[Français]
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
C'est avec plaisir que je m'adresse à votre comité au nom d'Affaires mondiales Canada. Je suis accompagnée de Sylvia Cesaratto, directrice de l'Amérique du Sud, et de Mylène Paradis, directrice adjointe de l'Amérique centrale. Sylvia s'occupe de la Colombie et Mylène du Guatemala.
Mon objectif aujourd'hui est de vous présenter un aperçu de la situation par rapport à notre contribution au développement au Guatemala et en Colombie. Ce sont deux pays que vous visiterez en août et en septembre et où le Canada apporte une aide depuis plus de 40 ans.
Je commencerai avec le Guatemala, un pays qui a traversé un processus de paix il y a environ 20 ans pour mettre fin à un conflit armé qui a duré 36 ans. Par la suite je parlerai de la Colombie, qui semble être sur la voie de conclure son propre processus de paix et de mettre ainsi fin au dernier conflit armé dans les Amériques.
Le Guatemala est le plus grand pays d'Amérique centrale en ce qui a trait à la population et à l'économie et est un important partenaire du Canada pour la promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région. Le traumatisme du conflit armé interne du Guatemala a eu, et continue d'avoir aujourd'hui, une grande incidence sur toutes les sphères de la société guatémaltèque qui doit traiter avec une culture de violence, d'impunité et de discrimination profondément ancrée. Bien que le Guatemala soit la plus grande économie de l'Amérique centrale, près de 60 % de sa population vit dans la pauvreté et près d'un quart dans l'extrême pauvreté. De plus, de grandes inégalités sociales et économiques persistent.
Le Guatemala a également la plus grande population autochtone d'Amérique centrale, représentant plus de 40 % de la population du pays et certaines des communautés les plus vulnérables du pays.
Le Guatemala a enregistré initialement des progrès dans la lutte contre la corruption et l'impunité. Cependant, comme nous approchons du 20e anniversaire des accords de paix, il demeure évident que beaucoup de chemin reste encore à parcourir dans plusieurs domaines, particulièrement en ce qui a trait aux inégalités sociales et économiques qui sont, pour ainsi dire, parmi les causes fondamentales du conflit.
Le Guatemala est toujours considéré comme l'un des pays les plus dangereux du monde pour les femmes. Il se classe au troisième rang mondial pour les féminicides. Selon les statistiques, ils atteignent un taux de 9,7 par 100 000 personnes. Notre ambassade rapporte que, depuis 2012, près de 3 000 femmes ont été assassinées alors que seulement 381 décisions judiciaires ont été rendues.
Pendant le conflit, des atrocités ont été commises contre les femmes, incluant la torture, l'esclavage, les disparitions forcées et le recours au viol comme arme de guerre. Cependant, le processus de justice transitoire a à peine commencé. Le premier procès criminel spécifiquement en lien avec les violences sexuelles a seulement commencé à être entendu récemment et a donné lieu à des condamnations exemplaires. Ce cas a aidé à sensibiliser la population quant à la violation systématique des droits de la personne des femmes autochtones. Le verdict était une étape importante afin de réduire l'impunité quant à la violence sexuelle et fondée sur le sexe. Cela a aussi attiré l'attention sur les efforts constants des activistes qui luttent pour la justice.
Certains des problèmes les plus tangibles auxquels les femmes et les filles du Guatemala font face sont en lien avec le manque de possibilités en matière d'éducation, un accès inadéquat aux services de santé, l'exclusion économique, l'impossibilité d'avoir une position politique, l'inégalité des salaires, un accès limité à la planification des naissances et la violence. Les fléaux qui affectent la région, l'insécurité, l'impunité, l'insécurité alimentaire et les catastrophes naturelles ont un effet disproportionné sur les populations vulnérables, principalement les femmes. Les femmes du Guatemala font face à des taux de mortalité très élevés liés à la grossesse, la violence et d'autres causes de décès évitables.
[Traduction]
La programmation d'Affaires mondiales Canada au Guatemala tente de relever ces défis. Elle s'efforce de renforcer la démocratie, la gouvernance et la sécurité, tout en protégeant et en aidant les plus vulnérables: les populations autochtones et rurales ainsi que les femmes et les filles. Cette aide est fournie au moyen de différents programmes. Le Guatemala a reçu un financement de plus de 9 millions de dollars en 2014-2015.
Je suis très heureuse que vous ayez la chance de visiter plusieurs projets et d'être témoins des contributions que nous avons faites en traitant plusieurs problèmes auxquels font face aujourd'hui les Guatémaltèques, principalement les femmes. Vous entendrez parler de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala, soit la CICIG, une commission d'enquête indépendante soutenue par les Nations unies, le Canada et d'autres donateurs. L'aide d'Affaires mondiales Canada envers la CICIG a permis de renforcer l'État de droit, d'augmenter la capacité du gouvernement de lancer des enquêtes et des poursuites criminelles et d'améliorer le cadre législatif du pays.
Vous visiterez la ville de Rabinal, théâtre de nombreux abus graves de droits de l'homme pendant le conflit armé, et vous rencontrerez des femmes qui continuent de se battre pour que justice leur soit rendue en lien avec les crimes dont elles ou leur famille ont soufferts, ainsi que l'organisme qui les aide, Avocats sans frontières Canada. La clinique d'aide juridique locale a reçu un appui au renforcement de leurs capacités pour les litiges stratégiques, leur permettant d'assurer une représentation efficace des demandeurs ainsi que les services de soutien et psychologiques aux survivants.
Vous en apprendrez davantage sur la Canadian Tula Foundation, qui travaille à venir en aide au ministère de la Santé et d'autres afin d'améliorer les services de santé pour la population rurale, et ce, avec un concept novateur. Le travail a débuté en 2004 avec un projet appuyé par l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, et le Centre for Nursing Studies à Terre-Neuve. Les autorités guatémaltèques ont été à ce point satisfaites par les résultats qu'elles ont demandé à Tula d'élargir leur travail à plusieurs autres départements du pays. En réponse à cette demande, Affaires mondiales Canada a récemment accordé 7,6 millions de dollars à la fondation.
Vous serez témoins des résultats d'une initiative de coopération en agriculture de longue date qui offre de nouvelles options économiques et qui permet aux Q'eqchi', la population autochtone, de bénéficier des pratiques agricoles durables offrant des produits de qualité aux marchés internes et externes. L'initiative a aussi été étendue afin d'inclure le tourisme communautaire où de nombreuses femmes sont employées. La coopérative, qui mise sur le leadership des femmes dans le processus décisionnel, est maintenant une entreprise générant plusieurs millions de dollars.
Vous rencontrerez aussi des filles qui ont reçu des bourses qui leur ont permis de poursuivre leurs études. Dans les communautés pauvres, les filles sont les premières à quitter l'école, souvent vers l'âge de 12 ans, lorsque l'éducation n'est plus gratuite. Plus elles restent longtemps à l'école, plus leurs perspectives d'avenir sont bonnes en matière de santé et d'emploi et plus elles sont susceptibles de faire respecter leurs droits.
Dans la ville de Guatemala, vous rencontrerez les membres du Congrès et d'autres représentants du gouvernement et pourrez découvrir la stratégie adoptée par le gouvernement à l'égard des enjeux liés aux femmes, à la paix et à la sécurité, y compris l'adoption de mesures législatives et la modification de textes législatifs existants.
