FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 février 2019
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Je déclare ouverte la 127e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Ce matin, nous poursuivons notre étude sur le soutien qu'offre le Canada au chapitre du développement de la démocratie. Nous entendrons quatre témoins ce matin. Les deux premiers d'entre eux sont en ligne.
Nous entendrons d'abord Anthony Smith, directeur général de la Westminster Foundation for Democracy, qui témoigne depuis Londres, en Angleterre.
Bonjour, monsieur, ou plutôt bon après-midi.
De plus, nous entendrons Carl Gershman, président du National Endowment for Democracy, qui comparaît à partir de Washington, D.C.
Messieurs, je vous demanderais de faire vos exposés, en prenant chacun peut-être un peu moins de 10 minutes. Je sais que tout le monde aura beaucoup de questions à vous poser. Nous terminerons l'heure avec ces questions.
Monsieur Smith, peut-être pourriez-vous prendre la parole en premier.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je tenterai de prendre moins de temps que cela.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner dans le cadre de votre étude. Comme j'ai lu les exposés de certains témoins précédents, je ne reprendrai pas certains de leurs propos portant sur les tendances récentes en matière de gouvernance démocratique et sur l'importance du soutien de la démocratie dans le monde. J'appuie sans réserve ce qu'ils ont dit et les points qu'ils ont soulevés sur l'importance du soutien que le Canada offre sur le plan de la gouvernance démocratique.
Je pense que je peux probablement contribuer le plus utilement possible à votre étude en décrivant les origines et la gouvernance de mon organisation, le travail qu'elle accomplit actuellement et certains des facteurs qui ont influencé son approche ces dernières années.
La Westminster Foundation for Democracy a été établie en 1992 à l'initiative d'un groupe interpartis de parlementaires qui voulaient appuyer leurs homologues de l'Europe de l'Est et d'autres régions qui bénéficiaient de nouvelles libertés à la suite de la fin de la guerre froide. Comme notre Parlement ne disposait pas des moyens nécessaires pour entreprendre de tels travaux, il s'est adressé au gouvernement britannique, lequel, après avoir examiné les pratiques, notamment aux États-Unis et en Allemagne, a décidé de mettre sur pied notre fondation. Depuis lors, notre structure de gouvernance et notre mission sont demeurées généralement les mêmes.
Nous sommes un organisme indépendant du Foreign and Commonwealth Office; le conseil d'administration et le président-directeur général sont nommés par le secrétaire d'État aux Affaires étrangères. Le conseil d'administration n'a pas de pouvoir exécutif et est composé de six membres politiques. À l'heure actuelle, ce sont tous des députés, mais il n'est pas obligatoire qu'ils le soient. Le conseil compte également quatre membres apolitiques.
Le Foreign and Commonwealth Office approuve notre stratégie, tout en nous accordant l'indépendance opérationnelle dans le cadre de notre travail. Même si nous ne formons pas un organe parlementaire, nous relevons du Président de la Chambre des communes et nous collaborons étroitement avec les Parlements du Royaume-Uni, y compris le Parlement délégué et les assemblées. Les partis politiques du Royaume-Uni ont évidemment une importance cruciale pour nous. Notre mission demeure celle qu'elle était en 1992: soutenir la gouvernance démocratique dans les pays en développement et en transition.
Nous comptons aujourd'hui des bureaux dans 30 pays et nous travaillons avec quatre principales parties prenantes: le Parlement, les partis politiques, les organes électoraux et la société civile. Nous mettons l'accent sur la qualité du régime politique dans nos pays partenaires; nous nous intéressons donc principalement à la participation politique des femmes, à l'inclusion des groupes marginalisés, à la reddition de comptes et à la transparence.
Notre méthode consiste principalement à offrir du soutien de pair à pair afin de transmettre les expériences entre homologues. Les détails de chaque programme diffèrent et sont adaptés aux exigences des divers partenaires. Je pourrai vous donner des exemples plus tard. Vous pouvez aussi en trouver un grand nombre dans notre rapport annuel et notre site Web. Nous mettons aussi en oeuvre un petit programme et un partenariat de recherche avec l'Université de Birmingham, en Angleterre.
Sur le plan du financement, nous recevons une subvention annuelle du Foreign and Commonwealth Office. Ces dernières années, elle est demeurée stable à 3,5 millions de livres. Nous recevons également une subvention du gouvernement du Royaume-Uni et d'un éventail d'autres bailleurs de fonds afin de financer des programmes dans des pays ou des régions précis où nous faisons habituellement concurrence à d'autres organisations. Nos revenus globaux de cette année s'élèvent à quelque 17 millions de livres.
Permettez-moi d'énumérer trois facteurs qui ont influencé notre approche récente à l'égard de notre travail dans ce domaine. Le premier d'entre eux est celui des intérêts par rapport aux valeurs. Notre organisation est très axée sur les valeurs, mais nous ne pouvons plus nous fier seulement à ce facteur pour convaincre les donateurs d'investir dans le soutien de la démocratie. Nous faisons aussi remarquer que la démocratie contribue de manière substantielle à toutes les priorités internationales du Royaume-Uni, qu'il s'agisse de la sécurité, de la prospérité, de la lutte contre la pauvreté ou de la réduction des émissions de carbone. Je suppose qu'il en va de même au Canada et pour tous les autres alliés au chapitre des priorités internationales.
Nous voulons aussi être plus clairs que par le passé au sujet des éléments précis des pratiques démocratiques qui comptent, que cela concerne la supervision financière, les partis politiques axés sur les politiques ou les parlements attentifs à l'égalité entre les sexes. Il ne suffit plus de clamer notre appui au grand concept de démocratie; nous devons faire bien plus.
Le deuxième facteur qui influence notre travail, c'est le fait que le changement exige du temps. Nous considérons que le progrès est le fruit d'investissements patients dans un ensemble d'institutions et d'instances dirigeantes. Les institutions ont besoin de compétences et d'une culture politique adaptables, tolérantes et résilientes face aux changements inévitables que tout pays devra affronter, mais chaque pays doit aussi avoir des dirigeants qui réagissent aux défis et qui profitent des occasions qui se présentent.
D'une certaine manière, le temps est plus précieux que l'argent. La démocratie a besoin de ressources modestes, mais d'énormément de patience. J'ajouterais qu'il a fallu à notre organisation 25 ans pour atteindre la solide position dont elle jouit aujourd'hui au Royaume-Uni. Nous avons donc dû faire preuve de patience dans notre pays également.
Ces deux facteurs ont un lien avec le dernier, c'est-à-dire la manière dont nous travaillons le plus efficacement possible pour soutenir la démocratie. D'après ce que j'observe au Royaume-Uni et dans d'autres pays, j'ai l'impression que l'efficacité doit commencer par une politique claire. Chaque pays, qu'il s'agisse du Royaume-Uni, des États-Unis, du Canada ou d'un autre pays, doit disposer d'une politique de soutien de la démocratie soigneusement élaborée qui créera un large consensus politique. Ces facteurs ne sont pas toujours tous présents, mais je pense que c'est un élément très important.
Forts d'une politique solide, nous pouvons établir une approche cohérente au sein du gouvernement et contribuer au maintien du soutien sur une longue période. Sans politique forte, nous risquons de faire preuve d'incohérence et d'adopter une approche à court terme.
Monsieur le président, je me ferai un plaisir de vous en dire plus à ce sujet, mais ce sont là les principaux points que je voulais soulever afin de lancer la discussion.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Carl Gershman.
Monsieur, vous pouvez commencer votre exposé.
Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invité à témoigner ce matin.
Je vous félicite d'entreprendre une étude sur le rôle du Canada dans le développement de la démocratie à l'échelle internationale. Je considère depuis longtemps que le Canada a un rôle primordial à jouer à cet égard, un rôle qui est maintenant plus important que jamais.
La National Endowment for Democracy, ou NED, a été fondée il y a 35 ans dans un moment plein d'espoir, alors que ce qui a par la suite été appelé la troisième vague de démocratisation commençait tout juste à gagner en force. Bien entendu, comme nous le savons bien, la période actuelle est très différente. Selon Freedom House, l'année 2018 constitue la 13e année consécutive de recul de la démocratie dans le monde. Cette période a été le théâtre de la montée en puissance et de l'affirmation d'États autoritaires comme la Chine, la Russie et l'Iran; de la dégradation de la situation dans des pays autrefois démocratiques comme la Turquie, le Venezuela, les Philippines, la Thaïlande et la Hongrie; et de la montée de mouvements et de partis populistes et nationalistes dans des démocraties établies. Des régimes autocratiques ont tenté de réprimer des groupes indépendants s'efforçant de favoriser la liberté et de les couper de l'aide internationale offerte par les organismes comme le National Democratic Institute et l'International Republican Institute, des constituants de la NED. Ces régimes ont aussi adopté des lois sévères pour rendre illégale l'aide étrangère aux ONG.
Le travail ne s'en poursuit pas moins et prend même de l'expansion; voilà qui témoigne de la détermination et du courage des groupes autochtones, qui veulent poursuivre leur travail et recevoir l'aide nécessaire malgré les risques. Il ne faudrait pas oublier qu'en dépit des reculs, des gains ont aussi été observés en Éthiopie, en Arménie et en Malaisie, des pays où la NED a fourni du soutien aux démocrates avant les ouvertures politiques, ce qui lui a permis d'élargir rapidement son soutien après ces ouvertures. Voilà qui illustre notre détermination et notre capacité à contourner les obstacles créés par des régimes autoritaires et à continuer de fournir du soutien, tout en prenant soin de protéger la sécurité de nos titulaires de subvention.
La NED est une organisation inhabituelle créée de manière à relever les défis difficiles. Dans la foulée du discours historique que le président Reagan a prononcé à Westminster en 1982, dans lequel il a réclamé un nouvel effort afin de soutenir la démocratie dans le monde, l'organisation non gouvernementale qu'est la NED a été créée sous la houlette d'un conseil d'administration privé et indépendant. La NED reçoit son financement de base sous la forme d'affectations annuelles accordées par le Congrès en vertu de la National Endowment for Democracy Act adoptée en 1983. Cette loi prévoit aussi un pare-feu entre les autorités de dotation et les pouvoirs exécutifs du gouvernement.
La NED est un organisme subventionnaire bipartite privé qui se tient à l'écart des conflits politiques du jour et adopte une approche à long terme à l'égard du développement de la démocratie. En plus d'appuyer des initiatives démocratiques communautaires, il agit à titre de pôle d'activités, de ressources et d'échanges intellectuels entre des activistes, des professionnels et des analystes des quatre coins du monde.
La NED emprunte une approche multisectorielle sur le plan du soutien de la démocratie, finançant des programmes par l'entremise de ses quatre instituts constitutifs, lesquels représentent nos deux principaux partis politiques, le milieu des affaires et le mouvement ouvrier. Je sais qu'il y a deux semaines, vous avez entendu les présidents de nos deux instituts représentant des partis, soit le National Democratic Institute et l'International Republican Institute. Chacun des quatre instituts constitutifs de la NED peut accéder à l'expertise et à l'expérience de son secteur à partir de toutes les régions du monde. Qui plus est, le programme dans le cadre duquel nous accordons de petites subventions ciblées en fonction de la demande comble directement les besoins des ONG locales, ce qui nous permet de défendre les droits de la personne, de renforcer l'éducation des médias et de la population, et de favoriser l'autonomie des femmes et des jeunes de manière à leur permettre d'établir leur crédibilité à titre de forces de démocratisation dans leurs propres sociétés.
Étant une organisation autonome qui soutient la démocratie, la NED peut renforcer continuellement les organisations autochtones de la société civile, apprendre de ses essais et de ses erreurs, et établir d'importants réseaux de confiance et de collaboration qui peuvent s'avérer efficaces à long terme.
Comme elle est une organisation privée souple n'ayant pas de bureaux à l'étranger, la NED est réputée pour agir rapidement, souplement et efficacement en fournissant une aide essentielle aux activistes qui oeuvrent dans des conditions très difficiles. Elle déploie aussi des efforts énormes pour surveiller le travail de ses titulaires de subvention et pour honorer ses responsabilités de fiduciaire en gérant soigneusement les fonds publics.
La NED tire aussi parti de son programme de subventions dans le cadre d'activités de réseautage et de reconnaissance afin de manifester son soutien et sa solidarité politiques envers les activistes en première ligne. Ces activités incluent notamment le Mouvement mondial pour la démocratie, qui fait le lien entre des activistes qui oeuvrent pour la démocratie dans le monde entier; le Center for International Media Assistance; le Reagan-Fascell Democracy Fellows Program; et nos propres activités de remise de prix dans le domaine de la démocratie au Capitole.
