FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 3 décembre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous et bienvenue à la 118e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Pour commencer, j'aimerais reconnaître la présence dans la salle de l'ancien ministre de la Justice, Irwin Cotler, et aussi de l'ambassadeur péruvien au Canada, M. Roberto Rodriguez Arnillas.
Pour commencer l'audience d'aujourd'hui, j'aimerais expliquer que nous entreprenons une étude sur la situation qui ne cesse de se détériorer au Venezuela et sur ses terribles répercussions régionales et hémisphériques. À la suite de la crise politique et économique survenue au Venezuela, on estime que 3 millions de migrants et de réfugiés vénézuéliens ont fui leur pays à la recherche de sécurité et d'occasions.
Les statistiques en provenance du Venezuela sont déchirantes. Son économie a perdu plus de 40 % de son PIB et elle est entrée dans une cinquième année de récession. La pauvreté touche 87 % de la population, et 90 % des Vénézuéliens n'ont pas suffisamment d'argent pour se procurer des aliments. Plus de la moitié des Vénézuéliens ont perdu en moyenne 24 livres.
Cela a créé la plus grande crise des réfugiés dans l'histoire des Amériques. Il a fallu du temps avant qu'elle arrive, et il ne semble pas que le régime vénézuélien sous Nicolás Maduro ait quelque intention que ce soit de régler cette situation dans un avenir rapproché.
Pour nous parler de la crise, nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Pour la première heure, nous accueillons M. Alejandro Guidi, conseiller principal pour les Amériques de l'Organisation internationale pour les migrations. Nous recevons Jean-Nicolas Beuze, représentant au Canada, et M. José Samaniego, coordonnateur régional pour la situation au Venezuela, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Pour notre deuxième heure, nous avons le privilège d'accueillir le secrétaire régional Luis Almagro, de l'Organisation des États américains, que le Comité a déjà reçu, en décembre 2016.
Bien sûr, nous accueillons également l'honorable Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et membre du groupe d'experts internationaux indépendants nommés par l'OEA sur les motifs raisonnables de croire que des crimes contre l'humanité ont été commis au Venezuela.
Sur ce, je vais inviter notre premier groupe de témoins à présenter leur déclaration liminaire, après quoi nous passerons directement aux questions des députés.
Monsieur Beuze, je vous demanderais, et je le demanderais à chacun de nos témoins, de prendre huit minutes pour présenter votre exposé, puis nous céderons la parole au groupe de témoins. Monsieur Beuze, aimeriez-vous commencer, s'il vous plaît?
Merci beaucoup, monsieur le président, et messieurs les députés. Je suis très heureux de comparaître de nouveau devant le Comité aujourd'hui.
Je vais céder directement la parole à mon collègue, José Samaniego, qui pourra aborder plus en détail de la réaction du HCR.
Nous proposerons peut-être que le représentant de l'OIM prenne la parole en premier, mais je ne suis pas sûr que cette personne soit en ligne.
Je ne crois pas qu'il soit en ligne à cette heure-ci, donc faisons un petit changement spontané ici.
Je vous laisse commencer, messieurs.
Pour commencer, j'aimerais mentionner quelques chiffres et tendances sur la situation globale et les répercussions de la situation vénézuélienne dans la région. Dans les dernières statistiques, nous recensons plus de 3 millions de migrants et de réfugiés à l'extérieur du pays. Au total, 8 personnes sur 10 se trouvent dans des pays voisins d'Amérique du Sud, dans les Caraïbes et dans des pays du Sud de l'Amérique centrale, mais on constate aussi des mouvements importants vers les États-Unis, le Canada, l'Espagne et l'Union européenne.
Nous remarquons aussi une très rapide détérioration de la situation, car plus de 2 millions de personnes sont arrivées au cours des dernières années. Qui plus est, nous devons aussi tenir compte d'autres mouvements de population. Il y a des mouvements de migration circulaire de la Colombie vers le Venezuela, où des personnes vont et viennent, parfois seulement à la recherche d'aliments et de médicaments. De plus, des groupes importants de citoyens d'Amérique latine ont été obligés de retourner dans leur pays. Nous parlons de quelque 400 000 Colombiens qui sont retournés, mais il y a aussi des gens d'autres nationalités qui retournent dans leur ville natale.
Voici un élément d'information important. Pourquoi ces gens partent-ils? Je crois que l'exode des Vénézuéliens est une réponse à un contexte politique, social et économique grave, mais nous devons aussi observer la présence de considérations importantes au chapitre de la protection internationale. Les taux de criminalité sont très élevés. Il est aussi question d'opinions politiques imputées, comme la perte d'emplois pour ceux qui ne sont pas en faveur du régime, et aussi la discrimination dans la redistribution de la nourriture et d'autres articles de base.
Enfin, comme l'a mentionné le Conseil des droits de l'homme des Nations unies dans la dernière résolution sur les droits de la personne de septembre 2018, il y a aussi de graves violations des droits de la personne dans le contexte des crises politiques, socioéconomiques et humanitaires.
Par rapport à la réponse reçue, je crois que le mot clé pour la région a été « solidarité ». En fait, tous les pays, du moins en Amérique du Sud, ont gardé leurs portes ouvertes, et près de 1 million de personnes se sont vu accorder des formes différentes de séjour légal. En outre, plus de 360 000 demandes d'asile ont été déposées dans la région. Nous devons aussi nous rappeler que les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants ont une liberté de mouvement, un accès aux droits sociaux et des permis de travail, en plus d'avoir accès à la plupart des services publics. Ce n'est pas seulement la solidarité des gouvernements; nous devons aussi mentionner la solidarité de toute la société.
Toutefois, des contraintes très importantes et des pressions accrues pèsent sur les gouvernements, et elles sont attribuables dans un premier temps au choc économique. Juste en Colombie, on estime que la réception et l'attention du Venezuela représentent 0,5 % de son PIB annuel. Les services essentiels sont complètement surchargés, principalement dans les régions frontalières. Par ailleurs, nous observons aussi certaines tendances, certains incidents de xénophobie et de discrimination. Il y a même eu des manifestations violentes dans certains pays.
Du côté du gouvernement, certains pays ont introduit quelques restrictions — des visas, des exigences en matière de passeport, des documents à coût élevé, mais aussi, dans le cas des Caraïbes, des expulsions. Par ailleurs, il ne faut pas non plus oublier que moins de 7 000 Vénézuéliens ont été reconnus comme réfugiés.
Par rapport aux préoccupations et aux vulnérabilités au chapitre de la protection, nous avons observé les principales vulnérabilités suivantes dans la population. La première, c'est l'accès au territoire et à une protection efficace. De nombreux Vénézuéliens sont toujours en situation d'irrégularité. On estime ce taux entre 40 et 50 % de la population, selon les pays.
On voit aussi de nombreux cas de violence fondée sur le genre et de traite de personnes aux frontières de la Colombie, de recrutement forcé, de situations d'enfants non accompagnés et, bien sûr, des vulnérabilités très élevées sur les plans de la santé, de l'éducation et de la subsistance, et de cas particuliers d'exploitation de la main-d'oeuvre.
Je vais maintenant me concentrer sur la réponse, car je crois que, en cette année du Pacte mondial, la région procure un modèle, un exemple, de la façon dont nous devons coordonner la réponse à ce genre de crise. Dans le cadre de la réponse, bien sûr, certains gouvernements jouent un rôle, mais aussi le système des Nations unies, d'autres organisations internationales et, au cours des derniers mois, nous avons vu une plus grande participation de la part des banques de développement.
Du côté des gouvernements, chaque gouvernement a établi un plan d'intervention national. Comme nous l'avons dit, ils ont créé, établi ou renforcé des ententes de séjour légal et ils encouragent ou facilitent l'accès efficace des Vénézuéliens à des services de santé, à l'éducation et au marché du travail.
À l'échelon régional, les gouvernements ont favorisé un processus régional. Il s'agit du processus de Quito, et celui-ci comporte deux dimensions. Tout d'abord, en septembre, ils ont présenté la déclaration, et le message principal est de laisser les portes ouvertes. De plus, en novembre dernier, ils ont adopté un plan d'action. Dans ce plan, vous avez une proposition visant à harmoniser les ententes de séjour légal, à promouvoir la régularisation et à faciliter les droits socioéconomiques des réfugiés et des migrants vénézuéliens.
Dans le cas de l'éducation, un exemple est la reconnaissance des titres et des certificats. On s'engage aussi à l'égard de la coopération internationale et on demande à maintenir un dialogue ouvert et constructif avec le Venezuela concernant certains enjeux particuliers qui touchent la population vénézuélienne, comme la documentation et la santé.
Ces processus gouvernementaux sont en très grande partie attribuables à la création et à l'établissement d'un mécanisme spécial créé par l'OIM et le HCR par le haut-commissaire, sous le directeur général, à la demande du secrétaire général. En fait, il y a deux mois, une plateforme régionale a été établie, et un représentant spécial adjoint pour l'OIM et le HCR a été nommé. Nous parlons de M. Eduardo Stein, qui essaie de dialoguer avec un gouvernement différent et d'envoyer un message constant et uniforme ainsi qu'une réponse constante à cette crise.
À l'échelon opérationnel, sous la coordination globale de l'OIM et du HCR, plus de 100 partenaires aux échelons national et régional assurent la coordination et collaborent. L'objectif principal est d'envoyer une réponse opérationnelle régionale cohérente et coordonnée afin de cerner les lacunes et de compléter la réponse des États.
Cette plateforme régionale va présenter demain une proposition, un plan d'intervention pour les réfugiés et les migrants, afin de renforcer la réponse immédiate de la communauté internationale. Cette réponse est peut-être un des plans les plus ambitieux présentés par la communauté humanitaire. Elle fait intervenir 75 partenaires — pas seulement les Nations unies, mais aussi des organisations internationales et régionales et la société civile dans 16 pays. La population cible compte plus de 2 millions de réfugiés et de migrants du Venezuela ainsi que des collectivités d'accueil. Le budget s'élève à plus de 730 millions de dollars. Les principales priorités sont, bien sûr, l'aide humanitaire, mais aussi l'accès à des soins de santé et à l'éducation, la promotion de l'inclusion sociale et économique, la prévention de la violence fondée sur le genre et l'intervention connexe.
Le dernier point tient aussi à la façon dont la dynamique du gouvernement accompagne le soutien et la complémentarité de la communauté internationale.
Nous avons aussi vu comment les acteurs du développement participent à cette réponse. En effet, certaines banques formulent des propositions — la Banque mondiale en particulier, mais aussi la Banque interaméricaine de développement — afin de promouvoir une plateforme financière régionale.
La Banque mondiale appuie déjà les États au moyen d'une aide technique pour l'évaluation des répercussions financières de la crise et l'élaboration d'une réponse à moyen et à long terme. Elle prévoit également l'activation du Mécanisme mondial de financement concessionnel qui, comme vous le savez, a été activé dans d'autres régions, comme le Moyen-Orient.
