FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 24 octobre 2018
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Bienvenue à la 111e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la souveraineté dans l'Arctique. Nous accueillons deux groupes d'éminents témoins.
Notre première témoin est Jessica Shadian, présidente-directrice générale et fondatrice d'Arctic 360 et agrégée supérieure de recherche au Bill Graham Centre for Contemporary International History à l'Université de Toronto.
Nous accueillons aussi Whitney Lackenbauer, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l'étude du Nord canadien et professeur à la School for the Study of Canada à l'Université Trent.
Bienvenue. Vous pourrez chacun présenter une déclaration d'environ huit minutes, puis nous donnerons la parole aux membres du Comité; je sais que mes collègues ont beaucoup de questions à vous poser.
Madame Shadian, nous allons commencer par vous.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de parler avec vous de la souveraineté du Canada dans l'Arctique.
[Traduction]
Nous ne pouvons pas discuter de la souveraineté du Canada dans l'Arctique — sa protection et son renforcement — sans nous pencher sur le besoin critique d'investissement dans l'infrastructure du Nord canadien. Cependant, l'ampleur des besoins en matière d'infrastructure exige une nouvelle vision et une nouvelle stratégie pour le Nord. Plutôt que de parler de la question de savoir si les navires de guerre ou les sous-marins russes se rendent dans le Nord canadien, la double conversation politique au sujet de la souveraineté du Canada dans l'Arctique devrait porter sur la création d'une stratégie qui définit une vision canadienne à long terme, non seulement pour le Nord en tant que tel, mais en tant que composante de la vision plus générale du rôle futur du Canada sur la scène politique et économique mondiale, et du rôle que le Nord peut jouer à cet égard.
Dave McKay, le président et chef de la direction de la RBC a répété un commentaire intéressant dans de nombreux discours sur ce que le Canada doit faire pour rester concurrentiel dans l'économie mondiale à la suite de la législation fiscale américaine d'avril 2017. Lorsque je réécoute ses propos, la question du Nord y était omniprésente, mais je pense tout de même que nous pouvons raisonnablement supposer qu'il n'avait pas le Nord canadien à l'esprit à ce moment-là. Dans ces discours, il a dit « Il nous faut des routes, des chemins de fer et des pipelines pour pouvoir continuer d'exploiter nos ressources naturelles, qui financent une grande partie de ce que nous tenons pour acquis et unissent notre pays ».
Dans la même veine, je vais commencer aujourd'hui par ma conclusion. Je crois que le Canada a besoin non seulement d'une stratégie sur le Nord pour les 12 prochaines années, mais d'une version canadienne de l'initiative de la route et de la ceinture de la Chine, une stratégie sur la place du Nord dans la vision canadienne quant à son rôle futur à l'échelle internationale.
Le Canada a une occasion en or de renforcer sa souveraineté grâce à ce vaste potentiel économique et géopolitique qui n'est pas encore réalisé. Il y a une histoire à écrire, une histoire qui améliorerait la compréhension du Nord de beaucoup de Canadiens et qui renforcerait leur intérêt à son sujet, une histoire qu'on pourrait exporter de façon à réaffirmer à la communauté internationale que le Canada est un pays nordique qui prend le Nord au sérieux. Je veux vous expliquer là où je veux en venir avec cet argument à l'aide d'exemples de la Russie et de la Chine.
Je vais commencer par la Russie. En 2009, la Russie a publié sa stratégie pour l'Arctique, une stratégie qui démontrait que l'Arctique est essentiel à l'avenir de l'économie russe, et ce, en raison entre autres de l'abondance de ressources naturelles qu'on y trouve et, en particulier, du pétrole et du gaz.
Pour exploiter ces ressources et en tirer profit, la Russie transforme la route maritime du Nord en un nouveau corridor maritime qui lui permettra d'acheminer ses ressources vers les marchés mondiaux, qui permettra aux intervenants des marchés mondiaux, comme les sociétés de transport maritime, de passer par la route maritime du Nord entre l'Europe et l'Asie et aux navires étrangers d'avoir accès aux ressources russes. De plus, la route maritime du Nord est devenue un moyen de générer des revenus supplémentaires grâce aux frais d'utilisation payés par ceux qui l'empruntent. Les frais d'utilisation servent à payer les escortes de brise-glaces, qui sont quasiment toujours nécessaires, et, par conséquent, les frais sont quasiment toujours payés.
Le processus qui vise à transformer la mer du Nord en une route maritime viable et réglementée sous-tend une grande vision, la réalisation de plusieurs études de faisabilité économique et, ensuite, l'élaboration d'une stratégie. De plus, la Russie a fait et continue de faire des investissements majeurs dans les brise-glaces et d'autres équipements militaires, des ressources humaines, des ports, des routes et j'en passe.
Un corridor maritime où passent des navires et des pétroliers, qui traverse toute la côte Nord de la Russie — dans des eaux où la glace éparse est la norme — et qui transporte des gens et des produits, comme du GNL ou du pétrole, exige des investissements civils et militaires pour les services d'escorte de brise-glaces et de l'équipement de recherche et de sauvetage, y compris de l'équipement de surveillance permettant de cerner et de prévenir les menaces ou de les combattre, et ce, qu'elles soient liées au terrorisme ou à l'environnement. Si l'on considère la route maritime du Nord dans un tel contexte, on pourrait très bien soutenir qu'une grande partie de la présence militaire accrue dans l'Arctique russe vise à protéger la souveraineté russe dans sa propre région plutôt que de contester la souveraineté du Canada.
Passons maintenant à la Chine, qui, en 2013, a annoncé sa nouvelle initiative de la ceinture et de la route, une stratégie à long terme en vue de construire un système d'infrastructure global dans le cadre duquel, essentiellement, toutes les routes mèneraient à Beijing. Sherri Goodman, du Conseil des relations étrangères l'a bien dit lorsqu'elle a affirmé que la Chine était comme une araignée et que son initiative de la route et de la ceinture était sa toile. Dans ce cas-là aussi, la stratégie chinoise repose non pas sur des cycles électoraux, mais sur des siècles.
La reconnaissance des changements géopolitiques que les changements climatiques créent déjà dans le Nord, y compris en permettant un accès accru aux ressources minières et autres ressources naturelles, s'assortit d'un intérêt à l'égard de la recherche sur l'Arctique afin de mieux comprendre les répercussions à long terme des changements climatiques. En janvier 2018, la Chine a publié sa stratégie sur l'Arctique. La stratégie inclut sa route polaire de la soie, qui est devenue sa façon à elle d'intégrer l'Arctique dans son initiative de la route et de la ceinture à la lumière de ce à quoi l'Arctique ressemblera probablement au cours des 20, 30 et 50 prochaines années et plus loin encore.
À l'heure actuelle, la Chine se concentre sur la route maritime du Nord et elle a agi rapidement pour combler le déficit d'investissement lorsque les sanctions russes sont entrées en vigueur. De plus, la Russie a aussi fait des investissements importants dans le GNL russe ainsi que des investissements dans l'infrastructure. Ces activités ne signifient pas que la Chine ne s'intéresse pas à l'Arctique canadien et à la zone arctique de l'ensemble de l'Amérique du Nord. Des investissements ou des efforts proactifs pour investir dans l'exploitation des ressources et l'infrastructure sont déjà en cours, et beaucoup d'autres sont en cours de négociation.
Même si le passage du Nord-Ouest n'est pas près de devenir une autre route maritime fiable, il est tout de même raisonnable de soutenir qu'il devient de plus en plus navigable et navigué. En outre, les gens s'entendent de plus en plus pour dire que, dans un avenir rapproché, il sera possible de traverser le pôle.
La politique de la route polaire de la soie chinoise est fondée sur l'hypothèse que d'importants changements maritimes sont à prévoir dans l'Arctique et que ces changements ont une valeur stratégique dans le cadre de son initiative globale de la ceinture et de la route. Les Chinois se préparent essentiellement, dès maintenant, à l'ouverture de l'océan Arctique. Ils investissent aussi aujourd'hui dans les ressources et les connaissances scientifiques dont ils ont besoin et qu'ils veulent.
Dans l'Arctique nord-américain et en Islande, les investissements proactifs incluent des ports et des stations de recherche en Islande et des installations pour les minéraux et terres rares du Groenland en passant par un gazoduc en Alaska et plusieurs investissements miniers au Canada.
Les maux sociaux causés par l'absence d'infrastructure dans le Nord canadien sont bien documentés, tout comme les répercussions du manque d'infrastructure sur la viabilité économique des projets miniers et des autres projets liés aux ressources naturelles dans le secteur, ce qui mine encore plus la capacité des collectivités nordiques de bénéficier de l'exploitation de ces ressources. Dans un même ordre d'idées, si le gouvernement fédéral voulait construire toute l'infrastructure nécessaire dans le Nord, il ne pourrait tout simplement pas se le permettre. Par conséquent, les collectivités se font concurrence pour attirer les bonnes grâces du gouvernement fédéral et de ses ressources limitées pour financer des projets individuels.
Actuellement, une grande partie de Bay Street n'a aucune idée du potentiel économique du Nord canadien. Si quelqu'un pose une question à ce sujet, je pourrai vous en dire plus. La plupart des gens à Bay Street ne croient pas qu'il est justifié d'investir dans les infrastructures nordiques. Cette situation découle en partie des stéréotypes négatifs continus au sujet du Nord, ainsi que de l'absence d'incitatifs pour faire en sorte qu'il soit intéressant d'investir ou pour assurer des rendements adéquats. Les gens font valoir que l'infrastructure nordique est une occasion de développement social et pas une occasion de développement économique et que la responsabilité revient donc au gouvernement fédéral.
Par conséquent, les territoires du Nord, les sociétés de développement autochtone et ainsi de suite se tournent vers la Chine pour obtenir des investissements en capital. Qu'est-ce que cela signifie pour la souveraineté canadienne? Rien, peut-être. C'est comme la Norvège. Ses institutions et son économie sont assez solides pour être autonomes, dans la mesure où la Norvège possède le pouvoir de négociation nécessaire. Est-ce le cas dans le Nord canadien? Je ne suis pas en position pour le dire, mais je vais simplement dire que les Chinois comprennent la valeur cruciale de l'Arctique canadien et nord-américain. Je crois que tous les Canadiens devraient aussi s'en rendre compte.
J'ai aussi un bon exemple de ça qui concerne la version chinoise du projet Google Loon, si quelqu'un veut me poser une question à ce sujet.
Peut-on saisir des occasions lorsque, selon le Financial Times, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada prévoit doubler ses investissements dans l'économie émergente de la Chine au cours des sept prochaines années? À l'heure actuelle, il n'y a pas un seul régime de pension canadien qui investit ne serait-ce qu'une petite portion de ses fonds dans le Nord canadien. Une partie de tels investissements ne pourrait-elle pas aller dans le Nord plutôt que ce soit le Nord qui ait à demander aux Chinois d'investir des capitaux?
Pour que les financiers de Bay Street s'intéressent au Nord, ils doivent connaître et comprendre le Nord. Cela inclut comprendre la valeur humaine de la région et son potentiel économique. Essentiellement, le Canada doit créer sa propre stratégie de la route polaire de la soie, qui permettrait de prendre des décisions de financement de projets d'infrastructure fondées sur une justification globale, plutôt que des décisions prises de façon isolée, ce qui est précisément ce dont on a besoin pour attirer des capitaux privés.
Bay Street et les intervenants de la finance mondiale reconnaissent que la Chine est une économie émergente, mais nous devons en faire plus pour faire comprendre aux gens que l'Arctique nord-américain est aussi une économie émergente. Il faut vraiment commencer quelque part.
Plutôt que de miser sur des navires de guerre et des missiles pour repousser les Russes ou les Chinois, il faut comprendre que la principale menace qui pèse sur le Nord canadien, c'est vraiment le manque de vision globale pour attirer des investissements et bâtir les infrastructures essentielles. Le déficit d'infrastructure mine profondément la sécurité et la qualité de vie des résidents du Nord ainsi que notre capacité de protéger et de renforcer notre souveraineté.
Je crois qu'il faut aussi réfléchir au système de la route maritime du Nord de la Russie à la lumière de la création d'une voie maritime dans l'Arctique nord-américain, enjeu qui, si je ne m'abuse, a été abordé brièvement durant une réunion précédente. J'espère pouvoir vous en parler davantage durant la période des questions et des réponses.
En résumé, Bay Street et les financiers mondiaux n'investiront pas dans une région s'il n'y a pas une justification globale ou un plan stratégique. La Chine est l'exception, parce qu'elle a pris l'initiative d'elle-même et décidé de créer son propre plan stratégique pour l'Arctique. Si on préfère les capitaux de Bay Street aux investissements chinois et au fait que les infrastructures dans le Nord canadien leur appartiennent ou, au moins, si on préfère que le Canada établisse les modalités d'engagement de tels investissements ou qu'il parle de sécurité dans l'Arctique avec la Russie ou parle à d'autres intervenants de la Russie, je crois que le Canada a besoin de sa propre vision de la ceinture et de la route polaire de la soie.
Un tel processus détaillerait le rôle stratégique du Canada dans l'Arctique et dans le monde pour le XXIe siècle et, de plus, nous devons mettre cette vision en oeuvre.
[Français]
Je suis impatiente de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
[Traduction]
Bonjour. Je suis heureux de comparaître devant le Comité pour aborder ce thème important.
La souveraineté du Canada dans l'Arctique est un sujet qui repose sur de nombreux malentendus. C'est aussi un sujet moins sensationnel qu'on ne le prétend souvent. Vous avez entendu en juin dernier Alan Kessel, le conseiller juridique d'Affaires mondiales dire que « un trafic maritime accru, s'il est effectué correctement et conformément aux lois et aux politiques canadiennes, permet plutôt de renforcer la souveraineté du Canada dans l'Arctique ».
