FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 4 mai 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, puisque nous sommes toujours un peu pressés par le temps, je pense que nous commencerons presque à l'heure ce matin. Nous poursuivons notre importante étude sur les États-Unis et la politique étrangère du Canada.
Nous entendrons aujourd'hui M. Charles Doran, professeur de relations internationales et directeur des études canadiennes à la Johns Hopkins School of Advanced International Studies. Bienvenue.
Du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, nous accueillons M. Fen Osler Hampson, membre émérite, directeur du programme global de sécurité et politique. Merci de votre présence.
Normalement, comme le personnel a dû vous le dire, j'en suis certain, nous écoutons d'abord vos présentations, puis nous passons directement aux questions de nos collègues, les députés ici présents.
Je ne sais trop qui a décidé d'y aller le premier.
D'abord, c'est un grand honneur pour moi d'être ici pour discuter avec vous d'un sujet toujours important, les relations canado-américaines, mais qui à ce stade-ci revêt probablement plus d'importance que depuis fort longtemps.
Je n'étais pas tout à fait sûr des instructions reçues, aussi j'ai tenté de répondre brièvement à chacune des questions. Je crois que j'avais le choix des questions, mais je n'ai pas fait cela. Je n'ai sûrement pas répondu suffisamment à aucune d'elles, mais je vous offre ma réponse courte, exactement telle que je l'ai imprimée.
D'abord, à mon humble avis, le Canada doit aborder le président Trump avec circonspection, surtout pour ce qui est des relations interpersonnelles. Malgré son image publique de protestataire, il n'aime pas les antagonismes interpersonnels, notamment lorsqu'il est présent physiquement. En revanche, le Canada doit, à mon avis, indiquer clairement et fermement ses intentions. M. Trump écoute, mais soyez prêts à mener des négociations serrées en ce qui a trait à ses principales priorités.
Je pense que le commerce et l'investissement retiendront grandement son attention. L'approvisionnement des industries est notamment un sujet très délicat, comme votre secrétaire parlementaire le relevait hier à Washington avec tant de justesse et de clarté. M. Trump a besoin qu'on lui rappelle dans quelle mesure une frontière ouverte est importante pour nos deux pays. II doit également savoir à quel point cette frontière est en fait bien contrôlée et quel est le bilan qui s'y rattache en matière de coopération et de sécurité. Je sais qu'il est au courant de ces choses-là. Il faut juste lui en rappeler l'importance. En fin de compte, certaines des répercussions politiques les plus importantes pour le Canada n'auront rien à voir avec les relations étrangères, mais à cause de l'intégration des économies, elles viendront plutôt des décisions stratégiques internes des États-Unis, comme la possibilité d'une grande réduction des taux d'imposition des sociétés, l'importante hausse éventuelle des dépenses dans les infrastructures et les inquiétudes au sujet des modifications apportées à la politique en matière d'immigration et de réfugiés.
Voici ma réponse à la deuxième question. Face aux préoccupations que le Canada pourrait avoir concernant ses relations commerciales sous Trump, il y aurait lieu peut-être de rappeler à l'administration Trump qu'il faut s'attaquer multilatéralement aux déficits commerciaux et aux déséquilibres financiers, plutôt que de procéder dans une optique essentiellement bilatérale. Cela dit, lorsque d'importants déséquilibres défavorables aux États-Unis persistent, le gouvernement en place à Washington se plaindra surtout de ceux qui ne sont pas seulement structurels. Les échanges entre les États-Unis et le Canada sont toutefois très équilibrés. Il n'y a qu'à regarder les deux dernières années pour s'en rendre compte. Ce sont surtout le Mexique et la Chine qui posent problème aux Américains.
En réponse à la troisième question, auparavant, le Canada cherchait à mettre davantage l'accent sur ses relations bilatérales avec les États-Unis. Fen Hampson et moi nous sommes penchés là-dessus, lui davantage que moi en fait, du côté canadien en tout cas, mais il y a bel et bien eu des discussions à ce sujet.
Malgré le commencement de la renégociation de l'ALENA, ou du moins son inscription au calendrier, dans de nombreux dossiers, ces relations sont surtout bilatérales. Il semble que les États-Unis chercheront à renforcer les dispositions sur les règles d'origine, du moins ils aimeraient bien le faire. Par ailleurs, ils voudront peut-être modifier les procédures suivies par le groupe de règlement des différends. Autant vous avouer qu'en tant que farouche partisan de l'ALENA, j'ai eu mon mot à dire au sujet de ces procédures il y a longtemps. L'administration en place à Washington ne les aime pas beaucoup. Elle a parlé d'accorder plus d'attention aux questions relatives à la main-d'oeuvre. Je crois savoir de quoi il s'agit, mais c'est le Mexique qui est visé, pas les relations canado-américaines.
Quant à la quatrième question... pour dire les choses comme elles sont... dans le contexte du commandement du Nord et du NORAD, je préconise depuis longtemps l'élargissement des responsabilités du Canada dans l'Arctique et les régions extracôtières. Je sais que ses responsabilités se limitent à la surveillance et au contrôle, mais elles sont absolument essentielles. Il n'y a pas deux autres pays au monde qui ont coordonné leur défense avec le degré de confiance qui existe entre le Canada et les États-Unis. En fait, je pense que la totalité ou presque des Américains n'ont aucune idée de son fonctionnement. Vous, oui, je n'en doute pas. Je constate toutefois qu'on est peu enclin à s'engager dans la direction que j'indique.
Sur un autre sujet, les États-Unis sont préoccupés par le fait que le Canada ne dépense que 1 % de son PIB dans la défense. Ils se demandent comment le Canada peut avancer qu'il n'est pas en mesure d'y affecter une plus grande partie de son budget militaire, en augmentant ces dépenses sur une période de 20 ans, comme on voit les choses au sud de la frontière. Du point de vue américain, ces manoeuvres budgétaires, je vous le dis franchement en tant qu'universitaire, donnent l'impression que le Canada essaie d'éviter une hausse de ses dépenses actuelles en matière de défense, aussi erronée que cette interprétation puisse être.
Cinquièmement, je crois que les États-Unis continueront de favoriser une coordination étroite des activités de contrôle et de surveillance. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Je viens juste de prendre part aux travaux d'un groupe d'étude sur l'Arctique avec le Council on Foreign Relations et nous avons touché à tout cela. Nous avons appris entre autres qu'il semble y avoir plus de bisbille bureaucratique aux États-Unis sur la manière de réagir à toute éventualité que de désaccord entre le Canada et les États-Unis à propos de la surveillance. Je suppose qu'il faut s'en réjouir. Quoi qu'il en soit, je dirai au moins ceci: quand la situation s'envenime, on sait toujours quel avion faire décoller. Je ne vois pas là de véritable problème.
À mesure que l'Arctique fond, on y observe une hausse des transits, des nouvelles mines, des nouveaux sites de forage pétrolier et des activités commerciales. Les problèmes se multiplient. Le Conseil de l'Arctique a adopté un énoncé stratégique prospectif de préservation des stocks de poissons dans l'Arctique, mais les pays ayant les plus grandes flottilles de pêche, à savoir la Chine, Taiwan et le Japon, n'ont pas signé l'entente. Je sais que des négociations se déroulent ici en parallèle au sujet des pêches, mais je vous assure, à voir la taille des flottilles chinoises et à voir les subventions... nous subventionnons tous, dans une certaine mesure, les pêcheurs, qui n'arrêtent pas de se plaindre. Les Chinois ont largement subventionné leurs flottilles de pêche, ce qui signifie que tous ces bateaux vont devoir aller quelque part et, malheureusement, je pense que les yeux sont tournés vers l'Arctique.
Une coordination plus étroite entre les États-Unis, le Canada et le Groenland, c'est-à-dire le Danemark, est inévitable. La Russie prend rapidement les devants en rouvrant tous ses anciens aérodromes dans l'Arctique. Elle a quelque 20 brise-glaces, comme vous le savez, y compris des brise-glaces lourds, tandis que les États-Unis en ont à peine trois. Je dis « à peine » parce que je ne suis pas certain qu'ils peuvent tous s'y rendre en même temps. Des changements seront nécessaires, mais l'administration Trump n'a pas accordé beaucoup d'attention à l'Arctique jusqu'à maintenant, ce qui pourrait changer. Les choses changent très rapidement avec elle.
Sixièmement, l'administration Trump, à mon avis, a procédé à des nominations de premier ordre au Cabinet et possède un excellent conseil national de sécurité. Or, tous mes amis universitaires disent que c'est ridicule, parce qu'on n'y trouve pas d'universitaires, justement. Pourquoi y en aurait-il? Quel genre d'expérience ces gens-là ont-ils? Je vous l'affirme, Rex Tillerson a conclu plus de marchés et parlé à plus de gens et réfléchi à la politique internationale mieux que la plupart des personnes pressenties pour son poste. On aurait tort de sous-estimer ce genre de talent. L'administration a plus de mal à faire approuver les autres nominations, qui prennent trop de temps.
L'administration Trump souhaite de meilleures relations avec la Russie — tiens donc! —, mais elle a été très déçue jusqu'à maintenant dans le dossier de la Syrie. Bien entendu, tout cela a pesé dans les enjeux de la campagne présidentielle. La presse et l'opposition — qui vient de toutes parts, d'ailleurs — en ont tellement parlé qu'il devient très difficile de cerner ce qui se passe exactement. Mais on n'est pas naïfs dans l'administration Trump, on se demande simplement pourquoi on doit se quereller tout le temps avec Poutine. On voit bien que c'est en partie une question de stature, parce que quelqu'un a déjà dit que la Russie n'était qu'une puissance régionale. Si on veut irriter les Russes, on ne s'y prend pas mieux. À mon avis, la Russie est une grande puissance qui traverse une mauvaise passe, sur le plan économique en tout cas.
La Russie suscite la controverse à Washington ces jours-ci. Elle a bâclé l'affaire de l'attaque au sarin, cela ne fait aucun doute. Je ne sais pas si les Russes avaient été informés à l'avance. Je suis sûr qu'ils n'auraient pas approuvé, non pas par souci moral, mais parce qu'ils y auraient vu une mauvaise politique. Or, c'est arrivé et ils se sont retrouvés à défendre les Syriens, ce qui a fâché pratiquement tout le monde à Washington. C'était une erreur. L'administration Trump est néanmoins déterminée à continuer de reconnaître la Russie comme un membre important du système des grandes puissances.
L'administration Trump considère maintenant l'OTAN comme une alliance de défense essentielle, contrairement à ce qui s'est dit durant la campagne, mais elle aimerait que les Européens contribuent davantage à leur défense. Est-ce une surprise? Pas vraiment. C'est une idée qui gagne en faveur, il y a des indices pour le prouver.
Septièmement, l'administration Trump a déclaré publiquement qu'elle punirait encore plus sévèrement le groupe État islamique, peu importe ce qu'elle entend par là. Le problème, c'est que la Russie et l'Iran sont censés être des partenaires dans cette lutte. Il sera impossible de changer le régime en Syrie tant que les Russes appuieront Assad de façon inconditionnelle. De plus, même si l'influence iranienne augmente en Irak, le Canada et les États-Unis doivent continuer de soutenir le gouvernement irakien malgré les circonstances très difficiles.
Huitièmement, je ne sais pas où en est le plan d'action global commun. À la suite d'un changement de gouvernement — selon mes spéculations —, on doit s'attendre à ce que certaines modifications, qui seront peut-être passives, soient apportées à ce genre d'ententes stratégiques.
Enfin, le département d'État américain et d'autres agences gouvernementales font l'objet de compressions budgétaires, mais il est fort probable que les dépenses traditionnelles en matière de défense augmenteront. Il faut donc s'attendre à des compressions comme celles-là dans le financement américain de certaines institutions multilatérales. Tout ce que je dirai, c'est qu'il est possible que d'autres démocraties, surtout celles qui ne respectent pas le seuil de dépenses de 2 % de l'OTAN, augmentent de manière compensatoire le financement qu'elles accordent à ces institutions — du moins celles qui en reconnaissent l'importance.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup. Merci de m'offrir cette occasion de témoigner devant votre comité.
Je vais me concentrer sur l'ALENA et sur l'avenir de l'ALENA, plutôt que d'aborder les nombreuses questions que vous avez préparées, et auxquelles mon bon ami Charles Doran a si bien répondu.
