FAAE Réunion de comité
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 février 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne qui sont avec nous pour cette réunion avec le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence des Nations unies.
Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui M. Mark Lowcock pour cette séance d'information du Comité. M. Mark Lowcock a été nommé secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence des Nations unies en mai 2017. Auparavant, il a été pendant six ans secrétaire permanent du Royaume-Uni au ministère du Développement international, le DFID. En qualité de secrétaire permanent, M. Lowcock a dirigé l'intervention humanitaire du Royaume-Uni dans le cadre des conflits en Irak, en Syrie et en Libye et lors des catastrophes naturelles survenues au Népal et aux Philippines. Avant cela, il a été directeur général du DFID pour l'Afrique et l'Asie et a coordonné l'intervention de son ministère lors des urgences humanitaires en Haïti, au Myanmar et au Pakistan.
J'aimerais que vous prononciez votre déclaration liminaire en 10 minutes environ, après quoi je sais qu'il y aura beaucoup de questions de la part de nos collègues à table.
Nous vous écoutons.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de discuter avec vous. Je suis ravi d'être à Ottawa.
Nous vivons dans un monde où les défis sont multiples et où bien des choses sont mises à rude épreuve. Ma responsabilité, à titre de secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l'ONU et de coordonnateur de l'action humanitaire de la Croix-Rouge, des ONG et de l'ONU à l'échelle mondiale, est d'essayer d'atténuer les souffrances et de sauver les vies des gens dont les circonstances sont extrêmes.
L'une des choses que je veux vous dire ce matin, c'est que le système humanitaire mondial est efficace. L'année dernière, L'ONU a pu atteindre 100 millions de personnes vivant des crises humanitaires et a ainsi incontestablement sauvé des millions de vies. Nous avons amassé un montant record de 15 milliards de dollars, essentiellement auprès des États membres de l'ONU, pour atténuer les souffrances de ces gens.
La contribution du Canada à ces efforts est très importante. Quand je parcours le monde pour faire mon travail, je trouve très important d'avoir des occasions comme celle-ci d'interagir avec vous, parce que les organismes humanitaires sont financés sur une base entièrement volontaire, et ce, surtout par les contribuables de pays comme le Canada. Il m'importe énormément d'avoir l'occasion de répondre à vos questions — au type de questions que vos électeurs vous posent —, et je vous en remercie encore une fois.
J'ai pensé vous dire quelques mots au sujet des graves crises qui sévissent dans le monde et sur lesquelles bien des gens portent leur attention. Premièrement, permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de la crise au Yémen, la pire crise humanitaire au monde — 24 millions de personnes qui ont besoin d'aide humanitaire, dont 10 millions sont en train de mourir de faim.
La semaine prochaine, mardi, le secrétaire général des Nations unies, avec l'aide des gouvernements de la Suède et de la Suisse, sera l'hôte d'une conférence d'annonces de contributions des pays donateurs à Genève, dont le but sera de vous demander votre appui en réponse à notre appel pour le Yémen cette année. Nous cherchons à amasser 4 milliards de dollars américains qui serviront à atténuer les souffrances et à sauver les vies de 19 millions de Yéménites, soit plus de la moitié de la population du pays.
Nous avons rencontré beaucoup d'embûches dans la mise en oeuvre de notre programme d'aide au Yémen, mais il ne fait aucun doute que nous avons sauvé de très nombreuses vies et que nous avons atténué les souffrances. Nous ne pouvons continuer de le faire que si les pays du monde se montrent généreux et continuent de nous financer.
L'aide humanitaire au Yémen, comme partout ailleurs, ne résout pas les problèmes sous-jacents, mais elle sauve des vies et donne du temps à la réalisation du processus politique et à la reprise après ce genre de crise.
La situation d'ordre humanitaire qui a probablement été la plus présente pour la plupart des gens, pendant l'essentiel des sept dernières années, est celle des effets de la guerre en Syrie. L'ONU souhaite obtenir environ 25 milliards de dollars au total pour nos programmes d'aide humanitaire en 2019, et plus du tiers de ce montant doit servir à gérer les conséquences que la crise en Syrie continue d'avoir. Un nombre énorme de réfugiés — 6 millions dans les pays voisins, mais également des millions et des millions de Syriens à l'intérieur du pays — continuent d'avoir besoin d'aide.
Nous allons très prochainement publier notre évaluation des besoins généraux en Syrie cette année, puis à la mi-mars, il y aura à Bruxelles une conférence d'annonces de contributions organisées par l'ONU et l'Union européenne pour l'obtention d'appuis au programme. L'année passée, nous estimions que 13 millions de personnes avaient besoin d'aide à l'intérieur de la Syrie, et cette année, les besoins ont fléchi de 10 % et sont donc légèrement inférieurs. Nous avons quand même un énorme besoin de ressources pour aider ces gens.
La situation à l'échelle du pays a changé au cours de la dernière année environ. Le gouvernement de la Syrie exerce un contrôle sur de plus nombreuses régions du pays qu'avant, mais les besoins humanitaires demeurent énormes pour les personnes qui se trouvent dans les régions du pays que le gouvernement contrôle. Les efforts se poursuivent aussi pour en finir avec ce qu'il reste du problème que représente Daech dans le nord-est de la Syrie, ainsi que pour gérer les incidences de la décision de l'administration américaine de quitter cette région. Il y a également la situation très dramatique des 3 millions de civils de la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, qui sans le vouloir se sont retrouvés mêlés à des groupes terroristes interdits qui détiennent, avec d'autres groupes d'oppositions, cette partie du pays.