C'est vrai, comme l'est aussi son affirmation selon laquelle personne ne conteste la souveraineté canadienne dans ses terres arctiques, à une exception mineure près, soit l'île Hans. Les différends maritimes dans le Nord avec les États-Unis, dans la mer de Beaufort, et avec le Danemark, dans la mer de Lincoln, sont bien gérés et seront réglés conformément au droit international lorsqu'on jugera qu'il est impératif de le faire. Je ne prévois dans aucun de ces deux cas le besoin immédiat de régler des problèmes frontaliers. Ce sont des dossiers où la volonté politique de faire un compromis avec nos voisins — avec lesquels nous coopérons depuis longtemps — permettra de régler les différends.
Il y a 10 ans, j'aurais consacré la majeure partie de ma déclaration à réfuter ce que je considère comme des propos déplacés au sujet d'une prétendue course aux ressources ou le risque que les navires militaires ou commerciaux qui passent par le passage du Nord-Ouest minent la position juridique canadienne selon laquelle ce sont nos eaux. Malgré tout le brouhaha à l'époque, la situation ne s'est pas concrétisée, et je ne crois pas que ce genre d'activités constitue et constituera une menace importante pour la souveraineté du Canada dans l'Arctique aujourd'hui et dans un avenir prévisible.
Des experts beaucoup plus grands que moi, comme M. Kessel et Mme Lalonde, vous ont dit que le Canada considère toutes les eaux de son archipel arctique — y compris les diverses voies navigables communément appelées passage du Nord-Ouest — comme des eaux intérieures en vertu d'un titre historique. Nous avons établi une position juridique solide depuis la Deuxième Guerre mondiale, et je ne crois pas que cette position soit particulièrement en danger aujourd'hui.
Cependant, je suis sûr que vous êtes moins intéressé par des déclarations générales comme celle-ci que par mes réflexions sur les trois principaux sujets que le Comité étudie actuellement: la militarisation de la Russie dans sa zone arctique, les ambitions croissantes de la Chine dans l'Arctique et les revendications du Canada quant à son plateau continental étendu. Tous ces enjeux sont interreliés, mais je vais les aborder tour à tour.
Premièrement, en ce qui concerne la Russie, même si la fin de la guerre froide semblait annoncer une nouvelle ère de coopération étroite entre le Canada et la Russie, la méfiance persistante à l'égard des motifs géopolitiques et le manque de connaissances mutuelles au sujet de la part de l'autre dans le monde circumpolaire risquent de faire en sorte que nos pays deviendront des adversaires dans l'Arctique. De plus, l'agression russe en Ukraine et en Syrie et les vols de bombardiers stratégiques aux limites de l'espace aérien nord-américain donnent à penser à un retour de la concurrence des grandes puissances mondiales. Ces activités méritent une surveillance et une analyse minutieuse de concert avec les États-Unis et les autres partenaires de l'OTAN. Même si la gestion des menaces d'adversaires de force presque égale exigera peut-être des capacités nouvelles ou renouvelées dans l'Arctique canadien — comme la modernisation de notre système d'alerte du Nord —, je tiens à souligner que ces menaces ne sont pas liées directement à des questions ou à des différends sur la souveraineté dans l'Arctique.
Les activités militaires russes dans sa zone arctique ne sont liées d'aucune façon évidente aux changements environnementaux ou aux corridors maritimes ni à des menaces militaires dans l'Arctique canadien ou à l'égard de ce dernier. Les commentateurs font souvent un faux lien en confondant les enjeux de l'Arctique — les nouvelles menaces en émergence dans la région — avec de grands enjeux stratégiques mondiaux qui ont peut-être une connexion avec l'Arctique, mais qui sont gérés de façon appropriée à un niveau international plutôt qu'à un niveau régional précis. Selon moi, c'est quelque chose que doit refléter la politique officielle canadienne, sinon, c'est cette politique en tant que telle qui pourrait créer des perceptions très erronées à même de susciter la méfiance et de créer des conflits.
Bref, le Canada et la Russie se retrouveront de part et d'autre dans une ère de rivalité renouvelée entre les grandes puissances, mais je ne crois pas que cette rivalité générale laisse présager un conflit dans l'Arctique. Je crois plutôt qu'une importante coopération et une bonne collaboration dans la région circumpolaire restent possibles dans les domaines d'intérêt commun — ce dont je serai heureux de discuter —, le tout fondé sur le respect de la souveraineté de chaque État arctique et de ses droits connexes, tant que cette coopération circumpolaire n'est pas prise en otage d'un point de vue stratégique par des rivalités géostratégiques plus générales.
Même si certains médias et commentateurs du milieu de la recherche considèrent la Chine comme un nouveau concurrent militaire ou comme une menace à la souveraineté dans l'Arctique, j'ai fait valoir dans un livre que j'ai récemment coécrit que tout ça est fondé sur des spéculations et qu'il n'y a pas, selon moi, d'éléments de preuve vérifiables à cet égard. Par conséquent, je suis d'avis que les prétendues menaces chinoises pour la souveraineté canadienne dans l'Arctique sont de faux problèmes qui ne devraient pas détourner l'attention ni les ressources d'enjeux plus pressants.
Et maintenant, pour ne pas me faire accuser de naïveté à l'égard des intérêts chinois dans l'Arctique, j'aimerais nuancer cette affirmation en expliquant que les activités de la Chine et des autres États non arctiques dans notre Arctique posent des problèmes de sécurité et de sûreté. Il pourrait s'agir d'espionnage, d'exploitation des ressources ou d'activités maritimes néfastes pour l'environnement et même de la perte de la souveraineté économique du Canada. Cependant, je tiens à dire qu'il ne s'agit pas là de problèmes de « souveraineté dans l'Arctique » comme on en discute habituellement et qu'il est préférable de les considérer dans le contexte des relations du Canada avec la Chine en tant qu'acteur mondial émergent.
Enfin, je vais formuler une série de suggestions que je me ferai un plaisir d'expliquer plus en détail pendant la période de questions.
Même si, depuis novembre 2015, les déclarations officielles du gouvernement du Canada sur l'Arctique n'ont jamais mentionné la souveraineté et la sécurité dans l'Arctique, des sondages d'opinion publique réalisés au cours de la dernière décennie ont montré que ces notions trouvent un écho auprès des auditoires canadiens. Par conséquent, il est important que les déclarations officielles du Canada parlent de souveraineté et de sécurité, mais il faut être très clair quant à la façon dont ces notions sont utilisées.
Par conséquent, je recommande au gouvernement du Canada d'adopter une définition juridique de souveraineté dans ses messages publics afin d'éviter la confusion, particulièrement pour ce qui est des auditoires internationaux. Une définition étatique utilisée auprès des auditoires internationaux devrait s'assortir de messages complémentaires expliquant de quelle façon le Canada exerce sa souveraineté en partenariat avec ses peuples autochtones en tant que détenteur de droits au sein de notre pays qui possèdent aussi des droits particuliers à l'échelle internationale.
Ensuite, au titre du droit international, les États côtiers de l'Arctique possèdent des intérêts et des responsabilités précises dans la région de l'océan Arctique. En exerçant ces droits, le Canada devrait mener des consultations exhaustives auprès des intervenants nationaux — les provinces, les territoires et les organisations autochtones — avant toute réunion ou négociation internationale. Cela ne modifie pas la réalité juridique selon laquelle la délimitation des limites extérieures du plateau continental arctique au-delà de 200 milles nautiques est un processus mené par les États.
Vu le processus de l'article 76 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les recherches continues du Canada pour délimiter son plateau continental visent à se conformer à ses obligations en tant qu'État côtier. Les droits à un plateau continental nous appartiennent déjà en tant que partie à la Convention sur le droit de la mer et n'ont rien à voir avec les droits historiques, l'occupation ou l'usage. En présumant que les données scientifiques appuient notre position, notre plateau continental chevauchera les zones réclamées par nos voisins dans l'océan Arctique. Il faut encourager les efforts visant à favoriser le dialogue avec tous nos États côtiers voisins, y compris la Russie, puisque le règlement éventuel de ce dossier critique pour le Canada exigera nécessairement des négociations entre toutes les parties concernées. Ce n'est pas une source d'inquiétude, mais il s'agit d'un processus pouvant servir les intérêts nationaux de tous les États côtiers de l'Arctique.
Enfin, nous ne pouvons pas régler le dossier du passage du Nord-Ouest de façon bilatérale avec les États-Unis. C'est un rêve impossible. Je vous exhorte plutôt à vous rappeler l'important point soulevé par Mme Lalonde la semaine dernière, soit que la divergence d'opinions sur le statut juridique des droits de passage dans les eaux arctiques canadiennes est un enjeu international, pas bilatéral. Des pays comme la Chine protègent très bien leur jeu, comme elle vous l'a expliqué. Il n'y a pas de solution simple à ce problème de longue date, et tous ceux qui disent en avoir une, selon moi, font abstraction de l'histoire et de l'évolution des réalités de la politique internationale.
Malgré tout, notre position juridique n'est pas en danger. Nous devrions agir avec confiance. Notre politique étrangère liée à l'Arctique devrait rappeler, lorsque cela est possible, que le Canada accueille favorablement la navigation dans ses eaux arctiques comme nous le faisons ailleurs, si les navires respectent la réglementation canadienne en matière de sûreté, de sécurité, de protection de l'environnement et les intérêts des Inuits. Une telle politique inclut les bâtiments de pays comme la Chine et la Russie, que ce soient des brise-glaces de recherche ou des navires de croisière qui respectent la réglementation canadienne. Cette approche signifie aussi qu'il faut maintenir de solides capacités pour assurer une vigilance et garantir que ces bâtiments ne s'adonnent pas à des activités qui vont à l'encontre des lois canadiennes ou de nos intérêts nationaux.
Enfin, nous devons profiter des avantages liés au fait de travailler avec nos alliés et nos partenaires circumpolaires pour maintenir un ordre fondé sur les règles dans l'Arctique. La situation n'exige pas d'amplifier les enjeux liés à la sûreté et la sécurité et de les traiter comme de prétendues menaces à la souveraineté qui justifient rarement des investissements à long terme de ressources matérielles et intellectuelles. Selon moi, il faut plutôt essayer de convaincre les Canadiens de partout au pays que notre souveraineté arctique existe déjà. Nous avons seulement besoin d'une volonté nationale pour aider les habitants du Nord, en tant que concitoyens canadiens, à réaliser leurs rêves pour la région.
[Français]
Merci.
[Traduction]
Merci beaucoup à vous deux.
Nous allons passer directement aux questions en commençant par le député O'Toole, s'il vous plaît.
Merci beaucoup.
Merci à vous deux de vos exposés.
Madame Shadian, j'ai lu votre lettre d'opinion corédigée avec Clint Davis dans le Globe il y a quelques mois. J'ai déjà travaillé avec Clint lorsque j'oeuvrais à Bay Street et qu'il représentait le CCCA.
Vous êtes probablement la première personne à avoir abordé la question de l'Arctique dans des termes résolument économiques. J'aimerais approfondir cet aspect des choses. Pour ce qui est de l'énoncé de vision que vous demandez et qu'aucun politicien n'a énoncé, je pense que Diefenbaker l'avait fait avec ses « voies d'accès aux ressources ».
Oui, mais du point de vue moderne, nous ne l'avons pas fait.
Quels pourraient être des partenariats entre les ordres de gouvernement et les sociétés de développement autochtones? Le gouvernement fédéral devrait-il fournir un véhicule pour permettre un établissement des priorités en matière d'infrastructure dirigé par les Inuits?
C'est une excellente question. Merci.
Je dirais que, pour y arriver, il faut réunir le gouvernement fédéral, les sociétés de développement autochtones et des investisseurs privés.
Dernièrement, j'ai travaillé en collaboration avec de nombreuses sociétés de développement des Premières Nations inuites pour essayer de sensibiliser Bay Street au sujet du Nord et pour dissiper les stéréotypes. Nous essayons de faire venir des représentants de Bay Street dans le Nord et d'amener des représentants des sociétés de développement autochtone dans le Sud pour qu'ils y fassent des stages. C'est un processus qui est lent, et j'ai reçu toute la gamme de commentaires, des stéréotypes négatifs très mauvais à... J'ai éveillé l'intérêt de quelques personnes.
On commence maintenant à voir un intérêt à Bay Street, je dirais. J'ai l'impression que je dois les attirer un à la fois, et je suis très heureuse lorsque je réussis. C'est incroyable de voir leurs yeux s'illuminer tout d'un coup. En fait, un des représentants d'un régime de pension est venu avec moi à la conférence du Arctic Circle à Reykjavik. Il était tout simplement renversé et se demandait pourquoi il ne savait pas tout ça.
Je dirais donc qu'il s'agit d'un effort tripartite. Le gouvernement fédéral doit participer, et l'impulsion doit aussi venir des territoires et des sociétés de développement autochtones elles-mêmes. Nous avons aussi besoin de capitaux privés. On aurait ainsi beaucoup de moyens de comprendre de quelle façon assurer l'équité pour les Autochtones dans le cadre de ces partenariats public-privé et aussi l'occasion de montrer le genre de partenariats public-privé possible et, par conséquent, pointer vers ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour fournir des incitatifs.
Permettez-moi de vous interrompre.
Le gouvernement libéral le fait, mais pas au Canada. Il a chargé l'ambassadeur Blanchard de parler aux régimes de pension et aux investisseurs privés afin que ceux-ci investissent dans le monde en développement, conformément aux objectifs de développement durable, dans le cadre de ses tractations pour obtenir une place au Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui me frustre, c'est que nous avons un déficit d'infrastructure — et ce n'est pas peu dire — dans le Nord, et nous avons des Inuits qui sont frustrés par le fait que le premier ministre traite leurs régions comme un parc et ne mène même pas de consultations dans le but de déclarer de grands pans de l'Arctique comme étant hors limite pour l'exploitation des ressources puis demande ensuite au secteur privé d'investir dans des pays en développement à l'étranger.
Croyez-vous que la même approche devrait être utilisée pas dans le cadre de la demande aux Nations unies, mais peut-être en partenariat avec des Premières...?
Ce devrait être les deux, si possible. Le problème, c'est que nous allons à contre-courant. Habituellement, il n'y a pas de marché émergent au sein des pays de l'OCDE, mais lorsqu'on regarde l'Alaska, le Canada et le Groenland, il semble évident que toute cette région est composée de marchés émergents, qui affichent bon nombre des mêmes caractéristiques qu'un marché émergent n'importe où ailleurs dans le monde, moins, peut-être, une bonne partie des facteurs de risque habituels, parce que ce sont des économies stables.