La Banque interaméricaine de développement propose aussi à des fins d'approbation la création d'un fonds de 100 millions de dollars pour des crises de déplacement et de migration, y compris la crise au Venezuela.
Pour terminer, nous voyons trois priorités pour la région à l'heure actuelle.
La première, c'est de maintenir les portes ouvertes, d'assurer le séjour légal des migrants et des réfugiés et de protéger les Vénézuéliens dans les pays voisins.
La deuxième, c'est d'intensifier la réponse immédiate à la crise, pas seulement grâce à l'aide humanitaire pour aider les migrants et les réfugiés, mais aussi pour faire profiter les principales collectivités touchées par l'arrivée de cette population.
Comme troisième priorité, nous exigeons un soutien supplémentaire, plus fort et plus robuste de la part de la communauté internationale pour les États afin de promouvoir et de faciliter l'intégration locale des réfugiés et des migrants. Nous croyons que la solidarité et le partage des responsabilités est une question de stabilité pour toute la région.
Merci beaucoup.
Merci.
Monsieur Guidi, notre prochain témoin, se prépare. Il y a un léger retard.
Monsieur Guidi, êtes-vous en mesure de commencer maintenant pour environ huit minutes? Je sais que vous venez de vous asseoir.
Bonsoir — bonjour, je crois, à Ottawa. Merci, Excellences, de nous avoir invités à cette réunion importante.
J'aimerais d'abord dire que le nombre de Vénézuéliens hors du pays a grandement augmenté au cours des dernières années. À l'échelle mondiale, le nombre de Vénézuéliens est passé de 700 000 en 2015 à plus de 3 millions en 2018. Sur ces 3 millions, on estime que 2,4 millions sont arrivés dans les pays d'Amérique latine.
D'après les statistiques officielles, la répartition des Vénézuéliens qui vivent dans des pays d'Amérique latine est la suivante. Plus de 1 million de Vénézuéliens vivent en Colombie; plus de 500 000 sont au Pérou; et plus de 200 000 se trouvent en Équateur. L'Argentine et le Chili ont reçu plus de 100 000 personnes chacun, et 85 000 restent actuellement au Brésil. D'autres pays d'Amérique du Sud, de l'Amérique centrale et des Caraïbes ont reçu des nombres importants de migrants et de réfugiés vénézuéliens.
Jusqu'ici, les pays de l'Amérique latine ont principalement maintenu une politique louable de portes ouvertes. Près de 1 million de Vénézuéliens ont tiré profit d'ententes de séjour régulier en Amérique latine. Avec l'appui de l'OIM et du HCR, les gouvernements travaillent à la régularisation de ces migrants et de ces réfugiés.
Nous félicitons les gouvernements d'accueil de leurs politiques ouvertes et nous les encourageons à continuer de recevoir des Vénézuéliens.
La diversité des chemins empruntés par les Vénézuéliens révèle une mobilité dynamique et changeante. Mis à part la voie aérienne, les voies terrestre et maritime sont récemment devenues plus importantes. Les courtes distances entre les îles des Caraïbes, comme Aruba, Curaçao et Trinité-et-Tobago, facilitent la mobilité maritime.
Les ressortissants vénézuéliens sont extrêmement vulnérables à l'exploitation et à la violence. Les tendances les plus récentes révèlent une augmentation inquiétante de la vulnérabilité des réfugiés et des migrants en provenance du Venezuela, qui touche les enfants et les femmes en déplacement. Les flux les plus récents sont plus vulnérables que les précédents.
La plupart des gens qui quittent le pays ont une double vulnérabilité. D'une part, ils éprouvent des vulnérabilités liées aux conditions auxquelles ils font face au Venezuela, notamment en raison de problèmes de santé; d'autre part, ils souffrent de nouvelles vulnérabilités associées aux risques et aux défis auxquels ils s'exposent durant leur voyage.
Le plus grand groupe de Vénézuéliens — connu sous le nom de caminantes, comme nous le disons en espagnol, ou marcheurs en français — marchent pendant 15 à 20 jours, traversant deux ou trois pays depuis le Venezuela, en passant par l'Équateur et le Pérou, jusqu'au Chili et même l'Argentine, se déplaçant sur des routes étroites et risquées, qui passent de 320 à 3 000 mètres d'altitude, et souffrant des changements draconiens des conditions météorologiques, qui passent d'un climat tropical à un climat de tempête et de froid, entre autres facteurs.
Ils sont aussi vulnérables à la traite de personnes, particulièrement dans l'exploitation au travail, mais aussi à la prostitution forcée. Pour gagner plus d'argent, bon nombre de voyageurs se mettent à quêter. Les groupes de caminantes comprennent des femmes enceintes, des femmes célibataires avec des enfants, des adolescents, des personnes âgées et des personnes handicapées, parmi d'autres personnes vulnérables.
Juste pour vous donner un exemple des conditions difficiles auxquelles ils sont exposés durant le voyage, ceux qui se déplacent entre Cucuta, à la frontière de la Colombie avec le Venezuela, et Rumichaca, qui se trouve à la frontière sud de la Colombie avec l'Équateur, doivent marcher plus de 1 400 kilomètres. Ce n'est que le début du voyage pour bon nombre d'entre eux.
Une des difficultés les plus importantes auxquelles les Vénézuéliens font face durant ce voyage est le manque de documentation appropriée. Le gouvernement vénézuélien ne délivre pas de nouveaux passeports. Par conséquent, les Vénézuéliens doivent voyager avec une pièce d'identité qui ne correspond pas aux normes de sécurité. Dans le cas des enfants de moins de 9 ans, ils n'ont que des certificats de naissance.
Comme nous avions l'habitude de le dire à l'OIM, la migration est le déterminant de la santé, et cette situation ne fait pas exception à la règle. Cette situation d'exode massif de Vénézuéliens se répercute clairement sur la santé des réfugiés et des migrants.
À cet égard, des maladies qui étaient considérées comme éradiquées ont réapparu et touchent non seulement les Vénézuéliens, mais aussi les ressortissants des pays d'accueil. De nombreux cas de rougeole ont été signalés, ainsi que plusieurs cas de malaria, de dengue et de tuberculose, pour ne nommer que ces maladies.
Les Vénézuéliens qui souffrent de diabète ou de VIH ne peuvent recevoir d'aide dans leur pays, et ils doivent donc quitter le Venezuela ou mourir. La mortalité maternelle et la violence fondée sur le genre touchent aussi les Vénézuéliens qui quittent le pays. Les femmes, les enfants, les personnes qui vivent avec le VIH, les personnes âgées et les Autochtones ont besoin d'une aide spéciale. Les communautés LGBTI touchées par le déplacement font aussi face à de la discrimination et à des difficultés pour accéder à des services de santé.
De plus, on constate une perte radicale de médecins et d'autres professionnels de la santé, ce qui a fait passer l'aide à zéro dans certains établissements de santé du Venezuela. En Colombie, l'Institut national de la Santé a signalé une augmentation de 272 % des événements importants de santé publique pour les ressortissants du Venezuela. Au total, 17 % des événements déclarés concernent des Autochtones.
Nous aimerions féliciter les pays d'accueil, puisque, en plus de recevoir et, dans de nombreux cas, de fournir des documents aux Vénézuéliens, ils leurs fournissent aussi de l'aide sociale. Des agents dévoués des ministères de la Santé des pays d'accueil sont présents à la frontière et dans des secteurs où sont présents les Vénézuéliens pour offrir des services, particulièrement des vaccins aux enfants. Dans la plupart des cas, l'aide fournie est financée à 100 % par les ressources financières des budgets publics nationaux.
Pour ces raisons, il est fortement nécessaire de soutenir les autorités sanitaires aux échelons national et local afin qu'elles puissent accroître la surveillance de la santé publique dans des régions qui reçoivent des migrants vénézuéliens. Parmi les facteurs de santé que nous avons décrits, il est aussi nécessaire de fournir du soutien psychosocial aux migrants et aux réfugiés vénézuéliens qui éprouvent des problèmes de santé mentale comme résultat de l'expérience traumatisante de leur déplacement.
Compte tenu de l'importance et de la complexité de cette crise sans précédent et pour contribuer à une réponse cohérente et harmonisée, le secrétaire général des Nations unies a demandé que le HCR et l'OIM coordonnent et intensifient la réponse opérationnelle.
Pour ces motifs, les deux organisations ont mis sur pied une Plateforme de coordination régionale interinstitutions. Cette plateforme, que mon collègue José Samaniego expliquera en détail, offre une excellente occasion pour la communauté internationale de faire front commun avec les réfugiés et les migrants vénézuéliens, les collectivités d'accueil et les gouvernements pour les aider à faire face à l'exode massif le plus important que les pays d'Amérique latine aient jamais connu.
Merci beaucoup.
Je remercie les deux témoins de leur témoignage.
Nous passerons directement aux questions des députés.
Commençons par le député Aboultaif, s'il vous plaît.
Merci de comparaître aujourd'hui devant le Comité. Le Venezuela est un sujet très important.
Je connais le Venezuela à de nombreux égards, et cette situation existe depuis longtemps. Elle a commencé non pas avec Nicolás Maduro, mais bien avec Hugo Chávez, dans le passé. Il a pavé la voie, a divisé la société, a fait toutes ces sortes de politiques identitaires, si vous le voulez — les riches contre les pauvres — et a créé un État-providence. Ils ont tous deux mené le pays à sa perte financière. Sa devise est faible. Le Venezuela que nous avons déjà connu, le pays riche et bien nanti de la région, est probablement maintenant un des plus pauvres du monde.
Cette situation ne touche assurément pas seulement le Venezuela: toute la région est affectée. Nous voyons des situations semblables avec les réfugiés syriens, ainsi qu'au Bangladesh et au Myanmar, où des gens s'enfuient d'un pays peu fortuné. En ce moment, le Bangladesh a besoin d'aide et d'assistance pour plus d'un million de personnes. Cela touche aussi la situation socioéconomique du pays.
Vous avez dit que 3 millions de Vénézuéliens s'étaient enfuis de leur pays: un million en Colombie, un demi-million au Pérou, environ 200 000 en Équateur et probablement environ 150 000 en Argentine et au Brésil. Bon nombre de ces pays n'ont pas une très bonne situation économique. Cela pourrait aussi les laisser dans une situation difficile, où ils essaieraient d'absorber les Vénézuéliens et de s'en occuper en tant que pays voisin ou pays de la région.
Le fait que l'augmentation des réfugiés vénézuéliens imposera un fardeau aux pays mentionnés est-il une préoccupation? Cela a-t-il été pris en considération dans votre plan ou dans celui de la communauté internationale, le fait de composer avec les répercussions sur les pays hôtes lorsqu'il est question des 3 millions de personnes, sachant qu'il faudrait peut-être en moyenne de 10 à 15 ans avant que les gens puissent revenir de leur camp de réfugiés?
J'aimerais obtenir quelques commentaires de votre part sur cette situation et sur les répercussions de ces réfugiés sur les pays hôtes.
Oui, en effet.
