:
Comme les députés s’en souviendront, pendant notre réunion de lundi, la sonnerie a retenti à 18 h 18 pour un vote. J’avais besoin du consentement unanime pour poursuivre la réunion. Ce consentement unanime a été refusé. On a également demandé le consentement unanime à ce moment-là pour lever la séance et il a été refusé. Par conséquent, conformément au paragraphe 115(5) du Règlement, la séance a été suspendue à ce moment-là.
Comme cela a été le cas à chaque réunion depuis que je suis président et même avant cela, lorsque nous avons suspendu la séance pour aller voter, nous avons repris la séance immédiatement après les votes, à moins qu’il n’y ait eu un avis contraire. Par souci de clarté, j’ai bien dit, dès que j’ai suspendu la séance, que nous reviendrions après les votes. Il n’y avait pas d’heure précise, sauf que nous avions la convention au sein de ce comité de revenir après les votes. Lorsque nous sommes revenus après les votes, j’ai attendu longtemps et je n’ai pas atteint le quorum. Nous n’avions pas le quorum pour poursuivre la séance. Donc, faute de quorum, la séance a été levée.
La troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 1097, est claire à ce sujet. « Les réunions peuvent être ajournées lorsqu'il n'y a plus quorum. »
En fait, nous avons trouvé un précédent pour ce comité, qui s’est produit le 13 juin 2013, à l’époque où M. Tilson était président du comité permanent. Faute de quorum, la séance a été levée après avoir été suspendue, même si elle n’avait pas été reprise. Le procès-verbal de la réunion du 13 juin 2013 est disponible.
:
Alistair est venu vous voir après que vous ayez suspendu la réunion et vous a demandé jusqu'à quand vous alliez suspendre les travaux. N’oubliez pas que tout le monde avait quitté la réunion. Je ne sais pas où étaient tous les conservateurs, mais j’étais ici et j’ai entendu la discussion.
Cela n’a pas été consigné au compte rendu, alors en ce qui me concerne, monsieur le président, la question de la suspension a été soulevée et on présumerait— et il y a d’autres précédents qui le montrent et je vais en parler — que cela devrait se faire à la prochaine réunion.
Disons que vous avez raison de croire que vous avez poursuivi la réunion. La réunion n’a jamais été convoquée. La réunion n’a jamais été rappelée. Comme nous l’avons montré ici, seulement la moitié des membres du Comité étaient présents. Vous n’avez jamais demandé que cette réunion se poursuive à ce moment-là. Ce n’était pas consigné au compte rendu.
Cependant, disons que vous l’avez fait. Le document que vous avez mentionné dit ceci aux pages 402 et 403:
si la Chambre lève la séance faute de quorum, tout point à l'Ordre du jour qui est alors à l'étude, à l’exception d'une affaire émanant des députés qui ne fait pas l’objet d’un vote, garde son rang au Feuilleton pour la séance suivante. L’absence de quorum entraîne l'ajournement de la Chambre uniquement pour la journée.
Il y a une autre citation, à la page 401, qui parle du processus à suivre lorsque les députés ne sont pas présents à la Chambre:
S'il y en a moins de 20, il peut reporter les travaux de la Chambre au jour de séance suivant. Le Président ne peut prendre ce genre d'initiative que si la séance n'a pas encore été déclarée ouverte; une fois la séance ouverte, « le pouvoir que le Président exerce sur la compétence de la Chambre revient à la Chambre [...] le Président ne peut pas clore une séance à sa guise ».
Cela s’applique à vous, monsieur. Vous n’avez pas le droit de faire ce que vous faites maintenant, parce que la suspension de la réunion signifie qu’elle se poursuit à cette réunion.
Bien sûr, l’article 116 du Règlement dit:
Un comité permanent, spécial ou législatif observe le Règlement de la Chambre dans la mesure où il y est applicable, sauf les dispositions relatives à l'élection du Président de la Chambre, à l'appui des motions, à la limite du nombre d'interventions et à la durée des discours.
Comme je l’ai dit, monsieur le président, la séance du lundi 25 février n’a pas été levée. Elle a seulement été suspendue. Le président — vous, monsieur — a suspendu la séance pour aller voter. La réunion n’a pas repris parce qu’elle n’a jamais été convoquée. Vous n’avez jamais dit officiellement quand elle allait se poursuivre.
Toujours dans ce même document, à la page 1098, on peut lire:
Les comités suspendent fréquemment leurs réunions pour diverses raisons avec l’intention de reprendre leurs travaux plus tard dans la journée. Les suspensions peuvent durer seulement quelques secondes, plusieurs heures, même s'étendre sur plus d'une journée, selon le cas, et une réunion peut être suspendue plus d'une fois. Le président du comité doit annoncer clairement la suspension afin que l’enregistrement cesse jusqu’à la reprise de la réunion. Les réunions sont suspendues, par exemple, pour permettre de passer du mode public au mode huis clos ou l'inverse, pour permettre aux témoins de prendre leur place ou de les entendre par vidéoconférence, pour mettre fin au désordre, pour régler un problème avec le système d’interprétation simultanée [et ainsi de suite].
Vous avez rappelé une réunion que je présidais en 2010 et je m’en souviens bien.
Le député a soulevé un point. Je maintiens toutefois que la séance a été levée parce que je n’ai pas pu obtenir le quorum pour reprendre la séance le même jour. À la suite de ce précédent, je déclare la séance levée.
Nous n’émettons jamais de nouveau un avis de convocation pour une réunion en cours. Vous êtes réunis aujourd’hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour un avis de convocation que vous avez tous reçu, moyennant un préavis suffisant pour poursuivre cette étude.
Je déclare que la séance précédente est levée et que nous sommes ici uniquement pour poursuivre avec nos témoins, qui ont répondu à notre demande de les entendre.
Bien sûr, il peut toujours y avoir une motion, pas sur un rappel au Règlement, mais lorsqu’un orateur a l’occasion de prendre la parole, il peut toujours proposer de modifier l’ordre du jour de la réunion. C’est votre droit. C’est une motion non sujette à débat. Cela peut se produire quand une personne a la parole, pas dans le cadre d’un rappel au Règlement.
Je suis Kathy Megyery. Je suis accompagnée d'Alexandre Gagnon et de Michel Cournoyer.
La Fédération des chambres de commerce du Québec, ou FCCQ, a été fondée en 1909. Elle est à la fois une fédération de chambres de commerce et une chambre de commerce provinciale. Grâce à son vaste réseau de près de 130 chambres de commerce et à ses 1 100 entreprises membres, la FCCQ représente plus de 50 000 entreprises exerçant leurs activités dans tous les secteurs de l'économie et sur l'ensemble du territoire québécois.
Tout d'abord, la FCCQ privilégie depuis de nombreuses années le rehaussement des niveaux d'immigration au Canada. Le contexte démographique du Canada — et c'est encore plus le cas au Québec — nous force à miser davantage sur une immigration forte et bien intégrée.