L'une des choses que le secrétaire général des Nations unies et moi-même disons depuis six mois environ, c'est qu'il ne doit pas y avoir d'assaut militaire massif dans cette partie de la Syrie comme ceux que nous avons vus dans d'autres parties du pays au cours des dernières années. Ce serait catastrophique pour ces 3 millions de civils, sachant qu'ils sont 1 million à avoir déjà fui d'autres régions du pays et que 1 million d'entre eux sont des enfants. La région d'Idlib est donc pour nous une source de grandes préoccupations.
J'aimerais dire un mot à propos du Venezuela. Je serai clair: il y a en ce moment un véritable problème humanitaire au Venezuela.
L'ONU travaille maintenant depuis un certain temps à cela. En novembre, nous avons conçu un plan visant à intensifier l'application des programmes des organismes de l'ONU concernant des choses comme la vaccination, les médicaments destinés aux hôpitaux et la résolution des graves problèmes de malnutrition. Nous poursuivons ce travail, et nous aimerions avoir davantage d'occasions, bien franchement, d'atténuer les souffrances du peuple vénézuélien.
Notre point de vue au sujet du Venezuela est que les problèmes d'ordre humanitaire doivent être traités comme des problèmes d'ordre humanitaire, dans la neutralité et l'impartialité, de façon indépendante et en fonction des besoins. C'est l'approche que nous adoptons pour tout ce que nous faisons sur le territoire du Venezuela.
Nous estimons aussi qu'il faut manifestement offrir plus de soutien aux pays voisins du Venezuela, là où 3,4 millions de Vénézuéliens ont fui. L'ONU a lancé un appel et souhaite obtenir 738 millions de dollars pour soutenir ces gens, car ce travail n'est pas aussi bien financé que je le voudrais.
J'aimerais aussi mentionner une autre chose au sujet de laquelle on m'interroge souvent, et c'est la situation relative à l'éradication du virus Ebola dans l'Est de la République démocratique du Congo. Il s'agit de l'éclosion du virus Ebola la plus grave dans le monde depuis le très grave problème qui, vous serez nombreux à vous rappeler, a émergé en Afrique occidentale en 2014-2015. Il y a maintenant dans l'Est de la RDC plusieurs centaines de cas, et des centaines de décès.
Cette éclosion se révèle difficile à contrôler, essentiellement à cause des comportements et des activités des groupes armés qui empêchent les organismes humanitaires de faire leur travail. Nous croyons qu'il va falloir beaucoup de temps pour éradiquer complètement cette éclosion.
S'il est une chose dont nous sommes très conscients, c'est le risque que le virus s'étende aux pays voisins. L'une des choses importantes que nous faisons en ce moment, c'est aider le Soudan du Sud, le Burundi, le Rwanda et l'Ouganda à se préparer à la possibilité qu'une personne atteinte franchisse la frontière et à savoir comment bien traiter la situation. Ce problème pourrait empirer considérablement s'il s'étend à d'autres endroits.
Monsieur le président, j'aimerais souligner une autre chose, si vous me le permettez, avant de terminer ma déclaration liminaire, et c'est que la plupart des personnes qui sont touchées par les crises humanitaires partout dans le monde sont des filles et des femmes. Elles forment la majorité, et les souffrances des filles et des femmes sont vraiment extrêmes, dans les situations de crise humanitaire. Deux fois plus de filles que de garçons cessent de fréquenter l'école pendant de telles crises. Les services destinés aux filles et aux femmes — par exemple les services de santé reproductive — sont dramatiquement insuffisants dans le contexte des crises humanitaires. Il y a un problème terrible de violence, de brutalité et de cruauté — souvent systématique — envers les filles et les femmes dans le cadre de trop nombreuses crises, en particulier celles où un conflit est à l'origine du problème.
Si je reste encore quelques jours à Ottawa, c'est que je voulais depuis un certain temps prononcer un discours sur la façon dont le système humanitaire mondial — un bon système qui sauve des millions de vies, comme je l'ai dit — doit nettement s'améliorer en ce qui concerne les filles et les femmes, lors de telles crises. Demain, ici à Ottawa, je vais prononcer un discours à ce sujet.
La raison pour laquelle je veux le faire ici, c'est que le Canada est un chef de file mondial à ce sujet. La Politique d'aide internationale féministe que la ministre Marie-Claude Bibeau a publiée, toutes les choses qui se sont produites à Whistler et toutes les autres choses que le Canada a faites placent le Canada à l'avant-garde dans ce domaine. J'aimerais énoncer de nouvelles idées sur la façon dont le monde entier peut raffermir le soutien qu'il offre aux femmes et aux filles en situation de crise. J'ai pensé que ce serait un bon endroit pour le faire.
Je serai ravi de répondre à vos demandes de précisions à ce sujet et à toutes autres questions.
Je vous remercie beaucoup.
Merci beaucoup.
Nous allons passer directement aux questions.
Nous allons commencer par le député Aboultaif.
Bonjour et bienvenue.
Les difficultés auxquelles les pays moins développés font face prennent de l'ampleur de jour en jour. En 2018, le BCAH — le Bureau de la coordination des affaires humanitaires — a déterminé qu'il lui fallait environ 25 milliards de dollars américains en financement. Cependant, vous avez probablement reçu un peu moins de 13 milliards de dollars américains. D'après ce que je comprends, la plus grande partie du montant reçu provenait de dons volontaires.
Quel pourcentage de ces dons est venu des États membres?
Ce sont les États membres de l'ONU qui ont fourni presque la totalité du montant approximatif de 15 milliards de dollars que nous avons amassé pour les plans d'intervention coordonnés par l'ONU l'an passé. Le montant de 15 milliards de dollars dont je viens de parler représente l'essentiel de l'aide humanitaire mondiale. Outre les programmes coordonnés par l'ONU, il y a les programmes de la Croix-Rouge et beaucoup d'activités des ONG qui ne sont pas financés par l'ONU. Beaucoup d'activités des ONG sont financées par l'ONU, mais il y en a aussi beaucoup qui ne le sont pas. Quand vous additionnez toutes ces choses, le montant total de l'aide humanitaire fournie dans le monde l'année passée s'est élevé à environ 23 milliards de dollars.
