:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour, chers collègues et bienvenue à la 114e réunion du Comité des affaires étrangères. Nous poursuivons notre étude sur les situations en Somalie, au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo.
Nous allons entendre deux témoins pendant la première heure: par téléconférence, Nuur Mohamud Sheekh, conseiller sénior aux affaires politiques, Division de la paix et sécurité, Intergovernmental Authority on Development; et Renifa Madenga, experte humanitaire, Groupe d'experts sur le Soudan du Sud, Conseil de sécurité des Nations unies, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Washington. Je vous remercie tous les deux.
Monsieur Sheekh, je suggère de commencer par vous, car nous savons que les lignes téléphoniques posent parfois problème.
Monsieur Sheekh, puisque nous ne pouvons pas vous voir, veuillez vous faire entendre si vous voulez intervenir durant les discussions ou les questions. Je saurai ainsi que vous attendez pour prendre la parole.
Nous allons maintenant entendre votre déclaration de 8 à 10 minutes, suivi de celle de Mme Madenga.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité.
Je suis ravi de pouvoir témoigner devant vous sur le forum de revitalisation de haut niveau qui s'est conclu récemment avec succès et qui portait sur l'accord de résolution du conflit dans la République du Soudan du Sud. Je ferai référence à cet accord en employant l'acronyme ARCSS.
Je vous remercie de l'invitation à témoigner pour la première fois devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Il y a près d'un an et demi, l'assemblée de l'IGAD a confié le mandat au forum de revitalisation de haut niveau, formé des parties au conflit au Soudan du Sud et d'intervenants, de discuter de mesures concrètes pour rétablir un cessez-le-feu permanent en vue d'une mise en oeuvre pleine et inclusive de l'accord et de fixer un calendrier révisé et réaliste qui mènerait à une élection démocratique à la fin de la période de transition.
L'assemblée a aussi demandé au Conseil des ministres de l'IGAD de se réunir et de faciliter le processus.
Je suis heureux de vous informer ce soir, monsieur le président, que les États membres de l'IGAD, avec le soutien de la communauté internationale, ont conclu avec succès ce processus noble qui a mené à la signature de l'ARCSS revitalisé par les parties au Soudan du Sud et les intervenants, lors d'un sommet de l'IGAD, à Addis-Abeba, le 12 septembre 2018.
Monsieur le président, honorables députés, je veux profiter de cette occasion pour présenter très brièvement à votre auguste comité nos réalisations, les défis que nous avons rencontrés et les résultats obtenus.
Je vais souligner certains des progrès clés que nous avons accomplis depuis que le conseil de l'IGAD, qui s'est réuni à la 32e séance extraordinaire du 21 juin à Addis-Abeba, en Éthiopie, a notamment décidé de mandater le président Omar Hassan al-Bashir pour faciliter la deuxième ronde de discussions en personne entre le président Salva Kiir Mayardit et Riek Machar Teny afin de résoudre les enjeux de gouvernance et de sécurité et d'examiner les mesures contenues dans les propositions régionales révisées du Conseil des ministres de l'IGAD.
Monsieur le président, conformément à la décision du conseil de l'IGAD, la ronde de discussions de Khartoum a été lancée le 25 juin cette année pour faire suite aux deux phases du forum de revitalisation de haut niveau et aux discussions en personne d'Addis-Abeba. Les discussions de Khartoum s'inscrivent dans la foulée de l'accord de cessation des hostilités, de protection des civils et d'accès humanitaire signé le 22 décembre 2017, et de plusieurs accords sur la gouvernance et la sécurité qui ont été parafés à Addis- Abeba. Ces discussions ainsi que les réunions en personne d'Entebbe, en Ouganda, ont rapidement produit des résultats. Les deux principales parties, soit le président Salva Kiir Mayardit et l'ancien premier vice-président Riek Machar Teny, ont convenu de collaborer pour mettre fin au conflit.
Avant l'ARCSS revitalisé de 2018, les parties au Soudan et les intervenants avaient conclu plusieurs accords.
Premièrement, la déclaration de Khartoum a fait état de l'accord entre les parties au conflit du Soudan du Sud, signé le 27 juin 2018.
Deuxièmement, l'accord sur les mesures de sécurité transitoire a été signé le 6 juillet 2018.
Troisièmement, l'accord sur les enjeux de gouvernance non résolus pour la période de transition a été signé le 25 juillet 2018.
Finalement, l'accord sur les enjeux de gouvernance non résolus a été signé le 5 août 2018.
Monsieur le président, la signature du texte complet de l'Accord revitalisé sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud le 3 septembre était un jalon qui a marqué la fin des négociations officielles du forum de revitalisation de haut niveau.
L'accord revitalisé a d'abord été parafé et précédé de l'élaboration d'une matrice de mise en oeuvre exhaustive, elle-même parafée le 2 septembre 2018, et d'un atelier sur les mesures de sécurité qui s'est déroulé du 3 au 5 septembre 2018. Les résultats de ce dernier ont aussi été parafés par les parties.
Le forum de revitalisation de haut niveau était un processus inclusif où toutes les parties à l'accord sur la résolution du conflit ont pu participer, notamment des groupes marginaux, des intervenants sud-soudanais, des groupes confessionnels, des réfugiés du Soudan du Sud, des organisations de la société civile, des femmes et des jeunes.
Monsieur le président, distingués députés, permettez-moi maintenant de vous mettre à jour sur certaines décisions de l'assemblée de l'IGAD.
L'assemblée a convenu que, jusqu'à ce que son statut final soit déterminé au prochain sommet ordinaire de l'assemblée de l'IGAD, le chef du mouvement populaire de libération du Soudan en opposition, Riek Machar Teny, pourrait rester dans le pays de son choix dans la région.
L'assemblée a aussi décidé que l'IGAD demanderait au Conseil de sécurité des Nations unies de déployer l'entièreté de la force de protection régionale pour exécuter son mandat conformément aux résolutions 2304 de 2016 et 2406 de 2018 du Conseil de sécurité et de revoir à nouveau son mandat pour que le Soudan, l'Ouganda, Djibouti et la Somalie puissent se porter garants pour déployer des forces armées afin de rehausser la protection et la sécurité durant la mise en oeuvre de l'accord.