Notre population vieillit et quittera le marché du travail en masse au cours des prochaines années. Seulement au Québec, près de 30 % des travailleurs actuels seront en âge de prendre leur retraite dans les 10 prochaines années. Cette situation est inquiétante alors qu'il y avait, au troisième trimestre de 2018, plus de 118 000 postes inoccupés au Québec. Cette réalité nous pousse à innover et à changer nos manières de faire, et l'immigration doit faire partie de la solution.
La sélection de l'immigration économique permanente étant essentiellement faite par le Québec, nous ne vous parlerons pas nécessairement de celle-ci dans le peu de temps de parole qui nous est imparti, même si nous sommes tout à fait ouverts à vos questions sur le sujet. Nous vous parlerons donc spécifiquement d'immigration temporaire.
Le 20 juin 2014, le gouvernement fédéral réformait le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Les nouvelles dispositions visaient à limiter fortement le recours à des travailleurs étrangers temporaires, et elles ont porté leurs fruits. Au Canada, le nombre de travailleurs étrangers temporaires, hors agriculture et aidants familiaux, est passé de 800 000 en 2013 à seulement 29 000 en 2017. Alors que les besoins de nouvelle main-d'œuvre sont en forte augmentation, cette tendance est très inquiétante pour les employeurs. Au Québec, on compte environ 7 500 travailleurs étrangers temporaires et près de 120 000 postes vacants. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Les besoins de main-d'œuvre actuels ne se limitent pas à la main-d'œuvre qualifiée. Devant le manque de candidats, de nombreux employeurs des secteurs du service et du manufacturier doivent faire appel à des travailleurs temporaires étrangers pour pourvoir leurs postes vacants.
Malgré certains changements apportés à la suite du rapport du présent Comité, le Programme ne représente guère un véhicule pour pourvoir facilement les postes vacants. Nous recommandons donc des changements substantiels au Programme.
Le fardeau administratif pour les demandeurs est exigeant et coûteux. Nous recommandons que les frais soient largement remboursés lorsque la demande est rejetée. De plus, nous appelons à un processus d'examen plus rationnel des demandes, afin d'éviter des rejets à cause de points mineurs et d'erreurs administratives. Le délai de traitement des demandes devrait être fortement réduit et plus prévisible.
Le Volet des talents mondiaux devrait être élargi, puisqu'il permet de combler les besoins de certains secteurs particuliers. Nous le répétons, il faut réduire le temps de traitement, notamment en ce qui concerne les études d'impact sur le marché de travail.
La reconnaissance des pénuries locales pour les travailleurs à bas salaire est actuellement trop restrictive. Les régions de référence sont parfois très étendues géographiquement, et il est utopique de penser que quelqu'un va se déplacer à plus de 50 kilomètres pour occuper un emploi à bas salaire.
Nous avons évidemment de nombreuses autres recommandations, notamment quant à l'utilisation de la Classification nationale des professions, les méthodes d'inspection et le nécessaire élargissement de la liste des professions aux fins du traitement simplifié des professions semi-spécialisées et peu spécialisées.
Nous voulons toutefois attirer votre attention sur la grande nécessité d'abolir le taux limite de travailleurs étrangers temporaires au sein d'une organisation alors que les besoins de main-d'œuvre sont, et resteront, à des niveaux records.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Au nom du Board of Trade, la chambre de commerce de la région de Toronto, je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître devant le Comité.
La chambre de commerce, qui compte 13 500 membres, représente le milieu des affaires de la région de Toronto. Elle est l'une des plus grandes chambres de commerce en Amérique du Nord.
En plus de notre travail influent en matière de politiques et de nos activités sur le podium, nous avons une division active de services commerciaux, appelée World Trade Centre Toronto. Elle offre des programmes d’accélération du commerce et d’activation du marché aux petites et moyennes entreprises afin qu’elles puissent prendre de l’expansion à l’échelle internationale.
Nous sommes en train de concevoir un programme de mise à l'échelle pour permettre aux petites et moyennes entreprises d'atteindre leur plein potentiel au pays et à l’étranger.
Les entreprises à revenu brut élevé contribuent de façon importante à l’économie canadienne. Récemment, la chambre de commerce a inauguré l'Institut de plan économique, ou l'IPE, que je dirige. L’IPE est chargé de créer une base de recherche et de données probantes pour éclairer un plan quinquennal prospectif et continu qui stimulera le développement économique régional et les investissements dans les infrastructures stratégiques du corridor d’innovation du Canada, une région qui s’étend de Waterloo et Guelph à la région du Grand Toronto et de Hamilton.
Dans le cadre de ses travaux, l’IPE abordera certaines des questions relatives à l’effectif que le Comité étudie actuellement. Nous savons que votre comité se concentre sur la migration dans l'optique de l’offre de main-d’oeuvre. Le dossier des talents est un volet clé du travail de la chambre de commerce qui a examiné la question en tenant compte de la demande et en particulier de l'écart de compétences qui peut nuire au maintien de la compétitivité de la région.
Nous entendons souvent parler d’un écart de compétences et d’un déséquilibre des compétences chez presque tous nos membres et dans tous les secteurs. Aujourd’hui, je vais expliquer au Comité les lacunes en matière de compétences dans les métiers en soulignant les conclusions de la récente étude sur le marché du travail menée par la chambre de commerce et de la dernière étude de ConstruForce Canada. Enfin, je vais me tourner vers certaines tendances qui auront une incidence sur toutes les professions et qu'il faudra surveiller.
Il y a un peu plus de deux ans, la chambre de commerce a publié un rapport largement cité intitulé Building Infrastructure, Building Talent. Le rapport concluait qu’il y aurait 147 000 possibilités d’emploi dans les secteurs de la construction et du commerce dans la région de Toronto au cours des 15 prochaines années, jusqu’en 2031, ce que le rapport a qualifié d'une génération d’emplois. Il s'agit d'emplois bien rémunérés.
La catégorie la plus populaire est celle des travailleurs de la construction, qui ont besoin d’une formation professionnelle minimale, mais dont le salaire médian est presque le double du salaire minimum. Parmi les autres catégories en demande, il y a les métiers plus spécialisés et à plus grandes responsabilités comme les charpentiers-menuisiers, les électriciens et les directeurs de chantier.
Il y a deux raisons à cet écart. La première, c'est le nombre incroyable de grands projets d’infrastructure dans la région, allant de la remise à neuf de la centrale nucléaire de Darlington, d’une valeur de 11 milliards de dollars, à la construction de la ligne de train léger sur rail Eglinton, d’une valeur de 5,3 milliards de dollars.
La deuxième, c'est l’évolution démographique, comme mes collègues du Québec l’ont souligné, notamment le vieillissement de la population. À mesure que la population vieillit et que les travailleurs de la construction prennent leur retraite, il y a moins de jeunes pour les remplacer et certains d’entre eux sont moins enclins à se joindre au secteur que leurs parents ne l’étaient il y a une génération.
