capital politique pour orienter le travail au centre de développement humanitaire, pour appuyer le CAGR. Bien sûr, la situation est compliquée — la dépendance bureaucratique et les contraintes financières sont réelles —, mais c’est loin d’être impossible.
La fonction publique du Canada, les institutions universitaires et les organisations de la société civile possèdent une vaste expertise dans tous ces domaines. Ensemble, nous pouvons facilement identifier des projets pilotes avec des paramètres de résultats clairs pour les personnes déplacées dans les pays du CAGR, tirer parti du financement du développement international, mobiliser les ressources existantes pour encourager la coopération des États hôtes et offrir des voies complémentaires pour la réinstallation et la migration de la main-d’œuvre afin d’alléger les fardeaux les plus pressants pour les États hôtes.
Pour conclure, à mon avis, la discussion sur la question de savoir si nous devrions signer les pactes ou comment ils affectent notre souveraineté passe complètement à côté de la question de savoir si nous devrions faire telle ou telle chose, mais comment répartir équitablement le fardeau à l’avenir.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d’être venus et je remercie M. Beuze d’être revenu.
Je veux passer un peu de temps avec vous pour parler de certaines des accusations et des craintes au sujet des pactes que nous entendons de la part d’opposants.
Tout d’abord, ces pactes ne sont pas contraignants, n’est-ce pas?
Vous avez raison, mais c’est un engagement politique. Par conséquent, nous nous attendons à ce que tous les États membres produisent des résultats par rapport à l’engagement qui a été convenu entre les pays hôtes et des pays comme le Canada, davantage axés sur le financement.
Nous allons commencer par cela. J’aimerais citer une des préoccupations qui ont été soulevées, à savoir que les Nations unies pourraient demander au Canada de modifier sa politique en raison du Pacte mondial sur les réfugiés.
L’ONU n’exerce-t-elle pas déjà des pressions sur le Canada au sujet de sa politique sur les réfugiés en l’absence d'un pacte non contraignant?
L’ONU regroupe 193 États membres, dont le Canada. Nous sommes donc au service des 193 États membres, mais nous préconisons évidemment que les politiques soient alignées sur l’accord international, qu’elles soient juridiquement contraignantes ou un engagement politique.
Je répète qu’il n’y a pas de signature du pacte. Cela fera partie de la résolution omnibus du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à l’Assemblée générale, qui affirmera que les 193 États membres confirment la valeur ajoutée du pacte à titre de vision, d'outil, de feuille de route, pour aider les pays en première ligne de l’intervention auprès des réfugiés et pour mieux partager la responsabilité, financière et autre.
Le pacte non contraignant changera-t-il la capacité de l’ONU de faire du lobbying auprès du Canada au sujet de la politique sur les réfugiés et aussi la capacité du Canada de prendre ses décisions en matière de politique souveraine?
Chaque État membre demeure un décideur souverain en ce qui concerne ces questions, mais on s’attend à une coopération entre les États membres.
L’ONU ou le HCR a-t-il l’intention d’assigner des rapporteurs pour « dénigrer » le Canada ou remettre en question ses politiques souveraines si nous ne respectons pas le pacte?
Non. Le forum mondial est un mécanisme du pacte mondial. Il se tient tous les quatre ans au niveau ministériel, lorsque tous les pays se réunissent pour renouveler leur engagement politique en matière de financement, de réinstallation, d’aide et d’activité, qu’il s’agisse du secteur privé, des institutions de développement ou des institutions financières internationales. Il s’agit d’un mécanisme de pairs parmi les États membres.
Merci de cette précision.
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que nous devrions ou voulons réduire la migration, qu’elle soit forcée ou motivée par des impératifs économiques. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que la migration irrégulière et imprévue à travers les frontières nationales n’est pas souhaitable. Compte tenu de ces hypothèses, est-il logique pour vous que certains choisissent d’abandonner le travail multilatéral avec la communauté mondiale pour s’attaquer de façon coordonnée à la migration irrégulière et à ses causes profondes, et essayent plutôt de le faire seuls ou sans tenir compte du reste du monde? La chancelière allemande Angela Merkel, s’adressant à son parlement la semaine dernière, a dit que c'était du « nationalisme dans sa forme la plus pure. »
Merci.
C’est un fait que lorsque les États prennent des décisions unilatérales au sujet de la migration irrégulière et de la façon dont ils vont réagir à la migration irrégulière, cela touche nécessairement d’autres États et leurs voisins, et il y a des effets en cascade. La meilleure et seule véritable façon d’aborder la question d’une façon proactive qui se conforme à ce que les États ont convenu pour protéger les droits de l’homme et les droits de toutes les personnes à titre de réfugiés et de migrants, c’est un système d’action collective pour s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière. Les politiques unilatérales ont des effets très pernicieux sur les voisins et les migrants.
Monsieur Beuze, quelle a été la contribution du Canada au HCR en ce qui concerne le genre de cas qu’il aimerait voir mentionnés au sujet des populations vulnérables?
Nous entretenons un dialogue étroit avec IRCC — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada —, qui est notre partenaire dans la réinstallation, particulièrement en ce qui concerne la réinstallation assistée par le gouvernement ou le programme mixte de visas pour les réfugiés qui sont réinstallés au Canada. Comme je l’ai mentionné brièvement, les critères mondiaux de réinstallation ont été acceptés par 35 États membres, y compris le Canada, et il y a une évaluation objective des réfugiés les plus vulnérables dont la survie est menacée dans le premier pays où ils ont trouvé asile.
Permettez-moi de préciser que c’est le Canada qui décide du niveau de réinstallation. Chaque année, le ministre d’IRCC se présente devant le Parlement pour présenter les niveaux d’immigration, et dans le cadre des niveaux d’immigration, on indique les personnes qui seront admises au pays pour des motifs humanitaires. Ensuite, il y a une discussion entre IRCC et le HCR sur la provenance de ces réfugiés. Nous fournissons à IRCC une carte indiquant où se trouvent les réfugiés les plus vulnérables. Au moment où je vous parle, nous avons identifié 1,4 million des 25 millions de réfugiés qui ont besoin d’être réinstallés à titre de survivants — non pas pour une vie meilleure, mais à titre de survivants — et le Canada en réinstallera 10 000 cette année par l’entremise du gouvernement et du HCR.
Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre dans la même veine que Mme Zahid, à savoir que les pactes ne sont pas contraignants.
J’aimerais faire une comparaison pour voir si vous êtes d’accord pour dire qu’il y a une comparaison ou non avec l’Accord de Paris sur les changements climatiques. À mon avis, il y a eu un accord sur la façon de gérer le changement climatique, et des modalités ont été établies, des propositions pour que chaque État membre accepte de faire certaines choses. L’accord n’est pas contraignant. J’imagine que si un État membre changeait d’avis, il y aurait des difficultés avec les autres États membres ou avec leur organisation.
Vous avez répondu aux questions de Mme Zahid en disant que c’est non contraignant et que cela ne va pas toucher la souveraineté du Canada et d’autres choses. Ma question est la suivante: que se passera-t-il si le Canada décide de ne pas suivre les recommandations formulées dans le cadre du pacte? Qu’est-ce qui pourrait arriver?
Comme dans toute tribune internationale, il s’agit d’établir de bonnes relations avec les autres États membres qui, de leur côté, respectent l’engagement politique qui a été pris dans le pacte.
Il ne faut pas confondre les choses; le Pacte ne contient pas de recommandations claires et mesurables qui permettront au Canada d’être évalué de façon objective. C’est un engagement envers les pays de première ligne de dire: « Vous recevez de 85 à 90 % des réfugiés; ce n’est pas nous. Vous êtes souvent dans une situation où vous avez des difficultés financières à développer vos propres pays pour vos propres citoyens. » Ce sont ces citoyens qui subissent cette pression démographique supplémentaire des réfugiés. Cet accord témoigne d’un bon partenariat au niveau des relations internationales.
Je comprends. Je suppose que je regarde le fait que le Parti libéral forme actuellement le gouvernement au Canada, mais il y a trois grands partis au pays, soit le Nouveau Parti démocratique, le Parti conservateur et le Parti libéral. L’un ou l’autre des partis peut arriver au pouvoir, ne pas être d’accord avec ce que l’ancien gouvernement faisait et contester ce qui se fait dans le cadre du pacte. Ma question est la suivante: que se passerait-il si cela se produisait? Y aurait-il des pressions? Va-t-on dénigrer un nouveau gouvernement pour peut-être le pousser dans la même direction que le gouvernement précédent?
