FAAE Réunion de comité
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 10 mai 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Comme il est 15 h 30 ici et beaucoup plus tard au Mozambique, je crois qu'il serait approprié de commencer notre étude sur les femmes, la paix et la sécurité, menée conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, avec Valerie Percival. Elle est professeure adjointe d'affaires internationales à la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton et se trouve à Maputo (Mozambique). J'ignore quelle heure il est là-bas, mais je crois qu'il est très tard.
J'ai pensé que nous pourrions commencer par Valerie, et ensuite, Yanar, ce sera votre tour. Nous passerons ensuite aux questions du Comité.
Bienvenue à toutes les deux. Laissons d'abord la parole à Mme Percival.
Merci beaucoup de l'invitation. Je suis reconnaissante au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes de procéder à cette étude du programme sur les femmes, la paix et la sécurité. Plus de 15 ans après que le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la résolution 1325 en 2000, c'est un moment opportun pour réfléchir au progrès, aux défis et aux possibilités.
Aujourd'hui, j'aborderai quatre enjeux principaux et formulerai quatre recommandations de mesures que le Canada peut prendre à cet égard.
Premièrement, les données probantes sont sans équivoque. Les pays où les droits sociaux, économiques et politiques des femmes sont reconnus, respectés et promus sont plus pacifiques et prospères et sont pour tout le monde un meilleur endroit où vivre.
La recherche montre aussi que l'égalité des sexes ne concerne pas seulement le développement social. Il s'agit d'un outil de consolidation de la paix qui est important et sous-utilisé. Compte tenu du contexte actuel de déplacements massifs et de violations graves des droits de la personne dans les conflits contemporains, c'est un outil que la communauté internationale doit mettre en oeuvre. Cependant, la transition d'un pays vers une plus grande égalité des sexes et le rôle de la communauté internationale dans la promotion de ce processus ne sont pas simples, ni faciles.
Bien que l'engagement d'acteurs extérieurs puisse être critique, le leadership doit venir du pays lui-même et de la collectivité, et ce leadership doit comprendre les hommes et les femmes pour que les progrès soient durables.
Deuxièmement, même si la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU était essentielle pour attirer l'attention sur les impacts différentiels des conflits sur les filles et les femmes, les objectifs des résolutions initiales et de suivi n'ont pas été atteints.
Le programme sur les femmes, la paix et la sécurité comporte quatre objectifs généraux: protéger les femmes et les filles contre les violations des droits de la personne au cours de conflits et poursuivre les contrevenants; promouvoir la participation des femmes et des filles aux négociations pour la paix dans le secteur de la sécurité; prévenir la violence faite aux femmes et aux filles, particulièrement la violence de nature sexuelle et fondée sur l'identité sexuelle; et s'assurer que les efforts de secours et de redressement reconnaissent et abordent l'impact différentiel des conflits sur les femmes et les filles.
On a fait certains progrès. Il y a plus d'accords de paix qui mentionnent la violence sexuelle reliée au conflit. Le nombre de femmes qui participent au secteur de la sécurité a augmenté. On encourage les militaires à prendre des mesures de prévention et de lutte contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe. On a établi des unités spéciales de protection dans de multiples forces policières dans des États où sévissent des conflits. L'ONU intègre des conseillers en matière de protection des femmes dans ses missions de maintien de la paix, et des conseillers sur les enjeux hommes-femmes prennent part à chaque opération humanitaire menée par l'ONU. Les propositions de financement doivent comporter un indicateur de sexe qui attribue un code aux projets en fonction des efforts pour promouvoir l'égalité des sexes.
Pourtant, nombre de ces initiatives ont souvent été des mesures superficielles qui n'étaient pas entièrement mises en oeuvre, fournissant seulement à la communauté internationale la possibilité de dire qu'elle a fait quelque chose à ce chapitre. Les violations graves des droits de la personne des femmes et des filles se poursuivent même durant des missions de maintien de la paix de l'ONU.
La violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe demeurent très répandues dans les situations de conflit, et on commence à peine à reconnaître l'impact de la violence sexuelle et de la violence fondée sur le sexe sur les garçons et les hommes.
Troisièmement, pour que le programme sur les femmes, la paix et la sécurité obtienne du succès, il doit aller au-delà de la simple intervention. Il doit travailler à créer les conditions gagnantes pour l'égalité des sexes.
L'approche du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, comme c'est le cas pour d'autres initiatives internationales comme les Objectifs de développement du millénaire et les objectifs de développement durable, est comme un cheval de Troie. Nous croyons que si les pays respectent certains indicateurs et accomplissent certaines choses, comme la présence des femmes dans les forces de l'ordre et l'armée, leur participation aux négociations de paix et la prestation de services de santé pour les survivants de violence sexuelle, nous aurons discrètement créé l'égalité des sexes.
Cette approche est nécessaire, mais pas suffisante. Bien que toutes ces initiatives soient positives, les femmes et les filles dans les États touchés par des conflits sont perçues comme des bénéficiaires passives de décisions prises par d'autres plutôt que des agents actifs encouragés et soutenus dans leurs efforts pour promouvoir le changement social au sein de leur société. Par exemple, la résolution 1325 et les résolutions de suivi considèrent le secteur de la santé comme une institution qui fournit un service aux femmes afin de réparer les dommages causés par la violence sexuelle ou de fournir des soins de santé à l'accouchement, non pas comme une institution qui devrait participer aux grands efforts sociétaux pour promouvoir l'égalité des sexes.
Quatrièmement, la promotion des droits des femmes et des filles a été difficile dans tous les contextes et n'est pas seulement la responsabilité des femmes. Quand j'étais enfant, j'ai regardé l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés et j'ai été horrifiée par la façon dont des femmes qui défendaient leur droit à l'égalité afin qu'il soit enchâssé dans la Charte et protégé par celle-ci étaient dénigrées et intimidées.
Des choses bien pires sont arrivées aux défenseurs de l'égalité des sexes dans des contextes fragiles et touchés par des conflits. On doit fournir activement à ces personnes un soutien financier et diplomatique, de même que de la formation pour accroître leur efficacité.
On doit aussi inclure plus activement les hommes dans les efforts pour promouvoir l'égalité des sexes, les encourager et les soutenir dans leurs efforts pour créer des sociétés plus sûres et plus égalitaires. Par exemple, des études montrent l'importance critique d'inclure les hommes et les garçons dans les programmes de sensibilisation pour réduire la violence sexuelle.
Le Canada a joué un rôle important dans l'élaboration et la négociation de la résolution initiale du Conseil de sécurité, et il a maintenant une autre possibilité d'exercer son leadership en accroissant encore davantage notre participation de façon nouvelle et novatrice. J'ai quatre recommandations générales qui permettraient au Canada de remplir ce rôle.
Premièrement, il y a le leadership et l'expertise diplomatiques. Affaires mondiales Canada a récemment essuyé des critiques importantes parce qu'il s'attachait davantage à la forme qu'au fond dans l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques. Pour le programme sur les femmes, la paix et la sécurité, le ministère ne saurait laisser l'élaboration de politiques, la réflexion et le leadership aux Nations unies ou à d'autres acteurs multilatéraux. L'expertise doit venir du ministère. Les diplomates canadiens à l'étranger doivent montrer leur engagement envers les principes et les priorités du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, et les responsables au pays doivent travailler à intégrer ces priorités dans les projets et les programmes du Canada dans les pays fragiles. Pourtant, de nombreux diplomates canadiens que j'ai rencontrés, y compris des femmes, se méfient des discussions touchant la violence fondée sur le sexe ou la défense des droits des femmes et des filles dans un contexte comme celui du Mozambique, car ces sujets sont délicats dans cette culture.