Ce que le Canada fait dans le domaine du développement international est vraiment important, mais je crois que nous devrions aussi réfléchir à notre Nord et comprendre que c'est une réelle occasion à saisir.
J'en parle depuis un certain temps. Une partie de notre revendication de souveraineté — et j'ai entendu M. Lackenbauer et d'autres témoins dire qu'ils n'aiment pas qu'on en parle — et une partie de l'insécurité du Canada découle de notre absence dans le Nord. Nos partenaires dans le Nord n'ont pas une présence déficiente. Leur part du Nord compte 0,5 % de notre population, mais représente 40 % de notre masse terrestre.
J'ai proposé à quelques reprises au gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministère de la Défense nationale, de construire des infrastructures et de donner suite à ce que l'ancien premier ministre Harper a fait pour Nanisivik. Beaucoup d'aéroports s'inquiètent du manque de service en raison du manque de pistes. Nous devrions consacrer des fonds d'infrastructure dans le cadre du plan général de dépense de l'OTAN de 2 % de façon à aussi inclure des infrastructures dans l'Arctique, ce qui aurait l'avantage secondaire de nous aider à assurer notre présence dans le Nord.
Que pensez-vous de cette approche?
J'adopterais plutôt une approche économique. Tout ce qui concerne les questions militaires serait le sous-produit de la justification de la création d'un système d'infrastructures.
En ce moment, il y a énormément de projets que les gens essaient de faire financer dans le Nord. Tout le monde veut qu'on réalise son projet, parce que les fonds sont limités. Je crois qu'il faut une stratégie plus générale. Il faut trouver une façon de relier ces projets, et il faut les prendre...
Si on retire les aéroports et les ports de la liste des territoires — parce que le gouvernement fédéral en serait responsable —, la liste se limiterait aux routes et à un certain nombre de projets de développement économique.
En outre, ce seraient des routes qui mèneraient vers des projets d'exploitation des ressources, vers des ports. Il y a beaucoup d'activités connectées dans tout ça.
Je pense qu'il ne servirait pas à grand-chose d'envoyer simplement des ressources militaires là-bas. Il n'y a aucune raison pour laquelle la région ne pourrait pas ressembler au Nord de la Norvège. Certains pays arctiques ne s'inquiètent pas de la présence dans leur région nordique. Ces régions sont remplies d'économies vibrantes, et il n'y a aucune raison pour lesquelles ce ne pourrait pas être la même chose ici. J'hésiterais à mettre tout l'accent sur l'aspect militaire. Je crois qu'il faudrait mettre l'accent sur le développement économique, puis les infrastructures militaires accompagneraient tout ça, évidemment. C'est ce que je pense.
Merci beaucoup à vous deux d'être là.
Madame Shadian, je vais commencer par vous. Je vais revenir à la déclaration de Fairbanks de 2017. Une des choses importantes qui sont ressorties du processus, c'est le modèle de financement des participants permanents. Le fonds créé a permis une certaine stabilité en fournissant un modèle de financement annuel à leur intention et aussi un financement pour des projets liés précisément à des initiatives axées sur la collaboration.
Une des choses qui n'étaient pas... J'en reviens à un article que j'ai lu. Vous avez parlé précisément d'infrastructure, affirmant que les dépenses d'infrastructure dans le Nord coûteront au moins 1 billion de dollars. Aucun pays ni aucune entité — à mon avis — ne peut y arriver seul. Cependant, le Conseil de l'Arctique compte huit membres. Il y a 39 États observateurs et six participants permanents. Concentrons-nous sur les États observateurs.
À l'heure actuelle, ils sont limités par une règle liée aux dépenses de 50 % lorsqu'il est question de projets précis. Si nous voulons vraiment nous attaquer au problème d'infrastructure dans le Nord, croyez-vous encore qu'il faut imposer aux observateurs la règle des 50 %? Ou devrait-on miser davantage sur la collaboration, peu importe le montant dépensé, pour s'assurer que le Nord se développe comme il devrait?
En fait, c'est une question intéressante, et elle a été posée parce qu'Affaires mondiales Canada était un participant du groupe auquel j'ai moi aussi participé durant la réunion du Arctic Circle, et on a beaucoup parlé de cette question d'infrastructure.
Vu qu'Affaires mondiales Canada a surtout mis l'accent sur le Conseil de l'Arctique, on m'a demandé ce que ce conseil pourrait faire pour régler certains de ces problèmes. Je pense que c'est un peu lié, peut-être, à ce dont vous parlez. Il y a eu des discussions, et diverses entités ont exprimé leur intérêt relativement à la création d'un genre de véhicule d'investissement pour l'Arctique, qu'il s'agisse d'un fonds d'investissement quelconque ou d'une banque de l'infrastructure. J'ai mentionné rapidement que ce pourrait être un sujet de discussion approprié pour le Conseil de l'Arctique, parce que cette entité réunit tous les chefs d'État des pays arctiques. Il y a aussi les observateurs, qui sont là et qui peuvent participer aux discussions.
Évidemment, la Chine a beaucoup plus d'argent que certains des autres États arctiques. C'est une façon pour elle de participer, plutôt que de penser à la quantité d'argent qu'elle pourrait dépenser dans le cadre d'une participation directe au sein du Conseil de l'Arctique...
J'ai une question distincte pour vous, monsieur Lackenbauer. Je n'ai pas beaucoup de temps. C'est la raison pour laquelle je veux m'assurer... Ce sont deux questions que je trouve importantes.
Ma deuxième question vous est donc destinée, monsieur Lackenbauer. Lorsque la déclaration de Kiruna a été signée en 2013, on a ajouté six pays observateurs, la Chine, l'Inde, l'Italie, le Japon, la République de Corée et Singapour. Je trouve intéressant que ces pays s'intéressent à l'Arctique.
Vous avez écrit précisément au sujet de l'Inde. Je ne vais pas utiliser l'Inde comme exemple, mais il y a certains thèmes qui sont ressortis de l'article que vous avez écrit, et je voulais explorer rapidement les ramifications géopolitiques du fait de permettre à ces six pays de se joindre aux pays observateurs.
L'Inde avait un modèle concernant l'Antarctique. Le pays l'utilisait, mais pour une raison quelconque, le modèle ne s'appliquera pas dans le cas de l'Arctique. Une chose qui est ressortie de l'article — quelque chose qui avait été souligné par l'Inde —, c'était la question du patrimoine mondial, l'idée que cette zone pourrait être utilisée par tout le monde, pas seulement par les États côtiers de l'Arctique.
Une autre chose qui est ressortie de tout ça, et qui était tout aussi importante, c'était le fait que nous avons maintenant différentes définitions pour décrire ce qu'il se passe là-haut. Vous avez présenté ces définitions comme suit: la course à l'Arctique, la saga de l'Arctique, la récession polaire ou la sanctuarisation polaire.
Sans parler nécessairement de l'exemple de l'Inde... mais à la lumière de la nouvelle stratégie géopolitique de ce nouvel enjeu important et vu toutes les parties en cause — l'Italie, le Japon, la République de Corée du Sud, Singapour et 34 ou 35 autres pays observateurs —, selon vous — tout simplement pour que ce soit mieux expliqué — dans quelle direction allons-nous d'un point de vue géopolitique à la lumière des définitions que vous avez fournies dans votre article?
Merci de la question. C'est une question merveilleuse.
Examiner la situation de l'Inde est fascinant, parce qu'elle montre l'importance de certaines des idées préconçues des États non arctiques d'autres régions du globe, dans le cas de l'Inde, durant l'ère du Mouvement des pays non alignés des années 1950. L'Inde, donc, regarde l'Antarctique et transpose ce modèle dans l'Arctique, alors que ce sont deux régions très différentes, l'Arctique étant, bien sûr, principalement une zone océanique et non un continent, qui, en outre, chevauche les territoires souverains de différents États côtiers et est habitée. À voir les commentateurs indiens acquérir une meilleure compréhension de l'Arctique au cours des 10 dernières années et améliorer et préciser leur évaluation de ce à quoi l'avenir de l'Arctique pourrait ressembler, j'ai bon espoir que nous nous dirigeons effectivement vers une saga polaire plutôt qu'une course polaire.
Un autre type de raisonnement qui ressort des commentaires indiens concernait le fait qu'il était de la responsabilité des États non arctiques comme l'Inde de sauver le monde arctique en développement — menacé par les méchants pays capitalistes de l'Arctique — pour empêcher ces pays de détruire la planète en exploitant les ressources dans une zone extrêmement vulnérable. En fait, l'Inde commençait quasiment à se positionner comme étant — comme elle l'avait fait à l'époque du Mouvement des pays non alignés — la voix des marginalisés, pour assurer la durabilité de la planète.
Je crois que le fait que l'Inde devient un observateur accrédité — et, selon les règles de la déclaration de Kiruna, il s'agit d'un rôle très précis qui n'est d'aucune manière comparable à celui des États arctiques comme le Canada — a en fait favorisé un processus d'éducation. C'est parfait que des questions viennent de l'extérieur du monde arctique.
En même temps, c'est une excellente occasion pour des pays comme le Canada de jouer un rôle de premier plan, comme nous le préconisons, pour sensibiliser le monde au sujet de cet avenir en nous assurant qu'il sera à même de créer des conditions gagnantes pour tout le monde.
La raison pour laquelle j'ai mentionné l'Inde, c'est que vous avez dit certaines choses dans l'article, surtout au sujet des changements climatiques et du réchauffement de la région, mais aussi au sujet du fait que les précipitations annuelles en Inde dépendent de la saison de la mousson, qui apporte 80 % de la pluie. Même des pays qui n'ont pas de liens côtiers en tant que tels seront touchés par ce qui se produira dans l'Arctique.
Si nous adoptons un point de vue encore plus général, délaissant les huit États et englobant les 39, ne serait-ce pas là une façon de réduire par un moyen géopolitique le risque que quelque chose de vraiment grave se produise tout en permettant d'accroître la participation de ces pays pour s'assurer que les choses sont faites de façon modérée et conformément à une bonne gouvernance?
Oui. C'est utile, surtout dans le domaine de la science, de miser sur des partenariats avec des experts de partout dans le monde, y compris des États non arctiques; assurément, à mes yeux, la connaissance est une source de paix et de prospérité.
J'aimerais revenir à certains des thèmes économiques. J'ai deux séries de questions principales. La première est liée en quelque sorte à la façon dont on fonctionne, ici. Nous avons parlé d'une stratégie à long terme pour l'Arctique. L'un des obstacles à une telle stratégie, ce sont les changements de gouvernement. Tant que les plans pour l'Arctique sont fondés sur des visées vraiment très partisanes, comme c'est le cas, alors, quand il y a un changement de gouvernement, le nouveau gouvernement au pouvoir ne veut pas reprendre la stratégie précédente. C'est ce qu'on voit se produire actuellement. Le gouvernement Harper avait une stratégie pour l'Arctique, puis on a eu un nouveau gouvernement, et il élabore une nouvelle stratégie pour l'Arctique.
Ce que cela empêche, c'est l'idée de créer un plan sur 10, 20 ou 100 ans et l'idée qu'un nouveau gouvernement puisse arriver au pouvoir et décider de poursuivre le plan et de poursuivre les mêmes investissements sans avoir à accorder le mérite aux autres. Il s'agit en partie d'avoir un plan de développement qui est vraiment dirigé par l'exécutif.
Cela échappe peut-être à votre champ de compétences, mais je me demande si vous pourriez parler de ce que nous pouvons faire, ici, pour mieux travailler sur ce dossier — et peut-être d'autres — afin de pouvoir réaliser une planification à long terme pour le pays relativement à certains de ces enjeux importants. Qu'est-ce que cela signifie pour un comité comme le nôtre ou d'autres comités — et l'organe législatif en général — d'essayer de participer davantage et d'être pris plus au sérieux par le gouvernement, si nous voulons assurer une planification à long terme?
Est-ce important ou voyez-vous une voie pour...?
Absolument. C'est une question fantastique. Je n'ai pas l'intellect assez aiguisé pour entrer dans le détail de la façon dont les choses fonctionnent, surtout que je ne suis pas d'origine canadienne.
La première question qui me vient à l'esprit, c'est s'il est possible de créer un genre de comité bipartisan, tripartisan ou multipartite. Ce qui a été suggéré au terme de cette fin de semaine complète avec OPTrust, c'était qu'on pourrait créer un comité indépendant chargé de se pencher sur la question.
Une vision commune devrait, selon moi, être quelque chose qui est dans l'intérêt de toutes les parties. Elle pourrait porter précisément et seulement sur les besoins économiques.
Permettez-moi d'intervenir.
Je suis d'avis contraire. Je ne crois pas que nous avons besoin d'un autre comité. On a une stratégie canadienne sur le Nord ou sur l'Arctique depuis 1970. Elle a été définie par Pierre Trudeau. On l'a maintenue durant l'ère Mulroney, et elle se poursuit jusqu'à aujourd'hui.
Oui, de quatre piliers on est peut-être passé à sept dans la dernière ébauche du Cadre stratégique de l'Arctique du gouvernement du Canada que j'ai pu consulter, mais, au bout du compte, il est question de trois choses principales: les gens, l'environnement et le développement, même si l'ordre et la priorité des ressources ont peut-être changé avec le temps.
Au bout du compte, j'aimerais vraiment qu'il y ait un accord réellement non partisan et qu'on reconnaisse que cette stratégie est en place depuis près de 50 ans maintenant. C'est une stratégie qui a été maintenue par des gouvernements conservateurs et libéraux et qui a été produite au terme des travaux de comités dont les membres venaient de tous les partis, y compris le NPD, au fil des ans. C'est la Stratégie pour le Nord du Canada. Il faudrait peut-être maintenant investir et affecter les ressources appropriées pour réaliser cette vision.