Comme vous l'avez dit, l'exode de Vénézuéliens a de grandes répercussions sur tous les pays voisins. Toutefois, je signalerais la situation de la Colombie et des deux autres pays de la région andine, le Pérou et l'Équateur, parce que vous pouvez ressentir de plus grandes répercussions à l'échelon national. Dans le cas du Brésil, ce sont des répercussions surtout locales, qui se concentrent dans la province nord de Roraima.
Quant aux répercussions sur les ressources financières du pays, comme je l'ai dit, quelques études sont déjà commanditées par la Banque mondiale. Par exemple, dans le cas de la Colombie, on estime que, par année, le gouvernement colombien doit débourser 1,6 milliard de dollars pour s'occuper de la population vénézuélienne. Des études semblables sont maintenant menées en Équateur et au Pérou. Vous pouvez déjà remarquer que l'arrivée des Vénézuéliens non seulement a des répercussions humanitaires à court terme sur leurs pays voisins, mais qu'elle affaiblit aussi toute la capacité d'accueil dans les pays.
Bien sûr, vous observez cette situation beaucoup plus dans les régions frontalières, principalement dans les régions frontalières de Norte de Santander ou de La Guajira dans le cas de la Colombie, et Roraima au Brésil, mais aussi dans quelques villes, capitales — des villes de taille moyenne et des grandes villes — qui reçoivent de grands nombres de Vénézuéliens. Il y a deux semaines, nous avons eu une situation très difficile à Bogotá, où un genre de camp temporaire créait... [Difficultés techniques] et, bien sûr, exerçait beaucoup de pressions sur leurs voisins.
Je dirais que les principaux secteurs touchés à court terme sont probablement la santé, comme Alejandro Guidi le mentionnait, et aussi l'éducation. Ils ont de grands problèmes pour ce qui est d'absorber les nouveaux élèves, et la capacité des écoles, principalement aux frontières, est assez limitée.
À moyen et à long terme, la grande difficulté tient à l'accès au marché du travail. Nous avons vu que ces personnes sont assez qualifiées. Elles ont le droit de travailler, mais comme vous l'avez dit, la situation dans les pays d'accueil est aussi difficile. Vous devez vous rappeler que, en Équateur, par exemple...
J'ai une brève question à ce sujet.
Nous savons que la situation humanitaire est quelque peu hors de contrôle, d'une certaine façon, par rapport à l'avenir.
Qu'en est-il de la situation politique? À votre avis, comment la communauté internationale envisage-t-elle cette situation? Si la situation politique pouvait être réglée, je crois que cela désamorcerait une bonne partie des situations qui se produisent, particulièrement avec les réfugiés.
Je vous demanderais de limiter la réponse à cette question à environ une minute, puis, je l'espère, nous pourrons la reprendre dans une question subséquente.
J'aimerais m'assurer que tous les députés auront le temps de parler.
Eh bien, nous concentrons principalement notre aide sur les plans de la protection et de l'intervention.
En ce sens, nous appuyons les plans nationaux élaborés par les pays. La Colombie vient de délivrer un plan d'intervention national pour les Vénézuéliens, appelé CONPES. D'autres pays font la même chose. Notre travail est vraiment de compléter ces programmes, en misant davantage sur les besoins immédiats et aussi sur le soutien des principales collectivités d'accueil touchées.
En même temps, les gouvernements travaillent avec les banques de développement pour cerner les ressources dans leurs propres budgets, mais aussi pour mobiliser des fonds pour des interventions à moyen et à long terme.
Le temps est écoulé, mais je suis sûr qu'il y aura une autre question sur le sujet.
La parole va maintenant à M. Wrzesnewskyj. Allez-y.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs.
La démocratie au Venezuela a été remplacée par une dictature populiste, et l'État est de plus en plus en déroute; il se désagrège peu à peu, et le coût humain est extrêmement élevé. Nous connaissons certaines des statistiques: 50 % des Vénézuéliens ont perdu en moyenne 24 livres et 30 % des enfants souffrent de malnutrition.
J'aimerais m'adresser à nos collègues des Nations unies. L'un des organes de l'ONU, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, a suspendu le Venezuela en 2015. Diverses organisations internationales ont condamné ou suspendu le Venezuela, et, le 27 septembre de cette année, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a encore une fois adopté une résolution exprimant sa profonde préoccupation. Depuis, 300 000 personnes de plus ont cherché asile dans des pays voisins. Cela représente 1 % de la population, et 7 % des Vénézuéliens sont déjà des réfugiés.
Combien de millions de réfugiés vénézuéliens de plus les pays voisins pourront-ils accueillir? Une foule d'organismes internationaux condamnent publiquement le Venezuela; ils dénoncent publiquement les crimes contre l'humanité qui ont lieu au Venezuela. Des millions de personnes qui cherchent asile ailleurs, et le flux de migrants ne diminue pas. Avez-vous une estimation du nombre de migrants vénézuéliens que les pays voisins peuvent encore accueillir; combien de millions?
Je vous pose la question à tous.
Merci, monsieur, de poser cette question.
Évidemment, je dois dire qu'il est très difficile d'estimer le nombre de personnes supplémentaires que les pays voisins peuvent accueillir. Selon moi, ils ont déjà fait preuve d'une très grande générosité. Les efforts qu'ils déploient présentement et ont déployés dans le passé méritent d'être soulignés.
Une chose importante à prendre en considération est le fait que les migrants — et je crois que José en a déjà parlé un peu — arrivent dans les départements les plus pauvres des pays voisins, par exemple le Norte de Santander en Colombie ou le Roraima au Brésil. Ces départements sont parmi les plus pauvres de ces pays, et les États ont eu pour stratégie de déplacer les gens de ces endroits vers d'autres régions du pays où ils pourront obtenir une certaine aide et être mieux intégrés.
Merci.
Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées. Il est clair que les pays voisins commencent à manquer de ressources. Nous savons qu'il y a un autre flux massif de migrants, et, si la situation s'aggrave, ce sont les pays voisins qui risquent d'être stabilisés. Votre organisme a l'odieuse responsabilité de trouver une façon d'aider ces réfugiés, mais on a l'impression que votre organe de l'ONU est paralysé.
Tout cela pour dire que l'un des principaux documents publiés à l'issue du Sommet mondial de 2005 portait sur la responsabilité de protéger — soit que la souveraineté étatique est une responsabilité et que l'État a la responsabilité de protéger ses citoyens. Mais la communauté internationale a aussi la responsabilité résiduelle d'intervenir lorsque des crimes contre l'humanité sont commis, et je crois que des crimes contre l'humanité ont effectivement été documentés. Dans le document de l'ONU, il est question de mesures résolues prises en temps voulu et de défaut manifeste. Dans le cas du Venezuela, il a été établi que l'État est objectivement l'auteur et la cause de crimes contre l'humanité. L'État est l'agresseur.
Quand va-t-on aborder la question de la responsabilité de protéger?
C'est peut-être parce que... Comme vous l'avez mentionné, il y a deux façons de réagir. D'un côté, il y a les mesures diplomatiques et politiques, et de l'autre, les mesures humanitaires et de protection.
En ce qui concerne les mesures d'ordre politique, je crois qu'il y a des discussions au sein de l'ONU et de l'Organisation des États américains quant aux pressions que les pays peuvent exercer dans le but de faciliter les choses pour la population et d'atténuer les tensions politiques et d'encourager l'ouverture par rapport à l'inclusion des migrants vénézuéliens.
Comme vous le savez sûrement, le Groupe de Lima, qui jouit d'ailleurs, je crois, du soutien du Canada, intervient présentement à l'échelon des gouvernements. Selon moi, la décision du secrétaire général, les mesures de l'ONU et du HCR et la décision de déclencher le processus de Quito ont été prises, essentiellement, parce qu'il était impératif de réagir aux aspects humanitaires de la crise et de soutenir d'une façon ou d'une autre les pays où les Vénézuéliens se réfugient.
En ce qui concerne les Nations unies, nous agissons davantage sur le plan opérationnel à l'extérieur du Venezuela — au moyen d'une plateforme régionale —, mais nous travaillons également à l'intérieur du pays. Le secrétaire général a récemment pris la décision d'y accroître la présence des différents intervenants, principalement afin d'assurer l'accès aux services sociaux, mais aussi afin de soutenir la société civile du Venezuela.
Je dirais que nous sommes en train de déterminer comment nous pouvons combler les lacunes et mettre en place une intervention humanitaire structurée autant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Nous espérons tous que les autres pays, parallèlement, déploieront des efforts diplomatiques afin de trouver une solution à la crise au Venezuela.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[La députée s'exprime en espagnol.]
Nous voyons effectivement que ce sont la Colombie, le Brésil, le Pérou et l'Équateur qui reçoivent l'essentiel des migrants. On a vu des camps, notamment au Brésil. Où ces gens vivent-ils, pour la plupart? Vivent-ils dans des communautés ou dans des camps spécifiques? Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
Monsieur Samaniego, voulez-vous répondre?
Je vous remercie.
La population vénézuélienne est maintenant partout. Comme le mentionnait notre collègue Alejandro Guidi, les Vénézuéliens sont arrivés en plusieurs vagues. Dans le cas de la première, il s'agissait de classe la plus aisée, qui avait quitté le Venezuela. Au cours de la seconde vague, qui a eu lieu essentiellement pendant les années 2015, 2016 et 2017, ce sont des professionnels qui, en grand nombre, ont quitté le pays. Au cours de la dernière vague, qui est précisément celle à laquelle M. Guidi faisait allusion, nous avons constaté que la crise affectait de plus en plus l'ensemble des classes sociales, en particulier les gens les plus pauvres et en particulier ceux qui vivent dans les milieux ruraux.
À ce propos, je voudrais vous faire remarquer que la dimension socioéconomique est en effet un élément important de la crise, mais qu'une réalité, de plus en plus importante, est liée aux droits de la personne. Comme je l'ai mentionné au début, les taux de criminalité observés au Venezuela sont parmi les plus élevés au monde. D'autre part, particulièrement depuis 2017, après l'élection de l'Assemblée constituante et celle du président Maduro, on a vu les espaces politiques se restreindre; et bien sûr, cela a eu des répercussions sur les droits de la personne, notamment par des détentions et des sanctions pour trahison.
Comme vous le savez sans doute, les problèmes liés à la distribution d'aliments et de médicaments affectent une grande partie de la population. Cette distribution est effectuée par les Comités de fourniture et de production, les Clap. Pour recevoir des aliments et des médicaments, les Vénézuéliens ont besoin d'un carnet qui est fourni par l'État. S'ils n'ont pas accès à ce carnet, ils ne peuvent pas se prévaloir des principaux moyens de subsistance. Ils sont alors contraints de partir.
D'ailleurs, beaucoup de gens qui ont quitté le pays n'auront plus accès à ce programme de distribution. À moyen et à long terme, cela rend très difficile le retour au pays de la grande majorité des Vénézuéliens.
Merci, monsieur Samaniego.
Ma question s'adressait aussi à M. Guidi.