D'abord, à mon avis, pour l'administration Trump, les négociations de l'Accord de libre-échange nord-américain font partie d'une grande stratégie visant à donner le ton aux partenaires des États-Unis avec lesquels il existe un réel déséquilibre commercial, c'est-à-dire la Chine et l'Allemagne.
Selon un vieil adage chinois, il faut « tuer le poulet pour effrayer les singes ». C'est précisément ce que l'administration veut faire, je pense. Et c'est ainsi qu'il faut interpréter la réaction qu'a eue la Corée d'après ce qu'elle a déduit de certaines déclarations du président américain au sujet de l'ALENA.
Cela m'apparaît tout à fait conforme aux origines de l'ALENA, qui dictaient à la fois le ton et le contenu des politiques subséquentes en matière de libéralisation du commerce, sauf que cette fois, le président Trump fait passer les politiques commerciales des États-Unis en marche arrière.
Les pressions dont nous sommes témoins n'ont pas commencé avec Donald Trump. Le bois d'oeuvre est un irritant depuis toujours, comme le sont les produits laitiers, le boeuf et le porc. Les pressions internes aux États-Unis grandissent depuis très longtemps. Ceux parmi vous qui ont la mémoire longue se rappelleront la candidature à la présidence de Ross Perot au siècle dernier.
À première vue, le rapport de force dans les négociations entre le Canada et les États-Unis apparaît bien inégal. À bien des égards, ce sont eux qui ont la grosse économie. Et leur croissance dépend beaucoup moins du commerce que la nôtre. Bien que le commerce se fasse dans les deux sens et que la balance, comme l'a fait remarquer M. Doran, penche actuellement en faveur des États-Unis, davantage encore si on enlève l'énergie de l'équation, et, bien que nous ayons raison de rappeler les faits aux Américains, les faits, comme nous l'avons constaté, ne pèsent pas nécessairement lourd devant l'actuelle administration.
Quant à l'avenir de l'accord, la vraie question est la suivante: quelle sera notre stratégie de négociation? J'aurais trois points à faire valoir. Premièrement, nous devons admettre que le statu quo est indéfendable. Deuxièmement, nous devrons faire des concessions — à quel sujet et à quel moment, cela reste à voir —, mais aussi déterminer des avantages comparables à obtenir en retour. Dans toute négociation, on ne cède rien sans contrepartie. Troisièmement, la donne nous est défavorable, mais si nous jouons bien nos cartes, nous pouvons égaliser les chances et promouvoir nos intérêts.
Depuis le temps que nous traitons avec eux, nous savons pertinemment que les Américains négocieront en modifiant sans avertissement leur position. Rappelez-vous les chocs commerciaux de 1971, sous Nixon. Sans explication, les Américains vont soudainement faire grimper leurs exigences, comme c'est arrivé dans les négociations de l'ALENA original et dans celles du Partenariat transpacifique. Ils vont briser des ententes ou des promesses antérieures, comme ils l'ont fait avec les clauses de l'ALENA sur le règlement des différends. Ils vont aussi exercer une pression énorme, brandir des menaces et présenter des exigences qui dépasseront de loin notre marge de manoeuvre.
Trump ne négociera pas autrement que ses prédécesseurs, à cette grande différence que Ronald Reagan, les deux Bush et Bill Clinton étaient en faveur du commerce. Trump est un mercantiliste nationaliste.
Notre stratégie devrait s'articuler autour de cinq éléments essentiels. D'abord, dire clairement quels sont nos intérêts et ce que nous voulons obtenir. Deuxièmement, être prêts à jouer une solide partie offensive et défensive; la gentillesse n'a pas sa place dans les négociations. Troisièmement, ne pas se lancer dans des discussions avant que les objectifs américains et mexicains soient bien clairs, ce qui n'est pas le cas actuellement. Quatrièmement, exploiter à notre avantage les failles qui existent réellement au sein de l'administration et entre celle-ci et le Congrès. Cinquièmement, n'user de représailles ponctuelles qu'en dernier recours, en raison des dangers d'escalade qu'elles présentent.
Je dirais aussi que l'attentisme n'est pas une mauvaise stratégie au départ. L'administration est nettement divisée entre les faucons comme Steve Bannon et les modérés, la bande à Goldman Sachs dont fait partie Gary Cohn, le conseiller économique national du président, une étoile montante à la Maison-Blanche.
Cohn a indiqué clairement qu’il ne voulait pas déclencher de guerre commerciale entre les partenaires de l’ALENA. Par ailleurs, le Congrès ne fait pas confiance à l’administration, laquelle n’a toujours pas énoncé ses objectifs pour les négociations commerciales. Pour que Trump accélère la procédure d’autorisation pour les accords commerciaux, y compris pour les modifications à l’ALENA, il devra donner au Congrès un avis de 90 jours. Il devra notamment établir les objectifs de son administration et mener des consultations auprès du comité des voies et des moyens et de la commission des finances du Sénat puisque le commerce relève de leur compétence.
Le président Trump n’a pas le plein pouvoir de prendre des mesures qu’elles soient positives ou négatives à l’égard du commerce sans l’approbation du Congrès. Son discours ainsi que ceux de Bernie Sanders et d’Hillary Clinton ont contaminé la vision du commerce en Amérique et au Congrès et c’est là globalement le réel problème avec le commerce.
Je crois aussi que Trump est à la recherche d’une solution rapide pour l’ALENA. Comme ses autres initiatives à l’échelle nationale en sont au point mort, il voudra à tout prix obtenir des résultats dans un dossier. La solution facile sera — en toute honnêteté — d’ajouter à l’ALENA certaines des dispositions clés déjà négociées dans le Partenariat transpacifique, comme un renforcement des normes en matière de travail, d’environnement et de commerce électronique et des politiques qui éliminent les subventions à l’agriculture.
Trump est pressé de conclure un accord, comme l’a dit haut et fort son secrétaire au commerce et cela joue en notre faveur puisque nous pouvons laisser passer le temps. De plus, si nos stratégies de retardement ou d’évitement échouent, nous pourrons limiter le contenu ou la portée des compromis que nous aurons à faire plus le temps passera. Nous aurions ainsi à céder sur certains points qui — bien franchement — revêtent une moindre importance dans l’équation commerciale, comme les subventions à la production laitière.
Au début des négociations, nous devrions éviter de faire des promesses formelles. Nous devrions plutôt miser sur l’ambiguïté jusqu’à ce que nous ayons examiné et évalué attentivement la proposition de Washington et celle de Mexico.
Permettez-moi de revenir sur ce qu’a dit M. Doran. Nous canalisons nos efforts vers le commerce, mais il est important de considérer les choses dans leur ensemble et d’observer quelle direction les États-Unis prendront avec leurs politiques fiscales et industrielles. Notre régime d’impôt des sociétés a imposé une concurrence importante aux États-Unis. Or, le vent pourrait tourner. Ici, nous parlons de hausser l’impôt des sociétés tandis que Trump veut les baisser et a déjà déposé un projet pour abaisser l’impôt pour les entreprises individuelles. La politique sur le carbone des États-Unis — du moins la politique fédérale — a fait un virage à 180 degrés par rapport aux politiques de l’administration Obama. D’ailleurs, la déréglementation est la devise en ce moment. Certains États utilisent les lois sur le droit au travail pour attirer des investissements dans le secteur manufacturier et des investissements étrangers.
Moins nous serons en phase avec les politiques américaines nationales et étatiques, plus notre capacité concurrentielle s’effritera et moins le Canada sera en mesure d’attirer des investissements. Notre avantage concurrentiel fondamental partira en fumée. Au Canada, le gouvernement travaille d’arrache-pied actuellement pour diversifier ses liens commerciaux et les investissements avec d’autres pays, comme ceux de l’Asie-Pacifique ou de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, l’AECG. Cependant, ces politiques de diversification ne seront efficaces que si elles prennent appui sur des bases saines, soit sur une frontière et une relation commerciales ouvertes avec les États-Unis.
Enfin, nous devons également nous pencher sur des enjeux non commerciaux dont nous pourrons nous servir pour faire valoir toute notre importance stratégique auprès des États-Unis surtout en cette ère où la sécurité nationale est d’une importance capitale pour les Américains. Cela pourrait signifier l’achat de F-35 et l’augmentation des dépenses militaires. Nous n’avons pas tenu compte de l’importance de la défense et de la sécurité dans notre relation bilatérale à nos propres risques et périls. Je souhaite seulement insister sur ce qu’a dit M. Doran à ce sujet.
En tout temps, pendant les négociations qui débuteront bientôt, nous devons être conscients qu’il vaut mieux ne pas conclure d’entente que d’en conclure une mauvaise.
Merci.
Merci, messieurs, d’être ici aujourd’hui.
Je suis heureux de vous revoir devant ce comité, monsieur Hampson.
Il y a si peu de temps et tant de questions au sujet de vos deux interventions. Monsieur Hampson, vous avez parlé de l’importance de l’ALENA et, monsieur Doran, vous avez mentionné qu’il pourrait y avoir des enjeux encore plus importants avec la Chine, etc. Lorsque nous discutons de ces enjeux — dans les discussions sur l’ALENA et le commerce par exemple —, nous abordons la question de la gestion de l’offre et d’autres irritants, comme le bois d’oeuvre. Par contre, dans les faits, les États-Unis subventionnent aussi de façon insensée leur secteur agricole et ce n’est jamais remis en question. Nous parlons de faire des concessions que ce soit pour le bois d’oeuvre ou... Ils nous ont amenés devant l’OMC à quatre reprises. Nous avons gagné toutes les fois. Nous avons réglé ces problèmes.
Vous avez tous les deux cité comme exemple l’augmentation des dépenses de la défense. Font-elles partie des négociations? Si nous prenons l’ALENA dans son ensemble, nous pourrions peut-être dire: « écoutez, nous nous engageons à investir plus dans la défense ou peu importe » plutôt que de dire seulement... Selon moi, l’argument selon lequel nous allons laisser tomber la gestion de l’offre pour améliorer la situation du bois d’oeuvre est fallacieux. Je me demande donc: qu’en est-il de tout le reste? Qu’en est-il des secteurs qu’ils subventionnent également?
Tout d’abord, je suis d’accord avec vous: des subventions, il y en a partout. Je connais un peu le secteur agricole comme j’ai grandi sur une ferme et que j’en possède toujours une. Les politiques gouvernementales agricoles sont assez chaotiques de part et d’autre de la frontière. Je ne sais pas ce que vous pouvez y faire ni quelles sont vos intentions.
Encore une fois, selon moi, Washington ne pense pas que les plus importants problèmes commerciaux sont avec le Canada. Les Américains connaissent l’étendue de la relation commerciale. Ils le savent, mais ils souhaitent montrer qu’ils sont équitables entre guillemets et qu’ils sont durs avec tous leurs amis.
Vous avez parlé des autres enjeux entrant en ligne de compte. Dans le passé, il était hors de question de faire un lien entre les enjeux, en particulier s’ils concernaient les États-Unis puisque le Congrès doit intervenir et qu’il est impossible de faire ce genre de liens avec le Congrès. Je suis certain que vous en avez déjà eu l’expérience.
Alors voilà. Reste que cette administration aime conclure des marchés ou pense qu’elle peut conclure des marchés. J’ai vu les échanges avec les Chinois. Tout le monde savait lorsque M. Xi a quitté Washington à sa dernière visite qu’on avait discuté de choses sérieuses et que l’on avait dit que si la Chine estime qu’il est convenable de nous aider avec la Corée du Nord que les négociations commerciales seraient beaucoup plus faciles. Peut-on être plus clair?
Je ne sais pas si on va explicitement établir des liens entre les dossiers. Je pense que ce serait un désastre. Néanmoins, il ne fait aucun doute que les liens implicites — les clins d’oeil et hochements de tête échangés en parlant de ce que nous faisons ailleurs — font partie de cette relation. Bien entendu, il est difficile de déterminer l’importance et la valeur que la partie opposée accorde aux choses. C’est là l’art de la négociation.
Je pense que l’essentiel est de ne rien laisser tomber à moins de recevoir quelque chose en retour. Si nous subissons des pressions pour faire des concessions pour les produits laitiers — comme le président l’a mentionné lors de sa visite dans le Wisconsin pour des raisons qui demeurent inexplicables —, nous devons demander quelque chose en retour. Nous pourrions viser le secteur agricole. C’est tout de même aux États-Unis que l’on retrouve le secteur agricole le plus subventionné du monde entier. Ce n’est pas un secret.
Eh bien, il y a de la concurrence, mais ils jouent le même jeu. Je pense que cela pourrait servir de base aux négociations.