Nous avons fait de grands progrès. Nous n'y sommes pas encore, mais nous avons fait de grands pas en investissant énormément au cours de 15 dernières années pour revoir la structure gouvernementale au pays de façons vraiment novatrices. Les systèmes de cogestion et de partenariat que nous avons élaborés nous donnent, en cette période de réconciliation, accès à des outils dans le Nord — et, selon moi, ce sont des outils très puissants que nous pouvons utiliser à l'avenir —, les outils mêmes que nous avons construits collectivement en tant que pays.
Selon moi, au lieu de nous enliser davantage dans les travaux de comités — pour ainsi dire —, j'aimerais qu'on adopte la stratégie comme étant une véritable politique nationale canadienne et qu'on reconnaisse que c'est quelque chose de vraiment...
Je dirais toutefois qu'on peut avoir une politique générale. Nous croyons aux gens du Nord, nous croyons au développement durable et à notre souveraineté. Je parle d'un type précis de stratégie — je ne sais pas, mais nous parlons de la version moderne de la « voie d'accès aux ressources » — pour définir de quelle façon l'économie nordique peut s'intégrer dans la politique étrangère canadienne et le rôle du pays à l'échelle internationale. Nous pourrions peut-être revenir à l'approche tripartite dont j'ai parlé, mais je crois que nous devons approfondir les choses en y réfléchissant, en se demandant, dans ce domaine précis, de quelle façon nous pouvons envisager de mieux intégrer le Nord du Canada dans les grands objectifs économiques du pays.
Lorsque nous sommes allés dans le Nord, l'une des choses que nous avons entendues, c'est que certains investisseurs privés veulent réaliser certains projets, mais l'infrastructure principale n'est pas là. Sans un plan qui nomme concrètement des routes et des ports, de façon à permettre aux investisseurs privés d'avoir une certaine confiance quant au fait que ces choses seront construites, et ce, dans un certain délai, c'est difficile de susciter ce genre d'intérêt.
Voilà une des choses sur lesquelles je m'interroge: si on avait un accord plus multipartite ou une stratégie plus précise — pas seulement les piliers généraux, mais des projets — cela ne pourrait-il pas faire partie des arguments d'investissement auprès des investisseurs privés?
Oui. Absolument, parce que les investisseurs privés ont besoin de savoir qu'il y a un engagement et une stratégie générale au sein de la Banque de l'infrastructure du Canada. Dans l'une des précédentes audiences sénatoriales, où il était question du projet des corridors du Nord, les choses ont été décrites comme suit: en ce moment, ils s'intéressent aux projets qui intéressent les investisseurs privés. Cependant, les investisseurs privés ne connaissent pas le Nord, et il est là, le problème. C'est en grande partie une question d'éducation.
L'autre chose que je voulais aborder avant que mon temps ne soit écoulé concerne les changements climatiques, que nous avons mentionnés précédemment. C'est bien réel, et c'est un enjeu important. L'Arctique est un environnement sensible. Dans quelle mesure est-ce important, alors?
Lorsqu'on parle d'investissement majeur dans l'infrastructure, le débat tourne en grande partie autour de la certitude, des processus de délivrance de permis environnementaux, du respect des droits ancestraux et de la participation des Autochtones. M. Lackenbauer avait raison. Certaines structures en place visant à reconnaître les droits ancestraux dans le cadre du processus sont plus solides dans le Nord qu'ailleurs au pays. Dans quelle mesure est-il important que le plan à long terme aborde aussi ces enjeux, c'est-à-dire la façon de réaliser des projets en étant responsable d'un point de vue environnemental et la façon de déterminer quels projets il faut refuser, s'ils violent certains principes ou ne sont pas assez bons?
Dans quelle mesure est-il important d'inclure ces choses dans le plan à long terme, si nous nous dotons d'un tel plan?
Permettez-moi de vous limiter à une réponse brève, parce que nous avons un peu dépassé le temps imparti.
Je dirais qu'il faut en tenir compte comme on le ferait partout ailleurs dans le monde. Il y a une réalité environnementale en vertu de laquelle il faut réaliser une évaluation environnementale quel que soit le projet et peu importe où il est réalisé dans le monde. Il faut tenir compte de ces risques et prendre en considération les aspects à long terme.
Il faudrait traiter les projets comme on traite tous les autres. On ne veut pas construire nulle part quelque chose qui n'est pas durable, quelque chose qui ne tient pas compte de la durabilité. C'est le contexte dans lequel j'envisage tout ça.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Lackenbauer, vous avez mentionné que les gens sont l'une des trois composantes essentielles dans le cadre des discussions sur l'Arctique. Je dirais presque qu'il s'agit de l'aspect le plus important des trois, en fait, même lorsqu'il est question de souveraineté. Notre souveraineté repose sur le fait que ces territoires sont les terres ancestrales de nos Inuits, et ce, depuis des temps immémoriaux.
L'une des choses dont nous entendons souvent parler, c'est la qualité de vie. On a donné un certain nombre de fois l'exemple des collectivités inuites du Groenland. Nous n'avons rien entendu au sujet du Danemark et de la façon dont ce pays a abordé cet enjeu, la composante humaine. Qu'a-t-il fait de si différent? De l'autre côté de la baie, il y en fait beaucoup de gens avec des liens familiaux, et les gens parlent des différences liées à la qualité de vie.
Je me demandais si l'un ou l'autre d'entre vous aimerait en dire davantage à ce sujet.
Merveilleux. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites au sujet de faire passer les gens en premier. J'ai l'impression que c'est ce qui ressort du processus de consultation concernant le Cadre stratégique de l'Arctique: il faut le dire haut et fort. De plus, je crois que c'est ce qui est ressorti des consultations que le gouvernement a réalisées dans le Nord. Je crois qu'on s'en va dans la bonne direction.
Évidemment, les indicateurs sociaux et les indicateurs de la santé dans le Nord sont lamentables. Ils entachent vraiment la réputation internationale du Canada, et c'est quelque chose que nous devons tous prendre très au sérieux. C'est assurément un sujet digne de notre attention et de nos investissements, du point de vue non seulement des ressources matérielles, mais aussi des ressources intellectuelles: il faut trouver de nouveaux modèles de prestation.
Lorsqu'on regarde de l'autre côté, vers le Groenland, on constate qu'il y a là une histoire coloniale différente — même si elle est très coloniale aussi — vu la façon dont l'Atlantique Nord monte jusqu'à ces côtes; beaucoup de ces collectivités, ironiquement, même si elles se trouvent tout juste de l'autre côté du détroit de Davis, sont accessibles pendant une saison beaucoup plus longue et misent sur des pêcheries viables et des occasions économiques différentes de celles qui existent jusqu'à présent dans l'Arctique canadien. La réalité est très visiblement différente lorsqu'on se rend dans une collectivité comme Uummannaq au Groenland, puis, par exemple, dans une de nos merveilleuses collectivités de l'île de Baffin. Ce n'est vraiment pas la même chose.
Encore une fois, en regardant vers l'extérieur plutôt que vers l'intérieur, comme on le fait toujours au pays, en regardant l'Arctique et les modèles potentiels que nous devrions envisager comme des pratiques exemplaires... Le Groenland fera peut-être partie du lot. En ce qui concerne les modèles économiques, nous pouvons regarder des réussites comme l'île de Baffin et la façon dont les gens là-bas ont réussi à faire fonctionner les choses malgré une infrastructure limitée et ce que tout ça offre en fait de possibilités. Ils ont fait des choses vraiment miraculeuses dans le cadre de leur travail à la mine Mary River au cours de la dernière décennie.
Je n'essaie pas d'éluder votre question. C'est simplement, pour le dire à nouveau, qu'en étant un peu plus ouvert en tant que pays, en regardant à l'extérieur de nos frontières et en faisant certaines comparaisons, nous nous rendrons compte que nous possédons beaucoup de choses uniques dans notre Nord et que bon nombre de nos défis sont, dans certains cas, les mêmes que ceux du reste du monde circumpolaire, comme des taux de suicide extrêmement élevés, des taux de tuberculose qui sont scandaleux et, selon moi, inconcevables pour un pays comme le nôtre. Essentiellement, il faut faire attention et, lorsqu'on compare des pommes et des oranges, se rendre compte que ce sont tous les deux des fruits, mais, dans certains cas, ce sont des fruits différents.
Je dirais qu'il faut vraiment tenir compte des aspects historiques. L'enjeu de la gouvernance est très différent, je dirais, dans le Nord canadien et au Groenland. Le Groenland a de grandes aspirations, mais bénéficie d'une souveraineté territoriale complète. Je ne crois pas que ce soit vers ça que s'en vont nos collectivités inuites.
Je dirais aussi qu'il y a encore beaucoup de vulnérabilité au Groenland. Les aspects humains comme le suicide, le manque d'infrastructures... Il y a beaucoup de similitudes.
Plutôt que de nous demander ce que nous pouvons apprendre de ce modèle, j'ai l'impression que, puisqu'il y a tant de différences quant aux aspirations du Nord canadien, des Canadiens et des Inuits au Canada — comparativement à là où les habitants du Groenland se voient à l'avenir —, nous devrions peut-être trouver des façons de mieux travailler ensemble. Déjà, les Inuits du Nord canadien et du Groenland cherchent des façons de mieux nouer des liens.
La question importante pour eux, c'est de savoir comment ils peuvent mieux améliorer le commerce. Il y a des discussions sur la possibilité de conclure un accord de libre-échange entre les Inupiats de l'Alaska, les Inuits du Canada et les Groenlandais. Ils cherchent des façons de mieux coopérer ensemble, selon moi, plutôt que d'envisager des modèles précis. Il y a des vulnérabilités et des avantages dans les deux cas, selon moi... ce sont des pommes et des oranges.
Madame Shadian, vous avez beaucoup parlé dans votre exposé du développement économique, particulièrement en Russie. Il y a deux volets à ce développement économique. Premièrement, de toute évidence, il y a ce dont tout le monde parle: le passage du Nord-Ouest et le passage du Nord-Est.
Je ne considère pas que ce sont deux concurrents; avons-nous des études qui révèlent quel est l'avantage économique et la valeur du passage du Nord-Est, par exemple, pour le transport de marchandises vers la côte Est ou de la côte Est vers l'Asie? Quels sont les chiffres dont on parle?
Il y a les avantages économiques liés au raccourcissement des voies d'approvisionnement, puis il y a le développement en tant que tel de l'Arctique. Vous avez mentionné Bay Street. Des études ont-elles été réalisées quant au genre d'infrastructure qu'il faut créer? Il ne s'agit pas ici de l'aspect humain et de choses comme la sécurité alimentaire et l'autosuffisance énergétique dans l'Arctique, entre autres. Il s'agit simplement du potentiel économique.
Encore une fois, puis-je vous demander de répondre de façon brève. Nous avons dépassé le temps alloué.
Je dirais que c'est un peu faire d'une pierre deux coups, en quelque sorte. Je ne suis pas au courant d'une étude de faisabilité qui aurait été réalisée, et je crois qu'il devrait y en avoir une.
Je peux vous parler davantage des discussions que j'ai eues. J'ai travaillé en collaboration avec un ancien lieutenant-gouverneur de l'Alaska pour concevoir un genre de voie maritime du Saint-Laurent entre l'Alaska et le Canada. Je crois qu'on en a parlé l'autre jour, rapidement, mais c'est une idée qui prend de l'ampleur. Nous pourrons en parler.
Nous allons laisser les députés Sidhu et Alleslev intervenir rapidement. Nous ferons vite, parce que nous devons finir à 16 h 30 pour le prochain groupe de témoins. Vous aurez chacun quatre minutes, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Merci, monsieur le président, merci à vous deux de vos témoignages ce matin.
Madame Shadian, vous avez parlé de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada qui pourrait investir dans l'Arctique, pas en Chine. Au contraire, au sein du Comité, nous avons étudié la façon dont l'Institution de financement du développement devrait investir à l'étranger. Pouvez-vous nous fournir des idées ou nous présenter un genre de mécanisme de façon à ce que nous puissions suggérer à l'Office d'investissement d'investir dans l'Arctique?
On en revient encore une fois à la discussion et à ce que je disais: quelqu'un doit commencer à en parler et faire comprendre aux gens que les intervenants de l'Arctique nord-américain travaillent mieux ensemble parce qu'ils sont connectés; il faut voir là un nouveau marché. Vous dites peut-être qu'il faut se tourner vers le marché international et mettre l'argent... L'argent est dépensé, il l'est en Chine et en Australie.
On en a parlé avec des représentants des régimes de pension et quelqu'un a dit: « Mon Dieu, c'est fou. Nous investissons tellement d'argent en Australie ». L'Australie a beaucoup de similitudes avec le Canada, vu sa population autochtone, son grand territoire et tout le reste. Pourquoi investissons-nous tout notre argent là-bas? Pourquoi ne faisons-nous rien pour investir ne serait-ce qu'une partie de notre argent dans notre propre Nord?
Si des fonds sont investis dans le Nord et que nous pouvions trouver une façon de faire fonctionner les choses, alors, évidemment, ce serait bénéfique de nombreuses autres façons dans la mesure où on pourrait améliorer l'économie et investir des fonds publics dans le Nord. Certains fonds publics qu'on investit là-bas seulement pour maintenir une norme de vie médiocre pourraient servir à d'autres choses.
Vous parlez d'encourager les investissements dans des pays en développement...
C'est ce que nous étudions au sein du Comité, en fait. Il faut investir dans l'Arctique, je comprends bien, mais il y a seulement 100 000 habitants dans les trois territoires, alors où croyez-vous qu'il faut investir l'argent? Des routes, des ponts...?
Oui, et, en outre, il pourrait y avoir moyen de générer des revenus si on crée un genre de cadre entre l'Alaska et le Canada.
Je vais prendre l'exemple de Google. Google essaie de créer son système Loon, n'est-ce pas? Ça n'a pas à être Google, ce pourrait être n'importe qui d'autre. Quelqu'un est venu me voir avec des idées folles en matière de TI et un paquet d'entrepreneurs chinois ont dit: « Nous voulons vous aider à construire un Loon ». Ils ont dit vouloir offrir une connexion Internet dans le Nord.