Le dossier des femmes, de la paix et de la sécurité est souvent négligé dans le cadre de nos programmes de stabilisation et de rétablissement, et on charge des responsables subalternes de la supervision et de la mise en oeuvre. Dans le cadre de l'effort pour protéger les femmes et les filles dans les zones de conflits ainsi que de la lutte globale pour renforcer l'égalité des sexes, chaque mot et chaque geste comptent. Les dirigeants politiques et les diplomates canadiens qui exercent le leadership et condamnent la violence fondée sur le sexe montrent que la vie des femmes et des filles a une valeur égale à celle des hommes et que la promotion de l'égalité des sexes n'est pas taboue. Ils devraient profiter de chaque occasion de parler en faveur de la protection et de la promotion des droits des femmes et des filles, de condamner les violations de ces droits, de discuter de la valeur et des avantages qu'offre une société valorisant l'égalité des sexes à tout le monde et de souligner que les actions de ces hommes et femmes sont cruciales.
Deuxièmement, il y a l'utilisation novatrice des médias sociaux et de la collecte de données. Le pouvoir de la technologie de documenter les violations des droits de la personne, qui donne des moyens d'action aux gens et soutient le changement social, n'est pas exploité et n'a pas été suffisamment mis à contribution pour soutenir le programme sur les femmes, la paix et la sécurité. Par exemple, en Égypte, un groupe de femmes a créé en ligne un site dont le nom est HarrassMap, lequel documente le harcèlement sexuel au Caire et fournit aux femmes des outils pour combattre le harcèlement. Les possibilités sont illimitées. On peut utiliser la technologie de l'information pour transmettre des messages afin d'encourager et de soutenir les droits des femmes et des filles, comme l'information issue de la production participative sur les violations des droits de la personne et la collecte de données de téléphones cellulaires sur la violence sexuelle et d'autres informations essentielles à la mise en oeuvre du programme sur les femmes, la paix et la sécurité. En outre, les médias sociaux et la technologie de l'information peuvent offrir des outils importants pour transmettre de l'information à propos de pratiques exemplaires et donnent aux femmes et aux filles voulant se protéger un moyen d'agir. Le Canada pourrait mener des efforts visant à utiliser la technologie de l'information de ces façons novatrices.
Troisièmement, il y a la véritable protection des femmes et des filles et la responsabilisation à l'égard des crimes. Comme des témoins précédents l'ont noté, il y a peu de responsabilisation à l'égard de la violence sexuelle et d'autres violations des droits de la personne en temps de guerre. Malgré le fait que le droit international reconnaît la violence sexuelle comme un crime de guerre, on documente seulement un faible nombre d'infractions, et encore moins sont portées devant les tribunaux. Le Canada pourrait soutenir les efforts de la Cour pénale internationale pour documenter ces crimes et enquêter sur ceux-ci et poursuivre en justice les contrevenants. Il pourrait aussi travailler avec les organisations de protection des droits de la personne multilatérales et non gouvernementales pertinentes pour fournir une protection et un soutien efficaces aux victimes de violence sexuelle.
Quatrièmement, le financement réservé aux activités pour les femmes, la paix et la sécurité. En février dernier, les Nations unies ont annoncé le lancement de l'instrument d'accélération mondial pour les femmes, la paix et la sécurité ainsi que l'action humanitaire. L'objectif de cet instrument de financement est de soutenir la promotion de l'égalité des sexes dans les États fragilisés où sévissent des conflits, particulièrement en appuyant les activités des organisations de la société civile. L'Australie, l'Irlande, l'Espagne et le Royaume-Uni ont promis leur soutien financier, et le Canada devrait leur emboîter le pas.
Mais le Canada doit aussi avoir son propre mécanisme de financement flexible et rapide. Le fonds du Canada pour les initiatives locales dans les ambassades et les hauts-commissariats, autrefois connus sous le nom de Fonds canadien, accorde de petites subventions qui sont flexibles et efficaces pour soutenir des organisations de la société civile. Le Canada devrait d'abord augmenter le financement de ce fonds, puis s'assurer qu'il y a une enveloppe de financement réservé aux activités de soutien reliées au programme sur les femmes, la paix et la sécurité, en guise de soutien aux activités de recherche, de défense des droits et de formation de la société civile ainsi qu'à la collecte de données et aux rapports sur les droits de la personne.
En outre, le Canada devrait créer un mécanisme pour fournir du leadership aux membres de la société civile dans les pays fragilisés où sévissent des conflits, ce qui comprendrait de la formation sur les droits de la personne, de la sensibilisation aux enjeux relatifs à l'égalité des sexes de même que l'acquisition de compétences pratiques comme la défense des droits et la négociation.
En terminant, j'aimerais répéter que les données probantes sont claires: la promotion des droits des femmes et des filles est un outil efficace de consolidation de la paix, et il y a des possibilités importantes pour le Canada de promouvoir les objectifs du programme sur les femmes, la paix et la sécurité de façon novatrice et concrète.
J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous. J'ai hâte d'entendre les questions que vous avez.
Merci beaucoup, madame Percival. Votre exposé s'est avéré très utile.
Écoutons maintenant le témoignage de Yanar Mohammed, de l'Organization of Women's Freedom in Iraq. Nous passerons ensuite aux questions.
Madame Mohammed.
Je vais aborder l'enjeu de la sécurité des femmes en Irak dans les circonstances actuelles de conflit, qui ont divisé le pays en trois zones fondées sur l'identité religieuse et sectaire, en plus d'une division ethnique décidée antérieurement. La violence contre les femmes dans ces zones a des sources et des intensités différentes, mais elle a persisté et s'est produite tout au long de la dernière décennie.
La première zone est celle de Mosul, de Tal Afar, de Hawija et de nombreuses autres villes contrôlées par l'État islamique, où le gouvernement islamique impose une situation qui ressemble à celle du Moyen Âge, où les femmes sont diabolisées en tant qu'êtres inférieurs dont la présence en public n'est pas désirée et où l'esclavage et la violence sexuelle sont une pratique courante et réglementée à l'égard de nombreux groupes: premièrement, contre plus de 2 500 femmes de confession yézidie — je suppose que vous avez entendu certains de leurs témoignages dernièrement —; deuxièmement, contre les épouses des hommes qui servent dans l'armée irakienne, parmi lesquelles le nombre de captives est croissant et atteint des milliers; et troisièmement, contre les femmes qui n'ont pas d'hommes dans leur famille.
La deuxième zone est une zone tampon entre celles contrôlées par l'État islamique et les zones du gouvernement irakien. La zone tampon comprend les secteurs longeant la frontière des zones contrôlées par l'État islamique, où différents types de violence envers les femmes ont cours.
D'abord, il y a les passages reliant les deux autres zones, comme le chemin de la montagne Hamrin, que les femmes et leurs enfants parcourent à pied pendant toute une nuit pour échapper aux menaces d'esclavage de l'État islamique qui planent dans la ville de Hawija et dans les villages avoisinants. Cette semaine, selon nos militants locaux, plus de 60 familles composées principalement de mères et de leurs enfants se sont échappées à pied pour se diriger vers le village de Rubaidha, du côté irakien. Les tireurs d'élite et les combattants de l'État islamique ont réussi à tuer et à capturer 20 familles, exécutant les hommes et certains enfants et réduisant à l'esclavage la plupart des femmes.
Un autre passage à partir de la zone de l'État islamique est le poste de contrôle Bou Hamdan menant à Kirkuk, où les forces de sécurité kurdes refusent aux femmes et aux enfants arabes l'accès à une zone sûre. Chaque jour, des familles sont renvoyées et laissées à leur sort, à savoir l'exécution et l'esclavage sexuel sous le joug de l'État islamique dans ce qu'on appelle les « maisons de divertissement » de l'État islamique dans la zone qu'il contrôle.
Ces passages ont été le théâtre de massacres perpétrés sur une population qui fuit au péril de sa vie pour échapper à l'oppression et à l'exploitation sexuelle de l'État islamique.
