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Bien sûr. Je suis accompagné aujourd'hui du directeur général, Amérique du Nord et Investissement, à Affaires mondiales Canada, Martin Moen, et par la directrice générale du Bureau de la politique de sécurité internationale, Heidi Hulan.
Je commencerai par survoler une série de thèmes auxquels s'intéresse le comité, selon ce que j'ai cru comprendre en lisant la liste de neuf enjeux génériques que vous nous avez fait parvenir. Mes collègues et moi répondrons ensuite avec plaisir à vos questions.
Pour commencer, j'aimerais souligner à quel point la collaboration avec les parlementaires est un aspect crucial de la stratégie de dialogue du ministère des Affaires mondiales avec l'administration Trump. En fait, les membres du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis se sont rendus à Washington, et l'ambassade canadienne a reçu une foule de parlementaires venus seuls ou en groupe pour renforcer les relations avec l'administration Trump. Nous sommes convaincus qu'une approche multipartite et non partisane est la meilleure manière d'exercer une influence sur les décideurs et les leaders d'opinion des États-Unis.
La question no 1 de votre étude porte sur les priorités de nos relations avec les États-Unis de Donald Trump. En un sens, c'est justement là-dessus qu'a porté la visite du à Washington le 13 février.
[Français]
Les priorités sont énoncées dans la déclaration commune, qui est une feuille de route pour la collaboration à venir entre nos deux pays. Elle comprend cinq domaines prioritaires, qui sont assortis d'engagements concrets. J'aimerais vous donner quelques exemples.
Le premier exemple touche la croissance de nos économies.
En ce qui concerne la coopération en matière de réglementation, le Secrétariat du Conseil du Trésor dirige un dialogue permanent avec les hauts fonctionnaires américains pour qu'ils réaffirment le soutien du nouveau gouvernement américain aux efforts visant à continuer les travaux et à faire progresser la coopération en matière de réglementation et les possibilités d'harmonisation entre les principaux secteurs de l'économie.
[Traduction]
Le en a profité pour rencontrer son homologue américain, et les deux parties se sont dites déterminées à faire progresser la coopération.
Le pont international Gordie-Howe fait aussi partie du thème « croissance économique ». Ce projet suit son cours, et le vainqueur de la demande de propositions pour le partenariat public-privé devrait être connu au printemps 2018.
Le deuxième élément se rapportant à la croissance économique est la sécurité et l'environnement. Pour ce qui est de la sécurité énergétique, comme nous le savons tous, le pipeline Keystone XL a maintenant été approuvé par le président et plusieurs autres projets de pipelines ou de lignes de transport d'électricité sont à divers stades d'examen par l'administration américaine.
Vient ensuite la qualité de l'air et de l'eau. Environnement et Changement climatique Canada travaille en étroite collaboration avec les États-Unis, et ce vaste effort de collaboration se poursuit dans le domaine de l'air et de l'eau.
Passons maintenant à la sécurité de la frontière et à la question des entrées et sorties. Le projet de loi a été présenté et il devrait être mis en oeuvre d'ici 2018.
Pour ce qui est du précontrôle, le projet de loi a franchi l'étape de la deuxième lecture et sera bientôt renvoyé au comité. La date de sa mise en oeuvre reste à déterminer. Nous examinons maintenant avec les États-Unis comment effectuer ensemble la préinspection des marchandises.
Il était aussi question de la collaboration à titre d'alliés dans les points chauds de la planète, et plus particulièrement du NORAD. Les prochaines étapes de la modernisation du NORAD sont liées à l'Examen de la politique de défense par le gouvernement, qui devrait être rendue publique sous peu.
Concernant Daech, la a assisté à la réunion de la Coalition mondiale de lutte contre Daech à Washington, organisée par le secrétaire d'État Rex Tillerson le 22 mars. Comme vous le savez, le Canada est membre de la coalition de 68 membres qui vise à affaiblir et à vaincre Daech.
