FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 26 septembre 2018
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bonjour à tous. Soyez les bienvenus à cette 107e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins. Nous allons donc les entendre, avant de devoir aborder certains travaux du Comité.
Souhaitons en outre la bienvenue à Daniel Blaikie, qui va siéger au Comité en remplacement d'Hélène Laverdière.
Nous allons, madame Dickson, commencer par vous. Mme Dickson est directrice exécutive de l'Arctic Athabaskan Council.
Madame Dickson, vous avez la parole.
Je vous remercie. Je voudrais commencer par vous dire quelques mots pour me présenter et expliquer comment l'AAC a vu le jour. Après cela j'exposerai en quoi consiste notre activité, ainsi que les liens que l'AAC entretient avec notre communauté et les diverses régions circumpolaires.
Je suis née dans une petite communauté du Nord du Yukon, où j'ai été élevée à Old Crow par mon grand-père, Lazarus Charlie. Cette localité demeure à ce jour isolée, car on ne peut y accéder que par voie aérienne.
J'ai grandi sans eau courante, et notre alimentation provenait essentiellement de la harde de caribous de la Porcupine. Nous en mangions matin, midi et soir, et les peaux nous servaient à façonner nos vêtements. Mon grand-père est né sur les terres, où il a vécu toute sa vie. Il a, pendant de nombreuses années, travaillé aux côtés d'archéologues, les aidant à comprendre Old Crow et la région environnante.
En 1999, j'ai commencé à travailler pour le Conseil de l'Arctique. J'ai été engagée pour collaborer, à Whitehorse, au Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. À ce titre, nous participions à certaines des réunions du Programme de contrôle et d'évaluation de l'Arctique, un des groupes de travail du Conseil de l'Arctique. C'est ainsi qu'ont débuté au Canada les activités de ce conseil.
Nous nous sommes, au fil des ans, attachés, dans le cadre de groupes de travail, à tisser des liens entre le Conseil de l'Arctique et les diverses communautés. Cela a été pour nous un long apprentissage. Si nos communautés sont plutôt réduites, elles doivent faire face à de nombreux problèmes.
Un des volets les plus enrichissants de notre activité concerne l'établissement de relations avec d'autres communautés circumpolaires qui font face aux mêmes types de problèmes, et qui ont un vécu somme toute semblable au nôtre. Elles nous font part de leurs projets et des résultats qu'elles obtiennent. Parfois elles nous servent d'exemples et nous restons en liaison avec certaines de leurs réalisations.
La RAIPON, établie à Moscou, est un des premiers membres permanents du Conseil de l'Arctique avec qui nous ayons pris contact. Plus de 30 peuples autochtones font partie de cette association des peuples autochtones du Nord.
À l'occasion d'un premier contact, nous avons été invités à participer à un de leur congrès, et avec plusieurs de nos dirigeants nous nous sommes rendus à Moscou. C'était, pour bon nombre d'entre eux, la première fois qu'ils se rendaient hors de leur région d'origine. C'est à cette occasion que nous avons pris conscience de l'importance des relations avec les autres communautés, et d'un effort conjoint dans le contexte des changements qui se produisent actuellement dans l'ensemble de la région. J'entends notamment par cela le changement climatique.
On constate une hausse de l'immigration en provenance des diverses régions du Canada et du reste du monde. De nouvelles espèces arrivent elles aussi dans nos régions. Tout semble s'accélérer et nous peinons à faire face à certains de ces changements.
Nous avons assez rapidement eu l'occasion de multiplier les échanges entre la RAIPON et les membres de l'Arctic Athabaskan Council. Nous avons notamment pu organiser des échanges entre chasseurs et éleveurs, en partie en raison de nos travaux menés dans le cadre de l'API, l'Année polaire internationale. Le caribou est en effet un des principaux problèmes auxquels se heurte la région. Nous souhaitions mieux comprendre les avantages et les inconvénients que l'élevage représente par rapport à la chasse.
Nous avons ainsi procédé à un échange d'informations, ce qui nous a donné une meilleure compréhension de ce qui se produit actuellement. Cela nous permettra peut-être de nous adapter à la baisse du nombre de caribous qu'entraînent les changements climatiques et le déplacement des voies de migration. Nous avons élargi aux autres communautés des régions circumpolaires nos efforts en vue d'une solution.
Les gens de notre région ont dans l'ensemble moins d'instruction qu'ailleurs, et nos anciens ont toujours mis l'accent sur l'importance de l'éducation et sur le besoin d'aller toujours de l'avant. Le nombre de personnes ayant fait des études a beaucoup augmenté, mais la situation demeure à cet égard insatisfaisante. En nous en tenant uniquement à la région circumpolaire, on constate, en Russie et dans les pays scandinaves, par exemple, chez les peuples autochtones, une plus forte proportion de personnes ayant fait des études.
Nous faisons partie de l'Université de l'Arctique, et nous nous attachons à développer les liens avec les enseignants, nos efforts en ce sens nous permettant d'acquérir, auprès des autres communautés de la région circumpolaire, de nouvelles connaissances sur les questions auxquelles s'intéresse le Conseil de l'Arctique.
Nous avons invité des gens de l'extérieur à venir nous parler de la Convention sur le droit de la mer. Bien que nos communautés ne soient pas situées sur la côte, nous pensons devoir à l'avenir participer plus largement aux études portant sur les questions maritimes afin de tenir notre population davantage au courant de ce qui se passe dans la région. C'est avec surprise que les habitants des petites communautés prennent connaissance des discussions qui ont lieu dans la région, et des décisions auxquelles elles aboutissent. Les occasions qui nous sont offertes sont somme toute assez réduites, mais nous savons que le changement climatique amène de grandes transformations, et c'est pour cela que nous contactons nos voisins de la région pour en discuter.
Un de nos membres, qui habite le Nord du Canada, a fait remarquer que, par rapport à certaines régions, les populations de la nôtre sont assez réduites. Comment réagirions-nous si une catastrophe côtière se produisait à proximité de ces petites communautés? Sommes-nous prêts à y faire face?
Nous avons participé à des exercices de recherche et de sauvetage, et nous nous sommes réunis avec d'autres communautés autochtones afin de réfléchir aux problèmes éventuels.
Rappelons que, dans ce contexte, il est très possible que d'autres pays s'intéressent à l'Arctique. Certains parlent en effet de « réfugiés climatiques ». J'ajoute qu'il y aurait, en outre, des substances illégales qui transitent par les eaux arctiques avant d'être déchargées sur notre territoire. Or, nos populations n'ont guère les moyens de faire face à des problèmes de cette ampleur. J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs réunions tenues à Halifax, l'une d'entre elles étant le Forum sur la sécurité. On a parlé de la mission que les Rangers assurent dans le Nord du pays, mais il faut bien dire que nos Rangers n'ont pas les moyens de faire face à ce type de problèmes.
Le projet chinois de route de la soie a également été évoqué. Bon nombre de compagnies s'installent actuellement au Canada, ou y concluent des partenariats, et cela se produit également dans d'autres pays du monde circumpolaire. La Chine élargit son champ d'action, et nos populations continuent à se préoccuper des questions de droit de la personne évoquées dans les médias. Je précise que le Yukon abrite une communauté chinoise en plein essor.
C'est très volontiers que nous les accueillons. Ils ont en effet des choses à nous apprendre et, si l'on remonte à une époque suffisamment ancienne, on constate que les cultures de la Chine sont assez semblables aux nôtres. Notre peuple n'a d'ailleurs jamais cherché à exclure les gens venant d'ailleurs.
Cela dit, on constate dans nos régions une vague importante de nouveaux arrivants. La question des migrations devrait être inscrite à l'ordre du jour, afin que nous puissions mieux comprendre le phénomène, et cerner de plus près le nombre de personnes venant s'installer dans nos régions du Nord par rapport à celles du Sud du pays.
Si j'évoque cet aspect de la question, c'est en partie parce que les membres de notre communauté n'envisagent pas toujours la situation en termes de propriété personnelle. Nous formons une communauté, nous avançons collectivement des revendications territoriales, et tout appartient en somme à tout le monde, y compris la terre. Or, dans les régions situées plus au sud, dans les zones urbaines telles que Whitehorse, le terrain s'acquiert contre paiement et de nombreux terrains se vendent actuellement, entre autres à des personnes d'autres pays. De nombreux citoyens d'autres pays viennent en effet s'installer ici.
Compte tenu de l'augmentation de la population mondiale, c'est une question à laquelle il nous faut réfléchir.
Je constate, en tant que membre du Conseil de l'Arctique, qu'il nous faudrait obtenir des informations plus précises. Ces questions vont devoir être soumises à nos populations. Il nous faut plus de données, une formation plus poussée, davantage de travaux de recherche sur les communautés des divers pays du monde circumpolaire, et nos communautés vont devoir participer davantage à ce qui se fait dans la région.