En fin de compte, les grands projets d’infrastructure pour soutenir la croissance incroyable de la région de Toronto se poursuivront et laisseront des lacunes à tous les niveaux de compétence dans les métiers, lacunes qu'il faudra combler que ce soit par des gens de partout au Canada ou de l’extérieur du Canada. Comme notre présidente, Jan De Silva, l’a laissé entendre dans l’introduction de notre étude, pour construire l’infrastructure de demain, nous devons construire une réserve de talents dès aujourd’hui.
Ces tendances sont reprises dans les rapports publiés récemment par ConstruForce Canada sur l’avenir de la construction et de l’entretien au cours de la prochaine décennie et couvrant l’ensemble du Canada.
Bien que les perspectives de la demande varient d’une province à l’autre, étant donné que la demande diminue dans certaines régions du pays, on s’attend à ce que la demande élevée se poursuive en Ontario et qu’elle monte en flèche en Colombie-Britannique. Même avec un certain ralentissement, l’industrie devra recruter, former et employer environ 300 000 nouveaux travailleurs au Canada au cours des 10 prochaines années, surtout compte tenu des 260 000 départs à la retraite prévus.
En ce qui concerne la solution au manque à gagner, ConstruForce Canada se tourne vers les groupes depuis toujours sous-représentés, comme les femmes, les Autochtones et les néo-Canadiens, d’autant plus que les immigrants ne représentent que 18 % de la main-d’oeuvre du secteur de la construction au pays.
Je vais maintenant parler brièvement d’une autre tendance que surveilleront la Chambre de commerce et plus particulièrement l’Institut de plan économique qui devrait intéresser le Comité.
Ces dernières années, les chercheurs se sont surtout intéressés aux compétences requises pour faire face à la brusque transition qui s'opère au sein de l'économie mondiale. La mondialisation et l'innovation technologique sont les deux principaux moteurs de la restructuration économique. Leurs répercussions se font sentir sur les chaînes d'approvisionnement mondiales des entreprises. De nombreux observateurs parlent d'une transition d'une économie manufacturière à une économie du savoir et des services, mais ce n'est là que la pointe de l'iceberg.
La recherche récente donne une version plus nuancée selon laquelle l'impact de la numérisation et de l'automatisation est plus généralisé et touche la totalité des emplois et des compétences. Les résultats risquent de perturber l'économie régionale, à en juger par la perte de plus de 130 000 emplois manufacturiers dans la région de Toronto au cours la dernière décennie. Mais tout n'est pas noir.
Autant il y a eu des pertes, autant il y a eu des gains d'emplois. En fait, plus de 100 000 emplois axés sur le savoir ont été créés dans la région au cours de la même décennie. L'économie du savoir et des services connaîtra toutefois des pertes d'emplois en raison de l'automatisation. C'est la réalité de la nouvelle économie d'aujourd'hui. Une étude menée en 2017 par la Brookings Institution aux États-Unis indique que la numérisation a eu des répercussions sur près de 90 % de la main-d'oeuvre américaine entre 2002 et 2016.
Aujourd'hui, de plus en plus d'emplois requièrent des connaissances numériques avancées. Selon une récente étude du groupe de réflexion canadien, le Brookfield Institute, près de 200 000 emplois ont été créés à la grandeur du Canada entre 2006 et 2016 dans le secteur des technologies, ce qui touche au total près d'un million de travailleurs. Le rapport démontre que les travailleurs de la technologie sont omniprésents dans la totalité des secteurs et des professions.
Le programme de travail de l'Institut de plan économique nous permet de mieux comprendre les évaluations historiques, actuelles et futures de la population, la dynamique de l'industrie et de l'emploi et, surtout, les moteurs économiques du changement. En terminant, nous espérons que le travail de la Chambre de commerce de Toronto et de l'IPE favorisera la compétitivité et la prospérité de la région et du Canada.
Au nom du Toronto Region Board of Trade, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de contribuer aux travaux du Comité.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.
[Traduction]
Nous ferons notre exposé en français et en anglais.
[Français]
Je m'appelle Marc Audet. Je suis le président et chef de la direction d'AURAY Sourcing et d'AURAY Capital, deux filiales de Raymond Chabot Grant Thornton, la principale firme de services comptables au Québec et membre de Grant Thornton International, qui compte parmi les plus grands groupes d'audit au monde. Raymond Chabot Grant Thornton Canada offre des services à plus de 100 000 clients d'affaires partout au Canada.
Je suis ici avec mon collègue Philip Mooney, vice-président chez AURAY Sourcing, pour vous parler de la pénurie de main-d'œuvre et des mesures que nous préconisons afin de simplifier le recrutement de travailleurs étranges temporaires.
En appui à notre intervention, nous vous avons remis un mémoire plus détaillé ainsi que des diapositives illustrant certains de nos propos.
Durant la dernière année, dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre, la plupart des entreprises avec lesquelles nous faisons affaire ont eu beaucoup de difficulté à trouver des travailleurs pour se développer ou même pour survivre. Notre firme, AURAY Sourcing, a justement été mise en place pour offrir aux employeurs un soutien fiable combiné à une expertise en immigration et en recrutement international, et ainsi les aider à recruter des travailleurs étrangers temporaires.
Comme vous le savez tous, le Canada a atteint son plus bas taux de chômage en 43 ans. Pour la première fois, un très grand nombre d'employeurs éprouvent présentement de la difficulté à embaucher des travailleurs qualifiés et non qualifiés, et ce, dans toutes les provinces canadiennes. Pour les employeurs du Québec, c'est une première, alors que pour les entreprises de l'Ontario et de l'Ouest canadien, c'est une situation de déjà vu. Contrairement à auparavant, le Québec n'est plus considéré comme une source de travailleurs disponibles; il cherche aussi des travailleurs.
Le manque de main-d'œuvre est donc la première préoccupation pour la plupart des entreprises canadiennes. Un récent sondage de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes confirmait que la pénurie de main-d'œuvre a fait perdre des ventes à 40 % des répondants et que 42 % avaient arrêté leurs projets d'investissement. Pourtant, le recrutement de travailleurs étrangers temporaires continue d'être un processus lourd, compte tenu, notamment, de la concurrence internationale, des longs délais de traitement et de l'inconsistance des décisions.
Même avec la meilleure expertise, l'ensemble du processus d'embauche peut prendre huit mois ou plus, ce qui est trop long pour la plupart des employeurs et rend la planification presque impossible. Quelques entreprises sont même obligées de déplacer leur production à l'extérieur du Canada et d'autres risquent de déclarer faillite en raison de ce problème et des délais de traitement.
Le processus d'étude d'impact sur le marché du travail, ou EIM, a été mis en place pour protéger les emplois canadiens, mais présentement ce processus coûte des emplois au Canada en raison des retards. Le même phénomène est observé pour le processus relatif aux permis de travail.