Enfin, le dernier élément se rapportant à la croissance économique est la mise sur pied du Conseil canado-américain pour l'avancement des femmes entrepreneures et chefs d'entreprise. Ce conseil est déterminé à lever les obstacles à la participation des femmes dans le milieu des affaires et à appuyer les femmes en favorisant la croissance des entreprises dirigées par des femmes afin de contribuer à la croissance économique et à la compétitivité globales.
Permettez-moi maintenant de toucher un mot sur la stratégie globale de mobilisation du gouvernement auprès de la nouvelle administration américaine, du Congrès nouvellement élu et des responsables d'État.
[Français]
Depuis le 20 janvier, le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires ont entrepris une vaste stratégie pancanadienne de mobilisation et de rayonnement auprès des États-Unis. Celle-ci comprend non seulement la visite officielle du premier ministre à Washington en février, mais aussi de nombreuses visites et réunions ainsi que d'autres échanges entre les hauts fonctionnaires canadiens et leurs homologues américains, de même qu'entre des dirigeants politiques à l'échelon national et des États.
Le premier ministre, des membres du Cabinet, des secrétaires parlementaires, des premiers ministres et des ministres provinciaux et territoriaux, des comités parlementaires et d'autres parlementaires ont effectué plus de 70 visites. Sur ce nombre, 40 ont été effectuées par 18 ministres fédéraux et trois secrétaires parlementaires. Ces chiffres continueront d'augmenter alors que des hauts fonctionnaires canadiens effectueront des activités de rayonnement auprès des États-Unis dans les mois à venir.
Notre stratégie consiste à dialoguer avec une gamme d'interlocuteurs aussi vaste que possible dans l'ensemble des États-Unis. Nous avons élaboré un programme de rayonnement dans 11 États pour les ministres fédéraux. Notre objectif est de communiquer notre message dans des régions des États-Unis qui n'obtiennent pas toujours une attention à l'échelle nationale, mais qui sont néanmoins essentielles au succès des relations canado-américaines.
[Traduction]
Passons maintenant aux enjeux commerciaux les plus pressants. Compte tenu de l'approche du gouvernement Trump axée sur « les États-Unis d'abord », plusieurs enjeux commerciaux ont reçu une attention considérable dans les médias. Nous aimerions faire le point sur certains des principaux dossiers.
À propos de l'ALENA, le gouvernement américain a clairement dit qu'il entendait le renégocier, mais il n'en a pas encore officiellement notifié le Congrès. Le Canada est ouvert à l'idée d'améliorer l'ALENA, pourvu que les changements profitent aux trois parties. Il n'a toutefois encore rien négocié de la portée d'une quelconque renégociation ni des objectifs qu'elle devrait permettre d'atteindre. Si cette renégociation avait lieu, le Canada sera disposé à discuter en temps et lieu d'améliorations au texte de l'accord, comme l'a confirmé le gouvernement. Des efforts de sensibilisation ont également lieu aux États-Unis afin que les exportateurs américains saisissent bien l'importance du marché canadien, et les responsables du ministère collaborent avec les provinces et les entreprises canadiennes afin que tout le monde envoie le même message.
Dans le dossier du bois d'oeuvre, le Canada demeure convaincu qu'il est dans l'intérêt des deux pays de négocier un nouvel accord. La ministre et l'ambassadeur MacNaughton ont entamé les pourparlers préliminaires avec leurs homologues américains en vue d'une possible reprise des négociations. Les négociateurs canadiens sont prêts à reprendre les discussions aussitôt que les États-Unis s'y montreront disposés.
Même si le Canada souhaite qu'un nouvel accord sur le bois d'oeuvre soit conclu, il n'acceptera pas n'importe quoi. Le futur accord doit absolument être dans l'intérêt de l'industrie canadienne. Qui plus est, même si nous préférerions régler rapidement ce différend, le gouvernement du Canada n'hésitera pas à défendre les intérêts de l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, y compris dans le cadre de l'OMC ou de l'ALENA, le cas échéant.
C'est ce qui m'amène à la question de l'ajustement fiscal à la frontière.