Pour terminer, vous visiterez la « Memory House » dans la ville de Guatemala, qui commémore l'histoire du conflit armé. Vous y trouverez des renseignements précieux sur les causes et les répercussions du conflit et les efforts que déploient les organismes guatémaltèques pour veiller à ce que ces événements ne soient jamais oubliés ou ne se reproduisent. Vous rencontrerez des femmes dirigeantes de la société civile et pourrez en savoir davantage sur leurs réalisations dans la lutte pour une société égalitaire et juste ainsi que sur les enjeux encore présents.
[Français]
Je poursuivrai maintenant avec quelques observations concernant le rôle du Canada dans le soutien aux femmes, à la paix et à la sécurité en Colombie.
La Colombie est un pays ambitieux à revenu intermédiaire avec une population dépassant les 44 millions d'habitants et une économie qui enregistre la croissance la plus rapide d'Amérique du Sud.
Ce pays est un partenaire clé du Canada dans les Amériques puisqu'il partage nos valeurs de démocratie, de droits de l'homme, de la protection de l'environnement, de l'intégration économique et de la sécurité internationale. La Colombie cherche aussi à jouer un plus grand rôle dans la région et sur la scène mondiale. La stabilité et la trajectoire de la Colombie sont importantes, en particulier alors que nous assistons à la détérioration de son voisin le Venezuela. Les Colombiens représentent la plus importante communauté de la diaspora hispanique au Canada.
Notre lien commercial avec la Colombie est aussi très important. Nous sommes le premier pays du G7 à avoir signé un accord de libre-échange avec la Colombie, qui est en vigueur depuis 2011. Notre ambassade estime que nous avons à ce jour un investissement cumulé de plus de 10 milliards de dollars en Colombie.
Parallèlement, la Colombie est le théâtre de la dernière guerre dans les Amériques, un conflit armé interne complexe entre le gouvernement, la guérilla et des groupes de criminels armés qui dure depuis plus de 50 ans. Le conflit a fait plus de 220 000 victimes, dont 80 % sont des civils. II a forcé plus de six millions de personnes à quitter leur maison, si bien que la Colombie a longtemps détenu le record mondial du plus grand nombre de personnes déplacées à l'intérieur d'un pays. La Colombie est maintenant deuxième, juste derrière la Syrie. Le pays occupe également le deuxième rang mondial pour ce qui est du nombre de victimes de mines terrestres après l'Afghanistan.
[Traduction]
La répartition des revenus en Colombie est l'une des plus inégales au monde, comparable à celle du Zimbabwe. La relation entre les inégalités et le conflit armé est claire: les tensions sont apparues afin de remettre en question la concentration du pouvoir et de la richesse entre les mains de l'élite.
La bonne nouvelle est que la Colombie est en train de changer. Son gouvernement conclut actuellement des négociations de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, soit le plus gros mouvement de guérilla. Les accords initiaux ont été conclus sur quatre éléments clés: le développement rural, la participation politique, le trafic de drogues et les cultures illicites ainsi que la justice transitionnelle. Nous nous attendons à ce que des accords concernant les deux derniers éléments, un cessez-le-feu et un désarmement, soient conclus prochainement. On s'attend aussi à ce que les négociations officielles s'amorcent sous peu avec le deuxième groupe de guérillas de la Colombie, l'Armée révolutionnaire nationale.
Une mission politique du Conseil de sécurité de l'ONU a été approuvée plus tôt cette année. Il est prévu que la mission soit composée d'observateurs non armés de pays d'Amérique latine responsables de la surveillance et de la vérification du cessez-le-feu bilatéral avec les FARC et le dépôt des armes. Notre a récemment rencontré le président colombien Juan Manuel Santos et a exprimé l'importance qu'attache le Canada aux efforts de consolidation de la paix.
Le conflit a soumis la population civile à des violations généralisées des droits de la personne, comme des assassinats ciblés, des disparitions forcées, des viols et le recrutement d'enfants soldats. Les femmes et les enfants ont été victimes de violence, d'exploitation et d'abus par les acteurs armés. Le taux de grossesse précoce est extrêmement élevé; une Colombienne sur cinq âgée de 15 à 19 ans est ou a été enceinte, et 64 % des grossesses sont non planifiées.
L'appui d'Affaires mondiales Canada totalise près de 40 millions de dollars en 2014-2015 et se concentre sur les droits de l'homme, la protection des enfants, l'éducation, les victimes de conflits, la croissance économique inclusive, le développement économique rural, ainsi que la paix et la sécurité, par exemple la justice, le déminage, la violence sexuelle et fondée sur le sexe. Ce soutien comprend aussi des contributions d'aide humanitaire internationale offertes par des organismes comme le Comité international et la Croix-Rouge.
La réponse du Canada en est une intégrée, précisément parce que les enjeux sont interreliés; le manque de développement dans les zones rurales est à la fois la cause et la conséquence de la faiblesse de l'État de droit et d'une présence limitée du gouvernement. Bien que la Colombie ait certainement une capacité d'État plus forte que beaucoup d'autres pays touchés par des conflits, une présence, une expertise et des ressources internationales sont nécessaires afin de renforcer l'influence de l'État dans les régions anarchiques, les épicentres du conflit depuis des décennies.
Un domaine dans lequel le Canada continue d'avoir une influence considérable est son rôle de chef de file dans la protection et l'éducation des enfants. Nos programmes aident les enfants et les jeunes les plus vulnérables à développer des perspectives de vie et à résister au recrutement des groupes illégaux. Ces programmes sont mis en application par des organismes comme Plan international et Aide à l'enfance et sont situés dans les départements du pays les plus touchés par les conflits.
Nos projets se concentrent sur l'égalité des sexes, encourageant les jeunes femmes à devenir des leaders communautaires et des agents du changement. Notre planification de croissance inclusive, mise en oeuvre par des organismes comme l'Association des coopératives du Canada, Socodevi et Développement international Desjardins, aide à établir des entreprises coopératives rurales et à encourager les femmes en tant que participantes et leaders. Notre programmation en matière de paix et de sécurité et notre appui au Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l'homme et au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ont aidé à rendre justice aux femmes victimes de violence sexuelle et de conflit armé.
Je voudrais aussi souligner le travail de sensibilisation de notre ambassade à Bogota, qui assure la coordination des groupes de donateurs dans les domaines des droits de l'homme et de l'égalité entre les sexes. De concert avec ONU Femmes, notre ambassadeur et le directeur de la coopération dirigent le dialogue entre la communauté internationale et le gouvernement afin d'inclure l'égalité des sexes dans les négociations de paix. Évidemment, notre référence pour ce travail est la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. Le Groupe de l'égalité entre les sexes a déjà réussi à convaincre le gouvernement de créer une sous-commission nationale sur l'égalité des sexes afin de nourrir la réflexion lors des négociations de paix.
Au cours de votre visite en Colombie, vous rencontrerez des interlocuteurs importants, comme les ministres colombiens, la conseillère présidentielle sur l'égalité des sexes et des représentantes d'ONU Femmes, afin d'en apprendre davantage sur les enjeux relatifs aux femmes et à l'égalité des sexes dans les processus de paix.
Nous envisageons de vous faire visiter le département de Meta où vous rencontrerez les autorités locales, des victimes du conflit, des ex-combattants démobilisés, des victimes de mines et des groupes de femmes. Vous aurez l'occasion d'entendre directement quel a été l'effet du conflit sur les femmes et comment elles cherchent à construire une nouvelle ère de paix.
Laissez-moi conclure avec trois messages de nos expériences au Guatemala et en Colombie qui, je l'espère, seront utiles à votre étude. Premièrement, au Guatemala et en Colombie, les inégalités ont généré de violents conflits armés, et vice versa. Deuxièmement, les femmes continuent de souffrir de façon disproportionnée des effets de cette violence, et ce, d'une génération à l'autre. Et troisièmement, les femmes doivent mener la planification et la mise en oeuvre de la paix sur le terrain. Une véritable paix durable est impossible sans le leadership et la participation active des femmes.