Il y a deux choses. Mon organisation demandera certainement au Canada d’en faire plus pour les réfugiés, que ce soit le niveau de réinstallation ou le niveau de financement. Comme on l’a déjà dit, je pense que nous ne devrions pas perdre de vue comment, au fil des ans, le Canada a été un solide partenaire. Nous en demandons plus, mais c’est un solide partenaire de mon organisation et des pays qui accueillent des réfugiés, qu’il s’agisse, comme l’a mentionné M. Smith, du niveau de financement ou des niveaux de réinstallation, selon les recommandations du HCR, pour le gouvernement précédent ou le gouvernement actuel.
Je suis désolé de faire ce commentaire, et permettez-moi de... C’est peut-être un peu une question théorique que vous posez, car au cours des 60 dernières années, le Canada a toujours appuyé d’autres pays en ce qui concerne l’aide humanitaire et l’aide au développement.
Je comprends cela. Les trois partis seront d’accord, mais ils ne seront peut-être pas d’accord avec les déclarations philosophiques qui ont été faites.
Monsieur Smith, vous avez fait des commentaires désobligeants au sujet du gouvernement actuel qui ne dépense pas autant d’argent que les gouvernements précédents, et vous avez fait des commentaires généraux au sujet du gouvernement. Je suppose que j’établis un lien avec le fait qu’il s’agit d’un accord non contraignant. Ma question porte sur les pressions exercées sur le gouvernement pour qu’il change sa façon de faire.
Ma question est... si nous concluons cet accord non contraignant, je vous dirais que c’est un accord contraignant.
Elles changent de temps en temps, mais la constante dans les relations internationales, c’est l’intérêt souverain des États.
Si nous considérons que la mobilité internationale est bien réglementée et bien gérée de telle façon qu’il n’y a pas de migrations irrégulières à grande échelle aux frontières qui pourraient nuire à quelque chose comme le projet européen par l’intermédiaire de l’Union européenne ou créer des réactions internes violentes de la part des nationalistes blancs contre les demandeurs d’asile, il est certainement dans l’intérêt des États de coopérer. Il est également moins coûteux de coopérer avec d’autres États dans le système international.
L’un d’entre vous a mentionné que les États-Unis appuyaient les pactes. J’ai cru comprendre que les États-Unis n’appuyaient pas les pactes en raison de la question de la souveraineté, comme c’est le cas pour l’Australie, Israël, je crois, la Bulgarie et plusieurs autres.
Autrement dit, vous contredisez ce qu’on m’a laissé entendre au sujet des États-Unis, et je ne sais pas ce que vous vouliez dire par là. Cependant, en ce qui concerne la question de la souveraineté — et je m’adresse à l’un ou l’autre d’entre vous —, il y a un nombre assez important d’États membres qui ne participeront pas aux pactes. Quel effet cela a-t-il sur la philosophie générale de ces pactes?
Je crains que le temps de parole du député soit écoulé. Cependant, je pense que c’est une question importante, alors je vais faire comme si je ne voyais pas l’heure parce que je pense qu’il faudrait peut-être séparer les deux pactes sur cette question.
Si vous voulez prendre le temps de vous expliquer et de répondre à la question, ce serait utile.
Brièvement, les États-Unis n’ont pas participé à la consultation qui a mené à l’adoption du Pacte mondial pour les migrations, qui sera officiellement adopté à Marrakech dans 10 jours.
La délégation des États-Unis à Genève, et plus tard à New York a participé à la consultation sur le Pacte mondial sur les réfugiés. Lorsqu’il a été présenté à la Troisième commission de l’Assemblée générale — qui est un sous-comité semblable à votre comité — juste avant que la résolution ne soit adoptée par l’Assemblée générale, la délégation américaine a affirmé son appui à la plupart des éléments du Pacte mondial. Ils ont également réaffirmé leur soutien à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, mais ont décidé de ne pas adhérer au consensus sur la résolution, qui confirmait le Pacte mondial sur les réfugiés. Ce n’est pas pour des raisons de souveraineté — excusez-moi; je ne devrais pas interpréter ce que dit la délégation américaine —, mais elle a signalé en particulier que l’une des recommandations du pacte est que les demandeurs d’asile devraient bénéficier de solutions de rechange à la détention, ce qui n’est pas conforme aux politiques actuelles de l’administration américaine, comme vous le savez.
En ma qualité de politicologue, je dirais que l’objectif même de ces États qui se retirent ou qui disent qu’ils n’appuieront pas le pacte mondial pour les migrations est un gain politique national, et l’auditoire est le public national.
Vous parlez de la Hongrie, de l’Autriche, de la République tchèque et de la Pologne. Ce sont les pays qui font partie du groupe de Visegrad, qui est un groupe d’États d’Europe centrale et orientale dont l’objectif déclaré est de miner les institutions multilatérales...
L’Australie est un pionnier d’une politique qui a d’abord été appelée « l’Australie blanche », qui est ensuite devenue la « solution du Pacifique », qui consistait à retirer leur territoire de la convention sur les réfugiés afin qu’ils puissent entreposer indéfiniment les réfugiés sur de petites îles.
Je crois que je dois vous arrêter ici. Je sais que vous pourriez continuer, mais nous allons lire votre document.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Monsieur Smith, je me demande ce que vous pensez de cette situation. Est-ce que le fait d’envoyer des gaz lacrymogènes de l’autre côté de la frontière vers un territoire souverain d’un autre pays pour empêcher les demandeurs d’asile ou les demandeurs d’asile potentiels d’atteindre une frontière constitue un respect des droits de la personne? Est-ce conforme aux objectifs et aux principes du pacte?
La pratique consistant à tirer des gaz lacrymogènes au-delà des frontières et à empêcher les gens de demander l’asile fait malheureusement partie d’une tendance croissante en matière de contrôle frontalier que certains États — Israël et la Hongrie, par exemple — appellent des « retours chauds », c’est-à-dire de refouler des gens au-delà des frontières, qu’il y ait ou non une entente sur les tiers pays sûrs avec l’État de transit précédent. Certains appellent cela des politiques de refoulement.
La réponse fondamentale est non, cela ne correspond à aucune norme que nous pourrions envisager.
C’est tout à fait juste en ce qui concerne la norme, mais le pacte ne tient pas compte de ces situations. Le pacte vise la situation des pays de première ligne en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient, en Asie et dans le Sud, en Amérique centrale, qui n’ont pas nécessairement les moyens financiers, les services, les procédures de détermination du statut de réfugié en place pour appuyer, de leur propre chef, la réponse à l’arrivée massive de réfugiés comme nous l’avons vu avec les Rohingya, les Sud-Soudanais ou les Syriens.
Le pacte ne tient pas compte des situations dont vous parlez.
C’est exact. Je comprends cela. À cause de la géographie, du principe qui sous-tend le pacte, d’après ce que je comprends...
Je voulais simplement être claire, parce que dans ces circonstances, indépendamment de la géographie, si vous appliquiez les principes du pacte dans le monde entier, peu importe où se trouvent les demandeurs d’asile, ces pratiques ne seraient pas conformes au pacte. C’est ce que j’essaie de comprendre, et c’est ma réponse...
De plus, avec la Convention de 1951, qui est, comme je l’ai mentionné plus tôt, non seulement un instrument juridiquement contraignant pour les États parties à la convention, mais qui contient aussi le droit international coutumier selon lequel les demandeurs d’asile devraient avoir droit à la protection de l’État où ils sont connus. C’est exact.
Merci beaucoup. En fait, j’essayais d’obtenir cette réponse pour voir si un pays qui s’adonne à ce genre de pratique respecte la Convention de 1951. Je vous remercie de cette réponse, car je n’ai pas vraiment pu obtenir cette réponse de nos propres fonctionnaires d’IRCC.
Monsieur Smith, comme vous l’avez mentionné dans vos commentaires, les migrants irréguliers ont une incidence sur d’autres États, parce qu’il y a clairement une implication. Cependant, comme le pacte est géographiquement localisé et cible un ensemble différent de membres de la communauté, dans la situation aux États-Unis, qui ne font pas partie du pacte, nous avons des demandeurs d’asile qui essaient de se rendre en lieu sûr et qui sont incapables de le faire parce qu’on leur lance du gaz lacrymogène. Les États-Unis ont déclaré que les personnes qui fuient la violence familiale ou les gangs de rue ne seraient pas en mesure de présenter une demande d’asile, et il y a les dernières nouvelles concernant l’identité de la communauté LGBTQ.
Étant donné qu’il s’agit de l’environnement, comment la communauté internationale devrait-elle s’y prendre? Y aura-t-il une disposition ou une tentative de la part de la communauté internationale pour régler cette situation, que ce soit dans le cadre du pacte ou autrement?
Je persiste à penser que l'on passe du PMR au PMM — les deux pactes — un peu comme on le fait ici.