[Français]
Le concept est actuellement envisagé par les républicains à la Chambre des représentants. Nous sommes d'avis qu'une telle mesure serait nuisible aux deux pays, imposerait des coûts supplémentaires aux entreprises américaines et perturberait le commerce à notre frontière. Le gouvernement, par l'entremise du premier ministre, a exprimé son inquiétude et sollicité des opinions auprès d'une vaste gamme d'intervenants aux États-Unis, notamment dans le milieu des affaires, pour qu'ils fassent valoir ces points auprès des membres du Congrès.
[Traduction]
Quelques mots sur l'acier. En janvier, le département du Commerce des États-Unis s'est vu confier la tâche d'élaborer un plan d'approvisionnement en acier de source américaine pour la construction, la rénovation et l'agrandissement des pipelines à l'intérieur des États-Unis. Cette proposition inquiète le Canada pour deux raisons.
Premièrement à cause de la nature extraordinairement intégrée de l'industrie nord-américaine de l'acier, et ce, des deux côtés de la frontière. Deuxièmement parce qu'on tente ici d'encadrer des achats normalement effectués par le secteur privé. Il ne s'agit pas de marchés publics, mais d'une situation où le gouvernement dicte aux entreprises privées avec quels fournisseurs elles doivent faire affaire. Généralement, ces facteurs sont laissés aux négociations commerciales. Nous avons d'ailleurs présenté des observations à cet égard au département du Commerce dans le cadre de son processus de commentaires du public, qui a lieu présentement. Comme je le disais, mon collègue Martin Moen sera heureux de répondre aux questions plus poussées que vous pourriez avoir.
Passons maintenant aux relations trilatérales, qui font elles aussi partie de votre étude.
Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont de longs antécédents de collaboration à titre de partenaires continentaux dans les secteurs de la sécurité, des relations commerciales, de la compétitivité et de l'environnement, pour ne nommer que ceux-là. Depuis 2005, les dirigeants des trois pays se rencontrent au Sommet des leaders nord-américains, qui vise à faire progresser les objectifs stratégiques communs dans ces secteurs. Le dernier sommet a eu lieu à Ottawa, en juin 2016.
Bien qu'il y ait des incertitudes au sujet de la direction que prendra la coopération trilatérale depuis l'élection du président Trump, les signes avant-coureurs démontrent aussi qu'un certain nombre d'engagements trilatéraux pris à la réunion des leaders d'Ottawa, en 2016, seront maintenus. Je n'en dirai pas plus, sinon qu'ils ont trait à la frontière, à la sécurité énergétique et à la collaboration régionale, et je vous inviterai plutôt à me poser les questions que vous pourriez avoir.
De plus, les réunions trilatérales annuelles des ministres de l'Énergie et des ministres de la Défense qui doivent avoir lieu ce printemps sont en cours d'organisation. Ces réunions, ainsi que l'évolution de la renégociation de l'ALENA, nous en apprendront davantage sur la direction que prendra la coopération trilatérale dans l'avenir.
[Français]
Je vais maintenant parler de la coopération en matière de politique étrangère.
Le gouvernement du président Trump a pris le pouvoir en préconisant l'approche America First en matière de politique étrangère. Cette approche place ouvertement les États-Unis et ses intérêts au premier plan. Celle-ci est caractérisée par le nationalisme économique, la protection de la souveraineté américaine et le pouvoir de la force.
Cette politique représente un net contraste avec les politiques des gouvernements, tant démocrates que républicains, qui ont dirigé les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Celles-ci mettaient l'accent sur le leadership des États-Unis quant à l'avancement de la démocratie et des droits de la personne, la libéralisation des échanges commerciaux, le renforcement des institutions internationales et la collaboration avec les alliés pour faire progresser ces objectifs.
À ce stade, nous ne savons pas vraiment comment les principes fondamentaux de l'approche America First se traduiront par des politiques au jour le jour. En outre, les nombreux postes de niveau supérieur au sein du gouvernement, par exemple au département d'État américain, n'ont pas encore été pourvus. Nous en sommes donc à une phase très préliminaire.
Les événements survenus entretemps, notamment l'essai de missile par la Corée du Nord et l'utilisation d'armes chimiques contre les civils par la Syrie, pourraient influer considérablement sur la politique étrangère du gouvernement Trump. Le Canada a condamné l'attaque à l'arme chimique et a appuyé pleinement l'intervention des États-Unis.