Nous aimerions donc proposer quatre mesures, dont trois permettront de réduire considérablement le temps nécessaire pour accueillir des travailleurs étrangers et une touchera l'accès à la résidence permanente.
[Traduction]
J'invite maintenant mon collègue Phil à vous présenter nos recommandations.
Merci.
Certaines de nos recommandations sont très précises et détaillées et d'autres, de nature plus générale.
Premièrement, nous demandons que les employeurs du Québec soient exemptés de l'obligation de fournir les noms des travailleurs tant que leur EIMT n'aura pas été approuvée, comme cela se fait dans toutes les autres provinces. Au Québec, les employeurs sont tenus de fournir le nom du travailleur étranger temporaire en même temps que leur demande d'EIMT, même si celle-ci n'a rien à voir avec le travailleur en question, parce qu'ils doivent déposer parallèlement une demande de certificat de sélection auprès du ministère provincial de l'Immigration.
Cela veut dire qu'ils ne peuvent demander une EIMT avant d'avoir clairement identifié et recruté le travailleur. Ils ne peuvent recruter en parallèle, ils doivent procéder étape par étape. Compte tenu du délai que cette démarche exige, elle peut dépasser huit mois, comme l'a dit Marc, compte tenu également de la nature très compétitive de l'industrie du recrutement international, de nombreux travailleurs spécialisés, notamment des soudeurs, des machinistes et des informaticiens, finissent par accepter un autre emploi au lieu d'attendre. Les employeurs perdent donc non seulement le travailleur, mais aussi le temps consacré à le trouver et les 1 000 $ qu'ils ont versés à EDSC. Ils ne peuvent le remplacer par d'autres candidats.
Deuxièmement, nous recommandons de modifier le processus d'EIMT à l'égard de la plupart des professions et de mettre l'accent sur le programme de conformité, et non sur le processus d'approbation de l'emploi. En vertu de la loi, le but de l'EIMT est de protéger les emplois canadiens. Nous ne disons pas qu'il faut modifier la loi, même si certains souhaitent carrément la suppression du processus d'EIMT. En fait, grâce à son rigoureux programme de conformité, l'EIMT est un excellent outil qui permet de protéger les travailleurs vulnérables contre des employeurs peu scrupuleux qui essaient de réduire leurs coûts en sous-payant les travailleurs étrangers. Nous ne voulons pas perdre cet outil.
EDSC semble déjà reconnaître la pénurie de main-d'oeuvre, puisque de nombreuses professions recherchées sont désormais exemptées de satisfaire aux exigences d'affichage, une démarche coûteuse qui exige au moins un mois. Comment se fait-il, alors, que l'employeur soit tenu de remplir 10 pages de renseignements inutiles et d'attendre que l'information soit examinée par un agent qui peut rejeter la demande pour une simple erreur d'inscription? En pleine période de pénurie de main-d'oeuvre, pourquoi une entreprise déjà approuvée doit-elle justifier l'embauche de travailleurs étrangers temporaires dont elle a besoin pour étendre ses activités? Pourquoi les employeurs oeuvrant au sein du même secteur et dans la même région, et parfois dans la même rue, doivent-ils justifier séparément leurs besoins? Ils devraient seulement être tenus de s'inscrire au programme de conformité.
Il existe un précédent en matière de simplification. Le précurseur de l'EIMT, le processus d'avis relatif au marché du travail, ou AMT, a été modifié pour répondre aux besoins des employeurs de l'Ouest canadien lorsque les délais de traitement atteignaient un an. Les processus d'AMT d'urgence et d'AMT accéléré ont permis de simplifier le système afin que les entreprises puissent faire venir beaucoup plus rapidement les travailleurs dont elles avaient un urgent besoin.
Il s'agit là d'une solution à court terme qui pourrait être appliquée immédiatement et à faible coût; à moyen terme, EDSC pourrait s'associer à des groupes de développement économique locaux, comme il l'a fait dans le cadre de la Stratégie en matière de compétences mondiales, pour exempter certains employeurs, ceux qui en ont besoin, de l'obligation de prouver qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre, en les autorisant à utiliser le processus simplifié. Les partenaires pourraient même s'occuper d'une partie des démarches administratives durant les périodes où la demande est forte ou urgente.
Notre troisième recommandation concerne le traitement des demandes de permis de travail aux bureaux des visas d'IRCC. Dans le cadre du Volet des talents mondiaux, IRCC traite les demandes de permis de travail en 14 jours, tandis qu'aux bureaux des visas, les délais sont actuellement de deux à 39 semaines. Nous recommandons que les demandes de permis de travail présentées par tous les employeurs dont l'EIMT a été approuvée soient traitées dans le délai normal de 14 jours.
Certains bureaux de visa respectent déjà cette norme de 14 jours. Ce n'est pas le processus en soi qui pose problème. C'est plutôt le processus décisionnel à chaque bureau. Il faut comprendre pourquoi le délai de traitement est de 39 semaines dans certains bureaux. Il serait possible d'accélérer grandement le processus si on révisait les directives données aux agents d'immigration et si on ordonnait à ces derniers d'examiner les demandes seulement du point de vue de la sécurité et de la santé, et, dans le cas de travailleurs hautement qualifiés, de vérifier si les candidats ont la capacité d'effectuer le travail.
Nous recommandons également que IRCC mette en place un groupe de travail composé de professionnels en matière d'immigration et de gestionnaires ministériels, qui aurait comme mandat de simplifier le processus autant que possible, de détecter les obstacles et de les supprimer.
Enfin, comme solution à plus long terme, nous recommandons l'utilisation d'une autre méthode d'évaluation des compétences linguistiques, afin de permettre aux travailleurs étrangers temporaires d'obtenir leur résidence permanente, reconnaissant ainsi que le fait de travailler au Canada pendant des années est une preuve qu'ils ont réussi à s'établir. Ce serait là une solution à long terme aux pénuries de main-d'oeuvre que nous connaissons actuellement.
Le fait de s'être trouvé un emploi au Canada est le facteur le plus important à prendre en compte pour déterminer si un immigrant réussira à s'établir; pourtant, de nombreux travailleurs temporaires ne réussissent pas à obtenir leur résidence permanente à cause de la méthode d'évaluation des compétences linguistiques actuellement utilisée.
Tout le monde sait combien il est important d'avoir une connaissance du français ou de l'anglais pour réussir à s'établir; nous nous interrogeons cependant sur la pertinence des tests actuellement utilisés pour évaluer les travailleurs qualifiés. Par exemple, les tests linguistiques comme l'IELTS, pour l'anglais, ou le TEF, pour le français, ne sont pas toujours les meilleurs outils pour déterminer si des soudeurs qui ont vécu trois ans au Canada avec leurs familles peuvent s'établir ici. Ils ont déjà démontré qu'ils pouvaient le faire.
