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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 juillet 2016

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 juin 2016, le Comité poursuit son étude sur les mesures d'immigration pour la protection des groupes vulnérables.
    Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons aujourd'hui Chris Lewa, directrice du projet Arakan. Mme Lewa se joint à nous non pas par vidéoconférence, mais par audioconférence depuis Bruxelles. Nous souhaitons également la bienvenue à Drew Boyd, directeur des opérations du Sentinel Project for Genocide Prevention. Merci d'être avec nous aujourd'hui, en personne et par audio.
    Je vais commencer par M. Boyd. Vous avez sept minutes pour faire votre exposé. Je vous remercie.
    Je remercie le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de m'avoir invité aujourd'hui. J'aimerais également vous exprimer toute ma gratitude pour votre empressement à vous pencher sur la protection des groupes de personnes vulnérables actuellement menacées un peu partout dans le monde.
    Le Sentinel Project for Genocide Prevention est une ONG établie à Toronto. Sa mission consiste à prévenir et à réprimer les atrocités de masse, notamment le crime de génocide, par la coopération directe avec les communautés menacées et par une utilisation novatrice de la technologie.
    Nous sommes présents dans plusieurs pays, surtout au Myanmar, l'ex-Birmanie. Nous avons mis en place là-bas une nouvelle façon d'utiliser l'infrastructure de télécommunication existante pour prévenir la violence intercommunautaire, en particulier celle exercée par des extrémistes contre des groupes minoritaires musulmans comme les Rohingyas. Nous avons également travaillé au Kenya, dans les régions de Lamu et du delta du Tana, toutes deux en proie à la violence intercommunautaire et aux attaques de la milice islamiste armée Al-Shabaab, basée en Somalie. Dans le cadre d'un effort global pour faire avancer le domaine de l'intervention aérospatiale à des fins humanitaires, nous exploitons aussi une petite flotte de véhicules aériens sans pilote destinée à la protection des civils et autres interventions utiles.
    En ce qui concerne le travail dans des environnements instables, un des plus grands obstacles à surmonter est celui de l'accès. Non seulement l'accès, pour les organismes, aux personnes auxquelles ils veulent apporter de l'aide, mais aussi celui permettant aux communautés menacées de participer aux programmes d'aide et d'en tirer parti.
    Quant à savoir comment remédier au déséquilibre engendré par le désarroi et l'incertitude causés par la violence et aggravés par la géographie, c'est une question à laquelle il est difficile de répondre. D'après notre expérience, au moins une partie de la solution consiste à examiner le rôle de l'infrastructure d'information et de communication déjà en place et sous-exploitée, et à y ériger des systèmes efficaces, guidés par des objectifs.
    L'information, lorsque considérée et utilisée dans un contexte humanitaire ou de développement, peut aider à faire tomber des obstacles, à prendre des décisions éclairées, à définir rapidement les domaines prioritaires et à évaluer le risque. Ce scénario illustre bien la prise de conscience croissante que l'information en soi peut constituer une forme d'aide humanitaire. Pour prendre des décisions avisées sur leur existence, les personnes, en particulier celles qui vivent dans des conditions précaires et dangereuses, ont besoin d'information de bonne qualité. À défaut de remettre la bonne information entre les mains des bonnes personnes, toute autre forme d'aide, qu'il s'agisse de nourriture, de médicaments, d'abris ou de protection, perdra de son efficacité.
    Les régions sous contrôle ou à proximité du groupe État islamique, et plus particulièrement celles abritant les minorités yézidies, chrétiennes et chiites ciblées par ces terroristes, sont notre priorité. Tout récemment, en janvier 2016, un de nos membres en mission d'observation dans le Nord de l'Irak a recensé quelques-uns des principaux obstacles à l'action et déterminé des possibilités de venir en aide aux groupes vulnérables auxquels il est difficile d'accéder.
    Ces obstacles sont le plus souvent de nature institutionnelle. Ils découlent principalement de la combinaison de la corruption endémique, et cela va de soi, de la structure fragmentée du pouvoir. S'il est vrai que cette situation peut entraver l'ensemble des activités à travers la région, elle est particulièrement aiguë dans les endroits où les minorités ne font pas confiance aux gouvernements régionaux et à leurs représentants. C'est certainement le cas yézidis d'Irak.
    Une évaluation de l'infrastructure de communication de la région nous a permis de constater qu'elle avait la capacité de supporter des systèmes qui contournent les structures du pouvoir pour permettre aux efforts de communication d'atteindre directement les résidents. Ces systèmes peuvent être utilisés pour élargir la portée de l'effort d'aide du gouvernement canadien, diffuser de l'information aux populations inaccessibles et faciliter la coordination.
    Si l'existence même des communautés chrétienne, chiite et surtout yézidie est aujourd'hui menacée par des groupes comme l'État islamique, il importe toutefois de reconnaître que la persécution dont ils sont victimes n'a pas commencé avec cette organisation islamique pas plus qu'elle se terminera avec elle. J'encourage le gouvernement canadien à adopter une approche à long terme de l'aide aux communautés marginalisées de l'Irak et du Proche-Orient.
    J'encourage également le gouvernement canadien à rechercher des approches novatrices à l'atténuation du ciblage outrancier des communautés marginalisées, un problème unique et nouveau qui appelle des solutions nouvelles. À elles seules, les méthodes conventionnelles ne sont pas suffisantes pour juguler ces crises, mais leur impact peut être grandement amélioré si elles sont appuyées par les nouveaux outils dont nous disposons, notamment les télécommunications mobiles et les logiciels libres largement accessibles.
    Le Canada aura un impact beaucoup plus important s'il adopte et adapte ces outils pour répondre aux crises provoquées par ceux-là mêmes qui persécutent les minorités vulnérables et menacent leur existence.
    Merci.
    Merci, monsieur Boyd.
    Nous allons maintenant passer à Mme Lewa, qui se joint à nous par audio et non par vidéo pour des raisons de sécurité. Madame Lewa, vous avez sept minutes, je vous prie.
    Désolée, je croyais que la rencontre se faisait par vidéoconférence. On m'avait dit que ce serait le cas, mais que la conférence ne serait pas publiée sur Internet par la suite.
    La caméra vidéo est éteinte.
    Les membres du Comité peuvent me voir.
    Non, vous pouvez nous voir, mais ici, personne ne vous voit.
    Ah, je comprends. Il y a sûrement eu un malentendu. J'avais seulement demandé de ne pas paraître en ligne après la séance, mais j'avais accepté que la séance se fasse par vidéoconférence.
    Madame Lewa, les débats ont lieu en direct. Si vous apparaissez à l'écran, ce sera automatiquement public. Nous avons donc retiré la partie vidéo pour répondre à votre demande. Vous pouvez nous voir, mais pas nous. Cependant, nous vous entendons très bien.
    La parole est à vous. Vous avez sept minutes.
(0910)
    D'accord. Je vous remercie.
    Excusez-moi, monsieur le président, mais vous devriez peut-être préciser à Mme Lewa que son exposé audio sera diffusé en direct. Du moment qu'elle le sait, ça va.
    Nous vous écoutons. Vous avez sept minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de m'avoir invitée à venir parler aujourd'hui de la minorité rohingya, une minorité persécutée de l'État de Rakhine, au Myanmar.
    Le projet Arakan est un organisme non gouvernemental établi dans la région depuis 15 ans et qui fait état de la situation de droits de la personne de la communauté rohingya au Myanmar. Il surveille également la situation des réfugiés dans les pays hôtes ainsi que les mouvements maritimes irréguliers. On a décrit cette minorité musulmane comme étant la plus persécutée au monde. Depuis des décennies, les Rohingyas font l'objet de discrimination et d'exclusion des plus intenses en raison de leur religion et de leur appartenance ethnique. Ils sont devenus apatrides. Leur liberté de circulation est fortement restreinte. Ils sont victimes de violations flagrantes des droits de la personne de la part du gouvernement du Myanmar. Qui plus est, ils ont été la cible, en 2012, de violents massacres intercommunautaires engendrés par l'hostilité de longue date des bouddhistes de l'État de Rakhine à leur égard et au cours des quatre dernières années, 120 000 Rohingyas sont demeurés confinés dans des camps ségrégés pour personnes déplacées, au Myanmar.
    Ces dernières semaines, le nouveau gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie, la LND, a pris quelques premières mesures pour lutter contre les mouvements anti-musulmans qui incitent à la violence dans le pays. Le 30 mai, le gouvernement a également établi un comité central de haut niveau chargé d'appuyer la mise en oeuvre d'initiatives de paix, de stabilité et de développement dans l'État de Rakhine. Cependant, ni le mandat ni la tâche de ce comité n'ont été rendus publics et on craint que cette initiative soit fondée sur le projet de plan d'action de l'État de Rakhine ayant fait l'objet d'une fuite aux médias en 2014 et qui soulève énormément d'interrogations. Visiblement, il n'existe pas de solution simple à la crise qui sévit dans l'État de Rakhine.
    Au fil des ans, des milliers de Rohingyas ont fui le Myanmar par terre et par mer, surtout depuis 2012. En mai 2015, dans le cadre de la campagne de lutte contre la traite menée par la Thaïlande, des bateaux remplis de Rohingyas à qui on venait d'interdire de débarquer où que ce soit dans la région ont été abandonnés en mer par les trafiquants.
    Aujourd'hui, plus de 100 000 réfugiés rohingyas sont enregistrés auprès du HCR dans la région de l'Asie. Ceux qui ne sont pas enregistrés sont beaucoup plus nombreux encore. Selon les données de 2016 du HCR, le nombre de réfugiés rohingyas dans les cinq principaux pays hôtes s'établit comme suit: Bangladesh, 32 885 réfugiés enregistrés et entre 200 000 et 500 000 non enregistrés; Malaisie, 53 163 réfugiés enregistrés et entre 50 000 et 70 000 non enregistrés; Thaïlande, 602 réfugiés enregistrés; Indonésie, 962 réfugiés enregistrés; Inde, 14 422 réfugiés enregistrés. On ignore combien de réfugiés non enregistrés se trouvent dans les trois derniers pays mentionnés.
    Aucun de ces pays n'a ratifié de convention relative au statut des réfugiés ou des apatrides, pas plus qu'il n'a adopté de loi nationale pour la protection des réfugiés. Les Rohingyas qui vivent dans ces pays sont généralement considérés comme des migrants en situation irrégulière. La Malaisie, l'Indonésie et l'Inde autorisent le HCR à aider les réfugiés, y compris les Rohingyas, mais comme l'enregistrement auprès du HCR ne prévoit pas de mécanismes de protection officiels, il leur est souvent difficile d'avoir accès à la protection dont ils ont besoin.
    Le Bangladesh ne reconnaît le statut de réfugié qu'aux seuls Rohingyas qui ont fui pendant l'exode de 1991-1992, alors que la Thaïlande garde les Rohingyas en détention pour une durée indéterminée. Au Bangladesh et dans la province indonésienne d'Aceh, les Rohingyas enregistrés sont hébergés dans des camps de réfugiés où les services de base sont fournis par le HCR et ses partenaires, mais en Malaisie et en Inde, ils vivent dans des communautés d'accueil, des bidonvilles et des camps de fortune où ils ne reçoivent que très peu ou pas d'aide. L'accès à l'éducation formelle est habituellement inexistant, les réfugiés devant compter sur des écoles communautaires ou rattachées à des ONG, et l'accès aux soins de santé est inadéquat.
    Sauf en Inde, les réfugiés rohingyas n'ont pas le droit de travailler. Ils sont vulnérables à l'exploitation ainsi qu'aux arrestations et aux détentions en tant que migrants sans papiers. En 2015, l'Inde a commencé à délivrer des visas de longue durée aux réfugiés et la Malaisie examine actuellement la possibilité de délivrance de permis de travail aux réfugiés rohingyas. Les réfugiés rohingyas courent constamment le risque d'être arrêtés. En février dernier, lors de ma dernière visite en Malaisie, environ 2 500 Rohingyas étaient confinés dans des centres de détention pour immigrés. Les 320 réfugiés arrivés en 2015 ont enfin été libérés la semaine dernière.
    J'ai récemment appris qu'en Indonésie, au moins 50 réfugiés rohingyas étaient gardés en détention, dont des femmes et des enfants. En Thaïlande, près de 400 réfugiés arrêtés ou secourus au cours des dernières années sont toujours détenus pour une durée indéterminée dans des centres de détention de l'immigration pour hommes ou dans des refuges pour femmes et enfants, où ils sont victimes de traite.
    En 2007, le Canada a été le premier pays à réinstaller des réfugiés rohingyas sélectionnés dans des camps du Bangladesh. En 2010, à la suite de la décision du Bangladesh de suspendre son programme de réinstallation, de petits nombres de réfugiés ont été sélectionnés au Sri Lanka, au Cambodge et en Malaisie. Récemment, le Canada a également accueilli quelques réfugiés sélectionnés parmi ceux qui ont été secourus dans la province d'Aceh, l'an dernier.
(0915)
    La priorité du HCR en Asie est d'encourager les États à se porter davantage responsables de trouver des solutions pour les réfugiés, notamment au moyen de l'enregistrement. Par conséquent, les demandes de réinstallation acheminées par le HCR se font sur une base individuelle, en fonction de critères de vulnérabilité ou de besoins précis. Le HCR ne favorise pas la réinstallation à grande échelle ou en groupe. Néanmoins, le projet Arakan recommande que les pays de réinstallation, dont le Canada, accueillent davantage de réfugiés Rohingyas et envisagent la réinstallation non seulement des plus vulnérables, mais aussi celle de familles avec de jeunes enfants, pour qui la réinstallation signifierait l'accès à l'éducation et de meilleures chances d'intégration.
    Les Rohingyas qui cherchent à trouver refuge à l'extérieur du Myanmar ne sont pas seulement des réfugiés. Ce sont aussi des apatrides. Si, d'une part, la solution à la situation des réfugiés rohingyas à l'intérieur du Myanmar sera longue à venir, d'autre part, l'éventuel rapatriement des réfugiés rohingyas au Myanmar, y compris de ceux nés en exil, n'est pas envisageable dans un avenir rapproché. Pendant ce temps, on assiste au gaspillage d'une génération entière de jeunes n'ayant pas accès à l'éducation. La réinstallation devrait faire partie des solutions durables à apporter au problème des réfugiés rohingyas.