Si le Canada veut faire quelque chose au sujet de la situation à la frontière avec le Mexique et les États-Unis, il pourra le faire par le biais des dispositions du pacte relatives à la situation des personnes déplacées en Amérique centrale dans le cadre du processus régional MIRPS.
Je peux vous faire parvenir le rapport que j'ai rédigé à ce sujet pour Affaires internationales Canada. Le niveau de violence et de dégradation écologique et d'autres facteurs d'incitation dans le triangle nord des pays d'Amérique centrale est passablement élevé et exigera une augmentation soutenue et massive de l'aide internationale si l'on veut prévenir les crises de migration irrégulière comme celles qui donnent lieu à ce type de comportement à la frontière.
J'apprécierais que vous puissiez l'envoyer au Comité. Tous les membres du Comité pourraient en tirer parti, je pense.
Je me demande s'il y a autre chose à ajouter de votre part, monsieur Beuze.
Comme vous le savez, en l'état actuel des relations internationales, il n'y a pas de police internationale. Il existe un conseil de sécurité qui est l'organe décisionnel suprême, lequel peut décider quand il y a atteinte à la paix et à la sécurité en vertu du chapitre 7 par un des États membres. Autrement, il s'agit simplement de relations de bon voisinage, comme l'a bien expliqué le professeur Smith. Par conséquent, les pays membres de la communauté internationale sont mutuellement tenus de rappeler à l'ordre celui parmi eux qui ne semble pas pouvoir ou vouloir respecter les normes de la Convention de 1951 ou toute autre norme, et doivent l'aider et le soutenir grâce à des activités de plaidoyer, un appui technique, un financement, etc.
Merci.
D'aucuns soutiennent que le Canada ne devrait pas participer au pacte. En fait, je viens de recevoir quelques courriels de mes propres électeurs qui me disaient: « C'est très dangereux. C'est vraiment mauvais pour le Canada. S'il vous plaît, s'il vous plaît, assurez-vous que nous n'en faisons pas partie. »
Que diriez-vous à ceux qui font ces commentaires?
Je répéterais ce que j'ai dit: qu'un monde de migrations bien gouvernées et bien gérées est dans l'intérêt de chaque État et répond aux critères de base du respect et de la protection des droits des personnes vulnérables.
De plus, le Canada a une longue tradition d'aide aux personnes les plus vulnérables à l'étranger. Les Canadiens devraient en être fiers.
J'aimerais simplement clarifier la question du temps de parole, monsieur le président. Comme vous l'avez noté, mes collègues conservateurs ont eu droit à du temps supplémentaire. On débattait de questions importantes et du temps supplémentaire leur a été accordé. C'était à votre discrétion, mais pas en conformité avec les règles qui régissent ce comité. Je me demande simplement quand viendra le tour des autres membres du Comité de bénéficier de votre pouvoir discrétionnaire de prolonger ce délai.
C'est souvent leur tour et si vous voulez le décompte exact des minutes qui vous ont été accordées de façon discrétionnaire depuis que je suis président, je peux vous le donner.
Oui. Plus précisément, lors de la réunion du Comité d'aujourd'hui, c'est une disposition explicite qui a été prise. Je ne la conteste pas, monsieur le président, mais quand on l'applique, il me semble juste de dire qu'on devrait l'appliquer à tous les membres.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre dans la même veine que mon collègue.
Certains disent que le Pacte mondial pour les migrations vise à effacer les frontières nationales ou à encourager le franchissement irrégulier des frontières, et je pense qu'il est préjudiciable de dire cela. Ce pacte mondial a pour objectif des « migrations sûres, ordonnées et régulières ». Il figure à l'objectif 23: « Renforcer la coopération internationale et les partenariats mondiaux pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ».
Je voudrais attirer votre attention sur l'objectif numéro 5, « Faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples ». Comme on l'a noté dans les témoignages, il y a des pays d'Europe de l'Est qui se sont retirés du Pacte sur les migrations. Je pense que c'est dangereux. Sans aller chercher trop loin de nous, dans notre propre cour, au Mexique, il y a des contrebandiers qui font jusqu'à 2 000 $ par jour dans la contrebande de personnes. Ils gagnent jusqu'à 200 $ pour le passage d'un migrant mexicain et jusqu'à 500 $ pour un migrant non mexicain. Un individu travaillant dans une usine à Juárez, une ville frontalière, gagne un maximum de 5 $ par jour. L'écart est frappant.
Selon moi, quand un État se retire du Pacte mondial pour les migrations, il crée ou encourage essentiellement ce type de trafic d'êtres humains. C'est très dangereux pour les personnes, parce que cela laisse les plus vulnérables entre les mains des contrebandiers. Les femmes et les filles peuvent être exposées au trafic sexuel, ce qui peut être très dangereux.
Le Canada a adopté une perspective sexospécifique dans sa politique étrangère pour protéger les plus vulnérables et cela vise, entre autres, les femmes et les enfants. Pouvez-vous nous dire pourquoi les États doivent adhérer à ce pacte mondial et veiller à ce que les plus vulnérables soient protégés?
C'est une question très importante, et la dynamique est très importante.
J'ai passé plusieurs années à travailler dans des systèmes de migration irrégulière, comme on les appelle, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans les Balkans, et maintenant de plus en plus en Amérique centrale. En fait, la migration irrégulière explique le trafic d'humains et la contrebande parce que les interdits stimulent la création de marchés illicites. Les gens veulent bouger et les gens doivent bouger. Comme vous l'avez mentionné, il existe de grandes disparités économiques entre les États, qui agissent comme des facteurs d'incitation et d'attraction en général.
Lorsque les gens sont forcés d'entreprendre des voyages irréguliers, les réseaux de contrebande criminalisés étant de plus en plus sophistiqués et interconnectés, il arrive très souvent qu'ils croisent le chemin de la traite et que ces personnes se retrouvent piégées pendant leur voyage. Les femmes et les filles peuvent être poussées dans des situations de traite. Le travail domestique est un des principaux débouchés, mais aussi le travail sexuel forcé. C'est une question importante qui ne se prête pas bien à des solutions et à des énoncés de politique très simples, mais l'essentiel est que le marché se comporte comme je l'ai dit.
C'est l'un des problèmes qui se chevauchent dans les deux contextes: migration et réfugiés. C'est toute la question du trafic et de la contrebande, ainsi que quelques autres questions. Pour la raison même expliquée par le professeur Smith, la crainte, c'est que l'on augmente le risque que des personnes qui sont déjà vulnérables, parce qu'elles fuient des situations de persécution ou de conflit, mues par l'espoir qu'on les aidera à trouver la sécurité, tombent entre les mains d'organisations criminelles, dans le piège de la traite, de l'exploitation sexuelle et autre et des formes contemporaines d'esclavage.
Par conséquent, il est important que l'on crée des voies légales pour les demandeurs d'asile ainsi que pour les migrants — mais je parle ici des demandeurs d'asile — afin qu'ils n'aient pas à recourir à ces pratiques.
Merci.
Nous avons également entendu le témoignage de notre ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy. Il a recommandé au Comité et au gouvernement du Canada de confisquer les avoirs gelés des dirigeants étrangers véreux et d'utiliser l'argent au profit de la population qu'ils ont escroquée.
Êtes-vous d'accord pour prendre certains biens à certains États voyous et de s'en servir pour aider les demandeurs d'asile et les réfugiés?
Le HCR n'a pas de position sur cette question. Les collègues d'IRCC et d'AMC ont répondu qu'ils allaient examiner de très près le cadre juridique et politique qui sera nécessaire pour ce faire.
L'important pour mon organisation et pour toutes les ONG, c'est que, que cela fonctionne ou non, on a besoin de fonds supplémentaires pour fournir les services nécessaires sur le terrain pour protéger et aider les réfugiés.
Le Canada devrait se concentrer sur le cadre global d'intervention auprès des réfugiés, car il a été négocié avec soin entre les pays hôtes et les pays donateurs.
Très brièvement, et quelque peu politiquement, sur cette idée, le Canada se heurtera carrément aux intérêts de l'Europe en matière de contrôle des migrations si l'on essaie de prendre l'argent des États autoritaires pour financer les demandeurs d'asile. Je peux citer en particulier le gouvernement soudanais, qui a payé plusieurs centaines de millions d'euros par an pour contrôler la migration à travers le pays...
J'ai peur de devoir vous arrêter là. Merci beaucoup.
[Français]
Madame Boucher, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je suis nouvelle à ce comité; j'agis en tant que remplaçante aujourd'hui.
J'avais déjà entendu parler de ce pacte, parce que je suis un peu les dossiers à l'international aussi.