Les villes et les villages repris des mains de l'État islamique — toujours dans la zone tampon — comme la ville de Ramadi et certains secteurs d'Anbar, ont été le théâtre de l'asservissement et du viol de centaines de femmes, qui se retrouvent enceintes ou avec un bébé. Lorsque les tribus des femmes compromises reviennent dans la ville et après que l'armée irakienne a repris le contrôle de la ville, l'objectif immédiat des tribus est de laver leur honneur en tuant les femmes violées. La pratique du crime d'honneur est toujours légale en Irak, malgré 13 ans de libération présumée.
Le gouvernement irakien célèbre les victoires militaires de l'armée et des tribus, les laissant ainsi faire ce qu'elles veulent en exécutant les femmes qu'elles n'ont pas protégées. Les femmes dans cette zone tampon font l'objet d'une violence à deux volets. D'abord, de la part de l'État islamique et ensuite de leur propre tribu, alors que le gouvernement n'intervient pas afin de les protéger et de les considérer comme des victimes de l'ennemi.
La troisième zone est à l'Irak comme tel, c'est-à-dire la capitale — Bagdad —, les villes du sud et de petites parties de l'ouest de l'Irak, comme la ville de Samarra. Après la chute de la plus grande partie de la ville aux mains de l'État islamique en juin 2014, le gouvernement irakien a mobilisé et recruté plus de 40 milices islamiques chiites, qui sont soutenues à même les deniers publics afin de renverser l'État islamique à l'aide d'un front populaire appelé al-Hashd al-Shaabi, mais en réalité ce sont des groupes armés sectaires et religieux extrémistes.
Dans un contexte hautement militarisé où les jeunes sont armés jusqu'aux dents et portent des pièces d'identité du gouvernement, les rues irakiennes sont maintenant des endroits dangereux pour les femmes et les minorités. Il convient de noter ce qui suit.
Premièrement, les crimes d'honneur continuent d'être protégés par les lois et les pratiques juridiques, et ce, après 13 années de soi-disant libération de l'Irak. Les morgues de laboratoires judiciaires continuent d'être remplies de corps non réclamés de femmes, et le comité des affaires juridiques du parlement ne s'occupe pas de cette question.
Deuxièmement, la traite de femmes se fait au vu et au su de tous — et elle a lieu dans la zone contrôlée par l'Irak, non pas celle contrôlée par l'État islamique — et augmente chaque année en raison de la pauvreté extrême, de la cruauté tribale et d'un réseau prospère de traite de personnes. On a adopté une loi contre la traite de personnes, la loi 28, mais elle n'est pas encore entrée en vigueur. À notre connaissance, aucun trafiquant n'a été détenu jusqu'à maintenant.
Le troisième enjeu est la protection des femmes dans des maisons de refuge. Le gouvernement n'approuve pas ces maisons. Bien qu'on ait établi des refuges officiels en réaction aux demandes de la communauté internationale, il n'y a pas une seule résidente dans ces soi-disant refuges; en outre, les représentants des partis extrémistes et patriarcaux menacent toutes les démarches pour protéger les femmes comme s'il s'agissait d'une pratique destructrice sur le plan social qui fait la promotion de l'« immoralité ».
Le dernier enjeu est le blocage du droit des femmes à la citoyenneté. Le gouvernement extrémiste en Irak refuse de délivrer aux femmes leur attestation d'identité de citoyenneté, à moins qu'elles soient accompagnées d'un parent de sexe masculin. Même s'il n'existe aucun article de loi à cet effet, cette pratique est maintenant courante dans tous les établissements gouvernementaux pertinents.
De même, on censure les voix féministes. Lorsque les femmes se font entendre à la radio pour protester, comme dans le cadre de notre initiative de la radio Al-Mousawat, ce qui signifie « égalité », l'établissement gouvernemental de la commission et des communications donne l'ordre de fermer notre station sous le prétexte d'exigences relatives à l'enregistrement.
Au cours des 13 dernières années, l'Organization of Women's Freedom in Iraq a permis de soustraire plus de 450 femmes à des crimes d'honneur, à la traite de personnes et à l'esclavage sexuel. Nous avons actuellement six refuges: trois à Bagdad, un à Dohuk et un à Samarra, ainsi qu'un autre pour les LGBT menacés.
En septembre 2013, nous avons lancé un réseau pour combattre la traite de femmes irakiennes qui a attiré plus de 40 organisations de la société civile, y compris des organisations pour les femmes, les jeunes et les droits de la personne.
Nous croyons qu'il est possible de guider notre culture et notre société en général vers un meilleur traitement et respect des femmes; néanmoins, le gouvernement islamique extrémiste actuel en Irak est l'obstacle principal en ce moment. Par conséquent, nous croyons donc que nos efforts antérieurs touchant l'élaboration et l'adoption d'un plan d'action national irakien peuvent offrir un moyen d'aborder les enjeux relatifs aux femmes et à la sécurité dans l'avenir, mais pas en ce moment, alors que le gouvernement ne collabore pas pour le bien-être des femmes.
Nous avons besoin que le gouvernement canadien reconnaisse la valeur de la société civile et son rôle potentiel pour ce qui est d'appuyer les femmes irakiennes dans leur quête de sécurité et d'égalité.
Nous avons aussi besoin de soutien concret de la part du Conseil de sécurité de l'ONU afin de rappeler au gouvernement irakien sa responsabilité à l'égard des aspects suivants.
Premièrement, le ministère du Travail et des Affaires sociales doit émettre une déclaration officielle pour clarifier la politique relative aux refuges et permettre aux ONG irakiennes de tenir des maisons de refuge pour femmes et pour d'autres personnes vulnérables qui fuient la violence.
Deuxièmement, le gouvernement doit augmenter le soutien offert aux organisations irakiennes qui répondent aux besoins pressants des femmes et d'autres personnes vulnérables qui fuient la violence liée aux conflits, y compris l'accès à un refuge, à un soutien psychosocial, à des soins médicaux et à de la formation professionnelle.
Troisièmement, il doit voir au financement et à la mise en oeuvre du plan d'action national irakien — pour faciliter l'application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité — ainsi qu'établir et maintenir un système de surveillance de la mise en oeuvre du plan d'action national.
Quatrièment, il doit étendre les efforts actuels en matière de documentation de l'esclavage sexuel pour inclure d'autres crimes commis contre les femmes, y compris les crimes commis contre les femmes qui défendent les droits de la personne et ceux fondés sur le sexe.
Les organismes de l'ONU en Irak n'ont pas joué un rôle adéquat pour ce qui est d'aborder les enjeux des femmes; il en est de même du ministère des Femmes, créé par le gouvernement pour sauver les apparences, dont le rôle confine à l'oppression des femmes — en ce qui concerne le code vestimentaire et la liberté de circulation —, ce qui est compréhensible pour une femme fidèle à son parti extrémiste.
Il est temps que la société civile joue un rôle plus important et aborde les enjeux relatifs à la sécurité des femmes de manière ascendante.
Nous croyons que les femmes irakiennes peuvent contribuer davantage à façonner l'avenir avec le soutien de la communauté internationale et, particulièrement, du gouvernement canadien.
Nous espérons que vous jugerez ces recommandations informatives pour vos travaux. En portant ces préoccupations à votre attention, nous apportons notre soutien aux efforts que la communauté internationale peut déployer et promettons notre aide future à l'égard de ceux-ci afin d'améliorer le sort des femmes et des filles touchées par le conflit en Irak. À cette fin, nous demandons respectueusement que vous songiez à considérer ces recommandations comme des priorités dans le cadre de vos efforts.
Merci.
Merci beaucoup, madame Mohammed.
Chers collègues, passons immédiatement aux questions.
Nous commencerons par M. Kent.
Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Clement.
Merci, mesdames Mohammed et Percival, pour vos témoignages et vos commentaires.