Comme je l'ai mentionné précédemment, ma collègue Heidi Hulan sera heureuse de répondre aux questions plus poussées que vous pourriez vouloir poser.
[Traduction]
Je vais m'arrêter ici. J'ai tenté de faire un bref survol des principaux thèmes qui marquent présentement les relations canado-américaines. Nous attendrons avec impatience le rapport du Comité et en suivrons les délibérations avec intérêt.
Vos questions et vos observations sont les bienvenues. Merci.
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Je tâcherai d'être bref, monsieur le président.
Je vous enverrai les renseignements que vous demandez avec plaisir. On assiste à une guerre de chiffres selon qu'on parle des exportations des seuls biens ou qu'on y ajoute aussi les services. Mais nous vous fournirons les statistiques que vous demandez pour toutes ces dernières années.
Je ne sais rien de plus au sujet de la nomination de l'ambassadeur des États-Unis au Canada. Il y a bien le nom d'une dame qui circule... j'oublie son nom, mais elle vient de la Caroline du Nord. Nous pourrons vous en dire plus lorsque nous en saurons plus. Je n'ai encore entendu parler d'aucune audience.
Pour ce qui est des enjeux trilatéraux, comme j'essayais de le dire au début, là aussi, c'est trop tôt pour se prononcer. Le principal dossier est évidemment celui de l'ALENA. Je crois que tout le reste dépendra de la tournure que prendront les événements. J'ai dit tout à l'heure que les ministres de la Défense continuent de se réunir. Je crois que les ministres responsables des dossiers énergétiques aussi, et il se peut que ceux des Affaires étrangères se rencontrent. Concrètement, nous continuons de préconiser une approche de type « contrôle unique » pour tout ce qui touche les douanes. Nous n'en sommes pas encore au point où les personnes qui franchissent la frontière dans un sens pourront automatiquement la franchir dans l'autre, mais nous y travaillons, et les mesures de facilitation du commerce comme celle-là suivent leur cours.
Je disais tout à l'heure que le Canada et les États-Unis continuent de collaborer dans les domaines frontalier et énergétique. Il faut inclure le Mexique là-dedans, car il vient tout juste de libéraliser son secteur énergétique. La collaboration trilatérale a donc toutes les chances de se poursuivre à ce sujet-là.
Du côté sécuritaire, je pense tout de suite aux opioïdes et à la criminalité transnationale, comme la contrebande et la traite de personnes. Là aussi, la collaboration devrait se poursuivre. Le Mexique et les États-Unis collaborent déjà de très près en matière de sécurité. Avant d'être nommé secrétaire à la Sécurité intérieure, le général Kelly était à la tête de l'organisme SOUTHCOOM, en Floride, où il était en charge de l'aspect militaire pour toute l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Voilà un autre dossier où ces deux pays devraient continuer de collaborer, entre eux et avec le Canada, ne serait-ce qu'à cause de l'effet d'entraînement.
Il en va de même de la collaboration régionale, pour les mêmes raisons. Le secrétaire Kelly y accorde beaucoup d'importance. Les risques régionaux que représentent, pour le Canada et les États-Unis, les pays constituant le triangle nord de l'Amérique centrale demeurent inchangés. Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont donc tout intérêt à poursuivre leur collaboration.
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Je vais répondre à la partie concernant le Canada dans un instant, mais ma réponse à l'hypothèse selon laquelle la Chine se tourne vers la puissance douce et les États-Unis, vers la puissance coercitive, c'est qu'il est trop tôt pour s'avancer. C'est mon léger bémol.
Nous ne savons pas vraiment à quel point les États-Unis auront recours à la puissance coercitive par opposition à la puissance douce, car ils n'ont pas encore défini la politique « Les États-Unis d'abord ».