Le conseil a de plus mandaté les chefs d'état-major de l'IGAD d'évaluer les besoins opérationnels et d'élaborer les tâches que devra accomplir la force de protection régionale, à la lumière de la situation actuelle sur le terrain et de son expansion potentielle pour obtenir l'appui du Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine et du Conseil de sécurité des Nations unies.
Monsieur le président, honorables députés, permettez-moi de conclure en félicitant toutes les parties au Soudan du Sud d'avoir été de bonne foi, déterminées et résilientes dans les discussions.
L'IGAD travaillera de près avec les intervenants politiques au pays et les partenaires régionaux et internationaux pour une mise en oeuvre inclusive, impartiale et honnête de l'accord. Les parties n'ont pas été forcées à signer l'accord en septembre. Elles en sont arrivées à un compromis et ont fait preuve de leadership.
L'IGAD a bon espoir quant à l'avenir, mais nous ne sous-estimons pas la tâche qui nous attend. L'annonce de la libération d'autres prisonniers politiques et l'appel à l'ouverture des voies d'accès humanitaire et au déplacement libre des personnes constituent des indicateurs importants qui montrent que les parties sont prêtes à faire des compromis.
Les principaux chefs de l'opposition se sont réunis à Juba, la semaine dernière, après une longue absence dans un élan d'ouverture aux compromis et de solidarité nationale. C'était un signal de confiance indispensable dans la mise en oeuvre inclusive de l'accord qui est actuellement en cours. À cette fin, des institutions clés en matière de gouvernance, de sécurité et de surveillance ont été établies.
Nous remercions de tout coeur la Commission de l'Union africaine, les Nations unies, l'Union européenne, les pays de la Troïka, la Chine, le Japon, le Canada et les membres du forum des partenaires de l'IGAD de leur contribution au processus.
Le gouvernement du Canada a généreusement financé l'IGAD pour ce processus et la mise en oeuvre de l'accord.
Monsieur le président, je termine en vous remerciant sincèrement de m'avoir permis d'informer votre comité de députés distingués. C'est avec plaisir que je collaborerai étroitement avec vous pour la mise en oeuvre de l'accord revitalisé. Nous devrons travailler main dans la main pour rebâtir le Soudan du Sud, répondre aux besoins criants en matière d'aide humanitaire et relever les défis de sécurité.
Je vous remercie.
C'est un honneur pour moi de m'adresser au Comité permanent aujourd'hui. J'aimerais aussi remercier M. Sheekh, mon collègue, d'avoir partagé son temps de parole avec moi.
J'aimerais d'abord indiquer que je ne suis pas ici à titre d'expert du domaine humanitaire au sein du Groupe d'experts sur le Soudan du Sud; je suis ici à titre personnel.
Merci, monsieur le président, de vos remarques d'introduction. Je vais parler du travail humanitaire que j'ai effectué dans la région du Soudan du Sud et vous dire pourquoi, à mon avis, il s'agit d'un privilège et d'une possibilité. J'aimerais présenter au Comité certaines observations sur le Soudan du Sud.
Je travaille au Soudan du Sud depuis 2014 avec une commission exploratoire, le comité des femmes de l'UA-ONU. J'ai aussi travaillé avec la Commission des droits de la personne au Soudan du Sud, en 2016. Maintenant je siège au groupe d'experts.
Les points de vue que je partage avec vous sont ceux des gens ordinaires qui vont au Soudan du Sud. Nous avons vu des gens qui en avaient assez de la situation humanitaire au Soudan du Sud. Lorsque j'ai visité ce pays en 2014, il y avait une crise. Lorsque j'y suis retournée en 2016, les gens étaient très fatigués. Lorsque j'y suis retournée en octobre cette année, j'ai trouvé que les gens ordinaires étaient très las. Il s'agit ici de mes observations des gens ordinaires au Soudan du Sud.
Notre mandat comme groupe d'experts nous donne aussi le privilège de discuter avec différentes catégories de personnes. Lorsque j'ai parlé aux garçons et filles, aux hommes et aux femmes les plus vulnérables, des gens qui ont vécu la très longue crise au Soudan du Sud, ils m'ont fait des observations pertinentes que je tiens à partager avec le Comité permanent aujourd'hui.
Pour ce qui est des questions liées aux droits de la personne, l'étude à laquelle le Comité permanent travaille est très importante. Vous entreprenez une étude afin que le Canada en entier puisse mieux régler les questions de conflits, de paix, de violence sexospécifique, de sécurité et de justice. Vous examinez aussi le respect des droits de la personne et le développement économique au Soudan du Sud.
Aujourd'hui, je vais tenter d'aborder certaines des questions sur lesquelles vous vous penchez.
Je vais commencer par la situation humanitaire au Soudan du Sud.
Mon collègue a déjà expliqué en détail l'entente renouvelée qui a été signée le 12 septembre 2018. Au moment où on se parle, la paix est censée régner au Soudan du Sud. Toutefois, j'aimerais signaler l'écart entre les pourparlers de paix et la réalité.
J'ai participé à des réunions avec les autorités du Soudan du Sud, la communauté diplomatique internationale, des entités des Nations unies et des gens ordinaires dans les rues du Soudan du Sud. Le public a mis en lumière les difficultés auxquelles les gens ordinaires sont confrontés.
La situation humanitaire au Soudan du Sud est grave. Malgré les progrès politiques, que nous devrions tous célébrer, les gens ordinaires du Soudan du Sud souffrent depuis décembre 2013 et continuent de souffrir aujourd'hui.
Parmi les problèmes qui touchent de très près les gens pris dans cette crise, on compte la violence sexuelle liée aux conflits et la violence fondée sur le sexe.
Depuis le début du conflit au Soudan du Sud, la violence sexuelle a été un problème très sérieux. La crise, qui n'en finit plus, a été caractérisée par un nombre élevé d'actes de violence sexuelle. Cela a eu une incidence sur les garçons, les hommes, les femmes, les jeunes filles, les personnes ordinaires et continue de les affecter à l'heure actuelle.