Ce sont environ les deux tiers des fonds qui viennent de l'ONU, et un tiers qui vient d'autres sources. Pour l'ONU, les fonds proviennent presque exclusivement des États membres de l'ONU. Pour les autres, c'est une combinaison de sources. Les États membres contribuent aux ONG et à la Croix-Rouge. Des particuliers de partout dans le monde, des familles de partout dans le monde, des organisations philanthropiques et, dans une certaine mesure, des organismes du secteur privé contribuent également. Cependant, la plus grande partie provient des États membres, des gouvernements et des contribuables.
Merci.
Parlant du secteur privé, j'ai rencontré différents groupes, des professionnels, des militants, toutes sortes de monde. On essaie depuis toujours d'aller chercher une plus grande contribution du secteur privé et de trouver des mécanismes à cette fin, de manière à pouvoir offrir le soutien nécessaire pour répondre à la demande à laquelle nous faisons face et à laquelle le monde fait face. Pouvez-vous nous parler de votre expérience concernant vos démarches auprès du secteur privé ou votre travail avec le secteur privé? Comment pouvons-nous amener le secteur privé à mieux se mobiliser afin de faire des contributions financières efficaces pour que la situation progresse?
Je vais vous dire deux choses à ce sujet.
Premièrement, les organisations du secteur privé jouent un rôle très important dans l'acheminement de l'aide et contribuent à la logistique, à la chaîne d'approvisionnement et aux acquisitions. Pour l'acheminement d'une grande partie de ce qui se rend jusqu'aux personnes vivant directement ces crises, on mise sur les voies empruntées par le secteur privé.
Deuxièmement, permettez-moi aussi de vous dire, cependant, que je pense qu'il serait possible d'étendre le rôle du secteur privé concernant le financement de l'action humanitaire. Je vois essentiellement trois nouvelles occasions importantes, même si je maintiens que la plus grande partie de l'activité nécessaire doit continuer d'avoir un fondement philanthropique basé sur les subventions et le bénévolat. Mais, effectivement, je vois trois nouvelles occasions importantes.
La première, c'est que nous avons davantage de crises qui sont assurables. Pensez aux ouragans qui ont frappé les Caraïbes en septembre 2017. Avec l'aide de pays donateurs, certaines de ces îles avaient souscrit des polices d'assurance, et pour certaines de ces polices, les demandes ont été réglées en quelques jours. Dans certains cas, peut-être 10 %, l'assurance est un véhicule. L'assurance fonctionne bien quand l'événement risque peu de se produire, mais que l'événement, quand il se produit, est très coûteux. Dans les cas d'ouragans, pour une île, les risques sont faibles, mais la réalisation des risques est très coûteuse. C'est la première chose.
La deuxième chose est liée au travail que nous accomplissons en particulier avec la Banque mondiale. Il faudrait faire en sorte que le système de financement du travail humanitaire ne soit plus essentiellement réactif — en ce sens que nous regardons la crise prendre forme, que nous voyons des gens dans le besoin, puis que des gens comme moi vont faire le tour du monde pour demander de l'argent, après quoi nous réagissons, ce qui prend du temps. Nous voulons passer à une position préalablement établie qui mise sur des ententes conclues à l'avance, dont le déclenchement est automatique et instantané lorsqu'une catastrophe se produit.
La banque mondiale possède divers produits pour le financement d'urgence. Les fonds peuvent être versés automatiquement lorsqu'une catastrophe se produit, et il n'est pas nécessaire de lancer le processus visant à mobiliser le soutien à l'avance. Bien sûr, la Banque mondiale compte sur l'achat de ses obligations ainsi que sur les pays donateurs. Si la banque offre davantage de produits de financement d'urgence que dans le passé, cela crée une source additionnelle de fonds.
La troisième chose pour laquelle je pense qu'il y a des occasions, c'est du côté de l'investissement d'impact. Dans bien des domaines de politique publique en ce moment, l'investissement d'impact fait intervenir des investisseurs du secteur privé qui sont prêts à investir dans quelque chose qui a au moins un petit rendement, à condition qu'il y ait un impact social. C'est un domaine d'activité croissant en politique publique à l'échelle internationale. L'action humanitaire offre aussi des possibilités pour cela. Par exemple, le comité international de la Croix-Rouge a émis une obligation pour amasser des ressources qui leur permettraient d'accélérer le travail et de le faire progresser afin d'aider les personnes handicapées qui vivent une crise.
Je pense que l'investissement d'impact a un rôle important à jouer, mais il est important de ne pas prétendre que tout ce que nous faisons peut être financé de cette façon. Au bout du compte, la plupart des problèmes auxquels nous faisons face touchent des personnes qui n'ont absolument rien et qui ont besoin d'une aide fondée sur le bénévolat.
Quoi qu'il en soit, dans ces trois domaines, nous pouvons étendre notre collaboration avec le secteur privé en matière financière.
J'aimerais remercier le témoin d'être ici aujourd'hui et j'aimerais aussi le remercier de ses propos sur l'engagement du Canada à l'égard des femmes et des filles dans le cadre de la Politique d'aide internationale féministe. C'est précisément le sujet de ma question.
J'ai remarqué que vous aviez reconnu que l'ONU devait améliorer ses programmes d'intervention d'urgence et d'aide humanitaire en ce qui a trait aux femmes et aux filles. J'aimerais approfondir ce sujet, car nous savons que les femmes sont plus touchées, et ce, de façon disproportionnée. Vous avez mentionné la violence sexuelle et la santé génésique. Les conflits et les situations d'urgence touchent les femmes de très nombreuses façons, mais notre politique d'aide internationale ne vise pas seulement les femmes à titre de bénéficiaires. En effet, on parle également des femmes dans la conception et la mise en oeuvre des programmes. Dans le cas de choses comme l'approvisionnement, comme vous l'avez mentionné, faisons-nous appel à des entreprises appartenant à des femmes et à des entreprises locales?