L'éducation va, à cet égard, revêtir une importance accrue, cela étant vrai, également, de la diffusion de l'information au sein de nos communautés. Au niveau du Conseil de l'Arctique, nos moyens demeurent en ce domaine limités. Il est vrai que le Conseil de l'Arctique publie des bulletins d'information, et a mis sur pied un site Web, mais rien ne remplace les réunions ou les ateliers organisés au niveau de la communauté afin de permettre aux populations du Nord de discuter de ces grandes questions, et des problèmes qui, selon les experts, semblent se profiler.
Une des principales préoccupations de nos populations touche l'avenir des hardes de caribous. La harde de la Porcupine demeure assez stable, et atteint même une taille sans précédent, mais les régimes de migration sont en train de changer, et cela pose pour nos communautés la question de la sécurité alimentaire. Selon certains éleveurs avec qui nous sommes en contact...
Madame Dickson, je voudrais m'assurer que les membres du Comité auront tout le temps voulu pour s'entretenir avec vous, et comme ils auront de nombreuses questions à vous poser, je me demande s'il ne vous serait pas possible de conclure afin que nous puissions passer aux questions.
Entendu.
Disons, pour conclure, que, pour nos communautés, ce qui compte avant tout c'est l'éducation, la recherche, d'occasions plus nombreuses de participer à ce qui se fait dans les régions circumpolaires, et la sécurité alimentaire. J'ajouterais à cela qu'il serait selon moi souhaitable que ces diverses questions soient davantage débattues au sein de nos communautés avec des intervenants venus de l'extérieur.
Je vous remercie.
Je vous remercie. Le Comité entend, la semaine prochaine, se rendre dans le Nord, et le témoignage que vous venez de nous livrer constitue une excellente préparation à notre déplacement.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je donne la parole en premier au député O'Toole.
Je vous remercie de votre participation à cette séance, et du temps que vous avez bien voulu nous consacrer. Je vous prie d'excuser les petits problèmes techniques que nous venons d'avoir.
Je me suis beaucoup intéressé à ce que vous nous avez dit, et en particulier à ce que vous avez dit du travail que le Conseil de l'Arctique effectue auprès de communautés autochtones de Russie et de Scandinavie. Vous avez évoqué le déplacement que des membres de votre organisation ont fait à Moscou pour participer à un congrès. Les communautés isolées du Nord du pays ont-elles ramené de ce déplacement de nouvelles idées? En ont-elles tiré un certain nombre d'enseignements, et se sont-elles inspirées des initiatives heureuses prises par ces autres pays des régions polaires en matière de développement économique?
Une bonne partie des discussions que nous avons eues avec nos homologues russes et scandinaves a porté sur les perspectives économiques. Nous avons eu de très bons échanges entre les diverses communautés, et nous avons, ensemble, envisagé des initiatives prometteuses. Nous nous sommes penchés sur les secteurs minier et forestier, et nous avons réfléchi au développement de microentreprises, et à la possibilité de pouvoir éventuellement écouler une partie de notre production artisanale en Russie et en Scandinavie, et vice versa. Nous avons également parlé des talents artistiques qui existent de part et d'autre. Il y a en effet, en Scandinavie, d'admirables industries artisanales.
Nous avons procédé à de nombreux échanges d'information, mais la prochaine étape consiste à voir ce que nous allons maintenant parvenir à en faire. Nous ne sommes pas encore tout à fait décidés sur ce point. C'est à cela que nous devons nous attacher, car, entre les grandes entreprises et les microentreprises il y a une différence énorme.
Vous nous disiez tout à l'heure que certaines des communautés autochtones de Scandinavie, en matière d'éducation, mais aussi dans certains autres secteurs, obtiennent de meilleurs résultats que vous.
Comment cela s'explique-t-il? Les gouvernements de ces pays accordent-ils plus de soutien aux jeunes vivant dans des communautés isolées? Quels enseignements peut-on tirer des résultats obtenus en ce domaine?
Je crois savoir qu'en Scandinavie et en Russie, les études supérieures sont gratuites. Les gens ont donc davantage la possibilité d'aller à l'université, et en Scandinavie... [Difficultés techniques]
Je regrette cette interruption, madame Dickson. Nous allons simplement...
Je pense que tout est réglé. Pardonnez-nous ce petit problème technique.
Il me reste quelques minutes.
Vous avez évoqué certaines des différences que vous avez relevées: un plus large accès, la gratuité des études, enfin ce genre de choses. Ma dernière question concerne l'enseignement.
J'ai beaucoup apprécié ce que vous nous avez dit de votre enfance dans une communauté isolée, où le seul accès était par voie aérienne, et le fait que vous ayez été élevée par votre grand-père.
En ce qui concerne l'enseignement, que ce soit en liaison avec l'Université de l'Arctique ou ailleurs, pour ceux qui en ont la possibilité, vous inquiétez-vous de voir que certains partent vers le Sud pour faire leurs études, mais sans jamais retourner vivre dans le Nord? Ce phénomène revêt-il une certaine ampleur et, si c'est effectivement le cas, ne constitue-t-il pas en fait un obstacle à l'enseignement, dans la mesure où les familles ne souhaiteront pas voir leurs enfants ou d'autres proches partir dans le Sud? Est-ce pour vous un objet de préoccupation? J'ai entendu dire cela, et je me demande si nous ne pourrions pas tenter d'agir sur la situation.
Il y a, d'après moi, un peu des deux. Certains étudiants partent pour le Sud, où ils entendent profiter d'autres occasions. Mais certains reviennent vivre dans le Nord après avoir vécu et travaillé ailleurs.
Dans les petites communautés, le problème provient en partie du fait que, pour les petites classes, nous ne disposons, que d'un enseignant unique qui doit ainsi s'occuper d'un grand nombre d'élèves. Il arrive que cet enseignant doive à lui seul s'occuper de deux ou trois classes. Ces élèves devront donc quitter leur communauté et partir à Whitehorse s'ils veulent effectuer des études secondaires. Or, il leur arrive parfois d'éprouver un véritable choc culturel. Ils n'ont jusqu'ici reçu, à cet égard, que très peu d'aide.
Au niveau de l'enseignement, nos établissements accusent un peu de retard. Voilà, donc, certaines des difficultés que nous éprouvons.
Bonjour, madame Dickson. C'est avec plaisir que nous nous entretenons avec vous dans le cadre de cette séance du Comité.
Mes questions ont trait à deux domaines: le premier est la santé, et l'autre est le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Je crois savoir, à cet égard, que vous avez joué un rôle essentiel dans la rédaction des lignes directrices en matière de savoir traditionnel.
La fonte des neiges qui se produit actuellement va ouvrir de nouvelles voies maritimes et, il est clair, accroître les risques de contamination. D'après vous, quel impact cela aura-t-il, non seulement au niveau de la contamination et de l'environnement, mais également sur le plan de vos sources traditionnelles de nourriture?
La question se pose effectivement.
Un des principaux impacts du changement climatique en matière de santé n'est pas l'augmentation des produits contaminants, mais l'augmentation des précipitations. Cela va en effet affecter la santé, tant de ceux et de celles qui éprouvent des problèmes pulmonaires, que des bébés et des personnes âgées. L'air de notre région est très sec, et nous ne sommes guère habitués aux précipitations. C'est, je crois, un aspect important de la situation, et nous commençons à en constater les effets.
En ce qui concerne maintenant le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, je pense pouvoir dire que le programme se poursuit. C'est un excellent programme qui permet de mettre les populations locales en contact avec des sources d'information internationales. Ce programme donne en outre à nos populations l'occasion de discuter des problèmes qui se profilent à l'horizon. Le programme comprend un excellent volet pédagogique qui permet de diffuser auprès des communautés des informations leur permettant de décider en connaissance de cause. C'est, me semble-t-il, une excellente chose. Nous travaillons en collaboration avec les services de santé fédéraux, avec des chercheurs, ainsi qu'avec des intervenants au sein même de la communauté. C'est donc ensemble que sont prises les décisions touchant les mesures qui s'imposent.
Voilà qui m'amène à ma deuxième question. Je ne savais pas auparavant que l'Arctique comporte un système d'une redoutable efficacité ayant pour résultat la bioaccumulation et la bioamplification des contaminants. C'est, par rapport au passé, un phénomène tout nouveau, qui entraîne manifestement des conséquences sur le plan de la santé.
Ma question a quelque chose d'un peu égoïste puisque je suis moi-même professionnel de la santé et que je voudrais en savoir davantage sur ce point. Vous avez évoqué la sécheresse du climat, les problèmes pulmonaires et les précipitations. On constate donc, dans l'Arctique, l'existence de ce système et, puisque vous dites avoir constaté une augmentation des précipitations, il est clair que cela va accentuer le phénomène de bioaccumulation. Je suis au courant des travaux que vous menez actuellement sur les poissons de Little Fox Lake, au Yukon. Il s'agit de mesurer la bioaccumulation de contaminants dans les poissons du lac. Quels changements avez-vous constatés ces dernières années par rapport à la période antérieure?