Les gens pourraient croire que les actes de violence sexuelle liés au conflit font partie intégrante des conflits armés mais, même pendant le processus de paix, il y a des incidents documentés de personnes exposées à de la violence sexuelle découlant d'un conflit. Il y a aussi des incidents de violence fondée sur le sexe.
Pour que nous puissions bien comprendre la situation au Soudan du Sud, surtout en ce qui touche la violence fondée sur le sexe, je pense qu'il importe de se rappeler que même pendant le conflit au Soudan du Sud, il y a eu de nombreux cas de violence sexuelle issus de conflits qui ont été rapportés et consignés, et que le Soudan du Sud est une société très militarisée, une société patriarcale dans laquelle la condition féminine est déterminée en fonction des valeurs patriarcales et d'autres valeurs traditionnelles.
Lorsque je dis que les personnes ordinaires qui ont été exposées à la violence sexuelle issue de conflits et à la violence fondée sur le sexe sont lasses, je veux dire en fait que cela remonte avant les événements de 2011. Les incidents se sont reproduits lors de la crise qui a débuté en 2013 et cela se poursuit maintenant dans le cadre des négociations de la paix depuis 2015. Entre ces périodes de pourparlers, le réalité, c'est que la population est toujours exposée à la violence sexuelle issue de conflits ainsi qu'à la violence fondée sur le sexe qui prennent la forme de mariages précoces et de violence conjugale.
Ensuite, on en arrive à l'une des composantes que vous examinées dans votre étude: la justice. Dans toutes les visites que j'ai faites au Soudan du Sud, les civils, plus particulièrement, ont exigé des redditions de comptes dans le cas de violations graves des droits de la personne et de violations des principes du droit international humanitaire et des droits de la personne qui ont été commises au Soudan du Sud depuis 2013.
L'impunité est largement répandue, et il y a eu très peu de redditions de comptes. Récemment, nous célébrions l'arrêt Terrain, dans le cadre duquel au moins quelques personnes ont été obligées de rendre des comptes devant la justice. Toutefois, la majorité des Sud-Soudanais n'ont pas obtenu justice. Personne n'a dû rendre de compte pour ces atrocités. Personne ne leur a rendu justice pour les vies qui ont été perdues — les personnes qui leur étaient proches — ni pour les violations malveillantes à l'égard de leurs biens.
Maintenant que nous parlons paix et rétablissement des personnes déplacées à l'intérieur du pays qui devraient pouvoir rentrer chez elles, il faut se demander où elles peuvent aller.
Lorsque j'ai visité le Soudan du Sud en octobre, c'est l'une des questions qui ont été soulevées par des gens ordinaires à qui j'ai parlé — des hommes, des femmes et de jeunes personnes ordinaires qui savaient qu'au moment où nous parlions paix, leurs maisons à Bor, Malakal et Yei étaient occupées par des personnes, dont certaines auraient perpétré des violences à leur égard, si bien que la situation humanitaire est toujours très sérieuse, ce qui est aussi très préoccupant.
Il faut aussi parler des droits de la personne au Soudan du Sud. Le paradigme des droits de la personne a été très problématique. À cet égard, j'inciterais la communauté internationale, y compris le Canada, à songer à des interventions qui pourraient permettre de régler la situation sur le terrain.
Un volet des recommandations viserait à appuyer les défenseurs des droits de la personne. Ils ont fait beaucoup de travail. Et ils ont consigné de nombreuses atrocités. Ils ont besoin d'accroître leur capacité si l'on songe à obtenir une reddition de comptes, peut-être par le truchement de tribunaux hybrides, ce qui avait été recommandé en 2014. Il y a eu un retard inhabituel dans sa mise sur pied afin de mettre en oeuvre les recommandations y afférentes.
Il y a aussi d'autres domaines qui nécessitent beaucoup d'interventions. Lors de la visite d'octobre, nous avons vu de nombreuses personnes en manque de nourriture, de sorte que le problème d'insécurité alimentaire est très sérieux dans ce pays. À cet égard, j'incite le Comité permanent à examiner de quelle façon il pourrait appuyer les organisations sur le terrain, soit des organisations gouvernementales ou des groupes locaux qui essaient de régler et de prévenir de tels problèmes sur le terrain.
Il y a aussi le problème du chômage, également lié aux autres violations des droits de la personne, et j'inciterais la communauté internationale et le Canada tout particulièrement à prendre des initiatives pour aider la population locale et l'habiliter à faire face aux problèmes propres à la situation du Soudan du Sud.
Merci.
:
Je vais essayer de répondre à vos questions.
Elles sont excellentes. Mais elles sont aussi difficiles parce qu'il n'y a pas de réponse facile.
La situation humanitaire au Soudan du Sud, comme l'a présentée Mme Madenga, est peu réjouissante. On y constate des défis en matière de sécurité et des problèmes de violations.
Je puis vous dire cependant que depuis le forum de haut niveau qui a eu lieu il y a six mois, on peut constater que les violations, surtout celles découlant du conflit armé au Soudan du Sud, ont été considérablement réduites.
Dans notre engagement soutenu au Soudan du Sud auprès des instances les plus élevées dans la région, tous les gouvernements d'États qui ont collaboré ont incité les belligérants aux plus hautes instances à s'abstenir de violer les accords de cessez-le-feu en exerçant de la pression sur elles. Dans une grande mesure, cela a également fonctionné.
La question des prisonniers politiques était aussi épineuse. Dans l'accord, il a été très clair que pour rehausser la confiance, les prisonniers politiques doivent être libérés. C'est ce qui s'est produit. Le 31 du mois dernier, c'est-à-dire la semaine dernière, l'ancien vice-président s'est rendu à Juba avec le président Omar al-Bashir. Le président ougandais, Yoweri Museveni, était également à Juba.
On a donc rehaussé la confiance. Je ne dis pas que les prochaines étapes seront faciles. Mais, ce que nous voyons, depuis que ce processus a vu le jour, c'est que les hostilités diminuent. La semaine dernière, à Juba, tous les partis politiques — sans aucune exception — étaient présents.