    Le projet Arakan recommande en premier lieu que le gouvernement canadien continue de plaider pour la démocratie et le respect des droits de la personne au Myanmar, ainsi que pour le besoin urgent de mettre fin à la marginalisation des Rohingyas. Deuxièmement, le projet Arakan recommande que le Canada augmente son appui à la fourniture des services de base, notamment en ce qui concerne l'éducation des réfugiés rohingyas dans tous les pays; troisièmement, que le Canada continue ses activités de plaidoyer pour la régularisation des réfugiés rohingyas auprès des pays d'Asie, notamment en Malaisie, par l'octroi de permis de travail. Quatrièmement, il recommande plus précisément que le ministre d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada accroisse le nombre de réfugiés rohingyas sélectionnés par l'intermédiaire de programmes de réinstallation de réfugiés pris en charge par le gouvernement; cinquièmement, que le gouvernement canadien accroisse la possibilité, pour les réfugiés rohingyas, d'accéder au parrainage privé en abrogeant l'exigence voulant que les réfugiés qui viennent s'établir ici soient parrainés par des groupes communautaires — je parle des groupes composés de cinq répondants communautaires — reconnus et recommandés par le HCR. Enfin, le projet Arakan recommande la réintroduction de la catégorie des personnes de pays source afin de permettre la réinstallation des Rohingyas particulièrement vulnérables de l'intérieur du Myanmar.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Lewa.
    Monsieur Tabbara, vous avez sept minutes.
    Merci à tous les deux d'être ici en personne et par audio. Je tiens également à vous remercier pour le travail exceptionnel que vous accomplissez pour venir en aide aux personnes vulnérables partout dans le monde.
    Madame Lewa, les Nations unies estiment que les Rohingyas représentent la minorité la plus persécutée au monde. Dans un rapport publié en 2016, l'ONU dénonce une série de violations grossières des droits de l'homme contre les Rohingyas, qui pourrait déboucher sur une accusation de crimes contre l'humanité. Le rapport fait état d'une grande diversité de violations systématiques des droits de la personne, notamment le travail forcé, la violence sexuelle et les menaces à la vie et à la sécurité.
    Je sais que depuis la flambée de violence de 2015, un grand nombre de Rohingyas vivent dans des camps de réfugiés. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur les conditions de vie des réfugiés dans ces camps?
    Oui. Je crois que vous faites allusion aux camps pour les personnes déplacées à l'intérieur du Myanmar.
    Oui, désolé.
    C'est exact, il ne s'agit pas de camps de réfugiés à l'extérieur du pays.
    Lorsque j'ai visité ces camps à la fin du mois de mai, j'ai été complètement secouée. Je visite ces camps chaque année, mais les conditions qui y règnent aujourd'hui sont absolument inacceptables et épouvantables. Il y a tellement, mais tellement de problèmes. Évidemment, l'accès aux soins de santé est un enjeu énorme, parce que comme je l'ai dit, les Rohingyas confinés et ségrégés dans ces camps n'ont pas accès aux services de santé hors du camp, sauf sous escorte militaire. Il n'y a qu'un seul hôpital, à Sittwe, et beaucoup de gens ont peur d'aller là-bas. Ceux qui vivent dans des camps éloignés doivent parfois arranger leur transport par bateau, et ainsi de suite, parce que la communauté locale de Rakhine empêche les Rohingyas d'aller à l'hôpital local qui se trouve parfois à quelques centaines de mètres du camp.
    L'hébergement est un autre enjeu. Quatre ans plus tard, les gens sont encore logés dans les mêmes abris temporaires en bambou. À l'origine, ces abris ont été construits en bambou parce que personne ne souhaitait voir ces camps demeurer là en permanence, mais après quatre ans, il est devenu urgent de les remplacer. Ils tombent en ruine et sont très dangereux pour les enfants et les familles.
    Les conditions hygiéniques sont déplorables. Beaucoup de toilettes ont été détruites. Les femmes, par exemple, doivent déféquer dans les champs. Elles sont également exposées à de plus grands risques. Il règne dans ces camps un sentiment de désespoir. Ces gens avaient l'habitude de cohabiter avec les gens de Rakhine dans la ville de Sittwe ou à proximité, et maintenant, c'est le néant, il ne se passe plus rien pour eux.
    Lorsque nous évoquons la possibilité de crimes contre l'humanité, il nous faut aussi regarder du côté de la partie septentrionale de l'État de Rakhine, où les Rohingyas ne vivent pas dans des camps. Ils sont 800 000 à vivre là-bas, où les restrictions à la liberté de mouvement leur barrent l'accès aux moyens de subsistance et les empêchent de gagner leur vie. C'est également pour cette raison que tant de gens fuient la région.
(0920)
    Selon l'estimation dont je dispose, ces camps abritent 120 000 réfugiés rohingyas. L'aide humanitaire permettrait-elle d'améliorer leur situation?
    Vous avez aussi mentionné les Rohingyas non enregistrés auprès du HCR. Que peut faire la communauté internationale pour aider ces Rohingyas et aider le HCR à les enregistrer?
    Après quatre ans, nous commençons maintenant à sentir une certaine lassitude des donateurs. C'est une partie du problème.
    De plus, les conditions générales dans les camps ne sont plus très bonnes. Et bien sûr, il y a aussi le fait que la communauté internationale attendait de voir ce que ferait Aung San Suu Kyi, dans l'espoir que ces camps n'allaient pas subsister encore quatre ans. Mais manifestement, c'est bien difficile à dire.
    Le soutien à l'aide humanitaire est absolument indispensable, bien sûr.
    Quand j'ai abordé le sujet des réfugiés non enregistrés, je pensais principalement aux réfugiés à l'extérieur du pays, mais il y a aussi des réfugiés non enregistrés parmi les 120 000 PDIP dont vous parlez, dans les camps du Myanmar. Mais le principal problème auquel je faisais référence est celui des réfugiés non enregistrés à l'extérieur du pays. Ils ne reçoivent aucune protection en tant que réfugiés.
    Il y a eu un changement de gouvernement il n'y a pas si longtemps. La situation des Rohingyas a-t-elle changé? S'est-elle améliorée ou a-t-elle empiré? Pouvez-vous nous en parler?
    Tout d'abord, je dois dire que la victoire électorale qu'ont connue le LND et Aung San Suu Kyi en novembre a suscité beaucoup d'espoir chez les Rohingyas, même s'ils n'ont pas pu participer aux élections et si on leur a refusé le droit de voter pour la première fois de leur histoire, pour ces élections de novembre 2015. Mais jusqu'ici, je ne peux pas dire que la situation se soit détériorée. Ce n'est pas le cas, mais elle ne s'est pas non plus améliorée. Comme je l'ai dit, le LND n'a pas encore fait grand-chose récemment pour montrer qu'il était disposé à remédier à la situation. Il s'agit donc maintenant de voir ce qui va se passer.
    Vous savez peut-être que le LND a, par exemple, demandé à la communauté internationale de ne pas utiliser le terme « Rohingya », non plus que le terme « Bengalais », que le gouvernement précédent utilisait constamment. Essentiellement, le mot « Bengalais » veut dire « Bangladais » et laisse entendre que la personne en question est de l'extérieur et qu'elle doit quitter le pays. Aung San Suu Kyi a demandé que cela soit fait pour essayer d'apaiser les tensions et d'éviter l'emploi, comme elle l'a dit, de « termes émotifs ». Je pense que cette décision est tout à fait raisonnable, mais malheureusement, la réaction n'a pas été très bonne parce que les Rohingyas veulent continuer à s'identifier comme des « Rohingyas » et que le Rakhine ne veut même pas que la communauté musulmane soit appelée une « communauté musulmane » au sein de l'État de Rakhine. Ils n'acceptent même pas ce terme; ils veulent les appeler des « Bengalais ». Un simple terme nous permet donc de voir combien il est difficile ne serait-ce que d'examiner le problème.
    Jusqu'ici dans l'État de Rakhine, la première mesure concrète qu'ait prise le gouvernement d'Aung San Suu Kyi l'a été par l'intermédiaire du comité que j'ai mentionné dans mon exposé. Ils ont relancé ce qu'on appelle une « opération de vérification de la citoyenneté ». Malheureusement, celle-ci ne se déroule pas très bien parce que de nombreux Rohingyas ne veulent pas y participer. Premièrement, ils ne voient pas pourquoi ils devraient demander la citoyenneté puisqu'ils considèrent que, de toute façon, ils ont toujours été des citoyens. De plus, ils veulent également que le mot « Rohingya » figure sur les documents. Suu Kyi a au moins supprimé le mot « Bengalais », mais vous pouvez constater que cette discussion au sujet des termes a des répercussions très profondes au Myanmar.
    Pour terminer, à l'heure actuelle, les Rohingyas refusent de participer à cette opération et ils ont également organisé des manifestations contre celle-ci.
(0925)
    Merci.
    Madame Rempel, vous avez sept minutes et je crois savoir que vous allez partager votre temps de parole avec Mme Gallant.
    Monsieur Boyd, lorsque j'ai cherché de l'information sur votre projet et sur ce que vous faisiez, j'ai vu que vous utilisiez un système d'alerte rapide. Pouvez-vous nous en dire quelques mots et nous expliquer si cette alerte a été déclenchée dans le cas des yézidis, comment cela a fonctionné et comment cela peut aider la communauté internationale?
    Nous avons deux niveaux d'alerte rapide. Le premier est notre système de suivi des conflits, qui est semblable à de nombreux autres systèmes de suivi qu'utilisent d'autres organisations. Il vise l'escalade des conflits à l'échelle mondiale, en utilisant des notions comme l'escalade vers un génocide. Il est spécialement adapté à cette tâche. Malheureusement, je crois qu'un des défauts de ce système mondial d'alerte rapide est qu'il est beaucoup trop étendu. Il est très difficile de surveiller toutes les régions et de les identifier. Dans ce cas-ci, l'alerte n'a pas été déclenchée.
    Au niveau local, je dirais que chaque fois que nous mettons en oeuvre un projet dans les régions où nous exerçons nos activités, il s'accompagne d'un mécanisme d'alerte rapide qui est adapté beaucoup plus finement aux conflits locaux, qui se déclenche beaucoup plus facilement, ce qui nous permet de réagir plus rapidement. Il repose en grande partie sur l'infrastructure que nous construisons ainsi que sur l'infrastructure de communication et d'information qui en découle.
    Pour ce qui est de l'utilisation d'un tel système pour l'ensemble de la communauté internationale, ou pour faciliter les efforts du gouvernement canadien, je dirais que les initiatives locales devraient effectivement comprendre des éléments d'alerte rapide, de technologie des communications et de l'information. Ce sont des éléments qui ne sont pas difficiles à mettre en oeuvre et avec les connaissances locales et l'expertise internationale, il devient beaucoup plus facile de déceler les événements à mesure qu'ils se produisent et d'y réagir.
    Est-ce que vous ou votre organisation avez eu la possibilité d'examiner le rapport qui a été récemment publié par les NU pour ce qui est de la déclaration sur le génocide commis contre les yézidis?
    Oui.
    Le rapport formule de nombreuses recommandations à l'intention de la communauté internationale. J'aimerais vous donner la possibilité de nous dire comment le Canada a répondu à la plupart d'entre elles, à celles qui étaient destinées aux États membres. En outre, en ce qui concerne plus précisément la portée de cette étude, vous pourriez peut-être nous parler, en vous fondant sur votre expérience, des façons précises dont le Canada pourrait donner suite à la recommandation invitant les États à accélérer l'examen des demandes d'asile présentées par des yézidis, victimes d'un génocide.
    Certainement. Cela revient à ce dont j'ai parlé dans mes remarques préliminaires, à savoir la question de l'accessibilité et aussi, celle de la coordination. La sécurité est encore très fragile dans la partie nord de l'Irak et c'est une région où les préjudices à l'origine du génocide sont même antérieurs à l'État islamique; c'est donc un problème qu'il est très difficile de régler. Pour la communauté internationale, la meilleure façon de le faire serait de créer une sorte d'infrastructure qui faciliterait la présentation et le traitement de demandes d'asile, l'identification des groupes vulnérables, la prestation de l'aide, et qui s'appuierait sur une présence physique concertée dans la région — pas nécessairement dans la zone de conflit elle-même, mais au moyen d'une base d'opérations suffisamment proche pour que la communauté internationale puisse rejoindre les groupes locaux, leur demander d'agir et coordonner son action avec eux, en contournant certaines structures de pouvoir, qui font obstacle à la mise en oeuvre de nombreux programmes internationaux.
(0930)
    Merci.
    Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, Mme Gallant.
    Ma question s'adresse à nos deux témoins. En Irak et au Levant, et dans les régions où résident les réfugiés rohingyas, j'aimerais savoir, d'une façon générale, s'il y a des documents officiels qui doivent mentionner la religion de la personne concernée — passeports, visas, actes de naissance, permis de travail, cartes d'hôpital, cartes d'électeur? Étant donné que notre second témoin a déclaré que les Rohingyas voulaient pouvoir être identifiés et que ce ne sont pas toutes les personnes qui le souhaitent, quelles sont les différentes façons de faire figurer la religion d'une personne sur ces documents?
    Nous pourrions peut-être commencer par Mme Lewa.
    Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris votre question, madame Gallant. Pourriez-vous brièvement répéter la question au sujet des documents?
    Dans certains pays, la religion doit occuper une place centrale. Par exemple, dans certains pays, la religion du titulaire d'un passeport occupe une place centrale, elle figure sur la première page du passeport. Quels sont les autres pays que vous et notre premier témoin avez décrit qui exigent que la religion figure de façon proéminente sur les différents types de documents officiels?
    En fait, les Rohingyas sont des apatrides et n'ont pas de passeports. Ils n'ont pas de cartes d'identité. Ils ont déjà eu une petite carte blanche temporaire qui a maintenant été supprimée. À l'heure actuelle, ils n'ont qu'un reçu. Le gouvernement a créé un mécanisme appelé la « vérification de la citoyenneté » de sorte qu'ils doivent effectivement redemander la citoyenneté. Au début, dans les documents, il y avait des formulaires de demande où ils pouvaient inscrire le mot « Bengalais » à titre d'origine ethnique, et bien sûr, l'islam comme religion. Mais parce qu'ils étaient obligés d'inscrire le terme « Bengalais », comme l'exigeait le gouvernement précédent, tous les Rohingyas ont refusé de participer à cette opération. Le LND a proposé que désormais le mot Bengalais ne figure plus sur ce formulaire tout comme celui de Rohingya.