Comme nous le savons, le problème avec le bois d’oeuvre est qu’il ne fait pas partie de l’ALENA. C’est un dossier qui doit être traité isolément, je crois, et nous devons unir nos forces. La principale difficulté à laquelle s’est heurté notre gouvernement lors des dernières discussions sur le bois d’oeuvre est le manque de cohésion dans l’industrie au pays. Pour faire progresser les négociations, nous devons au moins faire front commun sinon l’autre partie nous réduira à néant.
Pour ce qui est de faire des liens entre les dossiers — du genre échanger le commerce contre la défense —, je n’opterais pas pour cette solution. Je pense que l’on peut dire que, dans le passé, nous avons réglé nos problèmes avec les États-Unis de façon discrète. Nous n’avons jamais joué à établir des liens, car — en toute honnêteté — ce ne serait pas en notre faveur.
Cela dit, si les États-Unis souhaitent discuter d’approvisionnement et du « Buy American », les mesures visant à inciter les Américains à acheter américain, nous ne devrions pas hésiter et devrions dire: « écoutez, nos deux pays ont un accord sur le partage du développement industriel pour la défense depuis de nombreuses années; nous achetons beaucoup de marchandises militaires aux États-Unis et nous voyons des achats majeurs à l’horizon, vous feriez mieux de considérer l’ensemble de vos intérêts. »
J’ai une autre question rapide. Je sais toutefois qu’il n’y a pas de réponse simple à celle-ci.
Monsieur Doran, vous avez mentionné brièvement la Corée du Nord. Il semble que cette administration soit prête à agir plus que ne l’ont été toutes les autres administrations. Que voyez-vous dans votre boule de cristal en ce qui concerne la relation entre la Corée du Nord et M. Trump?
Eh bien, je n’ai pas vraiment de sources d’information fiables. Je lis attentivement les journaux et j’écoute beaucoup de gens parler. À mon avis, on ne parle pas seulement de l’administration Trump. Tous les pays qui s’intéressent sérieusement à la défense reconnaissent que la Corée du Nord sera une ombre au tableau. La question est comment affronter la situation.
Selon moi, Washington pense que les Chinois sont les seuls à avoir une réelle influence sur la Corée du Nord. Cependant, comme ils en sont conscients, ils savent qu’ils pourront utiliser cet argument contre nous, alors ils ne font rien. Or, il n’est pas dans leur intérêt de ne rien faire puisqu’ils ont peur que le Nord s’effondre — ils ont déjà eu des problèmes — ou que le Nord et le Sud s’unissent sous un régime comme celui de la Corée du Sud, ce qui constituerait une menace pour la Chine. Ils pourraient faire état de nombreuses préoccupations à la table des négociations.
Toutefois, selon moi, ils devraient songer à ceci: s’ils ne font rien, les Nord-Coréens pourront acquérir des armes nucléaires et des missiles. Je crois parfois qu’ils pourraient viser San Francisco, mais frapper Los Angeles...
Une voix: Ou peut-être Vancouver.
M. Charles Doran: ... ou peut-être Vancouver. Dans tous les cas, ils frapperont une cible sur notre continent. C’est un nouveau problème et un problème grave.
Selon moi, il faudra que les Nord-Coréens abandonnent et s’abstiennent. Les Chinois, comme je l’ai mentionné, ont été réticents, mais ils semblent bien plus ouverts aux différentes possibilités qu’auparavant. Qu’est-ce que cela signifie réellement? La prise de sanctions contre le Nord.
Je dois admettre toutefois que je ne sous-estime pas la fermeté de l’administration Trump. Vous n’avez qu’à regarder qui il a choisi comme secrétaire de la défense si vous avez des doutes. Mattis est un soldat très sérieux.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d’avoir partagé votre expérience avec nous ce matin.
Je viens de la Colombie-Britannique. Alors, je me dois de parler du dossier du bois d’oeuvre.
Monsieur Hampson, vous avez abordé le sujet. Comme vous le savez tous, M. Trump a annoncé son intention d’imposer des droits compensateurs de 24 % sur tout le bois de notre pays importé dans son pays. L’administration précédente soulevait ce genre de questions discrètement, mais le président Trump a adopté une approche différente en condamnant et en critiquant publiquement le Canada. Reste que les négociations se déroulent derrière des portes closes. Quelle en sera l’incidence sur les négociateurs puisque les ordres de marche du président s’inspirent de vives critiques? Parallèlement, les négociateurs se présentent aux négociations préparés... en ne sachant pas quel climat les attend. Il y a tant d’incertitudes. Est-ce que tout se déroulera comme prévu selon vous?
Pendant la campagne électorale, j’ai épluché les discours de Trump qui était alors candidat à la présidence. Je ne sais pas si sa visite dans l’État de Washington est passée inaperçue au Canada, mais il y a prononcé un discours à 13 ou 15 kilomètres de la frontière canadienne. Il n’a pas mentionné le Canada, mais a parlé du bois d’oeuvre. Il avait visiblement ce dossier dans sa mire. Comme je l’ai mentionné dans mon intervention, c’est un conflit de longue date et il a choisi de se montrer intransigeant.
Très franchement, je pense que notre plus grand défi sera de mobiliser une solide base d’appuis aux États-Unis, c’est-à-dire de mobiliser les associations de constructeurs d’habitation, car la taxe sur les importations fera augmenter les coûts de construction chez nos voisins du Sud. Dans le passé, elles se sont révélées être un de nos bons alliés. Je crois qu’il est juste de dire qu’elles ne se sont pas vraiment prononcées jusqu’à maintenant dans le dossier.
Ensuite, il y a les conditions économiques de l’industrie du bois qui pourraient nous nuire. Prenons l’exemple du pin du sud aux États-Unis dont les sources de production sont situées très près du marché tandis que nos sources en sont éloignées. Une fois les arbres abattus, les coûts pour les transporter vers le marché du Sud sont très élevés. C’est en partie à quoi servent les droits de coupe que nous avons établis.
Cela dit, je pense qu’il sera absolument nécessaire lorsque nous négocierons l’avenir du bois d’oeuvre que nous mobilisions les secteurs clés de l’industrie qui nous sont favorables et que nous formions un noyau d’appuis transnational qui défendra nos intérêts comme nous l’avons fait dans le passé. D’ailleurs, ces principes s’appliqueront également à l’ALENA.
Je pense que M. Hampson a bien expliqué les difficultés. Permettez-moi toutefois d’ajouter un élément. Si je comprends bien, les droits varient d’une province à l’autre et en fonction des coûts. Il peut donc y avoir tout un écart.
Je pense qu’il est vrai que le citoyen moyen subira les conséquences de ces dispositions puisque la construction d’une maison moyenne pourrait coûter 2 000 $ de plus. Cependant, je vous demanderais de faire preuve de prudence quant à ce que l’on décrit comme la mobilisation. Je me souviens que, dans le passé, lors des discussions sur les précipitations acides, autrement dit les pluies acides, on avait cru que la diplomatie publique serait une bonne solution. D’ailleurs, l’ambassadeur du Canada à l’époque — qui est devenu l’un de nos grands ambassadeurs, mais qui en avait encore beaucoup à apprendre à l'époque — avait dit que le Canada devrait faire des publicités à la radio sur les dégâts causés par les pluies acides, en particulier en Nouvelle-Angleterre.
Bien entendu, c’était vrai que les dommages étaient importants dans cet État, mais la réaction qu’il a obtenue était complètement à l’opposé de ce à quoi il s’attendait. Obstinés, les gens de cet État ont répondu: « Pardon? Les Canadiens ne viendront pas nous dire quels sont nos problèmes. Nous savons ce qui cloche. Pourquoi venez-vous nous dire ça? » La réaction a été diamétralement opposée. L’approche soi-disant de diplomatie ouverte a rapidement été abandonnée.
Il existe probablement des façons de le faire de façon efficace, mais il existe aussi beaucoup de façons de le faire qui ne sont pas efficaces.
Parlons maintenant de la politique étrangère. Dernièrement, M. Trump s’est introduit dans beaucoup de dossiers de politique étrangère: les attaques en Syrie, l’envoi de navires de guerre vers la péninsule de Corée, les pourparlers avec la Russie et la Chine et la médiation au Moyen-Orient entre l’Israël et la Palestine.
Que pensez-vous de tout cela? Pensez-vous que cette force brute sera efficace en définitive?
Si vous l’avez, vous ne pouvez le cacher. Si vous le cachez, vous vous défausserez. Vous n’avez pas à utiliser cette carte, mais vous devez laisser savoir aux gens que vous l’avez.
Prenons par exemple la réaction de Trump à la situation en Syrie. M. Trump a été à juste titre horrifié par les attaques au gaz sarin, par les bébés qui en sont décédés et par la douleur dont souffrent les Syriens. Il s’est prononcé clairement. Il a donné de très bonnes explications. Ils dont décidé très rapidement de lancer 59 missiles dans la Méditerranée. Je dois dire que, selon les preuves photographiques, 57 missiles auraient atteint leur cible. Ils ont averti les Russes qu’ils allaient passer à l’acte. Ils savaient que ces derniers informeraient les Syriens avant les représailles. Je sais que les Turcs ont également su 20 minutes avant l’attaque qu’elle allait se produire. Tout le monde le savait. Malheureusement, quelques civils n’en avaient pas été informés.
Quel en était l’objectif? Eh bien, l’objectif était de montrer que la force brute existe et, je crois, de dire à M. Assad que s’il tente autre chose, qui sait ce qui se produira. Peut-être que son palais sera la prochaine cible.
Je pense que le message a également été entendu par la Corée du Nord qui sait maintenant que les États-Unis peuvent causer des dommages assez importants à ses installations. La Chine l’a aussi assez bien compris. C’est ce qui a été annoncé au milieu d’un dîner de travail avec le président chinois.
Maintenant, vous êtes tous des professionnels. Vous comprenez le symbolisme qui y est rattaché.
C’était probablement un souper… un dîner ou un souper, quelque chose du genre.
L’effet n’en est pas moindre. Pour revenir à ce qui nous intéresse — le jeu politique dans les hautes sphères entre les grandes puissances —, je pense que la Russie et la Chine prennent Trump très au sérieux en partie parce qu’elles ne savent pas vraiment ce qu’il pourrait faire.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les deux témoins de leurs présentations fort intéressantes.
Professeur Hampson, vous avez parlé des enjeux du Canada dans une renégociation probable de l'ALENA. Il y a aussi des problèmes entre les États-Unis et le Mexique. Je me demande dans quelle mesure le Canada pourrait travailler avec le Mexique pour éviter que ce soit simplement des négociations en face à face chaque fois.
Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard?
[Traduction]
Merci beaucoup d'avoir posé cette question.
Ces négociations seront trilatérales, mais ne nous y trompons pas: elles comporteront aussi un aspect bilatéral. Je vous dirai franchement que comme ils l'ont fait lors de l'ALENA, les Américains chercheront à jouer sur notre concurrence avec les Mexicains. Cependant, les relations du Canada avec le Mexique ont énormément changé depuis les débuts de l'ALENA. Le Mexique est maintenant notre troisième partenaire commercial grâce aux chaînes de valeur nord-américaines. Nous investissons beaucoup au Mexique. Les résultats d'une étude menée au CIGI indiquent qu'environ 3 000 entreprises canadiennes font des affaires au Mexique. Ce pays est aussi une importante destination touristique.
D'un autre côté, les Mexicains n'investissent pas beaucoup au Canada, mais cela est en train de changer. La fabrique de pain Bimbo a installé des usines au Canada, et je pense qu'en prenant de la maturité, l'économie mexicaine encouragera ces investissements. Autrement dit, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont grand intérêt à maintenir leurs frontières ouvertes pour les chaînes d'approvisionnement, surtout dans le secteur de l'automobile. Mais certaines choses ont changé. Trump a déclaré ouvertement qu'il allait resserrer les règles d'origine surtout dans le secteur de la fabrication, particulièrement dans celle des automobiles.
Le Mexique fait face à un problème plus grave que nous. En effet, les Chinois se sont servis de ce pays comme d'une tête de pont. Ils ont exploité ses chaînes d'approvisionnement à leur propre avantage, ce qui est tout à fait logique. Quant au Canada, ses activités dans ce domaine sont très semblables à celles des États-Unis. Je pense donc que nous aurons là une question relativement litigieuse.