Que peut-on faire? En tant que représentants des régions et membres de la communauté internationale, nous devrions continuer d'encourager l'adhésion de ces parties. Nous n'avons d'autre choix que de continuer le processus. Si nous y mettons un terme, ces acteurs se tourneront de nouveau vers le conflit et la violence.
Membres du Comité, ce n'est pas sans raison que Mme Madenga a également évoqué les problèmes humanitaires. L'insécurité alimentaire au Soudan du Sud est désastreuse. Nous devrions continuer de financer les organisations locales qui alimentent les populations locales, surtout dans des régions difficiles à joindre. Il faut, pour ce faire, élargir les activités d'accès humanitaire.
Le retour des personnes déplacées à l'intérieur du territoire est très important. Il est crucial de trouver des solutions appropriées pour ces populations. La région les a généreusement accueillis. Il y avait plus d'un million de réfugiés, et elle en a accueilli un quart de million. La plupart d'entre eux souhaitent rentrer chez eux. Il faut donc collaborer pour s'assurer de trouver une solution viable à ce problème.
Les arrangements en matière de sécurité sont également importants au Soudan du Sud. Tout un chapitre de l'accord de paix, le chapitre 2, porte sur les arrangements en matière de sécurité. Il y a des discussions sur la démobilisation des groupes armés et leur réintégration. Ce n'est pas une tâche facile. Le dialogue se poursuit à l'heure actuelle sur cette question. Le Canada et la communauté internationale devraient aussi essayer de travailler en parallèle avec nous. C'est la seule et unique façon que nous pourrons stabiliser le Soudan du Sud et aider ce pays à revenir à la normale.
Merci.
:
Je remercie nos deux témoins d'être des nôtres aujourd'hui et de nous éclairer sur ce sujet très important.
J'aimerais commencer par vous, madame Madenga, en raison de points que vous avez mentionnés dans votre déclaration préliminaire. Vous avez parlé de violence au Soudan du Sud.
J'aimerais que nous en parlions parce que, comme vous le savez, en juillet 2018, les Nations unies ont imposé un embargo sur les armes au Soudan du Sud. À ce moment-là, lors de l'annonce de l'embargo, la première personne à réagir a été le président Museveni de l'Ouganda, qui a dit qu'il ne fallait pas se préoccuper des sanctions puisqu'il allait aider à les contourner. Il a dit qu'il fournirait des armes au Sud-soudanais selon leurs besoins.
Il y a donc à l'heure actuelle huit personnes au gouvernement sud-soudanais qui font face à des sanctions imposées par les Nations unies. Toutefois, quatre pays — soit l'Éthiopie, le Soudan, le Kenya et l'Ouganda — n'ont pas mis ces sanctions à exécution.
Étant donné l'embargo sur les armes de l'ONU et la violence qui sévit au Soudan du Sud, quelle est la situation dans ce pays depuis votre voyage en octobre?
:
Monsieur, si vous me le permettez, j'aimerais corriger l'hypothèse que vous avez émise selon laquelle ce ne sont pas tous les groupes d'opposition qui ont participé au processus de paix. Le post-scriptum de ce processus de paix dit que tous les groupes d'opposition ont été inclus. La South Sudan Opposition Alliance, d'autres partis politiques et l'ALPS en opposition ont tous participé à cet accord de paix.
Ensuite, en juin cette année, les chefs d'États et de gouvernements de l'IGAD et le président de l'IGAD, de concert avec ses collègues, ont demandé au président Omar Hassan al-Bashir de tenter de réduire les différences entre ces groupes, et il a très bien réussi.
Par contre, je peux vous dire que ce conflit au Soudan du Sud préparait une situation désastreuse pour l'économie dans la région. Le pétrole ne coulait plus et cela leur faisait mal. De plus, l'économie de l'Ouganda dépendait grandement du Soudan du Sud, car l'Ouganda fournissait des biens et services au Soudan du Sud, si bien que cette situation leur nuisait. De plus, l'Ouganda accueille un grand nombre de réfugiés du Soudan du Sud, ainsi la région, comme vous pouvez le voir, honorable député, a été durement touchée, ce qui a amené les chefs régionaux à se rencontrer pour parler des répercussions de ce conflit.
Nous voyons que tous les leaders participent au processus de bonne foi et dans un esprit de collaboration. En tant qu'organisation, nous avons confiance dans le résultat de ce processus et dans l'accord, et nous espérons que le tout fonctionnera. Dans ses déclarations, la Troïka a toujours dit qu'elle allait appuyer la mise en oeuvre de ce processus. Le Canada vient de nous verser un financement de 140 000 $ pour la mise en oeuvre de l'accord.
Ce que nous voyons dans la région et dans nos renseignements nous montre que cet accord tiendra bon.
Merci.
:
Merci beaucoup pour votre question, madame.
Le processus du forum de haut niveau sur la revitalisation diffère du processus de paix de 2015. Au forum de haut niveau sur la revitalisation et au conseil, nous avons élargi la participation des diverses parties prenantes, pour inclure des personnalités éminentes et des groupes de femmes. Les groupes de femmes ont été très actifs. Il n'y a pas qu'un seul groupe de femmes, il y en a un certain nombre.
Ensuite, après la conclusion du processus le 12 septembre, l'accord a mis sur pied des institutions et des mécanismes pour la mise en oeuvre de cet accord. Nous avons encouragé les partis politiques à présenter la candidature de femmes pour certaines des institutions et certains mécanismes créés par cet accord.
Je ne pourrais dire que beaucoup de femmes ont été mises en candidature par les partis politiques malgré le fait que nous les avons encouragés à le faire. Par contre, les partis politiques ont nommé quelques femmes à des postes dans ces institutions. Je ne considérerais pas cette situation en vase clos par rapport à ce qui se passe dans toute la région de l'IGAD. Comme vous le savez tous, l'Éthiopie a récemment nommé une femme au poste de présidente du pays, et ce, pour la première fois. Elle était aussi à Juba la semaine dernière lors de cette célébration de paix, au cours de laquelle on continue d'encourager les partis à mettre en candidature plus de femmes à des postes au sein du gouvernement, et tous les partis et gouvernements y sont très ouverts.