La NED favorise aussi les travaux de recherche d'érudits par l'entremise de l'International Forum for Democratic Studies et du Journal of Democracy, permettant ainsi aux activistes d'accéder aux renseignements les plus récents sur la manière de soutenir les transitions vers la démocratie et de renforcer les valeurs libérales. Ces travaux alimentent aussi la réflexion internationale sur les nouveaux défis graves qui se présentent sur le plan de la démocratie.
En 2015, le Congrès a accordé de nouveaux fonds à la NED pour qu'elle élabore un plan stratégique afin de réagir à la résurgence de l'autoritarisme. Au titre de ce plan, la NED finance maintenant des programmes ciblant six priorités stratégiques, lesquelles consistent à aider la société civile à réagir à la répression; à défendre l'intégrité du secteur de l'information; à contrer l'extrémisme et à favoriser le pluralisme et la tolérance; à corriger les lacunes de la gouvernance dans de nombreux pays en transition; à lutter contre la kleptocratie, un pilier de l'autoritarisme moderne; et à renforcer la collaboration entre les démocraties afin de réagir à ce qui menace la démocratie.
Comme nous poursuivons des objectifs stratégiques communs, l'ensemble net de nos efforts est devenu plus fort et plus intégré, et la collaboration s'est renforcée entre les diverses régions et les cinq institutions, c'est-à-dire la NED et ses quatre instituts constitutifs, qui forment ensemble ce que nous appelons la famille NED.
Alors que le Canada réfléchit à la manière dont il peut établir une manière efficace et rentable de favoriser la démocratie dans le monde, je vous propose d'examiner la distinction faite dans un nouveau rapport publié en Europe entre les approches descendantes et ascendantes à l'égard du soutien de la démocratie. L'approche descendante consiste essentiellement à soutenir la réforme graduelle du système judiciaire ou d'autres institutions, par exemple, en agissant souvent de manière technocratique en partenariat avec des gouvernements qui peuvent n'être que superficiellement déterminés à apporter des réformes démocratiques. Pour sa part, l'approche ascendante vise à habiliter les acteurs locaux en les aidant à relever les défis auxquels ils sont confrontés dans l'immédiat et à renforcer leur capacité de favoriser la réforme et la responsabilisation des institutions à long terme. Les auteurs de ce rapport recommandent un renforcement substantiel des instruments ascendants, comme le Fonds européen pour la démocratie, une organisation inspirée de la NED qui, selon le rapport, réussit efficacement à relever les défis difficiles actuels.
Je veux conclure en indiquant que je suis depuis longtemps convaincu que le Canada a la capacité de faire une contribution substantielle au renforcement de la démocratie dans le monde, particulièrement en une ère de grande incertitude où la démocratie libérale est menacée de toutes parts. Votre pays compte en effet des centaines de professionnels dévoués à la défense de la démocratie, dont de nombreux vétérans des programmes du National Democratic Institute et de l'International Republican Institute qui possèdent l'expérience nécessaire pour diriger un nouvel effort canadien.
Les États-Unis participent toujours à ces démarches, et les deux partis du Congrès appuient fortement les activités de la NED et, de façon générale, les droits de la personne et la démocratie. La voix des États-Unis est toutefois moins forte qu'autrefois, et le temps est venu pour le Canada d'intervenir et de fournir une nouvelle source d'énergie et de dynamisme démocratiques.
Vous pouvez contribuer concrètement de bien des manières aux efforts, mais la décision de créer un nouvel instrument à cette fin constituera en soi un acte de solidarité démocratique important, un acte qui apportera de l'espoir à de nombreux activistes courageux et qui rendra le monde plus sûr et plus paisible.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à vous deux.
Nous passerons immédiatement aux questions, en accordant d'abord la parole à Mme Alleslev.
Je vous remercie tous les deux de témoigner pour nous aider dans le cadre de notre importante étude.
Ma première question s'adresse à vous deux.
Il est fort préoccupant que la démocratie ait reculé au cours de 13 années consécutives. J'aimerais d'abord savoir si ce recul est constant ou s'il est accéléré récemment. De plus, avec tous les efforts que le Royaume-Uni, les organismes internationaux et même le Canada — qui n'a pas d'institution précise à cette fin — ont déployés, pourquoi ce recul important se poursuit-il? À quelles causes attribueriez-vous ce recul? Quel problème tentons-nous de résoudre?
Anthony.
Je répondrai à la première question en disant que je ne pense pas que le recul accélère continuellement. Ce déclin coïncide avec plusieurs crises qui sévissent de par le monde, notamment sur le plan économique. La situation est attribuable aux conflits politiques découlant de ces crises, ainsi qu'au fait que certains pays ont adopté la forme de la démocratie, mais sans profondeur et sans réellement avoir de culture démocratique pour appuyer la réforme. Bien des gens ayant une approche autocrate sont passés maîtres dans l'art de conserver le pouvoir sans recourir aux formes extrêmes d'autocratie observées dans le passé.
Pour ce qui est des causes du recul, je pense avoir en partie traité de la question dans la réponse que je viens de donner. Il ne faut pas oublier que la démocratie a, fort heureusement, considérablement progressé dans le monde au cours des 50 dernières années. Si vous retournez encore plus loin en arrière, vous devriez être encore plus encouragés. Ce recul est le résultat de la situation politique difficile de certains pays. La capacité des gens d'exploiter les faiblesses des institutions démocratiques s'est accrue, car ils tirent des leçons de l'expérience et en font part à d'autres.
Je pense que nous devons tous poursuivre nos efforts à cet égard. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, c'est un travail lent et patient dans bien des pays. L'expérience qu'ont acquise les trois pays représentés ici en édifiant des démocraties au fil des générations est un atout que bien d'autres pays ne possèdent pas encore. Ils continuent de déployer des efforts dans ce domaine. La démocratie est un travail de longue haleine.
Je ne sais pas s'il y a eu une accélération, mais la tendance se maintient et elle est très préoccupante. Je pense que nous devrions d'abord nous rappeler, au moins...
J'ai mentionné, au début de mon exposé, la troisième vague de démocratisation. Cette période a commencé avec la chute des forces armées portugaises en 1974, et la vague a ensuite pris de l'expansion. Elle a touché toute la planète, à l'exception du Moyen-Orient arabe, qui a connu par la suite les révolutions de 2011. Les choses sont arrivées au point critique à la fin des années 1990. Le nombre de démocraties dans le monde a atteint son plus haut niveau en 2005, avec environ 125 démocraties. Depuis, il y a eu un recul.
Je devrais souligner que, selon la théorie de M. Samuel Huntington concernant la troisième vague, il est possible que cette vague soit suivie d'un reflux, tout comme l'ont été les deux vagues de démocratisation précédentes, d'abord avec la montée du communisme et du fascisme dans les années 1930, puis avec la dégradation de la situation dans les pays nouvellement décolonisés, dans les années 1960 et 1970, avec la montée des dictatures militaires en Amérique latine.
En 1976, M. Daniel Patrick Moynihan a déclaré que la démocratie était la situation actuelle du monde et non sa destination. C'était un moment très pessimiste. Il avait été ambassadeur en Inde, et l'Inde vivait une situation d'urgence à l'époque. Pourtant, c'est justement à ce moment-là que la troisième vague de démocratisation commençait. Nous ne devrions pas trop nous inquiéter à propos des revirements, car ils font partie du processus de développement. Les facteurs qui contribuent aux revirements sont nombreux, par exemple, évidemment, la crise économique de 2008, la mondialisation et le fait que de nombreuses personnes en sont exclues, ainsi que ce qu'on appelle la courbe d'apprentissage des dictateurs: les dictateurs apprennent à utiliser des formes de démocratisation tout en augmentant la répression, ce qui fait qu'il est plus difficile de les attaquer. Tous ces éléments sont des facteurs.
Comme je l'ai souligné durant mon exposé, il ne faut pas oublier que des gains ont été réalisés. Ce qui se passe actuellement en Éthiopie, en Arménie, en Malaisie et même en Tunisie, la première démocratie arabe, est très, très important. Nous devons être en mesure de favoriser ces tendances. Les politologues ne croient pas que nous sommes actuellement dans une période de reflux. Ils parlent plutôt d'un recul. La situation pourrait empirer, et c'est ce que nous devons nous efforcer d'éviter, mais je n'exagérerais pas l'importance du recul et de la dégradation de la situation.
Votre réponse m'amène à ma question suivante.
Vous faites tous deux partie d'organismes qui existent depuis assez longtemps. Si c'était à refaire et si vous créiez aujourd'hui une nouvelle organisation, que feriez-vous différemment et sur quoi vous concentriez-vous pour en assurer le succès, en reconnaissant la situation actuelle et la direction dans laquelle nous nous dirigeons?
Messieurs, il reste environ 30 secondes. Il serait donc peut-être préférable que vous abordiez ce sujet dans votre réponse à une question à venir. Je peux aussi vous accorder quelques secondes chacun, si vous voulez répondre maintenant.
Merci beaucoup.
Merci à vous deux d'être ici et merci de nous montrer des modèles de ce que nous pourrions faire.
Ma première question s'adresse à M. Gershman.
Je suis ravie de vous revoir. Vous avez mentionné, dans votre exposé, que le Canada avait un rôle primordial à jouer. J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet. D'après vous, dans quel secteur précis le Canada pourrait-il jouer un rôle? Pour reprendre la question précédente, quelles leçons pourrions-nous tirer des organisations qui existent ailleurs dans le monde? Que devrions-nous faire pour promouvoir la démocratie à notre façon?
Le Canada est une démocratie parlementaire, et à mon avis, il a un rôle important à jouer sur le plan du renforcement des Parlements partout dans le monde. Il a aussi joué un rôle de premier plan dans plusieurs pays importants, comme l'Iran, l'Ukraine et bien d'autres. Selon moi, le Canada est bien positionné pour aider ces pays. La situation dans ces pays est très difficile, et je pense que le Canada peut trouver des moyens de travailler discrètement à ces endroits, surtout dans les pays autoritaires comme la Russie, l'Iran ou même la Chine. Je crois que c'est possible.
Nous avons un programme, franchement, très important en Corée du Nord. Les programmes soutiennent des groupes de la Corée du Sud qui travaillent en Corée du Nord. C'est possible de trouver des débouchés dans de nombreux pays, des endroits où travailler et où soutenir les défenseurs de la démocratie qui oeuvrent partout dans le monde.
À mon avis, le Canada pourrait se servir de son expérience et des réseaux qu'il a déjà mis en place pour établir des relations d'étroite collaboration avec les autres réseaux et pour travailler discrètement dans les endroits où la situation est très difficile.
Ma deuxième question s'adresse à vous deux.
Vous avez parlé tous les deux de l'importance d'avoir une présence à long terme sur le terrain.
Je pense, monsieur Gershman, que vous avez dit qu'à certains endroits, vous avez été en mesure d'élargir votre soutien lorsqu'il y a eu des ouvertures parce que vous aviez déjà une présence et des réseaux sur le terrain.
J'aimerais parler non seulement de la présence physique d'un bureau dans un pays, mais aussi des mouvements et des réseaux. Je pense, entre autres, au Mouvement mondial pour la démocratie. À quel point est-ce important?
Monsieur Smith, vous avez dit que le temps comptait plus que l'argent, ce qui est une affirmation très importante, selon moi.
Je demanderais à M. Gershman, suivi de M. Smith, de nous parler de l'importance d'assurer une présence constante.
En ce qui concerne les bureaux, tout d'abord, permettez-moi de souligner que la NED est un organisme unique constitué de quatre organisations. Nous ne sommes pas un organisme programmatique; nous sommes un organisme subventionnaire chargé de la surveillance. Nous n'avons des bureaux nulle part dans le monde. Nous disons parfois que ceux qui ne nous aiment pas ne peuvent pas nous mettre à la porte puisque nous ne sommes pas là, mais nous trouvons des moyens de soutenir les groupes autochtones sur le terrain dans tous ces pays. Cela comprend la Russie, où la NED a été déclarée « indésirable » en 2015, et pourtant, le programme a pris beaucoup d'expansion depuis. Nous arrivons à travailler de cette façon.
Le Mouvement mondial pour la démocratie a été fondé il y a 20 ans. Il représente un réseau d'activistes oeuvrant partout dans le monde. Merci, Anita, d'être membre du comité directeur du Mouvement mondial pour la démocratie. Comme vous le savez, je crois, il célébrera son 20e anniversaire au mois de juillet, en Malaisie. M. Anwar Ibrahim vient de donner la conférence Lipset au Canada — à Toronto la semaine dernière — et à Washington. Il y a donc beaucoup de coopération sur ce plan.