Nos intérêts correspondront à ceux du Mexique dans certains domaines tels la production énergétique — la libre circulation des produits énergétiques et des investissements dans ce secteur. Je dirais que cela s'applique aussi à l'agriculture. Toutefois, dans le domaine de la migration — un enjeu très litigieux —, nos intérêts sont très différents de ceux du Mexique.
Je crois que le Canada suivra diverses approches au cours de ces négociations. Nous nous allierons aux Mexicains quand nous aurons intérêt à le faire et également quand ils y auront eux-mêmes intérêt. D'ailleurs, les Mexicains n'ont rien à apprendre de nous dans l'art de la négociation. Ils se sont avérés tout à fait capables de jouer dur, comme lors de l'incident du camionnage d'il y a quelques années. Ils réussissent très bien à s'attirer le soutien des électeurs des États frontaliers du Sud des États-Unis. Emboîterons-nous le pas aux Mexicains? Non. Mais allons-nous chercher à diviser pour régner en négociant avec les Américains? Pas du tout.
Si vous me permettez, je voudrais ajouter une petite observation.
D'après moi, en négociant certains de ces enjeux commerciaux, le Canada aura deux options. Il pourra décider d'accepter certaines dispositions qui ne seront franchement pas idéales, mais qui permettraient d'unir, d'intégrer réellement l'économie de l'Amérique du Nord. Ou alors, il pourra choisir de favoriser ses propres priorités et préférences en risquant de se voir exclu d'un marché américain beaucoup plus cohérent et, dans certains cas, plus protectionniste.
Ce choix sera difficile à faire, mais j'ai bien l'impression que les choses se dérouleront ainsi.
[Français]
J'ai une autre question qui s'adresse à vous deux.
Comme cela a été mentionné, le président Trump ne peut pas faire grand-chose sans l'accord du Congrès. J'aimerais que vous fassiez des commentaires sur la position du Congrès.
Le Comité projette d'aller à Washington. Pensez-vous que nous tous ici pouvons jouer un rôle utile?
[Traduction]
Je crois que tout le monde voudrait savoir quelle est la position du Congrès sur certains enjeux. Nous savons tous qu'il est loin d'être uni. Même le Parti républicain ne l'est pas.
De nombreux membres de ce parti sont partisans du libre-échange. Le Parti républicain a toujours défendu le libre-échange, et ces voix existent toujours. Le Congrès parle moins des taxes d'ajustement à la frontière, mais je vous dirai que le pays y pense encore. Ce mécanisme ferait énormément de mal. C'est une autre façon de préconiser les barrières tarifaires.
Nous soulignons déjà beaucoup les avantages mutuels et nous calculons avec précision les bénéfices que les différentes parties — notamment les États américains du Nord — retireront d'une relation de libre-échange. Le premier ministre et son Cabinet le font activement. Ils constituent la réelle Équipe Canada. Ils ne le sont pas vraiment ici au pays, mais à l'étranger et chez notre voisin du Sud, ils représentent vraiment l'Équipe Canada. À mon avis, il faut que cet état de choses se maintienne.
Je pense aussi que la rencontre que vous tiendrez avec vos homologues portera d'excellents fruits. Mais il faudra présenter un mémoire soigneusement poli transmettant un message clair. Il faudra reconnaître la possibilité d'améliorer le statu quo et souligner qu'au lieu de retomber en arrière, les parties devraient pousser vers l'avant.
Je tiens aussi à souligner l'importance d'assurer le progrès du cybercommerce. Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet du Mexique, la croissance de la classe moyenne ouvrira d'énormes débouchés dans les marchés du cybercommerce quand les Mexicains obtiendront toujours plus de cartes de crédit et se mettront à faire leurs achats en ligne.
Bonjour, messieurs. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.
Je voudrais revenir sur une observation que vous avez faite, professeur. Vous avez dit que nous aurons intérêt à mener ces négociations avec rapidité. Cependant, du point de vue logistique, nous avons la date de juillet 2018 et le fait que le président n'a pas encore informé le Congrès. Cette annonce déclenchera un délai de 90 jours.
D'ici à juillet 2018, le Mexique tiendra son élection présidentielle, à laquelle le président actuel, Peña Nieto, ne pourra pas se présenter.
Du point de vue logistique, nous faisons face à un délai de 90 jours et, au Mexique, à une présidence plutôt boiteuse. À l'heure actuelle, l'attitude des Mexicains face aux États-Unis n'est pas très positive. Comment pourrons-nous négocier cet accord au cours de l'année qui vient avec un seul partenaire? Si j'ai bien entendu, l'un de vous a affirmé que cette négociation devrait être trilatérale et que nous ne devrions pas négocier cet accord séparément avec chacune des parties.
Dans de telles circonstances, comment serait-il possible de négocier cet accord avant juillet 2018? Il semble évident que nous avons intérêt à conclure cet accord avec le président actuel du Mexique, qui y est plus favorable, au lieu d'attendre l'entrée au pouvoir d'un président qui risque de ne pas l'être autant.
Je crois que les enjeux et le rythme des négociations dépendront avant tout des Américains. L'élection présidentielle risque bien de retarder le processus du côté mexicain. Le partenaire commercial le plus important, cet éléphant américain que tout le monde cherche à ignorer, contrôlera l'échéancier. Nous avons ici un gros point d'interrogation: le secrétaire du commerce, Wilbur Ross, a déclaré qu'il veut un accord signé d'ici à l'année prochaine, mais il affirme aussi qu'il tient à réexaminer chacun des chapitres de l'ALENA. Un désir annule l'autre. L'examen de chacun des chapitres de l'ALENA prolongera les négociations d'au moins trois ans. Les Américains se trouvent face à un choix difficile.
Comme je l'ai dit dans mon allocution, j'ai l'impression que le président cherche une solution de facilité. Cette attitude nous favorise et elle favorise aussi les Mexicains, qui pourront aussi jouer sur l'échéancier non seulement avec les Américains, mais dans le contexte de leur situation politique. Ce désir d'apporter une solution de facilité nous permettra de gagner sur certains enjeux en acceptant de faire des compromis. Il en ira de même pour les Mexicains. Trump pourra ainsi laisser croire qu'il a accompli ce qu'il avait promis.
Nous verrons aujourd'hui l'accueil réservé à son projet de loi sur les soins de santé, tout au moins au Congrès. Mais son administration n'a pas marqué beaucoup de points jusqu'à présent, et il faut qu'il accomplisse quelque chose.
Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter une petite observation?
Je comprends la logique de l'argument que le professeur Hampson nous présente. Elle s'applique très bien aux circonstances passées, mais je ne suis pas sûr que ce nouveau gouvernement suive les règles établies. Je vous dirai que je suis profondément convaincu que si les dirigeants constatent que les résultats défavorisent les États-Unis, ils mettront immédiatement fin aux négociations.
Évidemment, les négociations pourraient reprendre plus tard. Nous assisterons peut-être à toutes sortes de choses intéressantes. Les résultats de ces négociations risquent aussi de faire beaucoup de mal aux chaînes d'approvisionnement actuelles, et ainsi de suite. Mais à mon avis, nous ne devrions surtout pas risquer de mettre les États-Unis au pied du mur en jouant avec l'échéancier.
Merci.
Professeur Doran, vous avez mentionné un réexamen de tous les chapitres. La question des règles d'origine est assez complexe. Vous avez aussi indiqué que les Chinois s'intègrent dans la chaîne d'approvisionnement en passant par le Mexique.
Pardonnez-moi.
Vous parliez de détournement des flux commerciaux. Il y a aussi la politique de cumul croisé qui vise à améliorer les échanges. En entamant ces négociations, nous avons deux options. Nous pouvons créer un marché unique entre nos trois pays en imposant les mêmes tarifs extérieurs. Cela faciliterait les échanges commerciaux entre les entreprises. Dans le cadre des lourdes obligations de l'ALENA, il est probablement plus facile d'appliquer le statut de nation la plus favorisée. Selon vous, s'agit-il d'une approche bien plus efficiente qui prévient le détournement des flux commerciaux et qui produit une meilleure politique de cumul croisé?
Tout d'abord, je m'inquiète moi aussi de la manière dont nos partenaires commerciaux de l'extérieur pourraient exploiter l'ALENA de façon à ce que le partenaire le plus important se sente désavantagé. Vous avez raison de souligner ce risque.
Je vous dirai franchement que je ne suis pas sûr de l'ampleur de ce risque. Il faudra l'examiner pour déterminer sa gravité. S'il est grave, on pourra y appliquer des solutions. Il faudra peut-être examiner celles que vous avez mentionnées. Il est sûr que nous devrons envisager certaines d'entre elles. Selon moi, l'ouverture dont vous parlez est cruciale — la souplesse, le désir d'envisager d'autres solutions afin de déterminer si les problèmes sont réels et s'il faut y trouver des solutions.
Je peux vous dire une chose. J'ai l'impression que le gouvernement actuel se préoccupe beaucoup des barrières non tarifaires partout dans le monde, mais surtout en Asie. Cependant dans le cas de l'ALENA, il s'en préoccupera aussi.
En quoi consistent ces barrières non tarifaires? Je n'en sais rien. Il peut s'agir de toutes sortes de choses, des règles de politiques fiscales à toutes sortes d'autres choses. N'oublions surtout pas que ce gouvernement se compose de gens d'affaires. Ce ne sont pas des universitaires qui nagent dans la théorie. Ce sont des hommes d'affaires chevronnés. Certains d'entre eux dirigent des entreprises qui traversent une période très difficile.
Je ne suis pas sûr qu'il existe des solutions. J'ai examiné la différence entre les coûts de la main-d'oeuvre en Chine et ceux des États-Unis et du Canada. Oh là! Elles sont énormes. Comment allons-nous contrer cela? C'est le genre de problèmes sur lesquels ces gens se penchent pour essayer d'égaliser les niveaux de concurrence. Ils tiennent à ramener les marchés en Amérique du Nord, surtout celui de la fabrication.
Je vais vous dire à quel point leur inquiétude est profonde. Le professeur Blinder, un économiste du travail qui enseigne à Princeton, vient de terminer une étude dont le modèle analytique indique que dans un proche avenir, l'industrie des services des États-Unis aura expédié 40 millions d'emplois à l'étranger.
L'entourage de Trump n'est pas seul à s'inquiéter de cela. Bien d'autres personnes le craignent aussi. Je sais que cela vous préoccupe également. C'est pourquoi il est si crucial d'agir avec l'ouverture d'esprit dont vous avez parlé afin de trouver des solutions.
Merci, monsieur Saini.
Comme toujours, messieurs Doran et Hampson, nous n'avons pas assez de temps pour examiner cela en profondeur. Il nous faudrait plusieurs heures de plus pour en discuter avec vous. Mais la discussion d'aujourd'hui était excellente. Nous serons heureux de recevoir tous renseignements, rapports et idées supplémentaires qui pourraient intéresser notre comité des affaires étrangères. Nous allons poursuivre cette discussion pendant encore longtemps. Comme vous pouvez l'imaginer, ce sujet est crucial dans le cadre des relations du Canada avec l'étranger.
Une fois de plus, je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté ces exposés et d'être venus nous parler.
Chers collègues, nous allons faire une courte pause, puis nous entendrons nos prochains témoins.
Nous suspendons la séance pendant quelques minutes.
Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
Tout d'abord, nous avons avec nous des étudiantes de Havergal College. Elles sont venues écouter les délibérations de notre comité. Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité.
Nous allons passer tout de suite la parole aux personnes qui sont venues nous présenter des allocutions aujourd'hui. Nous avons Mme Maryscott Greenwood, directrice générale du Conseil des affaires canado-américaines.
Bienvenue, madame Greenwood.
Nous attendons que M. Conrad Black arrive au centre de vidéoconférence. Si j'ai bien compris, il est en chemin. Nous allons donc écouter l'allocution de Mme Greenwood, et nous espérons nous brancher à l'appareil de M. Black quelques minutes plus tard.
Alors sans plus tarder, nous passons la parole à Mme Greenwood, puis nous entamerons les rondes de questions.
[Français]
Merci.
Bonjour à tous et à toutes. C'est un grand plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à vous parler au nom des membres du Conseil des affaires canado-américaines. Je viens de Washington, où j'ai aussi grandi. Je représente donc le marécage, qu'apparemment on est en train de drainer. Nous pourrons parler de tout cela et du rôle que nous y jouons.
Il est très intéressant de nous pencher sur les enjeux politiques qui relient le Canada et les États-Unis à l'heure actuelle. Il est bon de nous concentrer sur les intérêts communs de nos deux pays et sur l'amitié très spéciale qui nous lie depuis longtemps et qui caractérise les relations durables, affectueuses et productives entre le Canada et les États-Unis.