J'aimerais aussi remercier le gouvernement du Canada pour les fonds qu'il a versés à ONU Femmes. ONU Femmes a appuyé le poste de conseillère en matière d'égalité entre les sexes à l'IGAD. Le salaire de ce haut fonctionnaire est payé par votre gouvernement, et nous vous en remercions.
Merci.
:
Je vous remercie de votre question.
La mise en oeuvre de ce processus vient tout juste de commencer. Au cours des derniers jours et des dernières semaines, nous avons établi un lien de confiance entre les chefs de ces partis politiques. Jusqu'à présent, nous avons tenu deux réunions très importantes au comité national sur la période préalable à la transition et au comité national sur l'amendement constitutionnel. Les deux dernières réunions ont eu lieu à Khartoum, car nous étions tous de l'avis qu'il n'y avait pas assez de confiance.
Je suis heureux de vous dire que la semaine prochaine, ces deux comités se réuniront à Juba, et non à l'extérieur du pays.
Ensuite, le groupe de surveillance du cessez-le-feu, le CTSAMM, s'est rendu dans certaines régions qui sont sous le contrôle d'anciens groupes rebelles et dans d'autres régions qui sont sous le contrôle du gouvernement. Le groupe de surveillance fait son travail de surveillance du cessez-le-feu. Comme je l'ai dit plus tôt, le cessez-le-feu tient bon.
Les discussions concernant la démobilisation sont en cours. On commencera par le cantonnement des forces et puis on passera à la démobilisation.
Comme ma collègue Mme Madenga l'a dit plus tôt, l'économie du Soudan du Sud se porte très mal. Le pétrole s'est remis à couler, mais les activités de subsistance et les occasions d'emploi sont limitées.
Nous encourageons nos partenaires internationaux, comme le Canada, à s'assurer que cette confiance entre les chefs politiques perdure, et nous les encourageons à exercer une pression sur eux. C'est seulement à ce moment-là que la situation sur le terrain sera sécuritaire pour aller de l'avant avec la démobilisation de ces forces.
Merci.
Lors de mes multiples visites au Soudan du Sud, l'empreinte du Canada se reflétait par le grand nombre d'organismes canadiens qui y travaillaient, notamment le Canadian Lutheran World Relief, Aide à l'enfance-Canada, Oxfam Canada et Plan Canada. Lorsque nous parlions aux gens ordinaires, on sentait qu'ils étaient favorables à l'aide humanitaire sur le terrain. Lorsque je dis les « gens ordinaires », je veux dire ceux qui sont directement touchés par le conflit dans le Soudan du Sud.
Pour ce qui est des interventions que le Canada pourrait faire, il devrait continuer à travailler avec ceux que j'ai appelé les gens ordinaires. Il peut s'agir de survivants du conflit qui vivent maintenant dans des sites de protection des civils ou des personnes déplacées, ou, pour soulager l'insécurité alimentaire, il faut faciliter l'accès de ces personnes qui n'ont pas suffisamment à manger. Il y a aussi les installations médicales. Les interventions que j'observe de la part du Canada consistent en un soutien humanitaire.
Il y a également des questions comme le développement des capacités de reddition de comptes, afin que ces institutions locales puissent travailler directement avec les personnes touchées.
Je sais que lorsqu'une crise s'éternise, les donateurs se fatiguent. Je continuerais à encourager le Canada à tendre la main à ces personnes, car je pense qu'elles sont rendues à une étape où elles ont besoin de beaucoup d'aide pour se réhabiliter, beaucoup d'aide pour se réinstaller et aussi beaucoup d'aide simplement pour se remettre de la crise.
Je remercie le Comité.
CARE Canada est honoré de contribuer aux discussions sur le Soudan du Sud, la Somalie et la RDC. CARE est une organisation non gouvernementale internationale et axée sur les droits. Nous appuyons les efforts dans les domaines de l'aide humanitaire vitale, de la protection, du rétablissement et de la consolidation de la paix, de même que le développement à plus long terme.
L'an dernier, CARE a rejoint plus de 62 millions de personnes dans 95 pays, y compris au Soudan du Sud, en Somalie et en RDC.
Mes observations d'aujourd'hui ses concentrent principalement sur la crise au Soudan du Sud, ses conséquences sur les femmes et les filles, et les recommandations que nous pouvons en tirer au sujet du rôle du Canada dans la région.
Elles sont fondées sur mon expérience personnelle et les commentaires des courageux employés soudanais du Sud de Care, dont beaucoup se sont exposés à des risques pour travailler avec les gens touchés par le conflit et la sécheresse depuis plus de 25 ans.
J'ai vécu au Soudan du Sud pendant la période de l'indépendance. J'ai eu le privilège de partager cette époque avec mes collègues soudanais du Sud. À l'époque, l'atmosphère était remplie d'enthousiasme et d'optimisme. On peut dire qu'aujourd'hui cet optimisme s'est dissipé.
Lors de ma plus récente visite au Soudan du Sud, j'ai rencontré une mère à une clinique que CARE dirige dans l'État d'Unité. Nous avons parlé des services que ses enfants ont reçus, y compris des aliments à haute teneur énergétique pour les aider à se rétablir de la malnutrition grave. Je lui ai aussi demandé ce qu'elle espérait pour l'avenir. Elle a dit qu'elle espérait qu'elle et sa famille survivent, mais elle ne s'attendait pas à la paix. Elle s'attendait à ce que la situation se dégrade, avec la guerre, la faim et l'absence de services. Jusqu'à maintenant, ses prédictions se sont plutôt avérées.
La crise des personnes déplacées au Soudan du Sud est maintenant la plus grande en Afrique et la troisième plus grande au monde. Depuis 2013, plus de 4 millions de personnes ont dû fuir leur demeure, et cela comprend plus de 2 millions de personnes qui sont maintenant réfugiées dans les pays avoisinants. La majorité de ces personnes déplacées sont des femmes et des enfants.