Tenons-nous compte d'éléments comme le moment auquel la nourriture est distribuée? Par exemple, la nourriture est parfois livrée et distribuée à 7 heures. Si les gens doivent marcher pendant deux heures pour se rendre à l'endroit où la nourriture est distribuée, ils doivent partir au milieu de la nuit, dans le noir, ce qui est beaucoup moins sécuritaire. L'emplacement des toilettes dans les camps de réfugiés... Encore une fois, si elles sont très éloignées et isolées, elles sont moins sécuritaires. Lorsque les femmes participent à la conception d'un programme, cela permet de faire un meilleur travail.
L'autre question concerne... Dans de nombreuses situations d'urgence, la prestation de services se fait de façon informelle, et en grande partie par des femmes. Qu'il s'agisse de soins médicaux ou d'enseignement dans des classes informelles, toutes ces choses se produisent sur le terrain, mais souvent, les organismes d'aide arrivent et organisent des initiatives distinctes sans utiliser les ressources déjà présentes. En général, les femmes déjà sur place pourraient fournir des renseignements utiles si on leur demandait. Pourrions-nous profiter de cela et officialiser ces processus, plutôt que d'arriver et de repartir sans avoir créé cette capacité interne?
Je sais que c'est une question très vaste, mais elle est au coeur de... Nous ne parlons pas d'appuyer les femmes et les filles à titre de victimes, mais d'autonomiser les femmes et les filles, afin qu'elles participent à la solution.
Je suis tout à fait d'accord avec tout ce que vous avez dit et demain, je donnerai une allocution dans laquelle je fournirai une réponse de 20 à 25 minutes à votre question. Mais aujourd'hui, je vous donnerai la version de 60 secondes.
Je crois qu'il y a quatre volets dans lesquels nous devons renforcer la façon dont les organismes humanitaires traitent ces enjeux.
Tout d'abord, nous devons protéger les femmes en période de crise, car elles sont assujetties à des niveaux de violence épouvantables. Nous pouvons faire certaines choses à cet égard si nous modifions notre comportement.
Deuxièmement, nous devons fournir des services qui sont trop souvent oubliés, mais essentiels pour les femmes, surtout dans le domaine de la santé génésique. Mais aussi, de façon plus tragique, il faut aider les femmes à se remettre d'atroces expériences de brutalité et de violence.
Troisièmement, nous devons absolument autonomiser les femmes et leur donner la chance non seulement de survivre, mais aussi de prospérer, de s'instruire et de gagner leur vie. Ce sont des volets essentiels.
Quatrièmement, les femmes doivent occuper un plus grand nombre de postes de direction dans notre système. C'est l'une des choses sur lesquelles je me suis concentré dans mon bureau. En effet, au cours des 15 derniers mois, la proportion de femmes qui occupent des postes de niveau supérieur a beaucoup augmenté dans mon bureau — comme elle l'a fait dans l'ensemble des Nations unies, en passant. Mon patron, Antonio Guterres, affirme que pour la première fois dans l'histoire des Nations unies, la moitié des postes les plus élevés sont occupés par des femmes. À mon avis, cela a toutes sortes de répercussions sur notre système, ainsi que sur la façon dont les gens pensent et agissent. Je crois que c'est l'une des choses les plus efficaces que nous devons faire.
C'était donc un résumé de ces quatre volets.
Merci. J'ai hâte d'entendre les commentaires que vous ferez demain sur ce sujet.
À une certaine époque, les conflits opposaient deux États-nations ou deux groupes très organisés. On pouvait demander une interruption des hostilités pour apporter de l'aide et ensuite repartir avant que les hostilités reprennent. Toutefois, de nos jours, la plupart des conflits ne se déroulent pas comme cela. En effet, il est très difficile de savoir à quelle partie s'adresser lorsque plusieurs groupes armés participent au même conflit. J'ai remarqué que vous aviez déjà dit à quelques reprises qu'il fallait dialoguer davantage avec ces groupes militaires armés.
Contrairement à l'époque où il suffisait de conduire un camion blanc décoré d'une grosse croix rouge pour que les gens vous laissent passer, malheureusement, on cible maintenant de plus en plus les travailleurs humanitaires. Notre document d'information nous apprend que 660 travailleurs humanitaires ont été tués. Cela pourrait être l'un des effets les plus dissuasifs lorsqu'il s'agit de fournir de l'aide sur le terrain. De plus, dans le cadre de certaines de nos études sur le Soudan du Sud et sur la RDC, nous avons appris qu'on pouvait peut-être régler ce problème en partie en faisant appel aux groupes qui sont déjà sur le terrain pour distribuer une partie de l'aide humanitaire.
Dans un monde où l'on cible les travailleurs humanitaires, comment peut-on veiller à ce que l'aide soit distribuée aux gens qui en ont besoin tout en protégeant les gens qui tentent de faire ce travail?
Les conflits représentent la principale cause de souffrance humaine dans le monde. S'il est si difficile d'aider les gens, c'est surtout en raison du comportement des hommes armés de fusils et de bombes en temps de conflit.
Comme vous le dites, les conflits durent plus longtemps qu'autrefois. Il ne s'agit pas seulement de groupes étatiques, car il y a aussi de nombreux groupes non étatiques. En effets, le nombre de groupe différents impliqués a monté en flèche dans de nombreux conflits, ce qui rend la situation plus difficile à gérer. Nous avons également observé une baisse marquée du respect des lois de la guerre — par exemple le recours à un état de siège et à la famine ou le recours délibéré et systématique au viol ou à d'autres atrocités comme tactiques guerrières.