Au cours des 100 journées qui ont suivi son arrivée au pouvoir, le président Donald Trump a brisé plusieurs des grandes promesses qu'il avait faites pendant sa campagne électorale. Les deux professeurs en ont témoigné devant vous aujourd'hui. Je vais donc relever ces faits pour vous les présenter en détail.
Le président a décidé de ne pas traiter la Chine de manipulatrice de devises. Il a choisi de ne pas lever les sanctions imposées à la Russie. Il a renoncé à déménager l'ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Il a décidé de ne pas s'écarter de la politique que les États-Unis suivent depuis des années sur la Chine et Taiwan en adoptant ce qu'on appelle la politique d'une seule Chine. Il a décidé de ne pas se retirer de l'accord sur le programme nucléaire iranien, de ne pas fermer la banque EXIM — la banque d'import-export des États-Unis — et de ne pas compromettre les tractations diplomatiques que le président Obama avait entamées à Cuba. Le président a même trahi ses prétentions d'isolationnisme et de non-intervention quand il a renforcé la ligne rouge qu'avait tracée le président Barack Obama en ordonnant que l'on envoie des missiles sur la Syrie pour punir le régime Assad des atrocités qu'il y perpétrait.
Toutes ces volte-face ont attiré l'attention des personnes qui, comme nous, appuient l'Accord de libre-échange nord-américain. De même, le président — comme vous le savez bien — a soudainement renoncé à sa menace de résilier l'ALENA. Il est cependant encore trop tôt pour pousser un soupir de soulagement. Le 45e président des États-Unis a maintes fois démontré qu'il est avant tout une personne absolument imprévisible. Pour le moment, les États-Unis ne se retirent pas de l'ALENA. Mais ils se préparent — c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes tous ici — à s'engager dans une renégociation de taille.
Il est évident que l'ALENA a maintenant 23 ans et qu'il a été négocié à une époque entièrement différente de la nôtre. Personne ne connaissait encore le mot Internet. Il faudra attendre 10 ans pour voir apparaître un iPhone. Certains des secteurs les plus importants et les plus solides de l'économie nord-américaine n'existaient pas lors des négociations de l'ALENA. Il est évident qu'il a besoin d'une bonne remise à niveau.
Comme les circonstances semblent favoriser une bonne révision de l'ALENA, l'organisme que je représente, le Conseil des affaires canado-américaines, a dressé une liste de 10 recommandations sur les dispositions à insérer dans l'ALENA pour faire prospérer l'économie canado-américaine. Ces recommandations ne visent que la relation bilatérale entre nos deux pays. Nous comprenons les avantages d'une négociation trilatérale. Mais aussi désirable qu'elle puisse être, je doute que la situation politique actuelle ne permette de mener une négociation ouvertement trilatérale. S'il faut que nous menions deux ou trois négociations bilatérales — États-Unis—Canada, États-Unis—Mexique et Canada—Mexique —, alors qu'il en soit ainsi.
Notre première recommandation est simple. Ajouter à l'ALENA un chapitre sur la coopération réglementaire pour codifier et renforcer le Conseil de coopération Canada—États-Unis en matière de réglementation, le CCR, afin qu'il devienne un organe permanent. Ce travail bilatéral est infiniment lent, mais il est crucial pour maintenir la santé économique des deux pays, car il éliminera les coûts extravagants de la bureaucratie en harmonisant les règlements des deux côtés de la frontière. Un peu plus tard aujourd'hui, je présenterai à un autre comité des recommandations précises sur la cohérence réglementaire. Je suis convaincue que cela vous intéressera vivement. En reconnaissant officiellement le CCR dans la nouvelle version de l'ALENA, on forcerait les gouvernements à coopérer pour créer de nouveaux règlements qui harmoniseraient les règlements actuels.
Certains préconisent aussi ce qu'on appelle une « liste négative » des nouveaux règlements. Cette approche présuppose que tous les nouveaux règlements du Canada et des États-Unis sont harmonisés, à moins qu'ils ne se trouvent dans la liste négative. C'est un concept monumental, mais nous l'appuyons.
Notre deuxième recommandation suggère à nos deux pays de reconnaître les normes, les mises à l'essai et les homologations volontaires de l'autre et d'éliminer les tarifs sur tous les produits afin de créer un accord de libre-échange réel. Nous avons entendu plus tôt dans ce comité une question à ce sujet. Comme les secteurs des produits laitiers et du bois d'oeuvre ne pourront probablement pas éliminer tous leurs tarifs, nous les encourageons à conclure de nouvelles ententes que chaque partie sera en mesure d'accepter. En fait, notre troisième recommandation préconise une résolution rapide des différends sur les produits laitiers et sur le bois d'oeuvre.
Notre quatrième recommandation vise la restructuration des dispositions du Buy American en une exigence d'acheter les produits américains ET canadiens, de considérer le Canada comme une région des États-Unis aux fins de l'approvisionnement américain. Il en existe déjà un modèle. En 1956, le Canada et les États-Unis ont signé une entente de partage de la production militaire exigeant que les fournisseurs canadiens soient traités de la même manière que ceux des États-Unis aux fins de l'approvisionnement. À notre avis, cette réciprocité devrait être réelle et elle devrait promouvoir, des deux côtés de la frontière, l'établissement de règles égales pour toutes les entreprises canadiennes et américaines.
En cinquième lieu, nous recommandons de soutenir davantage l'intégration des marchés nord-américains de l'énergie en construisant des réseaux d'infrastructure robustes et interconnectés pour relier l'offre et la demande. Cela exigera des régimes de réglementation prévisibles, efficients et rapides pour assurer la mise en place de l'infrastructure transfrontalière en temps voulu. C'est peut-être une évidence, mais il est étonnant de voir combien il y a peu de coordination entre les réseaux d'électricité et d'énergie pourtant intégrés et les systèmes transfrontaliers de transmission.
En sixième lieu, nous recommandons d'améliorer la protection de la propriété intellectuelle, et notamment d'explorer les options politiques à la disposition du Canada pour contrer les interprétations judiciaires des règles régissant la propriété intellectuelle, qui servent à invalider des brevets de longue date, surtout dans le secteur des sciences de la vie. Il est temps que le Parlement canadien explore en profondeur les options juridiques dont on a confié entièrement la responsabilité aux tribunaux canadiens, ces dernières années, au détriment de l'innovation et de l'investissement étranger au Canada. Si cela vous intéresse, nous examinons cette question dans le cadre d'une discussion approfondie sur la politique en matière d'innovation figurant dans le site Web du Conseil des affaires canado-américaines. Je me ferais un plaisir d'en parler plus longuement avec vous, si vous le souhaitez. Je mentionnerais à cet égard que depuis une vingtaine d'années, les tribunaux ont rendu des décisions dans ce domaine, mais le Parlement ne s'est pas prononcé. Il n'a pas établi de politique. Nous pensons qu'il est temps de le faire.
La septième recommandation consiste à établir des règles pour promouvoir et régir le commerce numérique, y compris des dispositions interdisant la localisation des données et les droits de douane numériques, permettant la transmission transfrontière des données et garantissant les principes fondamentaux de non-discrimination pour les produits numériques.
Notre huitième recommandation porte sur la mise à jour des règles régissant le passage des personnes à travers notre frontière commune afin de tenir compte des nouvelles catégories d'emplois, y compris pour celles qui travaillent dans l'économie numérique. Vous avez tous traversé la frontière canado-américaine pour vous rendre aux États-Unis. Certains d'entre vous ont eu quelque difficulté à traverser cette frontière. Il est temps de mettre à jour les listes et la collaboration.
Notre neuvième recommandation porte sur l'amélioration et la modernisation de nos dispositifs de sécurité conjoints afin de faciliter la circulation transfrontalière des marchandises et des services et de rendre les formalités douanières plus fiables et plus prévisibles. Je veux surtout parler ici des mesures sur le précontrôle que le Congrès américain a adoptées. Je sais que la Chambre des communes se penche actuellement sur la question. Je reviendrai, dans quelques semaines, parler de l'importance du précontrôle devant un autre comité, mais je me ferai également un plaisir d'en parler avec vous si vous le désirez.
En dernier lieu, étant donné que le nouvel ALENA pourrait servir de modèle pour des accords futurs, comme c'était le cas de son prédécesseur, nous suggérons de prendre position contre la manipulation des devises. Bien entendu, ce n'est pas un problème ici, en Amérique du Nord, mais cela peut en poser un dans les autres économies. Même si le président Trump n'est pas prêt à s'attaquer à la Chine pour le moment, nous pensons que c'est important.
Ces 10 recommandations ne sont pas faciles à appliquer, mais c'est possible. Si nous réussissons à le faire, cela pourrait stimuler les échanges commerciaux, le rythme du commerce et la prospérité économique du Canada et des États-Unis — ainsi que du Mexique s'il fait partie de l'accord. Cela entraînerait des bouleversements minimes et allégerait le fardeau réglementaire d'un très grand nombre d'entreprises, de citoyens et d'industries des deux côtés de notre frontière commune. Nous réduirions les coûts et la paperasserie. Des nouveaux marchés lucratifs s'ouvriraient aux secteurs auquel des régimes protectionnistes s'appliquent depuis trop longtemps.
Nous nous dirigeons vers une nouvelle ère de progrès technologiques qui exigent que les États-Unis et le Canada travaillent ensemble plus que jamais. Ces nouveaux progrès sont presque aussi imprévisibles que les prochains 100 jours de l'administration Trump. Néanmoins, dans les deux cas, il vaut la peine de centrer les efforts sur les mises à jour que l'ALENA exige et l'établissement d'une feuille de route permettant à nos deux pays de faire des affaires ensemble au cours des générations à venir.
Je vais conclure en vous remerciant de m'avoir accordé la parole.
Merci de me recevoir en ce jour du 4 mai. Je dois finir en disant, en anglais, « May the fourth be with you ».
Des voix: Oh, oh!
Merci.
Merci beaucoup, madame Greenwood.
Nous avons pu maintenant nous connecter avec M. Conrad Black. Je crois qu'il a été retardé par un accident sur sa route jusqu'au centre de conférences.
Le Comité a pour habitude de permettre aux témoins de faire une déclaration préliminaire. Mme Greenwood a témoigné en premier. Je crois que vous vous connaissez.
Vous pouvez, si vous le désirez, faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
La parole est à vous.
J'ignorais que je devais faire une déclaration préliminaire. Je pourrais certainement en improviser une, mais je risque de dire des platitudes que je préfère ne pas infliger au Comité. Ferions-nous une entorse à la règle si nous nous passions de ma déclaration préliminaire? Je pourrais peut-être dire quelque chose à la fin.
J'ignore ce que je suis censé faire exactement, monsieur le président, mais je ferai ce que vous désirez.
J'en ai seulement entendu la fin, Scotty. Je suis tout à fait d'accord avec ce que j'ai entendu. Nous étions généralement d'accord, vous et moi, lorsque nous avons participé à des débats sur la chaîne CTV, sauf à propos du candidat que nous voulions voir remporter les élections.
Nous laissons toujours les témoins libres de se présenter comme ils le souhaitent.
Comme je connais bien M. Black, pour l'avoir suivi pendant des années, je vais passer directement aux questions comme il le souhaite.
Nous allons commencer par M. Kmiec, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être présents ici aujourd'hui.
Nous avons eu deux témoins précédents qui nous ont beaucoup parlé de l'ALENA et de la difficulté de renégocier cet accord, mais nous n'avons pas appris grand-chose au sujet des changements fiscaux que proposent la Maison Blanche et le Congrès. Nous ne savons pas exactement ce qui est proposé et par qui. Les gens disent que Trump est imprévisible. Je dirais que sa présidence et la façon dont lui-même et son cabinet se comportent sont plutôt inhabituelles.
Pour ce qui est des propositions fiscales, je me demande ce qui présente le plus grand risque pour les entreprises canadiennes. Est-ce la renégociation de l'ALENA?