J'aimerais avoir une explication. Je viens de voir, il y a à peine trois heures, qu'un autre pays refuse de signer ce pacte. Il s'ajoute ainsi à une longue liste de pays qui refusent de le signer parce qu'ils le trouvent trop contraignant.
Pourquoi y a-t-il autant de pays qui refusent de signer ce pacte? Dans ce cas, pourquoi le Canada devrait-il le signer? D'après ce que je lis, il y a énormément de pays qui refusent de signer ce pacte. J'aimerais qu'on m'explique pourquoi ils refusent de le signer. Pourquoi le Canada devrait-il signer un pacte que de plus en plus d'autres pays refusent de signer?
Vous parlez ici du Pacte mondial sur les migrations, et non du Pacte mondial sur les réfugiés, n'est-ce pas?
Ce n'est pas au HCR de répondre à cette question. Ce serait à l'Organisation internationale pour les migrations, dont vous avez reçu une représentante ici la semaine passée.
[Traduction]
Comme je le disais plus tôt, cela concerne une dizaine de pays, mais pour ce qui est de la politique intérieure des pays en question, encore une fois, voyez la Hongrie de Viktor Orban. Voyez l'Autriche en ce moment. Voyez le gouvernement et l'État de droit en Pologne. Ce sont des endroits où les sentiments xénophobes, de droite et anti-ONU rallient les suffrages. Toute la réponse est là, à mon avis.
Merci, monsieur le président et chers collègues.
Merci, monsieur Smith. J'apprécie cette franchise, et j'allais poser la même question que mon collègue, M. Tabbara. Je ne sais pas si vous y avez répondu ou non dans la question précédente, mais c'est au sujet de l'exposé que nous a fait M. Axworthy, du Conseil mondial pour les réfugiés. On a créé ces entités pour faciliter la collaboration entre les pays dans la recherche de solutions à ces situations de crise des réfugiés qui surgissent dans le monde entier. Évidemment, on ne peut pas réinstaller tout le monde; on doit trouver un moyen de garantir leur retour sur leur propre territoire, sur leur propre terrain. Ce sont là les deux premières choses que vous aviez comme échéances, monsieur Beuze, également.
Au sujet de la confiscation des avoirs gelés et de leur réaffectation, M. Axworthy a publié un article important dans le Winnipeg Free Press cette fin de semaine, je crois, et il a fait une déclaration très claire sur la façon d'y arriver. Je me demande si, d'après vous, le Conseil mondial pour les réfugiés est un organisme qui pourrait se prêter à cela ou s'il faut chercher ailleurs. On réunit les pays au lieu de s'inquiéter de savoir s'ils signent le pacte ou non.
Comme vous l'avez dit, je crois, monsieur Smith, on rassemble ceux qui partagent le fardeau. Il ne s'agit pas de savoir si oui ou non on signe le pacte; il s'agit de savoir comment on les réunit et comment tout le monde travaille pour s'assurer que l'on dispose d'un moyen efficace de réinstaller ces personnes et de régler les problèmes qu'elles ont dans leur pays d'origine.
Lloyd Axworthy en sait beaucoup plus que moi sur la dynamique de la diplomatie et de la politique internationale, évidemment. En ce qui concerne le travail du Conseil mondial pour les réfugiés, il a entre autres pour mission de trouver des façons novatrices d'affronter les crises mondiales de réfugiés. Encore une fois, on a la Convention de 1951 sur les réfugiés. On a les protocoles de 1967. On a le régime international des réfugiés et le HCR. L'OIM a rejoint le système des Nations unies cette année. Pour la première fois depuis très longtemps, on a les bases d'un régime de gouvernance mondiale pour la mobilité internationale, ce qui n'existait pas auparavant, malgré le fait que la mobilité humaine soit l'une des dernières problématiques qui n'est pas couverte par un régime mondial. Je pense que c'est sur ce point que l'on devrait concentrer notre attention.
Cela fait cinq minutes. Merci.
Monsieur Whalen, nous avons peut-être deux ou trois minutes pour vous entendre.
Très bien. Je vais condenser.
J'aimerais me concentrer sur ce dont parlait M. Smith plus tôt, c'est-à-dire sur le comment. La part de l'APD dans le RNB du Canada s'élève actuellement à 0,26 %, et pour atteindre ne serait-ce que la moyenne, il nous faudrait ajouter 1 milliard de dollars à notre aide. Pour en arriver là où on s'attend à ce que nous soyons, il faudrait ajouter environ 7 milliards de dollars.
Si l'on ajoutait 1 milliard de dollars, dans quelle mesure cela contribuerait-il à régler la crise des réfugiés? Si vous n'avez pas d'idée de où irait 1 milliard, peut-être que M. Beuze en a une.
Notre besoin de financement est de 8 milliards de dollars. Comme je l'ai mentionné, nous allons recevoir environ 4 milliards de dollars, donc si vous versiez 1 milliard de dollars de plus à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, vous auriez un impact majeur, comme vous pouvez l'imaginer. Même si l'aide était répartie entre différents partenaires humanitaires — ONG canadiennes, ONG internationales, ONG locales —, elle ferait une énorme différence dans la vie des gens et protégerait ainsi le sentiment qu'ils n'ont pas d'autre choix que de continuer à faire ce qu'ils font en recourant à toutes sortes de moyens, y compris des moyens irréguliers et la traite.
Monsieur Smith, je vais peut-être poser la question d'une façon légèrement différente. Si le Canada atteignait ses objectifs en matière d'APD, et si d'autres pays les atteignaient également, parce que la moyenne de l'OCDE, encore une fois, représente moins de la moitié de l'engagement auquel on aspire, alors que le Royaume-Uni et les pays nordiques l'atteignent ou le dépassent, cela aurait-il pu même prévenir complètement ces crises humanitaires des réfugiés?
Je suis content que vous abordiez la question sous cet angle.
Si l'on considère les déclencheurs immédiats et les catalyseurs de la crise migratoire de 2015 en Europe, c'est parce que la capacité d'accueil, ou la capacité de couverture, de l'aide humanitaire aux pays d'accueil au Moyen-Orient a tellement diminué que les gens ont dû faire le choix de partir. C'était le catalyseur. Ce n'est pas parce qu'Angela Merkel a dit que les portes étaient ouvertes. La séquence des événements ne confirme pas du tout cette analyse. C'est la réponse, et je vous communiquerais volontiers les chiffres.
C'est le point clé, je pense. L'APD vise à prévenir ces crises et je pense qu'elle est tellement sous-financée, y compris par nous... C'est formidable que notre croissance économique dépasse l'inflation, ce qui est peut-être l'une des raisons pour lesquelles on n'a pas atteint les objectifs déclarés de notre campagne, mais il est temps qu'on le fasse, je pense. En ce sens, je suis tout à fait d'accord avec vous.
Pour ce qui est du budget de votre organisation, encore une fois, monsieur Beuze, le Canada a-t-il l'occasion d'aider ou d'encourager d'autres pays à accroître leurs engagements, et que faudrait-il faire pour que le Canada soit crédible dans l'opinion, de sorte que nos appels aux autres pays soient mieux reçus?
Le haut-commissaire est venu au Canada pour dire qu'il compte sur le leadership du Canada pour servir d'exemple aux autres pays, notamment en ce qui concerne le niveau de financement consacré à la réponse aux réfugiés. Il est certain que l'on peut faire valoir que le Canada a augmenté son APD, par exemple, cela fait une différence.
Il nous faut mettre fin à cette séance. Nous ferons une très brève pause pour le changement de témoins. Pour rappel, la prochaine séance ira jusqu'à 17 h 15, après quoi nous passerons à une réunion de travail pour donner des instructions aux analystes sur la rédaction du rapport. Nous faisons une très brève pause pour le changement de témoins.
Nous allons reprendre nos travaux.
Nous sommes ravis d'avoir les témoins avec nous pour poursuivre l'étude des enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au XXIe siècle et pour poursuivre notre discussion sur les pactes mondiaux.
Nous commencerons par Mme Clark-Kazak. Merci encore de vous être jointe à nous.
Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître de nouveau devant le Comité.
[Français]
Je ferai ma présentation en anglais, mais si vous avez des questions en français, cela me fera plaisir d'y répondre en français.
[Traduction]
Je m’adresse à vous aujourd’hui à titre personnel, mais mon intervention s’inspire aussi de mon expérience de rédactrice en chef de Refuge: revue canadienne sur les réfugiés, ainsi que de mon action à la présidence de l’International Association for the Study of Forced Migration, l’IASFM.