Le Canada a fait toute une différence dans les vies des femmes au Guatemala et en Colombie et nous pouvons en faire beaucoup plus pour les aider à entrer dans une nouvelle ère de paix et de prospérité.
Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de cette invitation.
Je tiens d'abord à m'excuser auprès des membres francophones du Comité, car ma présentation sera en anglais puisque mes notes et mes bases de données sont dans cette langue. Je m'en excuse évidemment, mais je serai heureux de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
[Traduction]
La situation des deux pays dont nous discutons aujourd'hui est complètement différente, mais dans les deux cas, ils ont de bonnes raisons de vouloir une participation sélective du Canada.
Je vais commencer avec le Guatemala, l'un des pays les plus pauvres du continent. Compte tenu des inégalités très grandes qui existent dans ce pays, les statistiques moyennes cachent la gravité de la pauvreté dans laquelle vit une grande partie de la population. C'est également le pays des Amériques qui compte la plus grande proportion d'Autochtones, dont la vaste majorité sont parmi les plus pauvres parmi les pauvres. Pour ces raisons seulement, le Guatemala devrait être le candidat idéal pour bénéficier du programme d'aide du Canada. De plus, le pays est aux prises avec des niveaux de violence extrême, de la corruption, un système politique officiellement démocratique mais très discriminatoire dans la pratique, des institutions publiques inefficaces et des politiques publiques volontairement sous-financées. L'ancien président et l'ancien vice-président ont été arrêtés, à la fin de 2015, pour avoir vendu des contrats du gouvernement. De nouvelles arrestations ont eu lieu récemment.
Dans un rapport récent — je pense que c'est très important —, le Fonds monétaire international, un temple d'orthodoxie fiscale, a critiqué le gouvernement guatémaltèque de ne pas dépenser suffisamment d'argent pour l'infrastructure, l'éducation et les services sociaux et de maintenir des taux d'imposition très faibles qui l'empêchent d'intervenir dans ces secteurs. Compte tenu des besoins et de la situation économique relativement stable du pays, le Fonds a encouragé les autorités à augmenter le déficit fiscal. Je travaille dans le secteur des affaires latino-américaines depuis environ 30 ans. C'est la première fois que je lis dans un rapport du FMI que l'on recommande à un pays d'augmenter son déficit. Cela vous donne une idée de ce que j'appelle des dépenses « volontairement » limitées dans les politiques publiques au Guatemala.
L'armée refuse toujours de reconnaître les nombreuses violations des droits de la personnes qui ont été commises dans les années 1980, et qui ont été qualifiées, et avec raison, de génocidaires non seulement par les organisations des droits de la personne mais aussi par la Cour suprême du Guatemala. Le parti du président actuel, Jimmy Morales, a été créé par un groupe de militaires à la retraite. Quelques-uns de ses plus proches conseillers ont participé à la campagne contre les mayas ixiles, ce qui était essentiellement la partie la plus barbare de la campagne militaire contre la population. Environ 70 à 90 % des villages dans la région ont été rasés par l'armée durant cette campagne.
La corruption est monnaie courante dans l'armée et la police, dont certains de leurs membres font partie des grands cartels mexicains dans le transport de la drogue de la Colombie au Mexique, puis aux États-Unis. La gestion du trafic, ce qui contribue à un taux d'homicides élevé — moins élevé que dans le passé, et moins élevé que le taux dans certains pays voisins, mais il s'élève à 32 homicides par 100 000 habitants, ce qui est environ 30 fois plus élevé que le taux au Canada. Même si l'armée et la police guatémaltèques étaient fonctionnelles et non corrompues, le pouvoir économique du crime organisé mexicain éclipserait la capacité des services de police locaux de contrer le crime organisé. Autrement dit, en raison de sa stabilité politique, le Guatemala n'est pas généralement considéré comme étant un État fragile, mais il devrait certainement être perçu comme étant vulnérable aux répercussions des guerres entre trafiquants au Mexique.
Il y a deux éléments positifs dans ce sombre portrait. Le premier est la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala. Je pense que les représentants du ministère ont expliqué ce que c'est. Je n'en dirai pas plus. Elle sera financée jusqu'en septembre 2017. Le président Morales a demandé qu'on renouvelle le financement, et je pense que c'est une bonne idée d'appuyer la commission. L'autre élément positif, c'est le bureau du procureur général sous la direction de Thelma Aldana qui, avec l'appui de la CICIG mais aussi individuellement, a fait preuve d'un courage remarquable en confrontant le réseau de politiciens, de militaires et d'oligarques qui continuent de dominer le système politique local.
L'aide canadienne vise à répondre aux besoins criants d'un pays qui pourrait facilement être déstabilisé par la violence liée à la drogue, mais qui est affaibli par ses capacités d'absorption politique limitées. Le potentiel de réaliser des progrès à moyen terme repose essentiellement sur la consolidation de la primauté du droit où les besoins sont grands, où des bénéficiaires crédibles existent et où il est possible d'avoir une incidence importante.
Je recommanderais donc une participation sélective, du soutien à la CICIG et peut-être du soutien direct au bureau du procureur général. Pour le reste, je dirais de contourner le gouvernement et de travailler avec les ONG.
La Colombie est un pays à revenu intermédiaire avec une démocratie stable qui a des institutions efficaces et une classe politique et des élites technocrates audacieux, capables et créatifs. C'est l'une des plus grandes économies de l'Amérique du Sud. Sa population est la deuxième en importance et ses richesses naturelles, minérales et agricoles sont encore en grande partie inexplorées et inexploitées. Pendant des décennies, le pays a bénéficié de politiques économiques rigoureuses et n'a pas connu de crise de l'endettement, de déficit financier ou d'hyperinflation. Ses perspectives à long terme sont bonnes.
Pour ces raisons, même s'il y a des inégalités et que le pays comble lentement les lacunes au chapitre des biens publics à offrir aux personnes défavorisées, il devrait être le contraire d'un candidat idéal pour recevoir de l'aide au développement offerte par le Canada. En théorie, ce ne devrait pas être un pays de concentration. Je vais quand même présenter des arguments pour me justifier.
La Colombie est à un point tournant de son histoire car un processus de paix prolongé est sur le point d'être mis en oeuvre. Cela pourrait sonner le glas d'une série de guerres civiles qui ont frappé le pays presque sans interruption depuis la fin des années 1940. La classe politique appuie le processus de paix massivement mais pas unanimement, de gauche à droite, ce qui comprend les secteurs Uribisto de l'ancien gouvernement. On appuie non seulement le processus de paix, mais on veut également que le gouvernement investisse des ressources pour indemniser les victimes de conflit, permettre aux gens de reprendre possession de leurs terres et offrir des programmes ambitieux de redistribution des terres. Nous parlons ici de millions de dollars. Toutefois, les promesses qui ont été faites par le gouvernement, plus particulièrement concernant le rapatriement, sont extrêmement difficiles à respecter et très coûteuses, ce qui dépasse probablement de loin les capacités du gouvernement colombien en ce moment.
De plus, la Colombie est toujours aux prises avec des niveaux extrêmement élevés de violence, ce qui est en grande partie lié à la drogue. Son taux d'homicide est toujours 50 % plus élevé que celui du Mexique, même si la Colombie réussit dans une certaine mesure à lutter contre la violence et le trafic de drogue. La production de cocaïne a diminué en Colombie, mais tout récemment, huit tonnes de cocaïne pure ont été confisquées. Huit tonnes de cocaïne, sur le marché canadien, représenteraient environ 800 millions de dollars. C'est beaucoup pour l'économie et c'est beaucoup d'argent.