Trop souvent, les travailleurs humanitaires se retrouvent au milieu de ce problème. Avec le journalisme, je crois que l'aide humanitaire est l'un des métiers les plus dangereux dans le monde en ce moment. Parfois, dans le cas des groupes armés non étatiques, des travailleurs humanitaires se retrouvent accidentellement pris dans ce qui est essentiellement une entreprise criminelle. Cependant, en d'autres occasions, je crains qu'on emploie la tactique consistant à cibler délibérément le système d'aide humanitaire. Nous avons la responsabilité d'assurer la sécurité de toutes les personnes qui travaillent pour nous, mais nous avons aussi la responsabilité d'aider le plus de gens possible.
L'approche la plus importante que nous puissions adopter consiste à tenter de gagner la confiance des parties de tous les côtés, et de tenter de les persuader que c'est dans leur intérêt de laisser l'aide humanitaire se rendre aux gens ordinaires. C'est la chose la plus importante que nous devons faire, mais dans certaines circonstances, cela ne fonctionne pas, et nous devons trouver d'autres façons de procéder. Nous devons prendre certains risques tout en veillant à maintenir un équilibre à cet égard. Ces enjeux se retrouvent certainement sur mon bureau tous les jours.
En effet, chaque jour, je dois décider si je dois permettre à une mission de se rendre dans une certaine zone active dans un pays donné, et nous réfléchissons beaucoup à cela. Nous faisons de notre mieux pour protéger notre personnel, et la plupart d'entre eux sont des résidants des pays dans lesquels nous travaillons, mais aussi, à l'échelle internationale...
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec ma collègue. Je vais donc être brève.
J'aimerais parler notamment du Venezuela. Effectivement, il y a beaucoup de gens qui sont préoccupés par la politisation de l'aide. Il y a des accusations selon lesquelles l'aide des Nations unies a été détournée par M. Maduro et son entourage. On dit aussi que le niveau d'aide n'est pas assez élevé. Vous avez mentionné dans votre présentation qu'on avait besoin de plus d'occasions d'aider.
Alors, je me demandais comment nous pouvons contourner ces problèmes et quelles sont les possibilités d'aide envisagées.
[Traduction]
Je vais essayer d'être bref, monsieur le président. Je comprends la question.
Premièrement, comme je l'ai dit au début, nous demandons à toutes les parties de séparer les besoins humanitaires de leurs querelles politiques. Nous tentons de rassurer tout le monde à propos du fait que les organismes d'aide respectent un ensemble de principes, notamment les besoins — les besoins les plus criants — l'indépendance, la neutralité et l'impartialité. C'est ce que nous avons l'habitude de faire dans de nombreuses situations très difficiles, comme lors de conflits violents, comme celui en Syrie ou au Yémen; autrement dit, dans des situations beaucoup plus difficiles que celle qui prévaut en ce moment au Venezuela.
Je n'ai pas eu vent d'accusations fondées sur des preuves selon lesquelles de l'aide humanitaire de l'ONU aurait été détournée. S'il y avait de telles allégations, j'étudierais cela très attentivement, mais je n'en ai pas entendu jusqu'à maintenant en ce qui concerne le Venezuela.
Il y a des organismes des Nations unies sur le terrain qui fournissent de plus en plus d'aide. Je vais vous donner des exemples. À la fin de l'année dernière, il y a eu une importante épidémie de rougeole au Venezuela. La rougeole fait des victimes chez les jeunes enfants, particulièrement ceux qui souffrent de famine. Grâce à des organismes de l'ONU, nous avons été en mesure de mettre en place un programme d'immunisation à plus grande échelle, ce qui a fait diminuer le nombre de cas de rougeole. Nous avons été en mesure de fournir des médicaments d'importance vitale à un certain nombre d'hôpitaux et de cliniques du pays, mais je dois dire qu'il est vrai que nous n'avons pas beaucoup d'argent pour faire face aux problèmes importants auxquels nous sommes confrontés.
L'ONU peut intervenir, mais uniquement dans la mesure où elle obtient le consentement et la collaboration du gouvernement — des responsables, de ceux qui contrôlent le pays — et puisque nous sommes financés par des contributions volontaires, nous pouvons également intervenir uniquement si des gens sont disposés à nous donner de l'argent. Voilà le cadre dans lequel nous fonctionnons.
Sentez-vous que maintenant que vous êtes bien accueillis...? Est-ce que les Nations unies pourraient en faire davantage si elles disposaient de plus de ressources?
Nous serions certes en mesure d'en faire davantage si nous avions plus de ressources. C'est tout à fait ce que nous croyons.
Nous avons toutefois une capacité considérable sur le terrain. Mon bureau, par exemple, a été en mesure d'envoyer davantage de personnes pour évaluer les besoins, comprendre les priorités et coordonner les activités de tous les organismes d'aide. Si nous avions davantage de ressources, nous croyons que nous serions en mesure de diminuer la souffrance d'un bien plus grand nombre de personnes.
Merci. Je dispose de quelques minutes.
Je vous remercie beaucoup. Je suis ravie que vous soyez ici et j'ai hâte de vous entendre demain. Je viens de rencontrer des représentants d'associations de la société civile pour discuter précisément de cette priorité éventuelle pour le Canada, que vous avez mentionné, alors, je sais qu'ils seront très satisfaits du cadre que vous avez présenté. Ils demandent 650 millions de dollars au Canada pour soutenir cela.
Il y a un certain temps, le Haut-Commissariat de Grande-Bretagne a fait venir un général de l'armée, qui a été précisément chargé de s'occuper d'enjeux en matière de sécurité liés au climat. Ma question, monsieur, est la suivante: Avez-vous commencé à prendre en compte les répercussions des changements climatiques sur les besoins sans cesse grandissants d'aide humanitaire?