    C'est quand même un aspect très intéressant parce qu'au Myanmar, d'une façon générale, les minorités, non pas seulement les Rohingyas, ont toujours tenu à préciser leur origine ethnique au moins sur leurs cartes d'identité, et bien sûr, leur religion aussi. Comme vous le savez, dans d'autres pays... Je me souviens qu'au moment du génocide au Rwanda, la religion et l'origine ethnique des citoyens figuraient sur leurs cartes d'identité, de sorte qu'il était possible d'identifier les gens pour ensuite pouvoir les tuer. Au Myanmar, la situation est fort intéressante, parce qu'il y a des minorités qui veulent être reconnues comme telles. Elles insistent pour que leur race et leur religion figurent sur la carte d'identité.
    Quant aux passeports et tout le reste, non, les Rohingyas n'en ont pas. Ils ont ces petits reçus et c'est tout. C'est la raison pour laquelle ils ne possèdent pas de documents officiels.
    Monsieur Boyd, nous avons dépassé le temps prévu. Néanmoins, si vous voulez répondre à cette question, je peux vous donner 10 à 15 secondes de plus.
    J'ajouterais simplement qu'à ma connaissance, ni l'Irak ni le Myanmar n'exige que la religion figure de façon proéminente. Il est toutefois important de savoir que, dans le cas de l'Irak, ce n'est pas simplement la religion, mais également, la confession, chiite ou sunnite, qui n'est aucunement mentionnée. C'est également un facteur qui divise et l'État islamique sunnite cherche à faire disparaître les chiites.
    Merci.
    Madame Kwan, vous avez sept minutes.
    Madame Lewa, vous avez parlé de la catégorie des personnes de pays source comme étant un élément qui nous permettrait peut-être de régler ce problème. Je me demande si vous pouvez nous en dire davantage à ce sujet. C'est un thème qui est revenu constamment, je pense, au cours de nos séances et qui a été mentionné par différents témoins comme un moyen d'intervenir dans les crises que connaît la communauté internationale.
    Eh bien, les collègues que j'ai ici au Canada m'ont appris que le règlement de 2011, qui créait la catégorie des personnes de pays source, avait été abrogé. Avec cette catégorie, les résidents de pays désignés pouvaient demander directement au Canada le statut de réfugié en présentant leur demande dans leur propre pays, que ce soit leur pays de résidence ou leur pays d'origine.
    Il me semble qu'il serait possible d'utiliser un tel système pour les Rohingyas, en particulier pour les individus qui se trouvent en danger à l'intérieur de leur pays. Bien entendu, ce programme n'est pas exempt de difficultés, mais qui pourraient peut-être être mitigées par la présence du HCR dans l'État de Rakhine. Étant donné que le HCR mène d'importantes opérations dans cette région, il pourrait peut-être aider à identifier certains individus qui pourraient tirer avantage d'un tel programme. Je crois également savoir que la catégorie des personnes de pays source pourrait être rétablie par une simple modification du règlement qui limiterait son application aux ressortissants et aux résidents habituels d'un pays source. Cela n'exigerait pas la modification de lois canadiennes.
    Merci.
(0935)
    Oui, vous avez raison. Il s'agit effectivement d'aider les personnes qui sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Merci de cette précision.
    Vous avez fait allusion à l'aide humanitaire qu'il faut apporter, et en particulier, à l'accès aux soins de santé. Parlez-vous d'accès à des fournitures médicales ou à un personnel médical? Pour ce qui est de l'aide internationale, serait-il utile que la communauté internationale envoie du personnel médical dans ce pays pour fournir une aide médicale. Ont-ils davantage besoin de fournitures médicales ou est-ce que ce sont les deux? Je souhaite tout simplement préciser la nature de ce besoin d'aide humanitaire.
    L'accès aux soins médicaux est bien sûr l'un des principaux problèmes. Mais le plus important est sans doute de défendre les droits de ces personnes auprès du gouvernement parce que, comme vous le savez, des extrémistes rakhines ont attaqué une agence d'aide humanitaire en 2014. Aujourd'hui, la situation est pratiquement revenue à la normale, mais le principal problème est le fait que travailleurs de la santé des ONG rohingyas ne peuvent pas quitter les camps, de sorte qu'ils ne peuvent en sortir et obtenir l'autorisation de se déplacer. Si l'on veut fournir de l'aide aux PDIP rohingyas qui se trouvent dans des camps, il faudrait trouver des personnes de leur propre collectivité qui soient en mesure de fournir ces services, mais les Birmans de l'État de Rakhine ont peur de travailler avec les agences humanitaires parce qu'on les a déjà menacés de mort s'ils le faisaient.
    Comme je l'ai dit, l'hôpital principal se trouve à Sittwe. C'est le seul qui possède un peu d'équipement. Dans les camps, il y a seulement un « hôpital de camp », comme ils disent, où il y a deux médecins pour 90 000 personnes qui ne travaillent que du lundi au vendredi. Les médecins doivent obtenir la permission du gouvernement pour y travailler. Cela pourrait être utile, mais comme vous le savez, MSF, Médecins Sans Frontières, travaillait auparavant dans cette ville. Ils avaient une grosse équipe et ils étaient le principal fournisseur de soins de santé; mais ensuite, les bouddhistes rakhines les ont attaqués et ils les ont expulsés de force. On leur a maintenant permis de revenir dans les camps, mais pas autant qu'avant; ils fournissent seulement quelques médecins au service de santé du gouvernement. Le gros problème n'est pas seulement l'absence d'accès, mais c'est le fait qu'il existe des tensions dans la collectivité, en particulier entre les extrémistes bouddhistes et les moines, ce qui empêche les Rohingyas d'avoir accès aux soins de santé. C'est la liberté de mouvement et la sécurité qui sont les principaux obstacles à l'accès aux soins de santé.
    Je crois que c'est M. Tabbara qui a mentionné le chiffre de 120 000. Je me demande si d'après vous, cela représente le nombre des individus qui sont touchés par cette crise.
    Oui, 120 000 est le chiffre utilisé actuellement par l'OCHA, le Bureau de la coordination de l'aide humanitaire des Nations unies, pour ce qui est des PDIP qui se trouvent dans les camps. Ce sont les personnes qui sont inscrites auprès du gouvernement et qui reçoivent de l'aide parce que, comme je l'ai dit à votre collègue il y a un instant, certains n'en reçoivent pas et vivent dans des cabanes ou dans des huttes. Ils ne reçoivent aucune aide régulière, seulement des dons, qui ne proviennent pas directement d'un organisme officiel.
    Le problème que l'on retrouve dans l'État de Rakhine ne se limite pas aux camps; c'est également la population qui vit dans les autres villages rohingyas musulmans à proximité des camps. La différence entre ces groupes vient uniquement du fait que leurs maisons n'ont pas été incendiées pendant les vagues de violence, alors que ces 120 000 personnes ont tout perdu. Mais pour ce qui est de l'accès aux soins de santé, de la liberté de mouvement, de l'accès aux moyens de subsistance, ces groupes font face aux mêmes restrictions.
    Les autorités affirment que ces restrictions sont nécessaires pour des raisons de sécurité. Je dirais que c'est peut-être vrai en partie, mais je pense également qu'il faudrait faire quelque chose pour essayer de calmer la situation. Cela ne sera pas facile, comme je l'ai dit, mais lorsque j'ai demandé à toutes les personnes à qui j'ai parlé au cours de ma dernière visite, quelle était la cause de ces obstacles aux déplacements, on m'a dit que c'était un mélange d'ordres émanant des autorités, du fait qu'on arrêtait les gens aux postes de contrôle, qu'il y avait des Bouddhistes rakhines qui menaçaient les Rohingyas et leur disaient que, s'ils quittaient leurs villages, ils seraient attaqués et il y a également la peur au sein de la collectivité rohingya. Il est donc très difficile de résoudre tous ces problèmes; l'accès aux soins de santé, tout comme l'éducation et les moyens de subsistance, sont tous reliés à la question de la liberté de mouvement et de l'accès aux services.
(0940)
    Madame Zahid, je crois que vous allez partager votre temps de parole avec M. Virani.
    Oui, monsieur le président, je vais partager mon temps avec M. Virani.
    Vous avez sept minutes.
    Je remercie les deux témoins de nous avoir fourni cette information et du travail qu'ils accomplissent. Ma première question s'adresse à Mme Lewa.
    Vous avez mentionné qu'il y avait environ 120 000 Rohingyas dans les différents camps. En plus de cela, vous avez déclaré qu'il y avait un certain nombre de personnes qui n'étaient pas inscrites auprès du gouvernement. Comment pensez-vous qu'il serait possible d'identifier les personnes qui ne sont pas inscrites? Quelle serait la meilleure façon d'identifier ces personnes?
    Premièrement, j'aimerais préciser une chose. Dans mon exposé, j'ai beaucoup parlé des réfugiés non inscrits qui se trouvent à l'extérieur du Myanmar. Ici, vous parlez principalement des PDIP qui résident dans les camps, les camps de déplacés internes qui se trouvent au Myanmar.
    Oui, les PDIP.
    Exact. C'est une question extrêmement complexe. Le premier groupe des personnes qui ont été déplacées par la violence en juin 2012 ont été en quelque sorte acceptées par le gouvernement. C'est en fait le gouvernement qui a organisé leur transfert vers ces camps. Il y a eu ensuite une deuxième vague de violence, comme vous le savez, en octobre 2012, et il y a des gens qui ont quitté le sud de l'État de Rakhine, où sévissait également de la violence, pour venir à Sittwe. Au départ, les autorités ne voulaient pas les reconnaître comme tels, ni même qu'ils demeurent dans ces camps parce qu'ils voulaient que ces personnes retournent dans leur région, y construisent un camp près de leur village plutôt qu'à Sittwe. Mais en fin de compte, je crois que maintenant ces personnes ont été reconnues comme des déplacées et elles reçoivent maintenant une aide alimentaire du PAM, mais par l'intermédiaire du gouvernement.
    Le problème concerne une troisième catégorie de personnes que l'on appelle dans l'État de Rakhine soit les « PDIP économiques » ou les « PDIP de subsistance » selon l'organisation à qui vous parlez. Ces personnes n'ont pas été déplacées par la violence, mais par leur manque d'accès à des moyens de subsistance dans leurs villages. Étant donné qu'elles ne peuvent se déplacer, elles ne peuvent se rendre sur les marchés, trouver du travail à l'extérieur et elles ont donc décidé de vendre leurs maisons, de quitter leurs villages et de se rendre dans des camps de déplacés internes pour essayer d'y obtenir de l'aide parce qu'elles ne peuvent survivre autrement. C'est un processus continu. Ce sont là les principaux problèmes actuels. Les autorités ne veulent pas reconnaître ces personnes. Elles veulent qu'elles retournent d'où elles viennent, dans leurs villages, et qu'elles ne s'ajoutent pas au nombre des personnes qui se trouvent dans des camps.
    La situation est en fait très complexe dans ce pays. Jusqu'ici, ils n'ont reçu que des dons — c'est tout.
    Que peut faire le Canada, dans le cadre de la communauté internationale, pour s’assurer que son aide au développement international atteint ces personnes dans ces camps, ainsi que les autres personnes déplacées? Vous savez que la réinstallation n’est pas la seule solution. Il y en a beaucoup d'autres. Que peut faire le Canada dans le cadre de la communauté internationale?
    Eh bien, comme je l'ai mentionné dans mes recommandations, je pense qu'il faut mettre en place un dispositif solide de plaidoyer auprès du gouvernement du Myanmar pour s'assurer qu'il s'engage à remédier à la situation et à trouver une solution pour résoudre au moins la situation des Rohingyas, solution qui couvre, bien sûr, la citoyenneté, la liberté de mouvement, et la réinstallation ou le relogement de ces personnes à leur lieu d'origine. Comme je l'ai dit, comme vous pouvez le comprendre, cela ne va pas être facile. Mais il est très important de faire cet effort de plaidoyer, de faire pression sur le gouvernement du Myanmar pour qu’il se montre à la hauteur de cela, et, bien sûr, d’apporter un soutien, financier peut-être, pour assurer la prestation de services. Je crois comprendre qu'il y a de graves insuffisances dans le financement tant du PAM que... Lors de ma visite, on m'a dit que les rations allaient être coupées à cause du manque de financement. Je pense que le Canada contribue déjà, mais peut-être pourrait-il augmenter certaines contributions, ou en même temps... Je ne sais pas. Il faut voir au Myanmar, bien sûr, quelle est la meilleure façon d'aider. Mais la communauté internationale a également pu produire un « plan d'intervention Rakhine » pour essayer d'obtenir des fonds pour différentes activités, non seulement pour la nourriture, les soins de santé, l'éducation pour les enfants, mais aussi pour l'eau et l'assainissement, etc.
    Comme vous le savez, aussi, un groupe des chefs de mission a été mis en place à Yangon, après les élections de 2015, qui est dirigé par l'ambassadeur du Danemark, mais aussi avec la participation des ambassadeurs des États-Unis, de l'UE, de l'Australie et de la Turquie. Fait intéressant, le Canada n'en fait pas partie. Ils ont voulu envoyer un message unitaire au gouvernement. Je sais que les deux messages clés dans ces discussions portaient sur la liberté de mouvement et l'accès aux services, et la question de la citoyenneté devait aussi être abordée. Ils s’efforcent de regrouper autour d’une plate-forme commune la communauté diplomatique ainsi que les agences de l'ONU et les ONG internationales au Myanmar pour renforcer les activités de plaidoyer auprès du gouvernement.
(0945)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Virani, vous avez une minute et demie.