Permettez-moi de vous répondre en quelques mots.
On constate dans diverses régions du Nord une augmentation des concentrations en certains contaminants. Nous nous inquiétons actuellement des concentrations de mercure, mais nous continuons à penser qu'au niveau de la santé, il est préférable de manger du poisson que de ne pas en manger. Cela dit, on recommande aux femmes enceintes et aux jeunes enfants d'en manger moins ou de ne pas en manger du tout.
Les travaux de recherche et les réunions organisées dans le cadre de ce programme permettent de diffuser l'information nécessaire à nos communautés. Des recherches sont d'ailleurs actuellement en cours à Old Crow. Il s'agit d'étudier les divers types de contamination et de prélever, pour la première fois, des échantillons de cheveux, essentiellement pour évaluer la concentration de mercure.
Permettez-moi une dernière question. Vous travaillez au sein du Conseil de l'Arctique, et cela vous permet d'oeuvrer de concert avec les habitants d'autres régions de la zone arctique. D'après vous, d'autres populations, en Russie par exemple, ou dans d'autres pays, sont-elles actuellement exposées, elles aussi, à un risque croissant pour la santé, ou à de nouveaux risques sanitaires?
Il n'y avait, auparavant, guère de contamination, mais nous voyons actuellement arriver dans la région divers contaminants. D'après vous, cela est-il également vrai dans d'autres pays et communautés de l'Arctique, ou ce phénomène se limite-t-il à une région en particulier?
Non, la situation existe également dans d'autres régions. Les préoccupations en matière de santé peuvent varier d'une région à l'autre, mais l'AMAP, le Programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique, du Conseil de l'Arctique, se penche très sérieusement sur ces nouveaux problèmes ainsi que sur des problèmes qui intéressent les chercheurs depuis un certain temps déjà. Lorsqu'ils sont évoqués lors de réunions, ces problèmes font l'objet de discussions approfondies. Le Canada est en fait un des seuls pays à assurer la liaison entre le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord et l'AMAP. Nous lui communiquons nos résultats et l'AMAP en assure la diffusion.
Je tiens à vous remercier du travail que vous effectuez ainsi que du temps que vous avez bien voulu nous consacrer.
Ma question comprend plusieurs volets, mais porte essentiellement sur l'ouverture progressive du Nord aux activités commerciales, alors même que s'accentue le changement climatique. On a souvent, au cours de notre histoire, fait fi des droits des peuples autochtones, ou les avons obligés à décamper, généralement pour des motifs économiques. Cela n'a pas toujours été le cas, mais c'était souvent parce que quelqu'un lorgnait certaines ressources.
J'aimerais savoir, d'abord, quels sont, à votre avis, certains des risques éventuels d'une accélération des projets commerciaux dans le Nord. J'aimerais aussi savoir quels seraient, selon vous, certains des avantages que ce développement pourrait procurer à vos communautés.
Et puis, en dernier lieu, comment conviendrait-il d'encadrer ce développement pour procurer un maximum d'avantages tant à vos communautés qu'à l'économie du pays. Nous allons en effet devoir faire en sorte de ne pas répéter les erreurs du passé qui ont entraîné l'évincement des peuples autochtones pour favoriser les objectifs économiques de certains,
Ces questions revêtent un extrême intérêt et j'ai moi-même eu l'occasion de me pencher sur plusieurs d'entre elles.
Les communautés sont favorables au développement économique. Elles souhaitent prospérer. Les générations qui commencent à accéder aux études prétendent à la réussite et aux chances qui s'offrent, dans l'ensemble, aux habitants du Canada. Cela dit, elles entendent que les terres ouvertes au développement souffrent le moins possible, et que les technologies mises en oeuvre dans nos régions ne créent pas de dangers.
Or, il faut pour cela que des discussions approfondies soient menées avec nos communautés et leurs dirigeants. Il nous faut sans tarder mettre en place des mesures permettant d'encadrer le développement. Nous avons, ici au Yukon, l'Office d'évaluation environnementale et socioéconomique, dont la mission consiste justement à étudier tant les impacts que les effets bénéfiques du développement. C'est à cet office qu'il appartient d'accorder le permis social d'exploitation.
Il faut, selon moi, se rendre dans les diverses régions pour y étudier la situation avant même le lancement d'un projet. Il faut aller au-devant de la population, et lui expliquer, à l'horizon de 10 ou 20 ans, quel est le développement envisagé. Il faut faire de sérieux efforts pour informer la population des occasions qui vont s'offrir à elle. Et il faut, très tôt, lui expliquer les avantages et les inconvénients des projets envisagés.
Cela vaut particulièrement pour l'exploitation pétrolière et gazière. Il y a, dans notre région, de nombreuses mines. L'exploitation minière a débuté il y a plus de 100 ans, et nos populations sont parfaitement au fait de ce que cela implique. Mais l'exploitation pétrolière et gazière est pour eux quelque chose de très différent. C'est, pour les habitants du Nord, quelque chose d'essentiellement nouveau. Il va donc falloir faire un effort de pédagogie. Certaines questions dépendent du droit de la mer. Quelles seraient en effet les voies de transport employées par les industries extractives qui s'établiront ici? Il conviendrait d'ailleurs de donner à nos populations accès aux formations leur permettant de devenir, par exemple, ingénieurs du pétrole, et de ne pas se voir toujours cantonnés dans des tâches subalternes.
Selon vous, importe-t-il, pour la souveraineté du Canada dans les régions du Nord, que les investissements soient effectués soit directement par le gouvernement du Canada, soit par les entreprises canadiennes plutôt que par des entreprises étrangères? Pensez-vous que la situation de vos communautés évoluerait différemment selon la provenance des investissements? Dans quelle mesure la souveraineté du Canada peut-elle dépendre de cela?
Nos collectivités accordent une grande importance à la souveraineté canadienne. Je crois qu'elles appuieraient davantage les entreprises canadiennes. Nos collectivités sont très fières de contribuer à l'établissement et au maintien de la souveraineté par le simple fait des régions où elles vivent.
Je vous donne un exemple. Sinopec, une entreprise chinoise, a investi dans une entreprise d'exploitation locale au Yukon, et les collectivités ne l'ont pas acceptée. Elles acceptent maintenant davantage l'entreprise, parce que celle-ci a été rachetée. Sinopec n'est plus dans le tableau, et les collectivités sont maintenant à l'écoute.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre témoignage aujourd'hui, madame Dickson. Il est très important, parce que nous allons dans la région la semaine prochaine.
Vous avez mentionné un grand nombre d'enjeux importants concernant les changements avec la Russie et la Chine. Je suis sûr que vous connaissez les changements à venir dans la région. Quelle est l'importance du savoir traditionnel des peuples autochtones dans le contexte de l'application de la politique? Comment allez-vous participer au dialogue quand nous tenterons de façonner la politique pour le développement dans cette région?
Merci.
Le savoir traditionnel est au coeur de tout ce que nous faisons. C'est la clé absolue de notre travail et de la compréhension de notre identité de peuple. Nous avons encore un grand nombre d'activités sur les terres. Nous allons encore à la chasse.
Je rentre justement de la chasse ce week-end. Nous nous efforçons de ne capturer que ce dont nous avons besoin pour notre famille, nos amis et nos aînés. Nous sommes encore très respectueux de nos aînés. Quand il y a dans la salle un aîné qui est plus vieux que nous, nous lui accordons le plus grand respect, parce que son savoir et son expérience constituent sa plus grande éducation, et ils remontent à bien plus loin que les nôtres.
Nos collectivités ont un lien avec la terre par le fait qu'elles vivent là où leurs parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents ont vécu. Pour nous, le savoir traditionnel est continu. La seule et unique raison pour laquelle nous le qualifions de « traditionnel », c'est qu'il remonte très loin, mais il évolue encore et est encore très vivant. Nos peuples ont toujours été capables d'adapter différents éléments à notre vie quotidienne.
En somme, c'est le respect des terres, parce que celles-ci nous nourrissent, le respect des animaux qui offrent leur vie pour que nous puissions vivre, et c'est l'effort de traiter tout le monde avec respect.
Mon grand-père a toujours dit que, quand il voyage, il a des amis dans toutes les collectivités. Il veut dire par cela que le respect mutuel est la clé du savoir traditionnel.
Merci beaucoup.
Vous avez mentionné deux pays, la Russie et la Chine. Ai-je raison de dire que la Chine serait le premier pays à explorer cette région? Voyez-vous d'un bon oeil leur arrivée dans la région pour l'exploiter? D'un autre côté, la Chine a investi considérablement dans la région, et elle nourrit certainement certains espoirs. À mon avis, il y a lieu de faire très attention, parce que la Chine n'a pas de très bonnes pratiques environnementales dans ses méthodes d'exploration. Comment voyez-vous le rôle de ces deux pays dans l'Arctique?