Les réseaux permettent de réunir les gens pour qu'ils apprennent les uns des autres et qu'ils se soutiennent mutuellement. Ils deviennent des réseaux d'apprentissage et de solidarité. À mon avis, ils sont extrêmement précieux. Ils viennent s'ajouter à la recherche, aux bourses et aux autres moyens d'appuyer les gens, par exemple, les subventions offertes aux ONG locales et les programmes de formation sur le terrain comme ceux que nos organisations offrent dans de nombreux pays.
Très rapidement, pour nous, la présence à long terme est essentielle parce que ce que nous tentons de soutenir, c'est une culture démocratique. La transmission de règles, de procédures et de compétences techniques est une chose, mais ce qui compte réellement, c'est qu'il y ait de la compréhension et du leadership à tous les échelons afin d'être en mesure de réagir aux défis politiques lorsqu'ils surviennent. Tous les membres d'une institution doivent faire preuve de tolérance et de compréhension, et ils doivent s'engager à respecter la démocratie. On n'apprend pas ce genre de choses du jour au lendemain, comme l'histoire de nos propres pays le montre. Il faut beaucoup de temps. C'est de cela qu'il est question.
Pour nous, la présence est parfois physique. Nous avons 30 bureaux dans différents pays, mais nous avons aussi des relations avec un grand nombre d'autres pays. Ces relations sont entretenues à la fois par notre propre personnel technique et par les partis politiques du Royaume-Uni, qui font partie de notre fondation et qui ont bâti des relations sur plusieurs générations.
Merci.
Vous avez dit tous les deux que vos organisations étaient autonomes et indépendantes du gouvernement. Je pense que M. Gershman a mentionné un pare-feu.
Si un nouvel organisme devait être créé, dans quelle mesure est-il important qu'il soit indépendant des activités quotidiennes du gouvernement? Comment fait-on pour y arriver?
À mon avis, c'est absolument essentiel.
Il y a différents niveaux d'indépendance. Je devrais souligner que dans son témoignage, M. Smith a précisé que le conseil d'administration est nommé par le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, qui approuve aussi la stratégie et le budget. La NED fonctionne différemment; elle est plus indépendante. Le Canada devra déterminer à quel point son organisme pourra être indépendant.
D'après moi, c'est en grande partie grâce au pare-feu que nous avons la souplesse et l'indépendance nécessaires pour agir rapidement et pour intervenir dans des situations très difficiles, parfois avant que notre gouvernement soit prêt à passer à l'action ou pendant qu'il met en place des mesures diplomatiques. Il serait possible de dire que si notre organisme n'était pas indépendant, ce serait très difficile d'intervenir de la sorte.
Nous étions présents en Égypte durant le régime de Moubarak et nous y sommes encore aujourd'hui. Nous sommes aussi présents en Russie et en Chine. Notre indépendance nous donne la liberté de travailler, peu importe les relations diplomatiques entretenues par notre gouvernement. Telle était la volonté du Congrès.
Cette méthode fonctionne. Autrement dit, elle n'a pas entraîné de complications pour notre gouvernement. En fait, elle le soutient, comme je l'ai déjà dit. Dans des pays comme l'Éthiopie, l'Arménie et la Malaisie, lorsque le gouvernement autocratique est tombé, notre présence et nos activités sur le terrain nous ont permis d'intervenir très rapidement et de commencer à renforcer les groupes participant au processus de transition. Selon moi, c'est absolument essentiel. Si j'attire votre attention sur ces trois pays, c'est parce que nous devons travailler ensemble pour y assurer la réussite de la démocratie. Une telle réussite pourrait donner un nouvel élan à la démocratie dans d'autres pays partout dans le monde.
Merci beaucoup à vous deux pour votre travail. Vos pays accomplissent de très grandes choses.
J'aimerais poursuivre dans la même veine que ma collègue. Monsieur Gershman, vous avez dit que votre organisme avait été créé par une loi, qui prévoit aussi un pare-feu. Monsieur Smith, j'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Je m'intéresse à la question de l'ingérence politique et de la reddition de comptes. Cela peut aller dans les deux sens. D'un côté, on peut élever l'objection que si toutes les initiatives sont menées par une organisation indépendante, le gouvernement n'a pas à rendre de comptes sur la façon dont les fonds sont dépensés. De l'autre, l'existence d'un pare-feu rend l'organisation indépendante du gouvernement en place.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez tous les deux.
Permettez-moi de commencer.
Notre modèle de fonctionnement est stable sur le plan politique parce que notre organisation regroupe l'ensemble des partis. Tous les partis représentés au Parlement sont aussi représentés au sein de notre conseil d'administration, ce qui veut dire que pour chacune des décisions que nous prenons relativement tant à notre stratégie à long terme qu'à nos activités quotidiennes, nous devons trouver un juste équilibre afin de maintenir le soutien de l'ensemble du Parlement et de notre système politique.
Je suis à la fondation depuis quatre ans et demi, et durant cette période, aucune décision n'a soulevé de controverse entre les membres du conseil d'administration appartenant au parti au pouvoir et ceux représentant les partis d'opposition. Nous appuyons tous le type de mesures que nous prenons, car tous les partis soutiennent la démocratisation. C'est ainsi que nous avons maintenu notre capacité de travailler d'une manière objective appuyée par tous les partis.
Ma deuxième observation répond en partie à cela et en partie aux questions précédentes.
À mon avis, la première question que le Canada doit se poser n'est pas nécessairement organisationnelle; elle est plutôt politique. La première chose qu'il faut dans notre système — et je pense qu'il en serait de même au Canada —, c'est une vision qui montre clairement que tous les partis canadiens, toutes allégeances politiques confondues, veulent s'engager à travailler sur ces dossiers à long terme et qu'ils sont prêts à financer les efforts en ce sens.
La question suivante concerne l'organisation. Soit dit en passant, la fondation n'est pas le seul instrument que notre gouvernement utilise pour soutenir la démocratie. Il fait appel à de nombreuses organisations, y compris celles que Carl a mentionnées, nos collègues du National Democratic Institute et de l'International Republican Institute. On pourrait dire que la question organisationnelle est secondaire. Différents modèles peuvent être réunis pour recueillir le soutien politique nécessaire.
Merci.
Je vais apporter une petite correction.
La NED n'a pas été créée par l'intermédiaire de la NED Act. La NED a été incorporée en société privée dans le District de Columbia. La NED Act visait à créer ce pare-feu et à autoriser le financement de la NED, mais elle ne portait pas sur sa création, car la NED est un organisme non gouvernemental, ce qui est extrêmement important.
Je pense également qu'il y a une entière reddition de comptes, évidemment. L'organisme est tenu de respecter l'ensemble de la réglementation en matière de finances. Il doit être transparent et ouvert, et doit tenir l'administration et le Congrès — tout le monde — au courant de ses activités. Il est bipartite. Vous devez savoir que lorsque nous changeons de gouvernement, la NED ne change pas. C'est un aspect essentiel auquel vous devez réfléchir, au Canada. La seule différence, c'est lorsqu'un autre parti prend le pouvoir. Notre président, que nous choisissons nous-mêmes, doit être issu du parti au pouvoir. C'est la seule chose qui change; la composition du conseil demeure la même. Nos politiques ne changent pas. Nous nous adaptons au contexte mondial, à ce qui se passe sur la scène internationale, et nous sommes en mesure d'adopter une politique cohérente à long terme. Elle doit évidemment être conforme à ce qui fait consensus au sein de nos partis, sans pencher plus d'un côté que de l'autre. Il existe au sein des institutions une sorte d'équilibre bipartite et même une sorte d'équilibre entre le personnel et les dirigeants. Je pense que c'est absolument essentiel.
Je crois savoir que le Canada en a fait l'expérience il y a 13 ans avec une autre institution consacrée à la démocratie. Je pense que beaucoup de problèmes étaient liés à l'arrivée d'un autre parti au pouvoir et au conflit qui est survenu entre le conseil et le personnel. Il faut assurer la stabilité à long terme afin d'éviter que l'institution ne soit influencée par les changements de nature politique.
Merci beaucoup.
Je m'intéresse au fait que vos deux organismes fonctionnent différemment pour la prestation des services et du soutien. M. Smith a indiqué que son organisme compte 30 bureaux dans divers pays, tandis que la NED n'en a aucun.
Ma question s'adresse à vous deux. Qui décide des priorités et que faites-vous pour tendre vers ce que M. Gershman a mentionné — et je pense que c'est vraiment important —, c'est-à-dire une initiative ascendante? Si on veut favoriser la démocratisation, commencer par la base donnera des résultats plus durables, à mon avis. Je m'intéresse aux deux approches.
Comment déterminez-vous les priorités dans les pays visés, si vous n'y avez pas de bureaux?
Monsieur Smith, pourriez-vous nous parler de votre expérience quant à l'utilité de ces bureaux pour promouvoir les priorités de votre organisation?
Merci, Carl.
Pour créer et mettre en oeuvre nos programmes, nous devons avoir un partenaire dans le pays. Nous n'arrivons pas là en disant que nous voulons faire ceci ou cela. Nous avons évidemment une stratégie globale axée sur certains aspects que nous considérons comme essentiels pour l'exercice de la démocratie à l'échelle mondiale, mais c'est un mandat assez large.
Voici comment cela fonctionne lorsque nous avons un bureau dans le pays. Nous avons un partenaire qui a un programme que nous jugeons important d'appuyer et qui ajoute de la valeur à nos activités de soutien. Il s'agit habituellement d'un parlement, mais cela pourrait aussi être un organisme électoral ou un organisme de la société civile. Donc, par rapport à ce programme, nous faisons appel à nos contacts au Royaume-Uni et dans d'autres pays, dont le Canada, pour faire connaître les expériences qui, selon nous, pourraient aider à promouvoir ce programme. Certes, il est très important d'avoir une présence dans le pays, mais nous avons aussi d'autres relations dans d'autres pays.
Vous pourrez inclure cela dans votre réponse à la prochaine question. Exactement.
Monsieur Saini, s'il vous plaît.
Bon après-midi, messieurs.
Je vais commencer par vous, monsieur Gershman.
J'ai remarqué une différence très importante entre vos deux organismes, et je pense que vous l'avez mentionné dans votre exposé. Vous avez indiqué que dans ces pays, vous appuyez aussi les organisations commerciales, contrairement à la WFD. Pouvez-vous me dire pour quelles raisons vous jugez qu'il est important d'appuyer les entreprises?
Le Center for International Private Enterprise est unique en son genre dans le domaine, car on considère souvent le commerce comme une dimension du développement et non de la démocratie, alors que c'est absolument essentiel. Dans beaucoup de pays — l'Égypte, l'Ukraine et d'autres — la transition a été un échec parce qu'ils n'ont pas réglé correctement les questions économiques. Le Centre, que nous appelons le CIPE, peut intervenir dans le secteur dit informel et auprès des associations d'affaires et des groupes de réflexion. Essentiellement, ce n'est pas un organisme de développement, mais il contribue à orienter l'approche à l'égard de l'économie de marché pour qu'elle soit fonctionnelle, démocratique et exempte de copinage, et pour en faire une véritable force dynamique.
J'aimerais simplement prendre 30 secondes pour répondre à la question précédente. Il y a des militants pour la démocratie, y compris des associations d'affaires, partout dans le monde. Il faut les appuyer sur le terrain. Ce n'est pas l'affaire d'un seul partenaire à l'échelle locale. Nous répondons aux demandes des intervenants sur le terrain et nos instituts le font aussi. Nos activités varient en fonction de la demande.
Désolée; allez-y.
Ma prochaine question est pour vous deux.
Monsieur Gershman, dans votre exposé, vous avez fait allusion à la réalité géopolitique changeante qu'on observe dans le monde. Certaines démocraties naissantes peinent à prendre leur envol. D'autres démocraties, qui ont été établies rapidement, comme les pays du « groupe de Visegrad », font un retour en arrière. Il y a une montée des mouvements populistes. Plus important encore, il semble y avoir dans tout cela une absence de leadership qui favorise l'intervention de la Chine et la Russie, que ce soit en Amérique latine, en Afrique ou en Asie.
Il y a 20 à 25 ans, la promotion de la démocratie était très différente de ce qu'elle est aujourd'hui, car de nouveaux acteurs — la Chine et la Russie — tentent de promouvoir leur importance ou leur réputation dans ces régions du monde. Comment composez-vous avec ce nouvel ensemble de facteurs, particulièrement par rapport à la présence accrue de la Chine dans des pays où la gouvernance démocratique pose problème, et à celle de la Russie dans les États satellites ou dans les pays limitrophes qui sont dans sa sphère d'influence? Comment tiendrez-vous compte de ces effets tout en poursuivant vos activités dans ces régions du monde?