     Madame Lewa, je vous remercie beaucoup. Je comprends que vous avez témoigné ici au Canada devant le sous-comité des droits internationaux de la personne, et que vous aviez parlé de la question des Rohingyas à l'époque. J'ai lu l’étude élaborée sur le sujet. Elle traite de la question que vous a posée mon collègue, M. Tabbara. À cette époque, ainsi que durant la préparation de l'étude — donc entre 2012 et 2015 — l'étude indique que « Human Rights Watch [...] a produit deux rapports documentant la violence [contre les Rohingyas et] a conclu que la violence contre les Rohingyas au cours de ces affrontements constituait une forme de nettoyage ethnique et de crime contre l'humanité ».
    C’est sur la réponse du Canada en 2012 à ce rapport de Human Rights Watch que je veux vous poser une question. Ce rapport de Human Rights Watch montrant que des crimes contre l'humanité étaient commis contre les musulmans rohingyas a-t-il provoqué un changement dans la réponse du Canada à ce moment-là?
    Je suis désolée, mais je ne suis pas en mesure de répondre à cette question parce que je n'ai pas suivi toutes les mesures prises par le Canada au cours des dernières années. Human Rights Watch en sait peut-être davantage que moi, mais certainement, oui. Je tiens à souligner — il se peut que M. Tabbara l’ait également mentionné — que récemment, je me trouvais à Genève pour le déjeuner du Haut Commissaire aux droits de l’homme, le prince Zeid Ra'ad Al Hussein. Il a publié un rapport sur la situation des Rohingyas et d'autres minorités au Myanmar destiné au Conseil des droits de l'homme. Comme vous le savez, ce rapport a de nouveau soulevé la question de la situation dans l'État de Rakhine où sont peut-être commis des crimes contre l'humanité.
    Nous avons dépassé le temps de parole.
    Monsieur Saroya, pendant cinq minutes, s'il vous plaît.
    Madame Lewa, quelle est la différence entre Bengalis et Rohingyas? Je crois comprendre qu'ils appartiennent au même peuple. Les Birmans veulent les appeler « Bengalis », et les Rohingyas eux-mêmes veulent s'appeler « Rohingyas ». Quelle est la différence? Quelle est la confusion? Pourquoi donc?
    Je pense que l’origine est à rechercher dans l'histoire, parce que durant la domination coloniale britannique, qui a commencé en 1823, il y a eu une grande migration à partir de l'Inde. À l'époque, l'Inde faisait partie de l'Empire britannique, y compris le Bangladesh et le Chittagong d'aujourd'hui. Les musulmans vivent dans l'État de Rakhine depuis beaucoup plus longtemps. Ce sont ces populations d’origine qui s’auto-dénomment Rohingya, mais beaucoup d'autres ont également migré pendant cette période coloniale britannique. Bien sûr, c’était il y a 200 ans. Je pense qu'ils devraient être considérés comme des citoyens, comme ils le sont dans de nombreux autres pays qui ont connu la domination coloniale en Asie et dans d'autres parties du monde.
    Au Myanmar, vous avez la communauté Rakhine, qui est fortement bouddhiste et extrêmement nationaliste. Cette région, avant les Britanniques, constituait un royaume séparé. Les Rakhines prétendent que ce royaume était le leur, et à cause des Britanniques, il y a eu cette migration des musulmans ou des Rohingyas, mais ils ne les appellent pas « Rohingyas ». Ils les appellent « Bengalis » parce qu'ils sont semblables par la religion, la culture et la langue au peuple de Chittagong au Bangladesh. Ils sont nés au Myanmar. Leurs familles, leurs parents et grands-parents sont nés au Myanmar. Même aujourd'hui, pour les Rakhines et la plupart des Birmans, le public — il n'y a pas que le gouvernement — veut voir ces gens comme des étrangers, comme des gens venus d’ailleurs. Ils sont venus ici pour envahir notre pays, et pour les Rakhines, ils présentent une menace existentielle. Voilà pourquoi ils mettent de l’avant le terme « Bengali », parce que même si, anthropologiquement parlant, Bengali désigne une ethnie et non une nationalité, au Myanmar, il est compris comme voulant dire Bangladeshi. Cela signifie que vous êtes un étranger, venu du dehors, et que vous devriez retourner au Bangladesh.
    Comme vous le savez, il y a eu des tensions avec le Bangladesh lorsque le gouvernement du Myanmar a affirmé que les Rohingyas sont Bangladeshis, et que le Bangladesh a déclaré que les Rohingyas sont originaires du Myanmar. Tout le problème tient au fait que le Myanmar et les Rakhines en particulier, ne veulent pas accepter les Rohingya sans l'État de Rakhine. Mes différents voyages dans la région m’amènent à penser que la question principale, au-delà du fait de l'appartenance ethnique, qui relève du droit, c’est la religion. Dans les camps que j'ai mentionnés, parmi les 120 000 personnes déplacées, se trouve aussi un petit nombre — je ne les ai pas mentionnés parce qu'ils ne constituent pas un facteur très important — d'une dizaine de milliers de Kamein. Les Kamein sont musulmans, et sont un groupe ethnique reconnu au Myanmar, mais ils font face au même sort exactement que les Rohingyas. Ils sont également poussés dans les camps de déplacés. Ils ont la citoyenneté, mais ils ne peuvent pas bouger.
    Voilà pourquoi j'ai toujours dit que la citoyenneté à elle seule n’allait pas résoudre le problème. Il convient d’aborder la question de manière globale et de réduire les tensions. Le gouvernement doit, je pense, prendre des mesures au niveau national, et pas seulement dans l'État de Rakhine, pour arrêter tout ce discours de haine et l'incitation à la violence contre les musulmans. Je suis heureux que vendredi dernier, le gouvernement ait mis en place un comité au niveau national pour combattre l'incitation à la haine et à la violence. C’est une première étape dont on peut espérer qu’elle sera positive.
    Je voulais juste le mentionner.
(0950)
    Ils se sont vu refuser le droit de vote pour la première fois. Quelle a été la raison donnée?
    Au départ, il y a eu un vote au parlement pour leur permettre de voter, parce qu'à l'époque, ils détenaient des cartes d'identité temporaires. Par le passé, les détenteurs de ces cartes d'identité temporaires étaient autorisés à voter, parce que le gouvernement ne les considérait pas vraiment comme des apatrides, mais comme des personnes dont la citoyenneté était douteuse et devait être vérifiée. Donc, au cours de toutes les élections passées dans les années 1950, 1960, et même dans les années 1990, les Rohingyas ont été autorisés à voter. Cependant, juste avant les élections de 2015, il y a eu une discussion sur l'organisation d'un référendum pour amender la constitution, et une loi a été adoptée qui prévoyait aussi des cartes temporaires.
    Soudainement, les Rakhines, en particulier les moines, ont pris la tête de protestations et de manifestations dans tout le pays, disant qu'ils emploieraient la violence si le gouvernement n'empêchait pas les Rohingyas de voter. Bien sûr, le lendemain, le 11 février de l'année dernière, le président d’alors, Thein Sein, annonçait subitement que, dorénavant, les cartes blanches, les cartes d'identité temporaires, étaient annulées. Alors maintenant, les Rohingyas ne peuvent pas voter parce qu'ils n’ont pas de cartes d'identité.
    Je vous remercie.
    Monsieur Fragiskatos, vous avez cinq minutes.
    Madame Lewa, je voudrais revenir sur la question de mon collègue, M. Virani. Dans son étude sur les Rohingyas, le sous-comité des droits internationaux de la personne proposait ou suggérait dans son rapport « l'établissement d'un bureau officiel du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Myanmar, en partie pour faciliter la tenue d’enquêtes indépendantes sur de possibles violations des droits de la personne et violences contre les minorités ethniques et religieuses. »
    Jugez-vous cette approche raisonnable?
    Absolument.
    C’est, je pense, un objectif commun de la plupart des ONG, en collaboration avec les organismes des Nations unies. Oui, ce serait très important. Cependant, jusqu'à présent, le gouvernement, y compris le gouvernement Suu Kyi, n'a pas encore donné clairement son assentiment pour l’établissement de ce bureau.
    Toutefois, si le bureau ouvre, j'espère qu'il ne se limitera pas à fournir une assistance technique, mais qu’il aura aussi le pouvoir d'enquêter sur les violations des droits de l'homme dans le pays. Dans certains pays, le HCDH est seulement mis en place pour l'assistance technique, mais cela ne suffit pas. Je pense qu'au Myanmar, il y a encore de nombreux autres défis et problèmes liés aux droits de l'homme qui doivent être abordés.
(0955)
    Merci beaucoup, madame Lewa. Je ne veux pas vous interrompre, mais je ne dispose que de cinq minutes et je tiens à aborder certaines questions très importantes.
    En 2011 et 2015, comme on vient de nous le dire, Human Rights Watch a soutenu qu’un nettoyage ethnique était en cours au Myanmar contre la minorité rohingya. Le gouvernement du Canada a-t-il alors cherché à prendre contact avec le projet Arakan, ou avec vous, d’une manière ou d’une autre pour manifester sa préoccupation?
    En fait, non. J’en ai été un peu surprise parce que d'habitude j’étais financée par le Canada, et ces deux dernières années, je n'ai pas eu de contact du tout. Je suis heureuse maintenant que certains comités parlementaires m’ont invitée à témoigner. Je vous remercie.
    J’en suis très heureux moi aussi.
    Monsieur Boyd, apatridie et vulnérabilité sont en rapport direct. Si vous êtes apatride, vous êtes vulnérable par définition.
    Vous avez parlé du Kenya dans votre présentation. Pourriez-vous nous parler de la minorité nubienne? Quelles sont les conséquences de l'apatridie pour les Nubiens et les Mashona? Avez-vous des détails? Je sais que les défenseurs des droits de l'homme au Kenya et dans le monde se préoccupent de leur sort.
    Là où nous travaillons, sur la côte, nous sommes principalement en contact avec le peuple swahili, qui est lui-même composé de groupes ethniques ou de tribus, ainsi qu’avec les pasteurs de la Somalie et leurs descendants. Pour ce qui est du groupe des Nubiens, je ne peux pas commenter directement parce qu'ils ne sont pas de notre ressort.
    Ma dernière question est pour Mme Lewa.
    Y a t-il un lien direct entre l'apatridie et les déplacements forcés de population à l’intérieur du pays? La communauté internationale dispose-t-elle des outils nécessaires pour faire face à ce genre de problèmes? Il existe, comme vous le savez madame Lewa, une convention des Nations unies datant de 1960 traitant du sort des apatrides, mais je me demande si vous pourriez commenter cela.
    Il y a bien évidemment un lien. Comme on le voit, être citoyen, c’est avoir au moins accès aux droits fondamentaux, et il est vrai que ce n’est pas le cas pour les apatrides.
    Quant à la façon de résoudre ce problème, bien sûr, je n'ai pas de réponse simple, mais il est intéressant de noter que la loi de 1982 sur la citoyenneté au Myanmar lui-même n’est pas conforme aux normes internationales et crée l'apatridie plutôt que d'essayer de l'éviter. En outre, pour les Rohingyas, il n'y a pas que la loi elle-même. Il existe des dispositions dans cette loi qui permettraient aux Rohingyas d'être reconnus en tant que citoyens, mais le problème est la mise en œuvre de la loi. C’est le conseil des ministres qui est censé prendre les décisions sur la citoyenneté, mais les modalités en place n'ont jusqu'à présent jamais abouti à rien. Bien sûr, alors, il y a un lien avec la vulnérabilité, de même qu’avec les mouvements de réfugiés, dont j’ai parlé en détail dans mon exposé. Comme je l'ai dit, vous pouvez être un réfugié, mais au moins vous avez un espoir de retourner dans votre pays, mais quand vous êtes à la fois réfugié et apatride, cela est plus difficile.
    Je dois dire que l'un des plus grands problèmes au Myanmar est le fait que si un Rohingya est pris en détention, comme ceux en Thaïlande, par exemple, même s’il voulait retourner au Myanmar — il ne devrait pas avoir à le faire vraiment, parce qu'il est réfugié, mais même si, comme cela arrive dans certains cas, il ne s’en soucie pas et dit juste qu'il veut cesser d’être détenu — le Myanmar a systématiquement refusé de réadmettre les Rohingyas.
    Cela signifie que le problème de la détention illimitée ne se pose pas seulement en Thaïlande; il se pose aussi en Inde et au Bangladesh. Lorsque les gouvernements n’accordent pas le statut de réfugié, ces personnes finissent aussi en détention.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Lewa.
    Ma question s’adresse à monsieur Boyd. Le projet Arakan dispose d'un système d'alerte précoce pour identifier les groupes exposés à un risque potentiel de génocide. Existe-t-il actuellement de tels groupes, et si oui, pourriez-vous fournir de la documentation à ce comité le plus tôt possible afin que nous puissions en tenir compte dans l'avenir?
    Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui.
    Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant deux minutes pour permettre au groupe de travail suivant de prendre place.
    Je vous remercie.
(1000)

(1005)
    Bienvenue. Notre comité reprend ses auditions.
    Comparaissent devant nous dans le cadre de ce second groupe de travail, M. Rabea Allos, directeur du Conseil catholique de parrainage pour réfugiés; Révérend Majed El Shafie, fondateur et président de One Free World International; et Nafiya Naso et Lorne Weiss, de l'Operation Ezra.
    Je salue tous les témoins. Nous allons commencer par M. Allos, monsieur, vous avez sept minutes pour votre exposé.
    Honorables membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, bonjour à vous tous.
    Je voudrais vous remercier pour votre aimable invitation. Je suis honoré d'être ici aujourd'hui pour parler au nom du Conseil catholique de parrainage pour réfugiés, CRSC.
    Le CRSC est un forum national visant à répondre aux besoins des réfugiés dans le monde en matière de réinstallation. Il y a une centaine de signataires d'ententes de parrainage ou SEP à travers le Canada, et une trentaine d'entre eux sont des organismes catholiques. En 2015, pris ensemble, les SEP catholiques ont parrainé à titre privé plus de 7500 réfugiés; environ 50 % étaient des ressortissants syriens. Les ressortissants irakiens constituaient le second groupe en importance, outre les réfugiés somaliens et afghans. Des brochures sur l'organisation sont disponibles en français et en anglais.
    Durant le temps dont je dispose aujourd'hui, je voudrais parler de deux choses. Je parlerai d’abord de la persécution des réfugiés les plus vulnérables: les groupes religieux et autres. Et en second lieu de la protection des peuples autochtones de l'Irak.