Les gens avec qui j'ai parlé à l'échelle communautaire s'inquiètent un peu de l'arrivée d'entreprises chinoises dans notre région, à cause de leurs pratiques sur le plan de l'environnement et des droits de la personne. Cela les inquiète, mais on ne peut le nier. La Chine s'installe dans certaines régions.
À mon sens, savoir ce qui se passe est crucial; mieux vaut être prêts et informés. Si ce pays veut venir faire affaire dans certaines régions, c'est peut-être là que nous pourrions avoir une certaine influence ou que notre gouvernement canadien pourrait avoir une certaine influence sur les pratiques que nous jugeons mauvaises. C'est peut-être l'influence que notre gouvernement pourrait avoir sur certaines de leurs pratiques.
En ce qui concerne la Russie, nous respectons entièrement le peuple. Nous respectons les niveaux élevés d'éducation que les Autochtones ont en Russie. En même temps, nous constatons qu'ils ont des difficultés. C'est avec beaucoup de circonspection que nous envoyons des membres de nos peuples là-bas. Nous espérons qu'il y aura de meilleurs liens entre la Sibérie, l'Alaska et le Canada pour l'établissement de ce genre de routes — plutôt que devoir faire tout le tour.
Merci.
Madame Dickson, cela nous amène à la fin du temps alloué, mais je tiens à vous remercier d'être venue et de nous avoir présenté un témoignage aussi étendu. Il nous est très important et bénéfique, car nous allons dans le Nord la semaine prochaine. Au nom de tout le Comité, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd'hui.
Nous reprenons la séance.
Nous avons la chance d'avoir notre deuxième groupe de témoins ici. Nous accueillons, de Québec, l'honorable Charlie Watt, président de la Société Makivik et ancien sénateur. Après 34 ans, il a pris sa retraite en janvier. Il est accompagné de Robin Campbell, associée chez Hutchins Legal Inc.
Monsieur Watt, je vous invite à présenter votre exposé. Si j'ai bien compris, nous entendrons aussi Mme Campbell un peu. Allez-y, monsieur.
Merci, mesdames et messieurs, membres de la Chambre des communes.
Voilà longtemps que je ne suis plus ici, mais j'ai appris à apprécier le fait de faire partie du système dans son ensemble. Maintenant, j'aimerais parler de questions précises, des questions qui pourraient vous inquiéter et qui inquiètent certainement les Inuits dans l'Arctique. C'est probablement une des raisons pour lesquelles je faisais partie du système, puis j'ai décidé d'en sortir et faire mon possible de l'extérieur pour mettre en relief constamment l'importance des enjeux auxquels nous faisons face aujourd'hui, surtout compte tenu du changement climatique. Le pays n'est plus ce qu'il était.
Comme vous le savez, très récemment, il y a à peu près une semaine je crois, nous avons été frappés d'une chose que je n'ai jamais vue au Canada auparavant — une tornade qui a traversé Ottawa. Elle est aussi passée par Gatineau et Laval, ce que j'ai pu voir quand j'étais à Montréal.
Cela étant dit, pendant de nombreuses années j'ai vécu à Ottawa. Je me souviens de la première fois où je suis venu ici, je crois, deux semaines après avoir parlé de l'enjeu qui s'annonce, celui que les Inuits vivent déjà, c'est-à-dire le changement climatique. Nous voyons un changement tous les jours. Les Inuits dans le Nord le vivent quotidiennement. J'ai voulu parler de cela en préambule à mon allocution.
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous remercie de cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je ne suis pas sûr de reconnaître certaines personnes ici. J'allais dire que je suis heureux de voir des visages familiers, mais j'en vois très peu. Enfin, le temps passe et des changements se produisent. Des gens viennent et des gens partent.
Je m'appelle Charlie Watt. Comme l'a mentionné le président, jusqu'à ce printemps, j'étais sénateur pour la région d'Inkerman, au Québec, et ce, comme l'a dit aussi le président, pendant 34 ans. J'étais le seul sénateur inuit du Canada. Je n'étais pas le seul sénateur inuit quand je suis venu ici. Le sénateur Willie Adams était déjà là quand je suis entré au Sénat. J'ai collaboré avec lui à de nombreux dossiers. Quand il est parti, quand l'heure de son départ a sonné, je me suis senti un peu seul en tant qu'Inuit parlant couramment ma langue. Willie aussi parlait couramment cette langue. Willie a grandement contribué à ce que j'ai appris dans le système.
En tant que seul sénateur inuit au Canada, je me suis concentré sur les questions d'importance pour les Inuits. La souveraineté arctique est un sujet qui est très important pour moi et pour mon peuple. Le Sénat a financé plusieurs études sur la question pendant que j'y étais. De fait, l'étude que nous avons entreprise a exigé, je dirais, six ou sept années de travail. Nous nous sommes concentrés sur la question de la place des Inuits dans toute cette question de souveraineté. Nous avons examiné les droits à l'intérieur du pays, qui s'accumulent depuis de nombreuses années, ainsi que les droits à l'échelle internationale. Nous avons produit trois séries de rapports que nous avons déposés devant le gouvernement. Je crois bien que vous en avez une copie.
Le premier rapport, produit en 2012, porte le titre de Les Inuits: Partenaires de traités du Canada ou agents libres? Vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons ajouté « agents libres ». Cela indique notre appartenance, qui nous sommes, à qui appartient l'Arctique, qui vit dans l'Arctique, et qui dépend de l'Arctique sur les plans social, économique, éducatif et culturel. Vous n'ignorez pas que nous vivons dans l'Arctique depuis de nombreuses années, bien avant que d'autres sociétés arrivent au Canada, et je crois que c'est une chose bien connue.
Face à un sujet comme la souveraineté de l'Arctique, le fait de savoir qu'il y a un fort intérêt de la part des communautés internationales fait un peu peur. Cela rend nerveux de savoir que des personnes qui ont de l'argent et un poids politique auront une influence. À l'occasion, quand je vois les demandes des nombreux pays qui souhaitent devenir observateurs, obtenir le statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique, je me dis: « Eh bien, c'est observateur aujourd'hui, mais ce sera bien plus qu'observateur demain. »
Quand des personnes qui ont de l'argent viennent d'un peu partout dans le monde, elles auront certainement une influence sur ce qui arrive au Canada. Cela m'inquiète beaucoup. À cet égard, je suis ici pour dire à quel point il est important pour les Inuits de participer à ce processus. Je vois un peu le raisonnement derrière l'intention du gouvernement quant à la façon dont il construit et structure ceci pour permettre à sept pays de l'Arctique d'exprimer leurs inquiétudes, mais, d'un autre côté, ils font face aussi aux plateaux continentaux et à d'autres choses pour tenter d'étendre leurs territoires au-delà de leurs frontières. Je parle des sept pays de l'Arctique.
Par ailleurs, ces pays se verront accorder probablement le pouvoir et les droits absolus de faire ce qu'ils veulent s'ils arrivent à établir la frontière sur le plateau continental. Que cela signifie-t-il pour nous? Cela signifie que les pays étrangers qui ont un intérêt dans l'extraction des ressources y auront accès. Ils auront un rôle important à jouer dans notre société, certainement dans la société inuite, parce qu'ils feront l'extraction d'un certain nombre de choses sous nos pieds.
J'aimerais aussi mentionner que les Inuits dans le Nord ne vivent pas seulement sur les terres. C'est peut-être une difficile à comprendre. Comment un être humain peut-il vivre sur la glace? Comme vous le savez, en hiver, quand les Inuits se déplacent, ils le font sur la glace, sur l'eau et sur terre.
J'ai réussi à obtenir le concours d'une personne très crédible de l'Université Dalhousie il y a quelques années, et nous avons fait le tracé de la piste inuite du Nord du Québec, qui s'appelle Nunavik, jusqu'au Nunavut, jusqu'au passage du Nord-Ouest et jusqu'au Groenland, puis vers l'Alaska et la Sibérie. La portion qui est déjà terminée se trouve du côté canadien, mais il reste encore à pousser les autres pays comme le Groenland à s'entendre avec le Danemark pour pouvoir faire la même chose, c'est-à-dire tracer exactement la façon dont ils vivent, dont ils se déplacent, et ce sur quoi ils s'appuient. Ces renseignements sont très importants, surtout quand il y aura des gens venant de l'étranger qui voudront le savoir. Ils ne prendront probablement même pas la peine de chercher à savoir. Ils se contenteront d'extraire ce qu'ils veulent et de l'emporter chez eux pour le transformer en argent.
Mesdames et messieurs, j'ai tendance parfois à m'éterniser, quoique je tente de me restreindre autant que possible, car mon temps est limité.