Comme les témoins précédents l'ont mentionné, des parties du Soudan du Sud s'approchent de niveaux catastrophiques de famine rarement vus ailleurs dans le monde. Plus de 7 millions de personnes, près des deux tiers de la population, ont besoin d'aide humanitaire. Les changements climatiques et les sécheresses exacerbent cette crise alimentaire, ce qui accentue la concurrence pour les rares ressources et alourdit le fardeau qui pèse sur les personnes vulnérables.
La crise a eu un effet particulièrement dévastateur sur les femmes et les filles. Les femmes et les filles du Soudan du Sud doivent chaque jour prendre des décisions impossibles, comme choisir entre rester à la maison dans une sécurité relative tout en étant affamées ou risquer de se rendre à pied vers des marchés éloignés ou dans la brousse pour ramasser du bois. Près de 65 % des femmes et des filles au Soudan du Sud ont été victimes de violences physiques ou sexuelles. Soixante-cinq pour cent. Les agressions, les enlèvements, les viols et les viols collectifs demeurent impunis, même s'ils se produisent en plein jour.
Certaines femmes se tournent vers l'exploitation sexuelle pour obtenir de la protection et de la nourriture et pour survivre. Les mariages forcés de jeunes enfants augmentent puisque les parents font face à la situation impossible de choisir entre accepter une dot ou se retrouver encore plus endettés, affamés et mal nourris. En tant que père, je ne peux imaginer devoir prendre une telle décision.
Reconnaissant que le financement humanitaire mondial est bien en deçà des besoins, mes recommandations d'aujourd'hui se concentrent sur la façon dont le Canada peut utiliser le plus efficacement possible ses ressources afin d'avoir le plus grand effet sur ces crises.
Premièrement, le Canada doit se concentrer sur les solutions politiques qui régleront les causes profondes de ces conflits. J'ai clairement entendu les Soudanais du Sud dirent qu'ils ont besoin de stabilité et de paix. Les voies vers ces solutions deviennent de plus en plus compliquées. La paix est souvent liée aux opérations militaires et de sécurité. Les crises complexes comme celles du Soudan du Sud, de la RDC et de la Somalie n'ont pas une seule cause ou une seule solution.
Le gouvernement canadien devrait appliquer son approche pangouvernementale pour favoriser une solution politique négociée au conflit. Cette solution doit absolument être accompagnée de mesures qui s'attaquent aux causes premières, ce qui comprend l'amélioration de l'égalité, la consolidation de la résilience des communautés face aux chocs tels que les effets des changements climatiques, et faire en sorte qu'il y ait une gouvernance inclusive et réelle à tous les échelons dans chaque pays.
Une réponse efficace à ces crises exigera clairement une approche régionale globale. Cependant, cette approche ne peut se faire aux dépens d'une attention portée aux besoins essentiels et aux causes profondes dans chaque pays.
Deuxièmement, il faut miser sur les besoins précis et sur l'agentivité des femmes et des filles. Les conflits secouent le statu quo et forcent des changements aux rôles sexospécifiques. Cela représente un défi, mais aussi une possibilité de changement. Les inégalités entre les sexes sont exacerbées lorsque l'aide humanitaire ne tient pas compte des besoins des femmes et qu'elle perçoit les femmes et les filles uniquement comme des victimes. Par exemple, l'accès aux services de santé sexuelle et génésique permet de sauver des vies au même titre que l'eau potable, le logement et la nourriture. Or, ces services sont trop souvent considérés comme étant secondaires. Le Canada devrait s'engager à toujours offrir le dispositif minimum d'urgence pour la santé génésique dès le déclenchement d'une crise et dans le cadre de chaque intervention humanitaire.
Cet engagement ferait en sorte que l'aide d'urgence tienne compte des besoins des femmes en matière de reproduction dès le départ. Même en situation de crise, les femmes vont toujours tomber enceintes et donner naissance.
S'agissant de l'agentivité des femmes, nous ne portons pas assez attention aux façons dont les femmes et les filles contribuent à la transformation sociale, et ce, même pendant un conflit. Le changement réel s'opère uniquement lorsque les programmes se fondent sur une consultation et une participation actives des femmes et des filles.
Troisièmement, il faut travailler davantage avec les intervenants locaux et leur accorder plus de financement. Les conflits actifs créent de l'insécurité, ce qui se traduit souvent par un arrêt des activités. Nous devons donc aider les programmes qui appuient et renforcent les intervenants humanitaires nationaux, y compris les organisations de défense des droits des femmes locales. Ces intervenants locaux ont une meilleure compréhension du contexte immédiat et y ont un meilleur accès. Lorsqu'ils reçoivent des ressources et un appui extérieur, ces intervenants peuvent faire un travail exceptionnel. Pourtant, seulement 2 % du financement international actuel est accordé directement aux organisations locales.
Cette année encore, le Soudan du Sud est le pays le plus dangereux pour les travailleurs humanitaires. Le personnel national est souvent la cible directe de violence dirigée par les organisations humanitaires. Les efforts d'aide aux organisations locales devraient être accompagnés de ressources adéquates pour assurer la sécurité des opérations dans des environnements difficiles. En outre, le Canada devrait continuer de demander une reddition de comptes lorsque les travailleurs humanitaires sont la cible de violences et dénoncer publiquement ces actes lorsqu'ils se produisent.
Même si un accord de cessez-le-feu a été signé, il ne faut pas cesser nos efforts au Soudan du Sud. Au contraire, je pense qu'il faut redoubler d'effort. Des millions de personnes ont été déplacées, des agriculteurs ne peuvent cultiver leurs terres et beaucoup ont perdu leur foyer et leur gagne-pain. Une normalisation profonde de la violence et de l'impunité laissera des traces profondes sur chaque génération, chaque communauté et chaque clan. Ces cicatrices ne guériront pas du jour au lendemain. Le Soudan du Sud comptera un nombre scandaleusement élevé des personnes ayant besoin d'aide pendant encore plusieurs années, mais les Soudanais du Sud ont besoin d'avoir espoir en l'avenir et pas seulement espérer que leur famille survive une journée de plus. Ce pays doit croire que la communauté internationale respectera les promesses qu'elle lui a fait.