J'aimerais poser une question à Mme Percival pour tirer parti du fait qu'elle est sur place dans un pays au sujet duquel on reçoit très peu de nouvelles, et vu que le Canada a mis un terme à l'aide de gouvernement à gouvernement cette semaine, laquelle était de l'ordre de près de 100 millions de dollars par année au cours des dernières années.
Je me demande, comme le gouvernement du Mozambique semble régresser — à la lumière du témoignage du Canada, du FMI et d'autres pays qui ont suspendu leur aide, étant donné la dette de bien au-delà d'un milliard de dollars de cette société relativement pauvre —, que conseillez-vous, madame Percival, en ce qui concerne le fait d'éviter entièrement, dans ces types de situations, l'aide directe de gouvernement à gouvernement et la consentir entièrement à des ONG fiables.
Merci beaucoup.
C'est un moment très opportun pour être au Mozambique. J'y suis depuis deux ans et demi. Lorsque je suis arrivée, on considérait le Mozambique comme une réussite en matière de développement.
M. Peter Kent: Oui.
Mme Valerie Percival: Maintenant, je m'apprête à quitter le pays dans deux ou trois mois, et malheureusement, nous avons cette dette non divulguée de plus de 2 milliards de dollars. L'ensemble de la communauté des donateurs qui fournit une aide budgétaire directe pour soutenir le gouvernement du Mozambique — y compris le Canada — vient de déclarer qu'elle la suspendait. Les États-Unis ont aussi indiqué qu'ils allaient revoir leur aide.
Ce qui est vraiment intéressant du fait que les États-Unis revoient leur aide est que la plupart des personnes séropositives reçoivent un traitement antirétroviral grâce au PEPFAR, c'est-à-dire le plan d'urgence du président des États-Unis pour lutter contre le sida. Si les États-Unis renient certains de ces engagements... USAID ne fournit pas de soutien direct au gouvernement du Mozambique, mais même le fait de cesser d'accorder certaines ressources qu'on alloue à des organisations qui fournissent le traitement antirétroviral pour le VIH est très inquiétant.
Quant au Canada et à son engagement envers le Mozambique, je crois que, d'une certaine façon, nous avons une occasion de nouer des liens plus fructueux avec des organisations de la société civile. Une des conséquences pernicieuses de l'aide budgétaire directe est que la mise en oeuvre demande beaucoup de temps aux responsables du développement. Les responsables canadiens du développement que je connais au Mozambique n'ont vraiment pas le temps de côtoyer les organisations de la société civile comme ils l'auraient fait il y a 10 ou 15 ans, alors que ce type de mécanisme de financement n'était pas en place.
Une suggestion que j'ai décrite concernant le Fonds canadien pour les initiatives locales — qui est géré à partir de l'édifice où je me trouve, en passant — est que celui-ci pourrait soutenir les organisations pour les femmes de manière beaucoup plus concrète.
Mon dernier point est que je crois aussi que, comme une grande part de l'argent du Canada et d'autres donateurs clés va à l'aide budgétaire directe, les organisations de la société civile d'ici ont souffert. Il existe une organisation très solide, appelée Women and Law in sub-Saharan Africa, qui fait la promotion de l'adoption des lois sur la violence familiale, de l'ajout de dispositions au code pénal, etc. Elle n'a presque plus d'argent. Elle lutte essentiellement pour sa survie.
Dans toute crise, il y a une possibilité de réorienter, de recentrer et de repenser la façon dont nous nous engageons. Je crois qu'une occasion intéressante et importante ressort des circonstances difficiles qui prévalent au Mozambique.
J'ai une question pour Mme Percival d'abord, puis je m'adresserai à Mme Mohammed.
Madame Percival, vous avez parlé du pouvoir des médias sociaux et de la façon de les utiliser de manière plus efficace lorsqu'on protège les femmes dans ces situations. Vous avez mentionné particulièrement à quel point la place Tahrir est un bon exemple du pouvoir des médias sociaux.
Bien entendu, les médias sociaux sont une arme à double tranchant. Je crains aussi que des personnes qui veulent inciter à la violence utilisent les médias sociaux pour rassembler les gens. Alors qu'auparavant, ils utilisaient la radiodiffusion en ondes courtes pour envoyer un message au moyen de noms de code et de termes obscurs, les médias sociaux sont maintenant utilisés à cette fin, particulièrement par l'État islamique, mais aussi par d'autres groupes.
Je me demande si vous voulez commenter sur le fait que les médias sociaux sont une arme à double tranchant.
D'accord.
Certes, il existe des exemples d'utilisation des médias sociaux à des fins d'intimidation, d'exploitation et d'incitation potentielle à la violence, particulièrement contre les femmes et les filles, et c'est une arme à double tranchant.
Je ne sais pas si les membres du Comité connaissent l'auteur Steven Johnson, qui a écrit un livre intitulé Where Good Ideas Come From et un autre dont le titre est Future Perfect: The Case For Progress In A Networked Age. Il parle des médias sociaux et de la technologie de l'information et l'aspect que vous avez mentionné.
Je crois que nous devons être conscients des conséquences potentiellement pernicieuses des médias sociaux et mettre au point des dispositifs de protection, dans la mesure du possible. Il serait dommage de ne pas utiliser cet outil par crainte de conséquences défavorables.
Je n'ai pas de réponse plus précise. Je ne vois pas d'autres exemples particuliers, mais c'est une très bonne question.
Il s'agit d'une invention humaine, et par conséquent, elle a de bons et de mauvais côtés.
Ai-je du temps pour une autre question?
Je la poserai plus tard.
Merci, madame Percival, de votre témoignage aujourd'hui. Vous avez mis en lumière différents enjeux.
Vous avez brièvement abordé le fait que le leadership doit venir du pays, et vous avez parlé de l'aide consentie par le Fonds canadien et de la question des droits de la personne.
Quelles mesures peut-on prendre, dans le cadre des interventions de développement mises sur pied dans des situations post-conflictuelles, pour améliorer l'accès des femmes et des filles aux services de santé, et notamment aux soins de santé génétiques? Comment pouvons-nous intervenir?
C'est une très bonne question, et c'est aussi une très grande question.
Dans une situation post-conflictuelle, dès le départ, les organismes d'aide humanitaire arrivent et mettent en place des services de santé, dont la prestation directe est assurée par des organisations non gouvernementales, et puis il y a une période de transition vers la prestation de services de santé nationaux.
Je crois qu'une chose que nous devons faire mieux est de nous pencher sur cette période de transition. Nous devons renforcer la capacité des travailleurs nationaux de la santé durant la phase de redressement et comprendre les dimensions sexospécifiques de la santé — les impacts différentiels des conflits sur les femmes et les hommes — et nous assurer de collaborer avec les services nationaux de santé pour procurer des moyens d'action et de la formation au personnel des services de santé nationaux pour veiller à ce que la prestation des services de santé soit plus équitable envers les membres des deux sexes et tienne compte de leurs besoins particuliers.
Je participe à un projet avec la Liverpool School of Tropical Medicine, et nous examinons justement ce sujet. Je serai heureuse de fournir à la greffière du Comité un lien vers les ressources, si vous voulez y jeter un coup d'oeil.
J'ai seulement une courte question complémentaire. Vous avez dit que vous quittiez le Mozambique dans deux ou trois mois. Y a-t-il quelqu'un pour vous remplacer là-bas?
Malheureusement, je ne suis pas l'ambassadrice. Le titulaire de ce poste quitte également le pays, et j'ignore qui le remplacera. Je reviens ici pour enseigner à l'Université Carleton, alors je serai dans la même ville dans deux ou trois mois.
Merci, mesdames Mohammed et Percival, d'être venues aujourd'hui.