La raison d'être de l'aide canadienne est la suivante: la coopération avec la Colombie devrait être une pierre angulaire d'une coopération à long terme avec un pays qui partage des opinions similaires et qui a des capacités importantes et une situation régionale qui croît rapidement. La meilleure façon d'aborder la question est de réfléchir à ce que le Chili est devenu depuis l'ALE en 1997, sauf que dans ce cas-ci, la Colombie est un pays qui a des possibilités et des capacités démographiques, économiques et militaires beaucoup plus grandes. Le Chili est un petit pays avec une petite économie; la Colombie est un acteur important.
La Colombie ne dépend pas de l'aide étrangère. La portée de l'effet de levier dont on peut s'attendre du type de financement que le Canada peut offrir sera limitée, alors la valeur de cette aide a moins d'importance que l'engagement politique qu'elle représente. On recommande une participation sélective, surtout financière, essentiellement sous forme d'aide au processus de paix, et peut-être très ciblée. On a mentionné l'égalité entre les sexes. Ce serait un excellent secteur où affecter des ressources.
Il pourrait y avoir une coopération technique dans des secteurs complémentaires, dont l'administration publique et fiscale; on pourrait coopérer dans le secteur de la fiscalité également. En matière de gestion des ressources et des terres, la Colombie est aux prises avec un défi de taille en ce qui a trait au processus de paix. Enfin, il devrait y avoir une coopération triangulaire en matière de politique sur les drogues et de sécurité, où l'on collabore avec la Colombie dans des pays tiers où les conditions politiques sont favorables, dans le triangle du Nord de l'Amérique centrale en tant que cible clé par exemple, mais pas maintenant.
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Je vous remercie beaucoup de l'invitation.
L'an dernier, à l'échelle mondiale, les dépenses pour les soins de santé se sont élevées à 8 000 milliards de dollars, dont 2 000 milliards dans les pays à revenu faible et moyen. De plus, la communauté de l'aide — dont USAID, UKaid, la Fondation Bill et Melinda Gates, le Fonds Mondial et nous — a dépensé 30 milliards de dollars en santé à l'échelle mondiale. C'est un montant énorme qui semble petit lorsqu'on le compare à ces sommes colossales. Il y a eu l'an dernier deux milliards d'interactions entre les gens et les divers systèmes de santé; il s'agit du nombre de consultations entre un patient et un médecin, une infirmière ou un travailleur de la santé.
Ce système extrêmement coûteux et complexe qui touche tant de vies est miné par un dysfonctionnement nocif dont j'aimerais vous parler et qui pourrait être un thème central de l'intervention du Canada. Les gens qui dépensent tout cet argent et qui gèrent tous ces systèmes de soins de santé ne reçoivent aucune donnée sur la façon dont cet argent est dépensé et sur les soins qui sont offerts.
On en arrive à se demander comment cela peut être possible. Comment peut-on se retrouver sans aucune donnée malgré tous les systèmes de dossiers de santé électronique et les systèmes informatiques utilisés en santé? On pense notamment aux hôpitaux et aux grands centres médicaux. Ce sont les utilisateurs de ces technologies. Toutefois, seulement 5 % des deux milliards d'interactions en santé dont j'ai parlé ont eu lieu dans les hôpitaux, tandis que 95 % d'entre elles ont lieu dans des établissements de soins de santé décentralisés, comme les cliniques, les cabinets de médecins et les petits postes sanitaires. Aux États-Unis, la proportion d'interactions dans les hôpitaux ne dépasse pas 15 %. Les services de santé sont surtout offerts dans les établissements centralisés, et c'est là qu'est utilisée la majeure partie du financement. Or, seulement 5 % des données que nous avons sur les soins de santé proviennent de ces endroits et 95 % des données sur les soins de santé que nous avons pour la dernière décennie proviennent des endroits où sont offerts environ 5 % des soins de santé.
Il n'est pas possible d'utiliser le financement à bon escient dans un système ayant une telle structure. Il y a un manque flagrant de données pour les endroits où la grande majorité des soins est offerte et où se fait la majorité des dépenses. Comment est-ce possible? Pourquoi n'a-t-on pas plus de données sur les cliniques?
Il suffit de penser à une clinique pour comprendre. Vous vous imaginerez probablement un endroit où des centaines de patients attendent pour consulter un travailleur de la santé dont les supérieurs sont ailleurs, par définition, étant donné que c'est la nature même des soins de santé décentralisés. Maintenant, imaginons-nous que la travailleuse de la santé — ce sont surtout des femmes — rencontre le patient 22. Cette courte consultation représente une occasion d'obtenir une quantité considérable d'informations précieuses sur le fonctionnement du système et les besoins démographiques de la population. Un dilemme lié aux données se pose après la consultation, lorsque le patient 22 est parti. Notre travailleuse de la santé débordée peut soit s'arrêter et consigner tous les renseignements relatifs au patient 22, soit passer au patient 23. Habituellement, elle passe au patient 23, faute de temps pour consigner toutes ces données. Ces renseignements extrêmement précieux sont alors perdus. Maintenant, songez à ce que cela représente lorsque cela se produit des centaines de fois par clinique, dans des millions de cliniques.
Si le personnel de la santé ne consigne pas les renseignements au moment de la prestation des soins, personne n'obtient ces données, pas même les supérieurs, les organismes de financement ou l'Organisation mondiale de la santé. On se retrouve avec une situation ahurissante où l'on dépense des milliers de milliards de dollars sans savoir précisément pourquoi, et on a des millions de travailleurs de la santé qui sont débordés de travail, mais qui ne savent pas vraiment ce qu'ils font.
Fio Corporation est une entreprise canadienne qui a résolu ce problème et qui met en oeuvre sa solution à l'échelle mondiale. Je vais vous décrire cette solution brièvement avant de revenir au principal problème. Il s'agit d'une solution simple, durable et évolutive. Plutôt qu'un système où la prestation de soins et la collecte de données sont incompatibles, il existe une solution technologique qui permet, à l'étape de la prestation des soins, la collecte automatique de données, à grande échelle. On obtient ainsi une quantité de données sans précédent, données qui seront utiles aux responsables du système des soins de santé, aux organismes qui le financent et à d'autres intervenants.
J'ai un exemple concret: voici un test de diagnostic rapide. Ce n'est pas nous qui les fabriquons. L'an dernier, 800 millions de tests ont été vendus, et les ventes augmentent de 20 % par année. Voici comment cela fonctionne: on prélève un peu de sang, au bout d'un doigt, et on met deux ou trois gouttes de sang à cet endroit, on ajoute quelques gouttes d'une solution tampon et après un certain temps, si cette bandelette change de couleur, cela signifie que vous avez un résultat positif pour le virus Zika. Ce petit test permet de savoir immédiatement si vous avez le virus Zika.
Celui-ci est pour la malaria; il y en a aussi pour le VIH, la dengue, etc. Des centaines de millions de tests sont faits chaque année par les travailleurs de la santé. Le font-ils correctement? Personne ne le sait vraiment. Nous avons créé divers appareils mobiles intelligents pour les travailleurs de la santé. Voici un exemple; l'appareil a un petit tiroir dans lequel on place le test. L'appareil en fait la lecture avec une précision égale à celle qu'on obtiendrait dans un laboratoire centralisé. Il est d'une précision remarquable.