Le Pacte mondial sur les réfugiés, le PMR, est, il est vrai, un texte de compromis, mais c’est sans doute le mieux que la communauté internationale puisse faire dans le climat politique actuel. Il importe de signaler que, bien que ce texte repose sur les engagements prévus dans la Convention de 1951 des Nations unies, relatifs au statut des réfugiés et dans le Protocole de 1967 s’y rattachant, beaucoup des pays d’accueil de réfugiés ne sont pas signataires de ces instruments. Par conséquent, il sera important d’obtenir leur engagement à l’égard du PMR afin d’établir des bases de référence internationales pour la protection des réfugiés et de leurs droits.
Je tiens à souligner le leadership exemplaire exercé par le Canada tout au long du processus d’élaboration du PMR et les consultations proactives périodiques menées par les responsables canadiens auprès d’universitaires et de membres de la société civile. Le Canada est bien vu pour son rôle de promotion du multilatéralisme, qui assurera probablement l’adoption du PMR à la mi-décembre. Le Canada devrait continuer de soutenir fermement le PMR, bien qu’imparfait, et travailler à combler certaines de ses lacunes.
J’aimerais faire cinq recommandations qui visent à permettre au Canada de continuer d’exercer son leadership dans ce domaine.
Premièrement, je recommande que le Canada soit coorganisateur du premier Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra à la fin de 2019 ou au début de 2020. Il s’agira d’une réunion clé pour la mise en oeuvre du PMR. Bien que le moment ne soit pas idéal, vu la tenue d’élections fédérales l’an prochain, j’appelle à un soutien multipartite pour faire en sorte que le Canada devienne, avec l’un des principaux pays d’accueil de réfugiés, coorganisateur du Forum mondial sur les réfugiés.
Des efforts proactifs doivent être déployés pour faciliter la participation des personnes les plus touchées par la migration forcée, y compris les réfugiés et les collectivités qui les accueillent. L’une des critiques visant le processus d’élaboration du PMR portait justement sur le fait qu’il ne tenait pas compte suffisamment de leurs points de vue. Un partenariat du Canada avec des pays d’accueil du Sud, à l’occasion du Forum mondial sur les réfugiés, pourrait remédier à cette insuffisance.
Deuxièmement, le PMR est une déclaration politique et non un texte juridique contraignant. En l’absence de mécanismes juridiques de reddition de comptes, il faut de solides outils de suivi et d’évaluation. Contrairement aux objectifs de développement durable ou à la Déclaration des droits de l’homme des Nations unies, qui sont tous deux des documents politiques ayant des répercussions concrètes, il n’y a pas d’indicateurs clairs dans le PMR.
Cependant, le PMR fait mention de l’alerte rapide, et son paragraphe 43 prévoit l’établissement d’une alliance académique mondiale. Je reviens tout juste d’un atelier préparatoire organisé à Genève par le Haut Commissariat pour les réfugiés où un consensus s’est dégagé au sujet de cette alliance, le même que parmi les divers membres de l’AISFM que je représente, à savoir qu’elle devrait reposer sur les réseaux de recherche existants dont beaucoup sont dirigés par des Canadiens. Nous devons définir des indicateurs et des mécanismes propres au PMR pour la collecte des données. Ces indicateurs doivent refléter l’âge, le sexe, la capacité, la race et de nombreux autres facteurs de différenciation.
Troisièmement, « élargir l’accès aux solutions dans des pays tiers » est l’un des quatre objectifs du PMR. L’exemple du parrainage privé au Canada est largement cité comme l’un des moyens de le faire. Le gouvernement canadien et mes collègues du Carrefour des réfugiés uOttawa aident d’autres pays à adopter et à adapter des modèles de parrainage dans d’autres contextes. Ce travail doit se poursuivre.
En tant que conseillère pédagogique auprès des comités locaux de l’Entraide universitaire mondiale du Canada, qui parrainent des étudiants réfugiés aux universités York et d’Ottawa, je peux attester la capacité qu’a le parrainage privé de transformer les vies, tant chez les parrains que chez les réfugiés. Je recommande que le gouvernement canadien maintienne le principe d’additionnalité et que les réfugiés parrainés à titre privé soient en sus de ceux pris en charge par le gouvernement en vue de leur réinstallation.
Quatrièmement, le Canada doit défendre vigoureusement les droits fondamentaux des personnes en situation de migration forcée, y compris le droit de demander l’asile. Il s’agit d’un domaine où le PMR n’est pas à la hauteur. En effet, le PMR exprime trop souvent une tendance à la chosification des réfugiés, comme le montre d’ailleurs son titre: « Pacte mondial sur les réfugiés ». Ce n’est pas un pacte mondial pour les réfugiés. Les personnes en situation de migration forcée sont perçues principalement comme des fardeaux plutôt que comme des ressources humaines. Mon analyse du texte du PMR montre que les réfugiés ne sont présentés comme agents actifs que dans 1,6 % des mentions.
Par comparaison, dans 41 % des mentions ils sont présentés comme objets et dans 33 % des cas ils figurent dans une locution adjective générique, comme « protection des réfugiés ». Un seul des quatre objectifs du PMR vise expressément les réfugiés. Il fait état de « l’autonomie des réfugiés », plutôt que, dans une optique plus holistique, de la contribution qu’ils apportent à leur société d’accueil.
Par exemple, selon Statistique Canada, les enfants d’immigrants, dont ceux de réfugiés, sont plus susceptibles de faire des études universitaires que leurs contemporains nés au Canada. Bon nombre de nos dirigeants, dont l’actuel ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, IRCC, de vos collègues ici au Parlement et d’anciens gouverneurs généraux, sont arrivés au Canada en tant que réfugiés. Le langage employé est important. Il influe réellement sur l’opinion publique, sur l’élaboration des politiques et sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires aux frontières et au sein de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, la CISR.
Le droit de demander l’asile est antérieur à la Convention des Nations unies et à l’avènement du Canada en tant que pays d’immigration. Pour que ce droit puisse s’exercer, les États doivent permettre aux gens d’avoir accès à leur territoire pour présenter une demande. Nous ne sommes pas tenus d’approuver toutes ces demandes. C’est le travail de la CISR de les examiner. Dans certains cas, les demandes sont jugées non fondées et les gens sont renvoyés. Mais les gens doivent pouvoir venir au Canada pour exercer le droit de demander l’asile.
Je recommande de suspendre l’Entente sur les tiers pays sûrs. Comme Mme Kwan l’a déjà mentionné ici aujourd’hui, les États-Unis utilisent actuellement du gaz lacrymogène contre des personnes non armées à leurs frontières. Ils ont délibérément détenu des enfants loin de leurs parents comme moyen de dissuasion. Quelle que soit l’échelle de sûreté qu’on applique, les États-Unis ne sont clairement pas un tiers pays sûr. Nous devons sensibiliser les Canadiens ordinaires à nos obligations juridiques internationales en matière d’asile, ainsi qu’à la place relative que nous occupons dans les déplacements mondiaux.
Comme je l’ai déjà mentionné devant ce Comité, j’ai travaillé dans le milieu des réfugiés en Ouganda, pays qui se classe au 163e rang mondial pour l’indice de développement humain et au deuxième rang mondial, à égalité avec le Pakistan, pour le nombre de réfugiés qu’il accueille. Dans ce pays, en une seule journée, il y a des collectivités pauvres qui recevaient autant de demandeurs d’asile que le Canada en une année. Le Pacte mondial est censé remédier à ces disparités mondiales. Notre rôle reconnu à l’échelle internationale dans le processus du PMR sera faussé si nous appliquons, en même temps, des politiques qui empêchent les gens d’exercer leur droit de demander l’asile.
En cinquième et dernier lieu…
… le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file dans la lutte contre les déplacements de population, sujet qui n’est pas visé par ces pactes mondiaux, notamment la caravane humaine, phénomène qui tombe dans le vide entre le Pacte mondial sur les migrations et le Pacte mondial sur les réfugiés.
[Français]
Merci.
Je peux répondre aux questions en français.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre les témoins de One Free World International.
Je ne sais pas qui va commencer, Majed ou Adiba.
Merci beaucoup, monsieur le président, de m’avoir invité. Je parlerai aujourd’hui surtout du génocide et du mouvement de réfugiés yézidis, en particulier des 1 200 personnes qui sont arrivées au Canada sur la promesse du gouvernement.
One Free World International était sur le terrain en Irak et en Syrie depuis le début du génocide, il y a cinq ans. Nous menons également des activités à l’intention des réfugiés en Ukraine et, très bientôt, des Rohingyas. Lorsque nous avons commencé nos activités auprès des yézidis, nous avons constaté que le gouvernement n’était pas en mesure de mettre en place les mécanismes voulus sur le terrain, surtout pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les PDIP. Comme il s’agissait de réfugiés qui sont encore dans leur pays, le gouvernement ne pouvait pas avoir de mécanisme. Bien sûr, on a essayé de régler ce problème, mais je ne pense pas qu’on ait, jusqu’à présent, établi un mécanisme clair.