En ce qui concerne vos 10 recommandations, madame Greenwood, j'ai examiné la liste des choses qui pourraient être incluses et faire partie des options. Il y a la réforme fiscale. Je suis en train d'y jeter un coup d'oeil. Il y a des choses comme la simplification des tranches d'imposition pour ce qui est de l'impôt sur le revenu des particuliers, de l'abrogation de l'impôt sur les successions, du doublement de la déduction de base, de la suppression de l'impôt minimum de remplacement. Il y a aussi l'abaissement du taux d'imposition des sociétés de 35 % à 15 %, ce qui représente une initiative de 3,7 billions de dollars. Il y a l'abrogation de l'impôt sur les revenus de placement. Il est question aussi d'augmenter les prestations pour garde d'enfants et de supprimer la plupart des déductions sauf pour les prêts hypothécaires et les dons de charité. L'autre disposition qui m'inquiète est l'impôt ponctuel sur les bénéfices réalisés à l'étranger. Je ne vois pas très bien ce que les Américains désirent faire.
Sur quel front pensez-vous, l'un et l'autre, que le Canada devrait cibler ses efforts? Est-ce sur la renégociation de l'ALENA? Devrions-nous pousser les Américains à mettre cartes sur table? Ou devrions-nous attendre et nous concentrer sur les changements fiscaux qu'ils proposent, et qui pourraient entrer en vigueur beaucoup plus tôt et avoir un impact beaucoup plus important sur les entreprises canadiennes?
Je ne pense pas être entièrement qualifié pour conseiller la tactique à suivre. Je suppose que nous pouvons nous préparer à faire face à ces deux éventualités. J'ai dit lors du débat avec Scotty avant les élections, ainsi qu'entre les élections et l'inauguration, qu'il faut croire Trump sur parole. Il a l'intention de faire ce qu'il a dit. Certains le trouvent imprévisible, mais ce n'est pas mon cas. Je pense qu'il est très prévisible et qu'il va réaliser son programme. Il semble bien qu'il va faire adopter aujourd'hui à la Chambre des représentants un projet de loi modifié sur les soins de santé. Bien entendu, il faudra obtenir l'accord du Sénat, ce qui n'est pas encore fait, mais c'est en lien avec le projet de loi fiscal.
À propos des questions que vous avez mentionnées, je dirais qu'il va devoir accompagner ces réductions d'impôts d'une augmentation des recettes. Le président a mentionné lui-même qu'étant donné la baisse prévue du prix de l'essence, au lieu d'en faire profiter les consommateurs, on pourra augmenter la taxe sur l'essence sans faire augmenter le prix de l'essence par rapport à son niveau actuel. On s'attend à ce que le prix de l'essence baisse aux États-Unis en raison [Note de la rédaction: difficultés techniques] des forages en mer, l'intensification de la fracturation et de la réduction des importations.
L'autre rumeur qui a circulé et dont je parle à l'occasion à mes lecteurs américains dans le National Review concerne les taxes sur les dépenses optionnelles. Cela ne vise pas les dépenses indispensables comme la nourriture ou les vêtements d'enfants, mais les dépenses de luxe ou une bonne partie des transactions financières. Dans la mesure où ces taxes porteraient atteinte à Wall Street, le président ne doit rien à Wall Street, de toute façon. [Note de la rédaction: difficultés techniques] qui se contente de le critiquer, mais il peut compenser cela en réduisant la réglementation excessive [Note de la rédaction: difficultés techniques] Sarbanes-Oxley. Je suppose qu'on prévoira quelque chose de ce genre.
Bien entendu, cela ne se fera pas du jour au lendemain, car c'est très compliqué et l'atmosphère est très malsaine. Comme vous le savez, M. Trump a présenté sa candidature contre toutes les factions des deux partis. Il s'est heurté aussi bien à l'opposition des Bush qu'à celle des Clinton et des Obama. Il s'est présenté contre Wall Street, Hollywood, presque tous les médias, presque tous les milieux universitaires, toute la bureaucratie et pratiquement chaque adulte de Washington dont 94 % des électeurs ont voté contre lui. Il a remporté la victoire, mais la guerre continue. Les choses vont devoir finir par se calmer. S'il peut faire adopter une mesure quelconque pour les soins de santé, cela signalera peut-être que le système est sorti de l'impasse dans laquelle il est enfermé depuis 20 ans.
Personnellement, j'estime que les démocrates ne peuvent pas continuer à le traiter de fou, de lunatique, de président illégitime sur lequel flottent des « relents de trahison » selon l'un des chroniqueurs du New York Times, M. Kristof. Ils ne peuvent pas continuer ainsi. Et les remarques scandaleuses de Colbert, lundi soir… Les choses vont se calmer. Il y aura un retour à un gouvernement relativement normal même si, compte tenu de la personnalité des acteurs, notamment celle du président, ce sera un gouvernement plutôt flamboyant.
Pour répondre à votre question, je pense qu'avec le temps, la question fiscale va devenir un enjeu important. Je vous laisse à vous, les législateurs, le soin d'en juger, et je ne me permettrais pas de vous conseiller à cet égard, mais la baisse du prix de l'énergie et la nette réduction de l'impôt sur les sociétés auront des répercussions pour le Canada. Je doute que l'impôt sur les sociétés tombe à 15 % comme le président l'a laissé entendre la semaine dernière. Je suppose qu'il faudra rester un peu au-dessus. De toute évidence, cela aura de sérieuses répercussions pour le Canada et pourrait avoir une incidence sur l'endroit où les investisseurs internationaux choisiront d'investir leur argent dans le marché nord-américain.
Je ne suis pas un spécialiste du commerce et je ne veux pas outrepasser mon champ de compétence, mais je crois le président sur parole lorsqu'il dit que les ajustements qu'il souhaite apporter aux ententes commerciales avec le Canada sont relativement mineurs. Il n'a jamais fait part du moindre grief envers le Canada si ce n'est qu'il n'a pas respecté son objectif de 2 % du PIB à consacrer aux dépenses de défense dans les pays de l'OTAN. Selon mes renseignements, les Américains trouvent plutôt décevantes les dernières prévisions budgétaires de notre gouvernement à cet égard, mais je suis sûr que ces questions seront réglées par les voies officielles.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur, de votre question quant à savoir si la réforme fiscale est plus importante que l'ALENA, que les relations Canada—États-Unis et la compétitivité du Canada. C'est, je pense, une question très importante et très pertinente.
Pour placer un peu les choses dans leur contexte, le président a fait campagne en parlant d'abroger l'ALENA et de sortir les États-Unis du PTP, le Partenariat transpacifique. Au Congrès, les républicains ont répondu à cela qu'ils n'aimaient certes pas l'ALENA, mais qu'une réforme fiscale serait un meilleur moyen de régler ces questions. Comme vous l'avez fort justement mentionné dans votre question, les républicains ont proposé toute une série de mesures pour stimuler les exportations et réduire les importations afin d'amener davantage les entreprises à fabriquer des produits aux États-Unis pour les vendre à l'étranger.
Telle a été la réaction politique, car le Congrès ne veut pas vraiment d'un vote sur l'ALENA. Il préférerait régler une multitude de questions, y compris la politique commerciale, au moyen d'une réforme fiscale. Voilà à peu près le contexte — la taxe d'ajustement à la frontière est peut-être une solution, au lieu de renégocier l'ALENA — tel était le raisonnement du président Brady, de Paul Ryan, le Président de la Chambre et des dirigeants républicains à la Chambre des représentants.
Nous n'avons pas eu de réforme fiscale complète aux États-Unis depuis 1985. Pensez au chemin que vous avez parcouru depuis 1985. C'est bien loin derrière nous. Le président semble vouloir modifier la politique fiscale, mais la forme que cela prendra fera l'objet de discussions intensives aux États-Unis. Pour ce qui est de la taxe d'ajustement à la frontière, par exemple — vous n'en avez pas parlé, mais c'est relié — il y a, aux États-Unis, des coalitions d'entreprises et des groupes d'intérêts qui sont en faveur d'une importante taxe d'ajustement à la frontière, car ce sont surtout des exportateurs. Vous avez ensuite des gens, des entreprises et des parties prenantes qui sont vraiment reliés à la chaîne d'approvisionnement mondiale et à la chaîne d'approvisionnement nord-américaine et qui pensent qu'une taxe d'ajustement à la frontière serait désastreuse
Il y a donc de fortes divisions politiques aux États-Unis. Vous avez fort justement mentionné, je pense, que si les États-Unis réussissent à abaisser leur taux d'imposition des sociétés à un niveau plus proche de celui du Canada, qui est relativement faible… le Canada jouit d'une excellente compétitivité économique pour de nombreuses raisons dont son taux d'imposition. Si les États-Unis se rapprochent de ce taux, cela posera certainement un défi pour le Canada. Je sais que le Canada Business Council et d'autres groupes examinent quelle serait la compétitivité canadienne en cas de réforme fiscale.
Vous avez parlé du rapatriement ponctuel des bénéfices étrangers. C'est certainement une chose qu'un grand nombre de décideurs politiques américains ont en travers de la gorge. Vous avez vu le phénomène des inversions fiscales selon lequel une entreprise quitte les États-Unis, déménage son siège social — ce qui est légal, mais pas patriotique — pour bénéficier d'une fiscalité plus avantageuse.
Le gouvernement veut certainement régler toutes ces questions. Si les États-Unis réussissent à abaisser leur taux d'imposition des sociétés, à stimuler les exportations par rapport aux importations, à privilégier l'achat de produits américains et l'embauche d'Américains, cela posera un défi très important pour le Canada, pour les entreprises canadiennes et pour ceux d'entre nous qui s'intéressent vraiment à l'intégration de l'économie canado-américaine.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de comparaître aujourd'hui.
Je ne devrais sans doute pas l'avouer en public, mais je lis de temps en temps les articles de M. Black. J'ai même contribué parfois à enrichir son compte en banque en achetant un livre.
On m'a également vu prendre le journal et le jeter contre le mur. Quoi qu'il en soit, je remarque dans vos écrits, monsieur Black, que vous avez de la suite dans les idées et qu'il y a une certaine constante dans vos écrits et vos pensées. Par contre, je n'ai pas pu trouver de constance chez le président Trump. Il souffle le chaud et le froid à propos de l'OTAN. Il souffle le chaud et le froid à propos de la Russie. Il souffle le chaud et le froid à propos de Poutine. Il souffle le chaud et le froid et sa seule constance semble être son inconstance.
Avec quelqu'un qui est inconstant et dont le seul objectif semble être de vaincre l'autre à tout prix, il est difficile de trouver une stratégie de négociation. Vos derniers écrits semblent affirmer le contraire. J'aimerais savoir pourquoi vous pensez que le président Trump est beaucoup plus constant que le reste d'entre nous ne le pense.
Monsieur McKay, je reconnais que c'est difficile à percevoir, mais je crois que c'est vrai, compte tenu de ce que je sais de lui. Nous l'avons eu comme partenaire d'affaires à Chicago lorsque nous étions propriétaires du journal Sun-Times. Je ne sais pas si le comité connaît bien cette ville, mais nous avions un petit immeuble en plein centre-ville, juste derrière l'édifice Wrigley, près de la Tribune Tower et c'était donc un terrain à bâtir de choix, au bord de la rivière Chicago. Nous l'avons mis en vente et c'est lui qui a remporté les enchères. Mes administrateurs américains, un groupe très éminent, M. Kissinger et d'autres, ont dit: « Accrochez-vous bien à votre portefeuille, car c'est une fripouille », et ainsi de suite.
Nous avons été très prudents, mais il s'est quand même livré au genre de manoeuvres dont vous parlez. Il a posé des conditions faramineuses à certains entrepreneurs et aux syndicats de la construction, ainsi qu'en négociant des changements de zonage avec le gouvernement municipal. Les démocrates étaient au pouvoir dans cette ville depuis 1929, et y étaient donc bien enracinés.
À Chicago, les normes d'éthique de la classe politique et des syndicats du bâtiment ne sont pas les meilleures qui soient et Trump a déployé des tactiques extrêmement agressives, qui semblaient parfois changer, mais qui poursuivait toujours le même but, que vous avez bien résumé: servir ses propres intérêts. Dans ce cas-là, nous étions du même bord et il négociait pour nous deux. Il a fait un excellent travail. Il a parfaitement respecté le budget, exactement dans les temps. Même si Chicago est une ville rude, elle est fière de son patrimoine architectural — la ville de Frank Lloyd Wright et d'autres — il a produit un design qui a suscité l'admiration. Il a rempli l'immeuble de locataires de haut calibre longtemps avant son ouverture. Cette entreprise a été un franc succès.