Vous avez parlé de la nécessité d'appuyer les pays limitrophes, notamment pour favoriser l'intégration locale. J'imagine qu'on a besoin d'appui à ce chapitre. On a aussi parlé de la santé et de l'éducation. Je ne sais pas si l'Organisation panaméricaine de la santé, l'OPS, est sur le terrain ou a un rôle à jouer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l'aide aux pays limitrophes qui est attendue de la communauté internationale?
[Traduction]
Merci de votre question.
Une chose très importante à savoir est que ce sont des gouvernements qui dirigent les interventions. C'est très important. La communauté internationale soutient déjà, dans les faits, les efforts des gouvernements, autant à l'échelon national qu'à l'échelon local.
Une autre chose à savoir est que les gouvernements locaux, dans certains de ces pays, sont très faibles, par exemple dans les départements de Santander en Colombie ou de Roraima au Brésil. Ils déploient énormément d'efforts, d'abord pour déplacer les migrants et les réfugiés des zones frontalières vers d'autres villes, et ensuite pour leur distribuer des trousses d'urgence et des produits non alimentaires qui subviendront temporairement à leurs besoins. C'est quelque chose de très important, selon moi.
Les migrants qui arrivent à un endroit donné n'ont souvent besoin que de deux ou trois jours pour décider de ce qu'ils veulent faire et où ils veulent aller. Il leur faut ensuite des soins de santé et de la nourriture, des moyens de subsistance et, bien sûr, comme je l'ai mentionné, du transport à des fins humanitaires. On leur fournit du soutien et un accès à de la documentation pertinente et à des services de régularisation. L'Organisation internationale pour les migrants et le HCR réalisent tous deux des interventions à cet égard. En effet, si les migrants et les réfugiés sont en mesure de régulariser leur statut — leur statut de réfugié migrant —, alors ils pourront avoir accès à divers droits et à divers services, par exemple en ce qui concerne le regroupement familial ou les campagnes de sensibilisation pour lutter contre la xénophobie. Je crois que c'est très important.
Comme José et moi l'avons dit, les collectivités et les pays ont été très généreux dans l'ensemble, mais nous avons aussi observé une certaine montée de la xénophobie. Nous croyons qu'il est très important de lutter dès le début contre ce genre de situation; cela concerne autant l'OIM que le HCR et d'autres organismes. Nous avons lancé un certain nombre de campagnes de lutte contre la xénophobie.
J'ai fini.
Merci beaucoup. Je suis vraiment content de siéger encore une fois au Comité. J'ai été membre pendant deux ans après avoir été élu. C'est toujours un plaisir de se pencher avec ses collègues sur des questions aussi importantes.
Pour commencer, je veux poser une question à M. Samaniego à propos de la Colombie.
Quand je siégeais au Comité, certains membres et moi-même — vous étiez du nombre, monsieur le président — nous sommes rendus en Colombie. Il y a une éventualité que je trouve particulièrement préoccupante, soit la possibilité que cette migration massive vienne alourdir les difficultés qui pèsent déjà sur la Colombie et qu'elle n'entraîne, pour ainsi dire, la détérioration de la situation d'après-conflit en Colombie en faisant obstacle au retour de la paix.
Monsieur Samaniego, avez-vous des commentaires à faire par rapport à cela?
Oui, bien sûr.
Pour la Colombie, l'une des principales difficultés est de renforcer — ou même d'élaborer — ses interventions auprès des migrants et des réfugiés vénézuéliens sans toutefois nuire aux progrès relatifs à la pacification et à la situation des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Rappelez-vous que la population des personnes déplacées à l'intérieur de la Colombie est l'une des plus grandes au monde, et qu'il y avait encore de nouvelles personnes déplacées pas plus tard que l'année dernière.
En conséquence, le but des organismes de l'ONU et de la communauté internationale — la communauté humanitaire — est de promouvoir d'une façon ou d'une autre des interventions plus équilibrées, qui répondent aux besoins des Vénézuéliens à la frontière ou en déplacement et qui atténuent les problèmes relatifs à l'inclusion, et ce, tout en veillant à ce que l'État prenne des mesures robustes dans les autres parties du pays.
Dans ce contexte, le principal défi de la communauté internationale est d'avoir suffisamment de ressources pour maintenir sa présence dans les régions touchées par le déplacement interne. Par exemple, il y a de graves problèmes de déplacement dans le département de Nariño, dans le sud du pays, et, puisque les Vénézuéliens arrivent par le nord, il faudrait des ressources supplémentaires pour maintenir le même niveau de présence.
[Français]
Je crois que Mme la députée a parlé de l'Organisation panaméricaine de la santé, l'OPS.
Qu'est-ce que la communauté internationale est en train de faire? Il y a des résultats très concrets. Jeudi dernier, il y a eu une réunion de l'OPS. D'une certaine façon, elle a rendu possible la rencontre de 20 ministres en vue d'élaborer un plan d'action régional. Le thème de la santé est un thème éminemment régional. Les maladies peuvent passer d'un côté à l'autre. Ce plan inclut une plus grande campagne de vaccination non seulement dans les pays voisins, mais aussi au Venezuela.
On a compris que la campagne de vaccination contre la rougeole est l'une des grandes priorités. L'OPS veut harmoniser les mécanismes de contrôle des médicaments, augmenter le nombre de vaccinations et renforcer les structures de santé, surtout dans les zones frontalières.
Cela dit, vous savez que l'accès à des soins de la santé varie selon les pays. L'OPS est en train de promouvoir un mécanisme pour standardiser ou faciliter l'accès des Vénézuéliens au système de santé. Là aussi, elle aura besoin de plus de soutien international, car dans beaucoup de ces pays, l'accès aux soins de santé coûte très cher.
[Traduction]
Merci beaucoup; merci de votre commentaire.
J'aimerais poser une dernière question à M. Guidi.
Monsieur, vous venez tout juste de parler de xénophobie. Je sais que la question a également été abordée en Colombie par le HCR. Plus tôt aujourd'hui, j'ai lu quelque chose à propos de personnes et d'organisations de la société civile qui travaillent ensemble afin d'accueillir les réfugiés colombiens comme il se doit.
Le mouvement Somos Panas, c'est-à-dire « nous sommes amis » en espagnol — si je me fie au rapport que j'ai sous les yeux —, a pour objectif de corriger le message négatif qui circule dans les médias à propos des réfugiés vénézuéliens.
Mme Rocío Castañeda, la directrice de la campagne du HCR en Colombie, a dit ceci:
Les gens ont fait preuve d'une très grande solidarité, certains ont donné des choses, d'autres laissent les Vénézuéliens utiliser leur Wi-Fi [...], mais il faut manifestement en faire plus afin d'améliorer la façon dont les migrants sont représentés dans les médias.
Je ne m'intéresse pas à ce que font les médias, mais plutôt à ce que font les organisations de la société civile qui s'évertuent à combattre les stéréotypes négatifs.
Pouvez-vous nous parler des intervenants de la société civile présents sur le terrain? J'ai beaucoup lu à propos des églises qui jouent un rôle actif, qui font quelque chose, en particulier en Colombie, mais peut-être pourriez-vous nous parler d'autres organisations qui dirigent la lutte contre les stéréotypes négatifs et s'attaquent directement et de façon progressiste à ce type de problème. Comment la communauté internationale pourrait-elle soutenir leurs efforts? Nous ne voulons pas que le fardeau incombe seulement à ces organisations.
Merci beaucoup de votre question. Peut-être José pourrait-il lui aussi répondre, puisque vous avez parlé du HCR.
La société civile est un partenaire crucial de l'OIM et du HCR. Cela vaut aussi pour la plateforme en général. De fait, ils sont avantagés par leur présence extrêmement forte dans la plupart des collectivités de la Colombie, mais vous le savez déjà. Je parle d'expérience personnelle, étant donné que j'étais le chef de mission en Colombie pour l'OIM jusqu'à février de cette année.
Il est clair qu'un grand nombre d'organismes gouvernementaux — même de très petites ONG — font un excellent travail dans les diverses petites collectivités du pays. Pour parler franchement, elles vont jusque dans des collectivités qui sont très isolées. Certaines organisations soutiennent les migrants en les installant à un endroit et en les hébergeant pour quelques jours et en menant des campagnes de sensibilisation contre la xénophobie.
Je crois que les Colombiens ont réagi très positivement. Un des messages que nous diffusons habituellement concerne le fait que les Vénézuéliens, dans l'ensemble, ont fait preuve d'une incroyable solidarité. Ils ont accueilli énormément de Colombiens, même pendant les périodes les plus sombres de la guerre ou du conflit en Colombie, et c'est pourquoi je crois que les Vénézuéliens s'attendent maintenant à une générosité semblable à celle dont ils ont fait preuve à l'égard des Colombiens il y a 10 ou 15 ans.
Une autre chose que nous mentionnons souvent, c'est que le Venezuela a accueilli des milliers, sinon des millions, de migrants et de réfugiés venant de tout le continent et même du monde entier. Je crois donc qu'il faut leur rendre la pareille, mais, pour répondre directement à votre question et aussi pour conclure, les ONG font un travail extrêmement important, même crucial, et c'est pour cette raison que l'OIM et le HCR souhaitent réellement collaborer avec elles.
Merci beaucoup. Voilà qui met fin à la première heure.
Je remercie nos trois invités de nous avoir offert aujourd'hui leurs commentaires sur un sujet très important.
Chers collègues, nous allons interrompre les travaux deux minutes, le temps que le prochain groupe de témoins s'installe. Merci. Sur ce, la séance est suspendue.
Nous reprenons les travaux cet après-midi avec notre deuxième groupe de témoins.
Je tiens à tous vous remercier de votre patience. Le secrétaire général est en route.
J'ai le grand honneur et le privilège de souhaiter à nouveau la bienvenue entre ces murs à M. Irwin Cotler, anciennement ministre de la Justice et député de Mont-Royal. Irwin a également été membre du groupe indépendant d'experts internationaux de l'Organisation des États américains qui a étudié les allégations de crimes contre l'humanité qui auraient été commis au Venezuela.
Monsieur Cotler, vous pouvez commencer. Nous entendrons ensuite le témoignage du secrétaire général, M. Almagro, puis nous passerons à la période de questions. Vous pouvez commencer, monsieur.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à commencer en offrant, même en son absence, mes remerciements au secrétaire général pour son leadership inspirant à l'égard de toutes les questions que je vais aborder ici aujourd'hui. Je suis impatient d'entendre son témoignage.
Comme vous l'avez mentionné, je suis l'un des trois membres du groupe indépendant d'experts internationaux de l'Organisation des États américains qui a été chargé d'enquêter sur les allégations de crimes contre l'humanité qui auraient été commis au Venezuela.
Je me propose donc de vous résumer les conclusions principales de notre groupe ainsi que les mesures prises depuis — nous avons publié notre rapport à la mi-mai — par la communauté internationale et de vous expliquer son importance globale dans la quête de la justice et la lutte contre l'impunité.