Madame Percival, j'ai une question au sujet des structures pour vous. Vous avez déclaré par le passé que dans certaines régions du monde, le sexe détermine l'accès des hommes et des femmes aux technologies et aux produits médicaux. Vous avez aussi affirmé que les décisions clés relativement à la façon dont on gère le système de santé sont prises principalement par des hommes.
Je désire vous parler de quelque chose que vous avez mentionné dans un de vos articles concernant la façon dont la décentralisation des services de santé à l'échelon local fait souvent partie des réformes des soins de santé.
Pouvez-vous commenter cette idée?
Oui. L'idée de décentralisation, c'est qu'on veut s'assurer que les collectivités sont habilitées à prendre des décisions relatives aux soins de santé et à diriger les ressources en matière de soins de santé vers les enjeux qui sont les plus importants dans la collectivité. Il s'agit d'un principe très important qui a été bien mis en oeuvre dans des endroits comme le Canada, l'Europe et, dans une large mesure, au cours du processus de réforme du secteur de la santé en Europe centrale et orientale.
Au Mozambique, par exemple, il y a une décentralisation des ressources et une déconcentration du pouvoir, mais ce qui se passe, c'est qu'à l'échelon local, on n'a pas la capacité de vraiment analyser l'information sur la santé, et il y a peut-être des normes plus strictes concernant les droits des femmes et des filles. C'est comme les médias sociaux, en un sens; c'est une arme à deux tranchants.
L'idée de décentralisation et de déconcentration du pouvoir à l'échelon local est une idée très importante, mais il faut voir comment elle est mise en oeuvre. Il est crucial de s'assurer que les femmes et les filles ainsi que leur accès à des services de soins de santé sont protégés au cours du processus, et il est tout aussi crucial que les autorités locales aient la capacité de prendre des décisions.
J'achève un article assorti d'une étude du cas de la Sierra Leone et de la crise de l'Ebola. Un des commentaires intéressants à propos de la Sierra Leone durant la crise de l'Ebola est qu'on avait amorcé une décentralisation du système de santé. Les autorités locales en matière de santé ne se sentaient pas habilitées à réagir rapidement à l'information clé sur l'Ebola qu'elles recevaient à l'échelon local. Elles attendaient les directives du ministère central. Cela montre qu'il s'agit d'une bonne idée en théorie, mais que la mise en oeuvre peut s'avérer plutôt compliquée.
J'ai une question complémentaire, puisque vous êtes au Mozambique.
La question que j'ai concerne le système politique du Mozambique, où 40 % des députés sont des femmes. Parce que 40 % des députés sont des femmes, il semble que le pouvoir n'est toujours pas partagé de manière égale en ce qui concerne les revenus et l'emploi, l'accès à l'éducation et l'accès aux soins de santé. Nous savons qu'au cours de la guerre civile, les hommes comme les femmes ont combattu.
Que s'est-il produit dans le sillage du conflit? Quelle était la raison, et comment pouvons-nous améliorer la situation?
C'est une très bonne question, et c'est quelque chose qui m'a choquée lorsque je suis allée au Mozambique. Si vous regardez certains des pointages des indices d'égalité des sexes, le Mozambique se classe très bien. Comme vous l'avez mentionné, presque 40 % des députés sont des femmes, et on observe une participation importante des femmes au processus de paix. Il y a d'excellentes championnes des droits des femmes ici, mais les indicateurs en matière de santé sont consternants.
Quant aux erreurs que nous avons faites ou à celles du gouvernement du Mozambique, cela nous ramène vraiment au coeur de mon exposé: vous pouvez bien établir des indicateurs de la mortalité maternelle et de l'accès des filles à l'éducation, mais, faute d'un dialogue étendu qui fait la promotion de la valeur des femmes et des filles dans la société, et faute de mesures pour attaquer de front certaines de ces normes sociétales qui dévalorisent et exploitent les femmes et les filles, vos indicateurs ne seront que des mesures superficielles. Ils ne contribueront pas à un changement profond.
Le Mozambique est l'endroit où j'ai vraiment commencé à penser à notre mauvaise façon de travailler à l'égalité des sexes et aussi à notre besoin de collaborer plus volontiers avec les membres de la société civile.
Un des défis du Mozambique est que, comme il y a beaucoup d'aide au développement consentie au pays, de nombreuses femmes performantes travaillent pour le Haut-Commissariat du Canada, USAID, les CDC ou le DFID, ou pour l'ONU. On ne les entend plus, et elles ne sont pas en mesure de contribuer en tant que membres de la société civile. En outre, les organisations de la société civile qui sont là sont sous-financées.
C'est un endroit stimulant, intéressant et triste pour examiner les enjeux relatifs à l'égalité des sexes.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie toutes les deux de vos présentations.
Madame Mohammed, vous avez fait une description assez triste des droits des femmes en Irak actuellement. J'aimerais aller un peu plus loin. Quel est le niveau de participation des femmes au processus politique, de manière générale, ainsi qu'à la prise de décision en matière d'opérations de sécurité et de tout cela?
[Traduction]
Tout le monde sait que le pourcentage de femmes au parlement irakien est le résultat d'un quota, lequel était le résultat de revendications adressées aux autorités irakiennes par des organisations de femmes irakiennes à l'époque.
Nous avons effectivement 25 % des députées qui sont des femmes, mais vous avez peut-être aussi remarqué l'expression « représentation des femmes », répétée à de nombreuses reprises. La plupart de ces parlementaires appartiennent à des partis religieux et patriarcaux qui ont défini le rôle qu'elles allaient jouer, et leur loyauté vise davantage leur parti politique que leur sexe. Il ne s'agit pas d'une participation utile à l'amélioration de la situation des femmes en Irak.
En réponse à la question sur le rôle des femmes dans les efforts de réconciliation au pays, les femmes n'y participent pas du tout. Même les voix de la société civile sont muselées.
J'ai écrit dans mes notes d'allocution qu'une des initiatives qui avait été réduite au silence était la station de radio pour les femmes, la seule station pour les femmes, que nous avions fondée en Irak. Étant donné que nous avions fait campagne contre une loi très misogyne appelée la loi Jaafari, le gouvernement nous a ordonné de fermer la station sous de nombreux prétextes.
Les voix éloquantes des femmes sont étouffées. Le gouvernement ne veut pas de leur représentation utile dans les conseils et les comités. Le gouvernement lui-même est en constante mutation à ce stade, parce que le premier ministre se trouve dans une situation difficile, mais, malheureusement, la tendance n'est pas au progrès pour les gens ou vers une situation égalitaire. Ce ne sont que des partis religieux qui effectuent un remaniement au sein du gouvernement pour donner plus de sièges à tel groupe plutôt qu'un autre.
Vu la façon dont le gouvernement fonctionne, les chances données aux femmes ne semblent pas très bonnes. À moins qu'on donne à la société civile des moyens d'action et un rôle — avec l'encouragement de la communauté internationale, et avec un certain soutien du gouvernement canadien —, il n'y aura pas d'amélioration de la situation en Irak.
Entre la zone contrôlée par l'État islamique et celle du gouvernement irakien, les femmes font les frais de ce conflit. Bien que les hommes se fassent effectivement tuer — et il s'agit de massacres que l'on commet —, les femmes vivent une victimisation sexuelle à long terme à laquelle ni le gouvernement ni la communauté internationale ne réagissent de manière adéquate.
On se contente de soutenir la conquête militaire en Irak sans se soucier des victimes. Nous savons cela parce que nous avons les seules maisons de refuge en Irak réservées aux femmes. Nous en avons ouvertes pour les femmes yézidies et d'autres dans l'ouest de l'Irak, mais la communauté internationale est davantage préoccupée par le soutien militaire à l'armée du gouvernement irakien.
Je viens de la société civile. Je suis une canado-irakienne, et c'est pourquoi ma vision des choses est un peu critique, mais nous croyons que le changement peut s'opérer de là-bas. Le changement doit venir de la société civile, car tous les millions de dollars — et le chiffre est maintenant de 500 milliards — injectés dans le gouvernement irakien n'ont mené à rien.