En vertu de l'actuelle norme linguistique, le titulaire d'un doctorat de 29 ans exerçant une nébuleuse profession, sans aucune perspective d'emploi dans son domaine au Canada, peut obtenir le statut de résident permanent, mais un maître-technicien de 29 ans qui gagne 150 000$ par année et qui travaille au Canada depuis trois ans verra sa candidature rejetée, pour la simple raison qu'il a de la difficulté à rédiger un texte en anglais.
Avant l'adoption de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, un agent faisait passer des entrevues pour évaluer les compétences linguistiques, mais cette pratique a été abandonnée parce que les décisions étaient inconsistantes et que les entrevues exigeaient trop de temps. Au début, les tests linguistiques étaient facultatifs, mais ils sont rapidement devenus obligatoires pour la plupart des travailleurs qualifiés. Cependant, les niveaux de compétences que les travailleurs qualifiés doivent atteindre ont été fixés arbitrairement par le ministère, en fonction d'aucun autre facteur que l'uniformité et la réduction des éventuelles poursuites judiciaires de la part de personnes se disant victimes d'une injustice.
Tout en reconnaissant l'importance de savoir communiquer en français ou en anglais pour s'établir au Canada, nous proposons un ajustement du niveau et des compétences requises afin qu'il soit plus facile d'évaluer la capacité d'intégration d'un travailleur et, surtout, de prendre en compte le temps qu'il a passé à travailler au Canada. Il ne s'agit pas de remplacer les tests linguistiques, mais d'y ajouter des niveaux plus appropriés.
Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
:
C’est une très bonne question.
Il faut tenir compte du fait, je pense, que la période d'adaptation à l'arrivée au Canada est assez importante pour n’importe qui. Si vous avez déjà déménagé à l'intérieur du pays, vous savez qu’un simple déménagement d'un endroit à un autre exige toute une réadaptation.
Lorsqu’on s’installe dans un tout nouveau pays, il y a beaucoup de choses auxquelles il faut s’adapter. On dit que si le processus de permis de travail permet de s’acclimater au Canada et de s’y établir, vous pouvez ensuite obtenir la résidence permanente si vous le désirez. C’est en fait une façon d’assurer plus facilement une meilleure intégration à long terme.
La difficulté de faire venir des gens pour qu’ils obtiennent la résidence permanente tout de suite, plutôt qu’avec un permis de travail... Qu’arrive-t-il s’ils n’ont pas d’emploi? Nous avons vécu tout cela au début des années 2000, alors que plus de la moitié des gens qui recouraient aux banques alimentaires avaient un diplôme et pouvaient très bien parler l’anglais ou le français. Ils avaient quand même besoin de la banque alimentaire parce qu’il n’y avait pas d’emploi pour eux à leur arrivée au Canada. J’aime le processus en deux étapes, vu ce dont j'ai été témoin avec un certain nombre d’immigrants.
Par contre, il y a certaines personnes qui pourraient venir au Canada immédiatement en tant que résidents permanents. Je suis d’accord sur ce point. Maintenant, la seule question est... Nous avons déjà trois ou quatre de ces programmes; le seul problème, ce sont les délais de traitement.
:
Je vous remercie. C’est une idée intéressante.
Je viens d’une famille d’immigrants. Ma famille a immigré ici et s’est tout de suite enracinée. Nous nous sommes établis et nous nous sommes intégrés dans notre collectivité, comme c’est le cas de nombreux immigrants.
Si l’idée est que les gens ont besoin d'un certain temps pour s’intégrer, n’est-ce pas alors le rôle des pouvoirs publics de s’assurer que les services de réinstallation sont en place pour qu’ils puissent s’intégrer?
Le problème avec une approche temporaire, bien sûr, c’est qu’elle est toujours temporaire. Prenez, par exemple, le scénario des aidants naturels. En fait, nous nous sommes lancés dans un processus où nous avons brisé des familles, et les gens attendent éternellement d’être réunis avec leurs proches pour obtenir leur résidence permanente. Pour prendre un autre exemple, il y a des travailleurs qui viennent ici de façon temporaire, année après année, pendant 20 ans, mais seulement à titre temporaire.
Ne devrions-nous pas alors réfléchir à la façon dont nous pouvons nous lancer dans ce processus pour donner au programme un caractère permanent afin de disposer des moyens d'assurer la réussite de ces travailleurs, au Canada? Je dis cela parce que je pense que c’est un élément important dans cette perspective.
Je m’adresse maintenant aux témoins qui comparaissent par vidéoconférence. Je pense qu’il y a un discours différent en ce moment au Québec en ce qui concerne cette question, et M. Ayoub l’a d’ailleurs mentionné. Je me tourne vers vous pour savoir ce que le gouvernement fédéral pourrait ou devrait faire pour travailler en collaboration avec notre homologue du Québec à cet égard, afin que les besoins du Québec soient satisfaits, tant sur le plan de la réinstallation que sur celui de la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée.
:
Je m’appelle Mark Lewis. J’ai le grand privilège d’être l’avocat-conseil du Carpenters' District Council of Ontario et de la United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America.
Nous sommes un syndicat. Nous représentons les 16 sections locales du syndicat des charpentiers de l’Ontario. À l’heure actuelle, il y a environ 25 000 hommes et femmes qualifiés dans l’ensemble de la province qui travaillent dans tous les métiers de la menuiserie. Nos membres travaillent principalement dans les secteurs industriel, commercial et institutionnel de l’industrie de la construction, bien qu’ils travaillent aussi dans d’autres secteurs.
Ce que je veux dire a probablement déjà été dit par les intervenants qui m’ont précédé. Je ne saurais trop insister sur le fait que notre syndicat, du point de vue des travailleurs, fait écho aux commentaires formulés par les chambres de commerce au sujet de la pénurie de travailleurs qualifiés.
Je peux parler de façon générale de l’industrie de la construction, mais pour le moment, je vais surtout parler des métiers de la menuiserie. Nous avons atteint des niveaux records d’emploi pour nos membres dans toute la province de l’Ontario; on a actuellement beaucoup de difficulté, dans certaines régions de la province, à trouver la main-d’oeuvre nécessaire pour occuper les emplois. Comme on l’avait prédit, la situation va empirer. Il peut être assez difficile de prévoir le nombre d’emplois à court terme dans l’industrie de la construction. Cela peut dépendre des tribunaux, de même que des questions d'urbanisme, de la météo et du financement, mais nous connaissons les tendances à moyen et long terme.
Le témoin qui m’a précédé, de la Chambre de commerce de Toronto, a parlé des enquêtes sur la main-d’oeuvre de ConstruForce Canada. Je recommande à tous les membres du Comité de lire les résultats de l'enquête nationale et de celle de l’Ontario. Si vous ne l’avez pas, faites-le-moi savoir, et nous vous les ferons parvenir. L’emploi dans notre secteur de la construction devrait augmenter de 7,5 % au cours des 2 prochaines années et de 2,5 % au cours des 7 années suivantes. Si vous conjuguez cela avec les données démographiques précises et générales, nous avons un vrai problème.