Premièrement, concernant les autres acteurs, je dirais que ce n'est pas nouveau. Il y avait un autre acteur lorsque la NED a été créée: l'Union soviétique. À mon avis, ce qui s'est produit après l'effondrement du communisme, de 1989 à 1991, c'est que les gens avaient l'impression que le problème n'existait plus, ce qu'on a appelé une « vacance de l'Histoire ». Nous n'étions plus confrontés à ces défis. Depuis le 11 septembre 2001 et depuis l'émergence de la Chine et la Russie, plus récemment, nous avons appris que nous avons des rivaux et que si nous nous retirons du monde, le vide sera comblé par ces puissances.
Actuellement, aujourd'hui, nous avons vu les perturbations et la pénétration causées par l'Union soviétique, en particulier par l'intermédiaire de trolls sur Internet, mais la Chine représente une menace bien plus sérieuse. Elle est plus riche; elle investit plus d'argent. Selon nos chiffres, la Chine dépense quelque 10 milliards de dollars par année pour ce qu'elle appelle la propagande externe ou les activités malveillantes dans divers pays. Il pourrait s'agir d'activités de renseignement ou d'une pénétration des sociétés par l'intermédiaire de ce qu'on appelle le pouvoir tranchant.
Voilà le nouveau défi auquel nous sommes confrontés. Washington vient tout juste d'en prendre conscience. Nous devons essayer de comprendre cet enjeu. Évidemment, nous essayons d'y répondre, avec les priorités stratégiques que nous avons établies.
Permettez-moi de faire un bref commentaire, si j'en ai le temps. Une des choses qu'il faut absolument combattre, c'est l'idée qu'on puisse promouvoir le développement et la démocratie séparément. Je pense que nous savons tous qu'Amartya Sen était résolument contre cela. Démocratie et développement vont de pair.
De nos jours, on voit des choses comme la publication d'un éditorial payé par les Chinois dans le magazine The Economist, dans lequel on dit que l'ancienne dichotomie entre la démocratie et l'autocratie n'existe plus et qu'elle est remplacée par la nouvelle dichotomie entre la mauvaise gouvernance et la bonne gouvernance. Comme la Chine excelle sur le plan de la gouvernance, elle constitue un exemple que les autres devraient suivre. Voilà, littéralement, ce que la Chine a publié.
Je pense qu'il faut établir clairement, au sein de nos propres administrations, y compris au ministère du Développement où je travaillais autrefois, qu'on ne peut promouvoir la bonne gouvernance sans tenir compte des valeurs et de la démocratie. Il faut penser aux mécanismes qui permettent aux gens de se faire entendre, aux mesures de reddition de comptes, aux mécanismes nécessaires pour empêcher le pouvoir exécutif et les dirigeants d'abuser de leur pouvoir. Il est absolument essentiel de faire valoir cet argument, tant auprès de ceux que nous savons malveillants qu'au sein de nos propres communautés, qui veulent parfois éviter de faire des choix liés au soutien de la démocratie. C'est une autre raison pour laquelle le Canada joue un rôle si important dans ce débat, à mon avis.
Merci beaucoup.
Monsieur Finnigan, j'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue au Comité. Vous pouvez poser vos questions.
Merci, monsieur le président. Je remercie nos invités d'être ici.
Comme le président l'a indiqué, je suis nouveau au Comité, mais j'ai un grand intérêt pour ces questions. Comme tout le monde au pays, je suis l'évolution de la démocratie dans le monde. Je suis donc reconnaissant d'avoir l'occasion de poser des questions.
Je vais commencer par la question suivante. Je préside le comité de l'agriculture. Le commerce international — qui est en croissance — est très important pour nous et pour la plupart des pays. Nous avons signé des accords commerciaux avec des pays de partout dans le monde. Quelle incidence cela a-t-il sur la démocratie, le cas échéant? Fermons-nous les yeux sur les politiques des pays autoritaires lorsque nous voulons signer des accords commerciaux? Selon vous, quelle est l'incidence du nouveau contexte du commerce international ou mondial sur la démocratie? Cela a-t-il un effet?
Je pense que nous voulons maintenir un ordre mondial où règne la primauté du droit, un ordre mondial fondé sur des règles dans lequel les échanges commerciaux entre pays se font dans un cadre juridique. Nous y parviendrons uniquement par la promotion de ces valeurs partout dans le monde et en appuyant, dans divers pays, les mouvements favorables à l'établissement d'un ordre fondé sur des règles. Si nous y parvenons, je pense que nous aurons un système commercial plus ouvert. À mon avis, nous devons trouver le juste équilibre entre la défense de notre propre souveraineté dans de nombreuses régions et la recherche de diverses formes de coopération internationale. Je dirais qu'actuellement, la communauté internationale a de la difficulté à le faire.
Certains pays réagissent aux pressions de la mondialisation, mais il est essentiel de maintenir un ordre international fondé sur des règles. Si nous pouvons y arriver, le commerce pourra continuer, ce qui favorisera la croissance économique. De nombreuses actions menées actuellement par la Chine dans le cadre de son initiative de la Ceinture et de la Route vont en sens contraire. Voilà l'instrument géopolitique utilisé par la Chine, mais avec la résistance de pays comme le Sri Lanka, les Maldives et la Malaisie. Les élections tenues en Malaisie en mai étaient une réaction contre la corruption découlant des pratiques utilisées par les Chinois pour étendre leur influence économique à d'autres pays par le versement de pots-de-vin aux élites.
Nous devons défendre l'ordre fondé sur des règles. Je dirais que c'est primordial.
J'ai seulement un bref commentaire à ajouter. Dans chaque pays, évidemment, il est nécessaire d'avoir des institutions démocratiques pour permettre aux voix de se faire entendre lors de l'établissement des politiques — la politique commerciale du pays —, de façon à ce que la population ait confiance que les accords commerciaux conclus par le pays ont été examinés par le Parlement et font aussi l'objet d'une surveillance juridique efficace.
Les institutions démocratiques d'un pays ont leur importance en toute chose, mais elles ont un rôle essentiel pour l'établissement d'une politique en matière de commerce international. Elles sont importantes pour la stabilité du climat commercial ainsi que pour la confiance à l'égard du régime démocratique de chaque pays.
Merci beaucoup.
Diriez-vous qu'il existe un risque de danger ou une menace réelle d'érosion du mouvement démocratique de l'intérieur ou de l'extérieur de nos pays, surtout depuis les 25 dernières années, avec l'avènement du Web? Quelle a été son incidence sur le mouvement démocratique dans le monde?
L'un ou l'autre d'entre vous peut répondre.
Nous avons cru autrefois que les médias sociaux seraient une force qui renforcerait les mouvements démocratiques des peuples étrangers. On constate que ces mouvements utilisent les médias sociaux pour renforcer leurs capacités de communication, leur capacité de diffuser des informations et de faire du réseautage entre eux. Je dirais que la grande surprise, c'est que nous n'avions pas prévu que les gouvernements autocratiques maîtriseraient si bien Internet et s'en serviraient pour tenter d'infiltrer les sociétés, pour perturber la démocratie et les mécanismes démocratiques et pour attiser le sentiment de méfiance. C'est devenu extrêmement dangereux.
Je tiens à souligner la nécessité de maintenir un Internet ouvert. Nous composons avec ces enjeux tous les jours. Nous ne voulons pas que des gouvernements autocratiques contrôlent Internet. Nous devons protéger la neutralité d'Internet, mais nous devons aussi nous défendre contre les abus provenant de gouvernements autocratiques. Nous devons prendre conscience qu'il s'agit de la nouvelle frontière, de la nouvelle ligne de front dans la lutte pour la démocratie à l'ère de l'information, et nous devons maîtriser les façons d'y arriver.
En décembre 2017, la NED a publié un rapport dans lequel le terme « pouvoir tranchant » a été utilisé pour la première fois pour établir une distinction avec « pouvoir discret ». Le pouvoir discret, ce sont nos universités et notre culture, c'est la diffusion organique de tout cela dans le monde. Le pouvoir tranchant, c'est l'utilisation de l'information et des outils d'information par un gouvernement pour infiltrer et manipuler d'autres sociétés. Nous devons comprendre cela, puis avoir la capacité de nous défendre.
Bonjour et merci aux deux témoins d'être ici.
On a mentionné le capitalisme autoritaire et le fait qu'il nuit à la protection et à la promotion de la démocratie. Selon nous, il représente un défi perpétuel. Nous savons que la démocratie est un long processus; il faut de nombreuses formes de patience, de détermination et d'investissement pour maintenir et continuer de promouvoir la démocratie dans différents endroits du monde. National Endowment for Democracy fait un excellent travail pour appuyer les efforts liés à la démocratisation partout dans le monde.
Monsieur Gershman, vous avez parlé de l'aspect non gouvernemental de NED. Vous avez mentionné que cela vous permet d'être plus efficace sur la scène mondiale. Y a-t-il des inconvénients à ne pas fonctionner à titre d'organisme du gouvernement — du gouvernement américain, dans ce cas-ci?
Écoutez, lorsque je parle d'adopter une approche ascendante et de fonctionner indépendamment du gouvernement, je pense qu'il faut comprendre que ce type de travail s'ajoute à ce que fait notre gouvernement par l'entremise de ses politiques officielles et d'organismes de développement comme USAID, l'Agence des États-Unis pour le développement international. Même maintenant, notre département d'État finance des programmes par l'entremise du Bureau de la démocratie. Il s'agit de programmes différents. Ils servent à compléter les mesures prises. Au bout du compte, je crois que ce type de système diversifié fonctionne. Le rapport, que j'ai mentionné au sujet de l'approche ascendante et de l'approche descendante, qui vient juste d'être produit par un organisme européen n'indique pas qu'il faut choisir une approche à l'exclusion de l'autre. Il recommande plutôt de renforcer l'approche ascendante, afin qu'elle vienne s'ajouter aux activités déjà menées par les gouvernements à l'appui d'institutions officielles comme un système judiciaire et d'autres institutions dans le pays.
Il faut donc adopter une approche complexe et diversifiée.
Nous savons depuis très longtemps que le monde libre est un monde libre. Vous avez mentionné les États-Unis, l'Europe, le Canada et l'Australie; c'est le monde démocratique. Il semble que le gouvernement entretient toujours des liens avec les institutions privées ou indépendantes. Selon vous, à l'avenir, comment le Canada pourrait-il obtenir plus efficacement la participation des deux parties?
Dans plusieurs pays d'Afrique, nous avons commencé à tenter d'établir un dialogue entre les intervenants du secteur privé, du gouvernement et de la société civile en vue d'adopter une approche commune. C'est aussi une option. Les gouvernements aiment ce type d'initiatives, car ils n'ont pas, à eux seuls, la capacité d'accomplir cela. Encore une fois, je crois qu'il s'agit de réunir les différents intervenants et de comprendre qu'il est important de ne pas se contenter d'avoir un gouvernement stable, car il faut également établir un ordre fondé sur des règles et créer une économie de marché vigoureuse et axée sur la croissance. C'est le rôle que joue notre institut commercial dans le cadre de ses efforts visant à encourager cette approche. Nous avons également un institut du travail qui tente de veiller à ce que les droits des travailleurs soient protégés dans le contexte d'une économie de marché ouverte.
J'ai une dernière question.
Vous avez tous les deux mentionné, dans votre exposé, que certains pays perdent des institutions démocratiques et que leur démocratie est en régression. Même si nous avons apporté des améliorations dans certaines régions du monde, si nous souhaitions intervenir dans un autre endroit qui offre de belles possibilités de réussite, où devrions-nous aller? Pouvez-vous nommer quelques pays sur lesquels nous devrions miser davantage?
Je l'ai fait, et je tiens vraiment à revenir sur ce sujet. Je crois que la transition en cours en Éthiopie est la transition la plus importante dans le monde en ce moment. En effet, c'est un pays de 105 millions d'habitants qui compte 80 groupes ethniques différents. Si l'Éthiopie peut réussir cette transition, cela indiquera à tous les endroits du monde qui accordent une grande importance à la question de la division ethnique que c'est possible d'y arriver. Le Canada devrait se rendre là-bas dès maintenant — je suis sûr que vous assurez déjà une présence là-bas de plusieurs façons — avec les instruments dont il dispose, car il faut agir rapidement dans ce type de situation.