Je vous remercie de votre intérêt envers ces crises oubliées aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
:
Merci de nous avoir accueillis et d'avoir songé à mettre en branle cette étude aussi pertinente qu'importante.
[Traduction]
Save the Children est une ONG internationale présente dans 120 pays. Nous nous concentrons sur la protection des droits des enfants, l'éducation, la santé et la nutrition. Au Canada, nous travaillons surtout auprès des enfants, des adolescents et des collectivités autochtones et, à l'étranger, nous participons aux interventions humanitaires et aux activités de développement durable.
En raison de notre expérience dans le monde, nous sommes de plus en plus préoccupés par les enfants vivant dans des zones de conflit, dont la Somalie, la RDC et le Soudan du Sud. Nos recherches indiquent qu'un nombre croissant d'enfants sont pris dans des zones de conflit un peu partout dans le monde, ainsi qu'un nombre croissant de violations graves dont sont victimes les enfants dans ces conflits.
À la base des informations contenues dans les rapports de l'ONU sur les violations graves, nos chercheurs ont recensé cette année les 10 endroits les plus dangereux dans le monde où être un enfant, et les trois pays que vous étudiez figurent sur cette liste.
Nous nous concentrons sur le Soudan du Sud où Save the Children est présent depuis 1989. Nous y sommes depuis longtemps. À l'heure actuelle, nous menons des projets dans 7 des 10 anciens États. Nos interventions en matière de sécurité alimentaire s'inscrivent dans nos programmes de santé, de nutrition, d'éducation et de subsistance, ainsi que de protection du secteur.
Il y a des éléments historiques que vous avez sûrement étudiés. Je ne ferai pas de leçon d'histoire, mais le dernier accord de paix semble être un pas dans la bonne direction. Il jouit de l'appui des présidents du Soudan et de l'Ouganda, ce qui augure bien.
Cela dit, d'après des rapports, dont un du mois d'octobre, le Programme alimentaire mondial confirme que la violence se poursuit contre ceux qui dispensent de l'aide humanitaire. Même si la paix se maintient, comme l'a dit Kevin, la voie vers le rétablissement sera longue. Or, il faut intervenir immédiatement pour réinsérer les enfants dans leur famille et leur communauté.
Kevin a aussi fait mention du nombre de personnes déplacées, soit 900 000 enfants au niveau local et 12 000 enfants qui ont été séparés de leur famille. Ces enfants sont particulièrement vulnérables à la violence et à l'exploitation sexuelle, ce qui est surtout préoccupant pour les filles, qui se tournent souvent vers la prostitution ou sont plus nombreuses à être forcées à se marier.
Au Soudan du Sud, une adolescente est plus susceptible de mourir en couches que de finir l'école primaire. C'est une situation difficile à imaginer dans notre contexte.
Notre travail au Soudan du Sud porte sur trois grands domaines: la protection des enfants contre les violations graves, l'éducation des enfants et la pénurie alimentaire grave qui met en danger la vie de quelque 20 000 enfants d'ici la fin de l'année seulement.
Au sujet des violations graves, le secrétaire général de l'ONU a rendu public un rapport sur la situation au Soudan du Sud de 2014 à 2018. Comme vous le savez, on classe les violations graves dans six catégories.
Dans l'une de ces catégories, on indique que 7 000 enfants ont été recrutés par des forces ou des groupes armés; 1 850 enfants ont été mutilés ou tués, et il est de plus en plus fréquent de castrer les garçons avant de les tuer.
[Français]
C'est pour décourager les autres.
[Traduction]
Quelque 1 200 enfants ont signalé avoir été victimes de violence sexuelle; dans 75 % de ces cas, il s'agissait de viols collectifs. Les viols collectifs ne se produisent pas de façon spontanée; ils sont systématiques et prémédités. Des hôpitaux et des écoles ont été ciblés. L'usage des écoles par les militaires a perturbé l'instruction de 32 500 enfants.
Le Soudan du Sud ayant approuvé récemment la déclaration sur les écoles sûres, nous espérons assister à une baisse de l'usage des écoles par les militaires qui s'est répandue dans tout le pays ces dernières années.
Au cours de cette période, 2 900 enfants ont été enlevés, pour la plupart des garçons, mais aussi 600 filles, dont bon nombre à des fins d'exploitation sexuelle.
En ce qui concerne l'accès humanitaire, comme le disait Kevin, on a dénombré 1 500 incidents vérifiés de refus d'accès, accompagnés parfois de violence à l'égard des travailleurs humanitaires. Ces graves violations des droits ne sont pas isolées. C'est un recours systématique à ce type de mesures pour terroriser la population.
J'aimerais dire deux mots sur l'éducation. Même avant l'éclatement du conflit, en 2013, seulement un enfant sur six terminait sa scolarité primaire dans le pays. En conséquence du conflit, 800 écoles ont été détruites au Soudan du Sud et 400 000 enfants de plus ont été privés d'enseignement. Aujourd'hui, on estime que le Soudan du Sud a la plus importante population d'enfants non scolarisés, soit 51 %. C'est particulièrement marqué, évidemment, chez les filles. Soixante-treize pour cent des filles de 6 à 11 ans ne fréquentent pas l'école. À l'âge de 14 ans, elles sont plus susceptibles d'être mariées que d'être à l'école au Soudan du Sud.
Je vais vous laisser une statistique en ce qui concerne la crise alimentaire. D'ici la fin de l'année, 20 000 enfants risquent de mourir si aucune intervention appropriée n'est faite. Il ne s'agit pas que d'envoyer de l'argent et de la nourriture, mais aussi de permettre l'accès de l'aide humanitaire. L'accord de paix revitalisé est un bon signe pour des millions d'enfants du Soudan du Sud, mais pour que ces enfants aient un avenir, ils ont besoin d'un accès garanti aux services humanitaires, ils ont besoin d'aide humanitaire accrue et durable, et ils ont besoin d'une fin durable au conflit.