Comme je l'ai dit en mai devant l'OEA, au moment où nous avons publié notre rapport... Je l'ai avec moi et, puisque je n'ai que huit minutes, j'estime devoir résumer une centaine de pages par minute pour faire le tour des 800 pages du rapport. Il est rempli de preuves documentaires exhaustives et de références d'ordre juridique, et j'espère qu'il fera avancer de façon durable la quête de la justice internationale et la lutte contre l'impunité, un objectif de la plus haute importance pour notre groupe.
Je vais commencer par un résumé de nos conclusions.
Nous avons conclu, en quelques mots, qu'il existe des motifs raisonnables de croire que sept crimes majeurs contre l'humanité ont été commis depuis le 12 février 2014, et que cela justifie une enquête du bureau de la Cour pénale internationale.
Peut-être voudriez-vous entendre tout de suite le témoignage du secrétaire général?
Le président: Vous pouvez poursuivre votre témoignage. Ce sera son tour ensuite.
L'hon. Irwin Cotler: D'accord.
Nous avons conclu que sept crimes contre l'humanité avaient été commis, et dans l'ordre, le premier crime contre l'humanité est le crime de meurtre.
Pour dire les choses simplement, de nombreux meurtres ont été commis dans le cadre d'une vaste attaque systématique visant la population civile, particulièrement les opposants au régime ou les gens qui étaient perçus comme des opposants au gouvernement. Les éléments de preuve ont révélé qu'il y avait eu au moins 6 385 exécutions sommaires par les forces de l'État ou des organisations ayant des liens avec l'État.
Le deuxième crime contre l'humanité est le crime d'emprisonnement ou d'autre forme de privation grave de liberté physique. Nous avons conclu qu'il y a eu 12 000 cas de détention arbitraire, d'emprisonnement et d'autres formes de privation de liberté, visant en particulier, largement et systématiquement, les opposants au gouvernement.
Le troisième crime contre l'humanité est le crime de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Je vais synthétiser ce qu'a dit un autre membre du groupe, le juge Manuel Ventura Robles. Il a dit qu'en 20 ans de carrière comme juge, il n'avait jamais vu d'affaires de torture ou de souffrance humaine aussi violentes.
Le quatrième crime contre l'humanité est le crime de viol et d'autres formes de violence sexuelle de gravité comparable, y compris les crimes contre les personnes dont l'État a la responsabilité.
Le cinquième crime contre l'humanité est le crime de persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique. Nous avons observé que le crime de persécution était une composante de chacun des sept crimes contre l'humanité, et nous avons tiré notre conclusion en conséquence.
Le sixième crime contre l'humanité concerne la disparition forcée de personnes, et en particulier, dans ce contexte, d'opposants politiques ou de personnes étant perçues comme des opposants politiques.
Le dernier crime contre l'humanité est, selon moi, le plus important, vu le témoignage du témoin précédent et les discussions qui se sont tenues ici. Il s'agit du crime qui cause la plus intense souffrance humaine qui soit. Il s'agit du crime qui consiste à orchestrer ou autoriser une crise humanitaire, en tant qu'État, dans le but délibéré d'engendrer une souffrance extrême au moyen de toute forme de préjudice physique et mental grave, de blessures graves et d'actes analogues.
Nous avons constaté que le système de santé s'était complètement effondré. Il y a eu une augmentation fulgurante — des centaines de milliers de cas — du nombre de décès et de maladies évitables, par exemple la malaria, la diphtérie, la rougeole, la tuberculose et le cancer. Le taux de mortalité maternelle et infantile a considérablement augmenté. Il y a une grave pénurie alimentaire et la famine a éclaté; l'accès à la nourriture est restreint de façon discriminatoire ou persécutoire pour des motifs politiques. Nous avons qualifié cela d'apartheid alimentaire.
En résumé — et vous pourrez tout lire en détail dans le rapport —, nous avons constaté que l'accès aux soins de santé et à la nourriture était utilisé comme arme pour des motifs politiques, avec comme conséquence de la souffrance humaine horrible, mais cachée, des morts et de la désolation, le tout exacerbé par le refus du gouvernement de reconnaître la crise humanitaire et son rejet de toute forme d'aide humanitaire.
Je vais conclure en parlant des deux recommandations que nous avons formulées dans le rapport que nous avons publié en mai.
Premièrement, nous avons recommandé que le secrétaire général de l'OEA présente le rapport et les éléments de preuve recueillis au procureur général de la Cour pénale internationale. Cela a été fait sous la direction du secrétaire général Almagro. Une réunion a été organisée avec le procureur général, à laquelle j'ai aussi participé.
La deuxième recommandation était d'inviter les États parties à renvoyer l'affaire à la CPI au moyen d'un renvoi par un État. À l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre, le Canada, l'Argentine, le Chili, la Colombie, le Pérou et le Paraguay ont renvoyé ces allégations de crimes contre l'humanité à la CPI aux fins d'enquêtes et de poursuites criminelles. Le contexte est digne de mention, puisque c'est la première fois depuis la création de la Cour pénale internationale il y a 20 ans qu'il y a un renvoi par un État. Jusqu'ici, les renvois ont toujours été faits par des organisations de défense des droits de la personne.
En outre, il s'agit aussi du premier renvoi fait par des chefs d'État. Je tiens à souligner le leadership du Canada — pas uniquement à l'Assemblée générale des Nations unies en septembre, mais tout au long du processus de l'OEA — en ce qui concerne particulièrement la lutte contre l'impunité, le renvoi par un État à la CPI et ses interventions depuis.
Monsieur le président, je suis impatient d'entendre le témoignage du secrétaire général.
Merci beaucoup, monsieur Cotler.
J'ai l'honneur, au nom de tous mes collègues, de souhaiter la bienvenue au secrétaire général Luis Almagro de l'Organisation des États américains. Je vous invite, monsieur, à présenter votre témoignage.
Nous passerons ensuite à la période de questions. Je sais que mes collègues ici présents ont beaucoup de questions à vous poser à tous les deux.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui.
Cela fait deux ans que j'ai témoigné pour la dernière fois devant votre respectable comité. Cette fois-là, j'avais parlé du rôle vital que joue l'Organisation des États Américains en tant que lieu d'échanges politiques dans notre hémisphère, des occasions d'engagement du Canada en Amérique latine et des problèmes émergents dans la région, en particulier les attaques croissantes et incontestables contre la démocratie et les droits de la personne au Venezuela et de la rapide détérioration de la situation dans ce pays.
Aujourd'hui, nous avons un portrait encore plus révélateur de la situation dans notre hémisphère. Les divisions entre la liberté et la tyrannie flagrante, entre le respect et la protection de la démocratie et des droits de la personne et la répression dans la quête de pouvoir se sont révélées sans honte au grand jour, créant un dilemme moral et une fracture existentielle sur un continent qui, il y a peu, se disait fièrement être un hémisphère démocratique.
Nous devons voir la situation du Venezuela comme un signal d'alarme. C'est un exemple de conception et d'instauration d'une dictature du XXIe siècle. C'est une feuille de route montrant comment démanteler l'ordre constitutionnel et démocratique de la société et édifier un régime voué à la seule grandeur et à la prospérité de la dictature, peu importe le prix.
Jamais l'engagement des États membres de l'OEA et de notre hémisphère envers la démocratie n'a été mis à si rude épreuve. Comment pouvons-nous, en tant que membres de la communauté internationale, réagir face à ce qui est non seulement un État en déroute, coupable d'atrocités contre ses citoyens, mais aussi un État mafieux en chute libre et dont les actes menacent maintenant la sécurité et la stabilité des pays voisins? C'est une question existentielle pour l'avenir de notre hémisphère.
L'inaction de la communauté internationale — qu'elle soit délibérée ou le résultat de son hésitation ou de son immobilisme — ne fait que renforcer la permanence du pouvoir du dictateur. Le régime a détruit les freins et les contrepoids des institutions gouvernementales, anéanti les élections libres et justes, ruiné l'économie, saccagé la société d'État PDVSA et détruit la démocratie. Il a volé des millions de dollars et a persécuté, emprisonné, torturé et assassiné ses « ennemis internes », c'est-à-dire des civils innocents qui simplement ne soutiennent pas ou contestent le régime.
Il a même coupé délibérément les ressources, par exemple dans les hôpitaux publics, qui ne sont maintenant plus que des endroits où les gens vont mourir. Il n'y a plus d'eau courante, et les interventions chirurgicales — lorsqu'il y en a — sont faites à la lumière des chandelles ou des téléphones cellulaires.
Cette crise est très loin des discussions banales sur la gauche et la droite politiques. La dictature préférerait dépeindre la crise dans ces termes, puisque le clivage historique entre la « gauche » et la « droite » sert à créer une division au sein de la communauté interaméricaine et à l'entraîner dans des débats superficiels. Cependant, ce qui est véritablement important, ce sont les besoins et les droits des gens. Nous devons nous demander si nous sommes pour ou contre l'humanité en son sens le plus profond.
Nous faisons face aujourd'hui à une tragédie humaine: un régime a délibérément et systématiquement arraché sa dignité humaine à son peuple. La souffrance du peuple vénézuélien a maintenant débordé des frontières et a été révélé concrètement au continent entier. Plus personne ne soutient le régime vénézuélien. Des millions et des millions de Vénézuéliens ont déjà voté contre en décidant de partir.
Personne n'abandonne son foyer le coeur léger, en particulier lorsque la seule solution est de partir à pied et de marcher pendant des jours, voire des semaines, sans nourriture ni toit. C'est un choix né du désespoir, un choix que l'on fait lorsqu'il n'y a plus une seule lueur d'espoir.
Je crois savoir que votre comité a déjà entendu aujourd'hui le témoignage des représentants de l'Organisation internationale pour les migrations et du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés relativement à la crise migratoire, alors je me contenterai de survoler le sujet.
Cette dictature a engendré le flux migratoire — l'exode — le plus important de l'histoire de notre hémisphère. Depuis l'élection de Maduro, 3,3 millions de réfugiés vénézuéliens — cela représente déjà 10 % de la population — ont fui l'oppression et la répression caractéristiques de ce régime. Chaque jour, 5 000 Vénézuéliens de plus sont forcés de fuir le pays, et nous nous attendons à ce que 1,8 million de plus partent d'ici 2019. Les taux de migration sans papier dans cette région étaient déjà parmi les plus élevés au monde.
Le Venezuela a déjà été un pays d'accueil pour les migrants économiques de la région. Maintenant, ces migrants doivent trouver un autre pays et s'ajoutent à tous ceux qui fuient désespérément le Venezuela.
Ceux qui pouvaient se permettre de quitter le pays et de refaire leur vie ailleurs — les médecins, les enseignants, les professeurs, les ingénieurs et les universitaires, la classe professionnelle— ont commencé à émigrer il y a des années. Aujourd'hui, des millions de Vénézuéliens qui ont perdu espoir manifestent leur rejet du gouvernement en quittant le pays. Ils prennent ce qu'ils peuvent sur leurs épaules et entament une longue marche vers la sécurité et l'espoir.