On ne va pas devenir riche en offrant une connectivité Internet aux collectivités du Nord, mais là où on peut faire beaucoup d'argent — et c'est là l'intérêt de ces gens —, c'est que si on a un système, on pourra en fait recueillir beaucoup de données. Les données sont très utiles et ont beaucoup d'importance.
Je pense que nous devons commencer à penser aux infrastructures du point de vue du XXIe siècle. Il y a une tonne de possibilités. L'infrastructure intelligente est l'avenir. De quelle façon pouvons-nous arrêter de penser uniquement en termes de revenus générés par des péages, des frais d'utilisation ou je ne sais quoi et aborder la situation dans une optique beaucoup plus moderne?
J'ai une question pour M. Lackenbauer. Vous dites qu'il n'y a pas de menace à la souveraineté canadienne, les gens qui viennent et se déplacent...
Je suis préoccupé par les changements climatiques. Les gens seront-ils respectueux de nos eaux? Pollueront-ils nos eaux? Nous n'avons rien pour assurer un contrôle de tout ça. Le premier navire qu'on essaie de mettre à l'eau sera prêt l'an prochain, s'il est construit à Vancouver. Il faudra attendre le deuxième jusqu'en 2021.
De quelle façon pouvons-nous gérer tout ça?
Premièrement, je ferais une distinction ici avec le thème de la souveraineté. Ma définition juridique serait la suivante: « le droit reconnu à l'échelle internationale de contrôler les activités sur un territoire donné ». Le Canada a le droit de contrôler les activités sur ce territoire.
Les enjeux liés à la sécurité et à la sûreté associés au fait de jouer ce rôle et d'appliquer nos lois et de s'assurer que les gens ne polluent pas et que le tourisme de croisière se fait de façon durable et respectueuse de l'environnement, des sites archéologiques et ainsi de suite... c'est une tout autre question. Selon moi, c'est un sous-ensemble associé... Une fois que l'on comprendra vraiment qu'il faut avoir plus confiance en notre souveraineté, nous pourrons plutôt consacrer notre énergie à mettre en place un plan pour gérer la sûreté et la sécurité.
Je pense vraiment que, au cours des 10 dernières années, on a mis au point les outils en faisant porter l'accent sur des initiatives comme le Plan de protection des océans et certains des plans de surveillance marine des Inuits et des initiatives de longue date comme les Rangers canadiens — l'une des grandes histoires de réussite canadiennes pour ce qui est d'avoir des gens sur place qui peuvent s'assurer que ceux qui passent par là ou qui visitent la région se comportent conformément aux intérêts canadiens —, ce sont des choses que nous mettons en place maintenant afin d'y donner suite.
Cependant, je ne crois pas que ce soit une question de souveraineté.
Merci beaucoup.
Je crois que c'est une conversation vraiment importante. Je vous remercie d'avoir étudié la question à fond.
Vous avez établi qu'il y a, essentiellement, des impératifs militaires, civils et économiques pour lesquels nous devons nous concentrer sur notre Nord. J'aime votre analogie d'un nouveau marché: il ne s'agit pas de politiques, et il faut plutôt établir une stratégie pragmatique, concrète et réalisable.
À cette fin, pouvez-vous me dire si nous avons une définition et une portée claires et concises de l'occasion économique que représente l'Arctique?
Si je peux répondre à cette question en premier, je vous dirai que non.
Ce qui m'a causé problème au cours des 20 dernières années durant lesquelles je me suis penché sur cette question, c'est le manque de clarté. Nous disons beaucoup de choses générales sur le besoin d'avoir une économie combinée qui suppose des activités de récolte traditionnelles et le fait de se préparer à un développement capitaliste axé sur le marché. Je vois beaucoup de...
Lorsqu'on regarde les marchés émergents, bien sûr, nous nous intéressons d'un point de vue économique à la taille et la portée du marché. De toute évidence, il est difficile de formuler un argument similaire si, en fait, nous n'avons pas une compréhension claire, concise et convaincante de la portée de ce dont on parle.
J'aimerais bien qu'on élabore davantage. Je crois que ça prend une sacrée dose d'imagination.
Cependant, c'est quelque chose qu'il faut élaborer en bonne et due forme.
Si vous me le permettez, parce que j'ai seulement trois minutes, l'autre aspect, c'est qu'il ne faut pas se limiter à la portée de l'occasion. Il doit aussi être question des lacunes, au chapitre de la main-d'oeuvre, de l'infrastructure et de tous les autres éléments dont on a besoin — la connaissance de la situation, la technologie et l'équipement —, puis il faut se demander quelles sont les priorités pour y arriver.
Non. C'est ce que je dis. C'est quelque chose qu'il faut faire.
Il faudrait que j'aille demander... Je connais les gens à qui poser la question. Des chiffres existent.
Il y a Tom Hoefer. Il y a des gens du domaine minier et de l'association minière. Je suis sûre qu'il pourrait chiffrer ce qui est selon lui le potentiel minier du Nord canadien.
Nous n'avons pas un casse-tête convaincant qui définit la portée et ce qu'il manque pour la réaliser et nous permet de formuler des recommandations au sujet des priorités pour...
Madame Alleslev, je crois cependant qu'un des défis qu'on rencontrera — et on l'a assurément rencontré durant l'ère Harper — concerne ceux qui ont critiqué la stratégie pour le Nord dévoilée en 2009. Certains disaient qu'on misait un peu sur une approche de haut en bas.
Les investissements du secteur privé finiront par amener la prospérité en raison de l'approche fondée sur les retombées — ce ne sont pas les paroles du premier ministre Harper, c'est ma façon simpliste de décrire les choses —, ce qui permettra aux collectivités du Nord d'être dynamiques, prospères et en santé.
Essentiellement, l'autre modèle consisterait à investir dans les gens, investir dans les compétences et la formation ainsi que le perfectionnement, et, éventuellement, les gens pourront créer et imaginer leur propre destinée.
Je crois que le défi, c'est...
Oui, parce que je le fais. Je travaille en collaboration avec les gouvernements territoriaux, avec de nombreuses sociétés de développement autochtones, et beaucoup ont des capitaux propres. Elles veulent trouver de quelle façon investir leurs capitaux propres dans ces projets afin d'avoir des parts. Au bout du compte, elles veulent leurs propres infrastructures. Ce n'est pas quelque chose que j'affirme du haut de ma tour d'ivoire. C'est quelque chose que je sais parce que je l'ai appris des gens avec lesquels j'ai travaillé.
Oui, le défi, c'est qu'il faut un plan progressif, autre chose que simplement tout un chacun qui affirme tout vouloir — ce qui est ce que j'entends dernièrement, cette cacophonie de voix —; chacun cerne tel ou tel besoin ou affirme son désir de faire telle ou telle chose, même s'il n'y a pas de plan progressif clair définissant concrètement sur quelle chose il faut mettre l'accent. Si, grâce à leurs efforts, le Comité et d'autres penseurs du gouvernement du Canada réussissent à commencer à définir un plan pragmatique et faisable dont on peut discuter, qu'on peut remettre en question et qu'on peut réaliser, ce serait très avantageux à l'avenir.
Nous allons simplement faire un projet à la fois, une chose à la fois, sinon, on n'y arrivera jamais.
Sur ce, je vous remercie tous les deux de cette discussion animée et intéressante et d'avoir réchauffé la salle aujourd'hui. Merci beaucoup. Nous allons suspendre la séance pendant une minute et demie parce que nous avons un peu de retard, puis nous reprendrons.
Nous reprenons nos travaux.
Nous sommes maintenant prêts pour notre deuxième groupe d'invités de l'après-midi. Je tiens à souhaiter la bienvenue à David Perry, vice-président, analyste principal et chargé de projet à l'Institut canadien des affaires mondiales et professeur adjoint auxiliaire au Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary.
De plus, par vidéo, nous recevons Andrea Charron, qui semble se trouver à l'Université du Manitoba, parce que c'est ce qui est écrit à l'écran. Elle est professeure associée et directrice du Centre for Defence and Security Studies à l'Université du Manitoba. Elle nous parle depuis Winnipeg.
Merci à vous deux.
Puisque vous comparaissez par vidéo, madame Charron, peut-être pourriez-vous passer en premier. Parfois, ces liens vidéo sont un peu difficiles. Pendant que vous êtes là et qu'on vous entend aussi clairement...
Vous pouvez chacun prendre environ huit minutes, puis nous donnerons la parole à ceux qui veulent poser des questions.
Merci beaucoup de m'avoir invitée.
Je me suis dit que ce serait peut-être utile de réunir tous les témoignages entendus jusqu'ici. La conclusion à laquelle je suis parvenue, c'est qu'il semble y avoir deux écoles de pensée contradictoires relativement à la souveraineté dans l'Arctique; pourtant, elles défendent les mêmes objectifs. Pendant des dizaines d'années, nous avons entendu de nombreux arguments à l'égard du fait que la souveraineté du Canada dans l'Arctique serait en péril — ou qu'elle ne le serait pas. Toutefois, ce qui est fascinant, c'est que les deux écoles réclament une action visant les mêmes objectifs communs.
Le thème commun est le suivant. Des gouvernements successifs n'arrivent pas à fournir assez de ressources ou d'orientations politiques pour rétablir la souveraineté dans l'Arctique probablement perdue ou bien maintenir le statu quo d'une souveraineté juste suffisante. Les deux camps ont soulevé des préoccupations valides, mais les solutions se perdent en raison de l'opacité, de l'incompréhension et de la mauvaise utilisation du terme « souveraineté ».
Les Canadiens du Sud utilisent la souveraineté comme raccourci pour laisser entendre qu'ils ont une crainte ou une préoccupation générale à l'égard de quelque chose, mais ils ne peuvent pas toujours décrire exactement de quoi il s'agit ni dire comment améliorer la situation. Qui plus est, les gouvernements canadiens successifs ont utilisé la souveraineté comme réponse fourre-tout pour démontrer des préoccupations au sujet des intérêts canadiens sans avoir à exprimer très précisément ce qui est fait ou abordé. Le terme « exercice » de la souveraineté indique des solutions de type tout ou rien, tandis que ce qu'on recommande, ce sont des ressources et des réponses nuancées qui ne figurent pas dans l'abstraction ou dans la théorie. En outre, le terme confond et déconcerte les alliés et les États arctiques, puisque le Canada est l'exception pour ce qui est de faire allusion à des menaces contre la souveraineté plutôt qu'à des menaces contre le territoire, ou à des lacunes en matière de capacité ou des problèmes de surveillance.
Voici quatre questions sur lesquelles les deux écoles s'entendent pour dire qu'elles doivent faire l'objet d'un soutien continu, maintenant et dans l'avenir.
La première, c'est une connaissance de la situation dans les airs, en mer, sur terre, dans l'espace et dans le cyberespace. L'opération LIMPID fait partie de cette équation, tout comme un tableau des opérations maritimes communes fourni par les COSM. Nous avons les deux missions d'alerte du NORAD ainsi que les renseignements fournis par les ministères du gouvernement et les alliés; néanmoins, une source essentielle de connaissance du domaine, le Système d'alerte du Nord, arrive à la fin de sa durée de vie. On n'a pas affecté de ressources en vue de le remplacer ou de le repenser. En même temps, nous avons entendu dire que le lancement de la mission Constellation RADARSAT est maintenant retardé.
Bien sûr, toutes ces missions nécessitent d'énormes ressources et font l'objet de pressions liées au personnel. Ce qui me garde éveillée le soir, c'est que je ne suis pas certaine, par exemple, que nous serons en mesure d'attirer, de former et de retenir du personnel dans tous les domaines de sûreté, de sécurité et de défense du Canada. Cela ne se limite pas à l'Arctique. Même le Programme des Rangers très réussi, et maintenant le nouveau Programme de la Garde côtière auxiliaire, se livrent concurrence pour attirer les mêmes personnes.
La deuxième question, ce sont les difficultés continues au chapitre de la gouvernance dans l'Arctique, comme l'absence de services pour les gens de l'Arctique — et pour les collectivités éloignées du Canada en général, d'ailleurs. Le prix des logements demeure trop élevé, et l'offre est trop faible. Le programme Nutrition Nord n'atteint pas ses objectifs visés, qui sont d'assurer la disponibilité d'aliments abordables et nourrissants. Les entreprises exercent leurs activités, mais remarquez que les formalités administratives croissantes rendent cela difficile. Le Canada ne sera pas à même d'attirer ou de retenir des entrepreneurs si nous ne pouvons pas garantir les services de base. S'il faut plus de 10 ans pour concrétiser des projets comme la rénovation d'un port en eau profonde existant, cela envoie le mauvais message.
Il n'est donc peut-être pas surprenant que la région arctique du Canada soit la seule parmi les huit États arctiques à avoir un PIB arctique qui stagne, comme on l'a mentionné dans le dernier Rapport sur le développement humain dans l'Arctique. Parallèlement, nous savons qu'il y a quelques réussites — par exemple, la nouvelle région arctique annoncée aujourd'hui par l'ITK, Pêches et Océans et la Garde côtière canadienne. Ce sont tous des pas dans la bonne direction.
Par rapport à la troisième question, chaque témoin a été interrogé au sujet de la Russie et de la Chine. Ce sont des questions qui devraient être posées non seulement dans le contexte de l'Arctique canadien, mais de façon générale. Ces possibles adversaires de force presque égale, jumelés aux États-Unis, qui semblent déterminés à faire fi des normes, des règles et des organisations internationales qui leur ont permis, ainsi qu'au Canada, de prospérer jusqu'à aujourd'hui, ne sont pas avantagés par les discussions au sujet de la souveraineté. Nous avons plutôt besoin d'une analyse concernant les intentions et les capacités.
Le NORAD et les Forces armées canadiennes ont exprimé leurs préoccupations au sujet des capacités que possède la Russie. Elle peut atteindre le Canada et les États-Unis depuis le territoire russe. La Chine a aussi investi dans un arsenal qui pourrait menacer le Canada, pas l'Arctique précisément.