    Dans toute crise impliquant des réfugiés, il convient de distinguer entre les besoins de protection et les besoins de réinstallation. Le premier objectif de la communauté internationale est la protection de tous les réfugiés sur place jusqu'à ce qu'une solution durable soit disponible. Une solution durable serait le rapatriement volontaire après la fin de la guerre ou de la crise, ou l'intégration locale dans le pays d'accueil, ou la réinstallation dans les pays de destination. L'option de la réinstallation dans les pays de destination est généralement réservée aux plus vulnérables, qui ne peuvent pas être rapatriés dans leur pays d'origine ou localement intégrés dans le pays d'accueil tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas reprendre le cours normal de leur existence.
    Dans le cas de l'Irak et la Syrie, les groupes vulnérables sont les minorités ethniques et religieuses, les militants politiques, les femmes en danger, les membres de la communauté LGBT, les athées, les convertis et les musulmans laïques.
    Historiquement, le problème des groupes les plus vulnérables au Moyen-Orient est aggravé lorsque le gouvernement du jour est trop faible pour mettre en œuvre la loi ou tolère que l’on s’en prenne à certains groupes. Dans les années 1940, par exemple, le gouvernement irakien a toléré les attaques contre la communauté juive, et beaucoup ont été contraints de fuir après que leurs propriétés ont été confisquées. Selon un recensement ottoman en 1917, la communauté juive de Bagdad comptait pour environ 20 % de la population totale. Aujourd'hui, seulement 5 %.
    Historiquement, s’en prendre aux groupes religieux et ethniques était chose commune. C’est arrivé à la communauté juive avant que cela n’arrive à d'autres groupes religieux aujourd'hui. La communauté juive irakienne a été pour la plupart réinstallée en Israël et dans d'autres pays et a réussi à rester forte et à faire entendre sa voix. Voilà pourquoi la réinstallation des groupes de minorités, ethniques et religieux doit être une priorité, afin d’assurer leur survie.
    A partir de 2003 en Irak, le gouvernement était trop faible pour préserver la loi et l'ordre, ce qui a permis à des milices et des groupes extrémistes de s’en prendre aux minorités ethniques et religieuses, ainsi qu’à d'autres groupes vulnérables mentionnés plus haut, sans crainte d’être punis. De même en Syrie après la guerre civile de 2011. L’essor du soi-disant État islamique de l'Irak et du Levant, EI, n’a fait qu’aggraver les choses, et l’EI a lancé une guerre de nettoyage religieux contre toutes les minorités et d'autres groupes vulnérables. Les chrétiens ont été forcés de quitter leur ancienne patrie, avec l'aide de leurs voisins historiques. Les yézidis et les membres de la communauté LGBT ont été tués et les femmes réduites en esclavage. Pour ces groupes, le rapatriement dans leur pays d'origine serait extrêmement difficile, parce que leur vie ne sera plus jamais la même. Ils savent qu'ils seront pris pour cibles sitôt que le gouvernement sera faible.
     En ce qui concerne les populations autochtones, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée par l'Assemblée générale en 2007 par une majorité de 144 États. Quatre ont voté contre, et il y a eu 11 abstentions. Le Canada a officiellement adopté et a promis de mettre en œuvre la déclaration en 2016. En janvier 2016, la ministre Carolyn Bennett a annoncé:
    
... nous appuyons maintenant sans réserve la Déclaration. Nous ne visons rien de moins que l’adoption et l’application de la Déclaration, conformément à la Constitution canadienne.
    Ce soutien ne concerne pas seulement les populations autochtones du Canada; le Canada s’est maintenant engagé en faveur des peuples autochtones du monde entier.
(1010)
    Cette déclaration décrit les droits individuels et collectifs des peuples autochtones. Ils ont le droit de s'attacher à leur culture, à leur identité et à leur langue tout en maintenant leurs droits à l'emploi, à la santé, à l'éducation et autres. La déclaration encourage les nations à collaborer avec les peuples autochtones pour résoudre des problèmes mondiaux tels que le développement, la démocratie multiculturelle et la décentralisation.
    Les peuples autochtones d'Irak sont la cible de l'État islamique et d'autres groupes extrémistes non seulement pour leur religion, mais pour leur culture et leur ethnie. Le Canada et les autres nations devraient faire d'eux une priorité afin de les protéger en les réinstallant dans des pays où ils seront en sécurité, puisque l'on ne voit pas de solution immédiate ou à long terme à cette situation.
    Les Chaldéens qui parlent araméen, les Assyriens, les syriaques, les mandéens et les yézidis sont les communautés autochtones d'Irak. Ils descendent des rois d'anciennes nations comme Akkad, l'Assyrie, Babylone. De manière plus générale, ce sont les descendants des Mésopotamiens de l'antiquité. Ils parlent des dialectes de langues araméennes des empires assyrien et babylonien et ont une écriture très particulière.
    Ils ont commencé à se convertir au christianisme au Ier et au IIe siècle de notre ère après avoir adhéré à la religion traditionnelle sumérienne et akkadienne en pratiquant le culte du dieu Assur. La Turquie a ciblé ces mêmes groupes lors du génocide arménien de 1915, que le Parlement canadien a reconnu en 2004.
    Le gouvernement canadien, comme d'autres gouvernements d'ailleurs, devrait accorder une attention particulière aux minorités ethniques et religieuses de l'Irak et de la Syrie, et tout particulièrement aux peuples syriens, assyriens, mandéens et yézidis, qui sont les autochtones du pays. Si nous ne les protégeons pas en les réinstallant, ces communautés vont disparaître à jamais.
(1015)
    Merci, monsieur Allos.
    Monsieur El Shafie, vous avez sept minutes.
    Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à témoigner. Comme je vous l'ai dit hier, vous avez été l'un des quatre députés parlementaires libéraux qui ont voté pour la reconnaissance du génocide, et je tiens à vous en remercier.
    Madame Michelle Rempel, je vous remercie de contribuer si activement au dynamisme de ce comité.
    Monsieur Arif, je suis toujours très heureux de vous revoir.
    Aux autres membres du comité, je suis très heureux et honoré de vous rencontrer.
    La dernière fois que j'ai témoigné devant vous, nous discutions d'autres problèmes; nous cherchions à cerner des moyens d'aider les réfugiés non seulement en soutenant les mouvements de réinstallation et d'immigration, mais en les aidant sur le terrain; nous désirions nous attaquer à la source même du problème, à l'État islamique et aux méfaits qu'il commet sur le terrain; nous parlions de nous attaquer à certaines de ses forces dans quelques-unes des régions touchées. Nous avons aussi parlé de créer une zone verte pour les communautés qui résident dans des régions du pays où le conflit fait rage. Nous avons discuté des réinstallations initiales. Nous avons souligné que l'Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar ne prennent pas de réfugiés et qu'il faudrait exercer plus de pression pour qu'ils apportent une meilleure contribution.
    J'avais aussi souligné que l'un de nos plus graves problèmes est le fait que le gouvernement canadien n'ait pas établi de mécanisme ou de moyen d'aider les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Nous avons un mécanisme visant à aider les réfugiés qui se trouvent hors de leur pays, mais le gouvernement canadien n'a jusqu'à présent pas trouvé moyen d'aider adéquatement les personnes déplacées et il n'a pas établi de mécanisme pour le faire.
    Il faut que nous reconnaissions qu'il ne nous suffit pas de compter sur le HCR pour sélectionner nos réfugiés. J'ai été un réfugié pris en charge par le HCR. J'aime beaucoup de HCR; il m'a sauvé la vie. Mais il ne peut pas être notre seule source. Pour sélectionner nos réfugiés, il faut que nous coopérions avec les groupes et les organismes locaux sur le terrain ainsi qu'avec des organismes internationaux qui connaissent les différentes régions qui ont besoin de notre aide.
    Au cours de nos discussions, nous avons aussi affirmé que le gouvernement ne veut pas sélectionner les réfugiés en fonction de leur religion ou de leur ethnie. Je comprends tout à fait ce principe et sa raison d'être, mais il faut reconnaître qu'il ne s'applique pas à tous les cas. Quand nous affirmons que les yézidis se font tuer parce qu'ils sont yézidis, il faut tenir compte de leur religion. Quand nous affirmons que les chrétiens se font tuer parce qu'ils sont chrétiens, il faut tenir compte de leurs antécédents religieux. Nous ne pouvons pas abandonner les minorités les plus vulnérables uniquement pour nous montrer politiquement corrects. Ce n'est vraiment pas le moment d'afficher notre rectitude politique. La situation de ces gens est urgente, il n'y a pas de temps à perdre, et il faut que nous les aidions autant que possible.
    Nous parlions des Rohingyas. Je crois qu'il y a deux ou trois ans, le gouvernement canadien a accepté quelques réfugiés rohingyas des camps du Bangladesh parce qu'ils étaient des réfugiés musulmans. Ils étaient persécutés parce qu'ils appartenaient à la communauté musulmane de la Birmanie. Si nous avons fait cela pour des Rohingyas, je pense que nous sommes en mesure de le faire aussi pour les yézidis et pour les autres minorités.
    La dernière fois que j'étais ici, j'ai parlé d'une proposition que nous avions présentée au ministre de l'Immigration du Canada, et je crois que nous vous avons dit que le gouvernement avait ignoré cette proposition. À la suite de cette séance, certains médias canadiens, dont The Toronto Star, se sont emparés de cette nouvelle.
    Le lendemain, j'ai reçu un coup de téléphone du chef du cabinet. Le 17 juin, il est venu nous voir à notre siège social à Toronto. Nous lui avons présenté notre proposition et en avons discuté avec lui. Nous avons ensuite amélioré cette proposition et présenté à nouveau à la fin juin. Vous en avez tous reçu une copie en français et en anglais.
    En quelques mots, au lieu de dénoncer le problème, nous désirons contribuer à sa solution. Cette proposition est présentée par l'organisme One Free World International, par M. Martin Mark et par Mme Chantal Desloges. Ils ont tous deux témoigné devant votre comité au cours de ces deux derniers jours. Cette proposition repose sur ce que nous appelons le PAC — le Programme d'aide conjointe; autrement dit, le gouvernement et la communauté collaboreraient main dans la main pour parrainer plus de 400 filles yézidies afin de les amener au Canada. Je ne parle pas de parrainage privé.
(1020)
    Si vous avez les fonds nécessaires pour amener 25 000 réfugiés, je crois que vous pouvez amener 400 victimes yézidies qui symboliseraient votre accueil des réfugiés. Le gouvernement et la communauté travaillent ensemble pour amener 400 victimes yézidies en collaborant sur le terrain avec les organismes locaux afin de trouver ces filles et un moyen de les amener ici. C'est ce que présente notre proposition. Surtout, n'hésitez pas à me poser des questions sur cette proposition.
    En conclusion, en 1939, nous avons accueilli un navire rempli de réfugiés juifs qui s'appelait le St. Louis. Le premier ministre de l'époque, Mackenzie King, a affirmé que nous n'en accueillerions jamais assez. La majorité des 900 réfugiés qui se trouvaient sur ce navire sont retournés en Allemagne, où les nazis du Troisième Reich les ont tués.
    Les yézidis d'aujourd'hui représentent un deuxième navire St. Louis dans l'histoire du Canada. Ne répétons pas cette erreur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur El Shafie.
    Passons maintenant la parole à Operation Ezra.
    Qui va commencer, M. Weiss ou Mme Naso?
    Madame Naso, vous allez partager votre temps avec M. Weiss.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que mon peuple est victime d'un génocide dû à ses convictions religieuses. Le 3 août 2014, l'État islamique a attaqué la région de Shingal, lançant ainsi l'un des massacres les plus atroces que l'on ait vus au XXIe siècle. Des centaines de milliers de personnes ont été forcées à s'enfuir. De nombreux yézidis ont été capturés. Des hommes, des femmes et des enfants ont été séparés de leurs familles.
    L'État islamique a forcé les garçons à se convertir et à se joindre à ses kamikazes et à ses soldats. Il s'est emparé de plus de 5 000 jeunes yézidies pour en faire des esclaves du sexe qu'il a vendues dans tout le Moyen-Orient. Des petites filles de 9 ans ont été violées, parfois plus de 30 fois par jour. Ces horreurs se poursuivent, et environ 3 000 jeunes filles sont encore captives. Un grand nombre d'entre elles se sont suicidées, et les autres ont été assassinées. Des bébés yézidis ont été enlevés de leurs familles et donnés à des familles musulmanes. Les hommes devaient se convertir, ou on les exécutait sous les yeux de leur famille. Les femmes plus âgées étaient exécutées, et les plus jeunes femmes étaient enlevées et forcées à devenir des esclaves du sexe, qui est une industrie très répandue.
    L'État islamique prétend mener cette campagne au nom de l'islam radical. Il considère les yézidis comme des infidèles qui adorent le diable et qu'il faut considérer comme des sous-humains.
    Qui pourrait affirmer que ce n'est pas un génocide? Nous avons là une élimination systématique de mon peuple à cause de ses convictions religieuses.
    Les yézidis qui ont eu assez de chance pour échapper à l'attaque de la région de Shingal se sont enfuis au mont Sinjar en août 2014. Des milliers d'entre eux sont morts d'inanition ou de déshydratation, ou encore de l'exposition aux éléments. De jeunes mères ont dû creuser la fosse de leurs enfants qui n'ont pas survécu.
    À la suite de l'intervention des nations de l'Occident, des dizaines de milliers de yézidis ont enfin pu s'enfuir et se réinstaller en Syrie, en Irak et en Turquie. On compte maintenant 500 000 yézidis déplacés, dont plus de 100 000 vivent dans des camps de réfugiés du HCR.
    Saviez-vous qu'on pratique la ségrégation dans ces camps? Nous sommes une minorité religieuse que les musulmans n'acceptent pas, alors l'ONU nous tient à l'écart pour nous protéger, même des méfaits des autres réfugiés.
    La situation de mon peuple est désespérée, elle est affreuse. Je vous supplie d'agir pour que mon peuple ne soit pas exterminé.
    En Irak et en Syrie, les yézidis ont toujours été considérés comme suivant une religion très particulière et différente de celle de tous les autres groupes. Les gens peuvent donc les tuer, les violer et les réduire à l'esclavage en toute bonne conscience morale et civile. Si vous n'intervenez pas, mon peuple ne survivra pas.