Le deuxième problème que nous avons constaté, c’est que le gouvernement a beaucoup compté sur les choix des Nations unies. Bien que j’encourage, il va sans dire, de travailler avec les Nations unies — c’est important —, il y a aussi des ONG locales sur le terrain qui connaissent mieux les cultures, les traditions, les langues. Je pense qu’il est très important de trouver un équilibre entre le Haut Commissariat pour les réfugiés et les ONG et groupes locaux.
Ensuite, lorsque les réfugiés sont arrivés ici, One Free World International a dû intervenir, parce qu’il y avait beaucoup de services qui ne leur étaient pas offerts. J’ai constaté que c’était beaucoup plus difficile pour les réfugiés, surtout les survivantes de l’esclavage sexuel. Elles avaient des problèmes de santé mentale, mais aucun service en santé mentale ne leur était fourni. Nous avons dû monter notre propre service, avec une psychologue qui parlait la langue, pour aider les filles, pour guérir leurs blessures.
Je le dis sans ambages: ces filles ne peuvent pas rester en Irak. Nous encourageons l’aide aux réfugiés et voulons que cessent les souffrances des persécutés à l’intérieur des frontières de leur pays. Je ne crois pas qu’il y ait des réfugiés qui veulent quitter leur maison. Dans ce cas des survivantes de l’EIIS, parce qu’elles sont stigmatisées en Irak, elles ne peuvent pas rester en Irak. Elles doivent trouver un autre endroit où vivre.
Lorsqu’elles sont venues au Canada, il y avait un problème de logement. Elles n’avaient aucun moyen de crédit. Comme elles n’avaient pas de dossier de crédit ici, le logement était extrêmement problématique. Les propriétaires ne voulaient pas leur louer de maisons. Il y avait des problèmes de santé mentale. Même les tâches simples, comme faire l’épicerie ou prendre l’autobus, leur étaient très difficiles. Nous n’avons pas constaté qu’il existait au Canada un système adéquat pour les accueillir à leur arrivée, pour les aider à se développer au Canada.
Nous entendrons Adiba dans un instant, et je crois qu’elle nous fera part de son expérience personnelle. Ce que je recommande, c’est de bâtir un meilleur système, et cela se retrouvera dans les recommandations qui seront présentées plus tard.
J’ai terminé. Merci. J’aimerais céder le reste de mon temps de parole à Adiba.
Je m’appelle Adiba. Je suis yézidie.
En 2014, l’EIIL a attaqué les yézidis et les a massacrés. Ils ont pris les femmes. Ils ont violé les jeunes femmes. Ils ont battu les enfants. Ils ont tué nos frères, nos hommes. Ils ont pris ma propre famille: mes sœurs, mon frère et les familles de mon oncle maternel et de mon oncle paternel.
Je me suis agrippée à mes cousins et à mon frère. Mais jusqu’à maintenant nous ne savions pas ce qui leur était arrivé. Pendant des années, nous n’en savions rien.
Trois mille filles yézidies ont été emportées en captivité par des membres de l’EIIL, et jusqu’à ce jour nous ne savons rien de leur sort. Elles sont violées et battues, soumises à diverses formes de torture.
Voilà un an et demi que je suis au Canada. Cela a été très difficile pour moi d’entrer au Canada, et même ici, ma vie a été très dure. J’ai été logée dans un hôtel. Je ne connaissais pas la langue, tout était nouveau pour moi et je ne savais pas où aller. Tout a été très difficile pour moi.
Je remercie le gouvernement canadien de nous avoir accueillis ici, mais je n’ai encore vu aucun service de la part du gouvernement canadien, aucune aide pour les problèmes psychologiques. Toutes nos demandes... Nous avons demandé au gouvernement canadien de faire venir nos familles ici, d’amener plus de yézidis ici et d’envoyer de l’aide aux yézidis dans les camps. Cela fait un an que je travaille pour One Free World International. Nous devons faire venir nos familles ici. Nous le demandons au gouvernement, et nous n’avons rien entendu au sujet de cette demande.
J’aimerais que le gouvernement fasse venir plus de yézidis, ainsi que nos parents et nos familles.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J’aimerais remercier les représentants de One Free World International de leur témoignage très émouvant.
Pour ce qui est du Pacte mondial sur les réfugiés et de ses objectifs, croyez-vous que ce serait une bonne chose que le Canada le signe et souscrive aux objectifs qui y sont énoncés?
Je crois que tout doit être fait en mode d’équilibre. Je veux dire par là que le Canada est un pays indépendant, un État indépendant. C’est une bonne chose que de signer une entente où nous avons une obligation. Nous avons effectivement une obligation et nous avons même un grand nombre de ces obligations à respecter sur la scène internationale.
Cependant, ce qui me fait un peu peur, c’est le contrôle de l’ONU ou la mesure dans laquelle vous dépendez de l’ONU et comment cela peut entraîner un manque de coopération avec des ONG qui peuvent avoir une meilleure compréhension de la situation sur le terrain. De plus, ces ONG peuvent trouver plus facilement les victimes et connaître la meilleure façon de les secourir.
Madame Clark-Kazak, j’ai un peu la même question pour vous. Êtes-vous d’avis que le Pacte mondial sur les réfugiés est une réussite, ou du moins une réussite partielle, et que le Canada devrait le ratifier? Puis, pour faire suite, est-ce que la mise en oeuvre du Pacte apporterait certains avantages supplémentaires aux groupes qui sont victimes d’un génocide, comme les yézidis?
Je veux simplement préciser que, comme le représentant du HCR l’a déjà dit, il ne s’agit pas d’un texte que nous avons à ratifier ou à ne pas ratifier; il s’agit d’une résolution des Nations unies qui sera adoptée ou non par l’Assemblée générale des Nations unies. Le Canada pourrait décider de voter contre son adoption, mais, quoi qu’il fasse, il ne serait pas appelé à signer un document juridique international. Je voulais clarifier ce point.
Cela étant dit, comme je l’ai déjà mentionné, dans le cadre d’un processus visant à régler des situations comme celles des yézidis et d’autres personnes sur le terrain, le Pacte prévoit une option de réinstallation. Le Canada est déjà intervenu auprès d’autres populations — les Syriens, par exemple —, et je pense que ce serait une occasion pour le Canada de faire preuve de leadership et de dire que nous serions disposés, de façon générale, à réinstaller un grand nombre de personnes au Canada en application du Pacte mondial.
Pour ce qui est de cette situation en particulier, je m’en remets à mes collègues qui sont mieux placés que moi pour le dire, mais je rappelle que le Canada a déjà réinstallé un grand nombre de personnes dans des contextes analogues — par exemple, des réfugiés indochinois et syriens —, alors je pense que ce serait les négociations qui permettraient de déterminer combien de personnes devraient être réinstallées pour que cela ait des répercussions sur le terrain.
Monsieur El Shafie, combien de personnes de la population yézidie déplacée viendraient au Canada et combien le Canada devrait-il en accueillir?
Nous estimons que ce nombre devrait être porté à 4 000. Lorsque nous parlons de la situation des yézidis, nous parlons surtout des victimes. Je n’aime pas les appeler les « victimes »; ce sont les vainqueurs ou les survivants de l’EIIS. Il s’agit surtout d’enfants et de femmes et de leurs familles qui ont survécu à l’EIIS, puisqu’ils vivent.
On estime que 7 000 ont été emportés en captivité par l’EIIS. Il en reste 3 200 entre les mains de l’EIIS. Nous croyons qu’au moins la moitié de ces personnes ont déjà été tuées au cours de frappes aériennes ou par l’EIIS, ou parce qu’elles ont été utilisées comme boucliers humains dans le conflit.
Je crois sincèrement que le nombre doit être porté à 4 000 pour que l’effet soit senti sur le terrain.
Merci.
Passons maintenant au titre de notre étude, « Enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au 21e siècle », et à l’éventualité que le Canada profite du Pacte mondial sur les réfugiés pour jouer un rôle de chef de file. Madame Clark-Kazak, vous avez parlé de la définition d’indicateurs et de l’alliance académique mondiale. Le Canada a-t-il l’occasion de jouer un rôle de chef de file à cet égard?
Oui, certainement. Je pense que le problème du Pacte mondial, c’est qu’il s’agit d’un document consensuel, mais il y a en fait très peu de détails. Rien n’est prévu pour le financement de l’alliance académique mondiale ni pour son secrétariat. C’est un domaine où le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file, surtout du fait que des universitaires canadiens, pour le meilleur ou pour le pire, dirigent beaucoup d’associations internationales dans ce domaine.