Ce que vous avez dit au sujet de la participation à la réconciliation ou à la négociation pour la paix était très révélateur. Nous le voyons aussi en Syrie, où les femmes ne participent pas du tout.
Comme question complémentaire, lorsque vous parlez du besoin de soutenir la société civile, je présume que vous pensez au financement et aussi au fait que les femmes ne participent pas aux efforts de réconciliation là-bas. Le Canada pourrait-il faire quelque chose?
Assurément. Il y a l'argent, certes, mais le principal, c'est qu'après avoir travaillé pendant 13 ans — je ne veux pas utiliser le terme lutter, mais c'est ce que nous dirions dans la société civile — à promouvoir une culture d'égalitarisme, nous avons atteint un point où nous pouvons négocier avec le gouvernement sur des questions telles que l'hébergement des femmes et l'abolition des crimes d'honneur. Croyez-le ou non, les lois n'ont pas changé. Paul Bremer n'a pas voulu les changer, et les gouvernements subséquents n'ont pas voulu abroger la loi relative aux crimes d'honneur ni faire quoi que ce soit contre la traite des femmes.
Le monde entier a entendu parler de la traite des femmes yézidies par l'État islamique, mais personne n'est au courant de la traite de dizaines de milliers d'orphelins de guerre irakiens qui a lieu, à la vue de tous, à Bagdad, à Basra et dans l'ensemble de l'Irak. Les fonctionnaires du gouvernement ne lèvent pas le petit doigt, car certains d'entre eux tirent avantage de la pauvreté et de la vulnérabilité des femmes. Nous avons besoin d'un soutien logistique pour doter nos voix d'un pouvoir de négociation face au gouvernement pour l'organisation d'une conférence sur les femmes, pour que ces questions fassent l'objet d'une discussion et pour exiger des réponses de la part du gouvernement de l'Irak. Celui-ci récolte les revenus générés par le pétrole pendant que les femmes s'appauvrissent et deviennent de plus en plus vulnérables au sein de la société.
Pour ce qui est de la participation aux comités de réconciliation, il est clair qu'il s'agira là de l'une des exigences ou demandes pour lesquelles nous aurons besoin de votre soutien dans le cadre des négociations à venir avec le gouvernement.
Bienvenue, madame Mohammed.
Il importe de comprendre, lorsqu'on parle de reconstruction ou d'aide en Irak, qu'on ne part pas de zéro. Si l'on étudie l'histoire du rôle des femmes dans la société irakienne, par comparaison avec d'autres pays similaires du Moyen-Orient, on constate que la participation des femmes à la société civile irakienne était plus marquée; elles faisaient partie de la population active et elles étaient présentes sur la scène politique.
En effet, la constitution provisoire de 1970 garantissait des droits aux femmes, et les lois promulguées en vertu de la situation accordaient ou enchâssaient des droits que les femmes exerçaient. C'est dans les années 1990 que les choses ont commencé à se détériorer. Ensuite, comme vous l'avez mentionné dans votre témoignage, le Conseil de sécurité en 2003... Et les choses ont même empiré depuis.
Quels éléments, dans la constitution actuelle, dépouillent les femmes encore davantage de leurs droits et favorisent un programme plus religieux? À votre avis, qu'est-ce qui pourrait nous ramener à l'état de la société irakienne d'avant les guerres des années 1990 et peut-être lui permettre même de transcender cet état?
Merci. Il s'agit d'une très bonne question.
L'article 41 de la constitution en est un qui traite officiellement des libertés. Selon cet article, toutes les personnes irakiennes sont libres de choisir leur loi matrimoniale, en vertu de laquelle les femmes se marient ou divorcent, et en fonction de laquelle tous les litiges familiaux doivent être examinés. Cela dit, c'est un article très épineux, puisqu'il a permis aux tribunaux islamiques et au système judiciaire islamique de déroger à notre loi précédente, appelée la loi sur le statut personnel.
La constitution actuelle comporte de nombreux défauts, et cet article fait la part belle aux extrémistes en leur donnant la possibilité de réduire à néant toutes nos réalisations durement gagnées au fil de dizaines d'années de lutte par les Irakiennes. L'article 41 doit être abrogé. Cela fait maintenant 13 ans que nous en faisons la preuve, que nous en parlons et que nous faisons signer des pétitions pour y arriver.
Cela dit, en ce moment, le principe sous-jacent principal du gouvernement de l'Irak, à l'heure actuelle, est l'idée de l'extrémisme religieux. Abroger cet article reviendrait à annoncer l'échec de son message politique.
Je dirais qu'il s'agit du premier article sur lequel nous devons agir.
L'autre aspect à examiner est le fait que la constitution ne contient aucun article protégeant les libertés personnelles en Irak. Je ne sais que dire, j'ignore ce que nous devrions abroger, puisque les libertés personnelles n'ont pas été enchâssées dans nos lois. La raison pour laquelle j'attire votre attention sur ce point est que près de 1 000 femmes sont tuées dans des crimes d'honneur, lesquels continuent d'avoir lieu, et le gouvernement de l'Irak ne veut pas remédier à cette situation.
La violence familiale, la traite de personnes et la violence sectaire continuent d'être la norme, et les femmes n'ont aucun endroit où se réfugier. Les autorités irakiennes continuent à dire que cette question détruira nos valeurs traditionnelles, et certains fonctionnaires parlent de valeurs religieuses. Je ne sais pas quelles sont les valeurs qui permettent la violence contre les femmes, mais une chose est sûre: au point où nous en sommes, nous avons besoin de lois pour habiliter les ONG à ouvrir des refuges. Nous savons que, pour les 30 à 40 femmes qui se cachent en ce moment dans nos refuges, nous avons besoin d'une autorisation légale pour rendre cette fonction acceptable en Irak.
Il s'agit d'une question qui peut être négociée. Entre les années 2016 et 2017, nous avons atteint un point, dans notre travail en Irak, où, grâce à un soutien logistique de la part du gouvernement canadien, nous pourrions nous tailler une place à la table de négociation. Nous en avons parlé à la direction du comité des femmes au Parlement, et nous avons incorporé au projet la construction de refuges pour les femmes dans la zone tampon entre le territoire occupé par l'État islamique et celui occupé par l'Irak, où les femmes ont été victimes de viols perpétrés par l'État islamique et de crimes d'honneur commis dans les tribus irakiennes.
Nos projets sont sur la table. Nous avons besoin de soutien logistique pour être prises au sérieux par notre gouvernement et pour inciter celui-ci à faire son entrée dans le XXIe siècle. Je n'arrive pas à croire qu'au XXIe siècle, presque — je vais lancer des chiffres parce que je suis une militante, et parfois, les militants s'appuient sur des chiffres — 5 000 femmes sont des esclaves sexuelles dans l'ouest de l'Irak, plus de 6 000 femmes font l'objet d'une traite —au vu et au su de tous — en Irak même, et près de 1 000 femmes sont tuées chaque année dans des crimes d'honneur, et le gouvernement ne croit pas qu'il s'agit d'une priorité. Pour que le gouvernement en vienne à croire que les femmes sont des citoyennes à part entière, la communauté internationale qui a appuyé ses efforts jusqu'à ce jour doit lui parler.
Je ne suis pas vraiment spécialiste du plan d'action national du Canada ni de la façon dont il a soutenu les efforts en Irak, mais j'aimerais en apprendre davantage à ce sujet, si les renseignements sont accessibles. Je retourne en Irak le mois prochain, et mes collègues seraient intéressés à en savoir davantage à cet égard.
Madame Percival, en octobre 2015, vous avez écrit que l'approche actuelle du Canada en matière de santé maternelle peut permettre aux filles et aux femmes de survivre, mais elle ne permet pas de créer un contexte qui améliore leur sort. La réalité, c'est que, dans de nombreux pays, la discrimination et l'exploitation omniprésentes des femmes et des filles sont la cause première de mortalité maternelle.