Je cherche à vous présenter les choses d'une façon qui, je l'espère, aidera tout le monde à comprendre. Les Inuits sont l'épine dorsale de la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Un autre aspect, je dois dire, est le fait que des membres de mon peuple du côté du Québec, du Nunavik, ont été déplacés — la famille entière — par barque ou par bateau jusqu'à la baie Resolute, dans le Haut-Arctique où il n'y avait pas d'installations et services, ni de soutien. Ils ont été littéralement jetés sur le rivage au nom de la souveraineté.
C'est le gouvernement du Canada qui les a mis là et, à l'époque, les années 1950, la mobilité du gouvernement dans le Nord était limitée. Ils étaient, essentiellement, représentés par la GRC. Le gouvernement a donné les directives, et la GRC a agi pour les appliquer.
Vous pouvez bien voir que nous avons des raisons de vouloir participer, et pas seulement pour savoir ce qui se passe, mais aussi parce que nous avons pleinement le droit de participer. S'il va y avoir une activité économique — et cela arrivera —, celle-ci ne devrait pas être seulement vers l'extérieur du pays. Nous aimerions aussi profiter de ces ressources, parce que nous avons besoin de vivre, comme tout le monde. Nous devons survivre, et l'économie est très importante pour nous.
Nous avons présentement une économie traditionnelle. Essentiellement, nous n'avons que l'économie traditionnelle. Celle-ci se résume à chasser nos ressources et les récolter, tout comme le font les agriculteurs. Nous n'avons pas de ferme, mais nous allons récolter, par bateau, par canot, par avion ou par motoneige. Jadis, c'était des traîneaux à chiens. C'était le seul moyen de transport que nous avions à l'époque. Cela n'existe plus. Soit dit en passant, à ce moment-là, la GRC a aussi abattu ces chiens.
Quel était le raisonnement à la base de leurs actions? Personne n'a voulu décrire publiquement pourquoi cela est arrivé. Cela n'a rien à voir avec la souveraineté arctique, mais c'est un des problèmes qui m'amène à dire que notre participation s'impose.
Les Inuits sont dans l'Arctique depuis des milliers d'années et, comme je l'ai déjà dit, c'était un peuple souverain avant même l'existence du Canada. Depuis la nuit des temps, nous vivons sur les terres et sur l'eau couverte de glace dans l'Arctique, et utilisons les ressources de la terre et de l'eau pour survivre. Nous avons un lien profond non seulement avec la terre, mais aussi avec l'océan Arctique et toute la faune arctique. Les Inuits sont le peuple qui vivait dans les régions marines. Les Inuits vivent et chassent sur la glace, et se déplacent sur celle-ci.
Par ailleurs, nous avons différents accords de revendications territoriales dans chacune des quatre régions visées par les revendications territoriales. Les Inuits du Canada sont des contribuables. Les gens oublient souvent que les Inuits payent des taxes. Nous ne sommes pas comme les Premières Nations. Nous avons été des contribuables en bonne et due forme depuis le début, et nous en sommes jusqu'à présent.
Nous avons toujours estimé que, en tant qu'Inuits, nous devons aussi contribuer à la société en général avec ceux qui vivent dans le Sud. Avec un peu d'espoir, le Canada appréciera le fait que nous ayons décidé d'être des contribuables depuis le début. Voilà pourquoi nous contribuons aux besoins du Canada. De plus, j'aimerais simplement mentionner qu'avant... après que j'ai été... non, pas vraiment.
Prenons la société Nunavik que je représente, Makivik. Nous avons assez bien réussi, en tant qu'Inuits, mais nous avons besoin d'en faire plus. Nous avons pu réussir dans le secteur de l'aviation. Nous avons deux grandes compagnies aériennes, Air Inuit et First Air. Nous sommes sur le point, ce vendredi, d'absorber une autre compagnie aérienne, la Canadian North. Ce sont là les types d'arrangements qui ont lieu, et nous sommes bien capables de gérer et d'exploiter nous-mêmes des débouchés économiques, mais ceux-ci sont très limités de nos jours.
Si l'on regarde la charge utile de marchandises qui va du sud vers le nord, c'est un mouvement à sens unique sur le plan de la viabilité économique. Très peu de choses viennent du Nord. Pour cette raison, nous sommes en train d'amalgamer deux compagnies aériennes; il n'y a pas assez de place pour deux. C'est une des choses que nous faisons, et c'est dire ce à quoi nous sommes confrontés. Nous savons à quoi nous faisons face.
Compte tenu des besoins des nombreuses sociétés qui essaient de survivre, il arrive parfois que ce ne soit pas tout le monde qui en profite parce, que les débouchés économiques sont limités. J'irais un peu plus loin.
Est-ce que je vais un peu trop lentement ou prends trop de temps?
Bon.
J'aimerais mentionner aussi que nous avons, en plus de la Société Makivik, un instrument qui est une organisation nationale appelée ITK. Elle participe également avec le gouvernement du Canada à une collaboration Couronne-Autochtones.
Nous avons aussi une autre organisation appelée le CCI, le Conseil circumpolaire inuit. J'ai participé à une réunion il y a quelques mois à Point Barrow, en Alaska. Nous avons parlé d'un bon nombre d'enjeux connexes qui sont d'intérêt pour les Inuits.
Nous avons adopté un très grand nombre de déclarations que nous estimons être importantes et dont le reste du monde doit être informé pour que nous puissions survivre. Le changement climatique est un énorme facteur. La chaîne alimentaire en souffre. La sécurité de notre alimentation en souffre. Nous devons devenir extrêmement novateurs.
À l'occasion, nous regardons autour de nous pour voir d'où nous pourrions obtenir de l'aide. Peut-être que le seul moyen pour nous d'obtenir de l'aide serait de démontrer explicitement que, sans argent, on ne peut pas faire grand-chose, même dans le Nord. Nous avons besoin d'argent. Comme je l'ai dit, sans argent, on ne peut pas faire grand-chose.
Il y a aussi un autre instrument que j'ai aidé à mettre sur pied il y a très longtemps, le Conseil de l'Arctique. Celui-ci permet à sept pays arctiques d'avoir, à tout de rôle, la présidence de l'organisation. Et où sont les Inuits? Ils ont une participation permanente. Quel genre de participation? Une participation symbolique. Leur voix n'est pas assez forte pour pouvoir présenter leurs arguments. Ce ne sont pas des décideurs. Même quand il y va de leur vie, ils ne prennent pas les décisions. Qui les prend? Ce sont les sept pays de l'Arctique. Nous n'avons aucun rôle. Le seul rôle que nous avons est trompe-l'oeil.
Cela doit changer. Si nous devons accomplir quelque chose et combler les lacunes pour ce qui est de comprendre ce à quoi nous faisons face, cet instrument doit changer. Il nous faut pouvoir apprendre à accepter les résidents permanents de l'Arctique. C'est leur patrie; ils en font partie. Je me demandais même pourquoi ils ne sont pas invités à partager la présidence du Conseil de l'Arctique.
C'est un problème auquel je me heurte depuis 15 ans. Ils essayent de présenter leurs arguments. J'essaye d'amener ces différents pays, leurs ambassadeurs et autres fondés de pouvoir, à comprendre. Ils comprennent, mais ils se disent que, si on est autorisés à avoir accès, qu'en est-il des autres?
On parle ici de l'Arctique. C'est un Arctique très délicat, comme vous le savez bien. C'est une zone très particulière. C'est l'ultime frontière. Les Inuits y vivent depuis des siècles, avant n'importe qui d'autre, et ils comprennent ce qu'est l'Arctique. Le reste du monde peut apprendre d'eux. Or, on nous met de côté et ne prend jamais la peine de nous donner une réponse quant à notre place dans toute cette évolution.
Merci, monsieur le sénateur.
Madame Campbell, voulez-vous ajouter quelques mots pendant une ou deux minutes?
Très bien.
Je fais suite rapidement au sénateur Watt pour faire ressortir de nouveau l'argument que la souveraineté du Canada dépend des Inuits. Les Inuits ont occupé l'Arctique depuis bien avant qu'il y ait eu un Canada, ou n'importe lequel des autres États arctiques, et le Canada a besoin de cette relation avec les Inuits pour pouvoir ancrer sa souveraineté sur terre et, en fin de compte, sur mer.
Cela se fait par le truchement des traités. Il est incroyablement important de respecter les traités et le fait que les traités créent un partenariat avec les Inuits. Ce partenariat évolue. Les traités ne sont pas statiques; ils établissent toute une gamme de mécanismes de gestion et de gouvernance du Nord canadien, et ils doivent être actualisés.
Le sénateur Watt, actuellement président de la Société Makivik, se penche maintenant sur l'actualisation de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, afin de faire en sorte que les Inuits puissent gouverner correctement et soient en mesure de revenir aux façons de gouverner qu'ils avaient d'antan dans le Nord. C'est une priorité, une priorité dans tout le Nord.