J'ai également mentionné l'Arménie, où une transition remarquable est aussi en cours. Ce pays a obtenu le prix du pays de l'année du magazine The Economist en 2018. C'est une transition remarquable, dans laquelle le pays conserve un équilibre tout en intégrant de nouvelles forces.
Je crois que la transition malaisienne est également extrêmement importante. Le Canada a entendu le témoignage d'Anwar Ibrahim, qui a parlé à l'Université de Toronto jeudi dernier.
Si nous pouvons aider ces trois pays à réussir leur transition, je crois que nous donnerons un bon coup de pouce à la démocratie.
Il y a aussi la Tunisie, la première démocratie arabe, qui a organisé des élections locales en mai dernier. Ces élections ont grandement contribué à la promotion de la démocratie au niveau communautaire. La Tunisie fonctionne dans le cadre d'une constitution démocratique. C'est un modèle de démocratie dans une région très instable et non démocratique du monde. Je crois que nous devons aider ce pays à réussir sa transition.
J'aimerais remercier les deux témoins. Nous avons eu une discussion très intéressante.
Nous prendrons maintenant une pause d'environ cinq minutes pour permettre aux autres témoins d'arriver. Nous vous souhaitons à tous deux une très belle journée.
J'aimerais savoir si M. Gershman peut nous envoyer la source du rapport sur les approches ascendantes et descendantes. Il semble très intéressant.
D'accord, mais il y a un hyperlien pour le rapport dans le mémoire que j'ai envoyé au Comité.
Mais si vous souhaitez que je vous envoie un lien distinct pour le rapport, je serai heureux de le faire.
Nous reprenons nos travaux pour la deuxième heure de notre réunion sur le rôle du Canada dans les mesures internationales de soutien du développement de la démocratie.
Nous entendrons deux témoins dans cette partie de la réunion.
Nous accueillons donc l'honorable Ed Broadbent.
Bienvenue et bon retour sur la Colline du Parlement. C'est un honneur d'entendre votre témoignage.
Nous accueillons également Jacqueline O'Neill, membre du Woodrow Wilson Center.
J'aimerais vous remercier, madame O'Neill, de vous joindre à nous à partir de Washington D.C. C'est merveilleux. Nous vous entendrons en premier, car même si la distance n'est pas trop grande, les connexions vidéo peuvent parfois nous faire faux bond. Veuillez donc livrer votre exposé.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie de pouvoir comparaître devant vous à partir de Washington. Ce serait cruel de vous dire quel temps il fait ici aujourd'hui. Je ne vais donc pas le faire.
[Traduction]
Étant donné que je suis peut-être un peu moins connue au Canada que l'honorable Ed Broadbent, j'ai pensé vous fournir un peu de contexte sur mes antécédents relatifs à cet enjeu.
Plusieurs membres du Comité et plusieurs témoins ont parlé de la prévalence des Canadiens qui travaillent à la promotion de la démocratie au sein d'organismes non canadiens. Mon mari et moi-même correspondons parfaitement à cette description. En effet, il vient de l'île de Vancouver, et après s'être enrôlé dans les Forces armées canadiennes, il a travaillé pour le National Democratic Institute. Il travaille maintenant pour une entreprise privée américaine en Bosnie, en Afghanistan, au Yémen, à Haïti et en Irak. J'ai grandi à Edmonton, où j'ai aussi fréquenté l'université. J'ai vécu à Ottawa pendant plusieurs années et j'ai passé les 15 dernières années à l'étranger.
[Français]
J'ai assisté M. Roméo Dallaire dans son initiative relative aux enfants soldats.
[Traduction]
J'ai travaillé au Soudan dans le cadre d'une mission de maintien de la paix des Nations unies et dans une université pour les femmes. J'ai également aidé à diriger l'une des principales organisations mondiales axées sur la mise en oeuvre de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons travaillé avec des institutions, avec plus de 30 gouvernements et directement avec des coalitions de femmes en Colombie, au Pakistan, en Afghanistan, au Rwanda et dans de nombreux autres endroits.
Je dirai seulement que j'ai eu la chance d'observer de près ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans la promotion de la démocratie. Bien honnêtement, je préciserai que même si j'ai toujours été très fière d'être canadienne, les dernières années que j'ai passées aux États-Unis, qui m'ont permis d'être aux premières loges pour observer l'érosion des normes démocratiques dans ce pays, n'ont fait que me rendre plus reconnaissante de ce que le Canada a à offrir sur la scène mondiale.
J'ai écouté tous les témoins qui ont comparu devant votre comité depuis les deux dernières semaines, y compris ceux d'aujourd'hui, et je suis tout à fait d'accord avec leurs thèmes principaux, c'est-à-dire que la démocratie est menacée, les régimes autoritaires sont enhardis et le Canada joue un rôle unique et important.
Chaque témoin a également mis l'accent sur l'importance de la pleine inclusion des femmes. Dans le témoignage que je livrerai aujourd'hui, j'aimerais étoffer ce point et discuter des moyens dont le Canada dispose pour y arriver le plus intelligemment possible. Voilà donc un avant-goût de mes propres thèmes. Ces thèmes sont, tout d'abord, qu'il est essentiel d'inclure pleinement les femmes et de prévoir les soutiens nécessaires à cette inclusion, deuxièmement, qu'il est nécessaire, pour y arriver, de réfléchir à l'ensemble des facteurs qui permettent la promotion de la démocratie et troisièmement, que nous devrions énergiquement et incontestablement placer cette notion au centre de la marque du Canada et de notre contribution à l'ordre mondial.
Je comprends que cette étude vise en partie à évaluer les progrès réalisés dans ce secteur depuis 2007. Tout d'abord, nous avons de nouvelles données importantes. En effet, des chercheurs de Harvard ont entrepris une vaste étude qui leur a permis de conclure que le plus grand indicateur de la probabilité qu'un pays déclenche une guerre civile ou une guerre avec ses voisins n'est pas sa composition ethnique, son emplacement géographique, son PIB ou sa religion dominante. C'est plutôt la façon dont les femmes sont traitées, c'est-à-dire si elles ont accès à leurs droits et si elles sont incluses.
Une autre étude a conclu que les démocraties qui ont les taux les plus élevés de violence contre les femmes sont aussi peu sûres et instables que les pays non démocratiques. Pourquoi? Les chercheurs avancent maintenant l'hypothèse selon laquelle la vie dans les foyers est fondamentalement représentatrice du fonctionnement et du système de gouvernance de la société en général. Si la norme dominante dans la sphère privée, c'est-à-dire dans les foyers, favorise les intérêts des hommes au détriment de ceux des femmes, et que les différences sont tranchées avec des actes violents commis en toute impunité, ces comportements servent de modèle à la gestion de tous les autres types de différences, notamment les différences ethniques, idéologiques, etc.
Un autre nouvel indicateur du rôle central des femmes dans la démocratisation depuis 2007, c'est que de nombreux nouveaux renseignements nous apprennent que les régimes autoritaires surveillent maintenant les femmes militantes de beaucoup plus près. Les membres de votre comité ont entendu parler du rétrécissement de l'espace accordé à l'activisme de la société civile à l'échelle mondiale. Encore une fois, nous approfondirons cette question.
L'un des rapports de 2018 les plus crédibles sur le sujet indique que, dans une grande mesure, les femmes, notamment les défenseuses des droits des femmes et les groupes qui défendent les droits des femmes, représentent la cible la plus commune dans les incidents qu'ils ont consignés. Vous n'avez qu'à penser au meurtre de la militante écologiste autochtone Berta Cáceres, au Guatemala. Vous pouvez également penser à l'arrestation aux Philippines, la semaine dernière, de Maria Ressa, une journaliste qui critiquait ouvertement le président Duterte.
La fin de semaine dernière, j'ai parlé avec une amie qui est au Soudan, et elle m'a confirmé que les femmes sont les principales organisatrices des manifestations qui se déroulent là-bas depuis la fin décembre, et qu'elles sont aux premières lignes de ces manifestations. Elle m'a confirmé que les femmes font face à des viols et à des agressions sexuelles ciblés et qu'au cours des derniers jours, les forces de sécurité ont adopté une nouvelle tactique qui consiste à couper les cheveux des femmes lorsqu'elles les exposent dans la rue.
Où en sommes-nous en ce qui concerne la représentation des femmes dans l'arène politique? Comme vous le savez sûrement, à l'échelle mondiale, environ 24 % des parlementaires nationaux sont des femmes — et cela a doublé au cours des 20 dernières années. La région qui connaît la plus forte croissance dans ce domaine est l'Amérique latine. Étant donné que votre comité fait la promotion de l'inclusion des jeunes, il est important de souligner que c'est chez les femmes qu'on observe la plus grande proportion de jeunes. En effet, à l'échelle mondiale, environ 18 % des postes ministériels sont occupés par des femmes. Actuellement, seulement environ 11 femmes sont chefs d'État.
La trajectoire, malgré certaines exceptions, est donc assez bonne, mais dans l'ensemble, ces changements s'effectuent à un rythme épouvantable. Comment le Canada peut-il accélérer ces changements?
Je ferais valoir qu'il est important de se concentrer sur les soi-disant dimensions traditionnelles du renforcement politique, par exemple, en renforçant les capacités des candidates et des députées, en favorisant l'inscription d'électrices, en encourageant les femmes à se porter candidates et en se concentrant sur les capacités institutionnelles. Je ferais également valoir que le Canada peut devenir un chef de file à cet égard en réfléchissant et en agissant à plus grande échelle, c'est-à-dire en reconnaissant les liens entre la démocratisation et la participation des femmes dans une vaste gamme de domaines qui déterminent la gouvernance. Cela comprend des domaines comme les négociations de paix dans les endroits où des formes de gouvernement sont déterminées, la rédaction d'une constitution dans les pays où les droits sont enchâssés ou laissés de côté, et des mouvements de résistance civile non violents, qui sont les précurseurs de la culture démocratique mentionnée plus tôt par M. Smith.
Cela signifie qu'il faut jouer un rôle plus délibéré dans les contextes de conflits, qui sont souvent les milieux les plus difficiles et les plus désordonnés, mais qui présentent également les meilleures occasions d'accélérer les changements. Cela vaut pour le reste du monde. En effet, le tiers des 30 pays où les femmes sont le plus représentées sont en situation d'après-conflit.
Dans ce cas-ci, pour offrir un appui stratégique à la démocratisation, il faut mettre en oeuvre le Plan d'action du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité, financer la Politique d'aide internationale féministe et veiller à fournir du financement de base aux groupes de défense des droits des femmes. Cela signifie qu'il faut insister pour que les femmes participent aux négociations en Afghanistan, en Corée du Nord, au Venezuela et ailleurs, et qu'il faut adopter une perspective holistique de la démocratisation, en rejetant surtout la notion selon laquelle les dépenses consacrées à la défense représentent le seul investissement réel dans la sécurité.
Je serai heureuse de vous parler de tous ces enjeux, y compris celui de la technologie, car je me rends compte que nous ne l'avons pas abordé.
Si vous me le permettez, en terminant, j'aimerais aborder une notion dont j'ai entendu parler à plusieurs reprises, et c'est l'idée selon laquelle le Canada insiste peut-être déjà trop sur certains de ces enjeux ou il intervient trop rapidement, et cela pourrait entraîner des résultats aliénants, contre-productifs ou nuisibles à notre économie nationale.
Tout d'abord, je répondrai que ce n'est pas le moment de traiter l'inclusion comme étant un élément accessoire ou seulement souhaitable. En effet, certaines forces détournent agressivement les gens de la démocratie. Ce sont des forces redoutables et agressives qui ne manquent pas de ressources, et négliger de leur opposer une réaction égale et opposée engendrera un coût élevé. Nous ne ferons peut-être pas immédiatement face à ces coûts, mais nous devrons le faire un jour, lorsque des pays seront plus susceptibles de faire le trafic de drogues, d'armes et de personnes, de former ou d'héberger des terroristes, de renforcer des réseaux criminels, de produire des réfugiés ou même de souffrir de pandémies.
Il est clair que la lutte pour les droits des femmes n'a jamais été isolée de l'économie ou de la sécurité nationale.
Enfin, trop souvent, j'ai vu des gens qui veulent s'approprier le pouvoir utiliser l'excuse selon laquelle certains changements que d'autres pays tentent d'apporter ne sont pas « appropriés sur le plan culturel » ou sont pilotés par l'Occident. Soyons clairs: la culture doit orienter les moyens que nous utilisons, par exemple les messagers que nous envoyons. C'est un élément essentiel dont il faut tenir compte dans notre approche, mais les valeurs démocratiques et l'idée selon laquelle les femmes devraient exercer une influence sur les décisions qui ont des répercussions sur leur vie ne sont pas des notions uniquement occidentales. En effet, selon mon expérience, les personnes qui disent aux gens de l'extérieur de leur envoyer leurs capitaux, mais de se tenir à l'écart de tout ce qui est lié au pouvoir sont habituellement les personnes qui craignent le plus de devoir rendre des comptes à leurs électeurs.