Les discussions s'embrouillent lorsqu'il est question des intentions, compte tenu du débat sur la souveraineté. Il est clair que l'Arctique s'est révélé une zone de coopération, et ce, grâce au Conseil de l'Arctique, à un grand nombre de lois et de règlements internationaux, sans oublier les lois canadiennes, comme la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, ou des outils comme le NORDREG, et bien sûr, au respect de ces règles par la Russie et la Chine jusqu'à présent.
Le Canada aurait intérêt à encourager et à favoriser cette coopération et ces réalisations, comme le moratoire sur la pêche commerciale dans l'Extrême-Arctique, qui vient d'être signé.
Enfin, pour ce qui est du passage du Nord-Ouest, je dirais que tous les témoins, et même le monde entier, s'entendent pour dire qu'il est canadien. Les arguments ont trait aux règles que le Canada peut ou devrait adopter pour faciliter la navigation responsable, protéger la faune et promouvoir l'économie du Canada, peu importe son statut.
Les deux écoles de la souveraineté ont fait valoir des solutions semblables ainsi que ces objectifs. Le Canada doit opérationnaliser l'Initiative des corridors de transport maritime dans le Nord, qui privilégie ensuite le lieu des aides à la navigation et de futurs efforts de cartographie et pave la voie pour les relevés bathymétriques.
Si on continue de se focaliser sur la souveraineté en évoquant l'Arctique, de très graves problèmes sont occultés, et nous ne tenons pas certaines discussions au sujet des intérêts nationaux du Canada qui transcendent l'Arctique, c'est-à-dire l'avenir économique du Canada, sa défense et l'avenir d'un ordre mondial libéral qui se détériore rapidement.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs, de m'avoir invité à m'exprimer aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur la souveraineté canadienne dans l'Arctique.
En guise d'entrée en la matière, sachant que je témoignerais aux côtés de Mme Charron, dont je partage presque toujours les points de vue sur la souveraineté, j'ai décidé de me concentrer sur l'aspect de votre étude qui aborde la militarisation par les Russes de leurs territoires nordiques et les conséquences de cette militarisation pour le Canada.
Ces audiences se tiennent à une époque importante, parce que l'environnement stratégique à l'intérieur et autour de l'Arctique canadien devient de plus en plus compliqué. Les progrès réalisés par la Russie au chapitre de la modernisation militaire présentent des niveaux accrus de menaces pour le Canada et nos alliés dans l'Arctique. Ces facteurs font en sorte que le Canada doit traiter la défense du Canada contre les menaces militaires conventionnelles plus sérieusement qu'il a fait dans le passé et doit renforcer sa capacité de défendre le Canada et l'Amérique du Nord dans l'Arctique canadien.
La politique du Canada concernant l'Arctique est, toutefois, étrangement incohérente. Avec nos alliés de l'OTAN, nous sommes fermement déterminés à défendre l'Europe et à décourager la Russie, y compris dans l'Arctique. En fait, à l'heure actuelle, nous envoyons à peu près 2 000 soldats, 4 navires et 11 aéronefs pour participer à l'exercice de l'OTAN en Norvège appelé « Trident Juncture ». Une partie de l'objectif de cet exercice est de « s'assurer que les forces de l'OTAN sont entraînées, capables de travailler ensemble et prêtes à réagir à toute menace provenant de n'importe quelle direction. »
Pourtant, comme l'ont dit précédemment des représentants canadiens dans le cadre de l'étude du Comité, la position officielle du Canada, c'est que l'Arctique canadien est une zone de paix et de coopération. C'est assurément un résultat souhaitable. Pour accroître les chances de concrétiser cela, je crois que le Canada devrait renforcer sa capacité de comprendre ce qui se passe dans sa région arctique et renforcer ses défenses en vue de mieux décourager la Russie.
Pour ce faire, nous devrions adopter la même approche prudente dans l'Arctique canadien que celle que nous employons en Europe et dans l'Atlantique Nord avec l'OTAN, qui consiste à renforcer notre position de défense et à décourager l'agression russe. À titre de chef d'état-major de la Défense, le général Vance a affirmé qu'il est difficile d'imaginer une menace stratégique contre l'Europe qui ne se manifesterait pas aussi en Amérique du Nord. À l'heure actuelle, la source la plus probable de telles menaces serait le Nord de la Russie. Pour cette raison, il est temps que le Canada traite l'ensemble de l'Arctique comme une région stratégique intégrée et adopte une approche plus uniforme en matière de défense.
Je le dis car, depuis quelques années, l'armée russe a considérablement amélioré ses forces aérienne et navale et elle continue de le faire. La plus grande partie de ces activités, y compris celles liées aux forces stratégiques russes, se sont concentrées dans le Nord de la Russie. Les Russes ont démontré l'efficacité de ce nouvel équipement, ainsi que la volonté de l'utiliser pour faire avancer leurs propres intérêts.
En Syrie, les forces russes ont employé avec succès une nouvelle classe de missiles de croisière conventionnels air-air et mer-air qui ont une portée beaucoup plus longue, sont difficiles à observer et sont capables d'une très grande précision. Trois aspects de ce développement sont troublants. Premièrement, ces armes sont à la fois nucléaires et conventionnelles, ce qui complique les efforts pour évaluer la nature de l'activité russe et leur fournit des options supplémentaires pour intensifier leur intervention en cas de crise, ce qui augmenterait les probabilités d'erreurs de calcul. Deuxièmement, ces missiles peuvent être portés sur de longues distances par des avions de patrouille russes et leurs sous-marins les plus récents très performants. Le déploiement de ces deux types de dispositifs a augmenté au cours des dernières années, et le dernier atteint maintenant des niveaux qu'on n'a pas vus depuis la guerre froide. Troisièmement, en raison de l'augmentation des distances à partir desquelles ces nouveaux missiles peuvent frapper des cibles et de leurs caractéristiques de faible observabilité, les arrangements actuels pour la défense de l'Amérique du Nord contre eux doivent être mis à niveau pour qu'on puisse les contrer efficacement.
Étant donné les arrangements relatifs au positionnement de nombre de ces actifs russes, l'Arctique canadien sera fortement touché par tout arrangement futur visant à défendre avec succès l'Amérique du Nord contre ces menaces.
L'intensification de l'activité militaire russe dans l'Arctique exige du Canada qu'il améliore sa compréhension ce qui se passe dans toutes ses approches aériennes et maritimes et, en particulier, dans l'Arctique canadien. Il faut donc prolonger le cycle de vie et améliorer les plateformes que nous utilisons actuellement pour les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance et acquérir de nouveaux moyens de le faire, de manière à améliorer notre capacité de demeurer au courant de ces activités sur notre propre territoire. Cela devrait inclure la mise à niveau du volet canadien du Système d'alerte du Nord avec un système mieux adapté à l'environnement de la menace actuelle et future.
En outre, le gouvernement devrait agir rapidement pour remplacer notre flotte d'avions de combat par une flotte de chasseurs très performants qui sont totalement interopérables avec l'United States Air Force, avec qui le Canada défend souvent l'Amérique du Nord au-dessus de l'Arctique canadien et de ses approches.
En outre, le gouvernement doit investir dans des capacités de guerre anti-sous-marine pour pouvoir déceler et contrer l'activité des sous-marins russes. Les sous-marins canadiens actuels, qui sont nos actifs de guerre anti-sous-marine les plus performants, approchent rapidement la fin de leur vie. Il faut étudier au plus tôt les options pour moderniser et prolonger la vie de cette flotte et lancer sans plus tarder un projet d'acquisition de nouveaux sous-marins pour patrouiller les trois approches océaniques du Canada.
Enfin, les découvertes russes obligent le Canada à améliorer sa capacité de fonctionner dans la totalité de l'Arctique. Même si le Canada possède un certain nombre d'actifs militaires qu'il peut déployer dans le Nord, ils sont presque exclusivement établis dans le Sud du Canada.
Le temps de transport pour se rendre dans l'Arctique est long, et l'infrastructure dans notre Nord est limitée. Les progrès de la technologie militaire russe signifient que le Canada doit améliorer sa capacité de déployer rapidement des forces dans l'Arctique et de les envoyer encore plus loin dans le Nord que ce que nous avons fait auparavant. Tout cela nécessite des améliorations importantes au chapitre de la présence logistique du Canada dans le Nord canadien.
Dans la politique de défense du Canada, « Protection, Sécurité, Engagement », on a présenté un certain nombre d'engagements qui s'attaqueraient directement à bon nombre de ces enjeux, une fois que ces initiatives seraient réellement mises en oeuvre. À ce jour, cependant, mis à part le récent lancement du navire de patrouille extracôtier et de l'Arctique, il demeure difficile de trouver des preuves de progrès dans la mise en oeuvre de ces initiatives.
Pour réagir à la militarisation par les Russes de leurs territoires nordiques, le Canada devrait accélérer la mise en oeuvre des initiatives de l'Arctique dans la politique de défense « Protection, Sécurité, Engagement » et adopter une approche uniforme à l'égard de la défense contre la Russie et sa dissuasion dans toute la région arctique, y compris la partie canadienne.
Merci.
Merci beaucoup.
Passons directement aux questions.
Nous allons commencer là où nous nous sommes arrêtés, avec la députée Alleslev.
Merci beaucoup à vous deux d'avoir présenté un exposé très convaincant et informatif.
Vous avez été nombreux à faire valoir auprès du Comité que la Russie et la Chine ne sont pas des menaces militaires dans notre Arctique. Elles ne justifient d'aucune façon qu'on s'en préoccupe, et par conséquent, nous n'avons pas besoin de changer notre comportement.
Je me demande si vous pourriez exprimer votre point de vue. Si c'est le cas, cela a-t-il changé récemment et avons-nous changé?
Je vais répondre en premier, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, madame Charron.
Je ne suis pas d'accord avec cette évaluation. Je serais d'accord avec l'évaluation des représentants du NORAD selon laquelle la Russie et la Chine présentent des menaces pour le Canada. J'ajouterais aussi...
De façon plus générale, mais particulièrement dans l'Arctique, car que vous le vouliez ou non, notre Arctique se situe au moins entre des régions de ces pays et sur des trajectoires de vol à destination du reste du Canada et des États-Unis.
Même si nous ne croyons pas à l'existence d'une menace directe pour le Canada, je crois que la plupart des hauts fonctionnaires américains estiment qu'il y en a une pour leur pays, et notre Arctique se situe malheureusement entre les deux.
Elles semblent différer, car les seuls fonctionnaires canadiens, à mon souvenir, qui voient les choses du même oeil que moi sont ceux qui travaillent pour le Centre de commandement du NORAD, à Colorado Springs.
Je me tourne moi aussi vers le NORAD pour connaître le niveau de menaces pour la Russie et la Chine, et ce n'est pas propre à l'Arctique. Je crois qu'un des problèmes, c'est que le Canada traite l'Arctique comme s'il s'agissait d'une région distincte du reste du Canada, mais c'est fondamental à ce qu'est le Canada.
Toutefois, ce que nous voyons, c'est que les deux pays, et particulièrement la Russie, ont la capacité de nous atteindre. Ils n'ont même pas besoin de s'approcher de notre Arctique. Auparavant, ils devaient pénétrer profondément dans notre territoire canadien avant de pouvoir lancer quoi que ce soit qui puisse atteindre le Sud du Canada ou la partie continentale des États-Unis. Maintenant, ce n'est plus le cas. Ils peuvent lancer des missiles depuis des régions éloignées du territoire russe.
C'est pourquoi le gouvernement canadien a fait certaines choses, comme réaligner ou aligner les zones d'identification de défense aérienne canadiennes. Le NORAD entreprend une étude appelée EVONAD, l'« évolution de la défense de l'Amérique du Nord ». Ce que nous devons faire dans tous les cas, que ce soit dans le cas de la Russie, de la Chine ou de toute menace à l'endroit de l'Amérique du Nord, c'est de la vérification et de la surveillance pour essayer d'éliminer la menace du plus loin possible de l'Amérique du Nord.
Encore une fois, ce ne sont pas des discussions qui sont propres à l'Arctique. La plupart du temps, l'Arctique est simplement l'avenue d'une attaque; il n'en est pas la destination. Toutefois, nous ne pouvons pas séparer l'Arctique du reste du Canada.
Formidable.
Diriez-vous que leurs capacités — celles des ennemis — ont augmenté, et que, en même temps, peut-être nos capacités pour réagir à ces capacités accrues n'ont pas suivi le mouvement?
Si cette question m'est adressée, je dirais, de façon générale, oui, nous voyons que la Chine et la Russie ont investi fortement dans toutes sortes d'armes, et pas celles de type conventionnel. Nous regardons ce que ces pays peuvent faire sur les plans de la cybercriminalité et de mesures cyberoffensives. Les deux investissent fortement dans ce que nous appelons des armes hypersoniques, qui permettent ensuite à des missiles de filer dans l'atmosphère et de nous arriver à une vitesse de Mach 5 ou 6.
Ils consacrent beaucoup d'efforts aux capacités, mais, par ailleurs, bien sûr, il y a l'intention. Nous essayons encore de comprendre les intentions. C'est pourquoi mon point de vue diffère peut-être un peu de celui de M. Perry, en ce sens que je vois des occasions lorsqu'il s'agit de conversations sur l'Arctique au sujet de la recherche et du sauvetage ainsi que du moratoire sur les pêches dans l'Arctique. C'est une solution diplomatique où nous pouvons parler d'intérêts communs et peut-être tenir des conversations parallèles qui pourraient nous donner une indication claire de ce que sont exactement les intentions.
En ce moment, je sais que la préoccupation concernant la Russie, c'est les détroits GIUK. Nous avons certainement failli à la tâche pour ce qui d'en assurer la surveillance. Toutefois, en ce qui concerne l'Arctique canadien comme cible précise, je ne crois pas que ce soit la préoccupation.
Monsieur Perry, pourriez-vous nous donner votre point de vue sur les intentions, puis une idée de ce que devrait être le rôle du Canada auprès de l'OTAN dans cette conversation?