L'appareil pourra guider les utilisateurs. Comment déterminent-ils quel test utiliser? Il y a divers critères, et les travailleurs de la santé pourront consulter des séries de questions et réponses accessibles à l'aide d'un écran tactile pendant la consultation, selon les descriptions du patient. L'application fait partie intégrante de l'appareil. Les données sont téléchargées vers un nuage informatique, et les gestionnaires responsables de ces superviseurs pourront les consulter sur une tablette ou un téléphone intelligent. Cela leur permettra en quelque sorte de superviser des milliers de cliniques sous leur responsabilité et de savoir ce qui s'y passe. Il s'agit d'un nouveau niveau de reddition de comptes et de transparence et d'une interconnexion à un continuum de soins.
Les téléphones cellulaires sont devenus des téléphones intelligents grâce à l'intégration des données et des courriels avec la téléphonie. Les appareils dont je parle intègrent les données et les diagnostics ainsi que d'autres formes de soins. Il y a donc une similitude. Lorsque ces choses seront intégrées, elles ne pourront être séparées.
Sur le terrain, cela se traduira en quelques semaines par un taux d'erreur de diagnostic 10 fois moins élevé, par les travailleurs de la santé. Le taux d'adéquation des soins offerts est 10 fois supérieur à ce qu'il était. Toutefois, avoir un bon diagnostic ne signifie pas nécessairement qu'on administrera le bon médicament.
On a observé que le nombre de consultations est 20 fois moins élevé. Les gens sont intelligents; si vous posez un mauvais diagnostic et qu'ils sont toujours malades, ils consulteront de nouveau. Si vous posez un bon diagnostic et que vous leur donnez un traitement adéquat, ils ont mieux à faire que de retourner à la clinique.
La précision des enquêtes épidémiologiques a été augmentée par 20. À titre d'exemple, dans une certaine région du Kenya, on estimait que le taux d'incidence de la malaria était de 17 %. Songez à la quantité de médicaments et de tests que le gouvernement devait commander en fonction d'un tel taux. Grâce à nos appareils, ils ont découvert que le taux était de 0,7 %. Donc, tous ces gens qui étaient atteints de fièvre n'avaient pas la malaria.
L'Afrique dépense environ 1 milliard de dollars par année pour administrer des médicaments antipaludiques à des gens qui n'ont pas la malaria.
Nous déployons cette technologie dans plusieurs pays. Je crois que c'est là le lien avec la question qui a été posée. Nous sommes présents en Colombie et au Brésil, où nous participons à la lutte contre le virus Zika. Nous avons des discussions avec le Honduras et l'Équateur. En Afrique occidentale, nous sommes présents au Ghana, et nous intervenons depuis peu au Nigéria, où ExxonMobil a lancé un projet pilote dans le delta du Niger. Il s'agit d'une occasion très intéressante, car le financement est égalé par le secteur privé.
En Afrique orientale, nous sommes présents au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda et en Éthiopie. En Afrique centrale, nous venons de lancer un projet en République démocratique du Congo. Là, des gens qui habitent littéralement au milieu de nulle part obtiennent, grâce à ces appareils, des soins et une expertise clinique dignes d'un laboratoire. Nous sommes également présents en Afrique du Sud et au Lesotho, et nous nous apprêtons à lancer un projet pilote en Inde, en collaboration avec le plus important fournisseur de soins de santé privé du pays.
En Europe, nous collaborons avec la plus importante entreprise de méthodes de diagnostic. Il en va de même aux États-Unis, où nous participons à quelque six projets du ministère de la Défense des États-Unis. Nous travaillons également avec la Fondation Bill et Melinda Gates et avec le Fonds mondial. Les projets auxquels nous participons sont liés à la malaria, le VIH, la santé maternelle et infantile, et les soins primaires. Je le précise parce que nous avons commencé assez récemment, mais le succès que nous avons eu auprès des établissements décentralisés — et non auprès des hôpitaux —, par rapport aux données sur les soins de santé, démontre que nous sommes sur la bonne voie.
Vous envisagez l'adoption d'une stratégie fondée sur des pays sélectionnés plutôt que sur des thèmes. En 2010, lorsque Fio a été créée et a entrepris ses activités, nous étions dans un monde qui fonctionnait en silos, pour utiliser un terme bien connu. Il y avait les données et la prestation des soins; il fallait choisir. C'était l'un ou l'autre. Notre solution découle de l'idée selon laquelle il est possible de combiner les deux, d'intégrer la prestation des soins et les données. La question des données sur les soins de santé à l'échelle mondiale est un thème qui pourrait avoir une grande incidence, lorsque combiné à l'idée de pays sélectionnés, car cet aspect est lié à tous les autres.
Nous nous faisons un devoir d'afficher le drapeau canadien partout où nous faisons des affaires. Les Canadiens sont reconnus comme des gens raisonnables. Faisons-nous connaître comme des spécialistes des données sur les soins de santé. La voie est totalement libre. On estime que dans cinq ans, il y aura 50 fois plus de données sur les soins de santé qu'aujourd'hui. On parle d'un domaine dans lequel des dépenses de dizaines ou de centaines de millions de dollars peuvent avoir une incidence sur d'autres dépenses et d'autres résultats représentant des centaines ou des milliers de milliards de dollars. Lorsqu'on combine cela à une stratégie sur les pays sélectionnés, on obtient un rendement extraordinaire pour un investissement minime.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci. C'est un plaisir de vous revoir aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner. On m'a demandé de vous donner des renseignements en prévision de votre prochain voyage en Amérique latine et de vous présenter des observations et des recommandations concernant votre étude actuelle. Je ferai de mon mieux dans le temps qui m'est imparti.
Permettez-moi d'entrée de jeu de souligner que nous sommes heureux de savoir que vous vous rendrez en Colombie et au Guatemala cet été pour prendre connaissance des réels défis auxquels sont confrontés les deux pays et des aspirations de leurs citoyens concernant la construction d'un avenir meilleur.
Inter Pares travaille avec ses homologues des deux pays depuis les années 1980, et nous serions très heureux de vous donner une séance d'information détaillée et de faciliter des rencontres avec les représentants de la société civile des deux pays. Il y a beaucoup de points positifs à souligner sur ce qui se passe actuellement au Guatemala et en Colombie. M. Daudelin en a mentionné plusieurs.
Comme je vous l'ai indiqué en avril, il y a eu d'importants progrès au Guatemala dans la lutte contre l'impunité. Je pense en particulier à la collectivité de Sepur Zarco, où un groupe de femmes autochtones Maya Kekchi a écrit l'histoire en février dernier dans ce qui constituait à la fois le premier procès pénal pour violence sexuelle commise au cours du conflit armé qui a sévi au Guatemala ainsi que la toute première affaire d'esclavage sexuel à être entendue par un tribunal national.
En Colombie, pour la première fois depuis de nombreuses années, il règne un réel espoir que les accords de paix seront bientôt signés, ce qui mettrait fin au conflit armé qui fait rage au pays depuis 60 ans. Il subsiste toutefois des conflits dans les deux pays. Au Guatemala, on constate une remilitarisation de la sécurité des citoyens, y compris les déclarations d'état d'urgence, la persécution judiciaire des leaders communautaires, et encore une fois, la création de bases militaires sur les territoires des communautés autochtones où existe un contentieux foncier. Tout ceci se produit afin d'appuyer certains projets d'exploitation des ressources à grande échelle, notamment des projets d'exploitation minière et de construction de barrages hydroélectriques.