    Notre religion date de plus de 6 000 ans. Nous étions 23 millions dans le passé. Mais nous avons subi 73 massacres, et maintenant nous ne sommes plus qu'environ 700 000, dispersés partout dans le monde. Nous n'avons pas de patrie, nous n'avons plus d'espoir. Nous désirons trouver une nation qui nous acceptera sur son territoire, car nous sommes un peuple pacifique. Par pitié, ne permettez pas que mon peuple devienne un cours d'histoire pour les générations à venir.
    Je m'appelle Nafiya Naso. J'étais une réfugiée yézidie, et je suis arrivée avec ma famille dans ce merveilleux pays il y a plus de 16 ans. Le Canada nous a offert un avenir. Mon peuple a besoin que des dirigeants courageux lui offrent un abri en lieu sûr. Le Canada pourrait le faire. Vous êtes ses dirigeants, je vous supplie d'agir sans tarder.
(1025)
    Merci.
    Monsieur Weiss.
    Merci.
    Nous sommes venus aujourd'hui pour vous dire que l'efficacité du parrainage privé des réfugiés se heurte à des restrictions.
    Operation Ezra est un programme de parrainage privé basé à Winnipeg. Il a été lancé par la communauté juive de Winnipeg, et il compte maintenant 20 partenaires composés de groupes chrétiens, yézidis multiconfessionnels et juifs. Au cours de ces 18 derniers mois, nous avons recueilli plus de 250 000 $. Nous parrainons sept familles, soit 41 personnes en tout. Pour autant que nous le sachions, notre programme de parrainage privé est le seul qui se concentre sur les yézidis.
    Nous avons accueilli notre première famille de huit personnes le lundi 11 juillet dernier. Il nous a fallu un an et demi pour les amener à Winnipeg. Il nous faudra probablement une autre année ou plus pour amener les six autres familles. Le processus de parrainage privé des réfugiés et des immigrants est trop compliqué, trop long et présente beaucoup trop d'obstacles pour constituer une solution efficace. Le processus de demande est compliqué et très long; il est également restreint et impose des plafonds. De plus, le traitement des demandes commence à se bloquer. Il faut attendre longtemps pour passer une entrevue et subir tous les examens médicaux et les vérifications de la sécurité. Il faut amener les réfugiés aux bureaux des visas, qui se trouvent souvent à des heures ou à des jours de voiture depuis les camps.
    Quoi qu'il en soit, on ne peut pas laisser le secteur privé sauver à lui seul un peuple menacé de génocide. Nous ne pouvons pas en faire assez, et nous ne pouvons pas agir assez rapidement. Nous avons besoin de votre aide.
    Nous tenons à souligner qu'il faut absolument une intervention gouvernementale à grande échelle pour que le peuple yézidi ne se fasse pas exterminer. Il est crucial de traiter le peuple yézidi en priorité face à ce tragique génocide. Nous proposons d'instaurer un programme hybride par lequel le gouvernement amènerait un grand nombre de familles yézidies au Canada, et le secteur privé s'occuperait principalement de l'installation et de l'intégration de ces réfugiés.
    Tout parrainage privé ou hybride de réfugiés qui courent un danger terrible, comme les yézidis, doit être traité en priorité aussi rapidement que les réfugiés que le gouvernement parraine. Le Canada a une occasion rêvée d'agir au nom des yézidis et d'offrir un refuge à ce peuple menacé d'extinction.
    J'espère et je prie que notre gouvernement reconnaîtra que le destin d'un peuple entier dépend de notre capacité de faire ce qui s'impose. Je vous en supplie, ramenons ces gens en lieu sûr.
    Merci.
(1030)
    Merci, monsieur Weiss.
    Monsieur Ehsassi, vous avez sept minutes.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui pour nous présenter cette situation profondément émouvante. Je crois que je peux dire, au nom de chaque membre de ce comité, que nous sommes très inquiets non seulement pour la communauté yézidie, mais pour toutes les communautés qui subissent de telles atrocités.
    Je vais peut-être adresser ma première question au révérend El Shafie. Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur.
    Merci.
    Monsieur le révérend, vous nous avez dit dans votre allocution que le Canada n'a pas établi de mécanisme pour aider les personnes déplacées, ou plutôt que notre système d'aide aux réfugiés ne contient pas d'élément d'aide aux personnes déplacées. Savez-vous si d'autres nations ont inséré dans leurs lois sur les réfugiés des dispositions visant à aider les personnes déplacées?
    Je vous dirai que l'Allemagne l'a fait. Si je me souviens bien, l'Allemagne a accueilli sans tarder 1 100 filles yézidies. Le processus s'est déroulé très rapidement au Kurdistan, et non en Syrie ou en Turquie. Je dirais que l'Allemagne est en tête de file sur cette question.
    Autrement, vous ne savez pas si un autre pays a établi un cadre juridique d'aide aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
    Je crois que peut-être l'Allemagne et Genève, mais je ne suis pas sûr. Je suis sûr que l'Allemagne en a un, mais je ne suis pas sûr de ce que font les autres pays européens.
    Je crois que l'organisme One Free World s'occupe de la situation des yézidis depuis assez longtemps. Serait-il juste d'affirmer que votre groupe est non partisan?
    Oui, tout à fait.
    Avez-vous déjà reçu du financement du gouvernement?
    Non.
    Aucun financement par l'intermédiaire du Bureau de la liberté de religion?
    Non.
    Je crois que vous avez organisé des voyages à l'étranger pour défendre plusieurs enjeux qui vous tiennent à coeur, n'est-ce pas?
    Oui, c'est vrai.
    Est-ce que des députés vous ont accompagné dans ces voyages?
    Oui bien sûr, des députés libéraux et conservateurs.
    Il semble évident que vous désirez venir en aide aux yézidis depuis longtemps. Évidemment que ce désir remonte au mois d'août 2014 quand cette communauté a subi les premières atrocités, comme vous nous l'avez dit aujourd'hui et comme nous l'avons lu dans différents rapports.
    Je crois que vous avez même déposé des propositions. Pouvez-vous me dire combien de propositions vous avez déposées pour aider ces gens?
    Cette proposition est la seule que nous ayons déposée. Vous avez la proposition initiale, que nous avons améliorée à la suite de notre rencontre avec le chef du cabinet.
    D'accord. Donc il y en a plusieurs versions...
    Il y en a plusieurs quoi? Excusez-moi.
    ... de cette même proposition.
    Il n'y en a qu'une.
    D'accord. En 2014, quand ces terribles atrocités ont eu lieu, n'avez-vous pas déposé une proposition?
    Nous travaillions sur le terrain. Nous n'avions pas encore déposé de proposition, parce que notre équipe de conseillers juridiques cherchait un partenaire afin de déposer une proposition en bonne et due forme. Il faut du temps pour cela.
    D'accord.
    Je regarde l'une de vos propositions, datée, je crois, du 30 juin...
    Oui.
    ... où vous mentionnez le processus de sélection des personnes sur le terrain dans le Nord de l'Irak. Comme vous pouvez l'imaginer, plusieurs d'entre nous s'inquiètent de voir un groupe privé qui ne possède pas une grande expérience d'aide sur le terrain et qui se rend dans des régions déchirées par la guerre... Malgré toutes vos bonnes intentions et l'aide que vous apportez, quand vous aidez des groupes vulnérables, il est très important de garantir leur sécurité une fois que vous les avez sélectionnés.
    Je regarde la proposition que vous nous avez distribuée, et votre groupe y propose de fournir localement de la protection et de l'hébergement aux personnes qu'il y aura sélectionnées. En quoi est-ce que cela consiste? La lettre le mentionne très rapidement, mais comme cette population est extrêmement vulnérable, qu'envisagez-vous exactement de faire?
    Vous voulez dire pour la protéger, pour assurer sa sécurité?
    Oui, après la sélection. Tout d'abord, votre proposition ne précise pas exactement quel type de sélection vous envisagez d'effectuer, mais vous poursuivez en soulignant que vous garantiriez la protection et l'hébergement.
    Mettons les choses bien au clair: il s'agit d'une proposition présentée au gouvernement canadien.
    D'accord.
    Le gouvernement aura ses propres moyens d'héberger et de sélectionner les réfugiés. Nous n'allons pas faire leur travail; nous ne faisons que proposer...
    Tout à fait d'accord.
    ... un processus que le gouvernement pourrait suivre ou, à l'aide d'une carte, agir dans les régions dangereuses, comme vous l'avez soulevé.
    En ce qui concerne la sécurité, la proposition établit clairement que l'on trouve au Kurdistan de nombreuses régions sécuritaires, comme Erbil. Nous avons plus de 400 soldats canadiens sur le terrain. De nombreuses délégations venant de partout au monde y vont et viennent. Tout comme nous l'avons fait au Liban, nous établissons toujours un centre où nous interviewons les réfugiés.
    N'oublions surtout pas que nous parlons ici d'un projet pilote. Il est évident qu'il comportera des lacunes. Nous ne sommes pas ici pour discuter des détails mineurs et de logistique. Il faut comprendre qu'avant d'entamer ces discussions, nous devons recevoir le feu vert du gouvernement canadien. Sans ce feu vert, nous ne serions que des trafiquants de personnes. Nous avons besoin de l'approbation du gouvernement canadien pour entamer la planification logistique et les premières étapes, et ensuite nous examinerons les détails.
(1035)
    Bien sûr, mais il vous faudrait aussi l'approbation du gouvernement irakien et du gouvernement local kurde, n'est-ce pas?
    Mais bien sûr. Ils coopèrent avec nous.
    Vraiment?
    Oui.
    Très bien.
    Les objectifs que vous vous êtes fixés sont bien sûr absolument admirables, mais vous appelez ces choses des détails mineurs. Ces « détails mineurs » sont très importants lorsqu'on s'occupe de personnes sur le terrain dans une région déchirée par la guerre. Vous êtes d'accord avec moi, il est important de bien examiner ces choses...
    Tout à fait, c'est important, vous avez tout à fait raison. Si vous lisez notre proposition, nous expliquons autant que possible...
    Bien sûr.
    ... mais je vous dirai franchement que depuis deux ans, au moins nous agissons; au moins nous allons sur le terrain. Je pars pour cette région dans quelques jours. Nous traitons avec les gens de la localité. Nous y sommes allés de nombreuses fois. Nous traitons avec ORAT, un organisme qui s'est taillé une excellente réputation. Nous avons nos avocats, dirigés par Chantal Desloges. Au moins nous agissons afin de commencer à faire quelque chose et à aider ces gens aussi rapidement que possible.
    Je suis tout à fait d'accord, et il est certain que tout le monde partage vos préoccupations. Je ne remets en question que les façons de le faire.
    Merci.
    Merci, monsieur El Shafie.
    Madame Rempel, vous avez sept minutes.
    Au nom de ce comité, je vous remercie tous du travail que vous accomplissez pour essayer de résoudre cette situation. Parfois ici nous sommes tentés de nous immerger dans la partisanerie politique. Je sais que des fois je me laisse entraîner, mais j'espère que notre comité présentera des recommandations qui aideront le gouvernement à hâter le traitement des demandes des groupes minoritaires persécutés. Il est clair que tout en haut de la liste se trouvent les yézidis, que l'on reconnaît comme étant victimes d'un génocide.
    Nous avons entendu des heures et des heures de témoignage à ce sujet, et j'ai relevé quelques-unes des recommandations présentées par les différents groupes. Je voudrais juste vous les présenter et vous demander, pendant le temps qu'il me reste, de nous dire si cette liste est complète, si les recommandations sont raisonnables et si vous désirez en ajouter à la liste.
    D'abord, on nous a dit très clairement qu'il faut hâter le traitement des demandes de statut de réfugié pour les yézidis victimes de génocide.
    Dans son intervention à la crise des migrants au Moyen-Orient, le Canada devrait accorder la priorité aux demandes de statut de réfugié des groupes minoritaires persécutés et ethniques ainsi qu'à celles des personnes LGBTI.
    Nous devons demander à l'ONU de modifier son processus de sélection des réfugiés afin de hâter le traitement des demandes des victimes de génocide, des groupes ethniques fortement persécutés, des groupes minoritaires religieux et des personnes LGBTI.
    Il faut rétablir, pour les réfugiés syriens et irakiens, l'exemption du plafond des missions menées dans le cadre du programme de parrainage privé des réfugiés.
    Nous devons recenser entre 5 000 et 10 000 yézidis victimes de génocide et les amener au Canada aussitôt que possible avec un statut de réfugié; de plus, nous devons veiller à établir les cadres de soutien nécessaires pour leur intégration. Monsieur Weiss, votre programme hybride est particulièrement intéressant à ce propos. Nous pouvons aussi examiner les pratiques exemplaires de l'Allemagne et de l'Australie pour accomplir cela rapidement.
    Nous devons trouver et mettre sur pied des moyens novateurs de recenser les groupes minoritaires ethniques et religieux à réinstaller au Canada. Monsieur El Shafie, vous n'avez pas été le seul à mentionner les difficultés d'une telle entreprise.
    Je partage l'avis de mes collègues sur la question de la sécurité. Elle posera tout un problème. Mais si l'ONU ne réussit pas à faire cela rapidement, comment le Canada trouverait-il des moyens novateurs de recenser les gens sur le terrain rapidement et en toute sécurité?
    Nous devons veiller à déployer un nombre suffisant de ressources pour traiter les demandes de ces groupes minoritaires persécutés afin qu'ils ne moisissent pas dans notre système pendant cinq ans.
    Je voudrais ajouter une observation: plusieurs d'entre vous ont beaucoup plus d'expertise que nous, alors je recommanderais au ministre de créer un groupe consultatif formel qui se réunisse tout de suite pour examiner des manières d'accomplir cela, puisque plusieurs d'entre vous ont déjà produit des résultats sur le terrain.
    Nous avons entendu une recommandation que ma collègue, Mme Kwan, défend aussi, celle de retracer le nombre de personnes que nous amenons dans le cadre de ces programmes afin de mesurer le succès et l'efficacité des modifications que nous avons apportées aux programmes.
    Pensez-vous que cette liste de recommandations soit complète? Quelle est votre opinion?