Les pays de la région essaient d'accueillir ces réfugiés et ces migrants, mais cela n'est pas facile sur les plans économique, social et culturel. Le président de la Colombie a récemment dit que l'accueil de tous ces migrants coûte au pays 0,5 % de son PIB. Pendant l'été 2018, des incidents survenus dans divers pays d'accueil ont montré qu'un rien pouvait faire apparaître des problèmes. Tous les calculs, tous les sondages d'opinion publique doivent tenir compte des voix de ceux qui ont quitté leur pays parce qu'il leur était impossible de rester en espérant pouvoir trouver une solution.
La crise du Venezuela est maintenant une crise pour l'ensemble des Amériques. Des maladies qui avaient été pratiquement éradiquées de la région sont maintenant réapparues dans l'ensemble du continent. Le Venezuela exporte la malaria, la diphtérie et la rougeole vers ses pays voisins parce que sa corruption, sa négligence et, à présent, sa politique délibérée de contrôle social et de répression ont rendu des millions de personnes vulnérables à ces maladies.
Certains des écosystèmes les plus purs du monde se détériorent maintenant à un rythme effréné et sans précédent. Des groupes terroristes ont creusé des mines à ciel ouvert sur d'immenses étendues de terres vierges afin d'en extraire des métaux précieux, la nouvelle source de revenu du régime à présent que l'industrie pétrolière du pays a été pillée et ruinée.
L'ELN, l'Armée de libération nationale, qui pensait rendre son dernier souffle, prospère maintenant au Venezuela, où elle peut facilement trouver de nouvelles recrues parmi le grand nombre de personnes pauvres, affamées et désespérées. Le retour en force de l'ELN attire également comme un aimant les membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie qui s'opposent au processus de paix de la Colombie. Les livres d'histoire parleront de l'implosion du Venezuela comme un parfait exemple de cas où la paralysie du processus décisionnel de la communauté internationale et son défaut d'agir au moment approprié ont provoqué un désastre humanitaire dépassant largement les frontières du pays et auquel il faudra remédier pendant des décennies à venir.
Il faut mener une enquête sur les crimes contre l'humanité commis par Nicholás Maduro et son régime.
Avant tout, je dois remercier le Canada du soutien qu'il a fourni à l'OEA dès le début du processus. Je suis content de voir que votre distingué ex-collègue, M. Irwin Cotler, est parmi nous aujourd'hui. Il a contribué immensément à l'élaboration des avis juridiques du groupe d'experts internationaux indépendants. Ceux-ci ont conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l'humanité avaient été commis par Nicholás Maduro et sa dictature.
L'OEA a présenté à la cour des documents attestant 171 meurtres commis par les forces de sécurité de l'État et des organisations paramilitaires pendant les manifestations de 2014 et de 2017. Plus de 8 000 exécutions sommaires ont été dénombrées depuis 2015, ainsi que plus de 12 000 détentions arbitraires et plus de 1 300 emprisonnements politiques; et cela ne concerne que les cas qui ont été rapportés.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a déclaré que les forces de sécurité du Venezuela auraient commis des crimes contre l'humanité contre des manifestants et a réclamé une enquête internationale. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a également signalé de possibles crimes contre l'humanité. Maintenant, tous ces points de données sont déjà dépassés. Dans les mois qui ont suivi la publication du rapport, la crise s'est envenimée, et la brutalité de la répression a augmenté exponentiellement.
Pour s'accrocher au pouvoir, le régime a besoin de dominer absolument et totalement la population. J'applaudis la décision du Canada de se joindre à la coalition des pays d'Amérique latine qui ont invoqué l'article 14 du Statut de Rome et de renvoyer la situation au Venezuela au Bureau du procureur de la Cour pénale internationale afin qu'il ouvre au plus vite une enquête criminelle exhaustive sur les crimes qui sont en train d'être commis. Six pays de notre hémisphère ayant de solides antécédents démocratiques et une magistrature indépendante et qui manifestent un engagement clair à l'égard de la primauté du droit ont conclu que les preuves justifiaient l'ouverture d'une enquête. Depuis, la France, le Costa Rica et l'Allemagne ont déclaré leur soutien au renvoi.
Notre hémisphère a réclamé d'une seule voix que justice soit faite et a clairement déclaré qu'il mettra un terme à l'impunité de Maduro et de ses acolytes. C'est exactement le type de mesures décisives que la communauté internationale doit prendre afin de renverser la dictature de Maduro.
Notre travail n'est pas terminé. Nous devons demeurer fermes dans nos efforts et nous assurer que la Cour pénale internationale lance une enquête exhaustive. La procureure générale, Mme Fatou Bensouda, doit prendre la décision d'ouvrir une enquête. Le dossier attend sur son bureau. Il ne s'agit pas d'une décision qui doit être prise par une institution; c'est une décision, une responsabilité, qui revient uniquement à Mme Bensouda. Elle détient ce pouvoir, et elle doit choisir entre la justice et l'impunité, entre l'enquête et le déni de justice.
La procureure doit lancer une enquête criminelle exhaustive sans plus attendre. Nous ne pouvons plus tolérer qu'elle se cache derrière des procédures et des retards administratifs ou des engagements ou des influences politiques. Chaque retard supplémentaire entraîne des pertes de vie bien trop hâtives, au Venezuela, mais aussi le départ du pays de milliers de Vénézuéliens, chaque jour. Les hésitations et les retards aggravent l'instabilité de toute la région.
Nous devons être vigilants et persévérants. Aucune raison crédible ne justifie d'autres retards. La Cour pénale internationale a déjà mis trop de temps à agir. Il est temps qu'elle défende les victimes et la justice. Ce n'est pas seulement à cause de l'inaction que les tragédies se muent en atrocités.
Je vais être absolument clair: toute réaction, mesure ou intervention doit être en conformité avec le droit international public, le droit international humanitaire et le droit pénal international ainsi qu'avec les normes internationales qui protègent la démocratie et les droits de la personne. Toute attaque, invasion armée ou agression qui a lieu à l'extérieur des limites du droit international doit être condamnée sans équivoque.
En outre, nous avons la responsabilité d'agir. Nous avons créé des obligations que nous sommes tenus de respecter en vertu du protocole relatif à la responsabilité de protéger. Non seulement les États sont-ils tenus de protéger leur population des atrocités, ils peuvent également demander le soutien des autres États, reconnaître leur responsabilité et prendre des mesures lorsque d'autres États s'écartent du droit chemin. Nous ne sommes pas censés honorer ces engagements uniquement quand nous devons compter les morts; ils existent précisément pour empêcher que cela se produise.
La crise au Venezuela ne s'est pas déclarée en vase clos. Au XXIe siècle, les dictatures se développent différemment de celles des siècles passés. Les dictatures de l'époque moderne s'installent graduellement et à la vue de tous. La stratégie est simple: utiliser tous les mécanismes existants pour décrocher le pouvoir, puis corrompre et manipuler ces systèmes pour s'accrocher au pouvoir par tous les moyens nécessaires.
Le Venezuela est peut-être la première nouvelle dictature du XXIe siècle, mais il n'est pas la seule. Nicolás Maduro a construit son régime en prenant exemple sur le régime de Castro: la domination par la misère. Selon certains rapports, il y aurait jusqu'à 46 000 Cubains au Venezuela travaillant dans des postes liés au renseignement, à la sécurité ou à la répression. Il s'agit incontestablement de la plus grande force d'occupation de notre hémisphère. À ceux qui doutent de la responsabilité de protéger et qui préféreraient une intervention humanitaire au Venezuela et à ceux qui défendent férocement et aveuglément le non-interventionnisme dans le monde du système westphalien, peu importe la gravité des crimes et des atrocités commis par le gouvernement au pouvoir contre son peuple, je demande: « Pourquoi refusez-vous de condamner ce genre d'intervention continue, directe et évidente au Venezuela? »
Les Cubains ont conseillé, formé et modernisé le Service bolivarien de renseignement, le principal organe utilisé par Maduro pour combattre le soi-disant ennemi interne, c'est-à-dire les simples citoyens qui demandent à jouir eux aussi de droits politiques et de droits de la personne. Les Cubains travaillent avec acharnement pour garder le régime de Maduro au pouvoir. Il y a une pénurie sans précédent d'aliments et de médicaments au Venezuela, et pourtant, Maduro continue d'envoyer des millions de barils de pétrole brut subventionné à ses maîtres politiques à Cuba au lieu d'utiliser ces ressources pour nourrir son peuple.
Les Vénézuéliens ont adopté le programme cubain de répression et de torture. Ils ont même annoncé qu'ils avaient participé à la torture. La dictature nicaraguayenne de Daniel Ortega a récemment fait la même chose. Cuba exporte ses mesures répressives partout dans la région.
Au cours de la dernière année, des gens qui avaient été torturés au Venezuela ou au Nicaragua ont rapporté que des Cubains avaient assisté ou participé aux séances de torture. La dictature du Venezuela, et à présent de plus en plus celles du Nicaragua, sont le legs de la plus ancienne dictature de notre hémisphère.
Il est temps d'y mettre un terme en utilisant les pouvoirs étendus du droit international, mais toujours en conformité avec les principes moraux fondamentaux. Les dictatures ne devraient pas pouvoir intimider les États démocratiques par des menaces, des mensonges et des campagnes de salissage.
Au contraire, les dictateurs devraient toujours craindre la justice des États démocratiques de notre hémisphère. Ils doivent craindre que les régimes qui reposent sur les droits internationaux de la personne mettent un terme à leur règne et les tiennent responsables de leurs actes en vertu du droit pénal international. Nous devons tous travailler ensemble pour libérer notre hémisphère de toute dictature. Si nous agissons et prenons des mesures énergiques tout au long du processus et en conformité avec les principes de la démocratie et des droits de la personne qui soutiennent nos institutions et l'existence même de nos sociétés, je crois que ce sera un jour possible.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, ce qui se passe dans notre hémisphère révèle une tendance mondiale effrayante. Nous vivons à une époque où les dictateurs n'ont plus honte d'abuser de leur pouvoir ou d'afficher leur corruption insidieuse. Ils se présentent aux forums internationaux et sont invités aux inaugurations présidentielles.
Face à un dictateur, il n'y a aucune place à l'erreur ou à l'interprétation. Il s'agit d'une lutte entre les forces démocratiques et antidémocratiques, entre ceux qui accordent de la valeur aux droits et à la dignité des personnes et ceux qui les bafouent. La démocratie n'a pas tendance à se corriger d'elle-même pour le mieux; l'autoritarisme se corrige lui-même, oui, mais pour le pire.
Si nous voulons un plus grand nombre de démocraties, des démocraties plus fortes et des sociétés plus libres et automatiquement plus de droits pour plus de personnes, alors il faut que la communauté interaméricaine et la communauté internationale prennent ensemble des mesures correctives afin de renforcer la démocratie.