En fait, le fémicide demeure la principale cause de décès de nos jours chez les femmes au Guatemala. En ce moment même, en Colombie, plus de 70 000 personnes — principalement des Autochtones, des Afro-Colombiens et des campesinos — se sont mobilisées et manifestent dans 80 collectivités partout au pays pour exprimer leur opposition au modèle de développement préconisé par le gouvernement colombien, particulièrement en raison de ses répercussions sur les communautés marginalisées, notamment les effets sur l'accès aux terres et sur la sécurité alimentaire.
Inter Pares a reçu des rapports inquiétants au sujet de l'utilisation aveugle et excessive à la force par les forces de sécurité de l'État contre les manifestants. Hier soir, j'ai appris par téléphone que jusqu'à maintenant, chez les manifestants autochtones, on compte trois personnes tuées, plus de 100 blessés et près de 200 arrestations.
Tandis que la Colombie se rapproche d'un accord de paix, on observe une augmentation alarmante du nombre d'attaques contre les défenseurs des droits de la personne et les membres des partis d'opposition, en particulier ceux de la Marcha Patriótica.
Votre visite est extrêmement importante pour nos partenaires du Guatemala et de la Colombie, et le moment choisi ne pourrait être plus propice. Il va sans dire que nous espérons que vous aurez assez de temps pour avoir des discussions approfondies avec un large éventail de représentants de la société civile de chacun des pays. Cela vous permettrait de prendre connaissance des préoccupations directement auprès des intervenants de tous les échelons et d'être témoin des effets — tant positifs que négatifs — des actions menées par le Canada en matière de promotion des droits de la personne et du développement démocratique dans la région.
À cet égard, avant de passer au thème de votre étude, je tiens à vous informer d'un enjeu urgent. Il y a deux semaines, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a lancé un cri d'alarme aux États membres de l’Organisation des États américains, indiquant que la commission était confrontée à la pire crise financière de son histoire et qu'à moins que les États membres ne respectent leurs engagements en matière de financement d'ici le 15 juin — d'ici six jours —, la commission sera obligée de mettre à pied près de la moitié de son personnel, d'annuler ses deux prochaines séances et de reporter toutes les visites prévues prochainement dans les pays.
La Commission interaméricaine des droits de l’homme est le principal organisme de défense des droits de la personne aux Amériques et le Canada est l'un de ses plus fervents partisans, mais cet appui semble s'être gravement érodé, malheureusement. Entre 2011 et 2015, la contribution financière du Canada est passée de 600 000 $ à 75 000 $, et aucun financement n'est prévu pour 2016.
La semaine dernière, le Groupe d'orientation pour les Amériques — une coalition dont Inter Pares fait partie — a envoyé une lettre au afin de demander au Canada de jouer un rôle de chef de file en offrant un financement cette année et en garantissant un financement stable pour les prochaines années afin que la commission puisse accomplir son important travail. Plus de 300 illustres organisations de la société civile de 18 pays des Amériques ont signé un appel à l'aide pour appuyer la commission. Nous demandons instamment à tous les membres du Comité d'étudier cette question de toute urgence, car nous ne pouvons nous permettre de perdre cet important mécanisme régional.
Parlons maintenant des pays ciblés. C'est un thème important qui a d'énormes répercussions sur les organismes de notre secteur, car le budget de l'aide fournie par le Canada est concentré dans un petit nombre de pays et de secteurs. Les programmes d'Inter Pares n'ont jamais reposé sur une liste de pays ou de secteurs ciblés déterminés par Ottawa. Ils sont plutôt fondés sur des relations de longue date avec nos homologues de la société civile au Canada et dans les pays du Sud. Nous sommes d'avis que l'accompagnement le plus efficace que nous pouvons fournir consiste à appuyer les solutions de nos partenaires et à ne pas imposer les nôtres.
Nous sommes d'accord avec les analyses et les recommandations du Conseil canadien pour la coopération internationale. Nous aimerions également formuler six recommandations.
Tout d'abord, si le Canada souhaite maintenir une approche fondée sur les pays ciblés, il doit être transparent dans le choix des critères, et ces critères devraient être fondés sur la réduction de la pauvreté et de l'inégalité. Nous savons tous que des situations peuvent changer du jour au lendemain. Des pays qui semblaient stables peuvent soudainement devenir des États fragiles ou les niveaux d'inégalité ou de pauvreté peuvent augmenter très rapidement. Nous devons être souples et réceptifs pour répondre aux besoins changeants, mais réels, et réagir aux réalités sur le terrain.
Deuxièmement, un pourcentage plus élevé du financement devrait être offert aux pays non ciblés.
Troisièmement, le contexte de financement a changé ces dernières années, tout comme la relation entre les ONG canadiennes et les successeurs de l'ACDI. De plus en plus, l'aide est fournie sous forme de projet, et les ONG sont traitées comme des fournisseurs de services ou des entrepreneurs au lieu d'être traitées comme des partenaires de développement de longue date. Il s'ensuit que selon notre troisième recommandation, il est essentiel que le gouvernement du Canada rétablisse sa capacité de fournir un financement de base prévisible, souple et à long terme qui permet à la société civile du Canada d'établir des relations avec la société civile locale et de saisir les occasions, de relever les défis et de répondre aux besoins à mesure qu'ils se présentent. Selon notre expérience, cette approche à long terme crée la stabilité nécessaire à l'élaboration de programmes innovateurs et même révolutionnaires. Parfois, cela signifie qu'il faut prendre des risques.
Plus tôt, je vous ai parlé de l'affaire Sepur Zarco, dans laquelle nos partenaires ont offert une aide holistique aux demanderesses pendant plus d'une décennie. Pour vous donner un autre exemple, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, Inter Pares a élaboré, en Colombie, un programme axé sur la situation des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, les PDIP. Pendant ces années-là, le gouvernement de la Colombie niait l'existence des PDIP et affirmait qu'il s'agissait plutôt de mouvements migratoires normaux. Les Européens ont hésité à appuyer ces travaux pour plusieurs raisons. En fait, même si on avait attribué une définition faisant autorité au terme « réfugié » dans la Convention sur les réfugiés de 1951, il n'existait aucune définition pour « personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. »
L'appui fourni par nos partenaires de l'ACDI nous a permis de nous engager dans ce dossier de façon compétente et d'acquérir une expérience précieuse, ce qui a contribué à éclairer les politiques du gouvernement canadien. Non seulement cela a-t-il aidé à mettre la question des PDIP à l'avant-plan à l'échelle nationale, mais cela a aussi grandement contribué à l'élaboration des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays par l'ONU; ces principes représentent aujourd'hui un cadre international clé pour les travaux liés aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays partout dans le monde.
Quatrièmement, trop souvent, dans les situations de conflit ou d'après-conflit, l'aide cible seulement le renforcement de l'État. Il est très important d'appuyer les États démocratiques, mais on doit adopter une approche équilibrée, c'est-à-dire qu'il faut veiller à ce qu'un État soit responsable de sa population et donner à tous les habitants les moyens de demander à leur gouvernement de rendre des comptes. C'est pourquoi, selon notre quatrième recommandation, le Canada doit investir dans la société civile locale, surtout les sociétés civiles qui mènent des travaux auprès des Autochtones, des personnes opprimées ou des communautés et des populations exclues.
La cinquième recommandation vise la promotion des droits des femmes. Ces dernières années, nous avons constaté que si on appuyait autrefois un large éventail de droits des femmes, on se contente maintenant d'appuyer seulement leur rôle de mère. On a limité davantage cet appui en excluant les droits sexuels et génésiques des femmes. Le Canada est un chef de file lorsqu'il s'agit de la promotion des droits des femmes à l'échelle mondiale, mais il a perdu du terrain dans ce domaine au cours des dernières années.