De plus, il s'agit du plateau continental et de la souveraineté étendue du Canada dans le Nord. Il s'agit de reconnaître l'existence de ce partenariat et le fait qu'il a été à l'avantage du Canada en lui permettant d'avoir cette souveraineté dans l'océan Arctique, que cette souveraineté dépend de notre souveraineté sur les terres, et que la souveraineté sur les terres dépend des Inuits. Ce partenariat doit pouvoir s'étendre dans les eaux de l'Arctique et s'étendre à la gouvernance de l'océan à l'échelle internationale.
J'aimerais préciser que cela a été un élément de frustration pour les Inuits, parce que la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, UNCLOS, ne reconnaît pas les droits des peuples autochtones. C'est un grand problème. En se tournant vers sa souveraineté dans l'Arctique sur un plateau continental étendu — et ce sera l'objet d'une soumission à la Commission UNCLOS qui se penche sur ces choses au début de 2019 —, le Canada n'a pas, de l'opinion de Makivik, consulté correctement les Inuits ni reconnu les droits des Inuits ou le fait que les Inuits sont des partenaires. Makivik demande ce type de partenariat avec le Canada, et envisage même que cette reconnaissance fasse partie de la soumission qui sera présentée en 2019.
De plus, ce partenariat devrait comprendre une collaboration avec les Inuits pour examiner des moyens de protection des grands fonds maritimes, pour les océans qui seront touchés, et aussi des partenariats visant à s'assurer que, si l'exploration et l'exploitation de ces zones produisent des avantages, que les Inuits en bénéficient également.
J'aimerais préciser rapidement...
Il va falloir que cela soit en 30 secondes ou moins, je vous prie. J'aimerais ménager assez de temps pour que tous les députés puissent poser leurs questions.
Bon, je ferai donc rapidement deux recommandations.
Un nouvel accord est en cours de négociation. Les négociations viennent tout juste de commencer aux Nations unies. Cet accord portera sur les hautes mers du monde et, donc, il touchera l'océan Arctique. Le Canada participe à cela — c'est aux Nations unies en septembre — et nous voulons que cet accord reconnaisse les droits des Inuits dans l'Arctique, ce qui aurait un immense impact sur le système UNCLOS. Les inclure maintenant corrigerait peut-être certains des torts que le système UNCLOS a causés en n'ayant pas reconnu ces droits précédemment.
Je vous remercie tous les deux.
Nous allons passer immédiatement aux questions, avec la députée Alleslev. Allez-y.
Je vous remercie.
Mon Dieu, il y avait vraiment beaucoup de choses dans cet exposé. Il y a tellement d'aspects différents.
J'aimerais replacer cet exposé dans son contexte, pour être certaine de bien comprendre la situation. La situation qui existait auparavant dans l'Arctique n'est plus celle d'aujourd'hui parce que cette région a connu des changements importants, dont le moindre n'est pas le changement climatique et également à cause du fait qu'il y a beaucoup de gens qui s'intéressent à des ressources naturelles extrêmement utiles, comme des minéraux et autres choses. L'aspect économique aujourd'hui a pris de l'importance de sorte que nous devons en tenir compte davantage.
La deuxième chose que vous avez, d'après moi, mentionnée est que nous devons nous concentrer sur nos politiques internationales et réfléchir à la forme qu'elles devraient prendre. Comment allons-nous réguler les personnes qui veulent faire ce genre de choses? Comment allons-nous répartir cette manne économique?
La troisième chose est que nous allons devoir modifier la plupart des aspects de nos relations avec les Inuits de façon à consolider ce que sera notre politique étrangère. Je crois vous avoir également entendu dire que nous devons faire tout cela en même temps, parce que ce que nous négocions sur le plan externe doit être pratiquement identique aux questions sur lesquelles nous avons des négociations au palier national, de façon à être sûrs que...
Mais un instant, comment faire tout cela? Quels sont les trois aspects clés de cette politique auxquels nous devons nous attacher si nous voulons analyser ce sujet extrêmement complexe et incroyablement important?
Comment le faire? Eh bien, cela fait déjà un moment que nous examinons cette question. J'espérais au départ que nous obtiendrions rapidement une réponse du gouvernement, mais ce n'est pas ce qui s'est produit.
Lorsqu'on connaît les faits, on sait qu'il y a beaucoup de travail à faire, beaucoup de modifications à apporter, beaucoup de changements, et qu'il faudra revoir un certain nombre de choses, par exemple.
Essayez de m'aider avec la première chose, les trois aspects principaux. Nous allons formuler une recommandation. Quelle est la première chose que nous devons faire?
Je crois qu'il nous faut procéder à partir de ces recommandations. Parallèlement, les recommandations ne servent pas à grand-chose si elles ne sont pas associées à des mécanismes. Ce qui manque, ce sont les mécanismes. Il me semble qu'il y a un chaînon manquant dans tout ce processus; il faudrait choisir un lieu, un mécanisme, qui nous permettrait d'avoir des discussions et des dialogues à propos de certains sujets. Il faudra peut-être parfois passer par la suite à des négociations, après les discussions. Voilà ce qui manque.
Merci à tous les deux. Il ne me reste que quelques minutes.
Je suis fermement convaincu que l'obligation de consulter doit s'exercer avant le développement des ressources, et une fois que ce développement est démarré, il faudrait modifier profondément cet aspect ou modifier les droits dans un certain secteur.
En 2016, le premier ministre a interdit, de concert avec le président Obama, le développement des ressources de l'Arctique sur 17 % de la masse terrestre de l'Arctique et 10 % des eaux arctiques. Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest a été très déçu parce que cela a été décidé sans qu'il soit consulté.
À votre connaissance, monsieur le sénateur, les collectivités inuites ont-elles été consultées? Je pense que vous avez raison; ce sont ces collectivités qui établissent notre souveraineté.
Il n'y a jamais eu vraiment de consultations. En fait, lorsque le président des États-Unis et le premier ministre du Canada ont pris cette décision, nous n'avons pas été très contents. Ils ne sont même pas venus nous voir et ils ont tout simplement déclaré: « Voilà ce que nous allons faire ».
Madame Campbell, une telle décision constitue-t-elle une violation de l'obligation de consulter, de votre point de vue d'avocate autochtone?
En fait, madame Campbell, lorsque vous avez présenté votre conclusion, j'ai pensé que vous vouliez ajouter une autre recommandation. Voulez-vous prendre quelques instants pour terminer vos remarques?
Je ferais simplement remarquer que CCI Canada n'est pas représenté ici et nous espérons que vous allez rencontrer le CCI. Nous tenons à saisir également l'occasion de faire remarquer que ce conseil a un mandat très large. Il est le porte-parole des Inuits au palier international sur un très grand nombre de questions, et devant de nombreuses instances. Il a étroitement participé à l'élaboration de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et il faisait partie de la délégation canadienne qui a négocié récemment l'entente sur les pêches dans le centre de l'Arctique. En fait, c'était la première fois que le CCI faisait partie de la délégation canadienne et nous considérons qu'il s'agit là d'une bonne pratique, bien entendu, et qui devrait être généralisée. Ce conseil est également sous-financé et nous voulons signaler qu'il mérite en réalité davantage de fonds pour qu'il puisse jouer le rôle utile qui est le sien.
Sénateur Watt, vous avez mentionné de larges pans de l'histoire, et certains de ces aspects historiques sont très douloureux. Vous avez fait référence...
Très bien, je vais parler un peu plus fort.
Vous avez parlé de l'histoire et de certains aspects douloureux de cette histoire, comme les déplacements forcés et l'abattage des chiens. Vous avez également parlé de droits, tant sur le plan national qu'international. Étant donné que les Inuits sont à la base de notre souveraineté dans le Nord, dans quelle mesure la réconciliation et la souveraineté sont-elles imbriquées? Dans quelle mesure ces deux notions sont interdépendantes et que pourrait être cette réconciliation dans le Nord?
Lorsque vous examinez la question des droits, je crois que l'on peut dire que les droits existent, mais comment en tenir compte lorsqu'il s'agit de la reconnaissance de ces droits dont vous avez besoin lorsqu'il s'agit de consulter les personnes qui possèdent ces droits? Ce n'est pas ce qui se passe.
Comment ces notions sont-elles reliées? Eh bien, c'est quelque chose que nous verrons plus tard et j'espère que nous pourrons régler ces aspects. C'est ce que je veux dire lorsque je dis que nous finissons par organiser une table de discussion et que s'il faut isoler les questions dont nous devons discuter au cours de négociations, c'est à ce moment-là qu'il faudra rectifier ces choses. Quant à savoir si...
Un des aspects intéressants est qu'il y a de nombreux droits qui se chevauchent à l'heure actuelle à cause de nos droits constitutionnels, de nos droits ancestraux, des droits négociés, des déclarations des Nations unies, notamment. Ce sont là les droits qui décrivent ce que nous pouvons faire et la façon de régler ces aspects. Je pense, comme je l'ai dit plus tôt, qu'il nous faut un état des lieux. Le gouvernement a convenu de nous rencontrer et nous devons mettre sur pied un mécanisme de discussion. Il faut que ce processus démarre. Si nous ne le faisons pas, qui s'en chargera? Est-ce que le gouvernement va agir de sa propre initiative pour faire avancer ce dossier ou va-t-il utiliser les Inuits d'une façon ou d'une autre, en tenant compte du fait que toute la question de la souveraineté dans l'Arctique repose sur les Inuits?