Pour ce qui est des recherches à envisager, je pense que nous devons tâcher de nous assurer d’être en mesure de déterminer ces besoins, comme nous venons de le voir ici, puis de les faire connaître à la communauté internationale en vue de trouver une solution aux besoins très pressants.
Vous avez parlé d’organiser conjointement le forum prévu dans le cadre du Pacte mondial. Je ne comprends pas toutes les politiques et procédures de l’ONU, et vous devrez donc peut-être nous renseigner un peu. S’il devait y avoir un secrétariat ou quelque organisme de collecte de données, est-ce que ce travail serait fait individuellement par les États membres, qui mettraient ensuite en commun cette information par l’entremise de l’ONU, ou est-ce que ce secrétariat ou organisme de collecte de données serait financé en tant que composante des Nations unies par les États membres?
Pour le moment, il s’agirait d’un secrétariat indépendant. Le HCR serait l’hôte de ce secrétariat jusqu’à ce que quelqu’un d’autre prenne la relève. Il est censé être indépendant des États membres parce qu’il y aurait une certaine forme de surveillance, de sorte qu’une certaine indépendance ou de distance par rapport aux États membres est nécessaire.
À l’heure actuelle, aucun financement n’est prévu pour cela. Il faudrait qu’un donateur se présente.
Je ne sais pas si vous avez cette information — il faudrait peut-être la demander à l’ONU —, mais quel serait normalement, selon votre expérience, le budget d’un secrétariat onusien?
C’est peut-être un renseignement que les greffiers pourraient obtenir pour nous.
J’ai deux ou trois autres questions, mais je crois comprendre…
D’accord.
Pour ce qui est de la tenue de ce forum, il y a les 23 objectifs différents énoncés dans le Pacte mondial sur les migrations, et le Pacte pour les réfugiés a ses propres objectifs. S’agit-il d’un forum qui s’en tiendra uniquement au Pacte mondial sur les réfugiés, ou y sera-t-il également question du Pacte sur les migrations?
D’accord.
J’aimerais aussi revenir sur une remarque que vous avez faite plus tôt au sujet du langage employé dans la rédaction de ces documents. En fait, je pense qu’à un moment donné vous avez qualifié les réfugiés de « ressources humaines ». Pour ma part, peut-être que j’aimerais aussi les appeler des « êtres humains ». Au fond, nous essayons simplement d’aider les êtres humains, et il n’y a pas lieu de les désigner d’« actifs » ou de « fardeaux ». S’inspirant un peu de cette compassion que vous nous avez rappelée tout à l’heure, je pense que la lettre que nous adresserons au ministre à la suite de cette étude sera utile.
Merci.
Merci, monsieur le président. J’ai quelques questions à poser, mais j’aimerais d’abord utiliser un peu de mon temps pour donner avis de quelques motions.
La première serait que le Comité permanent de l’immigration et de la citoyenneté invite le directeur parlementaire du budget à une réunion de deux heures pour discuter de son rapport intitulé « Coût de la migration irrégulière à la frontière sud du Canada » avant l’ajournement de la Chambre pour la période de Noël.
La deuxième motion proposerait que le Comité permanent de l’immigration et de la citoyenneté demande officiellement au vérificateur général d’entreprendre un examen exhaustif de la migration irrégulière à la frontière sud et que la vérification comprenne IRCC, la CISR, la GRC, l’ASFC, le SCRS et le fonctionnement du groupe de travail intergouvernemental spécial sur la migration irrégulière.
Merci.
Je remercie les témoins de s’être déplacés aujourd’hui.
Nous sommes en quelque sorte dans un dilemme, je crois, du fait que, selon la définition contenue dans l’Entente sur les tiers pays sûrs, les membres de la famille comprennent les sœurs et frères, les grands-pères et grands-mères, les petits-enfants, les oncles et tantes, etc. Cela signifie qu’une personne qui traverse la frontière illégalement peut faire venir autant de membres de sa famille élargie qu’elle le veut légalement, par un point d’entrée, au Canada. Par ailleurs, la disposition sur le délai d’un an, qui permet aux réfugiés réinstallés de parrainer des membres de leur famille au Canada, définit les membres de la famille uniquement comme le conjoint et les enfants.
Nous savons combien cela a été difficile pour les Yézidis au Canada. Bon nombre de ces femmes ont perdu leur mari ou d’autres hommes de leur famille et voudraient pouvoir parrainer d’autres membres masculins de leur famille. Pensez-vous qu’il soit juste que des personnes qui traversent illégalement la frontière puissent faire venir des membres de leur famille élargie au pays, alors que les réfugiés yézidis ne sont pas autorisés à le faire?
Puis-je avoir vos commentaires, Majed?
D'accord.
Pour ce qui est des victimes de génocide, de quelque génocide que ce soit, je crois qu’il faut prévoir une exception. Quand on parle de génocide, on parle de toute une génération, de toute une famille, qui se fait tuer. L’un des principaux effets que nous constatons chez les victimes ou les survivants de génocide est la façon dont ils ont été coupés de leur famille. Je pense que nous devons prévoir une exception pour tous les survivants de génocide afin qu’ils puissent se sentir de nouveau unis, de nouveau entiers.
Le problème, c’est que nous pensons que le génocide est terminé, qu’il s’est produit il y a quatre ou cinq ans et qu’il est terminé. En réalité, le génocide se poursuit; il y a encore des gens qui sont coincés là-bas, encore des gens qui sont portés disparus sans qu’on en ait des nouvelles.
En bref, je crois qu’il est tout à fait approprié de leur accorder une autorisation ou de faire une exception pour eux.
Merci.
J’aimerais également signaler, comme nous l’avons fait avec d’autres, qu’il y a eu un manque de services en santé mentale et en traduction. Ces réfugiés avaient besoin de logements. Ils n’avaient pas de dossier de crédit. De telles situations étaient pénibles. Nous avons entendu des témoins nous parler de la façon de résoudre ces problèmes et de tenter de rendre ces services plus accessibles aux réfugiés qui arrivent ici.
Vous avez parlé de bâtir un meilleur système. Quelles seraient vos propositions? Selon vous, que devrait faire le gouvernement pour agir plus utilement dans ce domaine?
Je pense qu’il faut agir dans le domaine des problèmes de santé mentale. Nous parlons tous de problèmes de santé mentale. Un effort utile consisterait à construire des ponts avec les réfugiés à leur arrivée.
Par exemple, il y a un an, Adiba a subi une crise. Elle s’est effondrée complètement en regardant quelque chose sur l’Internet. Elle a dû être transportée à l’hôpital Mackenzie. Je n’étais pas présent. J’étais dans un autre secteur, mais je suis arrivé le plus rapidement possible. À mon arrivée, j’ai vu que les gens de l’hôpital Mackenzie avaient décidé de lui attacher les mains et les jambes au lit. C’est exactement ce que faisaient les gens de l’EIIS avant de l’agresser.
Nous avons une vidéo de cela. Nous avons des preuves de ce qui s’est passé. Nous devons sensibiliser nos travailleurs à ce que vivent ces gens. Ce ne sont pas des fous qui courent partout; ce sont des victimes. Ce sont des survivants. J’aime les appeler des « vainqueurs ». Ils ont un besoin spécial et, pour y répondre, je crois que nous devons informer nos équipes de la situation avant leur arrivée. Je crois qu’il est très important de jeter des ponts avec ces groupes.
Quant aux institutions, lorsque nous parlons avec certains membres du gouvernement de problèmes de santé mentale, ils nous rappellent qu’il existe des institutions à qui s’adresser pour ces problèmes et qu’il suffit d’aller cogner à leur porte. Mais aucune des victimes de l’esclavage sexuel n’ira cogner à ces portes. Cela ne se produira pas. Elles sont blessées, et à leur blessure s’ajoute la stigmatisation des problèmes de santé mentale dans leur pays. Elles croient que si elles vont voir un psychologue, les gens de leur communauté ne se feront pas une bonne opinion d’elles.
Il faut donc construire des ponts. Il faut aller frapper à leur porte, s’asseoir avec elles et leur expliquer à quel point c’est important pour progresser dans leur cheminement de vie. Il est extrêmement important d’établir de meilleurs ponts, de communiquer avec la communauté et d’éduquer nos travailleurs avant qu’ils aient à s’occuper d’elles.
Merci.
Il paraît que nous sommes un pays compatissant, comme Adiba l’a souligné. Cependant, d’après ce que vous avez dit, nous devons faire beaucoup mieux pour savoir qui sont les gens qui viennent ici, à quel moment ils arrivent et comment les accueillir, afin qu’ils puissent suivre un cheminement et être mieux compris dès leur arrivée.
Est-ce le cas?