Du point de vue des femmes, de la paix et de la sécurité, quelle solution pourriez-vous voir à ce problème dans la région?
C'est une question intéressante.
La résolution du régime du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, en 2000, ne traitait pas vraiment des services de santé. Je crois qu'il n'en a été question qu'en 2009.
Le programme sur les femmes, la paix et la sécurité insiste sur la prestation de services de santé, mais pas sur l'utilisation de ces services pour changer le contexte de vie des femmes et des filles. Je dirais la même chose de l'approche adoptée pour mettre en œuvre ce programme. Elle ne va pas jusqu'à viser à changer les conditions de vie des femmes et des filles, puisqu'elle ne fait pas la promotion de l'égalité des sexes de façon catégorique.
Son approche de l'égalité des sexes est discrète, comme je l'ai déjà mentionné.
Les tenants de cette approche assimilent la prestation de soins prénataux et l'atteinte d'un certain taux d'accouchements assistés à l'atteinte de l'égalité des sexes. Or, selon toute une succession d'études, il a été démontré que de nombreuses normes sexospécifiques influent sur la décision des femmes d'accéder ou non à des soins de santé et sur la qualité des services de santé fournis dans un établissement de santé. Il est essentiel de se pencher sur ces normes sexospécifiques générales si l'on veut faire des progrès à l'égard des indicateurs de la santé.
Je vous remercie.
J'aimerais poser une question un peu plus générale, et je commencerai par Mme Mohammed.
Quels sont les moyens les plus efficaces de soutenir et de protéger les défenseurs des droits des femmes et les organismes locaux pour les femmes qui travaillent dans des régions instables et touchées par la guerre? Plus précisément, commençons par nous pencher sur le cas de l'Irak.
En effet, les défenseurs des droits des femmes sont confrontés au danger que représentent les milices locales et les forces paramilitaires, en plus de parfois faire l'objet d'intimidation de la part des autorités.
Je parlerai de mon expérience personnelle. En 2008, j'étais en danger, et cela a m'a fait perdre mon passeport canadien. Lorsque j'ai communiqué avec l'ambassade canadienne de la région, ils n'ont pas du tout été coopératifs. J'étais dans une situation critique. La guerre sectaire faisait rage, et je me retrouvais sans logis et dans la rue, et l'ambassade canadienne n'a pas cru qu'il s'agissait d'un problème important.
Ce dont les défenseurs des droits des femmes ont besoin, c'est d'un accès à des endroits sûrs, tout comme les femmes en danger sous le joug de l'État islamique. Votre travail suppose que vous remettiez en question les politiques gouvernementales visant les femmes, et les représentants de notre gouvernement ne sont pas toujours conciliants sur les questions relatives aux femmes. Il faut parfois se sauver en courant et chercher refuge.
J'en parle depuis 10 ans. Les défenseurs des droits des femmes ont besoin d'une sorte de passeport diplomatique leur donnant accès à un lieu sûr en cas de besoin. Si le Canada pouvait créer un précédent et fournir cet accès de façon honorifique à des femmes ayant un dossier fiable et travaillant pour la défense des femmes, ce serait merveilleux, mais il possible que je rêve en couleurs.
Je crois que ceux d'entre nous qui jouissent de la double citoyenneté sont privilégiés. Nous pouvons aller et venir. Nous avons vu le meilleur du monde, et nous vivons dans les pires endroits du monde. Nous pouvons faire beaucoup pour soulager la douleur des femmes dans les deux pays, mais nous avons besoin de privilèges accrus et d'une plus grande mobilité.
Je crois que les défenseurs des droits de femmes se trouvent au centre de tout ça, mais je ne voudrais pas que la discussion s'arrête là. Quelle était l'autre partie de votre question concernant les femmes en général?
Au fil de nos 13 ans d'expérience en Irak, nous avons été témoins du financement d'organismes pour les femmes qui étaient étroitement liés au gouvernement et qui ne travaillaient pas à changer les choses pour le mieux. Les organismes pour les femmes qui remettaient des choses en question, qui protégeaient les femmes et qui faisaient la promotion de tous ces piliers de la résolution 1325 ont perdu leur financement. Certains d'entre eux ont été dissous, et leurs membres se sont retrouvés isolés.
Je dirais que le financement est un outil essentiel pour la survie, à l'instar de l'accès à des endroits sûrs.
Merci, madame Mohammed. Merci d'être ici.
Je crois que je vais commencer par une question d'ordre général. Concernant ce qui doit être fait... De toute évidence, une grande partie du contexte irakien est rattachée au conflit sectaire. Je me demande quelle est votre idée du rôle des femmes dans l'atténuation des différends sectaires, qui comptent pour une grande partie du conflit. Il s'agit d'une question ouverte... Peut-être avez-vous quelque chose à dire à ce sujet.
Mettre fin à la violence contre les femmes en Irak est l'un des enjeux principaux des femmes. Au fil de notre expérience auprès de plus de 40 organismes du réseau contre la traite des femmes irakiennes, nous nous sommes rarement heurtés à des différences sectaires dans le cadre de réunions. Lorsqu'une personne soulevait des différences sectaires, on réagissait sur-le-champ: on lui disait que cela ne correspondait pas à l'avenir que nous étions en train de façonner pour l'Irak. La plupart des organismes pour les femmes que nous avons rencontrés et avec lesquels nous travaillons s'entendent pour mettre fin aux différences sectaires.
J'aimerais élargir la portée de la question. Vous seriez surpris de voir à quel point, dans la société, les différences et les conflits sectaires sont habituellement le fruit de manoeuvres politiques. En 2003, on nous a dit que nous devrions nous présenter en fonction de notre identité religieuse. Je me rappelle un entretien avec une spécialiste de l'égalité des sexes aux États-Unis et au Royaume-Uni où je parlais des enjeux touchant les femmes; elle m'avait recommandé d'aller parler au mollah, au chef religieux de mon groupe... Au fil des ans, il est devenu clair que c'étaient les partis politiques religieux qui avaient du pouvoir et qui influençaient le parlement.
En Irak, c'est la planification politique qui a imposé les différences sectaires. Si la formule du parlement change, et que celui-ci s'ouvre à la possibilité que des groupes communautaires présentent des candidats, sans les restrictions actuellement appliquées aux élections, vous serez étonné. La société ne souhaite pas de sectarisme, mais les partis politiques, surtout ceux appuyés par la République islamique d'Iran, sont toujours les grands gagnants dans cette situation. Ceux qui ont un programme sectaire, qui ont causé une scission au pays, ont également procuré à l'État islamique un appui social intéressant.
Les femmes s'opposent clairement aux différences sectaires, et les institutions de la société civile s'y opposent aussi. Ce sont les partis politiques soutenus par la République islamique d'Iran ou par l'Arabie saoudite qui travaillent au détriment du peuple irakien. C'est à eux que nous cherchons à nous opposer en apprenant toutes ces tactiques. C'est un combat difficile en Irak, surtout lorsque l'on souhaite voir un avenir laïc et égalitaire. Il faut se montrer très prudent. On marche en terrain miné. Il faut être très gentil avec des assassins, avec ceux qui ont perpétré des massacres; mais nous croyons pouvoir y arriver, en tant qu'institutions de la société civile.
Merci à vous deux de témoigner aujourd'hui.
Madame Percival, l'un de vos domaines d'expertise est celui des soins de santé à l'échelle mondiale. Vous avez écrit sur le lien entre les soins de santé et l'égalité des sexes. Dans votre témoignage, vous avez dit qu'il importait de mobiliser et d'incorporer le secteur de la santé dans des situations post-conflit.