La nouvelle selon laquelle le Canada a été élu au conseil d'administration de la Commission de la condition de la femme de l'ONU a été bien accueillie, mais cela signifie également qu'avec un tel rôle de premier plan, nous avons une plus grande responsabilité de prêcher par l'exemple. Il faut donc que le développement axé sur les femmes fasse une différence, et c'est une très belle occasion d'exercer un leadership à l'échelle mondiale.
C'est pourquoi selon notre cinquième recommandation — et elle se divise en plusieurs autres —, 20 % de l'ensemble des investissements du Canada dans l'aide au développement devraient viser la promotion des droits des femmes, l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes. De plus, les femmes touchées par un conflit armé et les situations d'après-conflit doivent avoir accès à tous les services liés à la santé sexuelle et génésique sans discrimination, y compris dans les cas de grossesses résultant d'un viol. De plus, il est essentiel d'appuyer la participation active des femmes aux processus officiels de paix et de surveillance de la mise en oeuvre des accords qui ont été conclus, surtout en Colombie.
Sixièmement, nous devons faire preuve de cohérence stratégique dans le cadre de nos efforts de développement international. En effet, nous ne devons pas laisser le commerce et les intérêts commerciaux l'emporter sur les droits de la personne et nuire à nos objectifs en matière de développement. Le Canada doit se doter d'un cadre de travail relatif aux droits de la personne lorsqu'il fournit de l'aide internationale, et ce cadre doit viser non seulement la coopération, mais également le commerce et les politiques étrangères. Nous croyons que le Canada devrait être ferme à l'égard de la primauté des droits de la personne, afin d'obtenir des résultats positifs.
Je vous remercie de votre attention. J'ai hâte de répondre à vos questions.
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L'organisation KAIROS vous est très reconnaissante de lui donner l'occasion de comparaître devant votre Comité. L'organisation et ses églises membres travaillent depuis longtemps avec leurs partenaires en Colombie et au Guatemala sur des questions liées à la paix et à la sécurité des femmes, aux droits des Autochtones et à la justice écologique. Vous pouvez imaginer à quel point je trouve difficile de limiter mon exposé à huit minutes, mais je ferai de mon mieux et j'espère que ce sera le début d'un dialogue continu.
La décision du Comité de mener cette consultation nous encourage, tout comme ses projets de voyage en Colombie et au Guatemala à la fin de l'été.
Nous avons hâte de travailler avec vous à la préparation de votre délégation.
En avril dernier, mon collègue Ian Thompson vous a parlé des travaux de KAIROS, notamment de notre programme Femmes de courage. À ce moment-là, il a formulé certaines recommandations sur les femmes, la paix et la sécurité. En fait, nos partenaires de la Colombie font partie intégrante de notre programme sur les femmes, la paix et la sécurité. J'aimerais faire suite à l'exposé précédent de KAIROS en vous parlant des partenariats que nous avons établis au Guatemala et en Colombie et des recommandations que nous pouvons formuler à partir de cette expérience.
En ma qualité de coordonnatrice des partenariats latino-américains et du Programme de justice entre les sexes pour KAIROS, j'ai le privilège de travailler avec des organismes de la société civile en Colombie — surtout des organisations de femmes — depuis les 15 dernières années.
Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur un partenaire, la Organización Femenina Popular, l'organisation féministe populaire, un organisme communautaire de femmes qui oeuvre depuis 44 ans dans la région de Magdalena Medio. En effet, l'OFP représente la persévérance, la créativité, la résilience et la détermination d'un grand nombre de groupes de la société civile en Colombie, des caractéristiques qui lui ont permis non seulement de survivre, mais également de prospérer malgré le conflit et les menaces constantes qui planent sur ses activités et sur la vie de ses membres.
L'OFP oeuvre à l'échelle locale par l'entremise de centres de femmes, et offre de la formation, de l'aide juridique et même des aliments abordables dans les cuisines communautaires. En même temps, l'organisation joue un rôle de premier plan dans les réseaux pour la paix et les droits de la personne à l'échelle nationale. Même si ses stratégies et ses programmes ont changé en réponse au contexte de conflit, l'organisation demeure un point de référence pour les activités liées aux droits de la personne et au maintien de la paix. Par exemple, dans les années 1990, au plus fort du contrôle paramilitaire à Barrancabermeja, lorsqu'il était extrêmement dangereux — et létal, en fait — d'être un défenseur des droits de la personne, l'OFP dirigeait et maintenait un réseau des droits de la personne à l'échelle locale, tout en mobilisant des dizaines de milliers de femmes dans les régions les plus touchées par des conflits en Colombie et en leur fournissant de l'aide.
En 2012, l'OFP a mis sur pied des tribunaux régionaux de femmes pour la justice, la paix et le territoire et a recueilli des centaines de témoignages de femmes qui avaient été victimes de violation des droits de la personne en raison du conflit. Dans un contexte d'impunité, ces tribunaux éthiques ou symboliques représentaient un espace important où les femmes pouvaient dénoncer les violations des droits de la personne et faire éclater la vérité. Des poursuites juridiques exigeant réparation ont été intentées dans plusieurs des cas présentés devant ces tribunaux de femmes.
La visibilité des crimes a également renforcé les efforts de défense des droits déployés par le mouvement des femmes, ainsi que ses demandes liées à la justice, à la vérité et à la réparation dans le cadre du processus de paix actuel. Au cours des dernières années, l'OFP a participé à un processus visant à obtenir des réparations collectives de l'État colombien en vertu de la loi 1448, qui prévoit que les victimes ont le droit d'obtenir réparation.
Les 44 années de travail de l'OFP auprès des victimes et des survivants, ainsi que ses pertes institutionnelles écrasantes, notamment l'assassinat de plusieurs de ses leaders, font de cette affaire de réparation collective un symbole en Colombie. Cette expérience a été consignée dans plusieurs documents qui servent de modèles. De plus, par l'entremise du programme de réparation, l'OFP a accompli des progrès concrets et des changements réels dans la vie de milliers de femmes.
Dans l'OFP, nous voyons la résilience de la société civile en Colombie, et sa capacité de réagir au contexte national et local afin de créer des espaces et des propositions de paix et de venir en aide aux populations les plus vulnérables par l'entremise de programmes très concrets. En fait, les travaux axés sur l'égalité des sexes effectués par KAIROS s'inspirent de ceux menés par l'OFP. Nous avons pris connaissance des effets des conflits militaires sur les femmes, de la façon dont les femmes sont victimisées à de nombreuses reprises par l'entremise d'inégalités entre les sexes, de la pauvreté et du racisme et de la façon dont la violence sexuelle est utilisée dans les stratégies de guerre. En même temps, nous avons observé la mesure dans laquelle les groupes de femmes font partie intégrante des efforts en matière de défense des droits de la personne et des processus de paix, de justice et de réparation.
L'OFP a également démontré l'importance de l'aide psychosociale et juridique, car elle permet aux femmes victimes de violations des droits de la personne de guérir et de devenir des participantes actives dans le processus de paix. Il s'agit d'ailleurs du fondement de notre programme sur les femmes, la paix et la sécurité, un programme qui fait présentement l'objet d'un examen actif mené par la Direction générale du partenariat canadien d'Affaires mondiales. L'objectif de ce programme correspond étroitement à celui des travaux menés par votre Comité. Des organisations de la société civile comme l'OFP représentent l'espoir et la force de la Colombie et exigent un appui soutenu et continu.