N'oubliez pas que nous sommes très proches de nos voisins qui vivent dans le nord de l'Arctique. Lorsque nous voyons les difficultés qui opposent parfois nos deux pays, en particulier avec le genre de président qu'il y a du côté américain, nous ne savons pas très bien ce qui va se passer. Nous devons redéfinir nos orientations. Nous sommes des Canadiens. J'espère que nous sommes perçus comme des Canadiens.
Je vous remercie.
Je crois pouvoir dire que vous êtes perçus de cette façon.
J'ai compris ce que vous avez dit au sujet de l'intérêt symbolique dont vous faites l'objet et du fait que les peuples inuits devraient avoir une représentation permanente au Conseil de l'Arctique. Vous avez parlé du fait que vous êtes des contribuables et des Canadiens. Comment voyez-vous la situation? Serait-ce une présence autochtone ou peut-être une présence autochtone canadienne?
Je crois qu'il y a deux façons de considérer la situation.
La première est de préserver le rôle important qui est celui des Inuits dans l'Arctique. Il faut que l'un d'entre eux préside le Conseil de l'Arctique. C'est la première chose.
Il y a également une autre possibilité; étant donné que les sept pays de l'Arctique occupent la présidence chacun leur tour, les Inuits pourraient peut-être avoir un coprésident auprès des différents pays qui obtiennent la présidence de temps en temps. Je crois que cela se fait tous les trois ou quatre ans. Je crois que c'est un mandat de trois ans. Il faut qu'ils puissent participer davantage. À l'heure actuelle, ils ne se sentent pas en mesure de dire: « Voilà l'instance où je peux parler de mes préoccupations ».
J'aimerais poursuivre rapidement sur votre question, lorsque vous avez demandé comment cela fonctionnerait et si cela ressemblerait à CCI Canada.
Ce serait une excellente chose que le CCI envoie un représentant parler au Comité, mais puisqu'il n'est pas ici à l'heure actuelle, je peux vous dire qu'il s'agit d'un organisme pan-inuit. Ces représentants siègent déjà au Conseil de l'Arctique, en qualité de participants permanents, en qualité de groupe pan-inuit, de sorte qu'il s'agirait de donner aux participants permanents le pouvoir de prendre des décisions qui seraient alors prises en compte.
Une précision pour les membres du Comité, parce qu'ils ne le savent peut-être pas; le Conseil circumpolaire inuit du Canada, le CCI, a été invité à participer à cette discussion et devait comparaître jusqu'à ce que nous apprenions hier qu'il y a eu une urgence et que les représentants ont dû annuler leur déplacement. Ils nous ont dit qu'ils allaient nous envoyer un mémoire. Il était prévu, comme je crois vous le savez, qu'ils feraient partie du groupe de témoins que nous entendons aujourd'hui.
Nous allons maintenant donner la parole au député Blaikie.
Je vous remercie.
J'aimerais revenir à la discussion que nous avons eue au sujet de l'encadrement du développement des ressources ou des décisions à prendre, dont certaines concerneront le développement des ressources. Un de nos collègues a dit quelques mots du fait que des décisions qui avaient pour but d'interdire le développement des ressources de ce territoire avaient été prises sans qu'il y ait eu de véritables consultations. Nous avons entendu récemment la Cour fédérale mentionner que dans certaines situations concernant des régions situées plus au sud le développement des ressources du territoire avait démarré sans qu'il y ait eu de véritables consultations.
Pouvez-vous nous parler du genre de cadre que nous pourrions mettre en place et nous expliquer ce qu'un cadre axé sur les consultations, mais sans pouvoir décisionnel ou dans lequel nous n'aurions pas de représentant parmi les décideurs voudrait dire pour les peuples autochtones et les Inuits et s'ils estimeraient qu'ils ont été véritablement consultés?
Quel serait le genre de cadre que nous pourrions mettre sur pied pour qu'à l'occasion des décisions relatives au développement des ressources concernant cette région nordique, les Inuits estiment qu'ils ont été véritablement consultés et que ces consultations ont eu un effet réel sur la décision de démarrer ou non le développement des ressources ou de procéder pour l'exécuter d'une façon différente de celle qui avait été prévue au départ par les promoteurs du projet?
Les besoins sont très nombreux. Permettez-moi d'essayer de vous les décrire.
Vous posez en fait deux questions. L'une concerne l'avenir et l'autre porte sur la façon d'élaborer maintenant un cadre d'action.
Parlez-vous d'un cadre dans le sens où le gouvernement du Canada utilise ce mot pour l'appliquer aux questions nationales? Nous sommes satisfaits de ce qui se passe de ce côté. Plusieurs propositions concernant la forme que pourrait prendre ce cadre ont été avancées. En ce qui me concerne, il reste encore beaucoup à faire.
Lorsque vous m'avez posé votre question, je crois que vous vous intéressiez davantage au palier international. Je ne suis pas convaincu que l'élaboration d'un cadre réglera ces problèmes. Je pense plutôt qu'au lieu d'essayer d'établir un cadre, nous allons finir par parler de ces questions et peut-être même à en arriver à des négociations. De quoi s'agit-il lorsque l'on parle de cadre? Quels sont ceux qui doivent se préparer à agir? Est-ce que nous devrions nous préparer nous-mêmes, les peuples inuits, en nous disant que la situation serait grandement améliorée si nous proposions un cadre, si nous savions de quoi il s'agit en réalité, et ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire? Je ne pense pas que cela soit la bonne façon d'aborder ces problèmes.
Il faut en réalité commencer par reconnaître le fait que nous existons, que nous avons des droits, qui comprennent nécessairement le droit d'avoir des discussions avec notre gouvernement. Nous avons le droit de communiquer avec notre gouvernement. Le fait de vouloir élaborer un cadre ne revient-il pas à dire: « Remettons tout cela à plus tard. Nous allons laisser les choses en l'état. Nous nous en occuperons plus tard? »
Je ne vois pas comment un cadre pourrait nous être utile. Il sera probablement utile pour le gouvernement. Il pourrait même nous nuire s'il faut respecter un cadre qui serait élaboré aussi bien pour prendre en compte les aspects internationaux que nationaux. D'après moi, le cadre découle de ce qui existe déjà dans la Constitution. Nous avons également une entente sur les revendications territoriales. C'est cela le cadre. Nous avons un rôle à jouer avec le gouvernement lorsqu'il s'agit de l'océan. C'est cela le cadre.
Pourquoi ne pas s'en remettre à ce qui existe déjà et à ce qui a été élaboré au cours des années? Pourquoi faut-il toujours créer quelque chose de nouveau?
Je le reconnais; il y a de nombreux droits qui sont reconnus devant différentes instances à l'heure actuelle. J'espère que bientôt, lorsque mon collègue, Romeo Saganash, va déposer son projet de loi devant le Sénat, comme nous l'espérons, cela fera ressortir encore une fois toute l'importance de la Déclaration des Nations unies.
Oui, il est devenu quelque peu impatient hier, et il est facile de comprendre pourquoi, en partie parce qu'il y a beaucoup de droits des peuples autochtones qui sont reconnus de différentes façons, mais lorsqu'on parle de processus et de mise en route d'un projet concret, malgré tous les succès enregistrés en théorie, lorsqu'il s'agit de projets concrets, il semble que ce qui a été négocié ou non n'ait aucune importance.
Lorsque je parle de cadre, je conviens avec vous qu'il n'est pas nécessaire de conclure une autre entente, mais il faudrait trouver une façon d'actualiser et de mettre en oeuvre ce qui existe déjà en théorie. Je me demande ce qu'il conviendrait, d'après vous, de modifier dans la façon dont les choses fonctionnent à l'heure actuelle. Si nous conservons le modèle de développement actuel que l'on retrouve dans de nombreuses régions au Canada, lorsque l'on regarde ce qu'obtiennent les peuples autochtones dans le développement des ressources des régions nordiques, il est certain que nous allons avoir des conflits semblables et qu'il y aura de la frustration chez les peuples autochtones parce qu'ils n'auront pas été écoutés.
Qu'est-ce qu'il faudrait modifier pour respecter les engagements qui ont déjà été pris devant différentes instances et pour veiller à ce que le développement économique que va très probablement connaître le nord se fasse de la bonne façon et pour éviter d'être obligés encore une fois de nous excuser dans 70, 80 ou 90 ans?
Je suis désolé, mais le temps de parole est écoulé. Vous pourrez peut-être présenter une brève réponse à la question du député Blaikie lorsque vous répondrez à une des questions de suivi.
Merci, monsieur le président.