Oui, il le faut. C'est en raison de ce que nous observons sur le terrain. Je peux vous donner deux exemples.
En 2017, nous avons essayé d'éviter ce qui aurait pu être une très importante famine en Somalie. La sécheresse en était la principale cause. La Somalie est un pays qui subit des sécheresses de façon récurrente. Je suis intervenu lors de la famine de 1992 et de celle de 2011. Je ne voulais pas avoir à intervenir durant une famine en 2017 en Somalie. Heureusement, nous avons réussi à éviter le pire, et de très nombreuses vies ont été sauvées. Il suffit de s'entretenir avec les gens de ces pays et d'écouter ce qu'ils ont à dire à propos de la façon dont le climat change; il est clair à leurs yeux qu'il change effectivement. Nous devons faire face à cela.
L'autre exemple concerne le lac Tchad. Ce lac partagé par le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad était jadis une importante ressource en eau. Au cours des dernières décennies, cette ressource s'est tarie. Ce lac constituait le moyen de subsistance de très nombreuses personnes. Ce moyen de subsistance n'existe plus maintenant, et en plus la population a augmenté considérablement. Cette situation a contribué grandement à accroître la pauvreté et la misère dans la région. C'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe terroriste Boko Haram a été en mesure de gagner du terrain.
Dans beaucoup d'endroits où nous intervenons, nous observons les répercussions de ce qu'on peut difficilement nier, c'est-à-dire les changements climatiques.
Je vous remercie beaucoup.
Le temps est écoulé. Je sais que les minutes passent vite.
La parole est maintenant à M. Saini.
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, monsieur. Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais parler d'un autre sujet, un sujet auquel on ne pense pas parfois lorsqu'il est question d'aide humanitaire. Vous avez donné l'exemple de la Syrie. J'aimerais souligner un point, qui montre bien qu'il y a une division au sein de la communauté internationale.
Lorsque le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en décembre 2018, la Chine et la Russie ont décidé de s'abstenir de voter relativement à la prestation d'aide humanitaire en Syrie, alors que 13 autres pays se sont prononcés en faveur de cela, en votant pour une résolution adoptée par la Suède et le Koweit. À ce moment-là, l'ambassadeur russe a affirmé que cette résolution était déconnectée de la réalité. L'ambassadeur chinois a déclaré quant à lui que l'aide humanitaire internationale devrait être fournie en respectant scrupuleusement les principes de la neutralité, de l'impartialité et de la non-politisation. Le conseiller britannique a pour sa part affirmé que l'aide humanitaire était maintenant utilisée comme une arme de guerre. Nous observons cela non seulement en Syrie, mais aussi dans d'autres pays.
Dans quelle mesure est-il difficile pour vous d'intervenir dans des contextes géopolitiques que vous ne contrôlez pas et qui sont parfois occultés? Est-ce que cela a constitué un obstacle pour vous? Vous avez mentionné la Syrie, alors c'est pourquoi je vous parle de ce pays.
Eh bien, de toute évidence, cela fait partie de notre réalité. Ce n'est pas, soit dit en passant, complètement nouveau. Dans l'histoire des Nations unies, il y a eu assez souvent des périodes durant lesquelles ce genre de tensions étaient évidentes et durant lesquelles le Conseil de sécurité a éprouvé de la difficulté à obtenir un consensus sur la voie à suivre. C'est évidemment ce qui se passe en ce moment. Pour certaines situations, il y a un très grand consensus au sein du Conseil de sécurité, par exemple, en ce qui concerne la situation actuelle au Yémen. Pour d'autres situations, le consensus est moins grand.
En ce qui concerne la résolution qui a fait l'objet d'un débat en décembre, qui vise à donner le mandat aux organismes d'aide humanitaire de fournir de l'aide, surtout aux trois millions de civils de la ville d'Idlib, dont j'ai parlé tout à l'heure, le Conseil de sécurité, comme en 2017, a fini par reconnaître que cette aide devait être fournie. Comme vous l'avez dit, 13 pays ont voté en faveur de la résolution, et le plus important, c'est qu'aucun droit de veto n'a été exercé.
Au bout du compte, cela a été autorisé. Des questions ont toutefois été soulevées. Des questions légitimes ont été soulevées: Comment pouvons-nous être certains que l'aide parviendra effectivement aux personnes qui en ont besoin, étant donné, comme on le sait très bien, que cette partie du pays compte de nombreux membres d'organisations terroristes? Eh bien, je peux répondre que nous pouvons en être certains parce que nous avons un système très perfectionné de surveillance, assorti de nombreux mécanismes de vérification et d'ententes avec des tierces parties, qui nous permet d'avoir cette assurance. Nous avons besoin d'avoir cette assurance non seulement pour rassurer les personnes qui soulèvent le même genre de préoccupations que la Russie, mais aussi pour rassurer les personnes qui financent ces activités.
Vous avez décrit la réalité que vit le système humanitaire que je coordonne. Je pourrais souhaiter qu'elle soit différente, mais chaque jour, je constate qu'elle est la même, alors nous devons essayer de trouver la voie à suivre dans ces circonstances.
J'ai une deuxième question, car il semble qu'il y ait deux discours opposés en ce moment à propos des situations géopolitiques.
Je vais me concentrer sur le Moyen-Orient parce que je pense que l'initiative de la ceinture et de la route est d'une importance primordiale pour la Chine. On observe l'autosuffisance des États-Unis, qui dépendent dans une moindre mesure du pétrole du Moyen-Orient, et on constate que la Chine et la Russie ont saisi l'occasion.
Puisque la réalité sur le terrain évolue, trouvez-vous qu'il est plus facile ou plus difficile d'acheminer de l'aide ou bien qu'il n'y a pas eu de changement? Vous vous adaptez à la réalité sur le terrain, qui est bien différente de ce qu'elle était il y a 5 ou 10 ans. Quelle est l'incidence sur votre travail?