Je crois que notre approche doit toujours être fondée sur le respect et l'humilité, mais nous pouvons et nous devrions parler de nos valeurs. C'est plus important que jamais.
Merci.
Merci beaucoup, madame O'Neill.
Nous allons tout de suite passer au prochain intervenant; la parole est à vous, Ed Broadbent.
Monsieur le président, si vous le permettez, je tiens à dire à mes collègues et anciens collègues que je suis ravi d'être de retour ici, surtout dans le cadre de l'étude de ce sujet important. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur la façon dont le Canada peut soutenir au mieux le développement démocratique sur le plan international. Plus particulièrement, je vais me concentrer sur les propositions qui ont été formulées par une version précédente de ce comité dans le rapport publié en 2007, dans lequel on recommandait la création de deux entités: une fondation indépendante pour le développement démocratique international et un centre pour la démocratie multipartite et parlementaire financé par cette fondation.
Je crois qu'en envisageant ces propositions, le Comité ne peut faire mieux que d'examiner les raisons qui sous-tendent la décision du Parlement dans les années 1980 de créer le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique qui, heureusement, a été renommé simplement Droits et Démocratie, ce qui est un peu plus facile. À l'heure actuelle, de nombreuses régions du monde étaient plongées dans le chaos et nos parlementaires ont présenté une proposition modeste, mais efficace pour aider les gens dans des pays en développement dans leurs efforts pour bâtir des sociétés démocratiques. Dans un rapport unanime déposé au Parlement, on recommandait la création d'une institution qui serait clairement indépendante du gouvernement et qui ferait la promotion dans les pays en développement des dispositions de la Charte internationale des droits de l'homme et, ce faisant, jetterait efficacement les assises pour la création d'une démocratie multipartite. Cette idée clé a été acceptée par le gouvernement de l'époque, le gouvernement de M. Mulroney, et les partis de l'opposition, ce qui a donné lieu à l'adoption unanime du projet de loi qui a créé Droits et Démocratie, qui est entré en vigueur tout de suite après les élections en 1988.
Ce qui préoccupait plus particulièrement les parlementaires à l'époque, tout comme ça devrait l'être actuellement, c'était d'éviter toute forme de régime impérialiste canadien, si je peux m'exprimer ainsi. Notre objectif ne devrait pas être de reproduire notre forme de démocratie parlementaire ou notre Charte des droits. Nous devrions plutôt faire la promotion des droits de la personne, qui sont universellement reconnus dans la Charte internationale des droits de l'homme. Cela inclut la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le protocole optionnel sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, enfin, le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels.
Dans cet esprit, on comprenait dans les années 1980, tout comme on le comprend maintenant, que de nombreux États en Amérique latine, par exemple, ont des prétendues élections compétitives, mais ce qui leur manque, c'est la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté d'avoir un syndicat, la liberté de la presse et, de façon générale, la primauté du droit. Comme l'histoire de la majorité de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord l'a montré, la base pour avoir une démocratie multipartite est une société qui inclut dans ses institutions et ses pratiques les droits universels, qui comprennent maintenant les droits sociaux et économiques. Sans droit de la personne et sans primauté du droit, les prétendues élections sont très souvent un simulacre. Sans droits en place, les hommes et les femmes qui ne pouvaient pas exercer leur droit de vote se sont prévalus de ces droits pour se regrouper et revendiquer leur droit de vote. La loi qui a créé Droits et Démocratie mettait plus précisément l'accent sur la nécessité de réduire l'écart entre ce que certains États s'engagent officiellement à inclure dans leurs constitutions, par exemple, et ce qui se passe réellement dans ces États.
Depuis ce temps, de nombreux États ont signé des ententes internationales, mais n'ont pas respecté les normes internationales pour leur mise en oeuvre. Une grande partie des travaux utiles qu'a menés Droits et Démocratie visaient à combler l'écart entre le principe et la réalité, par exemple au Guatémala, au Mexique, au Salvador, au Pérou, au Kenya, en Tanzanie, au Pakistan et en Thaïlande. C'était pour adopter, comment certains témoins l'ont dit plus tôt, une approche ascendante plutôt que descendante. Bien souvent, ces travaux étaient effectués par l'institution avec les partenaires de la société civile dans ces pays, et c'était ces partenaires, pas nous, les Canadiens, qui ont établi la priorité d'intervention. Dans ces mêmes pays, l'ACDI a souvent travaillé avec chaque État pour atteindre les mêmes objectifs avec le gouvernement du jour.
Je crois qu'il est très important de comprendre qu'en combinant les expressions « développement démocratique » et « droits de la personne », la première n'était pas considérée comme un ajout à la deuxième. On voulait plutôt clarifier que l'on met l'accent sur les droits parce qu'ils font partie intégrante du développement démocratique. C'est pourquoi je ne crois pas que le Parlement doit créer deux instituts, comme le Comité l'a recommandé en 2007, un pour le développement international et un autre pour la démocratie multipartite et parlementaire. Je crois qu'une institution peut suffire.
La principale raison pour laquelle l'ancien organisme Droits et Démocratie n'avait pas de programmes ciblant précisément le développement d'États démocratiques multipartites, durant mon mandat de six ans comme président, par exemple, était simplement une question de ressources. Étant donné la portée mondiale du mandat et les ressources financières limitées, nous pensions que nous devrions réserver notre appui aux militants et aux programmes des droits de la personne. Je crois maintenant qu'avec des fonds supplémentaires, une institution suffirait, et on pourrait préciser dans la loi que le développement de démocraties multipartites devrait faire partie de son mandat.
D'autres suggestions pourraient également être envisagées dans le cadre de l'étude du contenu de la loi qui crée une nouvelle institution. À mon avis, la loi devrait préciser que l'institution n'est « pas un organisme de Sa Majesté ».
Pour contribuer à l'appui de tous les partis dans le cadre de ces efforts, je crois que des membres devraient être nommés au terme de consultations sérieuses avec les chefs des partis de l'opposition. De plus, on devrait envisager qu'un quart des membres du conseil proviennent de pays en développement.
Pour conclure, j'aimerais souligner la structure unique, l'indépendance et l'importance que l'organisme Droits et Démocratie avait jusqu'à la fin de son existence. En étant indépendant du gouvernement, il a acquis de la crédibilité auprès des ONG internationales et des gouvernements étrangers. Parallèlement, puisque l'organisme a été créé par le gouvernement fédéral, que le président était nommé par le Conseil privé et qu'il bénéficiait du soutien institutionnel du ministère des Affaires étrangères, en tant que président, j'avais un meilleur accès aux chefs des gouvernements que la plupart des autres ONG internationales.
En raison de l'indépendance du gouvernement du jour et du fait que je détenais un passeport diplomatique canadien, je pouvais demander la tenue de réunions avec le président Clinton, le roi de la Thaïlande et les présidents du Guatemala, du Mexique, du Rwanda, de l'Érythrée et du Kenya, notamment. Ces rencontres et leur utilité pour adopter des mesures sérieuses relatives aux droits de la personne ne sont tout simplement pas disponibles aux dirigeants des ONG.
En résumé, je crois que le Canada devrait contribuer à l'émergence d'un plus grand nombre de démocraties dans le monde, en partie en créant une institution indépendante dont le but consiste à aider les pays en développement à mettre en oeuvre les droits prévus dans la Charte internationale des droits de l'homme.
Je suis bien conscient que les idées que j'ai brièvement exposées soulèvent un grand nombre de questions auxquelles je suis maintenant disposé à répondre.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup à vous deux.
Nous allons immédiatement passer aux questions. Nous allons commencer avec le député O'Toole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de vous voir, monsieur Broadbent. Je suis un député qui représente une partie d'Oshawa. J'ai grandi dans votre grande région. Nous avons eu de bonnes interactions au fil des ans. Je suis ravi que vous soyez sur la Colline.
J'aime votre idée de mobiliser Droits et Démocratie et d'utiliser une partie des travaux qui ont été réalisés pour s'appuyer sur ce qui a déjà été fait plutôt que de recommencer à zéro. Pensez-vous que c'est la meilleure approche, à la lumière des connaissances que nous avons et de la feuille de route? Pensez-vous que ce serait un recul de créer une entité qui irait peut-être à l'encontre de ce qu'une organisation fait déjà?
Il serait bon de revoir les bases dans ce cas-ci, car elles étaient excellentes.
Je ne siégeais pas au Comité à l'époque — j'étais chef de parti —, mais je peux dire que c'était un rapport remarquable qui était appuyé par tous les partis dans les années 1980, qui a suscité beaucoup d'enthousiasme et qui a donné lieu à la création de Droits et Démocratie. Il avait non seulement l'appui du gouvernement, mais de tous les partis de l'opposition et, pendant de nombreuses années, que ce soit à l'époque du gouvernement de M. Mulroney, avec Joe Clark comme ministre des Affaires étrangères, ou à l'époque du gouvernement de Jean Chrétien, avec André Ouellet comme ministre des Affaires étrangères, il y avait une relation indépendante avec l'institut, mais l'institut mettait l'accent sur les organismes communautaires.
Je devrais ajouter, parce que c'était un élément important du mandat, que les droits des femmes étaient au coeur de notre priorité dans les pays en développement à l'époque, tout comme ça devrait l'être maintenant.
Soit dit en passant, tous les partis étaient représentés au conseil pour leurs expériences, et non pas en tant que députés. Ils venaient de toutes les allégeances politiques au Canada. Ils étaient choisis en fonction de leur expérience et de leur travail en établissement. Je recommanderais au Comité d'examiner quelques-unes des raisons pour lesquelles l'institution a été créée et a connu beaucoup de succès.
Merci.
Ma prochaine question s'adressera à vous deux. Je vais probablement manquer de temps, alors je vais intervenir, puis je vous donnerai l'occasion à tous les deux de répondre.
Monsieur Broadbent, vous avez mentionné à plusieurs reprises la nécessité d'avoir l'appui de tous les partis et une approche multipartite.
Madame O'Neill, compte tenu de votre expérience à travailler sur la scène internationale au sein du Woodrow Wilson Center... à faire connaître comment l'Institut républicain international et le NDI peuvent participer à un mouvement plus vaste... C'est non seulement approprié pour notre démocratie parlementaire, mais cela fera probablement accroître la participation des générations futures.
Je ne pense pas que nous ayons abordé la question de façon aussi stratégique pour nous assurer que tous les partis sont représentés. Pensez-vous que c'est essentiel pour que le processus fonctionne?
Je pense que oui. Pour être bien honnête, j'ai eu des discussions avec M. Mulroney lorsqu'il a offert de me nommer président-fondateur. Pour des raisons que tout le monde comprendra, le conseil devait accepter que j'occupe ce poste. Il y a eu de très bonnes discussions franches au sujet des membres du conseil pour représenter, comme je l'ai dit, tous les partis. Et M. Mulroney, bien entendu, en tant que premier ministre et responsable de la loi, a donné son approbation d'emblée, comme l'a fait aussi son successeur, le gouvernement libéral de M. Chrétien.
La participation de tous les partis était une raison très importante de son succès.
Oui, je serais tout à fait d'accord et je dirai simplement deux choses. L'une est ce dont nous avons entendu parler plus tôt concernant la nécessité d'avoir un objectif politique commun. C'est exactement ce que vous dites. Il faut un objectif politique que tous les partis partagent pour que cela puisse être viable.
Ensuite, pour revenir à un point que M. Broadbent a soulevé dans sa déclaration, l'idée de veiller à ce qu'il y ait des représentants des pays du Sud ou des pays en développement au conseil dans le cadre de la structure de gouvernance assure la pertinence, une cohésion, une participation et un engagement, ainsi qu'une représentation plus directe du service en soi, ce qui fait augmenter la participation avec le temps.
En ce qui concerne la reddition de comptes, est-ce que ce pourrait être une situation où nous veillons à ce qu'un rapport annuel soit déposé au Parlement ou qu'il y ait un mécanisme semblable, de manière à ce qu'il n'y ait pas seulement une institution qui n'entretient aucune relation active avec le Parlement?
Pourriez-vous tous les deux nous dire s'il y a des leçons à tirer?
La loi qui crée l'organisme Droits et Démocratie renfermait cette exigence. Un rapport annuel était déposé au Parlement. L'institut faisait l'objet d'une vérification réalisée par le vérificateur général chaque année également.