Il ne suffit pas de croire qu'il suffit de prêcher par l'exemple. Nous ne pouvons pas demeurer inactifs alors qu'un gouvernement près de chez nous attaque son propre peuple, mine la stabilité et la sécurité de ses voisins et commet des crimes contre l'humanité. Il ne suffit pas de prononcer des platitudes sur la démocratie et les droits de la personne. Pour protéger la démocratie et les droits de la personne, il faut être prêt à agir et utiliser et mettre en oeuvre pleinement tous les outils et les mécanismes à notre disposition pour qu'un changement, n'importe quel changement, ait lieu.
Cela veut dire que nous avons besoin d'une enquête criminelle exhaustive sur les crimes contre l'humanité commis au Venezuela. Nous devons explorer tous les mécanismes établis dans le protocole relatif à la responsabilité de protéger. Nous devons lutter contre la corruption et la criminalité et imposer s'il le faut des sanctions financières comme la saisie de biens et la confiscation des fonds et des biens illégalement acquis. Nous devons être disposés à utiliser tous les mécanismes qui pourraient nous aider à atténuer et à résoudre la crise.
Pour notre génération, la situation au Venezuela est une épreuve morale, et les générations à venir se souviendront de notre réaction à cette crise. Nous avons une responsabilité — et une conviction — à l'égard des principes, d'un ordre international qui repose sur des règles et des valeurs, et les acteurs du droit international devraient avoir la responsabilité morale de défendre les gens, non pas les États.
Nous sommes désireux de travailler avec le Canada à cette fin. Le chemin s'annonce difficile, mais cela en vaut la peine.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le secrétaire général Almagro. Votre témoignage était éloquent.
Nous allons passer directement à la période de questions.
Nous commençons par M. Genuis. Allez-y, s'il vous plaît.
Je vous remercie, monsieur le président.
C’est vraiment un honneur d’être ici et de vous entendre prononcer ces paroles très puissantes.
Bien que ce soit certainement hors sujet, monsieur Cotler, je voulais vous dire que le projet de loi d’initiative parlementaire sur le prélèvement d’organes reviendra à la Chambre la semaine prochaine. Nous vous reverrons peut-être au Comité peu de temps après pour témoigner à ce sujet.
Monsieur le secrétaire général Almagro, je voulais vous poser une question générale concernant votre témoignage.
Vous avez présenté une vision puissante d’un monde qui réagit aux crises en matière de droits de la personne, comme ce que nous voyons au Venezuela — une vision qui nous oblige à travailler avec audace dans le cadre des mécanismes du droit international afin de créer une légitimité, et donc à poursuivre en ce sens grâce à des mesures énergétiques, peut-être même des interventions, dans le cadre de la responsabilité de protéger.
Je me demande comment des personnes de principe et de bonne volonté qui se préoccupent de ces questions devraient réagir lorsque les interventions institutionnelles échouent. Que se passe-t-il lorsque, comme nous l’avons vu dans de nombreux cas, ces renvois n’ont pas lieu, les poursuites ne sont pas engagées ou le Conseil de sécurité entrave ce type de légitimité d’intervenir dans le cadre de la responsabilité de protéger?
Que faire si ces mécanismes — que nous aimerions tous, je pense, voir comme le véhicule de l’intervention — n’engendrent pas une intervention réelle permettant de mettre fin à la violence contre les innocents?
En effet, le cas du Venezuela est un paradigme à ce sujet et en ce qui concerne la nature du travail de l’organisation.
Nous faisons face à un problème fondamental, qui est d’essayer d’appliquer des principes élevés aux personnes et aux dictateurs se trouvant tout au bas de l’échelle. Bien sûr, ces dictateurs ne pourront pas s’ouvrir aux valeurs ou aux principes les plus élevés. Nous devrons travailler très dur. Les convaincre n’est pas une question d’action politique, comme nous l’avons vu dans le passé.
Quant à ce qui finissait par arriver aux dictateurs dans la région des Caraïbes et de l’Amérique centrale, le passé nous montre qu’ils chutaient en raison d’une révolution, comme ce fut le cas avec Batista et Somoza. Il pouvait y avoir un coup d'État contre la dictature, comme ce fut le cas avec Pérez Jiménez au Venezuela. Parfois, le dictateur était assassiné, comme pour Trujillo en République dominicaine. D’autres fois, le dictateur terminait ses jours alité avec une main s’accrochant au pouvoir, comme dans le cas de Fidel Castro, ou encore une intervention militaire avait lieu, comme dans le cas de Noriega, au Panama.
Ces mécanismes du XXe siècle visant à renverser une dictature ne sont pas si facilement reconnaissables au XXIe siècle. Jusqu’à présent, au XXIe siècle, le mécanisme que nous avons mis en place pour régler une crise politique ou une dictature comme celles-là relève de notre responsabilité de protéger ou de l’intervention humanitaire. Le problème, c’est que, parfois, cette responsabilité de protéger n’est pas utilisée de la bonne façon ou l’intervention humanitaire se révèle être tout sauf humanitaire, de sorte que nous avons quelques problèmes avec les antécédents, avec ce qui vient du passé, afin de mettre cela en oeuvre à l’avenir.
Je pense que nous ne devrions pas avoir honte de ce qui a mal tourné dans le passé afin de bien agir à l’avenir. Le problème se pose lorsque nous ne faisons rien, comme cela s’est produit dans d’autres parties du monde — mentionnons le génocide au Rwanda ou les massacres de Pol Pot. Il est très difficile de donner une explication des facteurs opposés en se fondant sur les dégâts qui seraient évités ou ceux qui seraient engendrés. Si nous avions pu savoir, bien sûr, que des centaines de milliers de Rwandais seraient tués, nous aurions agi immédiatement après la mort de 10 personnes, ou disons, de 100 personnes.
Je pense que, dans le cas du Venezuela, nous avons déjà un problème qui a touché des millions de personnes, qui tue des millions de personnes, qui a entraîné la mort de gens simplement parce qu’ils souffraient d’une maladie rénale et qu’on ne pouvait pas recourir à la dialyse ou parce qu’ils avaient le diabète et qu’ils n’avaient pas d’insuline ou encore parce qu’ils avaient le cancer et n’avaient pas la carte de la patrie, de sorte qu’ils ne pouvaient recevoir aucun type de traitement. Parfois, cela arrivait même aux personnes qui avaient la carte de la patrie.
Le seul antécédent que nous ayons dans la région pour ce qui est de traiter avec un État voyou, criminel et mafieux est le cas de Noriega, au Panama. Bien sûr, l’intervention qui a eu lieu là-bas visait à protéger la démocratie et les droits de la personne, et c’est sur cette intervention que repose aujourd’hui la démocratie du Panama. Sans cela, peut-être même encore aujourd’hui, il n’y aurait pas de démocratie au Panama.
Le fait est que nous devons agir conformément au droit international. Les outils fournis par le droit international sont la responsabilité de protéger et l’intervention humanitaire. Nous devons toujours agir de façon à prévenir d’autres catastrophes pour la population et à empêcher la déstabilisation de la région qui existe déjà. Il s’agit d’empêcher l’agression dont nous avons parlé, l’agression qui vient de Cuba, qui a kidnappé la démocratie vénézuélienne, qui l’a fait tomber, mais également l'agression qui vient de l’intérieur, par l’intermédiaire du crime organisé se livrant au trafic de drogue et en raison de maladies, dont certaines avaient disparu depuis des années sur le continent.
Bonjour à vous deux. Merci d'être venus. C'est un réel plaisir d'avoir deux personnes aussi éminentes et bien informées sur la situation au Venezuela.
Monsieur le secrétaire général, je veux aller dans une direction légèrement différente, mais je veux poursuivre dans la même veine que mon collègue. Si nous regardons la situation économique actuelle au Venezuela, nous constatons que le salaire minimum a été multiplié par 34. Nous avons vu les prix doubler tous les 18 à 26 jours. Nous avons vu un changement dans la monnaie et une dévaluation de celle-ci. Nous avons vu la taxe sur la valeur ajoutée passer de 4 à 16 % et nous voyons maintenant une monnaie qui est liée à une monnaie virtuelle que personne ne comprend vraiment. On l'appelle un pétro.
Comme vous pouvez le constater, d'après tout ce que j'ai mentionné, la stabilité financière du pays ne se porte pas bien aujourd'hui ni en ce qui concerne l'avenir. Je sais que M. Cotler a décrit avec beaucoup d'éloquence toutes les violations des droits de la personne qui se produisent dans ce pays. Prenons un aspect du Venezuela et examinons la stabilité financière à l'heure actuelle.
Pour l'instant, nous savons que les choses ne vont pas bien. Sous le régime actuel, dans le cadre du scénario actuel, l'économie ne va pas s'améliorer.
Je reviens à un commentaire que vous avez formulé le 14 septembre dans la ville de Socotá — je pense que je le prononce bien —, en Colombie, dans lequel vous avez dit, au sujet de l'intervention militaire au Venezuela... vous n'avez pas publiquement refusé ou écarté cette possibilité, et une partie de votre argument était que des crimes contre l'humanité étaient commis, comme M. Cotler et vous-même l'avez expliqué. Toutefois, lorsque vous avez fait ce commentaire, à peu près en même temps, le Groupe de Lima, 11 des pays membres, a publié une déclaration dans laquelle il a affirmé qu'il croyait qu'il devrait y avoir une solution diplomatique.
D'un côté, vous dites qu'il y a la possibilité d'une intervention, mais de l'autre, le Groupe de Lima dit qu'il préférerait une solution diplomatique, de sorte qu'il n'y a pas vraiment de véritable entente sur la situation là-bas.
Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Selon vous, quelle devrait être la solution, une intervention ou la diplomatie?
Je préférerais également une solution diplomatique, bien sûr, mais il faut dire que le fait de refuser au peuple vénézuélien les droits et les procédures qui sont conformes au droit international n'est pas la bonne approche. La solution ne peut être de ne rien faire; la solution doit être une action concrète qui règle la crise, qui règle le problème. Nous continuerons à vivre une crise humanitaire au Venezuela pendant des années; elle suivra simplement le même schéma que celui que vous avez vu dans de nombreux pays communistes par le passé, où au moins un tiers de la population a fini par abandonner le pays.
Au Venezuela, à un moment donné, il sera très difficile de refuser à la population la responsabilité de protéger.
Vous avez mentionné quelque chose de très important dans vos commentaires lorsque vous avez dit que vous deviez tenir compte de la réalité sur le terrain. Une chose dont je n'ai pas entendu parler dans le débat public est l'influence de la Chine au Venezuela. Comme vous le savez, l'investissement de la Chine au Venezuela est le plus important en Amérique latine, soit 62 milliards de dollars. Le Venezuela est entièrement financé par la Chine. Il n'a pas fait un seul versement de fonds souverain en deux ans.