Une partie de votre question n'est pas tout à fait liée à mes responsabilités. Si vous me le permettez, je vais répondre en fonction de mes responsabilités.
Comme je l'ai dit plus tôt, les conflits sont la principale raison de la souffrance humaine. Il existe toutes sortes de conflits, mais un conflit constitue toujours le principal problème. Il est difficile d'acheminer l'aide aux gens en raison de la façon dont les hommes se comportent lors d'un conflit, car ce sont des hommes, soit dit en passant, qui utilisent des armes et des bombes.
Ce que nous souhaitons notamment, particulièrement en cette année qui marque le 70e anniversaire des Conventions de Genève, c'est qu'on s'efforce davantage d'améliorer la façon dont les gens doivent se comporter lorsqu'ils se querellent, en particulier pour minimiser la mesure dans laquelle des organismes humanitaires se retrouvent pris dans des situations.
La Chine et la Russie ont également un rôle à jouer et elles jouent un rôle dans la prestation de l'aide humanitaire. Tout le monde affirme être en faveur du respect du droit humanitaire international. C'est ce que j'entends toujours dire chaque fois que je donne une séance d'information à l'intention du Conseil de sécurité — ce que je fais très fréquemment — sur un problème ou un autre. C'est ce qu'affirment les 15 pays qui siègent au Conseil.
La question n'est pas de savoir s'il y a un débat à propos de ce qui devrait se passer, mais plutôt de déterminer comment amener davantage de gens à faire ce qu'ils devraient faire.
D'accord, merci.
Merci beaucoup de votre présence, monsieur Lowcock.
Tantôt, vous avez dit que le Canada était un leader mondial en raison de tout ce qu'il faisait. Le Canada serait le cinquième donateur en argent pour aider à assurer la sécurité mondiale. J'aimerais vous entendre à cet égard.
Comment pourrions-nous convaincre les autres pays? Vous disiez tantôt qu'il manquait de fonds pour les services qui devraient être rendus à ceux en situation de conflits. Quelles suggestions auriez-vous à ce sujet?
[Traduction]
Permettez-moi de dire, tout d'abord, que j'estime que bien des pays donateurs sont en mesure de fournir davantage d'aide. Je crois que le Canada, en fait, comme d'autres pays, est en mesure d'en faire un peu plus qu'à l'heure actuelle. Comme certains d'entre vous le savent, les Nations unies ont établi, à la suite du travail effectué par un grand Canadien, Lester Pearson, que les pays dans le monde consacreraient 0,7 % de leur revenu national à l'aide internationale. Je crois qu'il serait très bien qu'un plus grand nombre de pays respectent cela. Le Canada, néanmoins, a un rôle important à jouer, et bien d'autres pays ont également un rôle important à jouer.
En ce qui a trait aux arguments que j'ai présentés, sur lesquels porte votre question, je peux dire qu'il y a deux arguments généraux. Premièrement, il y a une responsabilité morale. À vrai dire, les personnes dont j'entends les histoires — à Cox's Bazar, où ont fui les réfugiés Rohingyas, au Yémen, à Homs, en Syrie, ou dans l'est de la République démocratique du Congo — sont comme vous et moi, à l'exception que nous avons eu davantage de chance à la loterie de la vie. Le fait que nous soyons tous des êtres humains fait en sorte que tous les pays membres des Nations unies ont le devoir impératif de fournir de l'aide, ce qui, à mon avis, constitue un argument suffisant en faveur de la générosité.
Le deuxième argument — et vous savez probablement que j'ai passé une bonne partie de ma carrière à travailler dans le domaine de la sécurité nationale — est qu'il est beaucoup plus logique pour des pays riches qui craignent que certains problèmes se répandent d'un pays à un autre d'essayer de régler ces problèmes là où ils commencent, car on sait que le monde est petit. Il en coûte moins cher, soit dit en passant, de faire cela que de laisser les choses déraper et se retrouver avec un trop grand nombre de problèmes qui traversent les frontières. Je crois qu'il y a l'argument de la realpolitik et celui de la responsabilité morale.
[Français]
Merci.
Vous avez mentionné tantôt que vous receviez un rapport quotidien sur ce qui se passait dans le monde. On ne vous a pas entendu parler d'Haïti. Je viens de la région de Montréal, où il y a une population de plus de 120 000 Haïtiens. Au Québec, nous sommes très préoccupés par ce qui se passe. Nous avons en main des notes de breffage du 12 février, mais, depuis, la situation en Haïti s'est dégradée.
J'aimerais savoir comment on pourrait, à tout le moins, s'assurer que l'aide se rend en Haïti, parce que c'est cela, le défi.
[Traduction]
Je suis allé en Haïti en juillet pour voir le travail qu'effectuent les organismes humanitaires. Il y a quelques mois, après le dernier typhon en Haïti, j'ai octroyé des fonds provenant du Fonds central d'intervention d'urgence, qui est un fonds que je gère où sont versés 550 millions de dollars par année et auquel contribue le Canada, afin de répondre aux besoins immédiats.
De toute évidence, Haïti est un pays extrêmement vulnérable aux catastrophes naturelles. Nous l'avons constaté lors du tremblement de terre et de certaines tempêtes et typhons. La raison pour laquelle Haïti est particulièrement vulnérable ne tient pas seulement à sa situation géographique favorable à des phénomènes météorologiques; c'est également un pays extrêmement pauvre. Les pays pauvres ne sont pas assez résilients pour affronter des catastrophes lorsqu'elles surviennent.
En plus d'essayer d'offrir de l'aide à Haïti lors d'une catastrophe, je pense qu'il est judicieux d'essayer également d'aider ce pays à se développer pour qu'il devienne plus résilient, surtout qu'il faut reconnaître que les tempêtes violentes risquent d'être plus fréquentes et plus intenses. Essayer de développer le pays pour le rendre plus résilient serait sans doute l'une des choses à faire en Haïti.