Enfin, pour ce qui est de la feuille de route, monsieur Broadbent, vous avez dit que les pays étaient souvent tenus... et que nous examinions l'écart entre leurs fondements constitutionnels et la réalité sur le terrain. Comment avons-nous évalué la réalité sur le terrain? Avons-nous travaillé en partenariat avec Affaires mondiales ou le ministère des Affaires étrangères, ou est-ce l'organisme Droits et Démocratie qui s'en est chargé?
C'était les deux. Surtout durant les premières années, lorsque Joe Clark était ministre des Affaires étrangères, on mettait davantage l'accent sur les droits de la personne dans les pays en développement. Les ambassades ont collaboré avec nous et ont réalisé leurs propres évaluations indépendantes. Lorsque nous allions dans un pays, ou quand j'y allais, nous demandions à l'ambassade canadienne de nous fournir son évaluation de ce qui se passe. Normalement, les relations étaient très constructives. Nous faisions rapport aussi par la suite. C'était une institution unique que le Canada avait.
Je pense que son succès est en partie dû au fait que nous ne sommes pas une grande puissance. Nous ne sommes pas le Royaume-Uni. Nous ne sommes pas les États-Unis. Même si mon poste était une nomination du gouvernement, une nomination du Conseil privé, nous avons réussi à être perçus pour ce que nous étions, une entité légalement indépendante du gouvernement. Nous ne devions pas du tout rendre des comptes, sauf par l'entremise du Parlement, au gouvernement au quotidien, et nous ne doutions pas, si je peux m'exprimer ainsi, des ONG ou de gouvernements. Il n'y avait pas de confusion que je parlais au nom du gouvernement, car ce n'était pas le cas. L'indépendance était respectée, mais la relation avec le gouvernement — je reviens encore une fois à cela — était très utile. Le fait que j'ai été en quelque sorte un représentant institutionnel du gouvernement du Canada a ouvert des portes qui n'auraient autrement pas été ouvertes à bon nombre d'ONG, par exemple.
Merci beaucoup.
Je suis très heureuse de vous revoir sur la Colline, monsieur Broadbent. Nous pourrions probablement être ici tout le matin à poser des questions.
Je vais adresser mes questions plus précisément à Mme O'Neill, car j'aimerais vraiment aborder brièvement la question liée au sexe, l'égalité, l'inclusion et la complémentarité de ces éléments au développement institutionnel. Lorsqu'on pense aux partis politiques, au Parlement, à la démocratie, on ne voit pas tout de suite le lien avec la Politique d'aide internationale féministe. On sait, cependant, que si on n'a pas ces institutions, les points de vue de tous les membres de la population représentée, des institutions efficaces, on ne peut pas atteindre l'égalité entre les sexes dans une région géographique donnée.
Si nous avons créé une entité axée sur le développement démocratique, et je ne parle pas seulement de la participation des femmes dans ces institutions, mais aussi de la structure de ces institutions en soi, comment cela contribuerait-il à la Politique d'aide internationale féministe? Je pourrais peut-être vous demander d'apporter des précisions à ce sujet.
Exactement comme l'ont dit les autres intervenants précédemment, ce sont dans les démocraties les plus fragiles ou peut-être les plus régressives que nous observons certains des plus grands problèmes. Je crois qu'on les dit superficielles. Ce sont celles qui ont pris très rapidement des mesures sur le plan architectural sans les appuyer par un changement culturel ou sans être véritablement inclusives. Nous voyons l'adoption d'une solution rapide qui ne donne pas des résultats durables.
Qu'est-ce que cela signifie pour la représentation et l'inclusion des femmes et les liens avec cette question? Concernant votre question, si un organisme devait être établi, tout d'abord, je voudrais m'assurer qu'il n'est pas défini comme étant seulement, par exemple, un organisme qui renforce les partis politiques ou les candidats. Je pense que comme bien d'autres l'ont dit, il doit inclure largement la société civile. Il serait également essentiel que le personnel ait, et que le programme reflète, une connaissance très fine de différents contextes et moyens pour aider les femmes, c'est-à-dire savoir quand cela convient et quand cela ne convient pas.
De nombreuses études et expériences universitaires révèlent, par exemple, que différents types de quotas sont plus susceptibles de fonctionner dans différents contextes. Nous devons nous assurer que nous le comprenons. Nous devons connaître les différents types d'aide dont les réseaux de femmes de la société civile ont probablement davantage besoin que les réseaux de la société civile mixtes ou ceux qui incluent principalement des hommes. Il faut que dans tout organisme, il y ait un niveau de compréhension élevé quant à la façon de procéder.
Je pense que le Canada est, de loin, mieux placé pour le faire que tout autre pays avec lequel j'ai collaboré. Des membres des Forces armées canadiennes savent comment faire une analyse comparative entre les sexes plus. Le plan d'action national a découlé des travaux de votre comité, a été surveillé par votre comité, et a été élaboré à l'aide de vastes consultations menées partout au pays. Il y a des gens qui ont les compétences voulues et qui peuvent faire plus que dire que les droits des femmes sont importants et que nous devons les protéger afin d'assurer leur inclusion. Je dirais que tout nouvel organisme ou tout ensemble d'organismes devraient comprendre une expertise approfondie et une professionnalisation de ce service.
Dans votre témoignage, vous avez dit que l'égalité des sexes n'est pas une question secondaire, que c'est, en fait, une question centrale quand on pense à l'économie et à la sécurité. Vous avez parlé du coût de l'inaction en ce qui concerne le terrorisme, la criminalité, le manque de sécurité et les mouvements de réfugiés. Pouvez-vous en dire un peu plus à ce sujet?
Oui. Il est toujours très difficile d'estimer le coût de l'exclusion, mais nous constatons qu'il existe une forte corrélation entre les pays qui se comportent d'une manière qui, avec le temps, nous coûte cher — comme vous le disiez, des pays qui génèrent des réfugiés, qui ne respectent pas les règles commerciales à l'échelle internationale — et la manière dont ils traitent les femmes dans leur pays. De nombreuses études — et je serai ravie de les montrer au Comité — contribuent à étayer le fait que ce n'est plus quelque chose que nous pouvons qualifier de question secondaire ou qu'il est simplement bien d'avoir. C'est essentiel.
Enfin, à cet égard, je dirais que nos ennemis ou nos adversaires comprennent très bien ce point. Ils comprennent l'importance qu'ont les femmes et la dynamique des rapports de genres pour faire avancer leur cause. Ils n'appellent pas cela ACS+ ou une analyse comparative entre les sexes, mais les groupes terroristes recrutent des femmes de façon très délibérée. La majorité des kamikazes de Boko Haram sont des femmes. La majorité d'entre elles sont des filles, des enfants soldats. De nombreuses organisations qui se sont retirées de la démocratie ont compris que les femmes pouvaient les aider à réaliser leurs objectifs. Ils comprennent beaucoup mieux comment procéder. Je crois que nous devons répliquer de manière aussi judicieuse.
Dans votre témoignage, vous avez dit également qu'on ciblait les femmes qui défendent les droits de la personne et les femmes politiques. Y a-t-il une façon différente, voire plus précise, de cibler les femmes dans ces organismes et de cibler les femmes qui font de la politique?
Oui. L'une des premières façons dont les femmes se heurtent à la réduction de l'espace pour leur travail, c'est par une réduction de la liberté de mouvement, un rétrécissement étouffant de leur espace. Elles sont moins en mesure de se rassembler dans le pays et de se rencontrer ou de voyager. Elles font face à de plus en plus de menaces physiques en ligne. On les diffame beaucoup plus publiquement, surtout en attaquant leur honneur et leur intégrité. Il est également beaucoup plus difficile pour les organisations internationales ou les gouvernements d'appuyer financièrement des organisations de femmes qui défendent les droits de la personne. Ces groupes sont de plus en plus ciblés, de plus en plus de manières.
Merci beaucoup.
Madame O'Neill, je veux seulement rappeler que si vous voulez fournir d'autres informations, veuillez les envoyer à la greffière, et nous veillerons à les ajouter aux documents de l'étude.
Merci beaucoup.
Bien entendu, nous aimerions que tout le monde puisse rester ici toute la journée. Le sujet de discussion le plus important devrait être la construction de la démocratie.
Soit dit en passant, madame O'Neill, il est bien certain que vous êtes merveilleuse, car vous venez d'Edmonton, comme moi.
Votre témoignage m'amène à me poser un grand nombre de questions intéressantes, et j'aimerais que vous répondiez tous les deux à la prochaine question — vous en particulier, monsieur Broadbent. M. Gershman nous a rappelé que la National Endowment for Democracy n'a pas été créée par le gouvernement, mais plutôt par des ONG, qui en ont établi les modalités et les objectifs. Le gouvernement fédéral finance simplement l'organisme.
Cela a soulevé une question dans mon esprit. S'agira-t-il d'un organisme vraiment indépendant si c'est le gouvernement qui le crée? Quelle est, à votre avis, la meilleure voie à suivre pour son établissement pour faire en sorte qu'il soit indépendant du gouvernement?
Si l'on regarde comment on a procédé dans le cas de Droits et Démocratie, on constate qu'une très grande attention a été portée à cette question concernant la durée d'emploi, la nécessité de rendre des comptes au Parlement — et pas seulement au gouvernement — et la représentation des non-Canadiens au sein du conseil d'administration qui a été formé. Toutes ces mesures ont été grandement utiles jusqu'à la toute fin, où l'on a assisté à un désastre.
Pour être honnête, je dirais que le gouvernement de M. Harper... La seule fois où un gouvernement a dérogé, en quelque sorte, au principe de neutralité, c'est lorsque M. Harper a nommé un certain nombre de gens très impartiaux au conseil d'administration. Cela a entraîné des conflits majeurs au sein de l'organisme au sujet des priorités. Ce qui en a résulté, eh bien... Le président de l'époque est mort d'un infarctus, en fait. La situation était terrible. Par la suite, le gouvernement a aboli l'organisme. Je dirais que c'est que pour la première et seule fois, un gouvernement a décidé de donner une forme partisane au conseil d'administration, ce que tout gouvernement peut faire, bien sûr. Or, jusqu'à ce moment-là, aucun gouvernement, conservateur ou libéral, n'avait essayé de s'ingérer dans l'organisme d'une quelconque façon, qu'il s'agisse de noyauter un conseil d'administration ou de donner des directives.
Pour revenir à votre question, je dirais que cela ne peut être totalement sûr. Il ne peut y avoir de dispositions qui seront protégées de façon permanente d'un gouvernement s'il décide de faire quelque chose d'inacceptable.
Eh bien, c'est ce qu'on faisait auparavant et il y avait des consultations entre le gouvernement et l'opposition. Le gouvernement prenait tout de même la décision, mais de sérieuses consultations avaient lieu avec les chefs des partis de l'opposition pour essayer de s'assurer que les gens choisis avaient de l'expérience directe ou indirecte relative aux droits de la personne, par exemple, ou au militantisme en quelque sorte, que leur nomination était jugée acceptable par tous les partis.
En principe, l'idée que le gouvernement procède aux nominations ne m'inquiète pas, puisque c'est lui qui nomme les juges à la Cour suprême et qu'en règle générale, la Cour suprême est très impartiale, certainement quand on parle d'orientation idéologique. Rien n'est infaillible, mais si la loi est bonne et que le gouvernement agit de bonne foi et consulte les autres partis, je pense que cela peut fonctionner.
Madame O'Neill, je me demande si vous pouvez répondre à ma prochaine question, et vous aussi, par la suite, monsieur Broadbent.
Il y a une chose qui m'intrigue. Je crois que le gouvernement actuel voudrait rétablir un tel organisme, mais à l'heure actuelle, dans son budget, Affaires mondiales ne regroupe pas ensemble le développement des services judiciaires, le développement démocratique, les droits de la personne, les droits des femmes, etc. Ils sont tous séparés dans le budget d'Affaires mondiales et, en fait, il n'y a à peu près rien pour la participation démocratique dans la société civile.
La création de cet organisme signifie-t-elle également qu'Affaires mondiales et le gouvernement doivent reconsidérer les choses à cet égard et la façon dont ils fonctionnent ensemble? C'est une toute petite question.
Ma plus grande préoccupation, si un organisme était créé, ce serait de veiller à ce qu'il n'absorbe pas une trop grande partie du financement des organisations et réseaux de la société civile. Je peux voir de nombreuses bonnes raisons pour lesquelles ce serait utile pour la coordination et les avantages que présente un organisme indépendant.