Je crois que vous nous avez déjà fourni un indice de votre réponse lorsque vous avez parlé de décentralisation, mais pourriez-vous approfondir? Pourriez-vous offrir des conseils à la communauté internationale — au Canada — sur la façon d'incorporer le secteur de la santé dans les situations post-conflit? Je pense aux États qui sortent d'une période de conflit et qui cherchent des façons de reconstruire leur société. L'économie est axée sur la reconstruction — ou plutôt sur la transition vers la démocratie — et sur le paysage politique du pays. Ces aspects reçoivent toujours l'attention, mais pourriez-vous parler plus particulièrement du secteur des soins de santé?
Pour ce qui est des soins de santé... Beaucoup de ressources et de renseignements financiers sont fournis au secteur de la santé dans certains domaines en particulier — et ceux-ci reflètent les objectifs du millénaire pour le développement —, la santé maternelle, le VIH, la tuberculose, le paludisme, etc.
Le fait que les pays donateurs concentrent leur aide sur ces domaines particuliers a souvent pour effet de fragmenter la prestation des soins de santé. Les ONG fournissent certains services, et le gouvernement en offre d'autres. Cela ne donne pas un système de santé intégré.
C'est pourquoi il importe de continuer à soutenir le gouvernement au moyen d'un financement par secteur, comme c'est le cas au Mozambique. Il faut renforcer la capacité du système de santé pour être en mesure d'offrir ces services, qui constituent une composante importante du contrat social entre le gouvernement et ses citoyens.
Cela reflète toute l'importance du système de santé en situation post-conflit. Si le gouvernement peut démontrer qu'il peut fournir des services de santé gratuits et de bonne qualité couvrant la majorité des besoins essentiels, et à un faible coût pour les autres besoins, la confiance de la population en son gouvernement et la participation à la société peuvent s'en trouver améliorées.
Le système de santé a été sous-utilisé et sous-étudié dans l'effort de promotion de l'égalité des sexes en situation post-conflit. Je trouve illogique que l'institution avec laquelle les citoyens interagissent le plus au cours de leur vie, c'est-à-dire le secteur des soins de santé, a été complètement écartée du programme sur les femmes, la paix et la sécurité.
Selon le programme sur les femmes, la paix et la sécurité, nous devons encourager les femmes à s'intégrer aux forces armées et à la police. Nous devons encourager la participation des femmes aux processus de paix, et encourager également, dans des pays tels que l'Irak, l'utilisation d'un système de quotas: 30 % de femmes au parlement. L'institution avec laquelle les citoyens ont le plus de contact a été écartée de cet effort de promotion de l'égalité des sexes.
L'une des recommandations qui se dégagent de la recherche que je mène à l'Université de Liverpool est d'étudier les stratégies en matière de ressources humaines dans le système de santé. Il faut réfléchir à la façon de faire en sorte que les femmes accèdent à des postes de direction dans les établissements de soins de santé ainsi qu'à la façon de mettre le système de santé au servive de la promotion de l'évolution des normes sexospécifiques et des normes sociales afin que les femmes et les filles soient plus valorisées.
C'est une question intéressante. Cette institution est largement sous-utilisée dans les situations post-conflit comme moyen de renforcer la capacité de l'État, de bâtir la confiance des citoyens en l'État, d'inciter ceux-ci à participer à la société de promouvoir l'égalité des sexes.
Je vous remercie.
Dans votre témoignage, vous avez parlé d'inclure les hommes et les garçons dans ce que vous avez appelé, je crois, des programmes de sensibilisation. Pourriez-vous nous donner des exemples précis de réussites dans ce domaine, ou de réussites relatives, si je puis m'exprimer ainsi? Ou s'agissait-il d'une simple idée?
Une recherche à petite échelle a été menée pour étudier la possibilité d'inclure les hommes et les garçons aux efforts de réduction de l'incidence et de la prévalence de violence fondée sur le sexe. Cette recherche, menée en Côte d'Ivoire, était chapeautée par la London School of Hygiene and Tropical Medicine.
Je ne saurais vous donner des détails au pied levé, mais je sais que l'entreprise a été couronnée de succès. C'était une bonne stratégie. Je crois que des efforts sont déployés pour mener des études à ce sujet dans d'autres contextes.
Je sais que la prescription de médicaments antirétroviraux en Afrique... Comme vous le savez, il y a davantage de femmes séropositives que d'hommes. L'une des difficultés est que les femmes continueront à prendre des antirétroviraux... Elles découvrent souvent qu'elles sont séropositives alors qu'elles sont enceintes. Elles continuent à prendre des antirétroviraux tout au long de leur grossesse. Après l'accouchement, elles ne se rendent plus à la clinique pour obtenir des médicaments antirétroviraux. Les choses se déroulent ainsi pour diverses raisons, mais l'une d'entre elles est que, bien souvent, des hommes dans leur famille ou dans leur collectivité les empêchent de le faire.
Au Malawi, un projet vise à étudier la communication avec la collectivité comme moyen de réfuter ses croyances sur les femmes et de promouvoir leur besoin et leur droit d'accéder à des soins de santé, et l'efficacité de ce moyen a été avérée. Des efforts sont déployés pour en tirer des leçons et pour mettre en oeuvre ce projet dans des pays comme le Mozambique. J'ai un ami qui travaille pour le CDC ici, et cette organisation explore la possibilité de mettre en œuvre un programme similaire ici, ainsi que la façon d'y arriver.
Merci beaucoup. Tout au long de notre étude, nous avons examiné clairement les enjeux touchant les femmes, la paix la sécurité de façon très large; d'une façon très spécifique aussi, en situation post-conflit, mais toujours en termes généraux. Si nous voulons parler de ces questions et intervenir, je crois que nous ne pouvons pas faire fi de la nécessité d'inclure les hommes. Les programmes de sensibilisation dont vous avez parlé sont très intéressants. Merci beaucoup.
Merci beaucoup à tous les membres du Comité.
J'aimerais en profiter pour remercier nos deux témoins; bien entendu, Mme Percival, qui est demeurée éveillée toute la nuit, nous attendant patiemment. Un gros merci.
Madame Mohammed, j'ai été vivement intéressé par la conversation que vous avez eue avec les membres du Comité concernant la façon de protéger les groupes de femmes sur le terrain. Nous venons d'entamer une discussion sur ce sujet très important, et nous avons entendu d'autres témoins en parler. Comme vous le savez, nous sommes en train d'essayer de dresser un rapport qui portera sur certains problèmes comme celui-ci sur le terrain, car s'il est vrai que la vie des organismes et des femmes sur le terrain qui tentent de travailler avec les femmes en crise sont en péril, il serait tout à notre avantage de chercher à trouver des solutions. Je vous suis reconnaissant pour votre témoignage. Vous nous avez assurément donné matière à réflexion.
Enfin, vous avez posé une question concernant les pays ciblés. Comme vous le savez, le Mozambique en est un. Nous allons entamer la discussion sur les pays ciblés et fournir des conseils au gouvernement concernant non seulement les pays ciblés, mais aussi les pays partenaires, ainsi que la question de savoir si ces efforts devraient être élargis ou, comme nous en avons discuté ici, si nous devrions les étendre à certains domaines, comme celui de la santé, notamment.
Je tiens à vous remercier, toutes les deux, au nom du comité, et à vous dire que je suis impatient de poursuivre la discussion. N'hésitez pas à nous fournir des renseignements ou, si vous croyez que nous devrions étudier d'autres documents, nous vous saurions gré de nous le faire savoir. Encore une fois, au nom du Comité, merci beaucoup.
Maintenant, chers collègues, nous prenons une pause de cinq minutes. Nous allons ensuite passer à huis clos pour nous pencher sur les instructions pour la rédaction du rapport de cette étude en particulier.
Nous prenons donc une courte pause. Ceux qui ne devraient pas être ici devraient partir; pour ceux qui doivent être ici, la séance est suspendue pour cinq minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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