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Bienvenue, chers collègues, à la 140
e réunion du comité des affaires étrangères et du développement international.
Nous soulignons aujourd'hui la septième Semaine de la responsabilisation de l'Iran sur la Colline du Parlement.
Même si, durant la présente réunion, nous mettrons l'accent sur le déplorable bilan du régime iranien en matière de violation des droits de la personne, nous soulignons aussi l'exportation par le régime de la violence et de la terreur partout dans le monde.
Le rôle de déstabilisation que joue l'Iran au Moyen-Orient et, plus précisément, son rôle de soutien à la dictature de Bashar al-Assad sont troublants, tout comme le soutien étatique accordé au terrorisme, qui continue de croître. Plus particulièrement, les activités du Corps des gardiens de la révolution islamique et ses filiales, le Hamas et le Hezbollah, ont causé d'immenses souffrances à des millions de personnes au Moyen-Orient.
En Iran, les habitants continuent de faire l'objet de violation des droits de la personne aux mains d'un régime malicieux et d'un système judiciaire vindicatif. En tant que parlementaires, nous restons déterminés à obtenir la libération de la citoyenne canadienne Maryam Mombeini, qui reste en Iran contre son gré à la suite de la détention inacceptable et du décès de son époux, le Canadien Kavous Seyed-Emami.
Pour commencer l'audience, nous nous entretiendrons avec deux estimés témoins. Nous accueillons, par vidéoconférence, de Londres, Shirin Ebadi, avocate, écrivaine et enseignante. Elle a reçu le prix Nobel de la paix pour son travail de promotion de la démocratie et des droits de la personne en Iran. Nous accueillons aussi, en personne, Masih Alinejad, une militante politique et journaliste. Elle est une défenseure de renom des droits des femmes et de l'égalité en Iran. Mme Ebadi et Mme Alinejad ont toutes deux été emprisonnées par le régime iranien en raison de leur travail.
Madame Ebadi, nous allons commencer par votre déclaration. Nous passerons ensuite à Mme Alinejad, puis aux questions des membres.
Madame Ebadi, la parole est à vous.
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La témoin s’exprime en persan et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Mesdames et messieurs les membres du Parlement du Canada, je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à vous. Je suis désolée de ne pas être là en personne.
Mon pays, l'Iran, est actuellement confronté à deux crises. Il y a premièrement une crise économique. Selon le rapport du gouvernement, le taux de chômage s'élève à 35 %, mais, en réalité, les statistiques sont encore plus élevées. Les travailleurs reçoivent leur paye de nombreux mois en retard. Les gens descendent dans la rue tous les jours pour demander le respect de leurs droits économiques, mais pourquoi y a-t-il une crise économique?
C'est premièrement en raison de la corruption du gouvernement. Malheureusement, cette corruption commence aux plus hauts niveaux du gouvernement et se répercute jusqu'aux employés des niveaux inférieurs. Rien n'avance en Iran sans pot-de-vin, la raison étant les mauvais programmes du gouvernement.
Par exemple, je peux souligner la situation des devises étrangères. Souvent, de mauvais programmes ont été mis en place relativement aux devises et investissements étrangers, des programmes qui étaient inutiles, surtout lorsqu'il était question de vendre des organisations gouvernementales et des usines à très bas prix à des parents et des gens ayant des liens étroits avec le gouvernement. Une telle situation a entraîné la fermeture de nombreuses usines.
Un troisième facteur est lié à l'embargo économique, qui a touché le plus durement le peuple iranien. Parallèlement, le gouvernement a tiré profit de la situation des sanctions économiques et il a accumulé de l'argent sale à ses fins.
L'Iran est confronté à une crise politique, qui, selon moi, a commencé au moment de l'entrée au pouvoir du gouvernement, en 1979. Elle a depuis lentement gagné en ampleur. La principale raison concernait l'idéologie du gouvernement, qui croit que la révolution doit être exportée vers d'autres pays. C'est la raison pour laquelle, exactement deux ans après la révolution en Iran, on a vu le Hezbollah apparaître au Liban, où ce groupe a commencé à créer de l'interférence.
Lorsque les pauvres gens de la Syrie ont commencé leur révolte contre Bashar al-Assad, l'Iran est immédiatement venu à l'aide du régime. L'Iran dépense beaucoup d'argent en Syrie. Après la chute de Saddam, le gouvernement iranien avait beaucoup d'influence en Irak et il a dépensé beaucoup d'argent là-bas. Le gouvernement iranien a donné des armes aux houthis du Yémen et les a armés pour soutenir leur opposition contre l'Arabie saoudite.
En plus du Moyen-Orient, le gouvernement iranien a même tenté d'étendre son influence et de tisser des liens avec des dissidents dans des pays africains. Par exemple, le Sénégal a coupé tout lien avec l'Iran il y a trois ans, même si les relations ont depuis repris. Le Maroc a coupé ses liens avec l'Iran en raison du soutien armé de ce dernier aux dissidents. C'est la raison pour laquelle, dans la région et dans le monde, l'Iran est si isolé. Le nombre de pays soutenant l'Iran est très faible, et, bien sûr, ces pays ont leurs propres raisons politiques et économiques d'offrir leur soutien. Par exemple, la Russie a toujours soutenu l'Iran parce qu'elle tire de nombreux avantages de ses liens avec l'Iran, tout comme la Chine, en raison de ses nombreux contrats dans ce pays.
L'Iran, parmi les pays de la région, a été complètement isolé. En raison de ces crises et au beau milieu de ces crises, le peuple iranien continue de manifester et de descendre dans la rue, mais le gouvernement a toujours étouffé la révolte. La seule réponse du gouvernement à son peuple c'est de le menacer d'emprisonnement et, parfois, d'exécution.
Malheureusement, à l'heure actuelle, en Iran, les prisonniers politiques sont exécutés. Au cours des dernières années, plusieurs personnes ont perdu la vie en raison de leurs opinions. Le nombre exact de personnes exécutées en Iran en raison de leur opinion n'est pas clair, parce que le gouvernement ne le dit pas, et les familles sont menacées afin qu'elles gardent le silence.
Les attaques visant à ébranler les organisations sociales sont répandues. Mon organisation a été fermée. Après la fermeture de nos bureaux, mes collègues ont été emprisonnés. J'aimerais souligner une de mes collègues, Mme Narges Mohammadi, qui a passé six ans en prison. Après avoir purgé sa peine, elle a poursuivi ses activités et a été arrêtée à nouveau. Cette fois-ci, elle a été condamnée à 16 ans de prison, dont 10 devant être purgés. Elle purge actuellement la cinquième année de sa peine.
J'ai été fondatrice et l'une des membres principales de ce comité. J'ai été à la tête de la Nobel Women's Initiative, organisme qui défend les droits de la personne. Les bureaux principaux de l'organisation sont situés dans votre ville, à Ottawa. Nous avons beaucoup parlé, et je suis très heureuse que le gouvernement du Canada porte attention à tout ça. J'espère que vous ferez davantage attention aux gens qui sont emprisonnés parce qu'ils défendent les droits de la personne. Ils ont besoin de protection et de soutien.
Beaucoup d'Irano-Canadiens ont été emprisonnés. La liberté de ces personnes doit être exigée au gouvernement iranien. Tout lien politique avec le gouvernement iranien doit aller de pair avec l'amélioration de la situation des droits de la personne dans ce pays.
Quelle est la solution? De quelle façon peut-on passer au travers de ces crises?
Selon moi, la première étape consiste à modifier la constitution du pays. Selon la constitution, tous les pouvoirs sont donnés à une personne, le Guide suprême de la République islamique. Il peut annuler n'importe quelle loi. Toutes les politiques économiques et stratégiques du pays sont adoptées en fonction de ses notions. Il est choisi à vie par un nombre limité de religieux de haut niveau. Il n'est pas choisi par le peuple. La sélection du Guide suprême est similaire à la sélection du pape, au Vatican.
En Iran, les gens ont très peu de libertés. Il y a beaucoup de censure. Les gens disent souvent à la blague que, en Iran, il y a une seule liberté, et c'est celle d'aller au paradis. Cela signifie que le gouvernement force tout le monde à aller au paradis. Vous n'avez pas le droit d'aller en enfer.
Et maintenant, imaginez écrire un livre ou prendre la parole et le prix élevé que vous devriez payer en Iran. Certains écrivains et poètes sont maintenant en prison là-bas.
Les Iraniens qui luttent pour la cause doivent pouvoir modifier la constitution et faire de l'Iran une république démocratique et laïque. C'est une responsabilité que nous avons tous.
Nous n'avons aucune attente à l'égard des autres gouvernements. C'est notre responsabilité, et les gens se battent pour ça. Ce que nous demandons à la communauté internationale et ce à quoi nous nous attendons de sa part — et surtout du Canada —, c'est de ne pas laisser des voleurs et des gens corrompus entrer dans votre pays. Malheureusement, à l'heure actuelle, je dois dire, certaines personnes qui se sont rendues coupables de détournement de fonds et de corruption ont pris de l'argent sale d'Iran et ont investi au Canada. Pour un pays ayant une réputation comme le Canada, un pays démocratique comme le Canada, ce n'est pas bien. C'est très mal. Puisque tout le monde respecte la culture et le gouvernement de votre pays, les gens sont surpris de la façon dont les lois sur le blanchiment d'argent ne sont pas appliquées au Canada et de la façon dont des gens corrompus qui ont fui l'Iran pour le Canada investissent des millions de dollars dans votre pays. Certaines de ces personnes ont même été déclarées coupables devant des tribunaux iraniens. Même si les tribunaux ne sont pas totalement équitables, les crimes ont déjà été confirmés par les tribunaux iraniens. Pourquoi laissez-vous ces gens entrer dans votre pays?
Je vous demande que toute relation commerciale ou politique avec l'Iran exige préalablement des améliorations de la situation des droits de la personne là-bas, surtout la liberté des défenseurs des droits de la personne en Iran, et tout particulièrement les avocats. Actuellement, il y a quatre avocats en prison qui défendaient les droits de la personne en Iran. L'un d'eux est une proche collègue à moi, qui fait partie de notre ONG, Mme Nasrin Sotoudeh. Elle a été condamnée à 33 ans de prison relativement à 7 chefs d'accusation de crime politique. Elle doit purger un minimum de 10 ans. Actuellement, elle a passé plus d'un an en prison.
Puisque les droits de la personne sont universels et que tout ce qui se passe en Iran est lié à ce qui se passe dans toute autre région du globe, je vous demande de porter davantage attention aux violations des droits de la personne en Iran, tout comme vous le faisiez avant.
Je remercie tout spécialement le gouvernement canadien. Au cours des dernières années, il a proposé de nombreuses résolutions contre le régime iranien à l'Assemblée générale des Nations unies relativement aux violations des droits de la personne. C'est la raison pour laquelle j'estime devoir vous remercier de votre bonne foi.
Merci d'avoir écouté mon discours.
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Bonjour, mesdames et messieurs. Pour commencer, je tiens à tous vous remercier de m'avoir invitée devant le Parlement canadien pour témoigner des violations des droits de la personne en Iran. C'est ironique: il y a 15 ans, j'ai été expulsée du Parlement iranien tout simplement parce que j'avais exposé la corruption. À ce moment-là, je n'imaginais jamais que j'allais me retrouver devant un autre parlement pour témoigner sur ce qui se passe dans mon propre pays au chapitre des droits de la personne.
Je tiens en fait à commencer par parler d'une journaliste irano-canadienne connue. Je suis sûre que vous connaissez tous l'histoire tragique d'une femme belle, merveilleuse et brave, Zahra Kazemi. Elle était photographe irano-canadienne. Elle est allée en Iran. Elle a été arrêtée et elle a été assassinée aux mains de Saeed Mortazavi, l'un des procureurs généraux connus de l'Iran. Il n'a même pas eu droit à une tape sur les doigts.
À ce moment-là, j'étais journaliste politique et je travaillais à Téhéran. Environ un an après la mort de Zahra Kazemi, j'ai été convoquée par Saeed Mortazavi, le même procureur connu. J'avais très peur parce que je savais que ce qui était arrivé à Zahra Kazemi pourrait facilement m'arriver. Tous les journalistes en Iran connaissent Mortazavi, et nous faisions tous de notre mieux pour l'éviter.
Saeed Mortazavi a été un cauchemar, et ce, pas seulement pour les journalistes ou les militants politiques, mais aussi pour beaucoup de manifestants. Il n'a pas été puni en justice. Voici ce qui s'est produit en 2009. Durant des manifestations, encore une fois, après des élections volées, il a été chargé d'arrêter les manifestants. Quatre manifestants qui se sont retrouvés entre ses mains ont été tués. En 2009, plus de 100 personnes ont été tuées. Des milliers ont été arrêtées.
J'ai moi-même interviewé les familles de 57 personnes tuées dans le cadre des manifestations en Iran.
Aujourd'hui, je suis ici pour vous dire que, tant qu'il n'y aura pas un système judiciaire indépendant en Iran, il n'y aura pas de liberté d'expression, pas de liberté politique. Il n'y a pas de liberté de presse. En outre, la liberté de religion n'existe pas, tout comme on ne peut pas choisir les vêtements qu'on porte là-bas.
Aucun des oppresseurs n'est puni en Iran. La responsabilité revient par conséquent à chaque personne à l'extérieur de l'Iran et à la communauté internationale. La responsabilité de passer à l'action leur revient.
Je veux parler du système qui fait de la vie des gens — et des femmes aussi — un enfer. Il n'y a pas d'autre mot pour le décrire. Dès l'âge de 7 ans, les filles sont obligées de porter le hidjab. Si elles ne le font pas, elles ne peuvent pas aller à l'école. Elles ne pourront pas avoir d'emploi ni de permis de conduire. Elles ne pourront pas obtenir des documents officiels, quels qu'ils soient. En fait, elles ne pourront même pas vivre dans leur propre pays. Elles seront expulsées de leur terre natale tout simplement parce qu'elles ne veulent pas porter le hidjab.
Il y a cinq ans, j'ai lancé une campagne intitulée « My Stealthy Freedom ». C'est une campagne locale et un mouvement sur le terrain qui compte plus de trois millions d'abonnés sur Instagram et Facebook. J'ai créé une plateforme où les femmes en Iran peuvent exercer leur désobéissance civile en retirant leur hidjab et en se promenant non voilées en public. C'est un crime punissable, mais ces femmes veulent contester le gouvernement.
Le risque est très élevé. En seulement 1 jour, le gouvernement iranien a arrêté 29 femmes du mouvement des mercredis blancs. La campagne mise sur différentes initiatives. Les mercredis blancs, c'est l'occasion pour les femmes d'aller en public et d'agiter ou de tenir leur foulard blanc.
Dans le cadre d'une autre initiative, qui s'appelle « My Camera Is My Weapon », ma caméra est mon arme, les femmes exercent leur désobéissance civile et filment leurs harceleurs. Elles filment les policiers de la moralité alors même qu'elles sont battues. Elles filment les extrémistes que le gouvernement iranien et les responsables de l'application de la loi laissent battre des femmes et les forcer à porter le hidjab.
Pendant cinq ans, nous avons parlé très fort du port obligatoire du hidjab, mais tous les politiciens du monde entier sont restés silencieux. Ils ne voulaient pas aborder cet enjeu. Pourquoi? Ils croient que c'est un enjeu de nature très délicate et ils ne veulent pas en parler. Une autre raison, c'est en partie le négativisme entourant le président Trump aux États-Unis. Ils veulent que le monde entier reste silencieux parce qu'ils ne veulent pas être associés à l'administration Trump en exerçant des pressions sur les minorités musulmanes.
Permettez-moi d'être claire: je suis une victime d'une interdiction de vol. Je n'ai pas vu mon fils depuis 2 ans, et je n'ai pas vu ma famille en 10 ans, et ce n'est pas Trump qui est coupable, ici. C'est la République islamique qui m'a interdit de prendre les membres de ma famille dans mes bras. Les représentants ont interrogé ma mère de 70 ans en raison de mes activités ici.
Si je peux condamner l'interdiction de voyager, alors j'invite le reste du monde à condamner l'« interdiction imposée aux femmes », de condamner cette interdiction qui pèse sur tous les Iraniens qui pensent différemment.
Lorsque je soulève l'enjeu du hidjab obligatoire, les gens ont quatre arguments pour me faire taire.
Leur premier argument, c'est qu'ils disent que le hidjab obligatoire est une question culturelle et qu'ils ne veulent pas parler d'affaires culturelles. Ils préfèrent laisser les Iraniens s'en occuper.
Je me rappelle que, lorsque Javad Zarif, le ministre des Affaires étrangères de l'Iran est allé en France, il a été questionné au sujet du hidjab. Une politicienne de France lui a en fait demandé pourquoi ils forçaient des non-Iraniennes — des femmes politiques de partout dans le monde qui se rendent en Iran visiter son merveilleux pays — à porter le hidjab. Vous savez ce qu'il a dit? Il a dit que le hidjab faisait partie de sa culture et que les étrangers devaient respecter ça.
Premièrement, j'ai utilisé Photoshop pour l'assujettir à cette soi-disant culture. À l'aide de Photoshop, je lui ai mis un hidjab et j'ai écrit: « Si c'est la culture, alors respectez-la vous-même. Si quiconque veut comprendre ce que cela signifie d'être forcé à respecter la culture, essayez, pour voir. Portez le hidjab de force ne serait-ce qu'une journée. Puis, vous comprendrez et vous ne direz plus jamais que forcer les femmes à porter le hidjab fait partie de votre culture. »
Ce qui est encore plus important, c'est que la culture est souple, elle n'est pas gravée dans le marbre. Elle change d'une génération à l'autre.
Fait encore plus important que ce que je viens de dire — et permettez-moi d'être claire —, c'est que, avant la révolution, les femmes en Iran avaient le choix de porter ou non le hidjab. Ma mère le portait avant la révolution comme elle le fait maintenant. Dans ce cas-ci, nous parlons d'une obligation et nous faisons d'une loi discriminatoire une « partie de notre culture ». C'est une insulte à la nation.
Le deuxième argument qu'utilisent les gens pour me faire taire dans ma lutte contre le hidjab obligatoire est le suivant: ils disent que c'est la loi du pays et qu'il faut respecter la loi. C'est faux. Avant, l'esclavage était légal. Une mauvaise loi doit être remise en question pour qu'on puisse en faire une loi respectable. Beaucoup de femmes en Iran ont sacrifié leur vie pour remettre en question une mauvaise loi. Lorsqu'on légitimise la même loi, on habilite en fait le gouvernement à exercer plus de pression sur les femmes.
Le jour même où Shaparak Shajarizadeh, l'une des femmes de ma campagne, a été arrêtée parce qu'elle avait brandi son foulard en public, trois femmes politiciennes des Pays-Bas qui se sont rendues dans mon pays ont respecté la loi sur le port obligatoire du hidjab sans même la remettre en question. Leur argument, c'était qu'elles voulaient respecter la loi. Lorsqu'une femme risque sa vie et se fait arrêter parce qu'elle remet en question une mauvaise loi, il est de la responsabilité de toutes les femmes politiciennes de partout dans le monde, lorsqu'elles vont en Iran, de comprendre la situation et de remettre en question elles aussi cette mauvaise loi. Pourquoi? Permettez-moi de vous donner un autre exemple.
Si des représentants de mon gouvernement se rendent en France, la première chose qu'ils demandent, c'est de retirer toute consommation alcoolique des repas officiels. Pourquoi? Parce qu'il faut respecter les valeurs islamiques. Ils ne disent jamais que c'est la culture de France ou que c'est la loi et qu'il faut respecter la culture d'un autre pays. Ils font respecter leurs valeurs. Par conséquent, je veux que vous fassiez respecter les valeurs associées aux droits de la personne.
Nous nous rappelons tous l'interdiction de la burka en France. Le monde s'est uni pour condamner cette interdiction. Personne n'a dit que c'est un aspect de la culture française, que c'est une loi et qu'il faut respecter la loi de France. Nous l'avons tous condamnée. Lorsqu'il est question de la République islamique et de l'Arabie saoudite, pourquoi est-ce que le monde entier reste silencieux?
Le troisième argument, c'est lorsqu'ils n'ont jamais aidé les femmes iraniennes. Ils disent que le port obligatoire du hidjab est un enjeu intérieur, un enjeu national. C'est faux. Dans la mesure où le gouvernement iranien force toutes les femmes non iraniennes, les politiciennes, même les ministres étrangères, en fait, même la première dame, à porter le hidjab, lorsqu'elles se rendent en Iran, ce n'est plus une question interne, et il n'est pas seulement question des femmes en Iran. On parle ici de toutes les femmes du monde entier.
Je veux vous donner un exemple. Toutes les athlètes sont forcées de porter le hidjab lorsqu'elles veulent participer à un tournoi international en Iran. Pensez-y. Au Canada, si le gouvernement adopte une loi selon laquelle toutes les femmes musulmanes peuvent participer à un tournoi au Canada si elles retirent leur hidjab, que feriez-vous? Qu'est-ce que le reste du monde ferait? Ce n'est pas ce que je veux que vous fassiez.
Lorsque toutes les athlètes femmes sont forcées de porter un hidjab, alors il faut s'élever pour assurer le respect de la dignité des femmes. Ici, nous parlons de femmes qui sont forcées à porter le hidjab ou à le retirer... peu importe. Cependant, si on prend une mesure d'un côté et qu'on reste silencieux de l'autre, alors on est tous des hypocrites. Il faut respecter les normes internationales, pas appliquer deux poids deux mesures.
Le quatrième argument, c'est lorsque l'ensemble de la planète reste silencieux. Les gens disent qu'ils ne veulent pas s'occuper de la question du hidjab obligatoire, parce que cela crée de l'islamophobie. C'est parce que vous n'avez jamais vécu dans un pays ni fait l'expérience de « femmophobie »; c'est un mot que je viens d'inventer.
Nous vivons dans un pays où les gens ont peur des femmes, peur de mon corps, de mes cheveux, de mon identité et de mon existence. Alors, vous pensez qu'on crée de l'islamophobie... ou les représentants de la loi me fouettent, m'arrêtent, me frappent, me rouent de coups ou interrogent ma mère... Causons-nous de l'islamophobie lorsque nous fouettons les gens qui consomment de l'alcool, qui réfléchissent ou choisissent un autre mode de vie? Non. Ce sont tous des éléments de la sharia, qui fait de nous des citoyens de deuxième ordre. C'est eux qui causent l'islamophobie, pas nous.
Croyez-moi, soutenir le droit des femmes en Iran et en Arabie saoudite ne fait pas de vous un islamophobe. Joignez-vous à nous.
La dernière chose, c'est que les gens disent toujours que c'est un enjeu mineur et que le Moyen-Orient a des plus gros problèmes à régler, alors concentrons-nous sur ceux-là. Permettez-moi d'être claire. En 2014, le gouvernement iranien a arrêté 3,6 millions de femmes tout simplement parce qu'elles portaient un hidjab inapproprié. En 8 mois, il a envoyé à la fourrière 40 000 véhicules parce que les conductrices portaient un hidjab inapproprié. Vous croyez encore que c'est un enjeu mineur?
Ce n'est pas un enjeu mineur lorsque le foulard et le hidjab sont entre les mains du gouvernement qui force les femmes à adopter une fausse identité chaque jour. Pendant 40 ans, le gouvernement iranien a écrit son idéologie sur le dos des femmes iraniennes, alors c'est nous qui portons le symbole le plus visible de l'oppression. Pendant 40 ans, c'est devenu le code génétique de la République islamique, le pilier principal de cette république.
Si vous croyez encore que c'est un enjeu mineur, je vais vous donner un autre exemple. Lorsque le gouvernement en place ne nous permet pas de contrôler ce qu'on met sur notre tête, croyez-moi, ce gouvernement ne nous laissera jamais contrôler ce qui se passe dans notre tête. C'est la raison pour laquelle je dis toujours... et la raison pour laquelle j'invite tous les politiciens de partout dans le monde à défendre les valeurs universelles. Ne dites pas qu'il s'agit d'affaires internes, parce que les droits de la personne sont un enjeu mondial, et nous devons tous les défendre.
Je sais que je parle beaucoup, mais c'est parce que j'ai beaucoup de choses à dire.
Mon dernier point, c'est que les femmes iraniennes luttent et risquent leur vie. Actuellement, il y a trois militantes en prison. Yasamin Ariani et sa mère sont en prison parce qu'elles ont distribué des fleurs à des femmes qui portaient le hidjab afin de les inviter à se joindre au mouvement des mercredis blancs. Mojgan Keshavarz et Vida Movahed sont en prison parce qu'elles ont manifesté contre le port obligatoire du hidjab.
Si vous croyez que c'est un petit problème, pensez à toutes les femmes emprisonnées tout simplement parce qu'elles veulent prendre des décisions relativement à leur corps. Mon corps, c'est mon choix. Ce n'est pas une mince affaire.
Lorsque les femmes iraniennes luttent pour leur dignité, elles revendiquent leurs droits et tentent de tenir la République islamique responsable de ses actes. Imposez des sanctions à tous les oppresseurs et responsabilisez-les. Demandez-leur de libérer les femmes qui manifestent contre le hidjab obligatoire. Demandez-leur de libérer tous les prisonniers politiques. C'est ce que j'exige de vous, et c'est ce qu'exigent de vous aussi de nombreuses femmes en Iran.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup de cette question importante.
Je suis favorable à des sanctions ciblées, et je tiens à dire clairement que, oui, des sanctions générales sont néfastes pour le peuple iranien. Les gens ordinaires souffrent lorsqu'il y a des sanctions générales. Cependant, les Iraniens veulent des sanctions ciblées contre le Sepah, les Gardiens de la révolution et la télévision nationale iranienne, parce que ce sont les principaux outils de propagande du régime.
En fait, la télévision islamique présente des militants à la télévision afin qu'ils fassent de fausses confessions. Ils le font à beaucoup de militants: des militants politiques, des militants étudiants, des militants des droits des femmes et des avocats.
Les gardiens de la révolution jouent aussi un rôle important dans l'oppression du Mouvement vert. Comme je l'ai dit durant mon témoignage, plus de 100 personnes ont été tuées, et ce sont les Gardiens de la révolution qui sont responsables. C'est la raison pour laquelle je crois fermement que des sanctions ciblées aideraient les nôtres.
En fait, beaucoup de personnes utilisent les médias sociaux pour s'exprimer. Lorsque Javad Zarif ou le président de l'Iran condamne cela et demande au reste du monde de lire leurs gazouillis et de comprendre que les gens ne sont pas heureux des sanctions dirigées contre les Gardiens de la révolution, vous devez bien comprendre que c'est un mensonge.
Twitter est filtré en Iran. Le gouvernement iranien filtre en fait les médias sociaux afin de ne pas permettre aux gens de s'exprimer. C'est tellement ironique de savoir qu'ils utilisent les médias sociaux pour dire que les sanctions sont néfastes pour les gens.
En fait les gens se parlaient dans la rue à Téhéran et disaient: « Notre ennemi est ici. Ils nous mentent. Notre ennemi, ce n'est pas l'Amérique ».
Ils demandaient quel est l'avantage de l'accord. Les gens célébraient l'accord iranien dans la rue, et ils dansaient ensemble. Ils étaient très heureux, et le principal slogan des manifestations était plus souvent: « Pourquoi envoyez-vous de l'argent à Gaza? Pourquoi envoyez-vous de l'argent au Liban? Pourquoi envoyez-vous de l'argent en Syrie? » Les gens se plaignaient du fait qu'ils ne bénéficiaient pas de l'accord.
C'est la raison pour laquelle beaucoup de personnes en Iran soutiennent en fait les sanctions contre les Gardiens de la révolution et les sanctions contre le principal outil de propagande islamique, la télévision nationale iranienne.
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Permettez-moi de mieux vous expliquer ce qui nous est arrivé, nous, le peuple d'Iran, après la révolution.
Mme Ebadi était une juge, mais après la révolution, on lui a interdit d'occuper un tel poste. Il y avait des femmes ministres, des chanteuses, des femmes qui entraient dans les stades ou qui pratiquaient les différents sports qu'elles voulaient.
Après la révolution islamique, toutes les libertés sociales nous ont été retirées. C'est la raison pour laquelle je dis que cette révolution islamique est devenue une révolution contre les femmes. Si nous voulons gagner la bataille, alors chaque femme devrait avoir sa propre révolution contre les oppresseurs. C'est ce que, en fait, les femmes en Iran font à l'heure actuelle.
Je veux vous donner un exemple d'un changement de culture en Iran. Au début, lorsque j'ai lancé ma campagne My Stealthy Freedom et que j'ai invité les femmes à se joindre au mouvement contre le port obligatoire du hidjab, les gens disaient que j'allais créer une guerre culturelle. Je n'arrêtais pas de leur rappeler que non, notre culture est tolérante. Avant la révolution, comme je l'ai dit, nous avions de belles photos de femmes marchant côte à côte dans la rue ensemble. C'est mon rêve, de me promener avec ma mère, côte à côte. Elle porte le hidjab, et je ne le porte pas. C'était difficile pour les gens en Iran.
Actuellement, il s'agit du mouvement de désobéissance civile le plus important en Iran. Les gens créent réellement une transition culturelle. Les gens parlent ensemble et débattent librement. Une femme a, en fait, utilisé sa caméra et a filmé des policiers de la moralité pour montrer au reste du monde que ce n'est pas notre culture. C'est l'une des lois les plus discriminatoires qui fait en sorte que les femmes sont battues. Elle l'a filmé. Elle m'a envoyé le vidéo. Je l'ai affichée sur mon compte Instagram, et 9 millions de personnes l'ont vu. Croyez-moi, le Guide suprême de l'Iran n'obtient pas autant de visionnements.
Cela montre en fait le pouvoir des femmes ordinaires qui veulent apporter des changements au sein de la société. Ce que nous voulons, c'est que vous ne fassiez pas fi d'elles et que la communauté internationale reconnaisse ces femmes. Avant l'accord, lorsque Catherine Ashton et qu'une haute représentante du Parlement européen de l'UE se sont rendues en Iran, elles ont fixé une condition: elles voulaient se rendre là-bas et conclure un accord, mais elles voulaient rencontrer des militants des droits de la personne. Leur souhait a été exaucé, et elles ont parlé à Narges Mohammadi. Cependant, après l'accord, qu'est-ce qui est arrivé? L'accord sur les droits de la personne a été enterré sous l'accord nucléaire, et les responsables ont fait fi des droits de la personne.
Ce que je veux, c'est qu'on n'oublie pas les droits de la personne et qu'on prenne soin des gens qui luttent dans la société.
Monsieur le président et honorables membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et du Sous-comité des droits internationaux de la personne, en tant qu'Irano-Canadien, j'ai l'honneur et le privilège de prendre la parole devant vous sur la question de la responsabilité environnementale en Iran, en m'intéressant à l'eau ou, plus exactement, à sa pénurie.
En vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le droit humain à l'eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d'une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun.
On pourrait dresser une longue liste des activités destructrices de la République islamique d'Iran qui ont conduit à la destruction des ressources hydriques nationales, entraînant ainsi la misère, la régression et le recul du pays sur le plan environnemental. Des ouvrages non viables, comme la construction de plus de 650 barrages sans études environnementales sérieuses et l'octroi de permis pour creuser 400 000 puits, en plus de la fermeture de 430 000 autres puits illégaux, ont eu des retombées négatives majeures sur les ressources en eaux de surface et souterraines sur tout le territoire. En conséquence, des millions d'agriculteurs en difficulté ont abandonné leurs terres agricoles et quitté leurs villages. C'est une situation semblable à celle de la Syrie avant la guerre civile.
Plus de 33 000 villages ont été partiellement ou totalement abandonnés, principalement en raison de la destruction des ressources hydriques nécessaires à l'agriculture. En 2013, les responsables gouvernementaux ont confirmé la disparition de 85 % des ressources en eaux souterraines de l'Iran. Cette même année, 12 millions d'Iraniens vivaient en périphérie des villes, dans des bidonvilles et, à la fin de 2018, on a annoncé que ce nombre atteignait 19 millions.
Par ailleurs, l'absence de plans et de projets de gestion des bassins hydrographiques a provoqué des effets catastrophiques, en particulier lors des récentes inondations dévastatrices. L'Iran est en train de perdre plus de 2 milliards de tonnes de terres arables, d'une valeur supérieure à 70 milliards de dollars canadiens. L'érosion des sols découle directement de la dégradation des prairies et des forêts, en particulier pendant la saison des inondations.
Il convient également d'ajouter les conséquences de la désertification et de l'abandon des terres agricoles. Tout au long de récentes inondations dans les provinces occidentales et méridionales du Lorestan, de l'Ilam, du Khuzestan et du Fars, ainsi que du Golestan dans le Nord, des dizaines d'innocents ont trouvé la mort dans ces crues boueuses, surtout en raison d'une mauvaise gestion. Une catastrophe qui aurait pu être gérée et en grande partie évitée a touché plus de 10 millions d'Iraniens.
En tant que spécialiste de la conservation de l'eau et journaliste, j'ai averti en personne l'ancien président Mohammad Khatami, en 2001, des conséquences que les politiques de son gouvernement visant à construire un aussi grand nombre de barrages et à transférer de l'eau d'un bassin à un autre pourraient avoir sur ces projets. Force m'est de reconnaître, avec tristesse, que, après 18 ans, ce que j'avais prédit se produit maintenant. L'Iran est un pays en faillite d'eau. En faisant fi de l'importance de la gestion des bassins versants et du maintien des aquifères, il a tout détruit.
Le maintien de ces politiques, dirigées par un certain nombre d'anciens dirigeants étudiants qui ont occupé l'ambassade des États-Unis en 1979 avec l'aide des Gardiens de la révolution, est en train de détruire le pays. Ces dirigeants étudiants et les Gardiens de la révolution sont responsables du blocage de fleuves et rivières et de la destruction des aquifères par un très grand nombre de barrages.
Différentes administrations ont collaboré avec le corps des Gardiens de la révolution islamique, les GRI, pour construire de grands barrages et des projets de transfert d'eau entre bassins hydrographiques sans tenir compte des conséquences environnementales et sociales de la réalisation de ces mégastructures. La construction irresponsable de barrages tels que le barrage Karun-3 sur le fleuve Karun a entraîné l'inondation et l'évacuation de dizaines de villages, la destruction de milliers d'hectares de terres agricoles, la disparition de milliers d'années d'histoire et de patrimoine culturel et la migration de dizaines de milliers d'habitants vers les bidonvilles et la périphérie de villes comme Izeh.
Avant les pluies torrentielles récentes, le lac d'Urmia avait perdu 90 % de son volume en raison de la construction de plus de 70 barrages, de l'épuisement des eaux souterraines du bassin et du développement d'une agriculture non durable dans la région. Les habitants de la province d'Ispahan ont été consternés par le transfert des droits à l'eau des marais et des terres agricoles vers d'autres régions, et les manifestations des agriculteurs se sont poursuivies pendant plus d'un an. L'épuisement des ressources en eaux souterraines a entraîné l'affaissement du sol et la désertification.
À la fin 2017 et au début 2018, les victimes des stratégies du régime, y compris de ses politiques relatives à l'eau, dont beaucoup ont perdu leur emploi et leur ferme, se sont jointes aux protestations à l'échelle nationale. Depuis décembre 2017, les manifestants qui ont perdu la vie venaient de villes comme Dorud, Tuyserkan, Ghahdrijan, Kazerun et Izeh, des régions qui ont été touchées par la pénurie d'eau. Un approvisionnement annuel en eau par personne à moins de 1 000 mètres cubes pourrait se traduire par une crise d'eau. De nombreux Iraniens sont confrontés à cette pénurie.
D'après l'analyse réalisée par le Center for Naval Analyses, avec l'accroissement du stress hydrique, les risques de troubles civils, d'instabilité et de violence augmenteront considérablement. Les promoteurs des droits de l'homme et des valeurs démocratiques ne considèrent pas la pénurie d'eau et l'escalade de la violence comme un signe positif. Ça ne peut pas être perçu ainsi. La survie deviendra la priorité absolue dans de nombreuses régions d'Iran, et des millions de personnes n'auront d'autre choix que de fuir le pays.
Le monde est-il prêt pour un autre exode? Au cours des dernières années, certains ont dû payer le prix fort pour sensibiliser la population et essayer de sauver l'environnement. Arrêté par les forces de sécurité des Gardiens de la révolution, Kavous Seyed-Emami, écologiste et sociologue irano-canadien, a payé de sa vie, car il est décédé dans des conditions suspectes en isolement cellulaire. À l'heure actuelle, un certain nombre de ses collègues, dont Niloufar Bayani, diplômé de l'Université McGill, risquent une condamnation à mort pour des crimes qu'ils n'ont jamais commis.
L'absence de responsabilisation, principal résultat d'un système non démocratique, accorde une marge de manœuvre et l'impunité aux membres du gouvernement de différentes tendances politiques, ainsi qu'aux Gardiens de la révolution. Le copinage et la corruption vont de pair, surtout en l'absence de médias libres et indépendants. Il me faut souligner le fait, porté à mon attention, qu'un certain nombre de membres d'entreprises et d'organisations associées aux Gardiens de la révolution et au régime islamique dans la destruction des ressources en eau de l'Iran, résident confortablement au Canada, dans un pays riche en eau, alors que des millions d'Iraniens souffrent des conséquences de leurs actes.
J'espère que le Comité cherchera activement à obtenir des renseignements concernant les anciens partenaires de la République islamique qui ont émigré au pays. Bon nombre de ces personnes fortunées ont allègrement transféré des millions de dollars au Canada, tout en fermant les yeux sur les crimes contre l'humanité et l'environnement. J'espère qu'ils reviendront à la raison.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant le Comité et de faire partie d'un tel groupe d'intervenants. Et je crois que c'est une initiative vraiment importante.
Je suis ici pour vous permettre de mieux comprendre ces enjeux et parler de la question des ressortissants étrangers et des personnes ayant la double nationalité qui sont détenus en Iran, y compris des citoyens canadiens, ainsi que de ce que le Comité et le Canada peuvent faire pour ces gens.
Comme le président l'a dit, je m'appelle Richard Ratcliffe et je suis l'époux de Nazanin Zaghari-Ratcliffe, une femme britanno-iranienne au service d'un organisme de bienfaisance qui est actuellement détenue dans la prison d'Evin, en Iran.
L'histoire de Nazanin, comme le président l'a mentionné, a commencé il y a trois ans. Elle a été arrêtée pendant ses vacances. Elle était partie en vacances avec sa famille pour célébrer le Nouvel An iranien avec notre fille de 21 mois. Elle a été arrêtée. Le passeport de notre fille a été confisqué. Elle a été placée en isolement cellulaire et envoyée dans un lieu inconnu.
Plus tard, elle a été accusée dans les médias iraniens d'espionnage et condamnée à cinq ans d'emprisonnement pour des accusations secrètes lors d'un procès secret. Durant son procès, elle n'a pas été autorisée à prendre la parole.
Juste avant qu'elle devienne admissible à la libération conditionnelle, un deuxième procès s'est ouvert contre elle pour l'empêcher officiellement de devenir admissible à la libération conditionnelle. Cela a été imputé aux paroles du secrétaire d'État des Affaires étrangères du Royaume-Uni de l'époque, Boris Johnson, qui avait dit par erreur que son travail consistait à former des journalistes. L'appareil judiciaire iranien s'est emparé de ses propos pour justifier le procès.
Ce deuxième procès s'est ouvert et s'est fermé de façon périodique. Il y a deux jours, il a été rouvert par le porte-parole judiciaire, et nous attendons son verdict.
En réalité, Nazanin est détenue par les autorités iraniennes comme levier diplomatique dans un différend opposant le Royaume-Uni et l'Iran par rapport à quelques sommes impayées que le Royaume-Uni doit à l'Iran pour une vieille dette d'armement. La plupart des événements étranges entourant notre cas, et il y en a eu beaucoup, peuvent se rattacher à la dynamique liée à ce différend. Ce que le porte-parole judiciaire a dit cette semaine est logique, parce que ce différend se retrouvera de nouveau devant les tribunaux à Londres plus tard au cours du mois.
Aujourd'hui, je ne tiens pas nécessairement à parler directement du cas de Nazanin; je souhaite plutôt faire ressortir qu'elle n'est pas la seule détenue. Elle est un des nombreux ressortissants étrangers et ayant la double nationalité qui sont détenus en Iran pour des motifs arbitraires. Nous avons eu connaissance de plus de 30 cas depuis 2014. Évidemment, il y en a d'autres qui sont inconnus, car de nombreuses familles choisissent de ne pas en parler.
Parmi ces cas, on compte actuellement un certain nombre de détenus canadiens. Nazanin a déjà eu pour camarade de cellule une dame appelée Homa Hoodfar qui a heureusement été libérée. En ce moment, il y a un homme qui s'appelle Saeed Malekpour, qui se trouve dans la prison d'Evin depuis 11 ans. Comme mon collègue l'a mentionné, Kavous Seyed-Emami a été détenu et est mort dans des circonstances mystérieuses à Evin l'a dernier. Son épouse, Maryam Mombeini, est actuellement détenue en Iran, et une affaire de sécurité nationale a été ouverte contre elle à la suite de sa mort.
Human Rights Watch a documenté le ciblage systématique des ressortissants étrangers et des ressortissants ayant la double nationalité par les services de sécurité iraniens, particulièrement ceux ayant des liens avec le monde extérieur, que ce soient des universitaires, des travailleurs des organismes de bienfaisance, des travailleurs des TI ou des journalistes, dans certains cas. Ils sont souvent victimes de coups montés, des affaires de sécurité nationales opaques utilisées pour justifier le contrôle interne, puis sont utilisés pour le marchandage externe avec le pays duquel ils détiennent leur autre passeport.
Un certain nombre de personnes ont été prises pendant leurs vacances; certaines sont très vieilles, et d'autres, jeunes. Dans le cas de Nazanin, elle allaitait toujours lorsqu'elle a été capturée.
Le mois dernier, certaines des familles se sont réunies et ont produit un mémoire à l'intention des Nations unies dans le cadre de l'Examen périodique universel, ce qui était vraiment une tentative de se réunir et de parler d'une voix commune.
Pour ma part, j'ai été frappé de constater la quantité de tendances courantes qui ressortaient dans ces cas: les procès secrets, le refus de fournir un avocat, l'utilisation de l'isolement cellulaire pour soutirer des aveux, le fait de garder les détenus sans contact avec l'extérieur et loin de leur famille, le fait de les empêcher d'accéder à des services consulaires, le refus d'un traitement médical comme outil de pression. Il y a eu un nombre passablement élevé de crises cardiaques, particulièrement chez les hommes âgés, qui ont eu besoin de chirurgie cardiaque; de très graves problèmes de dos pour de nombreuses personnes ayant dormi sur le sol pendant de nombreux mois; des dépressions presque constantes; et souvent, un certain nombre de grèves de la faim pour obtenir l'accès à des services médicaux. De plus, on a vu la diffusion de calomnies à la télévision d'État iranienne; on a utilisé des documents privés et on a inventé des histoires; on a diffusé des aveux qui avaient été soutirés pendant l'isolement cellulaire, des aveux souvent faux et amers pour les familles par la suite; bien sûr, on a vu le pillage de maisons familiales et la saisie de biens familiaux; et l'utilisation de menaces pour maintenir la surveillance.
C'est un sale commerce — et c'est bien ce que c'est: un commerce. Il y a deux semaines, le ministre des Affaires étrangères Zarif était à New York pour faire la promotion de l'idée d'un échange de prisonniers. Il a mentionné Nazanin, puis une fois qu'il a eu l'attention des médias, il a retiré l'offre et exprimé clairement que des exigences et un accord différents étaient nécessaires pour Nazanin.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire qu'il y a une lacune au chapitre de la protection pour toutes ces personnes qui sont détenues de cette façon. C'est une crise des otages. Nous avons besoin de l'aide du Canada, et d'autres pays; ils doivent protéger leurs propres citoyens et les citoyens d'autres États aux vues similaires et vraiment mettre en application un certain type de responsabilisation pour ce type de prise d'otages.
Le manque de protection est partiellement attribuable au défaut de reconnaître ce qui se passe et au fait de considérer ces cas individuels comme aléatoires et injustes, plutôt que comme une forme de diplomatie envahissante.
En outre, l'Iran est spécial à bien des égards, mais il convient de souligner qu'il s'agit du seul pays qui capture des citoyens étrangers et les utilise à son avantage. Le Canada vit actuellement cette situation avec la Chine.
Il me semble que l'érosion des normes précédentes contre les prises d'otages par les États crée davantage qu'une lacune au chapitre de la protection pour les citoyens individuels. Cela risque de créer un nouveau Moyen-Âge du droit international, et c'est quelque chose qui devrait être pris très au sérieux par tous les pays étrangers et les parlements du monde.
La frustration commune pour nous et la plainte que vous entendrez de la part des Canadiens et des Britanniques, c'est qu'on n'en fait pas assez pour nos familles individuelles et que nos cas se comparent à des épaves sur la mer de préoccupations politiques plus grandes, qu'elles soient liées à une entente nucléaire ou autre.
Pour moi, la question est celle de l'approche et de la responsabilisation. C'est pourquoi cette semaine est très importante. Je crois que, après trois ans, il doit y avoir une intervention très claire à l'égard de la prise d'otages et que le Canada peut jouer un rôle important à ce sujet. Il l'a fait dans d'autres domaines des droits de la personne.
Nous parlons évidemment de deux domaines précis. Le premier est le travail aux Nations unies, où le Canada joue un rôle très important avec l'Iran et les résolutions sur les droits de la personne. C'est la voix principale dans l'Examen périodique universel. Je crois que nous demanderons au Royaume-Uni de tenir des séances selon la formule Arria au Conseil de sécurité. C'est une question non pas juste de droits de la personne, mais aussi de paix internationale et de sécurité comme norme qui a été érodée.
De plus — et c'est un sujet qui fait partie du séminaire — n'oublions pas les sanctions Magnitsky et l'idée de sanctions qui sont axées sur les personnes en vue de la responsabilisation des personnes; plutôt que de constituer un certain type d'outil de punition collective, elles ciblent très clairement les auteurs de violations claires.
Sur une note personnelle, au lieu de parler au nom de toutes les familles, je crois qu'il est très important pour le Canada, tout comme d'autres États aux vues similaires, de hausser le coût des prises d'otage de toutes les manières possibles. En réalité, il doit y avoir une coordination à l'échelle internationale. Nous sommes tous en faveur d'un écho, d'une efficacité à l'échelle des administrations. Souvent, dans les cas individuels, et le Canada en fera l'expérience aussi, vous vous sentez désorientés par un manque de solidarité. En fait, il est très important que nous soyons tous forts ensemble.
Je crois que les trois dernières années m'ont montré que les abus systématiques se règlent rarement par des euphémismes et par le manque de reconnaissance de ce qui se passe; il faut plutôt privilégier des valeurs partagées et la responsabilisation à l'égard d'un monde partagé. Le monde n'a pas besoin d'être ainsi.
S'il me reste du temps, j'aimerais terminer par quelques mots de Nazanin, juste par rapport à ce qu'elle m'a dit plus tôt: les gens ordinaires sont toujours au centre des questions touchant les droits de la personne. Elle a écrit une lettre le jour de l'anniversaire de son arrestation, où elle dit ceci:
Te rappelles-tu l'époque où j'étais fière de mon pays et que j'avais l'habitude de raconter chaque petit détail à ta famille et à tes amis? Te rappelles-tu que j'avais l'habitude d'insister pour me rendre chaque année en Iran afin d'y passer le Norouz? Je ne te demanderai plus jamais cela. Ce n'est pas pourquoi j'essayais d'enseigner des choses, à toi et à ta famille, au sujet de mon pays.
J'ai passé les neuf premiers mois de l'an dernier en isolement cellulaire pour un crime que je n'ai pas commis. De nombreux jours durant lesquels je croyais ne plus jamais te revoir. Chaque jour et chaque seconde, je me plongeais de plus en plus dans un océan de doute, de peur, de menaces, de solitude et, plus que tout, de méfiance.
Personne n'était là pour me voir crier pour ma fille de deux ans qui n'était pas dans mes bras.
Mais tiens-moi la main, terminons ce chapitre. Nous surmonterons cette douleur. Aujourd'hui, la liberté s'est rapprochée d'un jour.
Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
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La réponse honnête, c'est oui, et cela varie au fil du temps.
De façon générale, selon notre expérience, lorsqu'une personne est détenue en isolement cellulaire, nous n'avons pas de communications pendant les premiers mois, qui est vraiment la période d'interrogatoire active. Par la suite, Nazanin a été autorisée à me téléphoner, et c'était généralement un appel très bref, où un interrogateur se tenait à ses côtés. C'était un genre d'échange de renseignements très protégé, mais au moins, nous savions qu'elle était vivante.
Les sections différentes de la prison d'Evin, qui est le principal établissement carcéral en Iran, sont contrôlées par des entités différentes. La section des interrogations, contrôlée par les Gardiens de la révolution, est assez terrifiante, et les communications sont très contrôlées. Après que Nazanin a été accusée et après notre appel, elle a été déplacée vers l'aile régulière, et elle est donc maintenant une des détenues de l'aile des femmes où se trouvent des femmes très inspirantes.
Il y a un roulement par rapport au moment où vous recevez des appels téléphoniques. Je ne peux jamais l'appeler, mais elle peut m'appeler. Tous les appels téléphoniques sont enregistrés, mais ce n'est pas aussi...
C'est maintenant la situation dans la plupart des cas, certainement ceux des Canadiens, en tout cas. Ils peuvent faire des appels téléphoniques une ou deux fois par semaine, ce qui est habituellement suffisant pour donner des nouvelles. Un appel de 10 minutes, ce n'est pas nécessairement formidable quand quelqu'un est au désespoir. Vous savez comment la personne se sent, mais vous ne pouvez vraiment rien faire par rapport à cela.
Certains des aspects les plus difficiles dans tout le processus, ce sont probablement le désespoir de Nazanin à l'autre bout du fil et le fait que je ne peux pas être là-bas. Je suis un époux qui peut faire campagne, donc je peux prendre les renseignements et m'en servir dans les médias ou en utiliser une partie, mais je ne peux pas vraiment être un vrai époux et juste l'écouter.
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Bonjour, messieurs. Merci beaucoup d'être venus ici.
Monsieur Kowsar, j'aimerais commencer par vous. Je crois que vous avez soulevé une question très importante que de nombreuses personnes dans le monde ne comprennent pas, parce que nous nous intéressons davantage à l'accord nucléaire et à ses ramifications. Personnellement, la crise de l'eau est existentielle pour l'Iran, et ce, pour un certain nombre de raisons.
La première, c'est que, si vous regardez les 40 dernières années, la population iranienne a doublé, passant d'environ 34 à 80 millions de personnes, mais 85 % des eaux souterraines sont disparues. Cette situation crée non seulement un problème national interne, mais aussi un problème externe, parce que les ressources en eau de l'Iran sont partagées avec 12 pays. Vous avez mentionné l'Irak et l'Afghanistan.
Toutefois, pour moi, il y a quelques raisons qui expliquent la crise interne. En ce moment, et même au cours des dernières années, étant donné le conflit avec l'Occident, l'Iran souhaitait avoir une sécurité alimentaire, et il a donc commencé à s'occuper davantage du blé pour assurer sa sécurité alimentaire. Cependant, c'est une industrie qui exige énormément d'eau.
Vous pouvez aussi reconnaître que l'Iran vend de l'électricité à d'autres pays voisins et que votre production d'hydroélectricité a diminué.
Vous avez aussi des problèmes avec le dessalement qu'on essaie de faire en ce moment, où du gaz naturel doit être utilisé pour pomper l'eau jusqu'à des altitudes élevées, et la consommation de ce gaz naturel diminue.
Vous connaissez non seulement une crise de l'eau, mais aussi une crise de stabilisation interne. Au total, 60 % de votre population est âgée de moins de 25 ans, et vos taux de chômage sont élevés. Vous avez aussi fait état de taux d'itinérance élevés. On dit même — et vous l'avez mentionné, et le responsable de votre organisme environnemental en Iran l'a dit — qu'au cours des 25 à 30 prochaines années, plus de 50 millions de personnes pourraient quitter le pays. Cela aura un effet dévastateur sur les pays voisins.
Pourquoi n'analyse-t-on pas cette situation ou ne nous concentrons-nous pas sur celle-ci pas seulement à l'externe, mais aussi à l'interne?
Je tiens à remercier tous les quatre témoins, Mme Ebadi, Mme Alinejad, M. Kowsar et M. Ratcliffe.
S'il y a un fil conducteur ici aujourd'hui, c'est la question de la responsabilisation: pour les femmes qui souffrent sous le régime répressif et sont forcées de porter le hidjab obligatoire; pour les dirigeants iraniens, y compris le corps des Gardiens de la révolution islamique et d'autres hauts dirigeants et juges qui prospèrent et profitent de la corruption avec impunité; pour les prisonniers qui souffrent, comme Nazanin, Maryam Mombeini et tant d'autres; pour les citoyens ayant la double nationalité, les dirigeants religieux, les journalistes, les universitaires, les environnementalistes; pour tous les gens que ce régime a fait souffrir; pour la terreur que l'Iran exporte partout dans le monde, menaçant des millions de personnes, pas juste dans le Moyen-Orient, mais au-delà.
Au Canada, nous devons continuer de réclamer la responsabilisation et la fin de cette impunité, en élevant notre voix comme nous le faisons chaque année en tant que dirigeant par rapport à la résolution sur la situation des droits de la personne en Iran et la répression adoptée par les Nations unies, mais en utilisant aussi les outils juridiques et législatifs à notre disposition: la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, les sanctions Magnitski, comme nous en avons entendu parler ici aujourd'hui; et, bien sûr, la question soulevée plusieurs fois, la liste complète des Gardiens révolutionnaires iraniens comme entité terroriste au Canada.
Ce sont les outils à notre disposition. Comme nous avons entendu tous nos témoins le dire, il est impératif que le Canada continue de tenir le régime iranien responsable.
J'aimerais souligner qu'il y aura deux réunions supplémentaires du Sous-comité des droits internationaux de la personne la semaine prochaine et que nous travaillons avec nos partenaires du Centre Raoul Wallenberg. Un groupe de témoins se réunira cet après-midi.
Chaque année, au Parlement canadien, la Semaine de responsabilisation de l'Iran croît en importance, parce que c'est une triste nécessité — une triste nécessité que nous devions continuer de travailler pour faire en sorte que ce régime soit tenu responsable de ses actes.
J'aimerais remercier nos témoins et mes collègues du Comité.
Cela dit, la séance est levée.