Il faut donner la priorité à la protection des enfants dans les trois pays qui font l'objet de votre étude. Dans le mémoire que nous avons présenté, vous trouverez une longue liste de propositions bien précises, mais j'ai trois demandes à faire aujourd'hui à un haut niveau.
La première, c'est qu'il faut donner la priorité à la reddition de comptes en ce qui concerne les crimes commis à l'égard des enfants, faire en sorte que les enquêtes futures sur les violations des droits englobent l'expertise axée sur les enfants et les sexes, avec des conseillers à la protection de l'enfance et des agents de protection de l'enfance. Si ces actes restent impunis, ils demeureront un problème croissant dans le monde entier. Ce problème se répand non seulement au Soudan du Sud, mais aussi dans les deux autres pays dont vous faites l'étude. Les responsables doivent rendre des comptes, sinon le problème ne fera que croître.
La deuxième chose, c'est l'éducation. Nous avons été heureux de l'engagement sans précédent du Canada, lors du sommet du G7, à l'égard de l'éducation des filles dans les zones de crise, et c'est dans ce contexte que nous prions le gouvernement d'inclure les interventions d'éducation pour les filles au Soudan du Sud, en RDC et en Somalie.
La dernière recommandation est de répondre aux besoins urgents des enfants sous-alimentés du Soudan du Sud et de veiller à ce que l'aide humanitaire atteigne les 20 000 enfants qui risquent de mourir dans les prochains mois si nous n'y arrivons pas.
Je vous remercie de m'avoir consacré de votre temps et je suis prêt à répondre à vos questions.
:
Je vais revenir aux trois recommandations que j'ai faites.
La première, bien sûr, c'est que la sécurité alimentaire est la plus grande priorité du point de vue humanitaire si on veut empêcher que 20 000 enfants meurent dans les prochains mois.
Je ne voudrais pas qu'on traite ces trois recommandations l'une après l'autre, toutefois. Si on laisse languir une autre génération de filles du Soudan, nous semons le germe de... Je pense, en fait, que l'éducation des filles est partie intégrante de la solution au processus politique, social et communautaire. Il faut les garder en vie, mais dans le contexte actuel, il ne suffit pas uniquement de les garder en vie.
Pour terminer, il faut, à l'échelle mondiale, avoir non seulement un réflexe, mais aussi une démarche cohérente pour faire rendre des comptes aux auteurs de crimes contre les enfants. Ce sont des crimes haineux et révoltants dont il s'agit ici, et ils sont perpétrés de façon systématique. Si nous n'en sommes pas collectivement outrés, si nous ne veillons pas, lorsque nous créons des mécanismes de surveillance, à ce qu'ils englobent une expertise en matière d'enquête axée sur les enfants et le sexe, ces crimes ne feront que continuer.
Je ne pense pas que l'on puisse traiter de l'un de ces problèmes à la fois, mais la plus grande priorité, c'est de nourrir ces enfants pour les garder en vie.
:
Je vous remercie, Bill.
Je pense qu'il n'y a pas grand-chose à ajouter. Je peux en parler un peu.
Vous avez raison, c'est une situation des plus complexes, et je pense qu'on peut constater des parallèles entre les trois pays et, d'ailleurs, entre tous les conflits d'États en défaillance ou déchus. Nous avons des problèmes sous-jacents causés par les iniquités et les changements climatiques, et c'est souvent la mauvaise gouvernance qui donne lieu à des problèmes fondamentaux et à des conflits. Ce sont les conséquences de tout cela que nous constatons et dont nous parlons, n'est-ce pas?
Les gens sont forcés de quitter leurs terres, alors ils ont besoin de nourriture, mais comme ils ont quitté leurs terres, ils ne peuvent pas faire leurs travaux agricoles de base. Ils ne peuvent pas se préparer à la prochaine saison de récolte. En même temps, l'économie du Soudan du Sud était en piètre état. Le taux d'inflation atteignait les 161 %. Même quelqu'un qui avait de l'argent ne pouvait pas forcément acheter de nourriture. J'ai entendu des témoignages de gens qui disaient qu'ils gardaient du savon plutôt que de l'argent en espèces, parce que cet argent ne donnait pas grand-chose. Au moins, le savon constituait une espèce de bien qu'ils pouvaient vendre.
Au bout du compte, il faut nous attaquer à ces causes fondamentales et trouver une solution politique au conflit, mais comme on sait que cela ne va pas se faire dans l'immédiat, il faut nous assurer de fournir les services adéquats. Je ne vais pas parler d'éducation ou de santé génésique parce qu'on sait que c'est nécessaire à des endroits comme le Soudan du Sud. Il faut vraiment nous concentrer sur les acteurs locaux et veiller à assurer un financement adéquat qui passe par les organisations nationales locales parce que ce sont elles qui vont pouvoir assurer la gestion.
Je tiens tout d'abord à remercier vos deux organisations, et particulièrement vos travailleurs de première ligne, les Canadiens et d'autres qui tentent, au péril de leur vie, de sauver la vie des autres. Ce sont de véritables héros canadiens, et pour cela, je les remercie du fond du coeur.
Nous avons entendu comment, dans la guerre civile, le viol tient lieu d'arme. Nous avons entendu que ce n'est pas seulement répandu, mais en fait, c'est généralisé. Deux tiers des femmes et des filles l'ont vécu. Cela semble être un facteur qui définit la guerre civile au Soudan. Il y existe une culture de violence sexuelle, combinée à une culture d'impunité.
Monsieur Chambers, vous avez formulé trois recommandations — très précises — et j'aimerais y revenir.
Monsieur Dunbar, vous dites d'une façon générale que le changement véritable survient quand les femmes et les filles sont engagées dans une démarche. Vous en avez vécu l'expérience. Vous avez parlé de femmes que vous avez rencontrées sur une certaine période. Comment, selon vous, cela peut-il se faire à petite échelle et aussi à grande échelle? Il existe un processus de paix. Comment, d'après vous, peut-on mobiliser les femmes dans les processus de paix? Comment les mobiliser à l'échelle du village?