De même, la Chine se lance dans les entreprises que vous avez mentionnées, notamment la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures et la politique « Une ceinture, une route », ainsi que bien d'autres en Afrique, dans les Caraïbes et en Amérique latine. Selon moi, en particulier du point de vue du développement économique, la qualification de ces programmes comme relevant de la puissance douce est discutable. Ils sont accompagnés de beaucoup d'argent et de peu de conditions. Je suppose qu'on espère que le résultat sera le même, mais, selon moi, le sentiment global à l'égard de ce qui, la semaine dernière, était certainement considéré comme la plus importante relation bilatérale au monde, soit celle entre les États-Unis et la Chine, est qu'il s'agit d'une oeuvre en cours d'élaboration.
Pour en venir à la deuxième partie de votre question, soit où se situe le Canada, beaucoup de gens dans notre bâtiment consacrent des heures et des heures à y réfléchir. De toute évidence, le monde évolue d'une manière qui, bien franchement, n'était pas entièrement prévue avant l'élection du président Trump, et nous devons réfléchir pour déterminer quels sont les meilleurs intérêts du Canada au quotidien et à long terme. Certes, ils sont déterminés par rapport à la relation importante que vous avez mentionnée, soit celle des États-Unis et de la Chine, mais aussi, sur le plan commercial, par rapport aux accords de libre-échange, et sur le plan stratégique, par rapport aux intérêts du Canada compte tenu de la dynamique qui évolue rapidement au Moyen-Orient.
Il semble que nous ayons atteint un point déterminant en matière de relations internationales, et dans une telle situation, il faut examiner toutes les éventualités.
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Merci beaucoup. Je suis devenu le Quasimodo des témoins ici. Chaque fois que je m'assieds, la sonnerie retentit.
Des voix: Oh, oh!
M. Warren Everson: Je suis très heureux d'avoir été invité à comparaître devant le Comité. Il s'agit de ma première comparution devant le Comité sous la Chambre actuelle. Je suis ravi de voir que vous entreprenez cette étude, car il n'y a pas de question plus importante pour les relations étrangères du Canada que notre relation avec les États-Unis. Je crois que nous reviendrons probablement devant vous avant la fin de vos travaux.
Je félicite le personnel, Mme Crandall et son personnel, d'avoir préparé une liste de questions. Je crois que c'est la première fois qu'un comité me soumet une liste de questions à l'avance, et cela a donné beaucoup de matière à réflexion. Malheureusement, je dois m'en tenir aux questions économiques relatives au mandat de la Chambre de commerce, alors je ne toucherai pas toutes les autres questions fascinantes soulevées. Reste que j'en suis reconnaissant.
Je tiens également à m'excuser si mes observations d'aujourd'hui sont toutes en anglais. C'est la première fois que cela m'arrive, mais je me suis trompé dans mes instructions à mon traducteur, si bien que demain ou après-demain, j'aurai une belle traduction de ma déclaration.
Nous surveillons tous la situation aux États-Unis avec fascination et avec inquiétude. La politique aux États-Unis à l'heure actuelle revêt un caractère furieux, presque violent, et des menaces émanent de toutes sortes de sources différentes. Cela dit, en vérité, il n'y a pas de lobby anti-Canada aux États-Unis. À la Chambre de commerce, nous mobilisons nos membres et nos dirigeants pour consulter les entreprises américaines dans leurs propres régions afin de leur rappeler à quel point notre relation est précieuse et à quel point sa perturbation leur serait nuisible.
Adriana Vega, à ma gauche, est directrice des affaires internationales et sera l'un des principaux intervenants dans la campagne de la Chambre de commerce. Adriana est polynationale. Née au Mexique, elle a servi auprès de l'ambassade canadienne à Mexico et à Pékin, a vécu à Londres et travaillé avec l'India Business Council du Royaume-Uni avant de se joindre à nous. Elle est revenue hier du Japon. J'ai donné une allocution à Morrisburg récemment, ce qui est bien, mais Adriana sera sans doute appelée à répondre à certaines questions.