De toute évidence, la population du Canada vieillit. Le nombre de recrues potentielles provenant de sources canadiennes pour notre industrie — nous sommes en concurrence avec toutes les industries — diminue. Dans le secteur de la construction, nous n’avons généralement pas le luxe ou la possibilité de recourir aux travailleurs âgés, en raison de la nature extrêmement physique de l’emploi.
Dans nos sections locales de la province — et cela met l’accent sur la formation universitaire et les changements en matière d’immigration qui se sont produits au cours des 25 dernières années —, nos membres vieillissent, comme dans tous les métiers de la province. On ne peut pas savoir exactement quand ils prendront leur retraite, parce que cela dépend du nombre d’heures de travail, plus leur âge, mais d’ici 2030, 40 % des membres de nos syndicats en Ontario pourraient peut-être prendre leur retraite. J’espère que non, mais d’après les tendances, environ 25 % des membres du syndicat des charpentiers de la province prendront leur retraite d’ici 2030.
Nous sommes la principale source d’apprentissage en charpenterie en Ontario et nous formons le plus grand nombre possible de jeunes Canadiens. Je ne voudrais pas qu’un seul membre du Comité ait l’impression que nous ne recrutons pas. Nous cherchons de la main d'oeuvre partout. Tous nos syndicats locaux ont des relations avec les conseils scolaires locaux pour essayer d’attirer les gens dans les métiers de la construction. Nous avons des relations avec les Forces armées canadiennes pour essayer d’aider les anciens combattants qui font la transition à la vie civile. Par l’entremise de nos entrepreneurs, dont certains ont des liens avec des établissements d’incarcération provinciaux et fédéraux, nous essayons de voir s’il y a des gens qui ont peut-être commis une erreur à un moment ou à un autre de leur vie, mais qui ont montré un certain talent pour la menuiserie pendant leur détention et qui pourraient vouloir poursuivre dans cette voie.
Évidemment, on se rend compte que l’industrie de la construction, dans le passé, a exclu certains groupes ou n’a pas fait beaucoup d'efforts pour recruter certains groupes. À l’heure actuelle, nous mettons vraiment l’accent sur l’intégration des jeunes femmes dans les métiers. Bien qu’il s’agisse d’un travail physique, il est devenu moins astreignant. Il y a des aspects de la menuiserie qui pourraient particulièrement intéresser les femmes, et nous essayons d’en recruter davantage, ainsi que des Autochtones, toutes les personnes que nous pouvons trouver.
Toutefois, il n’y aura pas assez de charpentiers qualifiés provenant de sources nationales dans 10 à 15 ans pour répondre aux besoins. Il nous faut de trois ans et demi à six ans pour former un charpentier qualifié, qui atteindra son meilleur niveau cinq ans après avoir terminé son apprentissage, d’après ce que nous voyons chez nos travailleurs. C’est long.
Nous avons besoin de travailleurs étrangers. Traditionnellement, pendant la majeure partie du XXe siècle, une grande partie de la main-d’oeuvre qualifiée du Canada provenait de l’étranger. Cela n'a plus cours, mais nous devons essayer de recommencer.
Il y a des problèmes particuliers dans l’industrie de la construction qui font que nous sommes un cas difficile pour le système d’immigration. Je ne peux pas vous dire quel employeur aura un emploi pour tel type de travailleur dans deux ans, parce que je ne sais pas quelle entreprise de construction va obtenir le prochain contrat pour un chantier. Toutefois, dans notre industrie, nous savons que nous avons besoin de travailleurs. Notre industrie peut le prédire, avec ses partenaires des associations d’employeurs.
Au lieu d’une immigration d’employeur à employé, nous aimerions qu’on envisage une approche plus large, axée sur l’industrie, selon laquelle les associations de l’industrie et les syndicats concernés recruteraient la main-d’oeuvre. De cette façon, tous les employeurs peuvent être utilisés, selon l'entreprise qui obtient les contrats. Si c'est avec la participation des syndicats, nous pouvons nous prémunir contre certains des problèmes que les gens ont soulevés au sujet des travailleurs moins qualifiés.
Nous vous demandons de reconnaître l’importance de l’éducation par l’expérience, par opposition à l’éducation formelle dispensée par les établissements d’enseignement supérieur. L’apprentissage est utile et contribue à l’édification de notre pays.
Enfin, en prévision de certaines des questions qui pourraient être posées, si l’on pouvait faire quelque chose pour réduire, pour nos travailleurs, au moins les parties de l’examen de langue qui portent sur la lecture et l’écriture, nous en serions très heureux. Nous avons des gens qui travaillent à Toronto depuis deux, trois ou quatre ans. Ils gagnent 150 000 $ par année. Ils n’ont aucune chance de réussir le test de lecture et d’écriture, mais ils sont vraiment bons pour construire votre métro et vos bureaux. Vous voyez le travail de nos membres sur l’échafaudage autour de cet immeuble.
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Merci, monsieur le président.
Au nom des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce du Canada, je tiens à vous remercier. Je suis heureux d’avoir l’occasion de comparaître devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration.
Je m’appelle Santiago Escobar et je suis représentant national des TUAC et travailleur de première ligne auprès des travailleurs migrants. TUAC Canada est la principale organisation de travailleurs des secteurs de la vente au détail, de la transformation des aliments, de l’hôtellerie et des soins de santé, ainsi que de nombreux autres secteurs de l’économie. Nous sommes l’un des plus grands syndicats du Canada, et nous sommes fiers et privilégiés de représenter plus d’un quart de million de travailleurs canadiens. Un bon nombre de nos membres sont des migrants qui travaillent au Canada à titre de résidents permanents ou de travailleurs étrangers temporaires. J’étais moi-même un travailleur étranger et je viens d’obtenir ma résidence permanente.
En ce qui concerne les pratiques exemplaires concernant les travailleurs migrants depuis 2002, notre syndicat, en collaboration avec l’Alliance des travailleurs agricoles — qui est notre bannière, la bannière des TUAC pour les travailleurs agricoles — a traité plus de 60 000 dossiers portant sur un large éventail de questions touchant l’immigration, y compris la traite de personnes, la réglementation en milieu de travail, les avantages sociaux et l’indemnisation des accidentés du travail. Notre association compte environ 13 000 travailleurs agricoles migrants. Tous les services sont fournis gratuitement dans la langue des travailleurs.
L’an dernier, nous avons organisé des consultations en personne entre les travailleurs migrants et les hauts fonctionnaires fédéraux en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique dans le cadre des consultations auprès des travailleurs étrangers temporaires en agriculture. En mars de cette année, notre centre de soutien de Leamington, en Ontario, tiendra une consultation réunissant des hauts fonctionnaires fédéraux et des travailleurs migrants sur la façon de mettre en oeuvre des permis de travail ouverts pour les travailleurs migrants vulnérables. Nous nous réjouissons que le gouvernement fédéral ait reconnu que les travailleurs migrants sont victimes d’abus. Nous pensons que cet outil aidera certainement les travailleurs migrants à quitter des employeurs abusifs.