Merci.
Je crois que ces questions seront les dernières.
Monsieur Genuis, je crois que vous allez partager votre temps avec M. Sweet.
Merci. Je serai aussi bref que possible.
Monsieur Lowcock, je vous remercie pour votre présence.
Vous avez dit tout à l'heure que vous n'avez pas entendu d'allégations selon lesquelles l'aide des Nations unies aurait été détournée. J'ai lu un article — et peut-être que vous l'avez lu dans le numéro du 20 septembre 2018 de la revue Foreign Affairs — dont le titre provocateur était « How UN Humanitarian Aid Has Propped Up Assad ». Essentiellement, l'auteur se dit préoccupé, tout comme moi, de la mesure dans laquelle les Nations unies s'en remettent à l'État où l'aide est acheminée. Votre mandat stipule que l'aide humanitaire devrait être fournie avec le consentement du pays touché... et que l'État touché joue un rôle de premier plan dans le déclenchement, l'organisation, la coordination et la prestation de l'aide humanitaire.
Pouvez-vous nous parler de cette coopération avec le régime Assad dans le contexte de la prestation de l'aide humanitaire en Syrie?
Merci.
L'exemple que j'ai donné concernait le Venezuela, et je le répète, je n'ai entendu parler d'aucune allégation selon laquelle l'aide aurait été détournée au Venezuela. Bien entendu, il n'est pas rare du tout d'être confronté à des problèmes comme celui de groupes terroristes qui tentent de s'approprier l'aide ou de gouvernements qui détournent cette aide. C'est ce qui peut se produire dans de nombreux pays où nous intervenons.
D'abord, les Nations unies interviennent en respectant certains principes — les principes de la nécessité, de l'indépendance, de l'impartialité et de la neutralité. Ce que j'ai dit notamment au gouvernement syrien, qui a fait observer à juste titre que les besoins humanitaires sont plus grands que les ressources dont nous disposons, tout comme le nombre de personnes qui vivent de grandes souffrances, c'est que, s'il nous permet davantage d'évaluer les besoins et d'accroître la surveillance, nous serons peut-être en mesure de persuader des pays de nous accorder plus de ressources. Nous avons des centaines de travailleurs sur le terrain en Syrie. Nous nous sommes dotés de systèmes très rigoureux de surveillance et d'évaluation. Nous fournissons tous les renseignements que nous pouvons obtenir au sujet des endroits où l'aide est parvenue, et...
Je vous remercie. Je suis désolé. J'ai promis de partager mon temps de parole avec M. Sweet, et je tiens à respecter cette promesse.
Allez-y, David.
Monsieur Lawcock, je vous remercie beaucoup pour votre témoignage aujourd'hui et, de façon plus importante encore, je vous remercie pour votre bon travail.
J'ai deux questions à vous poser. L'une de ces questions concerne probablement votre rôle à titre de secrétaire général adjoint, et l'autre question concerne votre rôle à titre de secrétaire permanent au Royaume-Uni. Je serai aussi bref que possible.
Vous avez mentionné que, lorsque les situations dérapent, cela coûte très cher, et je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec vous. On se rend compte que, souvent, la souveraineté signifie que nos mains sont liées. Le principe de la responsabilité de protéger existe depuis longtemps. C'est toutefois demeuré un concept. Certains pays ont fait un premier pas, mais les autres pas, qui sont plus ambitieux, n'ont pas été faits, à ma connaissance. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il y a des discussions aux Nations unies à ce sujet et comment faire en sorte que cela se réalise?
Ma deuxième question est la suivante. Un de nos anciens premiers ministres, Brian Mulroney, a réussi à utiliser assez efficacement le Commonwealth pour contribuer à mettre fin à l'apartheid en Afrique du Sud. En ce qui concerne les Rohingyas, étant donné que le Bangladesh fait partie du Commonwealth, je pense que le Commonwealth a un rôle à jouer sur le plan de la sécurité, afin de permettre à l'aide d'être acheminée. J'aimerais obtenir vos commentaires à ce sujet.
Pour répondre à votre première question, je dirais que, dans les années 1990, c'était les beaux jours de la responsabilité de protéger. La situation a certes changé depuis. Il pourrait y avoir un revirement uniquement si les États membres des Nations unies décident collectivement qu'ils souhaitent changer. Nous continuerons de faire valoir aux États membres les raisons pour lesquelles c'est dans leur intérêt, particulièrement les pays membres du Conseil de sécurité et ceux qui souhaitent y obtenir un siège.
En ce qui concerne la deuxième question, en tant que représentant de l'ONU, je dois probablement faire attention à ma façon de répondre. Je crois effectivement que de nombreux pays ont un rôle important à jouer, en contribuant plus généreusement à l'aide destinée au Bangladesh, qui est aux prises avec un million de réfugiés qui ont fui la brutalité et qui ont trouvé refuge dans ce pays. Le Bangladesh a été exceptionnellement généreux. Je crois que vous avez soulevé un excellent point à propos du Commonwealth. Il y a des réseaux de discussion, des réseaux d'amitié. Il y a aussi des diasporas. Je crois qu'il y a tout lieu de faire valoir que le Commonwealth doit être généreux envers le Bangladesh, sur lequel pèse cet énorme fardeau.
Je vous remercie beaucoup.
Notre temps est écoulé, et je tiens à vous remercier pour votre présence et pour l'information que vous nous avez transmise. Je sais que je vais chercher à obtenir le discours que vous allez prononcer demain, alors peut-être que votre bureau pourrait nous le transmettre, pour que nous puissions le distribuer aux membres du Comité. Je suis certain qu'il suscitera beaucoup d'intérêt.
La séance est levée.
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