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En ce qui concerne notre relation avec les États-Unis, nous avons une excellente histoire à raconter aux Américains. Nous tentons simplement de trouver la meilleure façon de la raconter. Des millions d'Américains dépendent de nous pour une partie de leur prospérité, et presque aucun d'entre eux ne le sait. Au cours des prochains mois, notre chef de la direction et certains membres clés de nos groupes de l'industrie participeront à des missions aux États-Unis. Nous travaillons en étroite collaboration avec David Morrison et son équipe à cet égard. Nos premières visites auront lieu dans quelques semaines, lorsque le président se trouvera en Caroline, puis de nouveau dans le Sud.
Je crois qu'il faut limiter en quelque sorte nos attentes. Les Américains n'ont pas besoin d'un long essai volumineux sur leur relation avec le Canada. Ils ont simplement besoin qu'on la leur rappelle et qu'on les prévienne que chaque fois qu'un malheur survient au Canada, cela se répercute en général sur l'économie des États-Unis, ce qui en victimise la population.
Je crois qu'il ne devrait pas y avoir une seule convention ou assemblée annuelle ou réunion cette année où l'on ne souligne pas la bonne relation des États-Unis avec le Canada et l'importance de faire pression auprès des responsables à Washington pour qu'ils prennent soin de cette relation. C'est pratiquement tout ce dont nous avons besoin. Comme je le dis, à ce que nous sachions, il n'y a pas d'agressivité refoulée envers le Canada chez les Américains.
Je vais mentionner trois domaines clés sur lesquels nous nous concentrons, puis je suis impatient de répondre aux questions.
Le premier domaine est la renégociation de l'ALENA. Puis il y a la réforme fiscale promise aux États-Unis, qui représente un autre gros dossier ayant de nombreuses ramifications. Ensuite, se trouve une catégorie mal définie appelée « tout le reste », car, comme nous le savons tous, des centaines d'autres questions pourraient s'imposer.
Je vais parler aussi rapidement que possible de l'ALENA. Nous avons renégocié l'ALENA un certain nombre de fois depuis sa signature, 10 fois si je ne m'abuse. L'accord prévoit que les parties puissent changer les définitions et apporter de légères modifications. Ce sont, littéralement, les petites modifications dont parlait M. Trump il y a quelques mois. Toutefois, cela ne semble pas être ce que les Américains planifient maintenant.
Il y a à peine deux ans, la Chambre de commerce du Canada faisait valoir la réouverture et la renégociation de l'ALENA simplement parce qu'il s'agit d'un vieil accord. Un tas de choses qui sont présentes dans notre économie, tel que le commerce électronique, ne s'y trouvent pas. Il comprend des définitions très archaïques des catégories d'emploi et autres choses du genre. Nous estimions que c'était une excellente idée. Aussi, des négociateurs du Canada et d'autres pays nous montraient les possibilités de l'Accord économique et commercial global et du Partenariat transpacifique, lesquels contiennent des dispositions plus ambitieuses et très intéressantes.
Je ne crois pas que nous aurions choisi de rouvrir l'ALENA dans le contexte actuel, mais il faut faire avec. Je crois que les trois pays peuvent s'attendre à d'importantes améliorations de l'accord si l'attitude des négociateurs est que celui-ci doit bénéficier mutuellement aux parties. Je conviens toutefois qu'il n'est pas certain que ce soit l'attitude qui prévale en ce moment.
Le discours tenu par d'importants Américains, notamment le président élu Donald Trump, est loin de laisser entendre qu'on recherche des avantages mutuels. Cela dit, je crois que le Canada devrait s'engager dans ces négociations avec la même approche ferme et pleine d'espoir que nous adoptons pour toutes les négociations. Nous devrons faire quelques concessions. Nous rechercherons quelques avantages. Nous avons certainement des choses à gagner d'un nouvel ALENA. Si les concessions qu'on nous demande de faire sont excessives, nous devrons être prêts à nous retirer de cet accord.
Nous devons nous rappeler que les Américains ne se sont pas engagés dans cet accord par charité ou pour nous faire une faveur. Il leur apporte des avantages. Pour ceux d'entre vous qui l'ont remarqué, l'ébauche de la lettre au Congrès préparée pour à des fins de signature il y a deux semaines commençait par un rapport sur l'importance de l'ALENA pour l'économie des États-Unis. Je doute que, s'ils l'emportent, les esprits sages adopteront une attitude cavalière à l'égard de l'avenir de l'accord.