Oui, avec une petite correction: nous sommes, et non paraissons être, un pays très compatissant. Nous le sommes.
Je n’oublierai jamais…
Permettez-moi d’expliquer pourquoi j’ai dit cela.
Je suis de ceux qui croient que le gouvernement ne devrait pas tout faire tout seul. La collectivité doit aider. Il faut un village.
J’ai vu un chauffeur d’autobus les faire monter sans payer, je les ai amenés au supermarché en refusant de leur prendre de l’argent pour les honorer…
J’ai vu à quel point les Canadiens sont généreux et gentils. Mais il y a des lacunes dans le système qui doivent être comblées. Il faut en faire un meilleur système.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J’aimerais remercier tous les témoins. Je tiens tout particulièrement à vous remercier, Adiba, d’être venue témoigner. Il est extrêmement difficile et courageux pour vous de venir nous raconter votre histoire et de vous faire la voix du changement. Je tiens à le reconnaître.
En ce qui concerne le Pacte mondial sur les réfugiés, l’un des problèmes tient au fait qu’il ne s’applique pas aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, ce qui est le cas des Yézidis. Il y a donc une lacune, si vous voulez, dans ce pacte.
Dans la perspective d’une communauté déplacée à l’intérieur de son pays, dans la perspective des Yézidis, l’un des souhaits que vous avez exprimés, c’est que le Canada accroisse le nombre de Yézidis accueillis ici. Cela concerne en partie la réunification des familles.
Seriez-vous donc d’accord pour dire que le gouvernement devrait suspendre le délai d’un an pour le parrainage d’un membre de sa famille, de telle sorte que, s’il y a un membre de la famille qui a survécu, cette famille puisse le faire entrer au pays malgré le délai d’un an?
Nous sommes ici depuis un an. J’ai demandé au gouvernement de faire venir ma famille au Canada. Ma famille est toujours dans des camps de réfugiés. Elle veut venir ici. Les Yézidis dans les camps n’ont pas de vie. Ils vivent mal.
Je demande au gouvernement du Canada de faire venir nos familles. Je suis ici depuis un an et demi, et c’est ce que je demande au gouvernement. Malheureusement, je n’ai jamais eu de nouvelles du gouvernement.
Lorsque vous parlez de « membres de la famille », quel est leur lien de parenté avec vous? Pouvez-vous le dire au Comité? Est-ce que ce sont vos tantes, vos cousins, vos sœurs?
Mon père, ma mère, mes frères, mes soeurs, mes oncles maternels et paternels: tous les Yézidis sont comme ma famille.
Vous êtes ici. Vous ne pouvez pas imaginer comment les Yézidis vivent dans les camps de réfugiés. Je viens d’un camp de réfugiés. Je sais très bien ce qu’ils vivent. Je suis sûre qu’ils savent que leur avenir est sombre, qu’ils n’ont pas d’avenir.
Le Canada a cette curieuse définition de ce qui constitue une famille, et c’est la « famille nucléaire ». Bien sûr, pour votre communauté — et pour beaucoup d’autres aussi —, l’unité familiale va bien au-delà de cela: c’est la famille élargie.
Je pense que dans votre contexte, vous faites aussi allusion à vos frères et sœurs yézidis de votre communauté en général, puisqu’elle est confrontée à un génocide. Si j’ai bien compris, vous demandez au gouvernement de modifier la définition qui régit la réunification des familles de façon à y inclure la famille élargie.
Ai-je bien compris?
Ce que je veux du gouvernement canadien, c’est qu’il accueille tous les Yézidis, surtout ceux dans les camps de réfugiés, qu’il en fasse venir le plus possible, ou qu’il leur apporte de l’aide dans les camps de réfugiés.
Mais surtout, je veux que le gouvernement canadien augmente le nombre de réfugiés, qu’il ne se limite pas aux 1 200 familles. C’est très peu comparativement au nombre de Yézidis persécutés.
Merci.
Monsieur El Shafie, vous avez parlé de 4 000 Yézidis que le gouvernement canadien aurait à réinstaller. Puis-je supposer qu’il s’agit des 4 000 personnes dont Adiba parle également, que le gouvernement devrait réinstaller?
Madame Clark-Kazak, est-ce une mesure qui aurait votre appui? Je sais que vous n’avez pas pu donner un nombre précis plus tôt, mais nous avons maintenant entendu des gens de la communauté yézidie qui réclament qu’on accueille ce nombre de réfugiés. Est-ce quelque chose que vous appuieriez également?
Je serais en faveur d’accueillir d’autant de Yézidis que nécessaire pour résoudre ce problème enraciné profondément et de longue date. Je pense qu’il s’agit du genre de situation dans laquelle le Canada a déjà exercé un leadership et où il devrait de nouveau l’exercer.
Je remarque que le traumatisme d’une survivante est profond. Dans quelle mesure est-il important d’avoir des membres de votre communauté, d’autres Yézidis et des membres de votre famille élargie ici pendant votre processus de guérison et votre rétablissement à la suite de votre traumatisme?
Ma question s’adresse à Adiba.
Il faut aider les filles qui sont ici en faisant venir leur famille d’Irak. Le gouvernement ne nous a pas offert de services de soutien psychologique. Nous les avons obtenus de One Free World International, mais pas du gouvernement. Seulement de cette organisation, qui fournit des médecins et des psychologues et ce genre d’aide.
Nous sommes dans un nouveau pays. Il y a la barrière linguistique. Nous ne savons rien au sujet de notre nouveau pays. Si One Free World International n’avait pas soutenu les Yézidis, cela aurait été très difficile pour eux.
Pour répondre à votre question, je crois effectivement que le fait de réunir la famille est une étape importante dans la guérison des blessures infligées par le génocide.
Adiba, je sais que le traumatisme est profond, et vous avez dit, monsieur El Shafie, qu’elle avait subi une crise. Je crois qu’elle a souffert d’un trouble convulsif et que d’autres survivants en souffrent également.
Les médecins ont indiqué qu’un moyen de les aider consiste à faire venir les membres de leur famille ici afin qu’elles puissent être entourées d’êtres chers et d’autres familles yézidies qui leur apportent un soutien affectif.
À cette fin, je me demande si oui ou non…
Je m’excuse de devoir vous interrompre. Votre temps est écoulé.
Monsieur Ayoub, vous avez deux minutes. Désolé.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Vous me prenez par surprise. Je ne pensais pas avoir de temps, mais je vais essayer de bien utiliser ces deux minutes.
Pour commencer, j'aimerais dire que le témoignage de Mme Adiba me touche beaucoup. Malheureusement, en deux minutes, je n'ai pas le temps d'approfondir sur ce sujet. Je vais me concentrer sur l'initiative Global Compact.
Est-ce que la peur de l'étranger, la peur de recevoir des gens qui, comme Mme Adiba, ont vécu certaines situations difficiles explique le retrait de certains pays et l'existence d'un discours qui oppose les pays aux personnes en danger?
Comme l'a dit M. Smith, c'est une question de politique intérieure. Il est vrai qu'une population qui craint les étrangers poussera les politiciens locaux à ne pas accepter d'immigrants.
Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé au Québec et en Ontario récemment. Il y a des raisons de craindre ce qui pourrait se passer au niveau fédéral, effectivement.
[Traduction]
Merci. Nous devons clore cette partie de la réunion.
Je vais faire deux choses toutefois. Je demanderai au greffier de faire parvenir certains documents à One Free World International. Je pense que vous l’avez déjà, mais je veux m’assurer que vous avez le rapport rédigé par le Comité en mars 2018, ainsi que la réponse du gouvernement qui a été déposée à la Chambre des communes le 22 août et la transcription du débat à la Chambre des communes le 28 novembre. Je veux simplement m’assurer que votre organisation possède ces documents, parce qu’ils me semblent pertinents à la discussion que nous venons d’avoir.
Nous veillerons à ce que le greffier vous les fasse parvenir.
Deuxièmement, je vous remercie tous les deux de votre témoignage. Je propose que l’essentiel du témoignage de One Free World International soit inclus dans notre rapport d’étude sur la migration, parce qu’il porte en réalité sur la migration. Il ne concerne pas vraiment notre rapport sur le Pacte mondial sur les réfugiés.
Monsieur le président, à ce sujet, je pense qu’il convient de souligner, cependant, que le Pacte mondial sur les réfugiés ne s’applique pas aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et que c’est là une lacune. C’est aussi dans ce but exprès que ces témoins ont été invités ici: faire ressortir cette lacune. Ce problème ne devrait pas, à mon avis, être passé sous silence, monsieur le président. Il pourrait peut-être être inclus dans les deux, si vous voulez, mais c’est une des lacunes du Pacte mondial sur les réfugiés dans sa version actuelle.
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