(1040)
    Suivons l'ordre dans lequel les témoins ont parlé initialement; passons d'abord la parole à M. Allos.
    Je pense qu'elle est complète. Dans le cas du recensement des réfugiés pris en charge, ou aidés, par le gouvernement, au lieu d'examiner le bassin de l'ONU, le Canada devrait consulter d'autres organismes ici pour recenser les réfugiés au lieu de suivre le programme du HCR.
    Je suis d'accord, et je n'ai rien à ajouter.
    Madame Naso et monsieur Weiss.
    Merci, madame Rempel.
    Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. C'est un bon début, mais quoi que nous fassions, il faut que nous l'accomplissions très rapidement pour sauver ces gens.
    Monsieur Weiss.
    J'ajouterais simplement aux observations de ma collègue que selon moi, la définition qu'a fixée l'ONU d'un réfugié crée des obstacles. À mon avis, il faut que nous passions au-dessus de cela et que nous nous écartions des définitions. Rappelons-nous que depuis des dizaines d'années, le Canada a assumé un rôle humanitaire crucial; cessons de nous arrêter aux définitions et agissons rapidement. Les réfugiés les plus faciles d'accès se trouvent maintenant en Turquie, et ce pays est instable à l'heure actuelle. Si nous devons attendre un an avant de faire sortir ces gens, je ne suis pas sûr que nous aurons encore accès à eux à ce moment-là.
    La raison pour laquelle ce comité a été créé et chargé de s'enfermer dans cette salle en une belle journée d'été à la fin juillet est que — et j'en suis certaine — nous ne pouvons pas attendre que la Chambre reprenne ses travaux cet automne pour agir. Selon votre expérience et vos observations de la situation tragique dans laquelle ces gens se trouvent sur le terrain, quels délais seraient acceptables pour agir?
    Il faut absolument agir sans tarder, et nous disposons d'un délai de deux mois, si nous commençons tout de suite. Il faut que nous commencions tout de suite et que nous accueillions les premiers réfugiés dans un délai, je dirais, d'un mois et demi à deux mois.
    Monsieur Weiss.
    Il faut que nous agissions très rapidement sur le terrain. Nous venons d'apprendre que le gouvernement a approuvé les demandes de nos cinquième et sixième familles. Elles avaient déposé ces demandes en novembre, et elles doivent encore passer des entrevues et subir d'autres vérifications.
    Il faut que nous agissions très vite. Je dirais que nous devrions commencer dans les deux mois qui viennent. Nous avons prouvé que nous sommes en mesure d'agir rapidement en faisant venir les réfugiés syriens. Nous ne créons rien de nouveau, nous ne faisons qu'appliquer le même modèle à un autre groupe de personnes.
    Très brièvement... normalement, le comité produirait un rapport qu'il déposerait à la Chambre des communes. Nous n'aurons pas l'occasion de suivre cette procédure puisque le Parlement est en congé. J'espère que le comité pourra présenter une lettre de recommandation au ministre. La liste de recommandations que je viens de décrire est-elle complète? Correspond-elle à la lettre que vous voudriez que les députés présentent au ministre?
    En ce qui me concerne, oui.
    Monsieur Weiss.
    Absolument, oui.
    Madame Naso.
    Tout à fait.
    Monsieur Allos.
    Absolument.
    Merci.
    Je n'ai plus de questions à poser.
    Merci.
    Madame Kwan, vous avez sept minutes.
    Je remercie tous les témoins pour leurs allocutions.
    J'ai plusieurs autres suggestions à présenter au gouvernement sur ce que nous avons entendu des nombreux témoins sur ce grave problème. Voici ce que je pense. D'abord, le gouvernement devrait intervenir immédiatement puisque le génocide a été officiellement déclaré. En vertu de l'article 25 de la LIPR sur les considérations humanitaires et compatissantes, nous appuyons les recommandations des témoins demandant que nous commencions immédiatement à amener entre 5 000 et 10 000 yézidis au Canada. Je recommande que, dans les plus brefs délais et en utilisant les bases de données qu'ont préparées les groupes qui ont témoigné devant notre comité, nous amenions au Canada entre 3 000 et 4 000 personnes victimes d'actes génocides tels que la traite des personnes, l'esclavage sexuel, le viol, la torture et que nous amenions aussi des veuves et des orphelins. De plus, on estime qu'à l'heure actuelle, les camps de Turquie abritent entre 3 000 et 4 000 yézidis; il faut que nous agissions pour les sauver. Dans des circonstances très particulières comme le génocide, les groupes que l'on amènerait ne seraient pas inclus dans les niveaux d'immigration principaux afin de ne pas empêcher d'autres personnes de faire une demande légitime d'immigration.
    Quant à l'aide humanitaire, les camps de réfugiés qui se trouvent dans la région souffrent d'une grave pénurie d'aliments, mais ce qu'ils demandent n'est pas difficile à donner. Ils demandent de la farine, du riz et de l'huile. L'incapacité de produire assez d'électricité par les générateurs cause aussi de graves problèmes dus à l'extrême chaleur dont souffre la région. Les camps ont aussi un urgent besoin de médicaments et de vêtements. On nous a également signalé de graves problèmes de distribution de l'aide humanitaire dus à la corruption et à la discrimination; on nous dit que notre aide n'atteint pas les personnes les plus vulnérables. Le gouvernement devrait donc collaborer de plus près avec des ONG qui jouissent d'une crédibilité bien établie pour livrer les produits d'aide humanitaire directement dans les camps.
    Les groupes yézidis qui ont témoigné devant notre comité ont fait une autre requête dont le comité n'est pas au courant parce qu'ils ont demandé cela au cours d'une rencontre privée que j'ai tenue avec eux: ils demandent des ressources directes en espèces à remettre aux victimes. Ils recommandent qu'avant toute chose, on distribue un million de dollars en espèces directement à la population yézidie.
    Les retards du traitement des demandes causent des problèmes. Le Canada est encore incapable de traiter les demandes dans le Nord de l'Irak, où se trouvent de nombreux yézidis parmi les innombrables réfugiés. Le HCR a déjà recensé un grand nombre de ces gens, et les vérifications supplémentaires du Canada entravent ces demandes parce que nous ne pouvons pas les effectuer puisque nous n'avons pas de centres de traitement dans ces régions.
    Le représentant du HCR nous a dit que nous pourrions adopter les pratiques exemplaires d'autres pays et renoncer au processus de traitement du Canada afin de hâter l'arrivée des familles. On n'appliquerait les vérifications supplémentaires que dans les cas de réunification de familles installées au Canada qui soulèvent de graves préoccupations. Donc si ma suggestion de renoncer à notre processus complet de sélection est rejetée, je propose que nous ne l'appliquions qu'aux cas où l'on ne peut pas effectuer de présélection. Je demande cela à cause des graves délais que cause ce processus.
    Dans le cas de la communauté LGBTQI, 63 nations criminalisent certaines orientations et identités sexuelles. Cette discrimination et cette vulnérabilité sont codifiées dans des lois; elles sont donc différentes de la vulnérabilité causée par un conflit. Dans bien des cas, lorsqu'une personne LGBTQI quitte son pays pour demander le statut de réfugié, elle se trouve encore plus vulnérable dans un autre pays qui criminalise aussi son orientation sexuelle et dans lequel cette personne n'a aucun soutien. De plus, le fait que cette personne se soit enfuie met aussi sa famille à risque. Un programme similaire à celui de la catégorie du pays source, mais plus souple et actif, permettrait aux demandeurs de communiquer avec des ONG canadiennes, de présenter leur demande au Canada — ou auprès de groupes locaux qui travaillant sur le terrain s'ils se trouvent encore dans leur pays d'origine. Certains organismes de défense des droits de la personne pourraient aider à appliquer un tel programme.
    Nous recommandons aussi la création d'un sous-comité chargé de trouver des solutions d'avenir pour les personnes déplacées dans leur propre pays.
(1045)
    Voici donc des suggestions qui, avec celles que ma collègue, Mme Rempel, a présentées, contribueraient à faire avancer les choses, je pense.
    Je ne sais pas si vous appuieriez ces recommandations aussi.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je sais que je n'ai presque plus de temps, alors je serais reconnaissante à chacun de vous de me donner une réponse très rapide.
    Un rappel au règlement un peu impertinent.
    Nous tenons à souligner que nous appuyons les recommandations de Mme Kwan.
    Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un rappel au Règlement, mais...
    J'ai dit qu'il serait impertinent, monsieur le président.
    Le gouvernement pourrait envisager, pour hâter le traitement des demandes des Yézidis, d'amener ces gens au Canada avec un visa temporaire, d'effectuer les vérifications, puis de leur accorder la résidence permanente. Ce serait la meilleure façon de régler le problème.
    C'est une solution possible.
    Je suis d'accord avec vous.
    Toutes les recommandations que nous avons lues aujourd'hui sont merveilleuses, mais il faut surtout agir. Nous pouvons bien adopter une recommandation, mais l'important sera d'obtenir l'approbation du gouvernement.
(1050)
    Oui, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit.
    Nous nous sommes heurtés à deux ou trois obstacles. L'accès aux soins de santé et à l'aide humanitaire pose d'énormes problèmes dans ces camps de réfugiés; il y a aussi le problème de la ségrégation.
    Dans le cadre de notre projet, Operation Ezra, une dame d'une des familles que nous parrainons a accouché il y a quelques mois. Elle a accouché dans le camp, et nous avons dû lui envoyer de l'argent par l'intermédiaire d'Operation Ezra pour qu'elle et son nouveau-né obtiennent des soins médicaux, des vêtements pour bébés, des couvertures, etc.
    Par l'intermédiaire d'Operation Ezra, nous envoyons à ces familles de l'argent pour qu'elles puissent acheter des vêtements, de la nourriture, etc. Les deux familles que nous avons parrainées et qui sont ici devraient passer des entrevues et des examens médicaux, et pour qu'elles puissent prendre l'avion nous avons dû les envoyer à Istanbul. Nous avons financé cela par l'intermédiaire d'Operation Ezra, alors que pour les autres groupes de réfugiés parrainés par le gouvernement, des fonctionnaires canadiens sont allés dans les camps pour mener les entrevues, les examens médicaux, etc.
    Monsieur Weiss, très brièvement.
    Si vous me donnez juste deux minutes, ou deux secondes.
    Ce sera plutôt deux secondes.
    Une minute new-yorkaise, alors.
    Les problèmes qui se manifestent sur le terrain sont importants, parce que ces gens sont tenus dans l'isolement, et l'on ne leur accorde pas la même attention qu'aux réfugiés syriens qui sont dans ces camps.
    Je tiens aussi à souligner que nous avons appris qu'il y a 25 000 réfugiés yézidis en Turquie qu'il serait très facile de faire sortir du pays, car ils sont accessibles. Nous n'avons pas besoin d'aller en Syrie pour les trouver. Commençons par eux. Commençons à aider les gens qui peuvent sortir rapidement et amenons-les en sécurité au Canada.
    Merci.
    Merci, monsieur Weiss.
    Monsieur Sarai, vous avez sept minutes.
    Je tiens à exprimer mon admiration pour ces trois groupes et pour l'excellent travail que vous quatre avez accompli. Certains d'entre vous ont été réfugiés, emprisonnés et ont survécu à certaines de ces horreurs, et les autres ont apporté une aide énorme à des centaines de réfugiés.
    Monsieur El Shafie, vous avez présenté avec passion au public le drame tragique que vivent les yézidis. J'ai ici une copie du témoignage que vous avez rendu devant le sous-comité en 2014. Vous avez dit que vous aviez guidé en Irak des délégations de parlementaires comme les députés conservateurs Brad Butt, Russ Hiebert et Leon Benoit.
    Vous avez dit qu'avec ces députés, vous aviez visité un camp de réfugiés yézidis. Dans votre témoignage, vous aviez affirmé que les yézidis subissaient un génocide, et pourtant aucune de vos recommandations et de vos observations ne demandait au gouvernement canadien de réinstaller des réfugiés yézidis. En fait, vous avez recommandé à cette occasion que nous coopérions avec le gouvernement irakien et que nous fassions pression sur les États avoisinants pour qu'ils cessent de financer le terrorisme. Mais malgré le génocide qui se déroulait à cette époque, vous n'avez aucunement recommandé que l'on amène les yézidis au Canada.
    À cette époque, aucun des trois députés qui vous avaient accompagné n'a dénoncé un génocide et ils n'ont pas non plus demandé que l'on amène des réfugiés au Canada ou que l'on prenne des mesures à leur égard. En fait, nous savons maintenant qu'environ quatre personnes seulement de la communauté yézidie ont demandé le statut de réfugié à cette époque.
    Vous avez recommandé que nous renforcions notre intervention militaire, mais vous n'avez pas demandé de réinstallation. Vous critiquez le gouvernement actuel pour ne pas amener un assez grand nombre de yézidis, mais vous n'avez pas du tout critiqué le gouvernement précédent.
    Alors ma question est la suivante: vous est-il arrivé de recommander que l'on amène des réfugiés yézidis au Canada avant que le gouvernement actuel arrive au pouvoir?
    Vous parlez du premier voyage que nous avons fait, au tout début des attaques contre les yézidis. Nous étions là au tout, tout début. Nous nous inquiétions surtout de ne pas savoir comment les résidents de la région kurde traiteraient les réfugiés. Au début, nous cherchons toujours à résoudre la situation sans causer d'émigration afin que les gens restent dans leur culture et dans leur milieu. C'est toujours mon premier choix. Si vous me demandez si je préfère vivre ici ou en Égypte, évidemment, l'Égypte est mon pays natal. Nous nous entendons tous là-dessus. Mais avec les années, en surveillant ce que vivaient les yézidis sur le terrain, nous avons découvert un niveau élevé de corruption et de discrimination qui nous a portés à croire qu'ils n'auraient pas la vie facile et qu'ils ne seraient pas en sécurité là-bas, même au Kurdistan. Quand elles revenaient, les filles étaient stigmatisées... nous avions espéré qu'elles seraient traitées comme des victimes et qu'elles recevraient de bons soins de santé physique et mentale. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées ainsi sur le terrain. Alors nous espérions pouvoir collaborer avec la communauté kurde sur le terrain pour améliorer leur vie et leur situation une fois qu'elles auraient été sauvées. Mais comme nous n'y réussissions pas, en surveillant la situation année après année, nous nous sommes dit qu'il faudrait les faire émigrer. Maintenant c'est notre premier choix.