Nous avons tout un tas d'objectifs d'attaque. Il y a la mise à jour de nos désignations professionnelles. J'ai mentionné l'allègement, si possible, de l'énorme fardeau administratif entourant les règles actuelles concernant la provenance. Vos témoins précédents ont parlé de l'exercice de coopération en matière de réglementation. Nous appuyons fermement cela, tout comme les membres américains de la Chambre de commerce. C'est un point reluisant de notre relation ces dernières années. Nous estimons que cela devrait former un chapitre de l'ALENA.
Du côté de la défensive, nous estimons que le Canada doit lutter férocement contre les mesures protectionnistes les plus flagrantes dont on entend parler, telles que la politique d'achat aux États-Unis et l'étiquetage indiquant le pays d'origine. Il faut nous rappeler que le but de l'ALENA était d'étendre le commerce et de le libéraliser. Nous devons être très hostiles à l'idée de négocier un accord de restriction du commerce.
J'étais conseiller économique du ministre du Commerce à l'époque où la négociation s'est conclue et où nous avons présenté le projet de loi à la Chambre. Le chapitre 19, qui porte sur le mécanisme de règlement des différends en matière de droits compensateurs, est vraiment la principale raison pour laquelle le Canada s'est engagé dans l'accord de libre-échange: pour échapper à cet interminable harcèlement judiciaire. Il y a un gros lobby aux États-Unis pour se débarrasser du chapitre 19 et revenir aux recours judiciaires. Lutter contre cela doit être une très grande priorité pour le Canada. Le chapitre 19 ne fonctionne pas très bien; le système est engorgé. Toutefois, nous savons que les Américains qui prétendent qu'il en va de leur souveraineté sont en fait seulement désireux de revenir au système des recours judiciaires essentiellement comme outil de harcèlement commercial.
Nous aurons une meilleure idée de ce que recherchent les Américains lorsque nous verrons l'avis officiel de l'administration au Congrès. Alors, nous pourrons commencer à étalonner ce que nous avons à gagner et quand.
Très rapidement, je tiens à mentionner que, d'une certaine manière, je crois que l'exercice de réforme fiscale est plus dangereux pour le Canada, car il n'y a pas de supervision par des adultes. Ce sera une querelle massive à Washington, et les parties, alors qu'ils négocient âprement, ne se rendront pas compte de qui est gagnant et qui est perdant, outre l'intérêt précis qu'ils défendent. Personnellement, je doute que l'administration sera en mesure de contrôler le Congrès et de dicter les conditions.
Nous voyons ces propositions massives radicales visant à faire passer de façon très marquée les sources de revenu des États-Unis des impôts levés par les États et des impôts sur le revenu des particuliers vers les taxes frontalières, les charges sociales et ainsi de suite. Ce genre de grand dessin est dangereux, probablement pour eux et certainement pour nous. Je ne crois pas qu'il faille paniquer pour l'instant. En février, le sénateur Tom Cotton, un républicain, a dit à la Chambre, en parlant de la taxe frontalière — et ceci est ma citation préférée jusqu'à présent — « Certaines idées sont si stupides que seul un intellectuel pourrait les croire ».
Des voix: Oh, oh!
M. Warren Everson: J'estime que la combinaison du sentiment protectionniste et d'un besoin désespéré de trouver de nouvelles sources de revenu présente un risque considérable pour le Canada. Encore là, la seule façon d'arrêter cela serait que les Américains eux-mêmes veillent à leurs propres intérêts, et s'ils constatent que quelque chose sera très négatif pour le Canada, et donc destructeur pour leur plus important client, ils défendront peut-être leur propre cause, aidant ainsi du coup notre situation.
Je passe maintenant à la section intitulée « tout le reste », qui comprend tous les autres irritants et exacerbants possibles qui pourraient se présenter entre nous.