Il est également important de mentionner qu’en août 2018, des travailleurs migrants d’Amérique centrale nous ont contactés, car on les avait recrutés dans des fermes du Sud de l’Ontario avec de fausses promesses. Ils ont été exploités pendant plus d’un an dans des conditions de logement inhumaines. Nous avons aidé ces travailleurs en leur offrant une approche holistique pour naviguer dans le système, et nous avons pu leur obtenir, en tant que victimes de la traite de personnes, des permis de séjour temporaire, appelés PST, un processus très long et compliqué. La Couronne et la PPO enquêtent actuellement sur cette affaire.
Nous avons des recommandations pour améliorer le bien-être des travailleurs étrangers temporaires. Nous croyons qu’aujourd’hui plus que jamais, grâce à une solide collaboration avec le gouvernement fédéral, nous pouvons améliorer le bien-être des travailleurs migrants et prévenir l’exploitation de la main-d’oeuvre et la traite de personnes dans les communautés de migrants.
Un élément clé de la solution est de dispenser une formation aux travailleurs migrants pour leur donner plus de pouvoir. Nous suggérons que le gouvernement s’associe aux TUAC Canada et à l’AWA pour aider les travailleurs migrants à mieux connaître leurs droits et les moyens de maintenir un milieu de travail sain et sécuritaire, exempt d'abus. Nous sommes dans une position unique, contrairement à toute autre organisation au pays, pour remplir le mandat du gouvernement qui consiste à sensibiliser les travailleurs migrants à leurs droits et à les protéger contre les abus.
En tant qu’organisation nationale dotée de réseaux de soutien établis dans les provinces et territoires du pays, nous sommes prêts à faire participer le gouvernement à la sensibilisation aux droits, à la formation en santé et sécurité et aux dispositions relatives à la traite de personnes pour les travailleurs migrants.
J’ai quelques notes concernant la santé et la sécurité. Comparativement aux autres secteurs de l’économie, l’agriculture est une des industries les plus dangereuses et les plus mortelles au Canada. Il y a en moyenne 100 décès par année. Les conséquences économiques des blessures et des décès liés à l’agriculture sont également importantes. En 2004, les blessures liées à l’agriculture au Canada ont coûté 465 millions de dollars à l’économie.
De plus, la main-d'oeuvre agricole du Canada est largement composée de travailleurs migrants temporaires qui, pour plusieurs raisons, sont dans une situation particulièrement précaire. Par conséquent, ils sont beaucoup moins susceptibles que les résidents permanents ou les citoyens canadiens d'exercer les droits dont ils pourraient jouir en théorie en matière de santé, de sécurité ou de travail.
Nos membres nous ont dit qu'ils n'ont pas reçu de formation en santé et sécurité. Par conséquent, nous réclamons que cette formation soit obligatoire pour tous les travailleurs migrants, afin de prévenir les accidents au travail. Les travailleurs formés seront en mesure de déterminer les risques professionnels et d'informer les autres travailleurs sur la façon d'établir un milieu de travail sécuritaire.
Un tel modèle profiterait également aux employeurs en réduisant les coûts associés aux blessures, aux heures de travail perdues et aux décès au travail. Comme la formation et l'éducation en santé et sécurité au travail se sont révélées efficaces, nous croyons qu'un statut d'« employeur de confiance » est nécessaire. Afin d'encourager les employeurs à participer au programme, notre syndicat recommande que le gouvernement fédéral établisse un processus de certification d'« employeur de confiance », grâce auquel les employeurs qui participent à la formation en santé et sécurité seraient officiellement reconnus comme des employeurs de confiance par le gouvernement canadien. Les avantages associés à la désignation d'« employeur de confiance » pourraient comprendre l'assouplissement de certaines exigences du Programme des travailleurs étrangers temporaires, comme les études annuelles d'impact sur le marché du travail.
J'aimerais également souligner certaines choses concernant la lutte contre la traite de personnes. Les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce Canada et l'Alliance des travailleurs agricoles mettent en oeuvre une campagne de sensibilisation qui vise à offrir de la formation aux travailleurs migrants qui viennent au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. On veut ainsi prévenir l'exploitation de la main-d'oeuvre et la traite des personnes ainsi qu'y mettre fin, de même qu'aider les personnes qui survivent à de telles situations, grâce à une approche holistique, et faciliter l'accès aux recours juridiques.
Voilà qui conclut mes observations. Je tiens à vous remercier encore une fois de votre travail et de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous. Je vous remercie de nous accueillir.
Je m'appelle Véronique Proulx. Je suis présidente de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, qui fait partie de Canadian Manufacturers and Exporters.
Aujourd'hui, je vais m'exprimer en français pour présenter le mémoire,
[Traduction]
mais je serai heureuse de répondre à vos questions en anglais à la suite de cette présentation.
[Français]
Je suis accompagnée aujourd'hui d'Isabelle Limoges, directrice des Affaires publiques et gouvernementales. Nous cumulons à nous deux plus d'une vingtaine d'années d'expérience en accompagnement d'entreprises manufacturières dans leurs différents enjeux. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour présenter notre mémoire.
Notre présentation va porter sur notre point de vue sur l'offre et la demande de main-d'œuvre dans le cadre de la migration volontaire. Nous nous exprimerons uniquement sur ce point, et plus spécifiquement sur la situation au Québec. Je suis désolée, mais nous n'avons pas eu la chance de vous transmettre le mémoire compte tenu des délais, mais nous vous le ferons parvenir par la suite, individuellement au besoin.
Manufacturiers et Exportateurs du Québec représente 1 100 entreprises manufacturières partout au Québec, de toutes tailles et de tous secteurs d'activité, à l'image du tissu industriel du Québec.
Je vais remettre en contexte notre intervention. Le Québec compte plus de 23 000 entreprises manufacturières, et 1 000 d'entre elles emploient 100 personnes et plus. C'est un réseau de PME manufacturières au Québec. Ces entreprises emploient près de 500 000 employés.
Au Québec, le secteur manufacturier représente 89 % des exportations, ce qui ressemble à la situation dans le reste du Canada. Notre principal marché est également les États-Unis: 70 % de nos exportations y sont destinées.
Je vais parler de la transformation numérique des entreprises. On sait qu'au Québec et au Canada, on tarde à prendre le virage numérique. On devra le faire ultimement pour assurer la compétitivité du secteur manufacturier. Si je vous en parle, c'est parce que la transformation numérique du secteur manufacturier aura une incidence très directe sur les besoins et les compétences qui seront recherchées chez les travailleurs de demain.
Quels sont les besoins de main-d'œuvre dans le secteur manufacturier? La pénurie de main-d'œuvre a un impact très direct et très concret sur les entreprises manufacturières. Au troisième trimestre de 2018, on comptait 18 000 postes vacants. Sur ces 18 000 postes vacants, 60 % exigeaient d'avoir terminé la cinquième année du secondaire ou moins. Ce sont des postes peu spécialisés ou, dans le jargon de l'immigration, à bas salaire. Pour 40 % de ces postes, on exigeait un diplôme d'études collégiales ou plus avancées.