Bien entendu, cela ne nous dira pas vraiment comment il va négocier avec la Corée du Nord ou le Canada, mais pourra peut-être nous fournir quelques indices. J'ai l'impression qu'il ne change pas d'avis aussi souvent qu'on le pense, mais qu'il modifie l'atmosphère et l'ambiance selon le plaisir ou le mécontentement qu'il éprouve vis-à-vis de la partie adverse. C'est un peu pour préparer le terrain, pour susciter la confusion et brouiller les cartes avant le début des négociations ou pour désarçonner les gens avec qui il négocie. Il ne s'écarte pas beaucoup de son objectif et je ne crois pas qu'il le fasse avec Poutine ou les Chinois. Il a fait clairement savoir, je pense, que les relations avec la Chine ont été quelque peu modifiées parce que la politique agressive des Nord-Coréens à l'égard du nucléaire a pris beaucoup plus d'importance que tout autre sujet de litige entre les États-Unis et la Chine. Il réagit aux événements et cela l'emporte sur les réserves que les États-Unis pourraient avoir, par exemple, à l'égard de la politique monétaire de la Chine.
Dans le cas de la Russie, il est insensé de croire qu'il est impliqué dans une collusion avec les Russes. Les allégations voulant que les Russes aient joué un rôle dans la campagne de Trump sont absolument ridicules et comme je l'ai écrit dans National Review plus tôt cette semaine, elles vont se retourner contre les démocrates. Le fait est qu'il respecte la Russie, mais sans lui reconnaître la force qu'elle avait du temps de l'Union soviétique avec largement deux fois plus de population, à peu près la même puissance militaire que les États-Unis et un vaste appareil d'espionnage, d'agitation et de propagande communiste aux quatre coins du globe. Il croit que la Russie doit être traitée non pas en paria, mais comme un des grands pays du monde.
Personnellement, je dirais que le meilleur indice que nous ayons de ce qu'il est possible de faire entre ces pays est la réunion qui a eu lieu, au début mars, entre le président des chefs d'état-major de la Russie, de la Turquie et des États-Unis. De toute évidence, le plan était de faire de la Turquie la première puissance du Moyen-Orient, reconnue par les Américains et les Russes, et de remplacer et réduire l'influence iranienne.
L'objectif des Américains serait d'exploiter le fait qu'ils peuvent offrir beaucoup plus à la Russie que son alliance avec l'Iran ne lui rapporte, qu'il n'y a pas, actuellement, de grands sujets de désaccord entre la Russie et les États-Unis et qu'il faudrait, en Syrie, une sorte de confédération dans laquelle Assad dirigerait la partie alaouite et quelques autres tandis que les protégés de l'Occident auraient leur autonomie et les quatre millions de Syriens déplacés pourraient être relocalisés de façon durable.
Du côté de l'Ukraine, les Américains seraient peut-être prêts à accepter que la Russie reprenne la Crimée, qui était sienne jusqu'en 1955, à la condition que les Russes cessent de s'ingérer dans les revendications irrédentistes en Ukraine et dans les États baltes. En échange, les États-Unis relâcheraient les sanctions. Il semble bien… Ce n'est qu'une impression, mais elle n'est pas totalement sans fondement, que c'est ce qu'ils s'apprêtent à faire. Ce serait un enchaînement logique. Le raid aérien sur la Syrie, l'envoi de 59 missiles de croisière ont marqué un tournant et envoyé le message que les États-Unis ne toléreraient pas qu'on continue à employer du gaz sarin contre les civils en Syrie alors que les Russes avaient prétendu, avec les Syriens, qu'ils avaient éliminé tout ce gaz de la Syrie.
Désolé d'être aussi loquace, mais je répondrai qu'il ne faut pas trop se préoccuper de ce qui se passe actuellement. Trump a des tactiques bien à lui, mais il a de la suite dans les idées. Il sait ce qu'il veut et il sait comment l'obtenir. Ses interventions théâtrales sont souvent divertissantes, mais ce sont seulement des tactiques. Autrement dit, il veut ce qu'il dit vouloir.
Vous avez fait un vaste tour d'horizon. Je voudrais revenir sur un élément, les nouvelles relations entre la Turquie et la Russie ainsi que les conversations de M. Trump avec Erdogan. Pensez-vous donc que la Russie et les États-Unis se sont entendus pour désigner la Turquie comme la nouvelle grande puissance au Moyen-Orient? Toute action, au Moyen-Orient, entraîne une riposte sous une forme ou une autre: que va-t-il advenir de l'Iran?
Monsieur Trump, je vais seulement…
Une voix: M. Trump?
Des voix: Oh, oh!
Le président: Ce n'est pas très bon, n'est-ce pas, monsieur Black? Je pensais à M. Trump.
Nous allons nous arrêter-là, car le temps de M. McKay est écoulé et je veux m'assurer que les autres membres du comité, ainsi que Mme Greenwood, pourront participer à la discussion.
Je vais donner la parole à Hélène Laverdière.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux deux témoins de leur présence ici ce matin.
Madame Greenwood, je vous remercie de votre présentation. J'espère que nous pourrons avoir une copie de votre présentation, parce que la liste du début, où sont énumérés tous les enjeux sur lesquels le président Trump a essentiellement fait marche arrière, m'a beaucoup intéressée. C'était trop rapide pour que je puisse prendre des notes.
Dans votre présentation, vous avez mentionné que la situation politique actuelle ne permet pas vraiment d'envisager une négociation réellement trilatérale Canada—Mexique—États-Unis, bien que vous croyiez qu'une négociation trilatérale serait la meilleure option. Je voulais juste vérifier que j'avais bien compris et vous permettre d'approfondir ce point.
Merci beaucoup de votre question.
[Traduction]
Je vais répondre en anglais, malheureusement.
Je préciserais que le Conseil des affaires canado-américaines fête son 30e anniversaire cette année. Notre organisme a été créé pour promouvoir le libre-échange, plus particulièrement entre le Canada et les États-Unis. Nos membres croient que le libre-échange est la bonne approche compte tenu de l'interconnectivité du monde. Nous aimions vraiment l'idée d'un partenariat transpacifique. Nous pensions qu'il s'agissait d'un très bon accord commercial moderne pour régir les échanges futurs. Malheureusement, le gouvernement américain actuel s'en est retiré. Cela n'empêchera peut-être pas les 13 autres pays d'aller de l'avant, mais les États-Unis ne peuvent pas s'y joindre pour le moment.
Nous sommes pour un libre-échange mondial. Comme second choix. nous souhaitons un libre-échange transpacifique de grande envergure, puis une entente transatlantique, un peu sur le modèle de l'accord Canada-UE qui est actuellement le plus moderne qui soit. Nous aimons le libre-échange en général, entre le plus de pays possible. Dans le contexte de l'ALENA, un accord trilatéral nous semble tout à fait logique et nous sommes pour. Nous sommes déjà bien intégrés au niveau trilatéral.
Nous disons qu'il ne faut pas que cela nous bloque. S'il est impossible politiquement que les États-Unis donnent suite à des relations économiques complètes avec le Mexique, pour diverses raisons — la politique mexicaine, la politique américaine, etc. — nous pensons qu'il ne faudrait pas que cela nous bloque pour entamer des négociations bilatérales. Nous préférons un PTP. Si le PTP n'est pas possible, nous préférons un accord trilatéral. Si un accord trilatéral n'est pas possible, nous devons certainement conclure un nouvel accord entre le Canada et les États-Unis. Nous pensons que c'est faisable et possible.
La greffière a reçu des copies de ma déclaration. Vous pourrez donc en obtenir une comme vous l'avez demandé. D'autre part, une bonne partie de ce dont nous parlons figure aussi dans notre site Web.
[Français]
J'aimerais poser une autre question à la suite de vos commentaires.
Vous dites préférer les modèles globaux. Peut-on craindre un changement d'attitude ou un durcissement de la part de l'administration américaine dans des forums comme l'Organisation mondiale du commerce? Lors de récentes réunions, on a cherché à assouplir le langage et à enlever certaines expressions traditionnelles comme « rule-based system ».
Quelle est votre opinion sur la position que la nouvelle administration adoptera dans un contexte comme celui-là?
[Traduction]
Merci beaucoup pour cette question.
Je vais la relier à une chose que M. McKay a dite tout à l'heure. Ce que souhaite l'administration Trump, c'est promouvoir les investissements américains et se protéger contre ce qu'elle considère comme des pratiques injustes dans le monde. Le désir de restaurer la grandeur de l'Amérique et de lui redonner la première place est bien réel. Des millions d'Américains soutiennent cette idée. Cela signifie la mise en place d'un régime rigoureux d'application des règles du commerce. C'est ce que fait le secrétaire Ross. C'est ce que fait M. Navarro. C'est ce que fera M. Lighthizer lorsque sa nomination au poste de représentant au Commerce des États-Unis sera confirmée. La doctrine de l'Amérique d'abord a l'appui du public. Elle est particulièrement répandue aux États-Unis, tout comme vous pourriez promouvoir « le Canada d'abord », bien que les Canadiens soient plus mondialistes et soutiennent généralement davantage le commerce extérieur que les Américains, du point de vue politique.
Cela étant, vous avez raison de dire que le président modifie ses tactiques et ses approches, ce qui veut dire qu'il adoptera la position de négociation qui lui semblera la plus propice à l'atteinte de son objectif. Je pense qu'il commence à comprendre les réalités de la fonction de président. Alors que pendant la campagne, son discours était vraiment très isolationniste, « l'Amérique d'abord », la politique étrangère étant confrontée à un monde interconnecté, vous n'avez d'autre choix que de gouverner d'une façon beaucoup plus nuancée. Nous l'avons constaté, je pense, quand le président n'a pas reculé au sujet des sanctions contre la Russie, n'a pas accusé la Chine de manipuler sa devise, sans oublier toutes les autres choses qu'il a dites. Il s'en tient, je pense, à l'idée de « l'Amérique d'abord », mais je crois qu'il commence à saisir la réalité d'une politique étrangère complexe. Néanmoins, pour ce qui est des échanges commerciaux, en particulier, il va insister sur l'application des règles. C'est ce qui inquiète tant nos partenaires commerciaux, surtout notre meilleur partenaire, qui est ici, au Canada.
Merci.
[Français]
[Traduction]
Bonjour à vous deux. Merci de vous être joints à nous aujourd'hui.
Je vais peut-être commencer par vous, monsieur Black. En tant que président du Sous-comité des droits internationaux de la personne, j'ai eu l'occasion de voyager avec les membres du sous-comité, à Washington, il y a environ trois semaines. Nous avons participé à un certain nombre de discussions. Nous avons rencontré environ 14 membres du Congrès et un certain nombre de sénateurs. Nous avons eu des discussions intéressantes sur des sujets d'intérêt mutuel touchant les droits de la personne. Nous avons discuté du Soudan du Sud, du Venezuela, de la Russie, des Rohingya, au Myanmar, de l'Iran et d'un certain nombre d'autres sujets d'intérêt mutuel. Il est ressorti clairement de ces discussions que l'administration ne s'est pas encore positionnée quant à la direction qu'elle prendra sur plusieurs de ces dossiers. Nous avons déjà parlé ici aujourd'hui de certains des principaux — ceux de l'Iran et de la Russie — mais pour bien d'autres, sans doute en partie parce que des nominations restent à faire dans plusieurs de ces domaines ou parce qu'il y a des postes vacants à remplir, la position de l'administration n'est pas claire. Nous avons entendu parler d'une réduction du budget de l'aide internationale, qui pourrait avoir lieu au cours des deux prochaines années, sinon immédiatement.
Comment voyez-vous la partie se jouer? Envisagez-vous, même au sein du Parti républicain, une résistance sur un certain nombre de dossiers, surtout en ce qui concerne les droits internationaux de la personne? Comment le président va-t-il pouvoir gérer le Congrès et le Sénat à propos de ces affaires internationales?
Comme vous le savez, il y a toujours, au sein de l'administration américaine, des tensions entre les éléments du gouvernement et du Congrès, ainsi que de l'administration, qui insistent beaucoup pour que les droits humains soient respectés dans les autres pays et ceux qui adoptent une attitude plutôt [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Du moment qu'il ne s'agit pas d'atrocités épouvantables, ils estiment que ce sont des affaires internes et que les États-Unis n'ont pas à [Note de la rédaction: difficultés techniques].
L'administration Carter a sans doute été la plus portée à se servir des droits, à observer le respect des droits dans les différents pays pour décider s'il y avait lieu d'intervenir. L'administration Nixon se situait peut-être à l'autre extrême. Elle a pris note de ce genre de choses, mais elle a traité avec les dirigeants des pays à moins qu'ils n'offensent la morale à un point tel qu'il aurait été indigne des États-Unis de le faire.