(1055)
    Vous avez assisté à un génocide. Vous avez vu des femmes violées, un homme assassiné pendant son entraînement. C'était la pire des atrocités à cette époque. Vous avez assisté à ces horreurs avec des députés, et pourtant vous vous êtes dit que tout irait bien si vous les laissiez dans les camps, qu'il ne serait pas nécessaire de les amener en lieu sûr, qu'ils ne criaient pas à l'aide à cette époque. J'imagine que si j'assistais à cela, je serais animé d'une passion et d'une compassion intense, et je voudrais les amener sans tarder au Canada. Mais il vous a semblé plus sage de coopérer avec le gouvernement irakien; vous n'avez pas une seule fois — jusqu'à la fin de 2015 ou au début de 2016 — souligné que nous devrions amener des yézidis au Canada ou qu'on ne les amenait pas au Canada.
    Avant que vous retourniez mon rapport contre moi, je vais vous demander si vous êtes déjà allé là-bas? Avez-vous observé la situation de vos propres yeux?
    Non.
    Vous n'y êtes jamais allé, bon. J'y suis allé. Alors quand ces événements sont survenus, je le répète, nous espérions que grâce à la communauté kurde, nous pourrions leur assurer une vie stable. Nous avons apporté des médicaments. Nous avons lancé un projet...
    Cela ne se trouve pas dans vos recommandations.
    Je dois répondre à ce que vous avez dit.
    Ces mesures n'étaient pas dans vos recommandations.
    Excusez-moi, mais je dois répondre à ce que vous avez dit, si vous me le permettez.
    Je crois que j'ai entendu votre réponse. Ma prochaine question...
    Je ne peux pas répondre à votre question suivante tant que vous ne me permettrez pas de répondre à ce que vous avez dit.
    Ma prochaine question ne s'adresse pas à vous, elle s'adresse à un autre témoin.
    Je vais répondre à une autre partie de votre question, monsieur. Vous avez dit que je ne me suis jamais adressé au gouvernement précédent pour le critiquer au sujet de la situation des yézidis. J'ai présenté deux fois ma proposition au ministre Chris Alexander, deux mois avant l'élection. Donc j'ai remis cette même proposition au gouvernement précédent, et je collaborais avec eux pour amener les filles yézidis ici. C'était avec le gouvernement précédent, et deux mois plus tard, nous avons tenu l'élection.
    Je vous félicite d'avoir fait cela, mais je dis que vous ne les avez jamais critiqués et que vous ne les avez jamais blâmés de ne pas être intervenus.
    C'est parce qu'ils avaient approuvé ma proposition. Le ministre Chris Alexander a approuvé ma proposition.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Weiss ou à Mme Naso. Mon temps passe vite, alors il faut que je pose mes questions.
    Vous avez maintenant reçu 41 familles yézidies, ou 41 membres de familles yézidies? Est-ce que je me trompe?
    Nous parrainons sept familles, mais nous n'en avons reçu que deux, soit neuf personnes en tout.
    Et les autres suivent le processus?
    Oui.
    Je vous ai entendu dire, Monsieur Weiss, que vous n'avez pas vu en traitement d'autres demandes de parrainage privé pour des yézidis. Savez-vous si des signataires d'ententes de parrainage ont fait des demandes pour des réfugiés yézidis?
    À ma connaissance, d'après les commentaires et les questions que nous avons reçus de partout au pays, nous sommes le seul groupe organisé qui se concentre sur le parrainage privé de familles yézidies au Canada, ou peut-être même en Amérique du Nord.
    Donc ce n'est absolument pas dû à des retards causés par le gouvernement. Simplement, aucun signataire d'entente de parrainage n'a fait de demande pour la réinstallation au Canada de familles yézidies, à votre connaissance.
    Je tiens à préciser que nous ferions des demandes pour beaucoup plus d'entre eux, et je sais que notre communauté donnerait plus d'argent si nous pouvions obtenir un quota qui nous permette d'amener plus de familles au Canada.
    J'admire votre travail, ne vous y trompez pas. Ceci n'est qu'une question. Mais personne d'autre n'a fait de demandes pour ces gens?
    Pas à ma connaissance, non.
    Ma deuxième question...
    Je vous remercie, mais votre temps est écoulé.
    Monsieur Saroya, je crois que vous allez partager votre temps avec Mme Gallant.
    Une fois de plus, je vous remercie tous. Je vous admire de faire tout votre possible, et plus encore, pour accomplir ce travail à vous seuls et au nom des Canadiens.
    Ma question s'adresse à M. Allos. Vous avez mentionné l'annonce de Carolyn Bennett sur les peuples autochtones en ajoutant qu'elle ne s'applique pas aux Canadiens. De quoi parliez-vous?
    L'engagement qu'a pris le Canada, avec les Nations unies, de protéger les Autochtones s'applique à tous les peuples autochtones, et pas uniquement aux Premières nations du Canada. Donc maintenant, le Canada s'engage à protéger tous les peuples autochtones du monde, dont les yézidis, les chaldéens, les Assyriens et les syriaques, qui sont les peuples autochtones de l'Irak.
(1100)
    Je comprends.
    Ma prochaine question s'adresse à M. El Shafie. Quand vous parlez de créer une zone verte pour les minorités, comment nous y prendrions-nous pour le faire? Je suppose que vous parlez de protéger les yézidis et les chrétiens qui sont en Irak et en Syrie. Comment créerions-nous cette zone verte?
    Cette notion de zone verte nous vient des réfugiés eux-mêmes. Je le répète, un grand nombre des personnes déplacées dans leur propre pays ne veulent pas s'en aller. Personne ne veut quitter son pays natal. Certains d'entre eux trouvent que leur vie est devenue absolument impossible. Ils sont stigmatisés. Ils sont persécutés, et cette persécution est incessante. Les Kurdes ne réussissent pas à les protéger. Les soldats irakiens ne réussissent pas à les protéger. Les milices chiites de l'armée irakienne ne les protègent pas.
    C'est alors que nous avons pensé soit à les faire émigrer, soit à créer une zone verte où l'on protégerait les réfugiés qui désirent rester dans leur pays natal. Mais s'ils choisissaient de partir, ils pourraient demander le statut de réfugié.
    Personnellement, pensez-vous qu'il soit possible pour les yézidis ou pour les chrétiens, ou pour toute autre minorité de vivre en paix en Iran ou en Syrie?
    À l'heure actuelle, je dirais que je doute beaucoup qu'ils puissent vivre en un état de paix et d'harmonie absolu, parce que face à la finalité des intentions des soldats irakiens, des milices chiites et des groupes sunnites, un grand nombre de minorités n'ont pas de milices qui les protègent. Ils seraient toujours la cible de persécutions, même si nous écrasions l'État islamique et d'autres extrémistes. Ils seraient toujours ciblés parce qu'ils sont différents, parce qu'ils sont minoritaires.
    Toutefois, la zone verte dont je parlais serait protégée par une force internationale, et non locale.
    Vous avez la parole, Cheryl.
    Monsieur le président, si vous me permettez, je voudrais demander à M. El Shafie s'il est exact que l'ancien ministre de l'Immigration, Chris Alexander, avait approuvé sa proposition et avait entamé le processus jusqu'à ce que ce processus soit brusquement interrompu par l'élection.
    C'est exact. J'ai rencontré le ministre Chris Alexander à deux reprises. Je l'ai rencontré une fois au ministère à Ottawa. Nous lui avons présenté notre proposition. Je me souviens des mots exacts du ministre Chris Alexander. Il a dit qu'il fallait absolument que nous fassions cela pour sauver ces gens.
    Cette rencontre a eu lieu deux mois avant l'élection. Une fois l'élection terminée, nous avons dû tout reprendre à zéro.
    Est-il plus difficile ou plus long de traiter les demandes des yézidis que celles des autres réfugiés?
    Je le répète, à mon avis le plus grand problème vient du fait qu'il n'y a pas de mécanisme, de système, pour traiter les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Il faut trouver un moyen, mais dès le lancement de la campagne électorale, tout le monde s'est concentré sur l'élection.
    Vous avez dit qu'ils étaient stigmatisés. Est-ce que les fonctionnaires canadiens de l'immigration seraient eux aussi stigmatisés sur le terrain en Turquie? Pourquoi ces gens échouent-ils, alors que les personnes déplacées venant d'autres pays réussissent à se faire accepter à partir de la Turquie?
    Dix secondes, s'il vous plaît.
    Comme l'a dit Nafiya, ils sont stigmatisés parce qu'on les considère comme des adorateurs du diable; c'est la raison pour laquelle où qu'ils aillent, ils subissent de la discrimination. Ils sont différents, voilà la cause réelle de ce stigmatisme. De plus, au Moyen-Orient, tout le monde regarde les victimes de viol d'un oeil soupçonneux.
    Merci.
    Monsieur Tabbara, vous avez cinq minutes.
    Ma première question s'adresse à M. El Shafie.
    Pourriez-vous nous distribuer une copie papier de la proposition que vous avez remise à Chris Alexander?
    Vous l'avez devant vous. C'est la même proposition, monsieur.
    C'est la proposition que vous lui avez remise?
    C'est la même proposition. Nous l'avons simplement améliorée à la fin juin, mais le contenu est le même.
    Je vais donner une minute à M. Ehsassi pour finir de répondre à sa dernière question.
(1105)
    Merci. Je voudrais juste poursuivre.
    Je tiens à souligner une fois de plus que j'admire profondément vos préoccupations pour les yézidis, mais évidemment je crois que nous devrions nous concentrer sur les moyens utilisés. Cette population est très vulnérable. Il nous incombe de nous efforcer de les aider d'une manière très responsable.
    Je soulève cette question parce que j'ai vu un interview que vous avez donné en 2011 et dans lequel, dans votre zèle de produire des résultats, vous admettez d'avoir esquivé parfois certaines choses, certains moyens légitimes d'agir.
    J'ai ici une entrevue avec...
    Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
    Oui. J'ai ici un interview que vous avez donné au Christian Telegraph en 2011...
    Oui.
    ...au cours duquel à deux occasions, vous avez admis avoir donné des pots-de-vin en menant vos opérations à l'étranger.
    Bien sûr, oui, c'est tout à fait vrai.
    Comprenez-vous pourquoi je désire vraiment, au cours de cette mission très délicate que vous voulez entreprendre, que votre sécurité et celle des personnes que vous...
    En essayant d'arracher des filles yézidies ou de sauver plusieurs minorités des griffes de l'État islamique, nous ne traitons pas avec des fonctionnaires canadiens; le système avec lequel nous traitons ne respecte pas les lois. Pour sauver ces filles, il faut parfois utiliser d'autres moyens afin de les faire sortir dans les plus brefs délais, pour leur sécurité et pour la leur. Si vous cherchiez à sauver votre fille, votre soeur ou votre épouse, vous utiliseriez tous les moyens possibles pour les amener en sécurité.
    Merci.
    Je vais passer le reste de mon temps à M. Tabbara.
    La semaine dernière, l'organisme Operation Ezra a accueilli la première famille de réfugiés qu'il parraine, et le gouvernement s'est engagé très publiquement à accueillir les réfugiés syriens. De nombreux Canadiens ici désirent profondément apporter leur aide.
    Ma question s'adresse à M. Weiss. Vous avez dit que le parrainage privé subit des restrictions, qu'il fait face à trop d'obstacles, que le processus est compliqué et qu'il présente trop de délais. Le ministre se penche en priorité sur ces problèmes, sur les délais du traitement des demandes, dont le nombre a augmenté d'une façon spectaculaire. Il se concentre avant toutes choses sur la réduction des périodes d'attente.
    Pourriez-vous nous donner des détails sur les obstacles auxquels vous vous êtes heurtés?
    Je pourrais peut-être vous présenter une étude de cas sur les familles que ma synagogue parraine par l'intermédiaire d'Operation Ezra. Nous avons rempli les formulaires en novembre de l'année dernière, et leur contenu a reçu l'approbation du ministère en décembre.
    On vient de nous aviser que l'on entame maintenant le processus. La famille n'a pas subi d'examens médicaux et d'entrevues. Elle vit dans un camp de réfugiés en Turquie, dont la situation politique est très instable. D'après l'expérience que nous avons vécue avec la famille qui vient arriver, nous ne verrons pas cette deuxième famille avant la fin de 2016 ou avant 2017.
    Dans le cadre d'un processus ordinaire de parrainage privé de réfugiés, ce n'est probablement pas si mal pour immigrer dans un pays comme le Canada. Mais dans le cas de personnes dont la vie est constamment en danger, qui n'ont pas accès à des services, dans une région où les fonctionnaires canadiens ne viennent même pas dans les camps de réfugiés, c'est inacceptable.
    Cette augmentation des périodes d'attente est due aux coupures que le gouvernement précédent a fait subir à ce ministère. Le ministère a besoin d'un financement adéquat pour réduire ces périodes d'attente.
    Vous avez aussi parlé du programme hybride que vous proposez. Pourriez-vous nous le décrire plus en détail?
    Nous examinons maintenant les possibilités de façon conceptuelle, alors nous ne sommes pas encore entrés dans les détails. En gros, nous avons des bénévoles et des gens qui possèdent des connaissances et de l'expérience en réinstallation et qui aident ces réfugiés dès qu'ils arrivent. De plus, surtout à Winnipeg, nous avons la chance énorme d'avoir déjà une communauté yézidie bien établie qui compte environ 200 personnes et qui accueille les familles yézidies à leur arrivée. Nous disposons donc d'un bon système de soutien. Nous sommes frustrés de devoir attendre si longtemps, par rapport à — et je ne dis pas au lieu de, mais par rapport à — la rapidité avec laquelle nous avons réussi à amener 25 000 Syriens.
    Le fait est qu'il nous a fallu un an pour amener neuf personnes au Canada. Voilà.
(1110)
    Merci.
    Je suis désolé, votre temps est écoulé.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'accomplir et de poursuivre le travail extraordinaire auquel ils se sont engagés. Merci d'être venus présenter vos observations à ce comité.
    La séance est maintenant levée.
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