Quelle est l'incidence de la pénurie de main-d'œuvre au Québec? J'ai rencontré des entreprises qui refusent des contrats. Nous étions à Plessisville récemment. Une entreprise qui emploie 600 personnes dans le secteur manufacturier doit refuser des commandes, faute de main-d'œuvre. Pas plus tard qu'il y a deux semaines, à l'émission 24/60 de Radio-Canada, on présentait le cas de Rotobec, qui a choisi de s'implanter aux États-Unis parce qu'elle n'arrivait pas à trouver la main-d'œuvre nécessaire ici, au Québec. Non seulement elle investit ailleurs, mais elle le fait aussi au détriment de son usine québécoise et canadienne.
Encore une fois, la pénurie de main-d'œuvre a une incidence très concrète sur la compétitivité et la croissance du secteur manufacturier.
Chez Manufacturiers et Exportateurs du Québec, nous travaillons sur cinq pistes de solution avec nos membres pour remédier à cette pénurie.
Premièrement, il y a l'immigration. Pour nous, il est très clair que l'immigration est une solution pour pallier la pénurie de main-d'œuvre à court terme. On doit être capables d'accueillir davantage d'immigrants qui répondent aux besoins du marché du travail.
Il y a une deuxième piste de solution. À Montréal, il y a un bassin de travailleurs issus de l'immigration. Le taux de chômage est beaucoup plus élevé chez ceux qui sont arrivés au pays depuis moins de cinq ans. Il faut être capables de leur faire connaître les possibilités d'emploi qui existent en région, de faire le lien avec les employeurs et de les intégrer de façon durable dans les différentes régions du Québec.
La troisième piste de solution, et non la moindre, ce sont les femmes. Les femmes occupent 28 % des emplois dans le secteur manufacturier. Lorsqu'on exclut le secteur administratif ou le travail de bureau, on peut s'attendre à ce que ce taux soit encore plus faible. À l'échelle nationale, nous avons lancé l'initiative Women in Manufacturing, qui vise à attirer davantage de femmes dans le secteur manufacturier, notamment dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre. L'objectif est de passer, d'ici cinq ans, de 28 % à 33 % de femmes dans ce secteur.
Les jeunes sont la quatrième piste de solution qui mérite d'être explorée. Ils ont souvent boudé le secteur manufacturier et ils s'y connaissent peu ou pas. On aurait avantage à leur mieux faire connaître ce secteur.
Finalement, la cinquième solution, et non la moindre, a trait à l'automatisation et à la robotisation, qui permettraient certainement aux manufacturiers d'augmenter leur productivité et leur compétitivité, et de réduire les besoins pour des postes peu spécialisés. Cela permettrait aussi de créer davantage d'emplois à valeur ajoutée.
Après vous avoir parlé de ces cinq pistes de solution, nous répétons que l'immigration est ce qui permettra au secteur manufacturier de pallier la pénurie de main-d’œuvre. Bien sûr, il y a l'immigration temporaire et l'immigration permanente.
Compte tenu du temps de parole qui m'est accordé, je vais parler de l'immigration temporaire et du Programme des travailleurs étrangers temporaires, ou le PTET. Ce programme permet de pourvoir les 18 000 postes vacants, notamment les 60 % d'entre eux qui sont spécialisés. Le PTET permet de pallier une pénurie de main-d’œuvre et d'atteindre le plein emploi. Il permet aussi à des entreprises qui ont des besoins saisonniers d'avoir accès à la main-d’œuvre dont elles ont besoin.
Dans un contexte de plein emploi, un employé ne choisira pas un contrat saisonnier de quatre ou de six mois. Il choisira d'occuper un emploi permanent, ce qui est très normal. Une entreprise qui a accès à un gros contrat aura besoin d'un certain nombre d'employés pendant un an, mais, en contexte de plein emploi, les gens ne vont pas choisir un emploi contractuel. Ils vont choisir un emploi permanent. Le PTET permet donc de répondre à ce besoin, particulièrement au Québec.
Le PTET est relativement complexe pour les employeurs. Il est lourd et compliqué, d'où les quatre recommandations suivantes.
Notre première recommandation est d'éliminer le seuil de 10 % de main-d’œuvre peu spécialisée à bas salaire par site. Je reprends l'exemple d'une entreprise qui a des besoins saisonniers. D'ailleurs, dans l'annexe du mémoire, vous trouverez plusieurs cas d'entreprises que nous avons documentés, sans nécessairement les nommer. Cette annexe vous donne les raisons concrètes pour lesquelles le PTET est utile à ces entreprises et vous indique les améliorations à apporter à ce programme. Une entreprise en période de haute saison peut avoir besoin de pourvoir 20 % de postes peu spécialisés à bas salaire. Or actuellement, le PTET limite ce taux à 10 %.
Notre deuxième recommandation est d'ajuster le mécanisme d'étude d'impact sur le marché du travail...
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J'allais justement en parler.
Ce n'est pas ce que nous demandons. Nous serions heureux d'y aller, tout comme les employeurs que nous représentons. Nous organiserions la formation de base nécessaire pour pouvoir travailler sur les chantiers en Ontario: le Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail, la santé et la sécurité, la prévention des chutes, le travail en hauteur, la formation sur l'accès aux espaces clos. Avec nos employeurs, nous pourrions le faire à l'étranger — en Irlande, au Portugal, dans certaines parties de l'Amérique du Sud, en Jamaïque pour les Caraïbes —, de sorte que si des travailleurs venaient, ils pourraient selon toute attente commencer à travailler sur un chantier dès le lendemain.
Ce que nous ne pouvons pas faire, cependant, ou ce que nous ne ferons pas — ce que les représentants des menuisiers ne feront pas —, c'est de vendre de faux espoirs. Nous ne dirons pas aux travailleurs de venir au Canada en leur laissant penser qu'il est réaliste pour eux d'obtenir la résidence permanente si ce n'est pas le cas.
Les Irlandais se trouvent dans une situation unique. Ils sont tout désignés pour ce genre de recrutement. Tout d'abord, ils suivent les programmes d'apprentissage City & Guilds qui sont reconnus dans tout le Commonwealth britannique. Ce sont des menuisiers merveilleusement bien formés, qui commencent habituellement à travailler à l'âge de 16 ans, comparativement à 26 ans, qui est l'âge moyen du début de l'apprentissage au Canada. Ils parlent anglais; ils lisent et écrivent en anglais. Ils sont les plus susceptibles de réussir, et c'est merveilleux, plus nous pourrons recruter d'Irlandais...
Je suppose que c'est une bonne nouvelle pour l'Irlande, mais une mauvaise pour le Canada. Leur économie se porte mieux qu'il y a 10 ans.