Récemment, Maduro s'est rendu en Chine et a obtenu un prêt de 5 milliards de dollars. Il me semble que, s'il doit y avoir une solution, le pays qui a le plus d'incidence et la plus grande influence au Venezuela à l'heure actuelle est la Chine, mais, pour une raison quelconque, ce pays ne participe pas. La Chine a pour politique de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures, peu importe la situation, mais, compte tenu de la situation actuelle, de la crise humanitaire qui sévit, ne serait-il pas approprié ou pertinent d'inclure la Chine dans le débat en raison de son incidence non seulement sur l'économie, mais également sur d'autres aspects de la vie politique au Venezuela?
Si la Chine voulait aider à cet égard, aider à rétablir la démocratie et régler la crise humanitaire au Venezuela, elle serait vraiment la bienvenue, mais elle n'a fait aucun pas dans cette direction.
Nous en serions très heureux. Il y a eu plus d'une occasion. Les Chinois ont eu de nombreuses occasions d'intervenir et de dire: « Écoutez, nous voulons coopérer pour rétablir la démocratie au Venezuela, pour y rétablir la protection des droits de la personne, pour régler la crise humanitaire à laquelle le pays fait face », mais cela ne s'est pas produit. Il est plus probable que le pays suive le même schéma et le même cadre que ceux qu'il a eus pour les affaires internationales dans le passé.
L'autre raison pour laquelle je propose cette idée maintenant, c'est qu'il y a eu un changement dans la politique étrangère vénézuélienne. Le pays achetait des armes pour environ 6 milliards de dollars par année, dont la majorité provenait des États-Unis. À présent, le Venezuela achète ces armes à la Chine et à la Russie. Voyez-vous cela également comme un effet déstabilisateur au Venezuela?
Nous savons que la Chine a une grande influence. Ne devrions-nous pas demander l'aide des Chinois et leur dire: « Écoutez, c'est la situation qui nous touche tous, et, compte tenu de la crise humanitaire, peut-être pourrions-nous collaborer? » Sachant que la Chine a une incidence sur l'économie et également qu'elle est l'un des principaux fournisseurs d'armes aux Vénézuéliens, n'est-ce pas ce que nous devrions faire?
Monsieur le secrétaire général, pourriez-vous répondre à cette question en une minute, pour que nous ayons le temps de...
Des initiatives ont également été mises en place pour tenter de faire participer la Chine et la Russie à la recherche d'une solution pour le Venezuela. Nous regrettons que ces initiatives n’aient pas fonctionné, en fin de compte. Nous pouvons méditer longtemps sur les raisons de cette situation, mais notre préoccupation principale, pour répondre à votre question, concerne ces tentatives effectuées dans le passé, alors que la situation du Venezuela était meilleure, soit il y a deux ans ou, plutôt, il y a un an.
Nous n'avons pas obtenu, et je crois que les Chinois n'ont pas été en mesure de l'obtenir du gouvernement vénézuélien, une réponse positive à cet égard. Le déni est la marque de commerce du régime vénézuélien. Il est très difficile, même pour les Chinois, d'influencer ce régime d'une façon positive sur un plan quelconque.
Jusqu'à présent, rien de ce qui a été mis à l'essai n'a fonctionné. Nous sommes tous conscients du déni permanent face à la crise humanitaire, à la situation politique, aux violations des droits de la personne, à la situation économique que le régime du Venezuela réitère sans se lasser. À ce jour, je ne vois pas que l'influence des Chinois sur le pays ait été positive d'une quelconque manière.
La situation du pays est encore pire que ce qui a été décrit ici, étant donné que le manque d'institutions rend pratiquement impossible la résolution des problèmes que vous avez mentionnés. Il sera impossible de régler les problèmes financiers et économiques du pays et les problèmes découlant de l'effondrement du système de production pétrolière. Il sera même très difficile de résoudre la situation du pays concernant le contrôle du territoire. Nous constatons une forte présence de l'Armée de libération nationale, l'ELN, et des Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, sur au moins deux tiers du territoire. Nous voyons ce qui se passe lorsque la garde nationale du Venezuela veut intervenir dans ces régions: les gardes se font tout simplement tuer par l'ELN. Cette armée peuvent jouir de l'impunité absolue à cet égard. Elle jouit de l'impunité absolue au chapitre de l'exploitation minière illégale et des activités criminelles organisées, du trafic de drogue qu'elle a mis en place. Il s'agit d'un État hors-la-loi dont toutes les activités sont paralysées, à l'exception des activités illégales.
Ces activités illégales rendent très difficile la résolution des problèmes. J'ai tenté de l'expliquer ici. Il est très difficile de mettre en oeuvre une solution, un dialogue ou une négociation politiques avec un État hors-la-loi. Il est ardu de négocier avec des trafiquants de drogue, puisque ce sont des trafiquants que l'on trouve actuellement au Venezuela. La famille du président est incarcérée à New York, des centaines de millions de dollars appartenant au vice-président sont gelés aux États-Unis, le ministre de l'Intérieur et tout l'appareil gouvernemental répressif font l'objet d'une sanction, et tout cela, en raison du trafic de la drogue.
Je ne crois pas que les Chinois eux-mêmes pourraient mener une négociation avec des trafiquants de drogue. À notre connaissance, aucune négociation n'a été entamée avec ces personnes. C'est la logique du régime. Cette possibilité n'est pas offerte aux Chinois, de sorte qu'il leur est impossible de négocier avec des trafiquants de drogue.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire général, je suis enchantée de vous voir à nouveau à ce comité.
J'aimerais poursuivre sur la question de mon collègue. Si je comprends bien, il n'y a aucune discussion ou initiative diplomatique en cours.
[Traduction]
En ce moment, il n'y a aucune initiative diplomatique. À la suite des échecs du Vatican en novembre 2016 et de l'échec des négociations à Santo Domingo en 2017, je pense que presque tout le monde dans la communauté internationale sait que tout processus de dialogue n'aboutira qu'à un seul résultat: Maduro restera au pouvoir. Il s'agit de l'unique objectif du pays. La seule solution acceptable, pour entamer un dialogue ou un processus de négociation, c'est que le gouvernement actuel reste au pouvoir. Il est alors très difficile pour quiconque de s'engager dans un nouveau dialogue ou une nouvelle négociation.
Je tiens à vous remercier tous deux pour vos témoignages incroyablement convaincants aujourd'hui.
Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu plus des aspects particuliers de la crise humanitaire, et surtout du rôle de l'État. J'ai remarqué, monsieur Cotler, que vous avez tenu des propos qui laissent croire que cette crise était orchestrée par l'État, que c'est en quelque sorte un crime contre l'humanité perpétré de façon délibérée et utilisé comme arme. Cela donne à penser que la crise humanitaire n'est pas qu'une conséquence des violations des droits de la personne et des abus politiques, mais qu'elle est, en fait, un mode de violation des droits de la personne. Pourriez-vous en dire davantage à ce sujet?
La crise humanitaire qui sévit au Venezuela, point que j'ai cherché à aborder, tout comme le secrétaire général, est une crise orchestrée et autorisée par l'État qui a été provoquée par l'utilisation comme arme de la nourriture et des médicaments pour cibler précisément les personnes qui seraient opposées au régime et ainsi de suite. Cela a donné lieu à une souffrance humaine terrible, à des morts et à la dévastation.
Si j'examine la situation passée et actuelle du Venezuela, je constate que certaines des statistiques mentionnées ici sont étonnantes. Très rapidement, le taux de propagation de la malaria est le plus élevé au monde. En 2017, plus de 406 000 cas de malaria ont été recensés, une augmentation de 69 % par rapport à l'année précédente; et, en 2018, la même chose se produit. Les cas déclarés de tuberculose ont augmenté, pour passer de 6 000 en 2014 à plus de 10 000 en 2017, soit le nombre le plus élevé et l'augmentation la plus importante en 40 ans. Au milieu des années 2000, il y avait plus de 7 300 cas soupçonnés de rougeole, alors qu'il n'y en avait jamais eu auparavant; et il y a eu plus de 2 000 cas recensés de diphtérie au cours des deux dernières années, alors qu'aucun cas de la maladie n'avait été rapporté au cours des neuf années précédentes.
Je peux continuer longtemps ainsi. Ce que je dis, c'est qu'il s'agit d'une crise humanitaire qui s'amplifie et s'aggrave considérablement et qui touche tout particulièrement des gens vulnérables ou qui s'opposent au régime à des fins politiques.
Je veux revenir sur quelque chose que le secrétaire général a mentionné, car je crois que c'est un point essentiel. Maintenant que l'État a renvoyé à la CPI les cas de crimes contre l'humanité, la procureure générale n'a pas à attendre l'avis d'un groupe d'experts pour ouvrir une enquête. Grâce à un renvoi de l'État, elle peut ouvrir une enquête sur-le-champ. Malheureusement, puisqu'elle ne l'a pas fait, on a tendance à tolérer ou accepter l'impunité du régime Maduro.
Je crois que le secrétaire général a raison: chaque jour qui passe sans qu'une enquête soit ouverte laisse croire à Maduro et aux membres de son régime qu'ils peuvent continuer à agir en toute impunité. À mon avis, nous devons insister sur l'urgence pour la CPI de mener une enquête et d'intenter une poursuite.
Par ailleurs, il faut faire mention de la responsabilité de protéger. Le Canada a été l'un des promoteurs de ce principe, mais je crois que l'on a tendance à appliquer ce principe dans l'indifférence plutôt que dans l'action. À ce stade, nous devons exiger, en invoquant la responsabilité de protéger, une aide internationale immédiate de toute urgence. C'est le premier point.
Deuxième point, tout vernis de respectabilité du régime Maduro doit disparaître en janvier. Après cela, c'est un régime dictatorial illégal qui sera au pouvoir.
Troisième point, nous devrions chercher à restaurer l'Assemblée législative élue de façon démocratique et la Cour suprême, lesquelles sont en exil.
Quatrième point, nous devrions recourir aux mécanismes procéduraux spéciaux des Nations unies afin de pouvoir visiter le Venezuela et y mener les enquêtes nécessaires.
Les membres du Groupe de Lima sont censés se réunir très bientôt. Ils doivent élaborer, de concert avec le Parlement européen — lequel, comme je l'ai dit, est prêt à remplir cet objectif —, une initiative stratégique, humanitaire, diplomatique et globale qui s'attaquera à cette crise humanitaire et à ce régime politique dictatorial.
Ce sont, à mon avis, certaines des choses que nous devons accomplir le plus tôt possible.
Merci beaucoup.
Cela met fin aux témoignages. Je tiens à vous remercier tous les deux.
Nous avons tenu cette séance aujourd'hui car nous sommes des témoins directs. Les parlementaires de tous les partis sont préoccupés par la dégradation rapide de la situation du pays, les violations continues des droits de la personne, la crise humanitaire et, en particulier, l'exode des Vénézuéliens, situation qui est en train devenir l'une des crises les plus graves jamais connues dans les Amériques.
Nous tenons vraiment à vous remercier, monsieur le secrétaire général Almagro, de nous avoir fait profiter de votre expérience dans ce dossier et, bien sûr, à vous remercier vous aussi, monsieur Cotler. C'est toujours un plaisir de vous revoir ici, monsieur Cotler.
Merci, messieurs.
Sur ce, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication