:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis très heureuse d'être ici parmi vous aujourd'hui pour parler des pays ciblés par le Canada au titre de l'aide bilatérale au développement.
Comme le président vient de le dire, je m'appelle Deirdre Kent et je suis directrice générale de la Politique de développement à Affaires mondiales Canada. Je suis accompagnée de ma collègue Isabelle Bérard, directrice générale de la programmation dans les Amériques.
Aujourd'hui, je vous expliquerai d'abord les raisons pour lesquelles nous ciblons certains pays au titre de l'aide bilatérale au développement. Ensuite, nous parlerons des mesures prises pour orienter notre aide ainsi que des secteurs qui bénéficient de celle-ci.
Auparavant toutefois, permettez-moi de vous expliquer brièvement le contexte actuel.
La ministre du Développement international et de la Francophonie, Mme Bibeau, s'est adressée récemment aux membres de ce comité. Comme elle vous l'a expliqué, nous avons entrepris un examen de nos politiques et de notre cadre de financement de l'aide internationale au développement. Notre objectif est de recentrer l'aide internationale du Canada sur les populations les plus pauvres, les plus vulnérables, et de soutenir les États fragiles. Il s'agit de l'une des grandes priorités de la ministre. Comme l'a déclaré la ministre Bibeau, nous devons nous assurer que l'aide internationale du Canada répond aux besoins d'un nouveau contexte mondial, c'est-à-dire qu'il nous faut à la fois surmonter les obstacles et saisir les occasions.
[Traduction]
Nous devons nous assurer que l'aide internationale au développement est en phase avec le nouveau programme de développement mondial, y compris le Programme de développement durable à l'horizon 2030, qui s'est fixé pour objectif ambitieux d'éradiquer la pauvreté d'ici à 15 ans, à l'échelle de la planète. Le Canada va donc revoir son approche en conséquence et miser sur ses forces et sur ses avantages comparatifs, y compris ses relations actuelles.
Traditionnellement, l'aide au développement offerte par le Canada est de nature universelle, et les priorités de développement sont définies en collaboration étroite avec un certain nombre de partenaires. En conséquence, l'aide internationale au développement et l'aide humanitaire consenties par le Canada sont acheminées par des organisations multilatérales comme l'ONU, des organisations canadiennes et internationales de la société civile, et des institutions publiques des pays en développement. À l'heure actuelle, d'autres acteurs — des fondations, des organisations communautaires culturelles, de nouveaux donateurs et des acteurs du secteur privé — sont en train de prendre tous de plus en plus d'importance.
S'agissant du volume, environ le tiers de l'aide internationale d'Affaires mondiales était bilatéral, en 2014-2015 — 1,25 milliard de dollars sur un total de 3,74 milliards de dollars. C'est ce financement bilatéral qui va faire l'objet d'un recentrage géographique.
Le Canada continue d'offrir une aide plus universelle, au moyen de programmes multilatéraux liés à la sécurité et au progrès démocratique, et par l'entremise d'organisations canadiennes et de partenaires locaux dans les divers pays. Par ailleurs, l'aide humanitaire internationale canadienne est dispensée selon les besoins, conformément aux principes humanitaires que sont la compassion, la neutralité, l'impartialité et l'indépendance. Elle n'est pas circonscrite à des pays ou régions en particulier.
Autrement dit, les deux tiers de l'aide internationale consentie par Affaires mondiales Canada — soit l'aide multilatérale, les partenariats avec des organisations et des institutions de la société civile, et nos programmes liés à la paix et à la sécurité —ne sont pas assujettis à ce recentrage géographique. Aujourd'hui, je vous parlerai donc plus particulièrement de l'aide bilatérale au développement.
À l'instar d'autres pays donateurs, le Canada a opéré, au cours des 15 dernières années, un recentrage géographique de son aide bilatérale afin d'obtenir de meilleurs résultats dans sa lutte contre la pauvreté. Le recentrage géographique est une composante importante de l'objectif visant à accroître l'efficacité du programme de développement du Canada.
L'examen par les pairs effectué en 2007, au sujet du Canada, par le Comité d'aide au développement de l'OCDE, a mené à la conclusion que le Canada était engagé dans un trop grand nombre de programmes bilatéraux. Les auteurs du rapport faisaient remarquer que cette approche éparpillée limitait la capacité du Canada d'obtenir de bons résultats. Nous faisions du saupoudrage de nos ressources, notre visibilité était moindre dans les pays où nous n'étions pas un donateur important, et notre capacité à obtenir des résultats mesurables sur le terrain s'en trouvait limitée.
En concentrant ses ressources financières et humaines sur des programmes bilatéraux moins nombreux mais plus importants, le Canada cherche à accroître sa capacité d'obtenir des résultats concrets grâce à des relations plus solides, et à rehausser sa crédibilité auprès des partenaires locaux, y compris les gouvernements partenaires et d'autres donateurs. Il veut aussi être mieux en mesure de répondre aux besoins et aux conditions du pays, et être en phase avec les priorités locales dans la lutte contre la pauvreté.
On sait que le recentrage de l'aide internationale permet de réduire le fardeau administratif qui pèse sur les pays récipiendaires, car ce travail est alors réparti entre des donateurs importants. Cela a permis au Canada de réduire ses frais généraux, puisqu'il y a moins de transactions, et d'augmenter la quantité d'aide fournie par dollar dépensé.
Le recentrage permet également au Canada de se positionner parmi les grands donateurs d'un pays donné, d'exercer une plus grande influence et de lancer des programmes dans un plus grand nombre de secteurs, ce qui accroît notre présence sur le terrain et notre visibilité dans le pays. De plus, les pays en développement estiment que le recentrage rend l'aide internationale plus prévisible et plus transparente, lorsqu'il est important d'avoir des engagements sur le long terme pour obtenir des résultats en matière de développement durable.
Comment opérons-nous ce recentrage?
Entre 2000 et 2015, la programmation canadienne d'aide bilatérale au développement a considérablement réduit le nombre de ses programmes bilatéraux, les faisant passer de 89 à 37. À l'heure actuelle, le Canada compte 25 pays ciblés et 12 pays partenaires pour son programme d'aide bilatérale au développement. C'est en juin 2014 que le Canada a fait passer de 20 à 25 le nombre de pays ciblés, pour l'aide bilatérale au développement.
Les 25 pays ont été choisis en fonction de leurs besoins réels, à savoir le niveau de pauvreté, la vulnérabilité et le sous-développement du pays; sa capacité à tirer profit de l'aide au développement; les chances d'obtenir des résultats concrets; et l'alignement du pays sur les priorités de la politique étrangère du Canada. Les mêmes critères avaient été utilisés en 2008-2009 pour dresser une première liste de 20 pays ciblés.
Le Canada a augmenté le nombre de pays ciblés en 2014, en raison de l'importance accrue qui était accordée à la programmation bilatérale, si bien qu'aujourd'hui, 90 % des fonds dépensés dans le cadre de l'aide bilatérale au développement vont à des pays ciblés, par rapport à 80 % précédemment. Le reste du budget alloué à l'aide bilatérale est consacré principalement aux 12 pays partenaires du développement, appelés officiellement pays avec programmation modeste, ainsi qu'à un petit nombre de programmes régionaux, comme le Programme régional panafricain.
Notre programmation bilatérale est articulée en fonction des priorités de nos pays partenaires et des cinq priorités thématiques du Canada en matière d'aide internationale, à savoir accroître la sécurité alimentaire, stimuler la croissance économique durable, assurer l'avenir des enfants et des jeunes, faire progresser la démocratie, et promouvoir la stabilité et la sécurité.
Notre programme d'aide bilatérale au développement s'adresse à une grande partie de l'Afrique, des Amériques, de l'Asie, de l'Europe de l'Est et du Moyen-Orient. Treize des 25 pays ciblés par le Canada sont des pays moins développés, où les taux de pauvreté sont les plus élevés, mais nous travaillons aussi avec des pays à revenu intermédiaire et moyen, dont certains sont des États fragiles où l'on trouve encore des poches de pauvreté. L'Afrique est la région la plus importante, qui compte 10 pays ciblés.
Le recentrage géographique se fait selon des méthodes différentes, d'un pays donateur à l'autre. Dans le cadre de notre examen de l'aide internationale canadienne, nous essayons de tirer des enseignements de l'expérience d'autres pays donateurs. Certains, comme les Pays-Bas, la Suède et la France, ont choisi une approche adaptée au type de pays ou au groupe de revenu. L'objectif de leur programme de coopération varie d'un groupe à l'autre et porte, par exemple, sur la stabilisation et la consolidation de la paix dans les États fragiles, ou encore sur la croissance économique ou la coopération triangulaire dans les pays à revenu intermédiaire.
D'autres pays donateurs comme l'Australie s'intéressent avant tout aux pays voisins. Le Royaume-Uni, quant à lui, consacre systématiquement 50 % de son aide bilatérale à des États fragiles.
[Français]
En conclusion, l'un des objectifs centraux de l'examen de l'aide internationale consiste à recentrer l'aide du Canada en vue d'appuyer les populations les plus pauvres et les plus vulnérables, ainsi que les États fragiles. L'examen devra porter entre autres sur la meilleure manière de recentrer les efforts sur les plus pauvres et les plus vulnérables, ainsi que sur les moyens de hausser notre efficacité et de miser sur l'innovation.
Cela nous donne l'occasion de réévaluer les approches actuelles à la lumière de l'information recueillie, notamment dans le cadre de consultations. Nous sommes impatients de connaître les commentaires de votre comité dans le cadre du volet de collecte de données de l'examen.
Mme Bérard et moi serons heureuses de répondre à vos questions.
Merci.
:
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je travaille dans ce domaine depuis 30 ans, et j'ai en fait participé à quatre exercices de recentrage. S'agissant des Amériques, il y a 10 ans, les10 pays bénéficiaires qui figuraient en tête de liste étaient exactement les mêmes qu'aujourd'hui, à l'exception du Brésil que nous avons retiré de la liste pour des raisons évidentes.
Le seul programme que nous avons ajouté est celui que nous appelons le Programme régional interaméricain, qui nous permet de venir en aide à un plus grand nombre de pays dans lesquels nous ne sommes pas nécessairement présents ou pour lesquels nous avons un intérêt limité, mais auxquels nous voulons quand même être en mesure d'offrir un certain soutien.
De ce point de vue, le Pérou et la Colombie ont toujours reçu une aide financière dans le cadre du programme bilatéral.
Bien sûr, l'exercice de recentrage a permis à ces pays d'obtenir un peu plus d'argent étant donné que le budget était plus important et qu'on avait une stratégie pour les Amériques depuis 2007. Et c'est précisément depuis l'adoption de cette stratégie, qui visait à renouer des liens dans les Amériques, qu'il est devenu évident que le Pérou et la Colombie allaient recevoir une aide financière accrue.
Le système d'éducation est problématique en Amérique latine, surtout au Pérou où beaucoup d'enfants ne sont pas scolarisés. C'était donc l'occasion, pour nous, de renouer des liens au Pérou, d'augmenter notre aide et de contribuer à améliorer le système d'éducation, ce que nous avons fait. Nous finançons un certain nombre d'initiatives scolaires au Pérou.
Pour ce qui est de la Colombie, le processus de paix… Un grand nombre de personnes sont touchées par la crise et la guérilla. Nous avions intérêt à redevenir actifs en Colombie car cela nous permettait de nous rapprocher en quelque sorte du gouvernement et d'avoir notre mot à dire sur le processus de paix.
En Colombie, les populations les plus pauvres et les plus vulnérables sont les indigènes et les Afro-Colombiens, et nous voulions également leur venir en aide.
:
J'étais la directrice responsable de Haïti quand le tremblement de terre s'est produit, et j'ai donc participé activement aux décisions qui ont été prises à ce moment-là.
Dans un premier temps, l'intervention du gouvernement canadien a été massive. Nous avons appuyé le gouvernement et la population haïtienne. Nous avons accompli beaucoup de choses, même si je sais que, parfois, les gens se sont plaints d'avoir attendu pour avoir un coin où s'installer, mais il a fallu commencer par dégager tous les décombres. Nous avons réinstallé tout le monde. Près de 85 % des gens vivaient dans des tentes; ils ont tous étés relogés. Le système scolaire a été rétabli, des hôpitaux ont été construits, etc. Nous avons donc réalisé beaucoup de choses.
Sur le front politique, il y a bien sûr des problèmes, c'est indéniable, surtout quand on sait qu'il n'y a pas eu d'élections depuis quatre ans. Ils ont essayé d'en organiser l'automne dernier, mais ça n'a pas marché. Nous continuons d'exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il tienne sa promesse d'organiser des élections, et notre ambassadeur à Port-au-Prince, très actif dans ce dossier, ne cesse d'intervenir dans ce sens auprès de la communauté internationale. Nous avons émis un communiqué, la semaine dernière je crois, invitant les Haïtiens à organiser rapidement des élections, parce que nous commençons à perdre patience. C'est le message que nous leur avons transmis.
Nous avons bien sûr renouvelé notre soutien à Haïti en 2015, après un examen de nos programmes, mais nous avons bien dit, à l'époque, que nous étions conscients que c'était une période de transition et que nous attendions qu'un gouvernement soit élu avant de bonifier l'aide que nous accordons à ce pays. Nous sommes toujours dans cette période de transition, pour ainsi dire, et nous attendons toujours qu'un gouvernement soit élu. Cela dit, nous espérons que cela se fera dans un proche avenir. Je peux donc vous assurer que nous faisons ce qu'il faut, dans les coulisses, pour que les choses avancent plus rapidement.
Quant à la MINUSTAH, il est vrai que la rumeur court que le Canada va en prendre la relève. Toutefois, le ministre Dion s'est montré très clair là-dessus: nous n'allons pas prendre le commandement de la MINUSTAH.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je suis heureux de me présenter aujourd'hui devant le Comité au nom du Centre de recherches pour le développement international, mieux connu sous l'acronyme CRDI. Le CRDI se félicite d'avoir la possibilité de participer à l'étude du Comité sur les pays ciblés dans l'optique de l'aide bilatérale au développement du Canada et des thèmes sectoriels prioritaires.
[Traduction]
Aujourd'hui, j'aborderai trois questions. Premièrement, la priorité est importante, mais la flexibilité l'est tout autant. Deuxièmement, l'impact de la recherche dans un pays peut-il être reproduit dans d'autres pays? Troisièmement, le pouvoir de l'action thématique dans plusieurs pays à la fois.
Avant de commencer, toutefois, je juge important de vous fournir des renseignements de base sur le CRDI, qui ont leur utilité pour la discussion d'aujourd'hui.
[Français]
Le CRDI a été fondé en tant que société d'État en 1970, aux termes de la Loi sur le Centre de recherches pour le développement international. Cette loi stipule que le « Centre a pour mission de lancer, d'encourager, d'appuyer et de mener des recherches sur les problèmes des régions du monde en voie de développement et sur la mise en oeuvre des connaissances scientifiques, techniques et autres en vue du progrès économique et social de ces régions ».
[Traduction]
La proposition de valeur du CRDI au regard du mandat de développement international du Canada comporte plusieurs facettes et elle est fondée sur les connaissances et les réseaux de nos employés spécialisés, avoir un impact à grande échelle, et renforcer la résilience des pays. Elle se fonde aussi sur la reddition de comptes au Parlement, à notre Conseil et à nos bailleurs de fonds. Depuis 46 ans, nous contribuons à la grande famille des affaires étrangères en finançant des recherches novatrices et en collaborant avec un vaste réseau mondial d'acteurs, qui aide le Canada à réaliser ses priorités de développement international d'établir d'importantes relations.
Que faisons-nous? Nous finançons des chercheurs qui inspirent des changements mondiaux. Nos bénéficiaires résolvent des problèmes. Nous travaillons avec eux selon une approche thématique. En particulier, nous privilégions trois domaines prioritaires: agriculture et environnement, économies inclusives, et technologie et innovation. Bon nombre de programmes composent ces trois domaines, qui sont en phase avec les priorités du gouvernement du Canada et les besoins des pays en développement.
[Français]
En bref, le CRDI investit dans le savoir, l'innovation et des solutions qui améliorent les conditions de vie et les moyens de subsistance dans le monde en développement.
[Traduction]
J'aimerais maintenant aborder les trois questions que j'ai énoncées tout à l'heure.
Premièrement, la question de priorité et d'endroit où réaliser nos actions. Prenons la maladie à virus Ebola, par exemple. L'Afrique de l'Ouest a connu la plus importante épidémie d'Ebola en 2014 et en 2015 au Sierra Leone, au Libéria et en Guinée. Les partenaires canadiens, y compris le CRDI, étaient aux avant-postes du développement et des essais du vaccin contre le virus Ebola, qui ont sauvé des vies et aidé à stopper la propagation de la maladie. Ce fut un succès retentissant.
Il faut toutefois savoir que ces épidémies deviennent des crises à cause de la faiblesse des réseaux de santé. C'est le constat que nous faisons grâce à notre approche thématique collaborative et transnationale. En Ouganda nous financions des recherches et le renforcement des capacités à l'hôpital Lacor lorsque l'épidémie d'Ebola s'est déclarée en 2000. Grâce à ces investissements, les travailleurs de la santé ont su quoi faire pour enrayer la propagation du virus. L'intervention pilotée par des équipes locales a été fort efficace et a permis de limiter l'épidémie à environ 400 cas.
Il est important d'être au bon endroit au bon moment. Mais il ne faut pas oublier que les investissements à long terme ne produisent pas des résultats instantanément. Nous ne pouvons pas nous contenter de répondre à des crises, nous devons essayer de les empêcher par des investissements à long terme.
Deuxièmement, les résultats de la science et de la recherche s'étendent au-delà des frontières d'un pays. Lorsque le Canada, les États-Unis et le Mexique ont convenu d'éliminer le DDT, un insecticide toxique utilisé pour lutter contre le paludisme, c'était dans le contexte de la ratification d'un accord parallèle de l'Entente de libre-échange nord-américain. C'était très facile pour le Canada et les États-Unis étant donné qu'ils n'utilisaient plus cet insecticide depuis des années, mais le Mexique l'utilisait encore pour lutter contre le paludisme, et ça lui a rendu la tâche beaucoup plus difficile.
Nous avons alors travaillé avec le gouvernement mexicain pour essayer de mettre au point une nouvelle approche afin de lutter contre le paludisme sans DDT. L'approche a été si efficace, le nombre de cas ayant été réduit à quasiment zéro, qu'elle est dorénavant appliquée dans de nombreux autres pays d'Amérique centrale. Il s'agit d'un exemple démontrant qu'une solution développée dans un endroit peut être reproduite dans de nombreux pays.
Troisièmement, j'aborderai le pouvoir des projets thématiques dans de nombreux pays à la fois.
[Français]
Par exemple, le Fonds canadien de recherche sur la sécurité alimentaire internationale est une initiative lancée en 2009 par le CRDI et par le ministère qui est aujourd'hui devenu celui des Affaires mondiales. Jusqu'à maintenant, le Fonds a soutenu 39 projets entre des institutions du Canada et celles de 24 pays en voie de développement, et ce, pour améliorer la sécurité alimentaire. Cette initiative ne cible pas de pays en particulier, mais reconnaît l'importance de la flexibilité en fonction du thème de recherche.
[Traduction]
Jusqu'à présent, les projets de recherche que finance le Fonds ont profité à plus de 383 000 agriculteurs en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux Caraïbes. Parmi les plus de 130 innovations, citons le vaccin cinq-en-un thermostable pour le bétail, qui permet aux agriculteurs de protéger leur bétail de manière abordable et qui ne nécessite ni réfrigération ni rappels de vaccin. Ça a été très efficace.
Le Fonds soutient des chercheurs qui améliorent la tolérance et le contenu nutritif des légumineuses, notamment les lentilles, les haricots et les pois chiches, qui sont des sources de nutrition abordables et riches en protéines pour les populations dans tout le monde en développement.
Ces trois points démontrent comment l'approche thématique du CRDI offre l'occasion à une organisation axée sur la recherche de cibler ses efforts tout en demeurant flexible dans le cadre de son mandat.
J'aimerais conclure avec trois points brefs: les paramètres, le temps et les partenariats.
Les paramètres nous permettent de mesurer le rendement au début et à mi-parcours d'un projet, lorsque les initiatives produisent des résultats intermédiaires. Le but n'est pas de donner de l'argent et d'attendre 10 ans avant de connaître les résultats des investissements, même si cela nécessite de la recherche et que cela prend du temps.Nous devons poursuivre le travail dans les délais établis et apporter les corrections et les ajustements nécessaires, au fur et à mesure.
Deuxièmement, les investissements à long terme nécessitent du temps pour démontrer des résultats. Il faut parfois 10 ou 15 ans de recherches pour aboutir à un résultat. Dans le cas du vaccin Ebola, c'est l'un de nos chercheurs, Gary Kobinger, de l'Agence de la santé publique du Canada à Winnipeg, qui a réussi à le mettre au point en 2015, grâce à l'investissement que nous avons consenti pendant 15 ans.
Nous nous apercevons des avantages du temps dans chaque exemple cité aujourd'hui. C'est la même chose pour le DDT, il a fallu 10 ans d'investissement avant d'en éradiquer l'utilisation en Amérique centrale.
La sécurité alimentaire est un objectif permanent. Le modèle élaboré par le CRDI a fait ses preuves et a attiré de nombreux partenariats. C'était là mon troisième point.
L'une des manifestations les plus éloquentes de ce succès est que d'autres partenaires canadiens et internationaux se joignent à nous et renforcent notre action au moyen de fonds qui permettent d'exécuter des programmes qui incarnent les valeurs et les priorités du Canada.
[Français]
En fait, entre 2010 et 2015, le CRDI a complété ses crédits parlementaires avec plus de 350 millions de dollars provenant de divers donateurs, notamment des fondations privées comme la Fondation Bill et Melinda Gates et la Fondation William et Flora Hewlett, ainsi que les gouvernements du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Norvège.
Je conclurai en disant que je suis d'avis que l'expérience du CRDI dans les domaines de programme et en ce qui concerne les pays prioritaires fait de lui un instrument efficace pour le gouvernement canadien. Notre modèle est à la fois efficace et adaptable, et nous avons toujours visé à aider le gouvernement canadien à remplir son mandat en matière de développement international.
Mesdames et messieurs les honorables membres du Comité, j'espère que ces observations ont été instructives. Nous avons mis à votre disposition des exemplaires de notre Plan stratégique 2015-2020 pour consultation.
[Traduction]
Ce plan stratégique n'est pas une brochure sur papier glacé ni un bref résumé. Il s'agit du plan stratégique du CRDI qui parle de solutions fondées sur le savoir et l'innovation, qui mesure l'impact, appuie le leadership chez les chercheurs, qu'ils soient jeunes ou bien établis, et travaille en partenariat au fond des projets et à leur financement.
Merci de votre attention et merci d'avoir donné au CRDI et à moi-même l'occasion de nous exprimer. Je serai très heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
:
Pour ce qui est de votre premier point sur la collaboration avec Affaires mondiales Canada et nos priorités en développement, il s'agit d'un travail constant. Je dirais que, ces cinq dernières années, la relation s'est radicalement intensifiée. Elle a atteint un sommet dans notre histoire. La collaboration a connu un crescendo. Nous avons aussi une meilleure compréhension commune de notre rôle, ce qui est un des secrets les mieux gardés, et de ce que nous faisons pour aider le gouvernement du Canada, quel qu'il soit, à atteindre ses objectifs.
Il y a des échanges constants. Les domaines auxquels nous nous intéressons, dont l'agriculture, comprennent la sécurité alimentaire, les changements climatiques et les maladies émergentes ou réémergentes. Il existe un rapport très important avec l'environnement. Grâce à cette approche souple, nous pouvons nous charger de ce que le gouvernement veut faire tout en restant à l'avant-garde de la recherche sur des fronts où le gouvernement n'est pas forcément présent. Ainsi, en ce moment, nous parlons beaucoup du virus Zika. Nous avons fait des investissements internationaux dans des équipes de recherche qui s'intéressent aux maladies émergentes et réémergentes.
Hier, les ministres Bibeau et Philpott ont annoncé un programme de recherche doté de 5 millions de dollars sur le virus Zika. De quoi s'agit-il? Nous faisons appel aux meilleurs cerveaux dans les régions en développement et au Canada pour qu'ils collaborent à la recherche de solutions applicables non seulement dans un pays, mais dans une, deux ou trois régions. Ce virus est désormais un problème mondial.
Quant à nos priorités en matière de partenariat, notre raisonnement est solide et facile à comprendre. Le partenaire a-t-il des vues semblables aux nôtres? Allons-nous nous distraire réciproquement et faire de la maraude ambulancière où allons-nous contribuer à la réalisation de nos programmes principaux et au mandat que nous confie la loi? Si la correspondance n'est pas bonne, nous ne nous engageons pas. Quel est notre critère? Nous ne nouons pas de partenariats si nous n'investissons pas des fonds que le Parlement nous a attribués. Si un membre du personnel a une excellente idée et veut un partenaire pour la réaliser et si on lui demande combien d'argent du budget il veut y injecter, on a une bonne idée de la valeur du partenariat.
Si les gens du CRDI ne tiennent pas à investir dans le partenariat, nous nous abstenons. Je peux cependant vous dire que, ces cinq dernières années, nous avons recueilli 350 millions de dollars. Il y a là un effet de levier de 1:3 ou 1:4, à partir des crédits que le Parlement nous attribue chaque année. Au cours des cinq prochaines années, nous espérons atteindre 450 millions de dollars. Cela servira à promouvoir les valeurs canadiennes tout en renforçant nos moyens d'avoir un impact plus important sur le terrain.
Maintenant, l'agriculture. Le petit millet, en Inde, est une céréale à grain dur. On a mis au point une machine simple de décorticage pour assurer un meilleur rendement à la vente du grain. Lorsque la céréale est purifiée, son prix est multiplié par quatre. Il faut donc décortiquer le grain. Une simple machine mise au point par une université indienne, de concert avec plusieurs universités canadiennes, dont McGill et l'université mennonite du Manitoba, a amélioré le processus à faible coût et cette initiative a pris beaucoup de force.
De plus, le petit millet contient autant de protéines que le blé et le maïs réunis et il résiste à la chaleur et aux inondations. Il avait été oublié en Inde pendant la révolution de la culture céréalière et la concentration des grandes cultures. Maintenant, grâce aux recherches effectuées par l'Inde et le Canada, le petit millet a été réintroduit en Inde. Le gouvernement indien injecte même des fonds en recherche pour étendre cette culture dans l'ensemble du pays. Voilà qui montre comment nos recherches dans ce domaine qui, il y a des années, n'étaient pas considérées comme une priorité, rapportent au bout de 10 années de travail.
:
Je vais essayer de l'être aussi, monsieur Levitt.
Nos programmes qui touchent l'agriculture et l'environnement, les économies inclusives, la technologie et l'innovation sont autant d'illustrations du savoir-faire canadien qui existe depuis des années.
Nous avons tendance à oublier que le Canada est très fort en agriculture. Les relations internationales que nous avons en recherche et développement sont considérables. Pour le programme dont je vous ai parlé, il y a des établissements dans tout le pays qui ont des compétences qu'ils utilisent avec leurs pendants des régions en développement, avec qui ils travaillent sur un pied d'égalité. Le Canada ne domine pas; les deux partenaires sont vraiment sur un pied d'égalité. Il peut parfois y avoir un léger déséquilibre. Pour revenir au premier point de votre question, la présence canadienne dans des domaines comme la sécurité alimentaire et l'environnement est reconnue dans nombre d'organisations par le monde.
Deuxièmement, le témoin précédent a parlé de la santé de la mère et de l'enfant. Il y a eu assurément un investissement massif de ce côté, mais il y a autre chose. La recherche sur les menaces et les maladies émergentes sont aussi une spécialité canadienne reconnue dans le monde entier. J'ai parlé du travail de Gary Kobinger. Je peux vous dire qu'il est reconnu dans le monde entier pour la création de ce vaccin.
Le travail du Canada à l'élaboration de politiques économiques est moins connu. Dans certaines situations, le Canada a porté l'innovation à l'avant-plan pour ce qui est des mécanismes économiques et financiers. Il suffit de penser à la crise de 2008 et à notre système bancaire. C'est aussi un domaine où nous avons des groupes de réflexion, par exemple le CIGI de Waterloo, le Centre for International Governance Innovation. Au fil des ans, il a acquis de solides capacités en ce qui concerne les aspects financiers.
Les sciences et la technologie sont le dernier élément. Voici un exemple. Il y a quelques années, j'accompagnais le gouverneur général du Canada, l'honorable David Johnston, pour une visite d'État. Des gens ont commencé à me demander comment le CRDI pouvait les aider à créer des institutions qui financeraient des chercheurs dans leur pays, dans des domaines que nous définirions. Au départ, nous avons travaillé avec 26 pays africains afin de définir les institutions qu'ils souhaitaient avoir. Lorsque j'ai parlé de cela à des collègues au niveau international, ils nous ont traités de fous, disant que, dans certains contextes, ces pays n'ont pas la capacité de faire ce genre de chose.
Nous avons maintenant un programme de 15 millions de dollars qui renforce la capacité de ces conseils subventionnaires, semblables aux nôtres, de façon à relever le défi du XXIe siècle. Voilà comment un pays peut offrir des fonds modestes pour renforcer les capacités de ses étudiants, par exemple au niveau de la maîtrise ou du doctorat, et faire des recherches utiles pour élaborer des politiques et aider les universitaires et les entreprises.
Nous sommes profondément convaincus que, au cours des 10 prochaines années, ce domaine prendra beaucoup d'importance parce que la croissance, dans beaucoup de ces pays, atteint les 6, 7 et 8 %, et qu'il y a un désir de participer dans le monde entier au développement de la recherche pour relever le défi du XXIe siècle aux niveaux national et international.
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C'est une très bonne question, monsieur Aubin. Merci.
Par ailleurs, je vous remercie de vos paroles au sujet de la passion que j'éprouve envers mon travail. Parfois, les gens me disent que j'en ai un peu trop. Après 30 ans au CRDI, je ressens encore la même passion que lorsque j'y suis arrivé. C'est important, je crois.
Je vais maintenant répondre à votre question.
Je disais, dans mon introduction, qu'il était nécessaire d'avoir des objectifs précis, mais qu'il fallait aussi garder une flexibilité. Je vais vous donner un exemple. Lors de la transition démocratique de l'Afrique du Sud, le gouvernement canadien a donné 10 millions de dollars au CRDI pour établir les bases de recherches qui permettraient d'éviter un bain de sang lors des premières élections et de la formation d'un gouvernement démocratique. Nous avons financé la recherche sur la science, sur la réforme des institutions, sur les processus parlementaires et sur la participation à des initiatives comme le développement urbain et la gestion de l'eau. C'était une approche très focalisée. Mis à part le développement de politiques et de pratiques, cette approche a fait en sorte que, lorsque Nelson Mandela a formé son premier cabinet, plus de la moitié des ministres ont reçu ou avaient déjà reçu des fonds du CRDI, de l'aide canadienne. C'était une approche focalisée qui répondait à un besoin à un moment précis, et il est important de conserver cette manière de faire.
Cependant, en ce qui concerne la flexibilité, je reviens à ce que je vous disais au sujet de la recherche agricole. Lorsque nous avons lancé ce programme avec le gouvernement canadien, nous disposions de 124 millions de dollars au total. Nous avons fait un appel de propositions dans 58 pays, je crois, et 24 d'entre eux y participent maintenant. C'est compétitif et c'est fondé sur la qualité. Cela nous permet d'embrasser une thématique de recherche où les expériences menées actuellement en Afrique du Sud, au Canada et au Kenya sur le vaccin pour le bétail nous ont permis non seulement de travailler à cette solution, mais d'attirer l'attention de la Fondation Bill et Melinda Gates, et également du gouvernement canadien. Maintenant, nous avons un programme particulier en matière de vaccins pour le bétail de 65 millions de dollars, qui a été annoncé il y a quelque temps.
Sur le terrain...
:
Investissez davantage dans le CRDI. Non, je plaisante.
Des voix: Oh, oh!
M. Jean Lebel: Il est important de maintenir la continuité, c'est certain.
Si on considère les 46 ans d'histoire du CRDI, on remarque quatre fils conducteurs: agriculture, santé, économie et sciences.
Et dans la politique du gouvernement du Canada au cours des 15 dernières années, on remarque la sécurité alimentaire et l'agriculture ainsi que la santé sous des angles divers. Je ne crois pas que l'orientation thématique fasse problème. Assurer la continuité est plus difficile. Dans mon secteur d'activité, si nous ne travaillons pas sur le long terme, nous sommes fichus.
Nous devons le rappeler sans cesse à nos intervenants, à vous, parlementaires, et à d'autres Canadiens, et même dans le monde entier: si on investit dans la recherche, elle peut ne pas rapporter tout de suite, mais il se peut qu'elle le fasse quelques années plus tard. Et elle peut aussi avoir des retombées imprévues.
Lorsque le vaccin contre la fièvre Ebola a été testé en Guinée, les Guinéens ne voulaient pas que des Canadiens ou des Occidentaux leur disent quoi faire. Ils ont fait venir une équipe du Mali. Par pure coïncidence, cette équipe avait été formée grâce à des subventions du CRDI et du gouvernement du Canada pour les essais du vaccin. Les Maliens ont donc montré aux Guinéens comment s'y prendre, et ceux-ci ont réussi à réaliser la vaccination en anneau. Voilà une illustration de la continuité.