J'ai aussi pensé que le point précédent concernant le symbolisme de ceci en ce moment, est puissant, mais je voudrais m'assurer que nous ne redirigeons pas trop de fonds, et que pour ce qui est de la démocratisation, les choses ne se fassent pas uniquement dans les limites de ce seul organisme. Dans ce type de questions, c'est toujours une question de compromis entre intégrer et cibler, et je veux toujours voir les deux. Je veux voir des éléments en appui à la démocratisation au coeur de diverses autres rubriques.
J'aimerais également que plus de fonds soient consacrés aux organismes et réseaux des droits de la personne et de la société civile, surtout ceux qui sont dirigés par des femmes, comme l'ont proposé la Politique d'aide internationale féministe et le Programme sur la voix et le leadership des femmes. Je crois que le Canada a fait d'énormes progrès à cet égard. J'aime toujours en voir plus, mais c'est une reconnaissance importante jusqu'à présent et j'aimerais que cela se poursuive.
Merci, monsieur le président.
Madame O'Neill, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous vouliez parler de la technologie, mais que vous n'en aviez pas le temps. Voulez-vous le faire maintenant?
Très brièvement, en ce qui concerne la technologie, je félicite sincèrement le Comité, car je sais que dans le passé, vous avez parlé de la technologie et de cette question, en reconnaissant son importance, et en comprenant également que bon nombre d'entre nous parlent de la technologie comme si elle était non discriminatoire, comme si elle était un grand facteur d'égalisation et qu'elle touchait les hommes et les femmes de la même façon. Encore une fois, j'aimerais analyser cela.
Pour les femmes, en particulier celles qui militent pour la démocratie, la technologie peut vraiment être une bonne chose. Tout d'abord, elle les aide à s'organiser et à surmonter certains des obstacles que je viens de mentionner en répondant à la question de la députée Vandenbeld au sujet des entraves à la liberté de mouvement. La technologie offre un moyen de surmonter cet obstacle. Souvent, la société civile a besoin de permis pour se rassembler et pour réunir plus de 11 personnes à la fois, ou quelque chose du genre. La technologie permet aux femmes de s'organiser comme jamais auparavant.
C'est également un outil très important pour attirer des jeunes femmes vers la gouvernance. Je raconte souvent l'histoire d'une amie qui vit en Tunisie et qui a créé un site Web, une application, pour suivre la rédaction de la Constitution de la Tunisie, et des jeunes l'ont consulté minutieusement. Son application a fini par attirer plus d'abonnés que toute l'équipe de soccer nationale. Lorsque nous parlons d'attirer les jeunes en politique, de la transparence et de la surveillance, cela pourrait être très utile.
La technologie peut aider également à communiquer des leçons. La solidarité et la communication de pratiques exemplaires sont importantes.
Cependant, la technologie peut aussi avoir des répercussions très négatives, en particulier sur les femmes et la promotion de la démocratie. Je n'ai pas besoin de vous dire comment elle peut servir à exercer une influence sur les élections de l'extérieur, ni de vous parler des réactions brutales auxquelles des hommes et des femmes peuvent faire face. Souvent, celles qui ciblent les femmes sont en bonne partie très sexualisées et concernent leur honneur et leur place au sein de leur famille et de leur communauté.
Je dirais que puisque nous appuyons la démocratisation dans le monde, nous devons nous assurer, entre autres, de soutenir les femmes au moyen de formations sur la sécurité numérique, de la sécurité des données, de la gestion de leur présence en ligne, etc.
Je crois qu'il nous faut avoir les yeux grands ouverts à cet égard, et comme tout le reste, reconnaître que même une chose qui semble anodine comporte une dimension fondée sur le sexe.
Cela m'amène pour ainsi dire à ma prochaine question: comment devons-nous traiter les acteurs dans les démocraties établies, les gens qui sont déjà là, qui veulent ébranler cela au moyen, par exemple, d'un remaniement arbitraire des circonscriptions, de l'utilisation de stratagèmes pour empêcher les électeurs de voter et de fausses nouvelles, qui sont tous des moyens technologiques? Comment contrer les menaces internes à la démocratie?
La question s'adresse à vous deux.
Je dirais que la meilleure façon de s'attaquer à cela à long terme et fondamentalement est d'améliorer notre pensée critique.
C'est une chose que j'ai affûtée en nouant un dialogue avec beaucoup de femmes, qui travaillent pour combattre des pôles d'extrémisme violent et de radicalisation partout dans le monde. Elles disent que ce qui nous est imposé par des donateurs internationaux, c'est entre autres l'idée d'afficher sur les médias sociaux des messages contraires qui montrent les bonnes choses faites par le gouvernement et de quelles façons il soutient telle ou telle chose.
Elles disent que lutter contre des messages avec d'autres messages ne sera jamais la solution gagnante. Ce que nous devons faire, c'est mettre l'accent sur la pensée critique de nos citoyens et de nos populations. Je pense que c'est une chose que le Canada peut faire de manière très directe.
À court terme, je pense que nous devons veiller à avoir un lien très étroit entre les femmes, les activistes de la société civile et les entreprises de technologie. J'entends souvent des femmes qui se mobilisent parler des nouvelles façons dont la technologie est utilisée pour saboter leurs activités, à l'aide de diverses applications qui sont mises au point, de différentes approches de surveillance et ainsi de suite. Dans la mesure où il y a un lien plus direct entre les femmes qui se battent pour la démocratie dans un pays, y compris le nôtre, et les entreprises de technologie qui exploitent ces plateformes, je pense que c'est une des meilleures choses que nous pouvons faire à court terme.
La seule chose que j'ajouterais à cela, c'est la question de réglementer les institutions ou les multinationales comme Facebook, par exemple, pour prévenir à l'avenir l'utilisation de ce genre de technologie qui porte atteinte à nos élections et à d'autres élections partout dans le monde en créant de la dissension et du conflit au sein des sociétés. Sans trop entrer dans les détails — pour être honnête, je n'ai pas l'expertise technique nécessaire —, l'approche adoptée au sein de l'Union européenne pour réglementer Facebook, par exemple, est une chose que nous devrions examiner de plus près selon moi.
D'une part, nous ne voulons pas — comme on l'a proposé plus tôt aujourd'hui — que l'Internet soit régi par le gouvernement, mais d'autre part, quand de grandes sociétés agissent de leur propre chef, ce qui a mené bon gré mal gré à la manipulation de leurs propres possibilités techniques pour nuire à nos démocraties, je pense qu'il y a lieu de recourir à une certaine réglementation gouvernementale pour éviter cette situation.
Comme je l'ai dit, je ne suis pas un expert de la question, mais il me semble, d'après ce que j'ai lu, que l'Union européenne a raisonnablement procédé en ce sens afin de répondre aux préoccupations pour la démocratie.
Vous avez dit que la pensée critique est un élément essentiel dans ce dossier. Je suppose donc que l'élément essentiel que nous n'avons pas est une éducation équitable partout dans le monde, et nous ne pouvons qu'espérer y parvenir.
Je ne veux pas trop m'attarder là-dessus comme il ne me reste qu'environ une minute, mais dans le groupe de témoins précédent, on a dit que c'est la 13e année consécutive du déclin de la démocratie en principe. Nous parlons de répandre la démocratie et d'encourager d'autres pays à l'adopter. La démocratie américaine, le modèle vers lequel les gens se tournent, est-elle saine? Veillons-nous bien au respect de la démocratie une fois qu'elle est établie?
Je ne pense pas qu'elle est fondamentalement saine. Nous avons vu beaucoup de choses au cours des dernières années. Quand on va au-delà des apparences, certaines institutions s'effondrent assez rapidement. Beaucoup de personnes s'inspirent de la démocratie américaine, mais les temps changent. Toutes proportions gardées, l'opinion de beaucoup de monde par rapport à la réputation du Canada et à notre façon d'aborder la démocratie s'est considérablement améliorée. Je mentionne aussi qu'une des raisons pour lesquelles il y a autant de Canadiens qui font un travail de démocratisation à l'étranger, c'est que d'autres pays préfèrent notre modèle de démocratie au pendant américain. Ils sont moins nombreux à vouloir exporter un système fondé sur un Congrès, surtout lorsqu'il est miné par l'argent et des influences extérieures.
Merci beaucoup. Le temps accordé pour cette question est écoulé.
Il nous reste environ quatre minutes.
Allez-y, monsieur Saini.
Bonjour à vous deux.
Monsieur Broadbent, je veux vous poser une question précise pour connaître votre opinion. Le sous-comité des droits de la personne a tenu quelques séances sur le Venezuela, et notre comité fera maintenant une étude et tiendra peut-être quelques séances sur ce pays. Vous êtes au courant de la détérioration de la situation à l'heure actuelle. Le Canada a récemment promis 53 millions de dollars pour aider à gérer la vague de réfugiés au Brésil et en Colombie.
Comme vous le savez, il y a l'hyperinflation ainsi que la détérioration de la situation économique et politique. Les manifestants se font battre et les dissidents sont emprisonnés. Actuellement, selon notre point de vue, tous les jours, M. Guaido est de plus en plus reconnu comme le dirigeant légitime du Venezuela. Récemment, à compter d'aujourd'hui, d'hier ou de la semaine dernière, le Japon le soutient aussi comme le dirigeant du pays. Que pensez-vous de la position du Canada? Pensez-vous que nous faisons la bonne chose en le soutenant et en tentant d'atténuer la crise humanitaire sur le terrain au Venezuela?
Aimeriez-vous me poser une autre question? C'est un dossier extrêmement complexe.
J'ai normalement tendance à penser, en matière de droit international et de gouvernements, que le groupe ou le parti qui est aux commandes des grandes institutions — les Parlements, les tribunaux, les armées —, peu importe de qui il s'agit, que nous l'aimions ou non, devrait être reconnu comme le gouvernement du jour.
En revanche, le gouvernement du jour au Venezuela est abominable, selon presque toutes les évaluations des droits de la personne, à la suite des dernières élections, dans sa façon de traiter les droits et les préoccupations de la population. Je peux très bien comprendre pourquoi le Canada et beaucoup d'autres démocraties que je respecte en Europe de l'Ouest et ailleurs soutiennent le chef de l'opposition. C'est toutefois une situation presque sans précédent. Tout ce que je peux dire, c'est que je comprends cela. Personnellement, il ne fait aucun doute que je voterais pour le chef de l'opposition.
Je vous pose la question parce qu'un passage de la Constitution du Venezuela rend la situation encore plus complexe. C'est l'article 233, qui stipule que s'il n'y a pas de leader ou de président, la personne à la tête de l'Assemblée nationale peut assumer temporairement ce rôle. Comme les dernières élections n'étaient pas justes ou libres et que des dissidents ont été mis en prison — c'est la raison pour laquelle je voulais poser la question —, compte tenu de ce passage de la Constitution, peut-on voir cela comme un moyen légitime de tenter d'atténuer la crise et de changer la trajectoire politique?
Eh bien, c'est certainement ce que des membres des gouvernements tentent de faire valoir en soutenant le chef de l'opposition.
Comme je l'ai dit, je comprends. Ce n'est toutefois pas une procédure normale et saine à l'échelle internationale lorsque notre gouvernement ou un autre gouvernement exerce des pressions sur un autre pays pour influencer la formation de son gouvernement. Par conséquent, comme je l'ai dit, c'est une situation vraiment exceptionnelle et une sorte de choix qui n'en est pas un: on devra essuyer des critiques quoi qu'on fasse.
S'il y a une chose à laquelle je m'opposerais — et c'est ce qui est préoccupant —, c'est l'intervention ferme du président des États-Unis lorsqu'il a parlé de recourir à la force, pour reprendre ses mots, de ne pas écarter cette option. C'est totalement contre-productif selon moi, et c'est ce qui inquiète beaucoup de monde, à savoir l'intervention d'un gouvernement pour façonner la destinée d'une autre société, pour influencer la formation d'un autre gouvernement.
Au sein du Groupe de Lima, où le Canada joue un rôle de chef de file, on a écarté un éventuel recours à la force. Comme vous le savez, les États-Unis ne font pas partie du Groupe, et c'est donc un commentaire isolé du président.
Je pense que la position du Canada est très claire. Nous voulons travailler politiquement pour trouver une solution en ne recourant d'aucune façon à la force.
Merci beaucoup.
Je remercie Mme O'Neill, qui est à Washington; Ed Broadbent, qui est avec nous à Ottawa; ainsi que nos témoins précédents. Vos témoignages sont très importants.
Je remercie également tous les membres de s'être levés tôt et d'être arrivés à l'heure, à 8 h 45, un jeudi matin, et d'avoir posé d'aussi bonnes questions.
La séance est levée.
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