Cela m'amène à formuler deux recommandations. La première, c'est que l'aide bilatérale du Canada doit accorder la priorité à l'appui financier des groupes indépendants de la société civile en Colombie, et surtout des groupes de femmes. Il est important qu'il s'agisse de partenariats à long terme et qu'ils éclairent l'élaboration des politiques et des priorités. Les investissements dans la société civile garantiront que des ressources seront offertes aux groupes qui ont la capacité d'influencer et de mettre en oeuvre des accords de paix sur le terrain. Deuxièmement, il est important que l'aide bilatérale au développement se dote d'une approche liée aux droits de la personne, en aidant notamment les victimes de violations des droits de la personne et en offrant une formation sur les droits de la personne. Comme je l'ai mentionné, nous avons vu comment les femmes, qui sont souvent victimes de violence, peuvent devenir des intervenantes de premier plan dans les processus de paix lorsqu'elles reçoivent un appui psychosocial approprié et une formation sur les droits de la personne.
J'aimerais profiter des dernières minutes pour parler des partenariats que nous avons établis au Guatemala et de la façon dont cette expérience génère des recommandations supplémentaires pour votre examen.
Depuis maintenant 10 ans, KAIROS collabore avec CEIBA, une organisation qui appuie le développement communautaire dans les collectivités autochtones dans l'ouest du Guatemala. CEIBA a été fondée en 1994, au moment où des réfugiés guatémaltèques sont revenus s'installer dans la région. Depuis, l'organisation aide ces collectivités par l'entremise de programmes réactifs en matière de développement communautaire et de droits de la personne. CEIBA a exécuté des programmes liés à la santé communautaire, à la souveraineté alimentaire, à la protection de l'environnement et des terres, au développement du leadership et à la formation sur les droits de la personne.
Certaines des collectivités aidées par CEIBA réagissent à des projets d'extraction des ressources, dont la majorité sont menés par des entreprises canadiennes. Dans plusieurs cas, des collectivités ont soulevé des préoccupations liées au fait que ces projets menacent le développement communautaire et les droits de la personne qui sont appuyés par ce partenariat, et en particulier les droits des Autochtones. Lorsque ces personnes soulèvent ces préoccupations, lorsqu'elles manifestent et exigent que leurs droits soient respectés, elles font face à la criminalisation, à des menaces et parfois à la mort. Au Guatemala, tout comme en Colombie, nous avons observé que les menaces et les assassinats visant les défenseurs en matière de droits environnementaux et les Autochtones avaient augmenté. Des dirigeants de CEIBA, ainsi que ceux des collectivités aidées par cette organisation, ont été ciblés.
En me fondant sur cette expérience et sur le conflit qui sévit au Guatemala, j'aimerais ajouter les recommandations suivantes. Les pratiques et les politiques en matière de développement du Canada doivent être éclairées par les droits des Autochtones, y compris le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, comme il est décrit dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. De plus, le gouvernement du Canada doit mettre en place un mécanisme qui permet d'obliger les sociétés canadiennes d'extraction des ressources à rendre des comptes, afin que les politiques en matière d'extraction des ressources et d'investissements ne nuisent pas aux initiatives en matière de développement que nous tentons d'appuyer. À cette fin, nous demandons au gouvernement du Canada de créer un ombudsman indépendant sur l'extraction des ressources et des lois qui obligeront les entreprises canadiennes à rendre des comptes.
Pour résumer, la Colombie et le Guatemala doivent être des pays ciblés. Plus important encore, ce faisant, l'aide canadienne au développement doit appuyer les groupes indépendants de la société civile par l'entremise de partenariats à long terme. De cette façon, nous investissons dans des programmes résilients et efficaces qui permettent de venir en aide aux personnes les plus vulnérables. Les droits de la personne représentent un élément clé. L'aide au développement doit reposer sur les engagements du Canada envers les droits de la personne, notamment les droits des peuples autochtones, et envers toutes les femmes. Enfin, l'aide canadienne au développement doit être réactive et éclairée par des partenariats à long terme établis avec des organisations de la société civile au Canada, en Colombie et au Guatemala. Nos partenaires nous disent que même si le soutien financier est très important, la capacité du gouvernement du Canada d'amplifier leur voix lorsqu'ils demandent la paix et le respect des droits de la personne est tout aussi importante.
Enfin, comme je l'ai mentionné plus tôt, KAIROS a présenté une proposition spontanée à la Direction générale du partenariat canadien d'Affaires mondiales. Même si nous attendons toujours une réponse, nous espérons que les travaux menés par KAIROS et nos partenaires agiront de façon complémentaire pour assurer la réussite de l'aide canadienne au développement international en Colombie et dans d'autres pays qui nous préoccupent.
L'organisation KAIROS vous est très reconnaissante de l'avoir invitée à participer à cette consultation, et nous avons hâte de prendre part au dialogue continu dans le cadre de vos préparatifs de voyage en Colombie et au Guatemala, et aux discussions sur les politiques qui suivront.
Merci.
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Je vous remercie beaucoup, madame, de la question.
[Traduction]
En fait, j’aimerais vous montrer quelque chose. Je vais régulièrement en Colombie depuis 1989 et je dois dire que je n’ai jamais rencontré d’hommes et de femmes aussi courageux. Je parle en particulier des défenseurs des droits de la personne.
J’ai contacté l’ambassadrice du Canada en Colombie hier soir. Elle se trouve aujourd’hui à Villavicencio. Je lui ai envoyé un article que j’ai écrit il y a 20 ans au sujet du meurtre d’un de mes amis, qui était directeur de l’organisation des droits de la personne qu’elle visite aujourd’hui.
En Colombie, à cause des attaques incessantes contre les défenseurs des droits de la personne, le gouvernement a reçu des fonds devant servir à créer un appareil d’État qui protégera les défenseurs des droits de la personne. Il y a une vérification de la sécurité. On va demander aux défenseurs des droits de la personne de préciser leur itinéraire, leur destination, les risques que cela comporte, et il y aura une évaluation. Selon les résultats, on va leur fournir un gilet pare-balles, une voiture blindée ou des gardes du corps.
En réalité, il m’est arrivé souvent en Colombie, quand j’étais dans le bureau de quelqu’un, d’oublier presque les risques pendant un moment, parce que nous parlions de sa famille, de ses enfants, de la façon dont les choses vont. Mais après, nous allions à un restaurant voisin, et je voyais mon collègue se prendre un gilet pare-balles pour faire trois pâtés de maisons. Tout à coup, cela vous frappe — l’endroit où vous êtes et le danger que ces gens courent jour après jour.
J’ai un objet à vous montrer. C’est une chose que les défenseurs des droits de la personne ont conçue. Comme vous pouvez le voir, c’est une imitation en plastique d'un gilet pare-balles et ça dit que les femmes et les hommes, les défenseurs des droits de la personne en Colombie, ont besoin de beaucoup plus qu'un gilet pare-balles pour les protéger de la mort. Cela montre que ce que la Colombie fait, en fournissant des voitures blindées ou des gilets pare-balles, ne va pas protéger les gens. Il faut s’attaquer aux causes fondamentales, démanteler les groupes paramilitaires qui sont derrière bon nombre des assassinats ciblés de défenseurs des droits de la personne.
En ce moment, près d’un défenseur des droits de la personne est assassiné chaque semaine en Colombie, et environ deux par semaine sont menacés d’autres genres d’attaques, alors c’est extrêmement grave. J’espère que pendant votre séjour en Colombie, vous serez en mesure d’écouter des défenseurs des droits de la personne et d’entendre ce qu’ils ont à proposer sur les façons de changer la situation.