Les intentions peuvent changer beaucoup plus rapidement que les capacités. Assurément, dans le cas du gouvernement russe, celui-ci a maintenant la capacité. Il en a fait la preuve en Syrie, et si vous pouviez tirer une ligne droite entre la Russie et ce qu'elle a démontré dans ce pays, il y a lieu de s'inquiéter. Elle a démontré la capacité de faire certaines des choses dont parlait Mme Charron, à des distances telles que les systèmes actuels conçus pour défendre l'Amérique du Nord ne sont pas bien placés pour nous défendre.
On a reçu assez d'indications d'autres mauvaises intentions russes — en Syrie, dans l'Europe de l'Est et en Ukraine, et il y a certaines des attaques que la Russie a lancées au Royaume-Uni — qui donnent à penser que c'est un pays révisionniste qui cherche à changer le statu quo. Même au-delà de ça, toutefois, si ce n'est pas encore clair que le pays a l'intention de faire quelque chose à l'encontre du Canada, le fait qu'il agisse d'une façon que vous pourriez juger agressive présente une possibilité importante d'erreur de calcul de sa part, ce qui pourrait, au bout du compte, nous mettre devant le même type de difficultés en matière de défense que celles auxquelles nous serions exposés s'ils faisaient quelque chose de façon intentionnelle. Encore une fois, les intentions peuvent certainement changer.
En ce qui a trait à l'OTAN, nous faisons tout ce qu'il faut. Là où le Canada manque de cohérence, c'est qu'il semble tirer une grande ligne imaginaire autour de la côte Ouest du Groenland. Dans la partie Ouest, nous traitons l'Arctique de façon fondamentalement différente que ce que nous faisons dans la partie Est. Dans la partie Est du Groenland, le Canada est un membre actif de l'alliance de l'OTAN, décourageant la Russie et tentant de fournir des mesures de défense accrue contre la Russie dans l'Atlantique Nord, en mer et bientôt sur le terrain en Norvège — jusqu'au cercle arctique, il me semble, selon certaines des discussions au sujet de l'exercice Trident Juncture — ainsi que dans les airs. Toutefois, nous semblons adopter une caractérisation et une approche fondamentalement différentes de l'Arctique une fois qu'on arrive à l'Ouest du Groenland.
Je pense que oui, parce que je ne comprends pas la logique liée à l'adoption de cette approche double.
Nous avons beaucoup entendu parler du déficit des infrastructures. Vous soutenez tous deux clairement que nous devrions investir dans l'infrastructure militaire, mais j'ai une question. Disons que les ressources sont limitées et que nous pouvons investir beaucoup d'argent dans l'armée ou, comme vous l'avez dit, dans des logements de civils, l'alimentation et toutes sortes de choses du genre. Quelle serait la priorité?
Étant donné que vous voulez tout faire et que nous ne faisons rien, mais que nous voulons faire quelque chose, quelle serait la priorité?
Pour moi, si on adopte une approche de défense, ce serait de consacrer davantage d'argent à l'infrastructure de défense. Au cours des dernières années, on a accordé beaucoup d'intérêt à une partie de cet autre développement socioéconomique. Je serais foncièrement d'accord pour dire que cela répond à un besoin, mais je crois qu'on n'a pas accordé assez d'attention aux applications de défense plus précises.
C'est une question difficile. Je ne suis pas certaine. C'est le problème cruel auquel vous êtes exposé, en tant que députés. Vous avez tous ces besoins concurrents et vous devez les classer par ordre de priorité.
Toutefois, j'aime bien me servir de l'intérêt national du Canada comme guide. Si nous ne protégeons pas les intérêts nationaux, nous parlons d'un Canada très différent. Depuis toujours, nos intérêts nationaux ont été la réussite économique du Canada, la défense du Canada — et, de ce fait, de l'Amérique du Nord — puis on a contribué à préserver cet ordre mondial libéral que nous semblons perdre, auquel cas la réussite économique peut aussi être renforcée par un Arctique qui peut contribuer davantage à notre PIB. Je crois toutefois que ce sera un choix difficile.
Dans le milieu du cinéma, si vous montrez une arme dans la première scène, vous devez l'utiliser dans la troisième scène. Nous achetons tout cet arsenal. Nous pourrions jouer à un jeu comme ce qui s'est produit avec la Russie en Turquie, où on a continué d'envahir tranquillement l'espace aérien de la Turquie, et soudainement, le président a décidé de tirer sur un avion, et l'enfer s'est déchaîné.
En tant que Canadiens, serions-nous prêts à cette éventualité? Disons que nous achetions ce type d'avion et que ces intrusions se produisaient. Serions-nous prêts à le faire ou bien dépenserions-nous cet argent sans l'utiliser? Qu'en pensez-vous?
Le but ultime serait de dépenser l'argent et de ne jamais avoir à l'utiliser. Ce serait l'exemple ultime de mesures de dissuasion qui fonctionnent. Vous dépensez cet argent et vous n'avez pas réellement besoin de l'utiliser sur le plan opérationnel. Pour moi, ce serait en fait un très bon résultat.
Pour revenir à quelque chose que Mme Charron a dit, je serais foncièrement d'accord avec l'idée de rechercher des possibilités de coopération. C'est tout à fait le cas. Je ne vois juste pas comment celles-ci pourraient être contraires au renforcement de nos investissements dans la défense. Nous pouvons faire les deux choses à la fois.
Je crois que une des choses que les gouvernements successifs ont réussi à bien faire, c'est tirer profit des dépenses en défense afin d'en faire aussi profiter l'Arctique. Une chose à laquelle nous devons réfléchir, c'est que nous pouvons peut-être réaliser les deux au moyen des dépenses en défense. Je pense à des choses comme le Programme des Rangers canadiens.
M. Whitney Lackenbauer est l'expert du Programme des Rangers.
Ce ne sont pas des réservistes, mais c'est une branche de l'armée qui est située dans des collectivités éloignées et dans l'Arctique. Ce sont les yeux et les oreilles de l'Arctique. Ils ne sont pas aptes au combat, mais ils peuvent certainement signaler des choses qu'ils voient. Ils sont souvent les premiers arrivés sur les lieux pour fournir des renseignements.
Assurément, lorsque les Forces armées canadiennes mènent des opérations dans l'Arctique, ces Rangers possèdent les connaissances locales dont on a besoin pour bien fonctionner dans ces régions.
Monsieur Perry, vous avez soulevé un point intéressant, à savoir que nous dépensons énormément d'argent dans l'Est du Groenland et rien dans l'Ouest.
Dans un monde où les intérêts sont en concurrence, pourriez-vous envisager que l'on réoriente nos engagements ainsi que nos engagements envers l'OTAN, que l'on se rende là-bas et que l'on effectue tous ces exercices et que nous disions: « vous savez quoi, nous n'allons pas y participer, car nous sommes occupés et nos soldats, nos avions et nos bateaux sont utilisés pour des exercices dans nos eaux »? S'agirait-il d'un rééquilibrage d'exactement les mêmes ressources?
Je sais que tout le monde va demander qu'on leur fournisse de plus en plus de ressources, mais, en supposant qu'il n'y ait que les mêmes ressources, pourriez-vous les rééquilibrer?
Je dirais, en guise de préambule, que la politique de défense actuelle, publiée en juin 2017, fournirait plus de ressources pour faire le genre de choses dont je parle, une fois qu'elles seront effectivement acquises et livrées.
Il y a déjà un plan en cours, bien qu'une partie de celui-ci, soit la mise à niveau de certains des actifs de défense nord-américains en particulier que Mme Charron a mentionnés, n'ait pas encore été financée. L'engagement politique consiste à être en mesure de faire exactement ce dont je parle. Je pense que l'orientation générale de la politique devrait être plus équilibrée pour qu'il y ait au Canada le même type d'approche qui est actuellement utilisée en Europe.
Nous avons fait beaucoup d'exercices dans notre Nord...
Aimeriez-vous que l'OTAN fasse des exercices de ce côté du Groenland, qu'il n'y ait pas seulement des exercices canadiens, mais que l'on s'adresse à l'OTAN pour lui dire: « Pourquoi n'iriez-vous pas de ce côté? »
Je reviens sans cesse là-dessus. Je pense que là où l'OTAN et le NORAD travaillent le mieux, c'est pour combler ces lacunes.
Je pense que l'Amérique du Nord est bien servie par le NORAD. Je pense que les gouvernements des États-Unis et du Canada préfèrent que le NORAD soit nord-américain. Nous pouvons toujours avoir recours à l'article 5 en cas de besoin, mais, puisque nos ressources sont limitées, j'aimerais que l'on procède à un exercice plus stratégique relativement aux lacunes, en particulier entre le USNORTHCOM et l'EUCOM et là où le NORAD mène ses activités par rapport à l'OTAN.
Je pense que cela se jouera dans cette nouvelle place que l'OTAN a créée. Nous avions ce que l'on appelait une place au SACLANT, laquelle reviendra au U.S. Fleet Forces Command. Nous ne sommes pas tout à fait certains du rôle que nous allons jouer, mais cela va probablement nous aider à assurer la surveillance stratégique nécessaire pour veiller à ce que ces lacunes soient mieux gérées.
Merci beaucoup.
Merci à vous deux de votre présentation.
Je m'en voudrais de ne pas féliciter la professeure Charron en tant que compatriote manitobaine. C'est agréable d'entendre une voix manitobaine au Comité.
L'un des messages que j'entends haut et fort, du moins de la part de ce groupe de témoins, c'est que c'est une erreur de considérer l'Arctique comme une entité distincte. Lorsque nous parlons de menaces dans l'Arctique, nous parlons en fait de menaces stratégiques plus importantes pour l'ensemble du Canada. Nous ne devrions pas faire de distinction entre ce que nous percevons comme une menace pour l'Arctique et ce que nous percevons comme une menace dans le contexte canadien élargi.
Néanmoins, nous avons entendu un appel sérieux en faveur du développement dans le Nord, ce qui ne s'est pas produit. Il faut pouvoir investir dans le Nord, que ce soit dans l'infrastructure de défense ou dans l'infrastructure civile.
Lorsque nous parlons d'essayer d'avoir une stratégie pour amener cette infrastructure dans le Nord, peut-être surtout du côté civil, en exploitant les ressources, entre autres, il y a eu un consensus entre les partis qui ont gouverné, en tout cas au cours des 25 ou 30 dernières années, sur le fait que l'on doit être assez désintéressé sur le plan commercial, assez désintéressé et permissif lorsqu'il est question de capitaux étrangers entrant au Canada et plutôt désintéressé en ce qui a trait à la mise sur pied de stratégies intentionnelles qui ont un lien avec la présence et les intérêts canadiens — pas nécessairement la propriété publique, mais la propriété canadienne, qu'elle soit publique ou privée. Si nous essayons de comprendre les menaces que nous voyons dans l'Arctique comme des menaces qui touchent l'ensemble du pays, mais qui, dans le Sud, ont une approche très désintéressée quant au développement et à la sollicitation de capitaux, comment pouvons-nous concilier cela avec la volonté d'adopter une approche plus intentionnelle et axée sur le Canada dans l'Arctique si nous ne voulons pas les séparer et les traiter de façon distincte?
Je serais heureux de vous entendre en premier, madame Charron, puis de passer à M. Perry.
Merci.
Lorsque nous créons une infrastructure dans l'Arctique — je pense à Churchill —, celle-ci peut profiter à la fois à la défense et aux besoins civils. En fait, dans un pays comme le Canada, où les ressources sont limitées, c'est quelque chose dont nous devons tirer parti. Nous avons un certain nombre de sociétés minières très prospères dans l'Arctique, qui disposent d'un bon nombre de ressources et, au fil des ans, des protocoles d'entente ont été conclus afin que l'on puisse tenter d'optimiser leurs atouts en période de crise. Nous n'avons pas besoin de considérer cela comme des dépenses pour la défense ou pour l'infrastructure civile.
Nous devons faire preuve de plus d'intelligence en réunissant les deux et en nous mettant d'accord quant à savoir qui pourrait les utiliser et à quelle occasion. C'est ce que nous voyons tout le temps avec les satellites. Je considère vraiment cela comme l'idée principale derrière les patrouilleurs extracôtiers de l'Arctique. Il ne s'agira pas strictement de défense. Il s'agira d'une plateforme qui pourra offrir des possibilités constabulaires — bien que limitées — tant pour la sécurité que la défense.
Je veux donner à M. Perry la chance de répondre, mais je vous ai entendu parler de Churchill. J'ai posé quelques questions au sujet de Churchill au cours de ces délibérations. Pourriez-vous prendre quelques instants pour nous parler du rôle de Churchill, du port en eau profonde qui s'y trouve, et de la façon dont nous pourrions mieux tirer parti de cet atout?
Je ne suis pas une experte dans ce domaine. Je crois savoir qu'un important rapport vient d'être publié à propos de tous les ports du Canada — quels ports font de l'argent, lesquels sont fructueux, etc. —; par conséquent, je me tournerais vraiment vers ces auteurs pour obtenir une réponse à cette question.
Toutefois, nous avons à Churchill le potentiel d'un port en eau profonde assez important. Compte tenu de l'emplacement, par exemple, d'un autre grand port en eau profonde, Mourmansk, et du fait que la glace fond, il me semble qu'il est probable que nous allons assister à une augmentation du trafic maritime. C'est peut-être une occasion que nous ratons si nous laissons quelque chose comme l'atout que nous avons à Churchill simplement s'atrophier.
J'ajouterais que, si nous envisageons d'aborder certaines de nos considérations fondamentales en matière de défense, nous devrions donc essayer de le faire dans ce contexte. Si vous pouvez bénéficier de retombées socioéconomiques en retour, c'est fantastique. Toutefois, je pense qu'il y a des impératifs stratégiques clairs et concrets auxquels nous devons nous attaquer. S'il est possible de le faire d'une manière complémentaire qui profite aux collectivités du Nord, c'est formidable, mais ce ne devrait pas être l'objectif fondamental.