Merci, sénateur Watt, de nous avoir livré un témoignage extrêmement intéressant. Je suis heureux de vous revoir sur la Colline parlementaire.
Vous avez abordé une question à laquelle nous sommes en train de réfléchir: l'accumulation de toutes ces déclarations de souveraineté émanant de différents pays ainsi que les revendications autochtones. Il y a également un aspect qui complique encore les choses à cause de la façon dont la notion de revendication territoriale est présentée: elles sont basées sur des cartes et sur la cartographie.
La façon dont notre culture conçoit les cartes est très différente de la façon culturelle dont on conçoit les terres dans le Nord. Cela se trouve dans le rapport que votre avocat a produit en 2012, où l'on dit que la glace est un simple prolongement de la terre. La plupart du temps, c'est de la glace.
Lorsque vous avez commencé à témoigner, vous avez dit que vous aviez cartographié les territoires sur lesquels se déplaçaient les Inuits. Il serait extrêmement utile pour nous d'avoir une copie de cette carte, au moins pour la partie qui relève du territoire canadien, de façon à ce que nous comprenions bien le territoire utilisé et comment il s'intègre à nos déclarations de souveraineté fondées sur les règles de l'ONU et les ententes internationales, parce qu'il y a également toute cette question. Je ne sais pas, mais ces cartes ne correspondent peut-être pas, parce qu'on parle également de la revendication des Inuits qui touche un territoire ininterrompu qui se prolonge jusqu'à la côte océanique de l'Arctique, ce qui veut dire en fait l'île d'Ellesmere, et le reste. Jusqu'où s'étend ce territoire? Il serait extrêmement utile pour nous d'avoir ce document.
Je pourrais peut-être demander à notre attaché de recherche s'il serait possible de nous procurer de bonnes cartes des sept pays en question, montrant leurs revendications, l'emplacement des eaux territoriales, et de demander au Conseil circumpolaire inuit quels sont les divers groupes inuits dans ces différents pays et quelles sont leurs revendications, le cas échéant? Je sais que le cadre juridique varie énormément d'un pays à l'autre, mais cela nous aiderait quand même à commencer à étudier ces questions.
Je formule cette demande, si vous voulez y donner suite. Je suis heureux que vous ayez mentionné le fait que les Inuits aient été en 1955 déplacés du Nord du Québec vers l'île Ellesmere. Cela a renforcé en réalité la position du Canada sur la souveraineté...
Oui.
Pour revenir à votre question, la carte dont je parlais n'a rien à voir avec les revendications. Cette carte indique uniquement comment les Inuits de l'Arctique se déplacent et interagissent, même s'ils vivent dans des régions très éloignées les unes des autres, notamment. On pourrait donner comme exemple le Groenland et le Canada ou l'Alaska et le Canada.
C'est un tracé. C'est le tracé de la route de ces peuples, le déplacement de ces peuples. Ils se déplacent constamment entre la région la plus septentrionale, qui est au sommet de la terre, et les régions où se trouvent au sud les derniers peuples inuits — je ne devrais pas dire les derniers peuples.
Le Labrador en fait également partie, de sorte que nous l'avons inclus dans cette carte, tout comme le Québec. C'est un territoire considérable. Le tracé des déplacements commence là, dans la partie inférieure. Que ce soit en hiver ou en été, on pouvait se déplacer avec des attelages de chiens ou par bateau. C'est ce qui figure sur le tracé. C'est la carte que nous avons préparée. Elle n'a toutefois rien à voir avec ce que serait une revendication.
Permettez-moi de revenir sur cet aspect, sur le fait que la notion d'environnement varie tellement dans cette région, tout comme la notion de terre et de propriété. Ce sont des conceptions tout à fait différentes, comme nous l'avons entendu dire au cours de la première heure. Voilà ce qui me fait problème. Il y a un des pays — la Russie — qui a présenté des revendications territoriales. Avec la dorsale Lomonosov, qui se trouve sous la mer...
Cette dorsale se prolonge jusqu'à l'île d'Ellesmere. Cette revendication ne porte pas seulement les eaux internationales de l'Arctique, mais sur un territoire canadien en fonction de règles qui ne reflètent pas la réalité des régions nordiques. Ces règles ont été établies par des nations maritimes dont les eaux n'étaient pas recouvertes de glace et qui essayaient d'étendre leurs compétences territoriales à partir de ports qui étaient accessibles.
On applique ces règles à une région où nous ne reconnaissons pas les revendications territoriales fondées sur la surface de la mer et sur les glaces. Il semble toutefois que les Nations unies soient sur le point de reconnaître que certaines des revendications pourraient être fondées sur des dorsales sous-marines.
Serait-il possible de savoir rapidement ce que vous pensez de cet aspect? Certaines parties de cette question me font problème.
Je vous comprends. Je vais dire maintenant — et cela touche également la question qu'a posée le député Blaikie — que, de toute évidence, le Comité souhaite obtenir beaucoup d'information. Nous pouvons demander au greffier d'en faire le suivi, mais pour ce qui est de la question du député Blaikie et de la dernière question, si vous voulez soumettre quelque chose au Comité, celui-ci l'acceptera avec plaisir. Nous n'avons pas eu vraiment le temps d'approfondir certaines de ces questions. Je tiens toutefois à donner aux membres du Comité le temps de poser des questions.
Nous allons maintenant donner la parole au député Baylis pour trois minutes, et ensuite, nous accorderons trois minutes au député Aboultaif.
Charlie, vous avez dit que vous parliez une langue différente. Quelle est la langue que vous parlez, votre propre langue?
J'aimerais comprendre quelque chose dans le contexte de votre monde, et non pas dans le nôtre. Vous venez ici, vous parlez en anglais, vous portez une cravate et vous parlez de quelque chose qui nous intéresse énormément, à savoir la souveraineté. Elle nous intéresse beaucoup parce que nous voulons exercer un contrôle, nous voulons exploiter des ressources, notamment.
Si vous étiez chez vous et parliez dans votre langue, comment parleriez-vous de toute cette question? Est-ce que cela serait un sujet de discussion, pour un peuple nomade? Que se passerait-il?
Comme si vous disiez « Vous voulez prendre tout ça? ». Nous disons en fait que les gens du Sud, les gens qui viennent d'autres parties du monde, veulent exploiter les ressources qui se trouvent sous nos pieds. Cela ne se fera pas de cette façon. C'est ce que nous essayons de dire. S'il y a des opérations qui concernent les deux parties, nous devons y participer.
Si vous étiez entre vous, vous ne chercheriez pas à savoir qui est propriétaire de ces terres, n'est-ce pas?
Nous savons que ces terres nous appartiennent. Nous sommes arrivés avant tous les autres. Comment commence le droit de propriété? Pensez-y.
Vous n'auriez pas une discussion du genre: « Cette partie de territoire est à moi. Vous ne pouvez pas y venir ». Cela en ferait-il partie?
Si l'Arctique constituait un pays, qui serait reconnu symboliquement comme un État, nos rapports avec le gouvernement canadien et ceux des autres pays seraient fort différents, mais le fait est que nous ne sommes pas reconnus comme un État. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas participer à ces discussions, même s'ils font tout ce qu'ils peuvent pour essayer d'exploiter des ressources qui sont sous nos pieds.
Ce n'est pas un mince problème. Cela touche la vie des gens, leur vie sociale et leur santé mentale, leur économie, leur éducation, et le bien-être des Inuits. Ce sont là des choses qui sont importantes pour nous. Elles ne sont peut-être pas importantes pour les gens du Sud, parce qu'ils ne vivent pas avec nous tous les jours. Je peux le comprendre, mais ce que le gouvernement va devoir reconnaître ce ne sont pas seulement les droits, les droits qui existent dans l'Arctique, parce que les droits existent déjà et sont déjà reconnus. Ils ont une étiquette constitutionnelle.
Nous savons qu'un des principaux problèmes que l'on connaît dans la région de l'Arctique vient du fait que notre population est très petite si on la compare aux autres pays qui ont des revendications dans la région. C'est un problème fondamental. Comment obtenir la souveraineté que vous souhaitez, comment pouvons-nous extraire les ressources dont nous avons besoin et mettre sur pied un plan global pour les 100 prochaines années? Comment pouvons-nous y parvenir avec une population aussi réduite?
Le fait que notre population soit très petite est une des raisons pour lesquelles nous voulons que le gouvernement canadien continue à nous défendre et à agir comme un partenaire. C'est de cette façon que nous considérons la situation. Si vous nous chassez de ce pays, alors nous serons peut-être obligés de penser différemment, mais nous faisons encore aujourd'hui partie du Canada. Nous ne sommes pas différents de vous. Nous payons des impôts tout comme vous. Nous avons peut-être un ensemble de droits parce que nous sommes une composante ethnique, mais c'est une réalité.
Je vous remercie tous les deux. Encore une fois, vous nous avez donné beaucoup à réfléchir et nous allons probablement devoir faire un gros suivi sur cette question.
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