La plus importante menace que posent les États-Unis n'est probablement aucune de ces actions manifestes, mais simplement le résultat d'un geste général de la part du gouvernement des États-Unis en vue d'améliorer la capacité concurrentielle des entreprises américaines. Que nous aimions ou pas ce qu'ils font (réduction d'impôts, allégement de la réglementation, report des dépenses en environnement, rapatriement des capitaux à l'étranger au moyen d'une amnistie fiscale), que nous trouvions ces mesures judicieuses ou non, cela aura une incidence très importante sur la capacité concurrentielle des entreprises américaines, et les voisins comme nous devront y réagir. Je crois que c'est là notre plus grand défi, non pas l'une ou l'autre des mesures précises, mais l'amélioration générale des occasions d'investir aux États-Unis et l'amoindrissement de l'attrait d'investir au Canada.
Jusqu'à présent, le gouvernement du Canada fait un excellent travail pour consulter les États-Unis au niveau politique; nous avons rencontré tout le monde. Dès qu'une personne est nommée et approuvée par le Congrès, un Canadien est prêt à l'inviter pour un café. C'est très impressionnant. Les diplomates américains nous le disent; ils n'ont jamais vu une campagne aussi efficace, ou du moins aussi active.
Cependant, le prochain exercice consiste à sortir de Washington et à pénétrer dans le coeur des États-Unis, où les Américains font valoir leurs intérêts auprès de leurs propres législateurs, pour nous assurer que le Canada est considéré comme quelque chose de positif à cet égard et qu'on évite les dangers pour notre relation.
Je crois que je vais m'arrêter ici, monsieur le président. Je suis impatient de répondre aux questions.
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J'aimerais soulever quelques points. Il va sans dire que je suis d'accord avec vous.
Il y a au moins cinq ou six plans de réforme fiscale importante qui circulent au Congrès à l'heure actuelle. M. Grassley en a un et M. Brady aussi. Comme on le sait, M. Ryan a présenté ses propositions très rapidement. Il est encore trop tôt pour prévoir l'issue de tout cela, mais, chose certaine, les Américains ont un problème. Leur système fiscal ne fournit au gouvernement fédéral que cinq ou six sources de fonds: les impôts des sociétés et des particuliers, les cotisations sociales, les droits de succession et les droits de douane. Il n'y a pas grand-chose d'autre.
Ils se sont déjà engagés à se débarrasser des droits de succession. C'est déjà 4 % des recettes fiscales brutes. Si les entreprises bénéficient d'une baisse importante de leurs impôts et que l'on diminue aussi les impôts des particuliers, le gouvernement se retrouvera avec un déficit colossal. Ils ne peuvent pas présenter au Congrès un projet de loi qui prévoit un tel déficit; il leur faut donc trouver un moyen de pouvoir dire qu'ils vont récupérer cet argent ailleurs. C'est pour cela que M. Ryan parle d'un « ajustement » fiscal à la frontière.
Ils vont fort probablement essayer d'augmenter les revenus à la frontière, mais je pense qu'ils ne font que parler pour la galerie pour le moment. Dans ce que j'ai vu jusqu'ici, aucun plan ne me semble vraiment valable à long terme. Oui, imposer des droits de douane astronomiques serait très profitable la première année, mais il n'y aurait plus rien la deuxième année. Quelles conséquences cela aurait-il pour eux? À quelle vitesse les Américains peuvent-ils rapatrier de l'argent, construire de nouvelles installations et faire augmenter les recettes du gouvernement provenant des cotisations sociales? Ils se trouvent dans une situation plutôt épineuse.
Je ne veux pas vous faire perdre votre temps, mais j'aimerais ajouter qu'à mon avis, les Américains ne vont pas rester passifs pendant le mandat de cette administration, car le protectionnisme a un prix très élevé. Il a un prix élevé pour les producteurs, qui, eux, essaient d'exporter leurs produits. Le coût des intrants devient plus élevé et les consommateurs s'en ressentent.
À un moment donné, probablement pendant l'assemblée générale d'un conglomérat quelconque, les investisseurs vont se lever et demander pourquoi exactement on veut déménager la production dans un territoire où les salaires sont élevés alors que le produit fabriqué dans une région où les salaires sont faibles est de bonne qualité. Je ne pense pas que ce débat pourra être évité.