Certains des programmes existants, comme les Rangers canadiens, font beaucoup de bonnes choses. Je pense qu'ils feront très peu pour régler les problèmes dont je parle. Certaines choses, comme l'amélioration de l'infrastructure de l'Arctique — par exemple, l'aménagement de pistes plus efficaces ou l'intensification des opérations logistiques — peuvent avoir d'autres utilisations. En ce qui concerne les capteurs ou les divers radars conçus pour détecter les missiles de croisière, je ne sais pas s'il y a beaucoup de répercussions socioéconomiques supplémentaires à cet égard. Je pense que nous devons nous attaquer en priorité à certaines de ces questions, et non à l'ensemble des questions qui, j'en conviens, sont importantes, mais qui devraient être abordées par des moyens appropriés pour les traiter spécifiquement.
L'un des besoins relatifs à l'infrastructure dont nous avons entendu parler lorsque nous nous déplacions dans le Nord, qui concerne tant les gens qui vivent dans les collectivités du Nord que la Station de recherche du Canada dans l'Extrême-Arctique, était le câble à fibre optique afin d'obtenir un meilleur accès à Internet. Y voyez-vous des applications militaires? Nous avons entendu dire que, dans certains autres cas où il y a des anneaux sous-marins, beaucoup de capteurs qui fournissent des renseignements peuvent y être attachés. Je pense que, dans le contexte dont nous parlions, il s'agissait davantage de surveillance de la vie marine et de surveillance axée sur l'environnement.
Y a-t-il des applications militaires à l'utilisation de la fibre optique sous l'eau dans le passage du Nord-Ouest?
En bref, je dirais qu'il est préférable de disposer de plus de moyens de communication. Tant le secteur de l'économie civile que l'armée utiliseraient ces appareils de communication, mais l'armée a besoin de moyens de communication particuliers chiffrés et sécurisés qui, dans certains cas, sont distincts de ceux qui pourraient être utilisés de façon plus générale.
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Perry, au cours de nos voyages dans l'Arctique, nous avons entendu de nombreuses allégations selon lesquelles des sous-marins auraient possiblement été observés. Certaines d'entre elles sont peut-être des ouï-dire, mais un entrepreneur militaire nous a même dit que ces observations se produisent assez régulièrement lorsqu'il travaille dans l'Arctique. Je pense que l'une des affirmations les plus troublantes était que, dans les îles menant à la baie d'Hudson, il était aussi possible d'en observer. Je regardais rapidement la distance entre là-bas et Toronto. À partir de la côte Est, que nous surveillons de près dans l'Atlantique, la distance est presque le double.
Vous avez fait référence à ces nouveaux sous-marins, ces sous-marins russes. Ils en ont 42 dans leur flotte arctique, et ils sont pratiquement silencieux. S'agit-il de ceux qui transportent les nouveaux missiles de croisière?
Ce sont les sous-marins russes, effectivement, mais je ne suis pas certain que ce soit nécessairement ceux que les gens voient en activité dans nos propres eaux. Je pense qu'il y a de fortes chances qu'il s'agisse de sous-marins américains, britanniques ou français, auquel cas je n'ai personnellement pas de grande inquiétude, car ce sont nos amis. La vraie question est de savoir ce que font les Russes.
Bonjour à vous deux.
Madame Charron, permettez-moi de commencer par vous. Vous avez beaucoup écrit sur la souveraineté dans l'Arctique, et il y a quelque chose que j'espère que vous pourrez définir ou préciser pour m'aider à mieux comprendre.
Vous avez parlé des expériences antérieures et de la souveraineté, et vous avez dit que la définition de facto était meilleure que la définition de jure. Vous dites maintenant le contraire, c'est-à-dire que la définition de jure est à présent plus importante que la de facto. Pouvez-vous expliquer cela en ce qui concerne la souveraineté dans l'Arctique?
En fin de compte, mon argument est que nous devons cesser de parler de souveraineté dans l'Arctique parce que cela embrouille d'autres questions. Quand je m'adresse aux étudiants, je dis que la souveraineté est constituée de quatre choses, dont je me souviens à l'aide de l'acronyme TRAP: on a du territoire, on a besoin de reconnaissance, on a besoin d'autonomie pour prendre des décisions et on a besoin de faire preuve d'un certain contrôle. Alors que, auparavant, il était assez courant que des pays en envahissent un autre pour avoir accès à plus de ressources ou de financement ou à d'autres choses du genre, nous avons maintenant des lois internationales qui disent que ce n'est pas acceptable. Cela arrive rarement.
Ce qui m'inquiète, c'est que, lorsque nous parlons constamment de l'« usurpation » de la souveraineté dans l'Arctique, ce que nous disons, en fait, c'est que des gens ne reconnaissent plus notre Arctique comme étant canadien. Je pense que cela doit être examiné attentivement. Je pense que nous assurons une présence. Je pense que nous disposons de lois canadiennes. Nous avons des lois internationales. Je préférerais que la discussion ne porte pas sur la souveraineté, mais sur l'infrastructure dont nous avons besoin et sur la façon dont nous allons défendre le Canada. Ce sont des discussions que nous pouvons concrétiser.
Comme vous le savez, les États-Unis n'ont pas signé l'UNCLOS. Est-ce que cela rendra la situation plus difficile en ce qui concerne les revendications territoriales sur le plateau continental? Voyez-vous des problèmes à cet égard en ce qui a trait aux répercussions que cela pourrait entraîner?
D'une part, les États-Unis continuent de traiter l'UNCLOS comme relevant du droit coutumier, de sorte qu'ils se conforment certainement à beaucoup des principes énoncés dans la Convention. Cela empêche toutefois les États-Unis de fournir des données à la Commission des Nations unies concernant les limites du plateau continental afin de lui permettre qu'un plateau continental étendu soit reconnu. Ils recueillent des données en vue, vraisemblablement, de les transmettre un jour aux Nations unies. Cependant, cela signifie que, s'il y a un chevauchement possible avec les États-Unis, nous devons attendre qu'ils soient signataires de l'UNCLOS pour pouvoir aller de l'avant et faire reconnaître cela.
Je crois comprendre qu'ils sont alliés, qu'il s'agit d'un désaccord géré et que nous recueillons des renseignements ensemble. Ce n'est pas quelque chose qui m'inquiète.
Je vais citer quelque chose que vous avez écrit:
Ni le Canada ni les États-Unis ne peuvent fonctionner de façon autosuffisante dans l'Arctique dans l'éventualité d'une situation de recherche et sauvetage d'envergure ou de déversement de carburant provenant d'un navire endommagé [...] L'armée doit collaborer par l'entremise de plusieurs centaines d'accords bilatéraux [...]
Compte tenu de l'administration américaine actuelle, pensez-vous que la coopération sera meilleure, pire ou neutre?
Rien n'indique que les États-Unis et le Canada ne coopéreraient pas ensemble, surtout dans une situation de recherche et sauvetage, parce que, premièrement, la loi l'exige et, deuxièmement, ils sont aussi tenus par l'accord sur la recherche et le sauvetage, que les États-Unis et la Russie ont contribué à rédiger. Dans une situation de recherche et de sauvetage, je ne peux imaginer aucun pays dire non, nous n'allons pas aider. C'est tout simplement un anathème pour moi.
Ma dernière question est la suivante: étant donné que la Finlande est actuellement à la tête du Conseil de l'Arctique et que les changements climatiques sont, de toute évidence, un sujet important de notre époque, devrions-nous collaborer avec eux d'une quelconque façon pour établir des priorités relativement à certaines questions afin que nous puissions faire progresser le programme de coopération internationale?
Je pense que le Canada le fait. La présidence du Conseil de l'Arctique change tous les deux ans. Nous avons eu notre chance; les Finlandais ont maintenant la leur. Le mandat du Conseil de l'Arctique consiste à la protection de l'environnement et au développement durable. Nous travaillons à la réalisation de ces deux objectifs par l'intermédiaire des divers comités de travail. Je dirais simplement que cela doit continuer. J'estime que nous collaborons avec les Finlandais comme nous le faisons avec les sept autres États de l'Arctique. Que cela dure longtemps.
Je suis d'accord avec ma collègue sur à peu près tout ce qu'elle a dit. Je pense que la seule question que j'ajouterais est la suivante: ce que je dis en ce qui concerne une partie de la réaction aux considérations en matière de défense nous conscientise tous deux davantage, ce qui nous aide à améliorer la définition de la souveraineté, quelle qu'elle soit. Les autres mesures seraient en grande partie liées au contrôle — ce que nous pouvons faire, essentiellement, pour maintenir l'intégrité de ce territoire. Je ne pense pas qu'il s'agisse de positions contradictoires.
Merci à vous deux. Pour assurer la souveraineté, les deux stratégies suivantes me viennent toujours à l'esprit: une stratégie de développement de l'infrastructure et une stratégie d'infrastructure de défense. D'un côté comme de l'autre, nous avons un voisin proche, et nos ennemis sont un peu loin, mais aujourd'hui, avec les technologies et tout ce dont ils disposent, ils peuvent nous atteindre du fin fond de leur territoire, particulièrement en Russie ou même en Chine.
Je ne peux envisager d'aller de l'avant au sujet de l'Arctique sans parler des États-Unis. Avez-vous la moindre idée de ce que pensent les Américains à l'heure actuelle, que ce soit à propos du développement de l'infrastructure ou de la défense, et de la façon d'aller de l'avant à ces égards? Je pense que c'est la question que nous devons nous poser, en gardant à l'esprit que nous parlons des Chinois et des Russes, mais je pense que nous devons aussi penser aux Américains, nos plus proches alliés et voisins.
Je peux commencer.
Je suis tout à fait d'accord avec cela. Je pense que ce dont parlait Mme Charron faisait partie de l'évolution des efforts de défense et de modernisation en Amérique du Nord déployés avec le NORAD. Il est impératif que nous collaborions très étroitement avec les Américains. Nous assurons une petite partie de la défense de l'Amérique du Nord. Dans le passé, une partie de ces activités a eu une importance stratégique dans l'Arctique canadien. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que je pense que l'importance de cette question a refait surface d'une façon que, peut-être, nous n'avions plus vue depuis un certain temps. Il est certain que tous les efforts de modernisation visant à contrer l'activité russe et, éventuellement, l'activité chinoise, devront être déployés en étroite collaboration avec les États-Unis. Par le passé, presque toutes les installations qui ont été construites au Canada l'ont été selon un modèle de financement conjoint dans le cadre duquel les Américains ont payé la plus grande partie. Je ne suis pas tout à fait convaincu que, sous l'administration actuelle au sud de la frontière, cet accord potentiel serait offert. Si c'est le cas, le Canada devra alors régler une note beaucoup plus élevée pour déployer certains de ces efforts.
Essentiellement, nous ne pouvons pas défendre le Canada seuls. Nous devons le faire de concert avec les États-Unis; par conséquent, nous devons prendre très au sérieux la position américaine sur le sujet, même si nous ne sommes pas fondamentalement d’accord avec tout. C’est pourquoi, à mon avis, l’une des choses les plus importantes que nous devons faire en ce qui concerne bon nombre des mesures prévues dans la nouvelle politique de défense est de veiller à ce que le Canada conserve une interopérabilité totale avec le gouvernement des États-Unis pour tout ce qu’il fait, car nous ne pouvons rien faire par nous-mêmes.
Je suis d'accord avec M. Perry. Le NORAD se penche sur la question depuis plusieurs années. Nous avons eu un certain nombre d'initiatives. Tout a commencé avec NORAD Next. Nous avons maintenant EVONAD. Il envisage la défense de l'Amérique du Nord quant aux six domaines, y compris les domaines qu'il reste encore à examiner, et il regarde loin dans l'avenir.
Il ne s’agit pas que de l’infrastructure. Les États-Unis et le Canada ont tous deux besoin du Système d’alerte du Nord, et nous nous demandons quel genre de système sera mis en place. Il s’agit également d’envisager même la façon dont nous structurons le commandement et le contrôle afin de nous assurer qu’ils sont aussi efficaces que possible, et la façon dont nous pouvons permettre au commandant du NORAD de penser de manière stratégique et dynamique et de ne pas s’enliser dans les détails de ses ordres de mission, permettant ainsi au personnel du NORAD de les concrétiser.
Le NORAD est quelque chose qui est nouveau en quelque sorte. Il est absolument fondamental quant à la façon dont nous défendons l’Amérique du Nord. J’exhorte tous les députés à poser plus de questions, à se renseigner sur le fonctionnement du NORAD et à lui demander ce qu’il pense de l’avenir. Je crois que le langage qu’il commence à utiliser, soit de s’attaquer aux archers plutôt qu’aux flèches, choquerait beaucoup de Canadiens, mais c’est à ce point qu’il s’inquiète des menaces futures, non seulement de la Russie, mais également des acteurs non étatiques et autres. C'est ce que je vous inviterais à faire.
Il y a aussi des organismes, comme la Commission permanente mixte de défense, qui sont censés nous guider dans notre façon de défendre l'Amérique du Nord. Elle semble avoir besoin d'un soutien vital. J'encouragerais le Canada à s'assurer que la Commission permanente mixte fonctionne comme il se doit et que nous disposons des personnes les plus compétentes pour aider à diriger la défense de l'Amérique du Nord.
Nous sommes dans une course contre la montre avec deux réalités. L'une d'elles est en faveur de la défense et l'autre en faveur du développement. La Chine entre en scène dans les deux cas. J'entends Mme Perry dire que la défense doit être la principale priorité pour ensuite parler de développement. Nous devons élaborer une stratégie de défense afin de pouvoir protéger ce développement.
À mon avis, le plus simple est d'entamer le développement le plus tôt possible et de commencer à travailler en ce sens. Je pense que c'est pour nous l'objectif le plus facile à atteindre en ce moment. De plus, probablement dans le cadre de l'accord de l'OTAN et des accords que nous avons avec nos alliés, notre position est déjà protégée; par conséquent, je pense que nous devrions peut-être accélérer le processus pour mettre en place une certaine infrastructure dans cette région. Qu'en pensez-vous?
Je voudrais simplement réitérer l'idée que nous devrions nous attaquer à nos problèmes de défense dans ce même but précis. S'il y a une bonne complémentarité, nous pouvons faire en sorte qu'un développement plus étendu nous profite, mais s'il y a des programmes dont nous ne pouvons pas nous occuper de manière efficace, du point de vue du développement, en utilisant un programme de défense, nous ne devrions pas nous engager sur cette voie.
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