Je dirais que l'administration actuelle se rapproche un peu plus du modèle Nixon et s'éloigne beaucoup du modèle Carter. Je pense que le président Trump estime qu'en général, l'interventionnisme américain récent, en fait depuis la guerre de Corée, les interventions militaires des États-Unis n'ont pas été une grande réussite, à quelques exceptions près, et n'étaient pas vraiment justifiées en tant qu'investissements géopolitiques… La quasi-totalité des forces militaires terrestres classique des États-Unis est centrée sur le Moyen-Orient depuis plus d'une décennie. On a dépensé environ 2 billions de dollars, cela a engendré une immense crise humanitaire, il y a eu des milliers de morts aux États-Unis et un nombre beaucoup plus important au sein d'autres populations. Sur le plan géopolitique, les États-Unis n'ont pas eu beaucoup de succès. C'était assez évident dans les propos que le candidat a tenus avant les élections et qui ont trouvé un écho favorable auprès de ses électeurs.
Vous avez certainement constaté, quand vous étiez à Washington, que l'administration prend note de la mesure dans laquelle les droits sont respectés, mais qu'elle n'insiste pas beaucoup sur le sujet à moins que la situation ne devienne vraiment atroce, à grande échelle. Je pense que l'administration actuelle et tout gouvernement américain futur, quel que soit le parti au pouvoir, interviendrait beaucoup plus rigoureusement que ne l'a fait l'administration Clinton dans le cas du Rwanda, par exemple, ou l'administration Carter, dans le cas du Cambodge.
J'espère, comme vous, j'en suis sûr, que le monde en général prendra des mesures radicales pour empêcher un nouveau Darfour ou une des horribles catastrophes où un très grand nombre de gens périssent ou sont anéantis.
Néanmoins, pour ce qui est d'établir sa politique, je pense que l'administration actuelle va laisser les coudées franches à presque tout gouvernement plausible, qui n'est pas un État failli, pour faire ce qu'il a le droit de faire à l'intérieur de ses propres frontières. Elle va réagir de façon beaucoup plus énergique face à l'exportation de l'agression et surtout du terrorisme. Je crois qu'en général, vous allez avoir une administration qui cherchera à définir beaucoup plus clairement les intérêts nationaux des États-Unis, un peu comme l'ont fait le président Truman et le secrétaire Acheson, juste avant la guerre de Corée, et qui précisera clairement quels sont les intérêts nationaux des États-Unis. Ce sera une définition beaucoup moins ambitieuse que celle de l'administration de George W. Bush et beaucoup moins pacifiste et passive que celle de l'administration Obama, mais au moins, ce sera clair.
En ce qui concerne les droits de la personne, je pense que l'administration Trump s'affirmera vraiment et se servira de la force politique américaine uniquement si ces droits sont violés à une échelle suffisamment importante pour indigner le public américain.
Nous l'avons probablement constaté, je pense, lorsqu'elle s'en est pris à la Syrie après l'attaque aux armes chimiques. Cela répond probablement à ce critère.
Cela a été amplifié lors du déplorable épisode de la ligne rouge, suivi des discours triomphalistes, à Washington, selon lesquels on avait réussi à faire éliminer le gaz sarin, sans aucune violence, ce qui n'était pas le cas, bien sûr. Les Syriens et les Russes ont menti aux États-Unis et il y a donc eu un élément de trahison.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
Madame Greenwood, vous avez fait une remarque intéressante, tout à l'heure, en disant que notre taux d'imposition des sociétés place le Canada dans une situation très concurrentielle. Je n'avais pas l'intention de poser des questions au sujet du taux d'imposition des sociétés, mais votre commentaire m'a intrigué et j'aimerais que vous nous en disiez plus.
Absolument. Je vous remercie de poser la question.
Aujourd'hui, au Canada, le taux d'imposition des sociétés est inférieur à celui des États-Unis. Si les États-Unis diminuent ce taux de manière substantielle, ce qui à mon sens se produira — j'ignore à quel point il sera réduit, ce qui fera l'objet d'une négociation —, je crois que cela pourrait avoir un effet considérable sur la compétitivité canadienne.
Il ne s'agit pas seulement du taux d'imposition bien que cela soit vraiment important. Si dans deux ans, les États-Unis ont un taux d'imposition des sociétés inférieur, un mécanisme quelconque d'ajustement à la frontière et des mesures incitatives en vue de rapatrier des fonds provenant de l'étranger, et si l'on ajoute à cela une préférence pour les intrants et les produits américains, en plus du décret « acheter américain et embaucher américain », les entreprises canadiennes devront relever un défi considérable pour demeurer concurrentielles.
C'est la raison pour laquelle nous préconisons vivement que le Canada et les États-Unis travaillent ensemble et se dotent d'un système économique complémentaire parce que c'est ce que nous avons eu non seulement depuis l'ALENA, ni depuis l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et même pas depuis le Pacte de l'automobile Canada-États-Unis conclu en 1965 — ce qui est à l'origine de tout le reste —, mais depuis les années 1940 au moment où nous avons commencé à signer des ententes de libre-échange en matière d'agroéquipement, dont des tracteurs, des moissonneuses-batteuses, etc. C'est l'approche que nous devons adopter, à mon avis, afin de constituer une unité économique, et c'est ainsi que les entreprises fonctionnent. Si les décideurs pouvaient aller dans ce sens pour que nous puissions relever les défis que présente la concurrence dans le monde, ce serait préférable. Cependant, si nous nous écartons de cela, et si les États-Unis, sous l'administration Trump, la direction du Parti républicain et le 115e Congrès décident de s'en tenir à ce qui a été déclaré, cela soulève des questions importantes pour les décideurs canadiens, de toute évidence.
Je vous remercie beaucoup.
En janvier 2017, vous avez affirmé ce qui suit au cours d'une entrevue au réseau CTV.
Non, non, ne vous inquiétez pas. C'est très bien ce que vous avez dit, je ne veux que vous répéter ce que vous avez déclaré.
D'un point de vue américain, vous avez dit:
Eh bien, quel est notre plus grand partenaire commercial? C'est le Canada. Des millions d'emplois américains dépendent donc littéralement de notre relation avec le Canada... Je crois que le président élu et son équipe commencent à saisir cela.
Croyez-vous que c'est toujours compris à Washington et, en toute honnêteté, dans l'ensemble des États-Unis?
Je crois que cela est compris de plus en plus. Accordez-moi quelques minutes pour compléter ma pensée. Il existe au bureau du premier ministre, un lieu appelé la « cellule de crise » Canada-États-Unis. Elle est dirigée par un homme, Brian Glow, qui a su s'entourer d'une équipe extraordinaire composée de membres très intelligents et réellement efficaces qui aident... avec l'ambassadeur McNaughton, doué d'un immense talent, ainsi que de députés de tous les partis et d'un ancien premier ministre; il ne s'agit donc pas de points de vue partisans ou n'émanant que du gouvernement.
Je crois que beaucoup de progrès ont été accomplis au chapitre de la sensibilisation, mais il faut poursuivre le travail. Il faut revenir souvent à Washington, mais aussi aller d'un bout à l'autre du pays. Je pense qu'il y a eu plus de 125 points de contact entre décideurs canadiens et américains au cours des 100 premiers jours de l'administration Trump. Vu d'ici, cela peut sembler beaucoup, mais il faut continuer, parce que chaque groupe d'intérêts américain campe au Capitole. Si vous avez 125 points de contact, les producteurs de viande américains en ont 10 000, et ce sont des électeurs.
Les faits comptent, la réalité est importante, et des millions d'emplois américains de même que la prospérité américaine reposent sur l'interconnexion de notre économie avec celle du Canada. Cela doit continuer.
Le président a déclaré qu'il ne détruirait pas l'ALENA à la suite d'entretiens téléphoniques avec le premier ministre Trudeau et le président du Mexique. Je crois que cela est vrai en partie, mais je pense aussi qu'un autre facteur clé a été l'intervention de Sonny Perdue, l'ancien gouverneur de la Géorgie, aujourd'hui secrétaire américain à l'agriculture qui, à l'aide d'un résumé graphique, a affirmé que dans le secteur de l'agriculture, la destruction de l'ALENA serait extrêmement défavorable aux fermiers américains. Je crois que cela a eu autant de poids auprès du président des États-Unis que tout autre argument provenant d'un dirigeant étranger, peu importe l'importance de la démonstration.
Je vous remercie infiniment.
J'ai une dernière question à poser. Elle s'adresse à M. Black.
Monsieur Black, je me demande ce que vous pensez de l'idée selon laquelle le Canada devrait vraiment diversifier son économie. Cette thèse est répétée depuis des décennies et nous sommes allés dans cette direction, bien sûr, en ce qui a trait à l'Europe et au récent AECG. Dites-nous quelques mots, si vous le voulez bien, à propos de la question de la Chine et peut-être même de l'Inde et des accords de libre-échange dans cette optique.
Monsieur Fragiskatos, je crois qu'au point le plus fort des relations commerciales canado-américaines environ 85 % du commerce extérieur canadien se faisait avec les États-Unis, et approximativement la moitié de ce chiffre correspondait au pourcentage de [Note de la rédaction: difficultés techniques] y est lié, et j'aurais cru qu'il constituait un niveau d'intégration à l'économie américaine aussi important que celui que possédait l'État de la Californie à l'époque.
Je pense qu'aujourd'hui ce 85 % est passé à 73 % ou quelque chose du genre [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Cela se produit peu à peu, et je crois que c'est une bonne chose. Il ne s'agit pas de s'éloigner du commerce avec les États-Unis, mais il est souvent préférable de se généraliser davantage dans les opérations internationales, et c'est une tendance naturelle de toute manière.
J'aimerais faire deux observations, si vous le permettez, à propos de vos questions antérieures à l'intention de Mme Greenwood. Le domaine où l'on doit s'attendre, à mon avis, à une réelle divergence — mais je n'en suis pas certain et je ne suis pas assez compétent pour juger jusqu'à quel point notre gouvernement est déterminé à cet égard — concerne la taxe sur le carbone et les activités fondées sur les présomptions liées au réchauffement climatique. Nous ne fonctionnerons pas parallèlement à l'administration américaine actuelle sur ce point. Je crois que cela est exprimé clairement dans les directives qui ont déjà été mises en oeuvre dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Je veux aussi faire observer qu'en abordant la question de détruire l'ALENA, et ainsi de suite, Donald Trump n'a jamais fait allusion à un quelconque problème à propos du libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je crois qu'il a parlé d'ajustements mineurs lorsque le premier ministre et d'autres dirigeants lui ont rendu visite. Ce n'est pas un protectionniste voilà tout. Il est vraiment favorable au commerce. Ce qu'il n'aime pas c'est le commerce qui aboutit à une exportation considérable de chômage aux États-Unis. Il sait très bien que dans son pays 12 millions d'emplois dépendent des exportations, mais il n'ignore pas non plus qu'entre 30 et 40 millions d'emplois ailleurs dans le monde dépendent des biens exportés aux États-Unis. Il veut simplement réduire ce déséquilibre. Il ne cherche pas à soulever le pont-levis, à baisser les stores et à appliquer la politique de « l'Amérique d'abord » au sens que lui donnait le colonel Lindbergh en 1940. Il veut tout bonnement un commerce équitable.
Nous n'avons pas affaire à un monstre ici. Il s'agit d'une personne raisonnable qui veut simplement faire du bon travail pour son pays. C'est ce que désirent d'ailleurs tous les dirigeants nationaux. Dans ce sens, il ne sort pas de l'ordinaire.
Chers collègues, je veux ce matin mettre fin à cette fort intéressante discussion en remerciant Mme Greenwood et M. Black de s'être présentés devant le Comité. Ces séances sont toujours trop courtes. J'aimerais bien qu'on puisse poursuivre cette rencontre pendant tout l'après-midi. C'est mieux que d'être à la Chambre des communes, à mon avis, mais cela fait aussi partie du travail de la Chambre. C'est un débat d'une importance extrême et nous le poursuivrons.
Au nom des membres du Comité, je vous remercie d'avoir trouvé le temps de vous joindre à nous et d'avoir fait l'effort de venir ici aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir invité M. Nault.
Je suis désolé d'être arrivé un peu en retard. Je n'ai pas eu d'accident, c'est plutôt dû au miracle du trafic routier à Toronto que l'on doit à John Tory.
Des voix: Oh, oh!
Je vous remercie pour cette précision et je vais faire en sorte que M. Tory corrige la situation. Le métro de Scarborough est en route.
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